Amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives.

Discussion générale

Mme Annie David, auteure de la proposition de loi .  - Droit inhérent à toutes les démocraties et inscrit au Préambule de la Constitution de 1946, l'action collective est attaquée de toutes parts : par le patronat, dans les entreprises, avec l'aide du gouvernement précédent. Avec le chantage à l'emploi, l'intimidation, voire la peur, est quotidienne dans les entreprises. Quand la colère gronde et que le patronat redoute une convergence des luttes, il manie le bâton, avec l'appui, parfois, du gouvernement. Ceux qui défendent leur droit au travail, au logement, à la santé, sont désignés comme des criminels. Ils n'ont pourtant fait qu'exercer leur droit à la parole et à la résistance, inscrit dans notre Constitution. Ce droit, il est de notre devoir, de celui du gouvernement, de celui du président de la République, gardien de la Constitution, de le préserver. C'est à quoi vise cette proposition de loi.

Le gouvernement précédent n'a eu de cesse de stigmatiser les salariés, accusés d'être responsables de leur situation.

M. Alain Fouché.  - Extravagant !

Mme Annie David, auteure de la proposition de loi.  - Des femmes, des hommes qui défendent leur droit au travail, au logement, à l'accès aux soins, à vivre dans un environnement sain, qui s'opposent avec leurs moyens à la casse de notre société, sont considérés comme des délinquants, des criminels.

Le conditionnement idéologique actuel répète que les salariés coûtent trop cher, que les demandeurs d'emploi sont fainéants, que les retraités vivent trop longtemps. C'est cette stigmatisation qui est criminelle. On compare les grévistes à des preneurs d'otage, on repeint les mal-logés en squatteurs, les lycéens en casseurs, des ouvriers ou des faucheurs d'OGM en saccageurs. Les voyous, n'est-ce pas plutôt les patrons qui font tout pour échapper à l'impôt et menacent de délocaliser l'emploi ?

M. Alain Fouché.  - Aucun rapport !

Mme Annie David, auteure de la proposition de loi.  - La vraie violence sociale, c'est la fermeture de plusieurs centaines d'entreprises pour préserver les intérêts boursiers des actionnaires des maisons mères. Or des citoyens sont condamnés à de lourdes amendes, parfois simplement pour avoir refusé un prélèvement ADN. Le champ d'application du fichier national automatisé des empreintes génétiques, créé lui par la loi de 1998 pour les délinquants sexuels, a été élargi par Nicolas Sarkozy à de très nombreuses infractions, dont celle de dégradation de biens, très pratique contre les protestataires.

La violence a atteint un paroxysme à l'encontre de ceux qui s'engagent dans un mouvement social, ou dans la solidarité à l'égard des migrants. Mais la violence, n'est-ce pas celle qui conduit un homme à mettre fin à ses jours devant une antenne de Pôle emploi ?

Nous refusons de basculer dans une société qui ne reconnaîtrait plus les valeurs qui sont les nôtres, et qui nous viennent de la Révolution française, quand fut proclamé promu le devoir d'insurrection. On ne peut, disait Jaurès, consacrer la perpétuité de la misère au nom de la liberté.

M. Alain Fouché.  - On peut soutenir les travailleurs sans en passer par là.

Mme Annie David, auteure de la proposition de loi.  - Le groupe UMP a adopté des amendements de suppression à chacun des articles de ce texte. Mais en 2002, il avait lui-même adopté une loi d'amnistie ouverte aux cas que nous visons ici. Pourquoi en prendre le contre-pied aujourd'hui ?

Parce que nous croyons à la justice, nous avons déposé cette proposition de loi. Nous ne remettons nullement en cause l'action de la justice, mais demandons l'amnistie pour ceux qui se battent pour la défense de leur droit au travail, reconnu par la Constitution. La gauche doit s'indigner, comme l'aurait si bien dit le regretté Stéphane Hessel. Elle doit réparer, aujourd'hui, ce qui est réparable, pour que ceux qui ont dit non à la ruine de leur vie et de la société solidaire, avec laquelle veut en finir la droite libérale, retrouvent confiance, et que le peuple de gauche voie enfin que la gauche est bien au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Éliane Assassi, rapporteure de la commission des lois .  - Importante initiative que celle du groupe CRC, ce débat est l'occasion d'adresser un message d'espoir au monde du travail. Si la commission des lois a d'abord repoussé ce texte, je salue le travail constructif grâce auquel nous avons pu aboutir à un texte. Je note de façon positive le retrait par le groupe UMP de sa question préalable.

L'amnistie remonterait à l'Athènes du Ve siècle. En France, sa tradition remonte aux lois constitutionnelles de 1875. Vient ensuite la fameuse amnistie des communards en 1880. Au-delà des amnisties liées à la guerre d'Algérie ou à la Nouvelle-Calédonie, chaque élection présidentielle a donné lieu à une loi d'amnistie. Beaucoup de ces lois ont été critiquées, parce que considérées comme trop larges. Ce texte échappe largement à ces citriques, puisque l'objet en est parfaitement circonscrit. Les circonstances visées l'étaient déjà dans les lois d'amnisties présidentielles. L'amnistie des actions revendicatives visées était prévue quand un lien était établi avec les conflits du travail. Ici, nous énumérons les circonstances qui ouvrent droit à l'amnistie. Il s'agit toujours de préservation des droits sociaux, de la santé ou de l'environnement.

La liberté de manifester comme la liberté syndicale sont nécessaires à la démocratie. Or des citoyens ont été sévèrement sanctionnés, par la justice ou professionnellement, parce qu'ils défendaient ces droits, ou refusaient de se soumettre à un prélèvement ADN à la suite, par exemple, d'un fauchage OGM. Incrimination facile, puisque n'importe quel fait peut être prétexte à exiger un prélèvement ADN, et le seul refus vaut infraction.

De telles pratiques conduisent à une paralysie de l'action syndicale ou associative, de même que les amendes élevées obèrent les finances de ces organisations. On risque d'encourager des actions individuelles moins contrôlées, tout en appauvrissant le débat public.

De là la nécessité d'adopter une mesure d'apaisement et d'oubli. Le champ d'application retenu est très limité au regard des précédentes lois d'amnistie, puisqu'il est lié à des circonstances précises. J'ajoute que la circulaire d'application de la Chancellerie, comme cela fut fait en 2002, pourra apporter des précisions afin que les casseurs soient clairement exclus du bénéfice de l'amnistie.

Est également prévue une amnistie des sanctions disciplinaires. Le Conseil constitutionnel a validé cette possibilité dans sa décision du 20 juillet 1988. Seules sont concernées ici les sanctions mentionnées à l'article premier. S'y ajoute la réintégration des salariés.

La commission des lois n'ayant pas adopté de texte, c'est sur le texte initial que nous débattrons. Certains des amendements déposés limitent à l'excès, à mon sens, la portée de ce texte. Ainsi de ceux du groupe socialiste et du RDSE, qui limitent l'amnistie aux faits passibles de cinq ans d'emprisonnement. De même que les violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique : j'espère, madame la ministre, que la circulaire tiendra compte du fait que, lors de manifestations, il peut y avoir des atteintes physiques involontaires. Et pourquoi exclure la défense de la santé ou de l'environnement ? Quant à la date, j'espère que nos débats aideront à la fixer au plus juste.

J'espère que ce texte prospérera à l'Assemblée nationale et pourra être adopté, à la satisfaction du mouvement syndical et associatif. (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous sommes ici pour avancer, avec le souci de prendre en considération l'action syndicale. L'inquiétude règne, dans toutes les filières d'activité. Le gouvernement travaille d'arrache-pied pour sortir de l'ornière mais les indicateurs demeurent inquiétants : le chômage augmente pour le vingt-et-unième mois consécutif. Depuis cinq ans, plus d'un million de chômeurs supplémentaires ont été enregistrés ; ce sont, avec les familles, plusieurs millions de personnes jetées dans la précarité.

L'action syndicale conduite au côté des salariés qui se battent contre la perspective de plans sociaux doit être reconnue, dès lors qu'elle demeure dans le cadre de la loi. Déjà, les juges usent de leur pouvoir d'appréciation pour apaiser. En cas d'atteinte à l'autorité de l'État, cependant, les condamnations tombent. Ce fut le cas pour la préfecture de Compiègne, les faucheurs d'OGM et l'affaire dite des cinq de Roanne - où la condamnation a cependant été assortie d'une dispense de peine.

Notre droit pénal retient les dégradations, les violences, mais ne couvre pas le contexte du conflit social. Si bien que l'on ne sait dire combien de condamnations sont concernées, car on ne peut les distinguer dans le casier judiciaire. Les lois d'amnistie précédentes portaient sur le quantum de peine ; ici, c'est le contexte de l'infraction qui est visé, d'où la difficulté d'évaluer. Quelques dizaines de cas devraient être concernés.

Certains se sont inquiétés d'une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Nous sommes attachés à son respect, comme l'illustre notre décision de ne plus publier d'instructions individuelles. Nous travaillons à une réforme constitutionnelle qui concernera le Conseil supérieur de la magistrature. Nous avons aussi décidé d'aligner le régime disciplinaire des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège. Il n'y a donc pas lieu à suspicion quant à notre respect de la séparation des pouvoirs.

L'institution judiciaire juge des cas in concreto. La loi d'amnistie porte sur certains de ces cas dans un souci de concorde républicaine. Elle reprend certaines dispositions de la loi d'amnistie de 2002. Elle accélère le processus d'oubli déjà prévu par la loi, qui organise l'effacement du casier judiciaire de certaines condamnations.

Le but de ce texte est de construire un cadre acceptable qui, sans ouvrir à l'impunité, permettra à des salariés - inquiets de plans sociaux, de délocalisations, le plus souvent liées à l'appétit des actionnaires - d'exprimer une intention politique de soutien.

Nous suivrons le débat avec grande attention et serons probablement amenés à nous en remettre à la sagesse de votre assemblée. En cas d'adoption de ce texte, je diffuserai une circulaire d'application, que nous travaillerons avec vous pour ne pas dénaturer l'intention du législateur. Le Gouvernement salue le courage du Sénat, de l'auteure et de la rapporteure de ce texte et de tous ceux qui ont contribué à l'améliorer. Il s'agit, ici, de faire oeuvre de justice. (Vifs applaudissements à gauche)

M. Pierre Charon .  - Si nous devons souvent trouver, comme législateurs, des ajustements, notre travail est aussi symbolique, car la loi est un socle sur lequel se bâtit la civilisation. D'où mon incompréhension face à ce texte. Comment, alors que l'on réclame à tout propos l'égalité, exonérer une partie de la population de sa responsabilité élémentaire de citoyen au seul motif de son activité militante ? Et quelle vision étrange du militantisme que de n'y voir qu'une action de casseurs !

M. Alain Néri.  - Et quand il y a provocation patronale ?

M. Pierre Charon.  - À la fonderie DMI de Vaux, dans l'Allier, un groupe d'ouvriers a tout simplement miné les locaux.

Mme Cécile Cukierman.  - Propos honteux.

M. Pierre Charon.  - C'est l'acte qui est inadmissible. Sans parler du chantage des grévistes de PSA d'Aulnay, qui ont envahi les locaux d'un sous-traitant du Val-d'Oise.

Mme Cécile Cukierman.  - Et pourquoi le font-ils ?

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Allez rencontrer les salariés !

M. Pierre Charon.  - Il n'y a que cinq cents grévistes sur deux mille salariés !

Et que dire des pères de famille, séquestrés parce qu'ils ont eu la très mauvaise idée de devenir patrons d'usine ?

Votre logique est électoraliste et clientéliste. À preuve la date que vous avez choisie : le 6 mai 2012 ! Après cette date, pas d'amnistie, donc ? Il n'y avait donc lieu de faire acte de résistance que sous Nicolas Sarkozy ? Où voulez-vous en venir ? Voulez-vous détourner tous les investisseurs de notre pays ?

M. Pierre Laurent.  - Avez-vous entendu le patron de Titan ?

M. Pierre Charon.  - Alors que le chômage explose, notre devoir est de préserver la paix sociale. Au lieu de quoi, vous versez de l'huile sur le feu syndical. Le groupe UMP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Virginie Klès .  - « Ouvrez l'école, vous fermerez une prison ». On connaît bien, ici, cette phrase de Victor Hugo, qui croyait en les vertus de l'éducation. C'est dans cet esprit que j'ai abordé ce texte pour le groupe socialiste. Dans le non à la démagogie, de quelque banc qu'elle vienne, dans le non aux provocations, quelles qu'elles soient. J'ai dit oui au temps de comprendre, d'appréhender les objectifs de chacun. Personne ici, ne peut raisonnablement accuser personne d'avoir pour seul objectif d'augmenter la pauvreté, la violence, les conflits. Nous sommes tous responsables. Il n'y a pas les chevaliers blancs d'un côté, les machiavels de l'autre. Oui, dans le contexte que nous connaissons, les conflits peuvent se durcir, et c'est le rôle de l'État de les prendre en compte, de les apaiser, d'éviter qu'ils ne dégénèrent.

Votre circulaire de politique générale, la conférence de consensus que vous avez organisée, madame la ministre, montrent que ce Gouvernement s'en préoccupe et que la donne a changé. Le geste du groupe CRC m'a paru une bonne idée : le préalable au dialogue, c'est l'apaisement. Je remercie tous ceux qui nous ont fait confiance et ont travaillé sur ce texte pour arriver à l'équilibre.

Il fallait à la fois tendre la main, car il n'est pas forcément facile aux organisateurs de mouvements sociaux de prévenir les débordements, tout en protégeant les biens et les intérêts des tiers. Réexpliquons clairement les choses : une amnistie n'est ni un pardon ni une réécriture de l'histoire, elle efface les infractions, non les faits. L'autorité s'affaiblit à force de rigidité.

Cette amnistie, qui est donc un geste d'apaisement, est limitée dans le temps - nous rediscuterons de la date - et dans son objet. Les violences à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique seront clairement exclues de son bénéfice. Nous avons confiance dans notre justice et dans nos magistrats : ils trouveront au mieux à qualifier les faits en s'appuyant sur la circulaire de la Chancellerie. Dans cette confiance, suivons l'exemple de la commission des lois et améliorons ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. François Zocchetto .  - Le droit à la résistance s'est imposé comme le garde-fou nécessaire à la survie de la République. Mais en va-t-il de même du pardon politique ? Les lois d'amnistie, corollaires du droit de grâce, paraissent désormais peu acceptables tant elles relèvent du fait du prince. Le Préambule de 1946 reconnaît le droit de grève, mais non le droit à la violence.

Cette proposition de loi, séduisante à première vue, est dangereuse. Elle créera, vous ne pouvez pas le nier, un appel d'air, elle sera le blanc-seing à une société de la licence, contraire à la démocratie, en incitant, par la loi, au non-respect du droit. Il n'y a pas consensus sur ce texte au Parlement.

L'amnistie, généralement, vient clore une guerre civile...

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Y avait-il la guerre en 2002 ? Je dois avoir la mémoire qui flanche...

M. François Zocchetto.  - Elle est un geste de pardon des pouvoirs publics, quand l'ordre public a failli. Nous n'en sommes pas là, c'est du moins ma vision de la situation actuelle. Quand la crise frappe aujourd'hui indistinctement toutes les entreprises, ce texte ne va-t-il pas jeter de l'huile sur le feu, pousser les syndicalistes à la contestation généralisée ?

Il y eut une époque, du temps des rois, où l'on organisait une fête des fous. Notre rôle de législateur n'est pas d'octroyer un carnaval au peuple ! (Protestations sur les bancs CRC)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Scandaleux !

Mme Cécile Cukierman.  - Il s'agit de syndicalistes et de leurs droits !

M. François Zocchetto.  - Le groupe UDI-UC votera contre ce texte et j'invite ceux qui désirent répondre au malaise social à tout faire pour renouer avec la croissance ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. David Assouline.  - C'est vous qui l'avez cassée, la croissance : un million de chômeurs en plus !

M. Jacques Mézard .  - Nous avons tous en mémoire les drames récents qui reflètent le malaise de nos concitoyens qui perdent leur emploi ou qui sont menacés de le perdre. Nous ne pouvons oublier leur angoisse ni leur souffrance, qui les conduit parfois à commettre des actes répréhensibles, qui doivent être sanctionnés par la loi. C'est là que l'amnistie prend tout son sens. M. Charon a-t-il oublié celle de 2002 ? Celle du président Chirac ? Elle est un geste de concorde pour rassembler autour de la République. Aussi nous paraît-il bon de conserver, comme c'est la tradition, pour date d'application celle de l'élection présidentielle : le 6 mai 2012.

Si nous ne sommes pas opposés par principe au pardon républicain et à l'oubli, nous nous interrogeons sur la nature des infractions visées. J'ai eu un débat franc et sincère à ce sujet avec Mme Assassi dont je salue le souci de dialogue. Pour nous, héritiers de Clemenceau, on ne peut pas amnistier des faits qui portent atteinte à l'ordre républicain. L'État, selon la formule de Max Weber, a le monopole de la violence légitime. Limitons donc l'amnistie à des atteintes aux biens, passible de cinq ans d'emprisonnement. Ne faisons pas de procès d'intention aux magistrats : aucun ne songe à infliger des « sanctions injustes » avec la volonté d'« éteindre toute velléité de contestation », comme on peut le lire dans l'exposé des motifs de la proposition de loi. Tous font leur travail en conscience.

Nous voulons exclure de l'amnistie les infractions inexcusables comme la dégradation des matériaux de recherche scientifique parce que nous condamnons l'obscurantisme des faucheurs volontaires.

Le président du Front de gauche, qui se dit attaché aux valeurs républicaines, a déclaré, avec l'esprit de nuance qui le caractérise, vouloir pourchasser « les suppôts du Comité des forges, du Medef et du CAC 40 », qui ne voteront pas ce texte, « jusque dans le dernier village de France ». Plus mesurée a été la porte-parole du parti communiste, qui a déclaré préférer la discussion à la menace. C'est le message que doivent porter les élus de la République ! (Applaudissements à gauche)

Mme Esther Benbassa .  - Amnistier n'est pas gracier. L'amnistie autorise, prescrit même l'oubli, qui réconcilie. Le pardon républicain, depuis l'amnistie générale du 14 septembre 1791 bénéficiant aux révolutionnaires, aux contre-révolutionnaires et au roi, est une tradition française. Cette proposition de loi s'en écarte car elle n'est pas le fait du prince mais du législateur et son champ d'application est restreint.

Aucune situation, si dure soit-elle, ne peut justifier la violence ; les femmes et les hommes de gauche sont porteurs d'une culture de la contestation pacifique. Mais nous ne pouvons ignorer le contexte de crise profonde, de chômage, de précarité. Le droit à l'action collective est inscrit aux aliénas 6 et 8 du Préambule de 1946. Or nombre de nos compatriotes qui se sont légitimement engagés dans une lutte collective ont été injustement sanctionnés, pour s'être opposés à l'EPR ou aux lignes THT, pour avoir dénoncé leurs conditions de travail, pour avoir refusé un prélèvement ADN ou exercé leurs droits syndicaux.

Le groupe écologiste votera cette proposition de loi en refusant les amendements qui en excluent les actions de fauchage d'OGM et de libération des animaux de laboratoire. Je redis haut et fort notre attachement au militantisme syndical et associatif auquel la gauche doit tant. Relançons le dialogue social en adoptant ce texte sans hésiter, en rompant clairement avec la majorité précédente ! (Applaudissements à gauche)

M. Rémy Pointereau.  - Vive la chienlit !

M. Dominique Watrin .  - François Hollande, dans son discours du Bourget, disait vouloir tourner la page de « la France d'hier ». Pour ce faire, il faut rompre avec un passé que les forces progressistes ont combattu ensemble. Certains militants ont été arrêtés pour avoir manifesté lors de la visite d'un personnage public, pour avoir apporté une aide humanitaire, pour s'être opposés à un capitalisme financier omnipotent. L'action collective ne doit plus être criminalisée ni stigmatisée l'action syndicale contre une logique financière brutale. Il faut s'engager dans la voie d'une vraie négociation, adopter des lois qui fassent prendre en compte les solutions alternatives proposées par les salariés menacés de licenciement ou d'une fermeture de leur entreprise. Il ne faut plus que ceux qui ont préféré l'indignation et la résistance à la résignation soient condamnés pour ce seul chef. Souvent, les sanctions dont ils sont frappés apparaissent comme des condamnations pour l'exemple.

L'amnistie n'est pas l'impunité. Nicolas Sarkozy l'a refusée par choix de classe. En 1982, le président de la République, au nom de la réconciliation nationale, a amnistié les généraux putschistes de la guerre d'Algérie jusqu'à les réintégrer vingt ans plus tard dans leur droit à pension. Effacés les crimes de sang, les assassinats, les atteintes à la sûreté de l'État. Et certains voudraient aujourd'hui refuser le pardon à de simples citoyens qui luttent pour défendre leurs droits ? Prenons garde à ne pas vider ce texte de son sens.

La formule « classes laborieuses, classes dangereuses » a la vie dure. Depuis la crête de Vimy, dans le Nord, il y a cinquante ans, on voyait fumer les cheminées d'usine, symbole éclatant du labeur de la classe ouvrière. Il n'en reste plus rien aujourd'hui à cause de la violence du capitalisme.

M. Rémy Pointereau.  - C'est Germinal !

Mme Annie David, auteure de la proposition de loi.  - C'est la réalité !

M. Dominique Watrin.  - Metaleurop a fermé, laissant aux pouvoirs publics la charge du plan social et le soin de dépolluer le terrain. Qui sanctionnera la violence cynique des capitalistes, réfugiés dans leur paradis fiscal, en Suisse ? J'ai un souvenir précis de cette lutte du pot de terre contre le pot de fer : nous étions massés devant la préfecture de Lens, la porte a cédé. Les CRS étaient prêts à intervenir : heureusement que les élus étaient dans les premiers rangs !

Soyons fidèles à ce qu'il y a de meilleur dans notre République : une classe ouvrière combative et forte !

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - À mon tour de dire que ce texte est très nécessaire à l'heure où nos concitoyens souffrent, toujours plus nombreux. Nous avons le souci du respect du droit.

À ceux qui ont eu des réflexions ironiques à l'égard du mouvement ouvrier, je veux dire que, pour être né dans le Pas-de-Calais, je connais l'histoire, toutes les histoires, du monde minier. M. Chirac avait d'ailleurs jugé utile de poser un acte politique, l'amnistie. Étendons-la aux sept mineurs qui restent comme le propose M. Watrin à l'amendement n°26.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les mineurs condamnés à l'occasion des grèves de 1948 et de 1952 sont amnistiés. Un décret en Conseil d'État définit les conditions d'application du présent article.

M. Dominique Watrin.  - La grève de 1948, qui avait été votée et suivie à l'unanimité par l'ensemble des organisations syndicales de tous les bassins et puits des Charbonnages de France, a donné lieu à une répression brutale qui s'est soldée par plus de 2 000 licenciements, cinq morts et de nombreux blessés.

Les mineurs concernés n'ont cessé de se battre pour la reconnaissance du préjudice moral et leur réhabilitation en demandant notamment l'application de la loi d'amnistie du 4 août 1981.

La Halde, saisie sur ce dossier en 2007, a estimé que la discrimination était « à l'évidence incontestable » car « aucun fait autre que les faits de grève ne peut [...] être reproché aux anciens mineurs.

Le caractère discriminatoire du licenciement a été reconnu par la cour d'appel de Versailles dans sa décision du 10 mars 2011. Cependant, le ministère de l'économie a immédiatement diligenté un pourvoi en cassation contre cette décision. Les voies de recours sont désormais épuisées pour la dizaine de mineurs concernés encore en vie.

Nous estimons qu'il ne s'agit pas d'une question de délais mais de mémoire.

Par cet amendement, rétablissons l'honneur de la France et de ces mineurs dont la vie a été gâchée. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - M. Sueur a fait un excellent plaidoyer en faveur de cet amendement : avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'avis du Gouvernement sera plus nuancé. Si nous nous souvenons du drame humain de la grève de 1948 qui a abouti à 3 000 licenciements, le problème que l'amendement n°26 soulève est celui des dommages et réparations dont la cour d'appel de Versailles avait reconnu le bénéfice aux mineurs ; les Charbonnages ne reviendront pas sur ce qui leur avait été accordé. Avis de sagesse.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Fils de mineur, je suis né dans un coron. En 1948, à l'appel de la CGT, une grève a été déclenchée pour des motifs professionnels puis a donné lieu à l'occupation des puits et des piquets de grève ont mis en cause le droit au travail. Dans un contexte de guerre froide, la grève a pris une allure insurrectionnelle. (Exclamations sur les bancs CRC) de l'aveu du ministre de l'intérieur de l'époque, le socialiste Jules Moch, qui a fait donner la troupe.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Ah, Jules Moch !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Mon père, militant mineur à la CFTC, avait été condamné à mort par des syndicalistes, qui se présentèrent à une centaine, à notre domicile, en chantant l'Internationale. Nous ne dûmes notre salut qu'à la fuite, des amis nous recueillirent durant une semaine. Nous étions donc loin de simples débordements. Ancien syndicaliste de la CFDT moi-même, je comprends la portée de ce texte. Si je m'incline devant la décision de la cour d'appel de Versailles de 2011, qui rétablit les mineurs dans leurs droits, ne me demandez pas, en revanche, de pardonner ceux qui ont instrumentalisé les grévistes en 1948 en les incitant à commettre de tels actes.

M. Hugues Portelli.  - On n'a pas le droit de récrire l'histoire à l'occasion d'une proposition de loi : en 1948, le ministre de l'intérieur était socialiste ; Maurice Thorez qui, encore au gouvernement, s'était employé à convaincre les ouvriers qu'« il faut savoir terminer une grève », appelait désormais, à l'instigation du Komintern, à se battre contre le plan Marshall. Il faut dire que les communistes avaient quelques mois plus tôt été chassés par Ramadier du gouvernement. (Protestations sur les bancs CRC)

M. Dominique Watrin.  - La grève avait été votée à l'unanimité. N'oubliez pas la répression. Quelque 60 000 CRS déployés et l'on fit appel aux troupes stationnées en Allemagne et aux troupes coloniales, le coron était assiégé par des chars d'assaut. Alors, en 1948, l'atmosphère n'était pas insurrectionnelle mais rappelait l'Occupation. Les mineurs furent soudés jusqu'à la fin et, si j'ose dire, jusqu'à la faim. Dois-je rappeler les conditions des mineurs en 1948 ? Quatre-vingts pour cent des enfants de mineurs étaient rachitiques, il y avait eu 90 morts dans la mine entre le 1er janvier et le 1er octobre 1948, des milliers de blessés graves et de silicosés. Les communes socialistes étaient venues en aide aux mineurs en distribuant des repas gratuits. Au nom de cette mémoire, adoptons cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je connais l'histoire, toutes les histoires de cette région : celle de la SFIO, du syndicalisme et du parti communiste et je connais, monsieur Vanlerenberghe, les difficultés que rencontra un Eugène Descamps. Mais par respect pour ces sept mineurs qui ont vécu ces épreuves terribles, quelles que soient nos divergences sur l'interprétation de l'histoire, votons cet amendement car il est juste.

L'amendement n°26 est adopté et devient un article additionnel.

Article premier

M. Jean-Étienne Antoinette .  - Le champ temporel de l'amnistie est fixé aux faits commis avant le 6 mai 2012. Si cette date représente un espoir pour beaucoup de Français, les actes revendicatifs se sont poursuivis, en particulier en outre-mer, qui est un grand oublié. J'en veux pour preuve ce qui s'est passé en Guyane et tout récemment à l'île de La Réunion. On évoque la date du 1er septembre 2008 pour le départ de l'amnistie, comme si la crise bancaire était un point de départ. Ce n'est nullement le cas en outre-mer : 55 % des foyers disposent de revenus annuels inférieurs à 9 400 euros, contre 25 % en métropole, le chômage y oscille entre 25 et 30 %, contre 8 à 10 % en métropole. Je propose la date du 1er janvier 2007, année d'importants conflits sociaux, notamment à EDF. Le principe d'adaptabilité posé par l'article 73 de la Constitution nous incite à le faire.

La définition retenue reste large. L'amnistie peut aussi être étendue aux conflits contre la vie chère qui ont soulevé l'outre-mer, dans une situation de détresse économique généralisée. Limiter le champ aux conflits du travail et du logement exclurait ces conflits. Or, les conflits outre-mer, s'ils ne sont pas comparables à ceux de métropole, naissent de la même détresse.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par MM. Portelli, Gélard et Hyest.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Pourquoi faire référence au 6 mai 2012 ? C'est au président de la République de décider s'il souhaite ou non une amnistie. Il ne l'a pas souhaitée, nous nous en félicitons ; ce n'est pas au Parlement de se substituer à lui.

Ensuite, je suis choqué par l'exposé des motifs qui jette l'opprobre sur les magistrats. Il y a là une atteinte à la séparation des pouvoirs. Ce sont les mêmes magistrats qui ont jugé avant et après le 6 mai 2012, en s'appuyant sur le même code pénal.

Me choque, enfin, la discrimination. Les précédentes amnisties visaient un quantum de peine ; ici, on cible les amis, les clients...

Mme Cécile Cukierman.  - Nous n'avons pas de clients ! C'est scandaleux !

M. Hugues Portelli.  - ... de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Même si nos collègues de l'UMP ont retiré leur question préalable, on comprend qu'ils sont vent debout contre ce texte. Je vais leur offrir le texte de la loi d'amnistie de 2002 pour leur rafraîchir la mémoire...

En l'absence de M. Portelli, la commission a émis un avis défavorable à son amendement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'amnistie est une tradition républicaine. Le respect de la séparation des pouvoirs laisse au Parlement la liberté de déposer une proposition de loi, même si le président de la République, n'a pas décidé d'amnistie.

La date ? Plusieurs choix sont possibles. Se référer à celle de l'élection présidentielle est cohérent avec les 25 précédentes lois d'amnistie de la Ve République. Rien ici d'inédit.

Les magistrats... M. Portelli a eu raison de dire qu'il fallait les respecter et s'incliner devant les décisions qu'ils prennent en droit et en conscience au nom du peuple français. Ils ont été, sous le précédent quinquennat, disqualifiés, vilipendés, contraints par des mécanismes automatiques qui ont limité leur liberté d'appréciation, alors que le propos de la justice est d'individualiser et d'apprécier en conscience. Et voilà que vous venez les défendre ! C'est bien nous qui leur disons notre respect, qui leur avons rendu leur liberté d'appréciation, qui organisons leur indépendance dans la grande mission de juger. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

avant

par les mots :

entre le 1er janvier 2008 et

Mme Virginie Klès.  - Cet amendement limite le champ d'application de l'amnistie aux faits commis entre le 1er janvier 2008 et le 6 mai 2012. On a reproché aux précédentes lois d'amnistie leur laxisme. On ne pourra pas faire ce reproche à ce texte, qui vise les condamnations liées à la superposition des effets de la crise et de la politique pénale répressive voulue par Nicolas Sarkozy.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - La période, pour moi, est trop restreinte. La crise dure et durera encore. L'amnistie devrait se poursuivre. Toutefois, la commission a émis un avis favorable à l'amendement. Peut-être pourrait-il être joint à l'amendement suivant.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il n'y a pas de nécessité juridique à fixer une date de départ. M. Antoinette a évoqué des actes outre-mer qui relèvent du même contexte : situation économique très dure, partenaires sociaux employeurs qui ont jeté de l'huile sur le feu. Le Gouvernement s'en tient à l'avis de sagesse.

M. Jean-Étienne Antoinette.  - Je plaide à nouveau pour l'outre-mer : la date, dans ces territoires, ne pourrait-elle partir du 1er janvier 2007 ?

M. Jean-René Lecerf.  - Je suis de ceux qui sont sensibles aux efforts de la garde des sceaux pour susciter le consensus et à la conférence qu'elle a ouverte. Des pistes intéressantes ont été ouvertes à cette occasion. Ne nous lançons pas, ici, des approximations et des caricatures. La politique pénale exclusivement répressive du quinquennat Sarkozy ? Mais vous oubliez les textes sur le contrôleur général des lieux de privation de liberté ou la loi pénitentiaire - que vous n'avez pas votée - dont chacun souhaite aujourd'hui qu'elle soit pleinement appliquée... (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Virginie Klès.  - J'ai dit que cette politique pénale avait été répressive, je n'ai pas dit qu'elle l'avait été exclusivement. S'il y a consensus pour revenir à l'élection de 2007, je n'y vois aucun inconvénient.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - La date du 1er janvier 2007 semble donner satisfaction à tout le monde.

Mme Virginie Klès.  - Dans ce cas, je rectifie mon amendement.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°14 rectifié bis.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Je salue, monsieur Lecerf, votre travail lucide, courageux et intelligent, qui nous a servi. Je vous ai reçu dès juillet, avec Mme Borvo Cohen-Seat, pour connaître votre rapport, dont j'ai fait mon miel. Quand j'ai évoqué un discrédit jeté sur les magistrats, je ne vous visais pas, ni vous, ni d'autres sénateurs UMP, pas plus que quand j'ai évoqué les peines plancher. C'est bien en 2007 cependant que le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été étendu aux délits et crimes autres que sexuels. Je salue les parlementaires de l'ancienne majorité qui ont eu le courage politique et moral de prendre leurs distances avec une politique à laquelle ils ne pouvaient totalement souscrire : vous en êtes. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°14 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Alinéa 2

Remplacer la date :

6 mai 2012

par la date :

1er février 2013

Mme Cécile Cukierman.  - Il faut tenir compte du temps écoulé depuis la dernière élection présidentielle, en appliquant l'amnistie aux faits commis avant la date du 1er février 2013. Les politiques de la droite ont eu des conséquences dévastatrices qui n'ont pas disparu le soir de l'élection présidentielle. Elles ont soulevé une lame de fond, on le voit avec PSA. Les mouvements sociaux de ces dernières semaines trouvent leurs racines bien auparavant.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - La commission a, à mon grand regret, donné un avis favorable à cet amendement. Espérons que la navette fasse bouger les lignes.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement s'en tiendra à la sagesse. Pourquoi la navette ne permettrait-elle pas de faire évoluer les choses ?

L'amendement n°27 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié ter, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2

1° Après les mots :

les infractions

insérer les mots :

, les contraventions et les délits prévus au livre III du code pénal ainsi que la diffamation prévue à l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et les menaces prévues aux articles 222-17 et 222-18 à l'exception de celles proférées à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public,

2° Remplacer les mots :

moins de dix ans

par les mots :

cinq ans et moins

Mme Virginie Klès.  - Nous proposons de limiter l'amnistie aux infractions d'atteinte aux biens passibles de cinq ans d'emprisonnement au plus, au lieu de dix.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par M. Mézard et Mme Laborde.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

de moins de dix ans

par les mots :

de cinq ans et moins

Mme Françoise Laborde.  - Cet amendement vise comme le précédent à limiter l'amnistie aux infractions passibles d'une peine d'emprisonnement égale ou inférieure à cinq ans. En visant les peines de moins de dix ans, la proposition de loi va trop loin. Il s'agit ici de tendre la main aux Français frappés de plein fouet par la crise, mais sans verser dans le laxisme. Certains agissements sont inexcusables. Nous retirons cependant cet amendement au bénéfice de celui du groupe socialiste, le n°15 rectifié ter qui exclut les violences physiques.

L'amendement n°38 rectifié est retiré.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Favorable à l'amendement n°15 rectifié ter, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Mme Virginie Klès.  - Je rectifie mon amendement dans le sens voulu par la commission.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°15 rectifié quater.

Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

les infractions

par les mots :

, les contraventions et les délits prévus au livre III du code pénal ainsi que la diffamation prévue à l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et les menaces prévues aux articles 222-17 et 222-18 à l'exception de celles proférées à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public,

2° Remplacer les mots :

moins de dix ans

par les mots :

cinq ans et moins

L'amendement n°15 rectifié quater est adopté.

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

I.  -  Alinéa 3

Supprimer les mots :

de professions libérales ou d'exploitants agricoles,

II.  -  Alinéa 4

Supprimer les mots :

à l'éducation,

et les mots :

à la santé, à l'environnement aux droits des migrants,

Mme Virginie Klès.  - L'amendement restreint le champ d'application du texte aux mouvements sociaux au sein des entreprises et aux mouvements collectifs relatifs au droit au logement.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - La commission, à mon grand regret, a émis un avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Sagesse.

L'amendement n°16 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Virginie Klès.  - L'amendement supprime l'exclusion des électeurs du collège des employeurs du conseil des prud'hommes du bénéfice de l'amnistie.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. Cela illustre ce que nous disions tout à l'heure : ce texte est inspiré par un souci républicain de concorde nationale et de cohésion sociale.

L'amendement n°18 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié bis, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont exclues du bénéfice de l'amnistie prévue par la présente loi les dégradations volontaires ayant pour conséquence de nuire au bon déroulement de travaux scientifiques ou de recherche.

Mme Virginie Klès.  - Dans la même logique républicaine, cet amendement exclut du bénéfice de l'amnistie les dégradations volontaires ayant pour conséquence de nuire au bon déroulement de travaux scientifiques ou de recherche. Notre patrimoine scientifique mérite d'être protégé au même titre que le patrimoine culturel ou historique.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - À mon sens, cet amendement réduit trop le champ des infractions visées, mais la commission a émis un avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Sagesse.

L'amendement n°19 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par MM. Portelli, Gélard et Hyest.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Nous sommes hostiles au principe même de ce texte, donc à ses modalités procédurales.

L'amendement n°3, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par MM. Portelli, Gélard et Hyest.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Même logique.

M. le président.  - Amendement identique n°31, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Cécile Cukierman.  - Il est défendu.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Défavorable à l'amendement Portelli. Je suis personnellement favorable à l'amendement n°31, mais la commission a émis un avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Sagesse. J'ai du mal à comprendre...

Les amendements identiques nos4 et 31 sont adoptés.

L'article 3 est supprimé.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par MM. Portelli, Hyest et Gélard.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Défendu.

L'amendement n°12, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

à l'occasion des conflits mentionnés à l'article 1

par les mots :

dans les circonstances mentionnées à l'article 1er

Mme Virginie Klès.  - Amendement rédactionnel.

L'amendement n°20, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par MM. Portelli, Gélard et Hyest.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - En tant qu'universitaire, je trouve inadmissible que l'on mette en cause l'autonomie des universités et leur capacité à prendre les sanctions disciplinaires qu'elles jugent utiles.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Défavorable. Il est normal que la loi d'amnistie emporte effet sur les sanctions pénales comme disciplinaires.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

à l'occasion des conflits mentionnés à l'article 1

par les mots :

dans les circonstances mentionnées à l'article premier de la présente loi

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Favorable à cette clarification rédactionnelle.

L'amendement n°33, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, l'amnistie n'implique pas le droit à réintégration lorsque l'intéressé a été exclu de l'établissement à la suite de faits de violence.

Mme Virginie Klès.  - Toujours en vertu du principe d'égalité, l'amnistie disciplinaire doit être étendue aux étudiants condamnés dans le cadre de conflits au sein de leur université, sauf si les faits concernent des violences aux personnes.

M. le président.  - Amendement identique n°40 rectifié, présenté par M. Mézard et Mme Laborde.

Mme Françoise Laborde.  - Défendu.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Favorable. Il faut garantir que la réintégration ne nuise pas aux tiers.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. L'avis du Conseil constitutionnel de 1988 est clair.

Les amendements identiques nos21 et 40 rectifié sont adoptés.

L'article 5, modifié, est adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par MM. Portelli, Gélard et Hyest.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Défendu.

L'amendement n°6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 1

Après les mots :

pour une faute

insérer les mots :

, autre qu'une faute lourde constituant une atteinte à l'intégrité physique ou psychique des personnes,

Mme Virginie Klès.  - Nous sommes conscients que le Conseil constitutionnel pourrait se pencher sur cet article, mais les fautes lourdes définies par la jurisprudence sont de nature différente, blocage de l'entreprise ou violence physique ou psychologique à personne. Or la faute lourde pour désorganisation de l'entreprise en cas de grève est trop souvent invoquée.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Avis favorable. La réintégration ne doit pas nuire aux droits des tiers, comme le veut la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Favorable.

L'amendement n°22 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 1

Remplacer la référence :

l'article 5

par la référence :

l'article 4

L'amendement rédactionnel n°34, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Article 7

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par MM. Portelli, Gélard et Hyest.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Défendu.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. D'autant que cet article reprend une disposition de la loi d'amnistie de 1995.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Article 8

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par MM. Portelli, Hyest et Gélard.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Défendu.

L'amendement n°8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 3, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Sous peine d'une amende de 5 000 euros, il est interdit à toute personne, qui dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d'interdiction, déchéances et incapacités effacées par l'amnistie, d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ou d'en laisser subsister l'existence dans un document quelconque.

Mme Virginie Klès.  - Il est préférable de reprendre ici les termes de l'article 133-11 du code pénal. On peut faire allusion à une infraction amnistiée sans savoir qu'elle l'a été.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Sagesse.

L'amendement n°23 rectifié bis est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

Article 9

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par MM. Portelli, Gélard et Hyest.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°24, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Mme Virginie Klès.  - Défendu. Article redondant avec les dispositions prévues à l'article 8 de la présente proposition de loi.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Cela fera plaisir à M. Portelli. Favorable.

Les amendements identiques nos9 et 24, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

L'article 9 est supprimé.

Article 10

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par MM. Portelli, Hyest et Gélard.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Défendu.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Je ne peux me montrer gentille une deuxième fois avec M. Portelli : rejet. (Sourires)

L'amendement n°10, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Article 11

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par MM. Portelli, Hyest et Gélard.

Supprimer cet article.

M. Hugues Portelli.  - Il est défendu. Je suis, par principe, contre les empreintes génétiques, mais je maintiens l'amendement par cohérence. (Rires à gauche)

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. D'autant que le champ de l'amnistie a été singulièrement réduit.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mme Assassi, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer la référence :

à l'article 706-56

par la référence :

au premier alinéa du II de l'article 706-56

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - L'article 706-56 du code pénal réprime à la fois le refus de se soumettre à un prélèvement génétique et la substitution du prélèvement génétique d'un tiers à celui de la personne concernée. Cet amendement vise seulement le premier délit, conformément à l'intention des auteurs de la proposition de loi.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Favorable.

L'amendement n°43 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, lorsque les faits qui ont été à l'origine de la demande de prélèvement biologique sont eux-mêmes amnistiés

Mme Virginie Klès.  - Il faut inclure dans le champ de l'amnistie le refus de se soumettre à un prélèvement biologique prévu à l'article 706-56 du code de procédure pénale seulement lorsque les faits qui sont à l'origine de ce prélèvement sont eux-mêmes amnistiés.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Ce serait retirer une grande partie de l'intérêt de cette disposition. Les forces de l'ordre peuvent reprocher à un manifestant une infraction sans rapport avec les circonstances pour lui demander ensuite de se soumettre à un prélèvement. Cela dit, la commission a, je le regrette, émis un avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le fait amnistié emporte amnistie du refus de prélèvement. L'amendement est superfétatoire. Sagesse.

Mme Laurence Rossignol.  - Quid d'un syndicaliste poursuivi pour des faits qui relèvent de l'amnistie puis relaxé, mais demeurant poursuivi pour refus de se soumettre à prélèvement ?

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Il serait amnistié.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°25, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par Mme Assassi, au nom de la commission.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi est applicable sur l'ensemble du territoire de la République.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Cet amendement autorise l'application de cette loi à l'outre-mer.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Je serais bien intriguée si nous ne prenions pas cette précaution...(Sourires). Favorable.

L'amendement n°42 est adopté et devient un article additionnel.

Interventions sur l'ensemble

Mme Laurence Rossignol .  - Il y a certains jours des magies de calendrier. Alors que nous examinons ce texte, le conseil des prud'hommes de Compiègne engage l'examen des dossiers des 680 salariés de Continental. Tout le monde connaît la longue histoire de cette dramatique affaire. Les salariés de Continental ont appris à la radio, pendant la pause déjeuner, la fermeture définitive du site dans lequel ils travaillaient et où souvent leurs pères avaient travaillé. Il n'est pas pire violence. Ce conflit, douloureux, s'est soldé par ce qu'on a qualifié de mise à sac de la sous-préfecture de Compiègne. Xavier Matthieu a été poursuivi pour refus de se soumettre à un test ADN, considérant qu'il était un syndicaliste, un militant et non un délinquant sexuel. Il est toujours en cassation pour cela.

Je suis heureuse de pouvoir rentrer à Compiègne pour dire à ces salariés que le Sénat aura voté l'amnistie de leur légitime colère. Ils savent, eux, que les vrais délinquants sont ceux qui les ont mis dans cette situation ; ceux-là ne seront jamais poursuivis devant les tribunaux. (Applaudissements à gauche)

Mme Virginie Klès .  - Je me réjouis de l'adoption de ce texte, qui constitue un vrai signal en direction de tous ceux qui souffrent. Je sais que le Gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour nous sortir de la crise et faire que nous n'ayons plus besoin d'une telle loi. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Tasca .  - Je salue l'engagement et le travail de tous les groupes de la gauche en faveur de ce texte, qui porte deux messages. Celui, d'abord, que nous envoyons aux salariés victimes de la violence sociale dans les entreprises et qui ressentent leur condamnation comme une infamie ; nous restaurons leur honneur. Celui, ensuite, qui a justifié que nous travaillions à rechercher un équilibre, pour marquer notre résistance à la propagation de la violence, qui tend à devenir un mode banal de relation à l'autre : nous ne pouvons en aucun cas l'encourager. Le Parlement doit donner l'exemple aux jeunes générations qui sont trop souvent entraînées dans cette spirale de la violence. (Applaudissements à gauche)

Mme Cécile Cukierman .  - Des positions différentes se sont exprimées au sein de notre assemblée. Certains de nos collègues semblent ne pas comprendre que l'amnistie n'est pas un régime d'exception pour ceux qui auraient cassé, séquestré et je ne sais quoi encore. Je ne parle pas des artisans et des patrons de PME ; je parle de ceux qui, à la tête de grands groupes, annoncent des milliers de suppressions d'emplois en quelques secondes. Il n'est pas besoin de remonter à 1948 pour dire la misère et la colère de ces gens qui se battent pour leurs droits et sont traités par le mépris. Bien sûr, la rue ne doit pas gouverner, mais comprenons cette détresse quand on se heurte au mur du mépris. Je la connais pour avoir accompagné les cinq de Roanne.

Nous regrettons l'adoption de certains amendements qui restreignent ce texte, mais c'est le jeu de la démocratie représentative, qui continuera avec la navette. Merci à Mme la garde des sceaux de son écoute. Chacun doit trouver sa place dans notre démocratie ! (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

M. Christophe Béchu .  - Je suis totalement opposé à ce texte. Par principe opposé à toute amnistie, je suis contre le fait que l'on revienne sur des décisions de justice. J'estime en outre qu'il ne revient pas au législateur de récrire l'Histoire.

M. David Assouline.  - Vous voulez parler de l'amnistie des généraux putschistes ?

M. Christophe Béchu.  - S'agit-il de déclarer la violence légitime pour ceux qui vivent des difficultés ? (Vives exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Vous ne connaissez pas ces gens ! Il n'y a pas d'un côté les gentils patrons et les méchants salariés !

M. Christophe Béchu.  - Vous incitez à la vengeance locale. (Mêmes mouvements)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Allez le dire aux salariés de Molex.

Mme Laurence Rossignol.  - Demain, venez avec moi à Compiègne rencontrer les salariés de Continental !

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Je vous invite à venir à Aulnay où se battent les salariés de PSA !

M. Christophe Béchu.  - Vous légitimez la violence, et vous récrivez l'Histoire.

Mme Françoise Laborde .  - Le RDSE, dans sa large majorité, approuvera la proposition de loi ainsi amendée.

M. Pierre Laurent .  - Décidément, monsieur Béchu, vous ne comprenez pas ce qui se passe dans ce pays : les salariés qui subissent la violence des licenciements essaient seulement d'exercer leur droit constitutionnel de grève et d'action syndicale et sont traités comme des délinquants par les tribunaux.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Et la séparation des pouvoirs ?

M. Pierre Laurent.  - Certains ont écopé de peines disproportionnées pour avoir écrit sur un mur lors du conflit sur les retraites si bien que d'autres ont la peur au ventre, en viennent à craindre de s'engager dans ce combat et de se faire entendre.

Je suis fier du travail accompli au Sénat cet après-midi, tout en regrettant que l'on ait restreint l'objet de cette loi. Il fallait en finir avec la criminalisation du syndicalisme ; écoutons les militants et respectons leur parole avant qu'il ne soit trop tard. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Nous sommes, nous aussi, fiers de voter ce texte qui restaure la dignité du monde du travail. On condamnait les syndicalistes à une double peine en les clouant au pilori avec le test ADN, alors que leur détresse et celle de leurs familles étaient patentes.

Ceux que vous appelez les manifestants professionnels, qui fabriqueraient une société de licence, se battent seulement pour le respect de leur droit. En votant ce texte, la gauche marque clairement sa différence d'avec la droite. Nous faisons là un pas qualitatif et quantitatif pour le peuple de gauche.

M. Hugues Portelli .  - Ce texte revient clairement sur des décisions de justice.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est le propre de toute amnistie !

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Son principe même !

M. Hugues Portelli.  - Laissez-moi parler ! Je ne vous interromps pas, moi.

Personne n'est au-dessus de la justice, sinon, dans certains cas, le Conseil constitutionnel. Des prud'hommes à la chambre sociale de la Cour de cassation, on ne peut pas dire que les juges seraient hostiles aux salariés ! Quant aux juridictions pénales, elles sanctionnent des infractions dûment répertoriées dans le code, c'est leur devoir.

Au-delà de ces considérations, il y a des enjeux politiques. Certains poursuivent une idéologie de la contestation. Si je peux le comprendre de la part du parti communiste...

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Ce n'est pas une idéologie !

M. Hugues Portelli.  - ... en revanche, la gauche modérée se donne, avec cette loi, un alibi, de la bonne conscience pour faire croire qu'elle défend toujours les travailleurs. Combien de travailleurs dans vos rangs ?

Alors, si c'est cela, nous aussi, nous présenterons une loi d'amnistie en 2017. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline .  - Quelle lecture pernicieuse de nos intentions ! Quel tintamarre sur la permissivité ! Je rappelle que les violences physiques sont exclues de l'amnistie. Nous envoyons un signal pour demain. Notre message ? C'est dire à l'ensemble du corps social que, face aux prédateurs qui les jettent dans la précarité, il faut user de tous les outils qu'autorise la Constitution pour rétablir le vivre ensemble et la concorde. Avec ce texte, nous remettons les compteurs à zéro et, contrairement à ce que vous dites, nous appelons, en usant du pardon et de l'amnistie que vous ne récusiez pas naguère, à plus de démocratie et surtout de justice.

Mme Esther Benbassa .  - Nos concitoyens, les militants syndicaux et associatifs, attendent ce texte qui est pour eux un symbole fort.

Je regrette que M. Mézard ait introduit la confusion sur les expérimentations scientifiques. En tant que scientifique, je dois dire que le refus de certaines manipulations relève du devoir de désobéissance civile. Merci à Mme la rapporteure d'avoir rapproché nos points de vue. Ce texte est une avancée très positive. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin .  - J'apprends à l'instant le décès de notre ancien collègue Henri Caillavet, esprit libre et libre penseur, membre du Grand Orient de France et fondateur de la fraternelle des parlementaires ; qui a tant oeuvré pour faire avancer la cause des homosexuels, le droit à l'avortement, le don d'organes, l'euthanasie. Pour lui, je demande une minute de silence.

M. le président.  - Concluons d'abord notre débat.

M. Jean Besson.  - Tout de suite !

M. le président.  - Non.

M. Philippe Dallier .  - Nul n'a titre, sur un tel sujet, à donner des leçons de morale. Y a-t-il un parlementaire qui puisse se satisfaire de voir une entreprise fermer sur son territoire, un père ou une mère de famille perdre son emploi ? Non, je ne le crois pas !

Le droit de grève est-il remis en cause dans ce pays ? Non, je ne le crois pas.

Mme Éliane Assassi, rapporteure.  - Vous avez tout tenté !

M. Philippe Dallier.  - J'aimerais que vous mettiez autant d'ardeur à défendre la liberté du travail que le droit de grève. Puisque je suis l'élu de la région parisienne, je dois dire que les salariés de PSA qui le souhaitent ne peuvent toujours pas reprendre le travail bien que quatre syndicats sur six aient signé un accord. Alors, il n'y a pas ici les bons d'un côté et les méchants de l'autre mais des parlementaires qui cherchent à comprendre ce qu'ils votent. Un peu de modération, s'il vous plaît !

Mme Éliane Assassi, rapporteure .  - Je regrette ces dérapages verbaux, qu'explique sans doute la crainte de 2014. (M. Philippe Dallier proteste)

Merci aux auteurs de cette proposition de loi, à Mme Klès qui a fait office de pilote pour le parti socialiste ainsi qu'à M. Rebsamen et au RDSE. Preuve que lorsque la gauche est unie, nous sommes capables de faire atterrir de bons textes. Merci au président Sueur pour sa patience et à Mme la ministre pour sa force de conviction. (Applaudissements à gauche)

À la demande du groupe UMP, l'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 174
Contre 172

Le Sénat a adopté.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux .  - Je salue un trio de choc : Mme David, auteure de la proposition de loi, Mme Assassi, rapporteure, et Mme Klès, pour le groupe socialiste. Elles auront constitué une puissante locomotive ! En votant ce texte, Le Sénat a accompli un acte de justice qui honore la République. Le Gouvernement est heureux d'y avoir été associé. Merci aux sénateurs d'avoir rendu ce moment possible. (Applaudissements à gauche ; M. Jean-René Lecerf applaudit également)

Décès d'Henri Caillavet

M. le président.  - À titre tout à fait exceptionnel, je vous propose d'observer quelques instants de silence à la mémoire d'Henri Caillavet. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence)