Exploitation numérique des livres (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en procédure accélérée, de la proposition de la loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle.

Discussion générale

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.  - Il y a peu, nous débattions du prix unique du livre numérique. La commission de la culture s'est souvent souciée des effets de cette technique nouvelle sur le fonctionnement de nos bibliothèques. Elle s'est inquiétée de l'entreprise de numérisation de Google. Mais les nouvelles technologies soulèvent aussi des espérances.

Le livre numérique est désormais une réalité. C'est un format natif pour la grande majorité des 654 romans de la rentrée 2011. Les bibliothèques veulent s'engager résolument dans la numérisation. La Bibliothèque nationale de France (BNF) l'a fait avec Gallica et joue un rôle actif dans Europeana. Mais ne sont concernés que les livres publiés entre le xve et le xixe siècle. Cette proposition de loi concerne les livres du xxe qui ne sont pas tombés dans le domaine public et sont indisponibles. La numérisation, seule voie pour faire renaître ce corpus, se heurte à la question des droits. Les dispositions de l'exploitation numérique n'existent que depuis peu dans les contrats. Comment adapter les contrats anciens avec la réalité digitale ? Les éditeurs n'ont pas les moyens de le faire et les bibliothèques, n'étant pas titulaires des droits, ne peuvent négocier. Elles numérisent pour consultation sur place mais cela reste une contrefaçon. Or 500 000 titres demandent à être rendus accessibles. Comment justifier une discontinuité d'un siècle dans le corpus des textes numérisés ?

Il faut trouver une solution juridique innovante. Le droit d'auteur doit être adapté, sans que ses fondements soient remis en cause. Nous proposons ici la gestion collective des droits par une société de perception, avec deux objectifs principaux : permettre à des textes devenus indisponibles de trouver une nouvelle vie tout en replaçant les ayants droit au premier plan de la valorisation des oeuvres, sans attenter nullement aux droits d'auteurs, malgré ce qu'on a pu lire dans certaines gazettes.

Nous voulons que les auteurs et éditeurs se réapproprient leurs droits sur le nouveau modèle de diffusion. Google s'est peu soucié de la question. Si nous adoptons ce texte, la France sera le premier pays à s'être doté d'un tel outil. L'exposé des motifs est simple ; les problèmes juridiques sont complexes, je ne vous le cache pas. Parmi les oeuvres indisponibles, il en est d'orphelines : la recherche des ayants droit doit être sérieuse. De même, le droit moral des auteurs doit être respecté. Ils peuvent ne pas vouloir voir resurgir un texte sous forme numérique. Quid dans ce cas des ayants droit ? Il faudra y réfléchir en cours de navette.

Vu l'importance de ce qu'il s'agit de mettre en place, la procédure accélérée est, cette fois, bienvenue. Il faut que ce dispositif puisse bénéficier des ressources exceptionnelles du Grand emprunt, au plus grand bénéfice des auteurs, des éditeurs, de la culture. (Applaudissements unanimes)

Mme Bariza Khiari, rapporteure de la commission de la culture.  - Les grandes civilisations ont souvent caressé le rêve d'une bibliothèque universelle. Ce rêve est à portée de main. Le numérique ouvre de grands espoirs. L'exploitation numérique des livres indisponibles, cependant, doit préserver les droits des auteurs, ce que Google n'était pas prêt à faire : ni l'entreprise ni les bibliothèques avec lesquelles elle négociait ne disposaient des droits pour les livres protégés du xxe siècle.

Mais, du même coup, bien des oeuvres ne sont accessibles qu'à quelques-uns : on ne peut s'en satisfaire. L'exploitation numérique des livres du xxe a un coût, d'autant que la question des droits est extrêmement épineuse à traiter. La solution ? Constituer un corpus assez large pour être viable, en le faisant gérer par une société ad hoc.

Ce texte prévoit l'instauration d'une gestion collective, gérée paritairement par les représentants des auteurs et des éditeurs, pour le droit d'exploitation. Il s'agit bien d'un transfert de l'exercice du droit d'exploitation mais pas des droits d'auteur. Une liste des livres indisponibles est constituée. Puis, pendant six mois, les auteurs et les éditeurs peuvent choisir de ne pas opter pour les mécanismes de gestion collective. L'auteur peut refuser l'exploitation et exploiter lui-même ou négocier avec l'éditeur. L'éditeur, de même, s'il veut entrer en gestion collective, devra négocier avec l'auteur. Si personne ne s'est manifesté, la société de gestion propose l'exploitation à l'éditeur initial. Si les titulaires des droits sont inconnus, la société de gestion pourra s'adresser au centre de gestion du droit de copie.

Si l'auteur ou l'ayant droit fait constater l'épuisement, il récupère l'intégralité de ses droits ; on ne change rien sur ce point. Si les auteurs ou ayants droit restent inconnus, la société de gestion récupère les droits en gestion collective -selon un modèle qui existe déjà avec la Sofia et le CFC.

Ce modèle économique sera soutenu grâce au Grand emprunt et un accord entre les principaux acteurs. Nos amendements répondent à trois objectifs : mieux protéger les auteurs, tout d'abord ; l'ensemble des ayants droit, ensuite, en s'assurant qu'ils sont effectivement recherchés ; permettre l'exploitation des oeuvres orphelines.

Nous avons examiné ce texte dans un esprit de rassemblement constructif et espérons que le Sénat l'adoptera, modifié par les amendements que la commission a déposés. (Applaudissements)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Vous voudrez bien excuser le ministre de la culture, qui regrette infiniment de ne pouvoir être parmi vous, comme il l'aurait souhaité, se trouvant à Rome pour la signature d'un important accord.

Ce texte, dans son principe, fait l'objet d'opinions convergentes, transpartisanes : une proposition de loi similaire a été déposée à l'Assemblée nationale par M. Gaymard. Je salue le travail des sénateurs sur ce texte, je souhaite que le dialogue constructif engagé aboutisse à un résultat équilibré. Des négociations ont été, depuis longtemps, engagées avec les acteurs, la voie était donc défrichée. Reste que je félicite votre rapporteur de son travail, avec lequel nous sommes, pour l'essentiel, en phase.

Ce climat serein justifie l'engagement de la procédure accélérée, pour s'assurer du vote définitif de ce texte avant la fin de la législature. Merci d'en avoir accepté le principe.

Ce texte répond à notre voeu de développer l'égal accès pour tous à la culture et d'encourager le développement durable du marché numérique. Il y faut un rôle volontariste des États. C'est ce qu'a fait la France. Mais les oeuvres du xxe siècle soulèvent des difficultés particulières : la titularité des droits numériques est difficile à établir et les perspectives de retour sur investissement rendent l'entreprise très risquée. Et 500 000 à 700 000 titres seraient concernés, soit autant que les références aujourd'hui commercialisées par les éditeurs.

La solution proposée par M. Legendre est fine. La gestion collective respecte le droit d'auteur. Les ayants droit peuvent sortir du dispositif, à l'intérieur duquel ils bénéficient du reversement de leurs droits. Les acteurs de la création doivent conserver le contrôle sur l'exploitation de leurs oeuvres. C'est le sens, au reste, de la loi sur le prix du livre numérique. Les lecteurs sont habitués, aujourd'hui, à accéder aux textes via internet. Ils ne peuvent comprendre l'impossibilité d'accéder aux textes du xxe siècle. D'où un risque de piratage.

La numérisation est une tâche qui dépasse les capacités de nos entreprises. Nous pouvons y mettre les moyens du Grand emprunt. D'où de nombreuses discussions avec M. René Ricol. Un protocole a été signé avec les acteurs pour assurer la viabilité de l'entreprise.

Les livres concernés sont à la fois protégés par le droit d'auteur et devenus indisponibles à la vente. La bonne approche était donc le partenariat public-privé (PPP) ; les investissements d'avenir lui fournissent un cadre.

L'enjeu culturel est de première importance. La proposition de loi donne des moyens de long terme. Les crédits alloués par l'État permettront à Gallica de devenir la base de données la plus complète au monde en langue française. Le PPP, côté privé, repose sur l'éditeur. Le droit de préférence à l'éditeur d'origine est légitime : il évite une dépossession au profit des grands opérateurs internet et donne une responsabilité pédagogique à l'éditeur, qui pourra également proposer des offres intéressantes aux bibliothèques. Plutôt qu'une réédition papier, le numérique offre de nouvelles opportunités. Gallimard pourra diffuser son fonds sans craindre la mainmise d'un opérateur tiers.

Restent, cependant, quelques nuances entre nous. Ainsi de votre amendement relatif aux oeuvres orphelines, louable dans l'intention mais dont nous craignons des effets négatifs : introduire toute rémunération n'encouragera pas la diffusion. Même problème pour les oeuvres encore sous droit. Nous y reviendrons. J'espère que la navette permettra d'avancer.

La proposition de loi Legendre, solution exceptionnelle à problème exceptionnel, entre en résonance avec la question du contrat d'édition à l'heure numérique. Qu'il soit bien clair qu'il n'est pas question ici d'y apporter réponse. Ce doit faire l'objet d'une réflexion spécifique qui, déjà bien engagée, doit se poursuivre.

Sous ces quelques réserves, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, pas décisif -suivi de près par la Commission européenne- pour soutenir le numérique dans la créativité et l'innovation. (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman.  - Le livre numérique porte l'espoir d'une large diffusion du savoir. Reste que celle-ci doit se concilier avec les droits d'auteur. La numérisation est aussi porteuse d'importants enjeux économiques, Google l'a bien compris. Le système de l'opt-out que l'entreprise a tenté de mettre en place a été condamné par le juge américain. Quant à la Commission européenne, elle travaille à une proposition de directive sur les seules oeuvres orphelines.

Ce texte s'attaque à une question plus vaste, celle des oeuvres indisponibles.

Il faut, cependant, préciser la définition. Le code précise qu'il s'agit des oeuvres épuisées. Ce qui peut entraîner la récupération des droits par l'auteur. Or la nouvelle définition ici proposée pourrait la rendre impossible.

Ce texte s'inscrit dans la logique de l'opt-out. Les garanties sont insuffisantes. Voyez les garanties apportées au droit de représentation : il y faut le consentement exprès de l'auteur. Vous ouvrez donc ici une exception.

Les auteurs et éditeurs ne seront pas informés : il leur appartiendra de s'informer eux-mêmes de l'inscription au registre des oeuvres indisponibles. C'est un problème. Dès lors que le contrat d'édition ne prévoit rien sur la diffusion numérique, il n'est pas normal que l'absence d'information puisse conduire à léser l'auteur.

Cette proposition de loi utile présente toutefois, en l'état, des insuffisances. Nous la voterons si nos amendements relatifs à la protection des auteurs et aux oeuvres orphelines sont adoptés. On peut néanmoins s'interroger sur sa portée, dès lors que les éditeurs ont fini par signer avec Google. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Ce texte contribuera à élargir la société de la connaissance. Il est de et dans son temps, et pour demain. Mes compliments à son auteur, à notre rapporteure pour son implication, à tous nos collègues attentifs à l'évolution de notre société. C'est l'évolution des pratiques qui doit nous guider.

Les livres sont faits pour être lus. A cette lapalissade, j'ajoute qu'ils sont aussi faits pour être diffusés. Il fallait combler le vide juridique concernant les 500 000 à 800 000 ouvrages indisponibles du xxe siècle. Le législateur devait également réglementer le secteur pour préserver notre patrimoine. Les solutions préconisées s'inscrivent dans les traditions de notre commission et la gestion paritaire retenue protège les auteurs, souci constant de la commission.

La question des oeuvres orphelines est traitée : des mesures concrètes de recherche sont prévues. Une partie des droits sera consacrée à des opérations de promotion de la lecture : c'est une bonne chose. Existaient déjà un certain nombre de projets de numérisation qui bénéficient du soutien de l'État. Mais ici, il s'agit d'une réponse politique commune, qui traduit notre volonté de maîtriser et diffuser notre patrimoine dans le sens de l'intérêt général, en préservant les auteurs.

Je soutiendrai ce texte et me réjouirai qu'il aboutisse avant la fin de la législature. (Applaudissements)

Mme Marie-Annick Duchêne.  - L'exploitation numérique des livres est devenue réalité, même si elle reste encore marginale : le marché représentait, fin 2010, tout au plus 1,8 % du chiffre d'affaires de l'édition. Mais les innovations techniques, la baisse des prix, l'intérêt des leaders mondiaux pour le marché français contribuent à l'essor du livre numérique.

Le président de la République a confirmé la baisse de la TVA sur le livre numérique, au taux réduit de 7 %. Cela encouragera la consommation de ce type de livre. Un certain nombre de livres du début du xxe siècle sont tombés dans le domaine public ; beaucoup n'ont pas été réédités et ne seraient disponibles qu'en numérique, qui leur offrirait une deuxième vie.

Le xxe siècle fut une période d'intense activité créatrice. Il serait regrettable que de nombreux ouvrages, devenus indisponibles, tombent dans l'oubli. La France mène donc une politique qui allie protection des auteurs et ouvertures aux nouvelles technologies. La BNF s'est lancée dans la numérisation très tôt, avec les livres tombés dans le domaine public.

La solution juridique actuelle serait que les éditeurs modifient les contrats passés tout au long du xxe siècle pour les adapter au numérique. Ce n'est évidemment pas envisageable pour des raisons de coût et de temps. La proposition de loi crée donc un mécanisme de gestion collective.

Le droit des auteurs doit être préservé. Les solutions préconisées par la commission nous conviennent : un mécanisme de gestion collective sera créé, comme pour les droits d'auteur sur la photocopie. Cette société bénéficiera du transfert de l'exercice des droits et serait gérée paritairement par les auteurs et les éditeurs. Une liste de livres indisponibles sera constituée ; ensuite, pendant une période de six mois, les auteurs et les éditeurs pourront décider s'ils veulent de cette gestion collective. Un droit d'opposition ou de retrait est créé en faveur des auteurs et éditeurs titulaires de droits sur l'oeuvre.

Le dispositif ne concerne que certaines oeuvres : celles qui, ayant fait l'objet d'une publication sous la forme livre avant le 31 décembre 2000, sont commercialement indisponibles ; elles devront également être inscrites sur un répertoire public.

La société de gestion aura une obligation de moyens pour rechercher et identifier les titulaires de droit des oeuvres orphelines dès que l'exploitation des droits procure un revenu ; dans ce cas, les oeuvres ne resteront pas longtemps orphelines...

J'approuve l'amendement de Mme la rapporteure selon lequel une partie des fonds qui ne pourront être répartis seront consacrés à l'aide à la lecture publique. La littérature fait partie du patrimoine culturel français. Nous devons veiller à préserver et diffuser notre patrimoine littéraire tout en protégeant les droits des auteurs et éditeurs. Le dispositif de gestion collective évitera le développement des contentieux. Les oeuvres numériques cannibalisent les livres papier aux États-Unis. Il faut y prendre garde dans notre pays.

Enfin, la France sera le premier pays au monde à donner une réponse au problème des oeuvres indisponibles. Notre groupe s'en félicite. (Applaudissements)

Mme Dominique Gillot.  - Il est des domaines où le public doit contenir le privé. C'est le cas de la culture. Face à l'emprise des acteurs privés, les pouvoirs publics doivent réagir, en permettant l'accès de tous aux oeuvres littéraires. Le culturel doit l'emporter sur le marchand. Cette proposition de loi tombe à point. L'édition est la première industrie créative mais avec le développement des liseuses et des tablettes, la lecture est en profonde mutation.

De grands acteurs privés ont saisi la balle au bond : Google dit vouloir rendre la culture accessible à tous mais on ne peut ignorer ses intérêts commerciaux ni sa volonté monopolistique derrière ce beau projet messianique.

Cette proposition de loi est examinée plus tôt que nous ne le pensions mais, face à la rapidité des évolutions, mon groupe a tenu à travailler rapidement. Ce débat est essentiel.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Très bien !

Mme Dominique Gillot.  - La proposition de loi part du constat que sont disponibles en numérique soit les oeuvres littéraires publiées après le 1er janvier 2000 qui font l'objet d'un double contrat d'édition, papier et numérique ; soit des oeuvres qui ne sont plus protégées par le droit d'auteur, publiées entre le XVe siècle et le début du XXe. Il existe ainsi un vide regrettable pour les oeuvres du XXe encore protégées par le droit d'auteur mais pour lesquelles les contrats n'ont pas prévu d'exploitation numérique.

Cette proposition de loi évite le risque de monopole, qui limiterait l'accès à certaines oeuvres ; elle facilite la préservation de notre patrimoine en évitant une hiérarchisation des oeuvres pour des motifs financiers et la disparition de certains titres. La vie numérique n'est pas éternelle, Google peut fermer Google Books ou faire faillite...

Le dernier enjeu est financier. Comme pour la musique et le cinéma, le numérique fait peser des risques sur le livre. Le Grand emprunt a dédié 750 millions d'euros à la numérisation des livres ; il fallait une base juridique à l'accord de février 2011, qui permet l'exploitation numérique de 500 000 livres du XXe siècle, protégés mais non commercialisés. La numérisation se fera à partir de Gallica. Le pari est fait de la viabilité économique du modèle -celui de la longue traîne. Le mode de relation entre les auteurs et les éditeurs devra être défini par le décret d'application.

Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. Elle assure la sécurité juridique sans créer de nouvelles exceptions, propose un dispositif équilibré entre auteurs, éditeurs et public. Les auteurs auront l'opportunité d'être lus, sans que leur droit moral soit remis en cause -ils peuvent refuser la numérisation- et seront protégés contre les pratiques de certains éditeurs. Ces derniers, quant à eux, pourront exploiter des oeuvres épuisées. Le public, enfin, pourra découvrir des oeuvres dont il est privé aujourd'hui.

Quelques réserves, néanmoins : les oeuvres orphelines et les oeuvres indisponibles ne semblent pas suffisamment distinguées. La recherche des ayants droit doit être avérée et sérieuse ; les pouvoirs publics devront contrôler que c'est bien le cas. L'alinéa de l'article premier relatif à l'organisme chargé de créer la base de données publiques est plutôt flou ; comment sera assurée la publicité de la base ? Quelle sera la responsabilité de la BNF ?

Dans l'accord-cadre, la plate-forme n'est pas définie. Quid des moyens de fonctionnement ? Nous y veillerons. Le groupe socialiste sera attentif à ce que la répartition des droits entre auteurs et éditeurs soit équitable. Quel sera le prix du livre numérisé ? Comment seront rémunérés tous les maillons du circuit ?

Le groupe socialiste est attentif à la situation des bibliothèques publiques, dont le fonctionnement dépend des collectivités territoriales. Pourront-elles proposer des livres numérisés ? Nous insistons sur la promotion de la lecture publique et le soutien aux structures d'animation qui donnent accès à la lecture au public le plus large. Nous souhaitons que cette loi fasse l'objet d'un suivi précis.

L'accès le plus ouvert à la culture la plus large est un moteur du désir humain. Jorge Luis Borges, dans La bibliothèque de Babel, écrit qu'après le « bonheur extravagant » lié à l'annonce de la bibliothèque universelle « succéda une dépression excessive. La certitude que quelque étagère [:..] enfermait des livres précieux, et que ces livres précieux étaient inaccessibles, sembla presque intolérable ». Cette proposition de loi offre un nouveau cadre qui permettra le développement de la société de l'information et de la connaissance, d'un internet transparent, respectueux des droits des auteurs, porteur de croissance, d'emplois et de diffusion de la culture. (Applaudissements)

M. André Gattolin.  - Je me félicite de l'initiative de la commission de la culture. Il est urgent de combler ce trou noir de la numérisation du patrimoine écrit. Si le vieux rêve de la bibliothèque universelle retrouve, avec le numérique, une force nouvelle, encore faut-il que chaque acteur de la transformation sociale y trouve son compte.

Nous devons donc garantir les équilibres socio-économiques de ceux qui s'engagent dans cette voie. Les éditeurs devront être rémunérés sous forme de droits. N'oublions pas que l'auteur ne fait « autorité » que s'il est édité. L'éditeur n'est pas qu'un entrepreneur, il a sa place dans la création. Il convient en revanche de bien évaluer son rôle dans le numérique, domaine où les frais sont singulièrement réduits. Nous vous présenterons un amendement pour garantir aux auteurs une rémunération au moins égale à celle des éditeurs.

D'autres acteurs sont tout aussi importants, comme les lecteurs et les bibliothèques. Il ne faut pas qu'ils soient les laissés pour compte de l'évolution technologique. Nous souscrivons à l'amendement de Mme la rapporteure, qui prévoit que les sommes non réparties iront aux acteurs de la promotion de la lecture publique. En définitive, cette proposition de loi répond aux défis de l'heure. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéas 1 à 3

Rédiger ainsi ces alinéas

Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV : Dispositions particulières relatives à l'exploitation numérique des livres indisponibles »

« Art. L. 134-1. - On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre, un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur sous une forme imprimée ou numérique. 

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Cet amendement précise la définition de la notion de « livre indisponible », qui intègre notamment ceux que l'on trouve encore sur le marché de l'occasion.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°16 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

relative aux oeuvres indisponibles

par les mots :

, mise à disposition par un service de communication au public en ligne, qui répertorie les livres indisponibles

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Cet amendement assure une publicité réelle à la liste des oeuvres indisponibles en imposant sa mise à disposition au public sur internet.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Cette précision est utile. Favorable.

L'amendement n°17 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 4

1° Deuxième phrase :

Rédiger ainsi cette phrase :

La Bibliothèque nationale de France veille à son actualisation et à l'inscription des mentions prévues aux articles L. 134-4, L. 134-5 et L. 134-6.

2° Dernière phrase :

Supprimer cette phrase.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Cet amendement spécifie que la Bibliothèque nationale de France est responsable de la gestion de la liste des livres indisponibles.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Le Gouvernement est tout à fait favorable, même si un décret était possible.

L'amendement n°18 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

de l'oeuvre

par les mots :

d'un livre

L'amendement de coordination n°19, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-3. - I. - Lorsqu'un livre est inscrit dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2 depuis plus de six mois, le droit d'autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III de la présente partie agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« Sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 134-5, la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée qui ne peut excéder cinq années. 

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Cet amendement, qui ne modifie pas le mécanisme de la proposition de loi, fixe le principe selon lequel la reproduction et la représentation du livre sous sa forme numérique sont autorisées à titre non exclusif et pour une durée de cinq ans.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

un an

Mme Cécile Cukierman.  - Le délai de six mois est trop court ; il faut donner le temps aux éditeurs et auteurs de savoir et de s'opposer s'ils le souhaitent.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Ce délai est effectivement court, mais toutes dispositions sont prises pour qu'il soit suffisant.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Favorable à l'amendement n°20 et défavorable à l'amendement n°9, les six mois sont suffisants.

Mme Cécile Cukierman.  - Je maintiens mon amendement mais je voterai celui de la commission.

L'amendement n°20 est adopté.

L'amendement n°9 tombe.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« II.  -  Au plus tard quinze jours avant l'inscription d'une oeuvre indisponible sur la base de données, la société de perception et de répartition des droits en informe par écrit les éditeurs et les auteurs de l'oeuvre.

« III.  -  Les oeuvres orphelines telles que définies par l'article L. 113-10 du code de la propriété intellectuelle, ne peuvent être inscrite sur la base de données qu'après des recherches avérées et sérieuses entreprises par la société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III, en vue de déterminer, localiser ou joindre le ou les titulaires des droits de l'oeuvre.

Mme Cécile Cukierman.  - Après le vote des amendements nos17 et 18, je le retire.

L'amendement n°10 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

mentionnés au premier alinéa

par les mots :

dont elles ont la charge

L'amendement rédactionnel n°21, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, lorsqu'elle représente les intérêts des auteurs et des éditeurs parties au contrat d'édition

Mme Bariza Khiari.  - Nous traitons le cas spécifique des sociétés de gestion représentant les droits des auteurs des oeuvres visuelles présentes dans les livres, photos ou dessins, qui ne doivent pas être assujetties à l'obligation de représentation paritaire.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°22 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe SOC-EELVr.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° De la présence de représentants des utilisateurs ;

Mme Dominique Gillot.  - Cet amendement tend à prévoir une représentation des utilisateurs au sein de la société agréée pour gérer l'exploitation des oeuvres indisponibles sous forme numérique.

La notion d'utilisateur peut sembler surprenante ; je vise les consommateurs de livres, les élèves, les bibliothèques, les services d'archives, les universités. Il serait logique qu'ils aient un droit de regard sur l'attribution des licences d'exploitation.

Mme Bariza Khiari, rapporteur.  - Je comprends l'intention de l'auteur de l'amendement mais nous avons opté pour la présence d'un commissaire du Gouvernement. Retrait.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Les sociétés de perception sont des sociétés civiles. L'introduction de tels représentants est contraire à leur essence même. Retrait.

M. David Assouline, vice-président de la commission.  - Je comprends le souhait de Mme Gillot. Mais les sociétés de gestion des droits des auteurs ont toutes la même composition. En outre, il n'est pas possible de représenter tous les consommateurs et ce n'est pas l'objet de ces sociétés. Ne déstabilisons pas ce texte.

Mme Dominique Gillot.  - Je ne veux pas jouer les trouble-fête mais je veux que soit faite une distinction entre le secteur marchand et le secteur culturel. Je ne voudrais pas que la nouvelle vie des oeuvres se fasse au détriment des utilisateurs publics, comme les universités, qui contribuent à former le lectorat.

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.  - Nous avons déjà parlé de cette question et avons soigneusement encadré le texte pour nous assurer que le commissaire du Gouvernement prendra bien en compte vos préoccupations.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe SOC-EELVr.

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le montant des sommes perçues par un auteur au titre d'un livre ne peut être inférieur au montant des sommes perçues par l'éditeur ;

Mme Dominique Gillot.  - Cet amendement vise à garantir aux auteurs une rémunération au moins égale à celle versée à leurs éditeurs. Il s'agit de sécuriser la situation des auteurs. Les parties pourront négocier entre elles.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Je partage votre inquiétude. Favorable.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Avis défavorable.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Ce n'est pas à la loi de prendre de telles décisions. Les auteurs et les éditeurs étant à parité dans la société, votre préoccupation sera certainement prise en compte.

L'amendement n°4 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 14

Remplacer les mots :

pour identifier et retrouver les titulaires de droits

par les mots :

afin d'effectuer des recherches avérées et sérieuses permettant d'identifier et de retrouver les titulaires de droits

Mme Bariza Khiari, rapporteur.  - Cet amendement vise à renforcer les obligations des sociétés de gestion agréées ; elles devront se donner les moyens d'effectuer des recherches avérées et sérieuses afin d'identifier et de retrouver les ayants droit des livres indisponibles.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Précision utile.

L'amendement n°23 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« IV. - Un commissaire du Gouvernement participe aux assemblées délibérantes de la ou des sociétés agréées. Il s'assure notamment que les recherches avérées et sérieuses de titulaires de droits ont bien été menées.

Mme Bariza Khiari, rapporteur.  - Cet amendement a pour objet de renforcer le contrôle sur les sociétés agréées en prévoyant la présence d'un commissaire du Gouvernement au sein de leur conseil d'administration, de leur directoire ou de leur assemblée générale. Il aura notamment pour rôle de s'assurer que les recherches des ayants droit sont effectivement menées à bien. Vous êtes en partie satisfaite, madame Gillot.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Nous retrouvons l'unanimité ! Le commissaire prendra en compte les intérêts des ayants droit.

L'amendement n°24 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 134-4. - I. - L'auteur ou l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d'un livre indisponible peut s'opposer à l'exercice du droit d'autorisation mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 134-3 par une société de perception et de répartition des droits agréée. Cette opposition est notifiée par écrit à l'organisme mentionné au premier alinéa de l'article L. 134-2 au plus tard six mois après l'inscription du livre concerné dans la base de données mentionnée au même alinéa.

Mme Bariza Khiari, rapporteur.  - Cet amendement rédactionnel renforce la possibilité pour les auteurs de ne pas intégrer le système de gestion collective en indiquant par avance, avant même l'inscription de l'un de leurs livres dans la base de données des livres indisponibles, qu'ils s'opposent à l'exercice du droit d'autorisation d'exploitation par les SPRD. Les auteurs pourront donc exprimer leur opposition bien avant l'inscription sur une liste.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéa 16, seconde phrase

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

un an

Mme Cécile Cukierman.  - Je maintiens cet amendement par cohérence intellectuelle, mais je connais la réponse...

M. Patrick Ollier, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°25 et défavorable à l'amendement n°11.

L'amendement n°25 est adopté.

L'amendement n°11 tombe.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Après l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, l'auteur d'un livre indisponible peut s'opposer à l'exercice du droit de reproduction ou de représentation de ce livre si la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. Ce droit est exercé sans indemnisation.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Afin de protéger les auteurs, cet amendement leur permet d'exercer à tout moment leur droit d'empêcher l'exploitation d'un de leurs ouvrages qui pourrait nuire à leur honneur ou à leur réputation, sans contrepartie financière à l'éditeur.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Avis favorable à cet amendement qui protège les auteurs.

L'amendement n°26 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Après l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, l'héritier de l'auteur d'un livre indisponible peut, si la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation, demander l'insertion de l'expression de son désaccord sur le contenu du livre. Ce droit est exercé sans indemnisation et dans des conditions définies par décret. 

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - En commission, j'ai été isolée sur cette question. Des oeuvres peuvent en effet nuire à la réputation des ayants droit. S'ils ont laissé passer le délai de six mois, ils pourront demander l'insertion d'un texte, par exemple une postface, pour exprimer leur désaccord.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Le Gouvernement est bien ennuyé. La rédaction de cet amendement reste encore bien incertaine. La réflexion doit se poursuivre au cours de la navette.

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.  - Nous comprenons tous l'intention de notre rapporteure. Les auteurs pourront ne pas vouloir une nouvelle publication de leur oeuvre mais de là à donner le droit à des ayants droit de dire tout le mal qu'ils pensent de l'auteur pose problème.

L'honneur de Céline ne s'est sans doute jamais remis après Bagatelles pour un massacre, mais ce n'est pas à un descendant éloigné de dire s'il faut ou non rééditer. Et l'opinion publique jugera.

Je suis en tout cas heureux que nous ayons ce débat en séance publique.

Mme Cécile Cukierman.  - Cette proposition est louable mais peut devenir dangereuse. Le législateur n'a pas à se mêler des problèmes familiaux de cette sorte... Laissons les auteurs maîtres de leurs oeuvres, libre aux ayants droit de s'exprimer librement par d'autres voies. La réflexion doit se poursuivre.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Ce qui a été dit a été dit, l'Histoire est l'Histoire. On ne peut la déformer. Cet amendement est à la limite : il autorise presque la contrefaçon historique.

Mme Dominique Gillot.  - Donner un droit d'atteinte à l'oeuvre après la disparition de l'auteur me paraît excessif. C'est par le débat contradictoire dans l'opinion que l'histoire se construit ; et quelle définition donner de l'honneur et de la réputation au fil des années ? Je suis défavorable à l'amendement.

M. David Assouline, vice-président de la commission.  - La question est aussi celle de la nature de l'oeuvre. Comment associer à la mise à disposition de l'oeuvre le droit de s'exprimer pour les ayants droit ? N'oublions pas qu'ils ont six mois pour exprimer leur désaccord sur la publication. D'autant que le numérique, internet, donne des moyens plus larges que la seule édition papier pour prendre ses distances si on le souhaite. J'aimerais mieux que l'amendement fût retiré.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Les ayants droit disposent-ils, au-delà d'un droit financier et juridique, d'un droit intellectuel ? Imaginez un héritier de Picasso affichant son appréciation à côté d'un tableau...

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Je retire l'amendement. Mais le débat est intéressant et il doit se poursuivre. Il ne s'agit pas d'un droit intellectuel mais moral, monsieur le ministre.

L'amendement n°27 est retiré.

M. le président. - Amendement n°28, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 18

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - L'éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d'exploiter dans les deux ans suivant cette notification le livre indisponible concerné. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l'exploitation effective du livre à la société agréée en vertu de l'article L. 134-3. A défaut d'exploitation du livre dans le délai imparti, la mention de l'opposition est supprimée dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2 et le droit d'autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Cet amendement tend à faire de la SPRD l'interlocuteur unique des éditeurs, s'agissant des preuves que ceux-ci doivent apporter de l'exploitation effective des livres indisponibles : ce n'est pas la mission de la BNF.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Le Gouvernement est favorable : le contrôle sera plus efficient.

L'amendement n°28 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe SOC-EELVr.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'exploitation de l'oeuvre dans les conditions prévues au présent article ne préjuge pas de l'application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

Mme Dominique Gillot.  - L'obligation faite à l'éditeur d'assurer l'exploitation et la diffusion d'une oeuvre qu'il a éditée ainsi que les conditions de rupture et de résiliation du contrat d'édition s'appliquent même dans le cadre de l'exploitation obligatoire pendant deux ans, découlant de l'opposition de l'éditeur de confier l'exploitation numérique à une société de répartition des droits. Il s'agit d'éviter que l'exploitation numérique n'interfère avec les droits attachés à l'édition papier.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Clarification pertinente. La commission est favorable.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je comprends ce souci mais le code de la propriété intellectuelle s'applique de plein droit. Sagesse.

L'amendement n°5 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 134-5. - A défaut d'opposition notifiée par l'auteur ou l'éditeur à l'expiration du délai prévu au I de l'article L. 134-4, la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction et de représentation sous une forme numérique d'un livre indisponible à l'éditeur disposant du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimée.

L'amendement de coordination n°29, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 21

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf dans le cas mentionné à l'article 134-8

II.  -  Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-... - Si aucun titulaire du droit de reproduction d'un livre sous une forme imprimée autre que l'éditeur n'a été trouvé dans un délai de dix années après la délivrance de la première autorisation d'exploitation dudit livre indisponible sous une forme numérique, la reproduction et la représentation de ce livre sous une forme numérique est autorisée par la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 à titre gratuit et non exclusif.

« L'exploitation de ce livre sous une forme numérique est gratuite.

« L'auteur ou l'éditeur titulaire du droit de reproduction de ce livre sous forme imprimée peut recouvrer à tout moment le droit exclusif de reproduction et de représentation de ce livre sous forme numérique, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Cet amendement vise à traiter le cas des livres indisponibles pour lesquels aucun ayant droit n'a été trouvé après dix ans de recherches avérées et sérieuses menées par la société de gestion.

Cette société autorisera l'exploitation de ces ouvrages à titre gratuit et non exclusif. Tout utilisateur pourra ainsi numériser les livres indisponibles concernés et les exploiter. Il le fera à titre gratuit.

Cet amendement ouvre la possibilité aux bibliothèques de mettre à la disposition du public de nombreuses oeuvres indisponibles.

Les ayants droit qui se feraient connaître auprès de la société de perception et de répartition des droits après ces dix ans pourraient récupérer l'intégralité de leurs droits.

Ce couperet des dix ans poussera éditeurs et sociétés de gestion à faire les recherches indispensables. Cet amendement à reçu l'avis favorable de la commission.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Le Gouvernement salue l'esprit généreux de l'amendement mais ne peut être favorable.

Mettre à la disposition du plus grand nombre, via les bibliothèques, ces oeuvres, soit ; mais elles ont un éditeur qui sera privé de droits. Le régime sera plus strict que pour les livres tombés dans le domaine public. J'ajoute qu'en imposant la gratuité de certains livres, on les condamne peut-être à l'isolement. Et l'on risque de favoriser sur internet des pratiques qui enrichiraient, via la publicité payante sur les sites, les diffuseurs, allant à l'encontre de votre objectif. Je vous demande de retirer cet amendement pour y travailler plus avant. A défaut, rejet.

Mme Dominique Gillot.  - Il faut revenir au texte de l'amendement : des recherches effectives auront eu lieu, pendant dix ans. Il serait regrettable, si aucun ayant droit n'a été trouvé après dix ans, de laisser tomber ces textes dans l'oubli. Sans compter que la nouvelle vie de l'ouvrage, un prix littéraire, par exemple, pourraient réveiller les ayants droit...

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.  - Nous avons eu un débat en commission. J'ai accepté cet amendement au bénéfice de l'intention louable de publier. Mais les arguments du Gouvernement sont forts : si l'éditeur ne peut rien espérer, sera-t-il incité à éditer ?

Je n'ai pas, pour l'heure, de solution à apporter mais je crois qu'il faut poursuivre la réflexion.

M. Jean-Pierre Plancade.  - J'irai dans le même sens. S'il n'y a pas d'intérêt à éditer...

Mme Dominique Gillot.  - L'intérêt intellectuel !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Veut-on prendre le risque de livrer ces oeuvres à l'oubli ?

M. David Assouline.  - Nous sommes là à un point d'équilibre. On a voulu avancer rapidement sur ce texte, sans braquer personne. Mais ne pas adopter cet amendement serait entamer ce consensus.

Votre premier argument, le risque de désintérêt des éditeurs, ne tient pas : ils auront dix ans d'exploitation devant eux, grâce à ce que nous aurons voté. Les bibliothèques et les opérateurs privés -que nous connaissons bien- n'hésiteront pas une seconde à éditer le livre numériquement.

La disparition des droits d'auteurs ? Mais ces ouvrages, précisément, n'ont ni auteurs ni ayants droit. Il est légitime que le grand public puisse accéder à ces oeuvres. On poursuit ici l'intérêt général, qui doit s'imposer sur le particulier.

Dernière objection : on imposerait une gratuité que l'on n'impose pas au domaine public. Mais pour les oeuvres du domaine public, les éditeurs n'ont pas dix ans d'exploitation pour assurer leur rémunération. L'amendement est vertueux. Rien n'interdit au Gouvernement d'imposer la vertu à tout le secteur et de déposer un amendement pour imposer la gratuité à dix ans sur les oeuvres du domaine public...

Le groupe de travail qui réfléchit à l'adaptation des contrats au numérique progresse. Vous recevrez ses conclusions. En CMP, nous pourrons en tenir compte.

J'y insiste, monsieur le ministre : quand un texte est porté par un consensus, il est plus fort. Vous savez que de toute façon, cet amendement sera adopté mais acceptez ce que je viens de vous suggérer.

M. Claude Dilain.  - Dans ce domaine, heureusement, l'intérêt économique n'est pas le seul. Bien des éditeurs publient en sachant pertinemment qu'ils ne s'y retrouveront pas. Heureusement car sinon, bien des philosophes et poètes n'auraient pas été lus !

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voulons, dans cette rencontre entre les textes et leurs lecteurs, instituer des garde-fous, des garanties. Cet amendement est l'aboutissement d'une réflexion collective de notre commission, je le voterai et souhaite qu'il le soit largement.

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.  - J'ai suivi la position commune de la commission ce matin : je ne m'en désolidariserai pas. Je dis seulement que certains arguments du ministre méritent considération. Je souhaite que la navette ne soit fermée à rien, pour aboutir à un texte le plus opérationnel possible. Cela dit, je voterai l'amendement.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Moi de même, mais sans mettre son adoption en balance avec l'ensemble du texte. Il faut garder la mesure.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je n'ai pas dit que cet amendement était vertueux mais qu'il était généreux. Maintenant, mettre en balance l'adoption de la loi avec cet amendement me paraît excessif. La numérisation est très onéreuse. L'exploitation à long terme garantit l'intérêt des acteurs économiques : ne les décourageons pas sinon, qui fera le travail ? Il serait paradoxal de favoriser l'introduction de ces produits -je m'adresse à la gauche de cet hémicycle- sur certains sites qui en tireront, indirectement, des bénéfices financiers.

Mme Dominique Gillot.  - Limitons le droit de diffusion aux bibliothécaires : les choses seront claires. (M. Jean-Pierre Plancade approuve)

Mme Bariza Khiari, rapporteur.  - Je souhaite que nous mettions aux voix cet amendement et que le travail puisse se poursuivre à l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Examinons d'abord le sous-amendement de Mme Gillot.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Ne marchandons pas : je ne souhaite rien d'autre qu'une bonne loi. Les risques que comporte l'amendement m'interdisent de lui donner un avis favorable. N'oublions pas que la publicité est l'or de l'internet.

On ne peut pas décider de la manière dont les bibliothèques publiques pourraient être concernées au détour d'un amendement. Et ne m'objectez pas, monsieur Assouline, des arguments politiciens. Je vous propose de réfléchir à une solution mais maintiens mon avis défavorable.

M. David Assouline.  - Vous voulez, contre notre gré, vous atteler absolument à l'encadrement de Google. Mais la question n'est pas là. Les enjeux économiques sont gigantesques. Il faut passer par une grande loi pour rechercher des moyens grâce à la taxation de la publicité.

Ici, notre volonté est de démocratisation. Vous m'objectez que si tout le monde peut diffuser, Google le fera aussi, contre rémunération, en somme, sous forme de publicité. Mais c'est là un sujet qui déborde largement le livre, objet de ce texte.

Encore une fois, il faudra réguler bien au-delà. Je ne vous fais pas un chantage : je vous demande que cet amendement ne passe pas à la trappe au cours de la navette.

L'amendement n°34 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 23

Rédiger ainsi cet alinéa :

« À défaut d'opposition de l'auteur apportant par tout moyen la preuve qu'il est le seul titulaire du droit de reproduction d'un livre sous une forme imprimée, l'éditeur ayant notifié sa décision d'acceptation est tenu d'exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, le livre indisponible concerné. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l'exploitation effective du livre.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Cet amendement a pour objet de permettre aux auteurs de sortir à tout moment un livre indisponible du système dit « du droit de préférence » des éditeurs, s'ils démontrent qu'ils détiennent l'intégralité des droits d'exploitation du livre en question.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéa 23, première phrase

Supprimer les mots :

apportant par tout moyen la preuve de la fin du contrat d'édition visé au premier alinéa

Mme Cécile Cukierman.  - Mon amendement va dans le même sens. Je le retire.

L'amendement n°13 est retiré.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Favorable. La précision est utile.

L'amendement n°30 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 24

Après les mots :

à l'alinéa précédent

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées par la société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3.

L'amendement de coordination n°31, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéa 25

Après les mots :

les conditions prévues

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3 est considéré comme éditeur de livre numérique au sens de l'article 2 de la loi n°2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

L'amendement de coordination n°32, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article s'applique sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 121-4. »

Mme Cécile Cukierman.  - Il faut que l'auteur bénéficie du droit de retrait, tel que prévu pour l'édition papier.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Favorable à l'amendement rectifié. La précision est utile.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Le Gouvernement est défavorable. L'article visé implique que le droit de retrait peut s'exercer à tout moment. J'ajoute que l'amendement pourrait contrevenir à l'exercice du droit moral qui, n'étant pas mentionné ici, pourrait être compris, a contrario, comme limité.

L'amendement n°14 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Alinéas 27 à 31

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-6. - L'auteur et l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d'un livre indisponible notifient conjointement à tout moment à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 leur décision de lui retirer le droit d'autoriser la reproduction et la représentation dudit livre sous forme numérique.

« L'auteur d'un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 le droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique, s'il apporte la preuve qu'il est le seul titulaire des droits définis au même article. Il lui notifie cette décision.

« Mention des notifications prévues aux premier et deuxième alinéas est faite dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2.

« L'éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d'exploiter le livre concerné dans les dix-huit mois suivant cette notification. Il doit apporter à la société de perception et de répartition des droits, par tout moyen, la preuve de l'exploitation effective du livre.

« La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d'exploitation du livre concerné des décisions mentionnées aux premier et deuxième alinéas. Les ayants droit ne peuvent s'opposer à la poursuite de l'exploitation dudit livre engagée avant la notification pendant la durée restant à courir de l'autorisation mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Cet amendement vise à clarifier la procédure de sortie du système de gestion collective par les auteurs seuls, ou par les éditeurs et les auteurs conjointement

M. Patrick Ollier, ministre.  - L'amendement ne modifie pas le mécanisme de sortie mais en facilite la compréhension. Favorable.

Mme Dominique Gillot.  - J'ai pensé à un droit d'appel des auteurs qui s'estiment oubliés dans la liste de référence des ouvrages indisponibles à numériser. Je n'ai pu déposer d'amendement mais je le signale !

L'amendement n°33 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe SOC-EELVr.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 113-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-10.  - L'oeuvre orpheline est une oeuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses.

« Lorsqu'une oeuvre a plus d'un titulaire de droits et que l'un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n'est pas considérée comme orpheline. »

Mme Dominique Gillot.  - Cet amendement tend à insérer dans le code de la propriété intellectuelle une définition globale de l'oeuvre orpheline, afin de combler un vide juridique préjudiciable aux auteurs.

Certaines oeuvres ne peuvent être attribuées à un auteur précis. Comment, dans ces conditions, faire en sorte que personne ne soit lésé ? Je reprends la définition qui avait fait l'unanimité de la commission il y a un an, car la proposition de loi sur les oeuvres orphelines n'a toujours pas été adoptée.

Cette rédaction respecte la directive européenne, qui prévoit que dès lors qu'un auteur, parmi plusieurs, est identifié, l'oeuvre n'est plus réputée orpheline. Un régime ad hoc s'impose afin que les oeuvres orphelines fassent l'objet d'une gestion conservatoire satisfaisante.

M. le président.  - Amendement identique n°8 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Mme Cécile Cukierman.  - Je suis Mme Gillot.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Faut-il intégrer ici des dispositions sur les oeuvres orphelines ? Parce qu'il est nécessaire d'inclure ces mentions dans le code, avis favorable aux deux amendements.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Avis défavorable. Nous sommes là hors sujet par rapport à la proposition de loi et la commission à l'Assemblé nationale est stricte sur ce point... Mais surtout, il existe une proposition de directive et la transposition sera l'occasion d'adopter une définition commune aux pays d'Europe, donc plus sûre juridiquement. Ces amendements ne sont pas opportuns.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Nous attendons cette directive depuis quatre ans ; la transposition risque de prendre autant de temps ! L'amendement en reprend les termes.

Les amendements identiques nos1 rectifié et 8 rectifié sont adoptés. L'article additionnel est inséré.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe SOC-EELVr.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 7° de l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La reproduction et la représentation par les bibliothèques, services d'archives, centres de documentation et espaces culturels ouverts au public en vue d'une consultation strictement personnelle de l'oeuvre par les utilisateurs. » ;

2° Les deuxième et cinquième alinéas sont supprimés ;

3° Aux troisième et quatrième alinéas, les mots : « des personnes morales et » sont supprimés.

Mme Dominique Gillot.  - Cet amendement tend à introduire une exception au droit des auteurs d'autoriser la reproduction de leurs oeuvres, au profit d'établissements ouverts au public, concourant à la promotion de la lecture publique, afin que les bibliothèques en particulier puissent numériser et reproduire des ouvrages et les diffuser. Ces établissements sont d'intérêt public ; ils luttent contre l'illettrisme. Il ne s'agit bien sûr pas de spolier les auteurs mais d'aider les bibliothèques à assumer leur mission.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Les deux exceptions qui existent actuellement visent la reproduction au profit des handicapés et celle effectuée pour sauvegarder des oeuvres. Cette nouvelle exception, très large, est contraire à la protection du droit d'auteur. Retrait ou rejet.

M. Patrick Ollier, ministre.  - La disposition est en outre contraire au droit communautaire. Même avis.

Mme Dominique Gillot.  - Si les établissements ont trop de charges, ce sont les collectivités territoriales qui paieront. On sait que les bibliothèques numérisent certains livres non épuisés mais rares pour que les lecteurs puissent tout de même en profiter : c'est ce cas que je visais.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe SOC-EELVr.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un comité de suivi composé de deux sénateurs et deux députés est chargé de rédiger, tous les deux ans, un rapport d'application des dispositions du chapitre IV du livre Ier du titre III du code la propriété intellectuelle.

Ce rapport étudie notamment les modalités de répartition retenues pour assurer la rémunération équitable des ayants droit au titre de l'exploitation numérique des oeuvres indisponibles dont ils détiennent les droits, les moyens mis en oeuvre, par la société de perception et de répartition des droits agrémentée, pour identifier et retrouver, le cas échéant,  les ayants-droit des oeuvres orphelines et les sommes consacrées par la société agréée aux actions en faveur de la lecture publique.

Ce rapport peut faire l'objet d'un débat dans chacune des deux assemblées.

Mme Dominique Gillot.  - Je propose la création d'un comité ad hoc pour vérifier que le progrès accompli se traduit sur le terrain. Avec l'inflation législative, la commission que nous venons de créer risque fort d'avoir d'autres priorités que cette proposition de loi, qui représente pourtant un vrai progrès.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Je partage votre souci mais de tels comités ont toujours beaucoup de mal à se mettre en place. Le Parlement exercera son contrôle et la future commission de suivi des lois travaillera sur ce texte comme sur d'autres. Pour parler les Guignols, « ne prenons pas son boulot à M. Assouline ! » (Sourires)

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je me souviens que j'ai été parlementaire et qu'en 2004, à l'Assemblée nationale, j'ai fait en sorte que le contrôle de l'application de la loi soit inscrit parmi les missions des commissions. Ce doit être leur travail normal. Laissez les institutions parlementaires travailler ! La détermination des sujets d'étude doit relever du libre-arbitre du Parlement.

Créer encore un comité ? Et pourquoi, pendant que vous y êtes, ne pas inclure les professions concernées ? Les éditeurs, les lecteurs, les collectivités, et l'État ? Je compte sur M. Assouline pour bien contrôler l'action de ce Gouvernement. (Sourires)

M. David Assouline.  - Notre commission, qui est plus qu'un comité, comprend 39 membres.

Depuis la modification constitutionnelle de 2008, le contrôle de l'exécution des lois -dont l'application se heurte parfois à un manque de moyens matériels- est devenu une mission à part entière du Parlement. Reste à se donner les moyens humains et financiers de ce contrôle. Ils ne sont pas encore là.

Mme Dominique Gillot.  - Je suis convaincue mais je ne lâcherai pas notre président Assouline car le domaine de la culture est souvent jugé moins important que d'autres. Dans deux ans, je demanderai le contrôle de l'application de cette proposition de loi.

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.  - Le contrôle de l'application des lois entre naturellement dans nos fonctions. Je me souviens avoir demandé un tel suivi lorsque j'ai, pour la première fois, rapporté un texte. C'était en 1975, à propos de la loi Haby !

L'amendement n°6 est retiré.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe SOC-EELVr.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « création », sont insérés les mots : « , à la promotion de la lecture publique, » ;

2° Au 2°, après la référence : « L. 132-20-1, », est insérée la référence : « L. 134-3, ».

Mme Dominique Gillot.  - Les sociétés de droits utilisent les rémunérations des ayants droit non identifiés -25 %- à des actions de promotion et de diffusion des oeuvres. Je propose que les sommes non réparties aux ayants droit, perçues par la société de gestion agréée au titre de l'exploitation numérique d'une oeuvre indisponible, financent des actions à destination des bibliothèques.

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Favorable.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Défavorable car les résultats seraient disproportionnés par rapport à l'objet : les règles d'utilisation des sommes non répartissables seraient modifiées pour tous les secteurs !

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.  - Je soutiens vigoureusement l'amendement de Mme Gillot. Il convient de soutenir la lecture publique, sans pour autant faire de celle-ci l'utilisatrice unique des sommes. Lutte contre l'illettrisme, appétence pour le livre papier, cela compte !

L'amendement n°7 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission.

Compléter cet article par les mots :

et au maximum six mois après sa promulgation

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - C'est une exigence constitutionnelle...

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je veux bien finir ce débat : avis favorable.

L'amendement n°35 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

La proposition de loi est adoptée.

M. David Assouline.  - Cette proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour y a deux semaines, par une demande de l'UMP, hors conférence des présidents. La commission a travaillé dans des délais contraints sur un sujet extrêmement complexe et n'a pas pu élaborer sa propre rédaction. Elle a donc dû présenter ses amendements en séance publique, un jour où ni le ministre ni la présidente de la commission n'ont pu se libérer de leurs obligations. Ce n'est pas satisfaisant.

Mais nous travaillons sur le sujet depuis 2009 et souhaitions avancer. Alors que Google s'apprête à passer convention avec les ayants droit, la France sera le premier pays au monde à être doté de mécanismes protecteurs qui favorisent la diffusion des oeuvres. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.  - Le texte a été élaboré et discuté trop rapidement. Nous avons toutefois accepté ces conditions parce que nos travaux parlementaires s'interrompent bientôt et que nous sommes très attachés aux dispositions qui viennent d'être votées. Nous avons tous fait des efforts. En ce qui me concerne, celui de ne pas suivre les avis de mon ami M. Ollier. Mais la numérisation de l'ensemble des oeuvres littéraires françaises n'est pas rien ! Ce texte comptera, nous en sommes fiers. (Applaudissements)

Mme Bariza Khiari, rapporteure.  - Le jeu en valait la chandelle, quelles que soient les conditions. Un remerciement tout particulier aux administrateurs qui nous ont épaulés.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Merci, madame la rapporteure, monsieur le vice-président de la commission, merci au Sénat. Je m'associe à ce concert de louanges mais, dans la navette, le Gouvernement conservera les positions qu'il a exprimées ici. Je salue votre travail constructif.

Prochaine séance mardi 13 décembre 2011, à 9 h 30.

La séance est levée à 18 h 40.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 13 décembre 2011

Séance publique

A 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir

1. Questions orales.

A 14 heures 30

2. Scrutins pour l'élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et scrutin pour l'élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.

3. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n°115, 2011-2012).

Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n°148, 2011-2012).

4. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament (n°130, 2011-2012).

Rapport de M. Bernard Cazeau, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°162, 2011-2012).

5. Projet de loi autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d'enchères communes (Procédure accélérée) (n°152, 2011-2012).

Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°171, 2011-2012)

Texte de la commission (n°172, 2011-2012)

6. Projet de loi autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d'une instance de surveillance des enchères (Procédure accélérée) (n°153, 2011-2012)

Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°173, 2011-2012)

Texte de la commission (n°174, 2011-2012)

7. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (n°160, 2011-2012).

Rapport de Mme Nicole BRICQ, rapporteure générale de la commission des finances (n°164, 2011-2012).

Avis de M. Vincent Eblé, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°163, 2011-2012).

De 17 heures à 17 heures 45

8. Questions cribles thématiques sur la compétitivité.

A 18 heures et le soir

9. Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.