Prestations familiales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge.

Discussion générale

M. Christophe Béchu, auteur de la proposition de loi .  - Le Sénat est saisi d'une proposition de loi simple, composée de deux articles, pour moraliser un dispositif social. Elle repose sur une idée simple : les allocations sont faites pour les enfants, non pour les parents. Elles doivent être perçues par ceux qui s'en occupent. Ce texte n'est ni une refondation de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), ni une réponse au récent rapport de la Cour des comptes sur la situation financière intenable des départements, en raison de la hausse continue des dépenses sociales. Les conseils généraux financent les frais liés à l'exercice de la parentalité des 150 000 enfants pris en charge par l'ASE. Pourtant, 85 à 90 % des familles biologiques continuent de toucher la totalité des allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire (ARS). En d'autres termes, s'agissant des allocations familiales, les exceptions prévues par la loi sont devenues la règle ; en outre, jamais aucun texte n'a prévu que l'absence de charge effective devait entraîner l'absence de versement de l'ARS. Alors que les placements sont le plus souvent motivés par des faits de maltraitance, de carence, de négligence, la loi de 1986 est contournée, plus encore son esprit est bafoué.

Cette proposition de loi revient à l'intention initiale du législateur de 1986. Elle n'émane pas de l'Association des départements de France (ADF), mais du terrain, plus précisément des familles d'accueil de mon département du Maine-et-Loire. Lors d'une réunion en 2010, j'ai été interrogé par une femme : « Trouvez-vous normal que les familles qui ne s'occupent pas de leurs enfants continuent de toucher les allocations familiales ? » Cette question a été saluée par un tonnerre d'applaudissements. C'est elle qui a conduit le président du GIP Enfance en danger et du 119 que j'ai été à se pencher sur le sujet...

Ce texte de bon sens est soutenu par le bureau unanime de l'ADF comme par le président de la République qui, recevant les présidents de conseils généraux en octobre 2012, a fait part de sa bienveillance. Nous avions accepté de retirer notre texte de l'ordre du jour en novembre pour qu'un texte sur le même sujet soit déposé par Yves Daudigny. Celui-ci n'a pu être déposé mais ce retard a été néanmoins utile, puisqu'il a permis de clarifier le texte initial, grâce aux amendements humanistes de la rapporteure et de M. Daudigny.

Je veux répondre maintenant aux critiques que j'ai entendues. Certains disent qu'il faudrait une loi plus vaste. Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Une vraie réforme de l'ASE exigerait des années de travail. L'unanimité autour du texte présenté en 2006 par Philippe Bas avait été obtenue grâce à une large concertation en amont. Si une refondation de l'ASE est nécessaire, il n'y a pas de raison de fermer les yeux sur la situation que j'ai décrite.

Précariser les familles ? Je respecte, comme vous, le combat des associations qui agissent aux côtés des plus fragiles. Mais cet argument ne tient pas ; il est infâmant - la maltraitance n'est pas seulement le fait de familles sans moyens - et faux - il n'y a pas précarisation, puisque les familles n'assument plus les charges afférentes à l'éducation des enfants : s'il y a absence de charges, il est logique qu'il y ait absence de ressources ! (M. Bruno Sido approuve) C'est cette même appréciation qui fondait ma réticence devant le texte Ciotti sur l'absentéisme scolaire. Quand l'enfant est confié à un tiers de confiance, le montant des allocations est transféré automatiquement, à 100 %. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour le conseil général ?

Le transfert automatique serait en outre problématique par rapport à l'appréciation du juge... C'était vrai dans le texte initial, mais la difficulté a été levée grâce aux amendements de M. Daudigny ; le pouvoir du juge est préservé.

Ce texte serait une erreur économique, affirment certaines associations familiales ; la charge serait d'autant plus lourde pour les conseils généraux que la séparation avec la famille serait allongée. C'est faux. Je ne veux pas stigmatiser ou généraliser quiconque, mais j'ai rencontré les familles d'accueil et les travailleurs sociaux sur le terrain. Dans beaucoup de cas, les familles ne sont pas pressées de récupérer leurs enfants, car leur situation financière est plus favorable... Dans beaucoup de cas, le maintien des allocations repose sur une parenté biologique qui n'est qu'une fiction. Les décisions de placement judiciaire ne sont pas prises à la légère. Parfois, les enfants sont retirés dès la maternité, par exemple lorsque les deux parents sont lourdement handicapés...

Cette proposition de loi donnera aux travailleurs sociaux et aux départements de nouveaux moyens pour la prévention et un travail de pédagogie auprès des familles. Elle ne concerne que les placements judiciaires, pas administratifs. On peut espérer que dans un grand nombre de cas les familles tireront elles-mêmes la sonnette d'alarme.

Une double peine ? L'argument n'est pas recevable. Les allocations ne sont pas là pour compléter les revenus des parents, elles financent les charges liées à l'éducation de l'enfant. Lors du décès d'un enfant, situation tragique, les allocations ne sont pas maintenues à la famille. Idem lorsque l'enfant est confié à un tiers de confiance.

Tout converge pour que nous adoptions ce texte de justice et d'équité, qui ne coûtera rien aux finances publiques. Si les réformes de bon sens, partagées par presque tous, ne sont pas faites, comment ferons-nous la pédagogie des plus complexes ? Je ne peux croire que nous ne nous retrouvions pas tous sur ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Deroche, rapporteure de la commission des affaires sociales et co-auteur de la proposition de loi .  - Le sujet n'est pas nouveau : la proposition de loi reprend deux amendements votés à l'unanimité par le Sénat lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 - que l'Assemblée nationale avait supprimés au motif qu'il s'agissait de cavaliers.

La première mesure porte sur les modalités de versement des allocations familiales, les plus importantes symboliquement et financièrement des prestations familiales, en cas de placement d'un enfant à l'ASE sur décision du juge. La loi du 6 juillet 1986 a complété l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale pour prévoir que lorsque l'enfant est confié à l'ASE, la part des allocations due au titre de cet enfant est versée à ce service. Le juge des enfants peut toutefois décider que les parents continueront de percevoir ces allocations quand ils participent à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant, ou pour faciliter son retour au foyer.

Or, dans la pratique, l'exception est devenue la règle, même si l'on manque de statistiques en la matière. N'ayant le choix qu'entre retirer ou maintenir les allocations à la famille, le juge opte le plus souvent pour la seconde solution. Le versement à l'ASE n'est décidé que lorsque les faits à l'origine du placement sont graves ; lorsque le dialogue avec la famille est impossible ; lorsque les chances de retour au foyer sont très faibles. Lorsque le juge ne statue pas sur le versement des allocations familiales, elles reviennent de droit à l'ASE.

Sur le plan des principes, il est inconcevable que les familles qui n'assument plus la charge effective d'un enfant continuent de percevoir l'intégralité des allocations au même titre que les autres. C'est une question de justice et d'équité. Ce texte revient donc à l'esprit de la loi, tout en préservant le pouvoir d'appréciation du juge. La version initiale de l'article premier apportait au droit en vigueur les modifications suivantes : suppression de la saisine d'office du juge ; latitude laissée à celui-ci, saisi par le président du conseil général, de se prononcer sur l'attribution des allocations et le partage éventuel de ces dernières.

La seconde mesure du texte concerne l'ARS, versée sous condition de ressource. Cette allocation continue d'être entièrement versée à la famille d'un enfant placé, alors que le département supporte toutes les charges liées à la scolarisation. C'est là encore une incohérence et une iniquité. La proposition de loi initiale prévoyait le versement de l'ARS à l'ASE, tout en préservant la possibilité pour le juge de maintenir totalement ou partiellement son versement à la famille.

Sur ma proposition, la commission a rétabli la saisine d'office du juge. Le maintien des allocations ne pourra être que partiel, la part versée aux parents ne pouvant excéder 35 %. C'est une solution équilibrée. En modulant la part versée aux parents, le juge ajustera sa décision à la situation. Cela aura un rôle incitatif puisque la famille récupérera l'entier bénéfice des allocations en cas de retour de l'enfant. Ce principe a été approuvé par les représentants des magistrats. En revanche, pour l'ARS, qui, contrairement à l'allocation familiale, ne constitue pas un outil de négociation avec les parents, l'intervention du juge ne se justifie pas. J'ai proposé de supprimer les dispositions afférentes de l'article 2.

La proposition de loi apporte une réponse équilibrée, elle réaffirme la volonté du législateur, tout en améliorant la pratique du juge. Enfin, elle restaure l'équité entre les familles. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - J'ai lu attentivement la proposition de loi et écouté l'exposé de M. Béchu. Il faut toujours se méfier de ce qu'on appelle le bon sens. Pour des enfants confrontés à des difficultés de vie, la complexité prévaut : toutes les situations sont différentes. Je ne suis pas sûre que le bon sens soit en la matière le meilleur conseiller...

Une loi doit être utile. Or le droit actuel prévoit déjà, en cas de placement de plus d'un mois, le versement des allocations familiales à l'ASE. Les parents dont l'enfant est placé restent tenus envers lui par les obligations des articles 203 à 211 du code civil, en particulier l'obligation alimentaire. Depuis la loi du 31 mars 2006, le juge peut décider d'office, sur saisine du président du conseil général, de ne pas verser les allocations à l'ASE lorsque la famille participe à la prise en charge morale et matérielle de l'enfant, ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans sa famille. Or la grande majorité des enfants ont vocation à retourner dans leur famille.

Cette proposition de loi est à contre-courant de tous les efforts entrepris par le Gouvernement. Lors de la conférence sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, le Premier ministre a pris des engagements forts, aucune famille ne doit être stigmatisée... (Exclamations à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - Mêmes celles qui maltraitent les enfants !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - ... et le reste à vivre des plus précaires devra être amélioré. Or les familles les plus précaires sont très concernées par la protection de l'enfance.

Cette proposition de loi va à rebours des travaux menés par le président du Haut conseil de la famille, à rebours aussi de l'abrogation de la loi Ciotti qui supprimait les allocations en cas d'absentéisme. (Applaudissements sur les bancs écologistes et quelques bancs socialistes)

M. Bruno Sido.  - Vous mélangez tout !

Mme Catherine Procaccia.  - Rien à voir !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Autre question : quel intérêt pour l'enfant ? Les juges prennent leur décision au cas par cas. Le versement des allocations familiales peut dans certaines circonstances être considéré comme une nécessité - pour préserver l'équilibre d'une famille fragile ou favoriser le retour de l'enfant quand cela est possible. Seuls 5 % des enfants placés n'ont pas vocation à retourner dans leur famille. La Défenseure des enfants, dans son rapport de 2010, proposait de garantir le maintien automatique des allocations familiales lorsque les parents se situent en dessous d'un certain seuil de revenus, afin d'être en capacité de maintenir le lien avec l'enfant. Limiter le montant des allocations à 35 % fragiliserait encore plus les parents, alors même qu'ils feraient l'effort, reconnu par le juge, d'assumer leurs fonctions parentales et éducatives. Cela restreindrait le pouvoir d'appréciation du juge, gardien de l'intérêt supérieur de l'enfant. (Exclamations à droite)

Quel est l'intérêt pour les familles ?

M. Bruno Sido.  - Et pour l'enfant ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Des associations aussi diverses que ATD Quart monde ou celles qui constituent l'Union nationale des associations familiales (Unaf) affirment que c'est en aidant les familles, en les accompagnant, non en les sanctionnant, qu'on facilite le retour de l'enfant dans de bonnes conditions.

M. Bruno Sido.  - N'importe quoi !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Vous parlez de moralisation, d'humanisme. Où est l'humanisme quand on enfonce encore un peu plus les familles ? (Applaudissements sur les bancs écologistes ; exclamations à droite) Lorsqu'un enfant est confié à l'ASE, les parents conservent l'autorité parentale. Le placement est, sauf exception, temporaire ; les parents demeurent allocataires pour l'ouverture du droit aux prestations familiales, la loi ne reconnaissant à l'ASE que la qualité d'attributaire, parce qu'elle assume partiellement la charge financière de l'enfant.

Le maintien ou la suppression des allocations familiales n'ont pas vocation à gratifier les bons parents ou à punir les mauvais.

M. Bruno Sido.  - Tout le monde il est bon, tout le monde il est gentil !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Je ne vois pas en quoi les sanctionner les aiderait à sortir de la situation de difficulté dans laquelle ils sont.

Quel est l'intérêt pour les départements ? La confiscation (exclamations à droite) des allocations d'une famille de deux enfants ne rapporterait que 1 524 euros au conseil général, quand le placement coûte 34 000 euros par an ! Ces familles, en difficulté financière aggravée, devront se retourner vers les services sociaux de la commune ou du département.

Cette proposition de loi n'apporte de réponse satisfaisante ni aux enfants, ni aux parents, ni aux départements. Il faut une vraie réforme de la protection de l'enfance.

Mme Catherine Troendle.  - Vous noyez le sujet !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - On ne peut se satisfaire de voir des enfants errer de familles d'accueil en foyer.

M. Bruno Sido.  - Les enfants restent parfois vingt ans dans une même famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Vous comprendrez que le Gouvernement soit défavorable à cette proposition de loi qui n'apporte rien mais enlève beaucoup. (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur plusieurs bancs socialistes)

Mme Catherine Troendle.  - Le président de la République était pour !

Mme Aline Archimbaud .  - Actuellement, les allocations familiales sont versées à l'ASE, sauf si le juge décide de leur maintien intégral. L'ARS, elle, est versée à la famille.

La proposition de loi irait à l'encontre de l'objectif de retour de l'enfant dans sa famille, sachant que les parents restent tenus par l'obligation d'entretien et d'éducation même en cas de placement. Seuls 20 % des enfants confiés à l'ASE le sont pour des cas de maltraitance. Confisquer les allocations, c'est fragiliser la famille, lui confisquer son statut, compromettre le paiement du loyer, le transport pour rendre visite à l'enfant, le repas servi à l'enfant le week-end. Pas moins de 80 % des enfants placés viennent de familles en grande difficulté économique. Le conseil général devra-t-il subventionner les frais de déplacement des familles et tous ceux liés à l'hébergement de l'enfant ? Quatre-vingt quinze pour cent des enfants placés ont vocation à revenir dans leur famille, c'est en aidant celle-ci, non en la sanctionnant, qu'on rendra ce retour possible.

L'article 2 de la proposition de loi ne laisse aucune capacité d'appréciation au juge des enfants pour autoriser les parents à participer, par exemple, aux frais de rentrée scolaire. L'éviction des parents est complète, alors que le maintien des allocations serait un lien, un moyen de dialogue. Cette proposition de loi fait de l'éducation de ces enfants placés la charge exclusive de la collectivité locale. La rentrée scolaire est un moment fort : ne dépossédons pas les parents des moyens d'y participer. Les familles demandent un accompagnement approprié pour reconstituer la cohésion familiale et accueillir leurs enfants.

Je suis assez choquée par certains arguments, certains propos moralisateurs selon lesquels il faudrait sanctionner brutalement les familles pour les éduquer. (Mme la rapporteure proteste) Nous n'acceptons pas cette stigmatisation des plus pauvres. Il faut réfléchir à un autre dispositif. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes ; Mme la présidente de la commission applaudit aussi)

M. Yves Daudigny .  - À qui doivent être versées les allocations familiales quand l'enfant est confié au service d'aide à l'enfance par décision du juge ? L'application des règles existantes interpelle beaucoup de professionnels ou de familles. Le code de la sécurité sociale répond clairement à la question : les allocations sont versées à la personne qui assume la charge effective et permanente de l'enfant. Le principe est affirmé : lorsqu'un enfant est confié à l'ASE, la part des allocations familiales due à la famille pour cet enfant est versée à l'ASE. Mais l'article L. 521-2 ajoute que le juge peut décider, d'office ou sur saisine du président du conseil général, de maintenir le versement des allocations familiales à la famille si celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans sa famille.

J'ose exprimer devant vous l'idée que naissent de fortes incompréhensions lorsqu'une famille à laquelle le juge a retiré un ou plusieurs enfants continue de percevoir l'intégralité - j'insiste, l'intégralité - des allocations. (Marques d'approbation à droite. MM. Ronan Kerdraon, Gérard Roche et Jean-Pierre Plancade approuvent également)

Les présidents de conseil général s'interrogent. La proposition de loi apporte les évolutions attendues dans le respect des principes de notre système de protection sociale. Les services de l'ASE qui ont la charge effective de l'enfant ne pourront percevoir moins de 65% des allocations familiales. Le droit de saisine d'office du juge est maintenu, ce qui est essentiel. La proposition de loi prévoit le versement de l'ARS au département, qui supporte la totalité des dépenses liées à la scolarisation. Elle précise, en outre, que les dispositions de l'article L.521-2 s'appliquent à l'allocation enfant handicapé (AEH).

J'ai entendu les accusations de stigmatisation, de double peine. Mais l'acte fort, celui qui tranche, c'est la décision du juge de retirer l'enfant à sa famille, et seulement celle-ci ! Cet acte doit être suivi d'un accompagnement, non d'un abandon, c'est une exigence. Mais la grande pauvreté, la précarité méritent certes une mobilisation générale, mais ce sont d'autres sujets...

M. Michel Vergoz.  - Très bien !

M. Yves Daudigny.  - Ce texte répond à un enjeu d'équité entre les familles. Comment expliquer aux parents qui élèvent leurs enfants que d'autres, qui ne supportent aucune charge, perçoivent les mêmes allocations ? (Marques d'approbation à droite) Équité encore, parce que l'ASE est financée par les contribuables du département !

M. Ronan Kerdraon.  - Bonne démonstration !

M. Yves Daudigny.  - Le maintien des allocations familiales se justifie lorsqu'un projet éducatif existe, lorsque le droit de visite est effectivement utilisé. Selon un sondage publié dans le Journal de l'action sociale et du développement social de février 2013, sur 400 anciens enfants placés, la majorité affirme que le placement les a sauvés ; ils sont 62 % à dire avoir souffert du ballotage de foyer en foyer et, surtout 43 % à déclarer avoir regretté le maintien à tout prix du lien avec leurs parents. La justice sociale et l'équité doivent prévaloir pour la cohérence de notre système de protection sociale dans une société où les moyens seront de plus en plus rares. Président de conseil général, je n'oublie jamais l'intérêt de l'enfant en danger. Le groupe socialiste majoritairement votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, à droite et au centre)

Mme Isabelle Pasquet .  - Cette proposition de loi soulève davantage de questions qu'elle n'apporte de réponses. Quelle est la nature des allocations familiales ? Notre position constante est qu'elles ne constituent pas des compléments de ressources mais des prestations familiales à visée nataliste. Ce texte ouvrirait la porte à une mise sous conditions des allocations familiales. Chaque enfant est une chance pour notre pays, on le voit bien quand on observe l'écart de natalité avec l'Allemagne. Les allocations servent à financer les frais liés à l'éducation de l'enfant.

Cela dit, faut-il maintenir le versement des allocations familiales en cas de placement de l'enfant ? L'article L.521-2 du code de la sécurité sociale répond à cette question en donnant au juge la possibilité de se prononcer sur une éventuelle répartition des allocations familiales entre la famille et l'ASE. À mon sens, lorsque le placement n'a pas pour visée de soustraire l'enfant à des faits de maltraitance, le maintien des allocations familiales à la famille se justifie. Cela n'empêche en rien qu'il faille prendre des mesures plus ambitieuses que celles annoncées lors de la Conférence sur la lutte contre la pauvreté. Chômage de masse, temps partiel subi, licenciements boursiers, voilà les phénomènes qui transforment les allocations familiales en compléments de revenus et auxquels il faut s'attaquer. Madame la ministre, nos préoccupations se rejoignent mais nous n'avons pas la même analyse finale. Je n'ai pas retrouvé dans votre discours la nette distinction entre le caractère familial de cette prestation et le caractère social d'autres prestations. Ne remettons pas en cause les acquis de 1945. La feuille de route donnée au Haut conseil de la famille nous inquiète. (Applaudissements sur les bancs CRC, et quelques bancs socialistes et écologistes)

M. Gérard Roche .  - Ce texte est tout simplement de bon sens...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Ah bon !

M. Gérard Roche.  - ... car il revient à la règle posée à l'article L.521-2 du code de la sécurité sociale qui, en pratique, est appliquée à la marge. Il étend la règle à l'allocation de rentrée scolaire. Il y va de l'éthique car nous ne pouvons pas placer sur un pied d'égalité les familles dont les enfants sont placés, et celles qui s'occupent de leurs enfants. Nous ne pouvons pas accepter que la jurisprudence aille contre la volonté du législateur.

M. Bruno Sido.  - Très vrai.

M. Gérard Roche.  - Madame la ministre, je ne suis qu'un petit sénateur... (Vives dénégations) Je sais pourtant que nos concitoyens n'acceptent pas, ne comprennent pas que l'on continue de verser aux familles des allocations familiales lorsque leurs enfants sont placés. Le président du conseil général que je suis le voit bien. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nathalie Goulet.  - Vive le cumul des mandats ! (Sourires)

M. Gérard Roche.  - En raison de mon grand âge, je peux vous dire que l'État consacrait 2,3 millions à l'ASE en 1984. Aujourd'hui, les départements y contribuent à hauteur de 6,4 millions.

L'ASE est le troisième poste budgétaire des départements. Mon département de la Haute-Loire enregistre un manque à gagner de 423 000 euros pour les allocations familiales et de 154 000 euros pour l'ARS - 577 000 euros en tout, soit 3,6 % du budget hébergement de l'ASE. La proposition de loi répond donc aussi à un enjeu financier, ce qui ne doit pas être tabou. Elle n'est pas le grand soir de l'ASE, ont dit certains... Certes, mais est-ce une raison pour ne rien faire en attendant ?

M. Bruno Sido.  - Absolument.

M. Gérard Roche.  - La double peine, je n'y crois guère car nous pouvons faire confiance aux services sociaux de nos départements pour appliquer notre politique avec humanité ! Le groupe UDI-UC votera ce texte ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Plancade .  - La famille est le premier repère pour l'enfant, le lieu de son épanouissement. Pourtant, il arrive qu'il faille décider un placement. Les parents ne sont toutefois pas abandonnés, ils ne sont pas seuls ; les travailleurs sociaux les accompagnent. Le principe du versement des allocations familiales à l'ASE repose sur la loi de 1986 ; la loi de 2006 a prévu l'intervention du juge.

Cette proposition de loi apporte une réponse de justice et d'équité, cela a été dit, en revenant à l'esprit originel du législateur.

Madame la ministre, c'est bien une question de bon sens ; celui-ci ne se discute pas. Il ne s'agit pas d'une sanction, l'objet est de responsabiliser les familles. Des associations craignent que cela n'empêche le retour de l'enfant dans sa famille ; cet argument ne correspond pas à la réalité du terrain, il tient de l'idéologie. Le lien avec la famille est maintenu dans la plupart des cas quand l'enfant est placé : le versement de l'allocation de rentrée scolaire à l'ASE est logique.

Moi qui n'ai pas présidé de conseil général durant des années mais la commission des affaires sociales de mon département, laissez-moi vous dire, madame la ministre, que les familles sont surtout stigmatisées quand on leur retire l'enfant et qu'on décide le placement !

Mme Catherine Procaccia.  - Évidemment !

M. Bruno Retailleau.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Ce texte n'est pas porté par le lobby des présidents de conseil général - ce n'est pas ça qui règlera leurs problèmes financiers ! (Applaudissements à droite) Je le soutiendrai, comme le groupe RDSE, avec conviction et sans états d'âme ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du RDSE)

Mme Marie-Thérèse Bruguière .  - Madame la ministre, votre intervention n'était pas très élégante : il n'y a pas un côté de l'hémicycle qui aurait le monopole de la générosité ! (Applaudissements à droite) Les interventions de MM. Daudigny et Plancade le prouvent ! La maltraitance est aussi le fait de familles qui ont des revenus confortables.

L'ASE organise la prise en charge intégrale de l'enfant quand nécessaire. En 2011, 300 000 enfants ont été placés à la charge des départements. La dépense représente le troisième poste budgétaire de la politique sociale des conseils généraux. La proposition de loi n'est en rien confiscatoire puisqu'une part de 35 % des allocations familiales pourra être maintenue à la famille. Quand à l'allocation de rentrée scolaire, qui a profité à 4,8 millions d'enfants en 2012, pour 300 euros en moyenne, elle est versée aux familles d'enfants placés alors que le conseil général assume la totalité des dépenses de scolarisation de l'enfant. Les magistrats ne voient aucune objection à ce que l'ARS soit versée à l'ASE puisque la prestation vise un but précis. Adoptons ce texte d'équité et de justice, au bénéfice des enfants ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Sido .  - La proposition de loi soumise à notre sagacité reprend deux amendements votés par le Sénat dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, avant d'être supprimés par l'Assemblée nationale. Elle est légitime en ce qu'elle participe à un financement durable et pérenne des prestations familiales et qu'elle tire toutes les conséquences de la compétence de protection de l'enfance des départements, à l'aube de l'acte III de la décentralisation. L'ADF y est favorable. Il est logique que le conseil général perçoive les prestations familiales lorsqu'il assure effectivement l'éducation de l'enfant. Un exemple : en Haute-Marne, pour 374 enfants placés auprès d'assistantes familiales 115 913 euros sont versés aux familles au titre de l'allocation de rentrée scolaire. Le 23 octobre dernier, le président de la République avait semblé favorable à cette initiative, nous assurant que la loi est ce qu'elle est mais qu'elle devait être appliquée.

Cette proposition de loi constitue un progrès. En Haute-Marne, le conseil général perçoit les prestations familiales dans 77 % des cas. Peut-être est-ce l'exception qui confirme la règle. Tout dépend du juge, pas de la situation des familles. En tout cas, cette proposition de loi a le mérite de clarifier les choses et de confirmer le rôle de chef de file du département en matière de protection de l'enfance. En ma qualité de président de conseil général, je porte un soin particulier à ce que les enfants placés bénéficient des meilleures conditions possibles.

M. Béchu a réalisé un excellent travail avec l'aide de la rapporteure. Il y a quelques années, sous une autre majorité, j'avais fait la même proposition. La ministre d'alors m'avait apporté la même réponse que vous, madame la ministre. J'en déduis que les ministres passent, l'administration reste, ce qui nous vaut d'entendre toujours les mêmes arguments. Pardon, mais ce n'est pas ça la politique. (Applaudissements à droite)

Mme Michelle Meunier .  - Protéger l'enfant, l'accompagner vers l'âge adulte, est une question extrêmement complexe. Revenir par petites touches sur la loi de protection de l'enfance nous fait perdre de vue l'ensemble. L'an dernier, nous l'avions modifiée pour autoriser le transfert des informations en cas de déménagement de la famille d'un enfant signalé. Maintenant, nous reviendrions sur le versement des allocations familiales ? Attention, car cette grande loi avait été votée de façon consensuelle.

Quelle est la réalité ? En Loire-Atlantique, le conseil général perçoit les allocations familiales pour 23 % des enfants placés. Cette proposition de loi poursuit l'objectif à peine masqué de renflouer les finances des départements.

M. Bruno Sido.  - Ce n'est pas un crime !

Mme Michelle Meunier.  - À rebours de la proposition de loi revenant sur la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme, ce texte stigmatise les familles. (Exclamations à droite) Pour trois quarts des enfants placés en Loire-Atlantique, les prestations familiales sont maintenues. Je n'en suis pas surprise quand la détresse économique explique le plus souvent le placement. Pourquoi vouloir punir les plus vulnérables en temps de crise ? Laissons le Haut conseil de la famille y réfléchir ?

M. Alain Bertrand.  - Assez de ces conseils !

M. Bruno Sido.  - À quoi sert le Parlement ? Quel déni de démocratie !

Mme Michelle Meunier.  - L'argument financier ne tient pas. Avec cette proposition de loi, on couvrirait à peine 0,4 % des dépenses des conseils généraux en la matière ! Voilà les raisons pour lesquelles je voterai contre. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée .  - « Le fait que nos actes puissent paraître bons ne garantit pas qu'ils soient éthiques », dit le dalaï-lama. Nous sommes très clairement dans une loi de confort. (Exclamations à droite) Pour preuve, les chiffres. Pour 80 % des enfants placés, des liens affectifs sont maintenus avec la famille. Dans 57 % des cas, les allocations familiales sont versées aux familles sur décision du juge. Chaque année, 2,6 millions d'euros sont versés à ce titre au conseil général. Pour combien d'euros faites-vous cette loi ? (Exclamations à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - Ce n'est pas la question !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - J'ai été conseillère d'arrondissement pendant onze ans, conseillère générale...

Mme Catherine Procaccia.  - À Paris, ce n'est pas la même chose !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - À Paris, on n'est pas sur le terrain. Moi, je n'ai jamais cumulé les mandats et je mérite le respect pour mon parcours. Tout n'est pas autorisé.

Le droit existant suffit. Chaque placement est un cas particulier. Ainsi, tous les enfants d'une même famille ne sont pas forcément placés. La protection de l'enfance, c'est du sur-mesure. Le remède que vous proposez est pire que le mal ! (Exclamations à droite) Au reste, vous étiez contre l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, prétendant qu'elle serait dépensée en écrans plats ou que sais-je !

Mme Catherine Procaccia.  - Ce n'est pas le sujet !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - C'est toujours la même philosophie ! Ce texte donnera un très mauvais signal. Certes, la maltraitance existe dans des familles aisées, mais on sait bien que les placements sont les plus fréquents dans les milieux modestes. Pourquoi les stigmatiser encore ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et Mme Michelle Meunier applaudit aussi)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Daudigny.

Alinéa 7

Avant les mots :

Le montant

insérer les mots :

à compter du quatrième mois suivant la décision du juge,

M. Yves Daudigny.  - Cet amendement prévoit une période transitoire entre la décision de placement et la décision sur les allocations familiales, afin d'éviter un choc, d'autant que l'enfant peut dans ce délai retourner dans sa famille.

Mme Catherine Deroche, rapporteure.  - Favorable, à l'unanimité. Madame la ministre, vous venez de donner des chiffres. J'aurais aimé que vos services, auxquels nous les avons demandés à plusieurs reprises, nous les communiquent. (Applaudissements à droite)

M. Christophe Béchu, auteur de la proposition de loi.  - Tout n'est pas autorisé, avez-vous dit, madame la ministre. Vous nous stigmatisez en mettant en cause la sincérité de notre engagement pour la protection de l'enfance. J'ai découvert ce sujet par son côté le plus sombre : un procès, dans mon département, impliquant 66 adultes suspectés de faits de pédophilie abjects sur 44 enfants - dont le plus jeune avait 6 mois. La protection de l'enfance est le grand oublié de nos politiques. Personne n'a le monopole de la connaissance du terrain. Les associations de mon département soutiennent ce texte. Je voterai pour l'amendement n°2 rectifié.

M. Alain Richard.  - J'éprouve un sentiment de gêne d'entendre invoquer les associations. Je crains fort que la position du Gouvernement ne s'explique, non par l'influence de la haute administration, mais par la crainte de contrarier une association en particulier et de son écho médiatique. Le législateur doit assumer ses choix, qui ne sont motivés que par le souci de l'intérêt général. (Applaudissements sur un grand nombre de bancs)

Mme Isabelle Debré.  - Je travaille depuis vingt ans dans une association de protection de l'enfance. Nous n'avons pas de leçons à recevoir, madame la Ministre ! Le président de la République soutenait ce texte il y a quelques mois, pourquoi ce revirement ? Le président de la République n'aurait-il plus la même position que le président de conseil général ? La maltraitance se rencontre dans tous les milieux - il y a des comportements auxquels un animal ne se livrerait pas. Nous ne laissons aucune famille sur le bord de la route. Les associations sont partagées. N'oublions pas qu'une part des allocations familiales peut être maintenue à la famille. Militante active d'une association reconnue par votre ministère, je voterai cet amendement.

M. Christian Favier.  - Madame la ministre, ce texte ne stigmatise personne. Au contraire, il reconnaît l'action des travailleurs sociaux. Vous n'avez pas eu un mot pour eux, cela m'a quelque peu choqué. Ce texte donnera aux départements les moyens d'accueillir les enfants dans de bonnes conditions. Ne confondons pas prestations familiales et compléments de revenus. C'est en relevant les minimas sociaux qu'on règlera les problèmes des familles en détresse économique. (Applaudissements sur un grand nombre de bancs)

Mme Aline Archimbaud.  - Ce débat n'a apporté aucun argument nouveau. Les écologistes en restent à leur opposition à ce texte mécanique, automatique et aux dépens des familles.

M. Bruno Sido.  - Avez-vous lu la proposition de loi ?

M. Gérard Roche.  - Madame la ministre, nous avons le droit de penser autrement mais nous n'avons pas, ici, l'habitude de l'agressivité. Votre ton n'était pas de mise. Nous travaillons tous pour la protection de l'enfance.

Comme l'a dit à juste titre M. Favier, les travailleurs sociaux des départements sont tous les jours sur le front. Nous devons les reconnaître, les conforter. Eux ont besoin de tout notre soutien, plus que les associations malgré le respect qu'on leur doit ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Je n'ai pas voulu être agressive, j'ai dit mes convictions avec ma spontanéité et peut-être la fougue d'une novice.

M. Bruno Sido.  - D'accord.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Si le sujet était la protection de l'enfance, j'aurais parlé des travailleurs sociaux et de la loi de 2007 de M. Philippe Bas votée à l'unanimité. J'ai proposé de vous associer à la réflexion sur la réforme de la protection de l'enfance : toutes les suggestions seront bienvenues. Si j'ai cité les associations, ma référence est le discours du Premier ministre lors de la Conférence sur la pauvreté ; ni plus ni moins. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

A la demande du groupe UMP, l'article premier modifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté.

Article 2

À la demande du groupe UMP, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - Peu compétente en matière sociale, je suis en revanche très attentive aux finances de mon département, très bien géré par notre ancien collègue Alain Lambert. L'Orne se singularise par des dépenses sociales supérieures à la moyenne nationale : 2,7 % contre 1,8 % en France métropolitaine.

Le nombre de placements a augmenté : 725 cette année contre 646 l'an dernier, pour un coût supplémentaire de plus d'un million d'euros. Le Sénat doit défendre les départements. C'est le seul intérêt du cumul des mandats : que des présidents de conseils généraux puissent faire ainsi entendre leur voix. Le groupe UDI-UC votera ce texte, qui envoie un bon signal.

M. François Zocchetto.  - Très bien !

M. Ronan Kerdraon .  - J'ai suivi les débats avec attention. Cette question transcende les clivages.

Mme Isabelle Debré.  - Ce n'est pas la première fois !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Mais rare ces temps-ci.

M. Ronan Kerdraon.  - Je m'en félicite. Je ne suis ni président de conseil général, ni conseiller général.

M. Alain Gournac.  - Cela viendra ! (Sourires)

M. Ronan Kerdraon.  - Cette proposition de loi trouve son origine dans celle d'Yves Daudigny. C'est l'intérêt général qui est au coeur de notre travail, M. Richard l'a rappelé. En votant ce texte, nous faisons honneur au mandat que nos électeurs nous ont confié. Oui, osons : je suis fier de voter cette mesure de bon sens et d'équité, qui met en cohérence nos idées et nos actes. (Applaudissements à droite, au centre et sur de nombreux bancs socialistes)

M. André Reichardt .  - Je vais voter avec enthousiasme cette proposition de loi. Cela va de soi car je l'ai cosignée. J'ai toutefois un autre argument de poids : le dispositif est très équilibré. Je veux dire mon incompréhension devant la position du Gouvernement, qui accrédite l'idée selon laquelle les allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire seraient versées pour des seules raisons économiques, sans lien avec les charges de l'éducation d'un enfant. Cela, je ne peux pas l'accepter.

M. Michel Vergoz .  - On a beaucoup parlé de « stigmatisation » des familles... Je remercie l'UMP de nous avoir suivis et d'avoir repris la proposition de loi de M. Daudigny.

Mme Isabelle Debré.  - C'est le contraire !

M. Michel Vergoz.  - Preuve que l'on peut encore nous faire confiance ! (Sourires)

Pour les conseils généraux, les allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire ne représenteraient que des prunes. Il faudra préciser les chiffres des placements judiciaires - seuls visés ici - et des placements administratifs. Saluons l'action des travailleurs sociaux, qui empêchent bien souvent d'en arriver à la séparation de l'enfant de sa famille. Grâce à eux, la solution judiciaire n'intervient qu'en dernier recours.

Interrogeons-nous sur la place primordiale qui doit être celle de l'enfant. Le retour entier de l'allocation de rentrée scolaire au profit du conseil général et, donc, de l'enfant est une mesure de justice. Ce texte, équitable et responsable, est conforme à nos engagements socialistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs)

Mme Michelle Meunier .  - Je confirme mon vote contre, sur la forme et sur le fond. Ce texte n'envoie pas un bon signal. J'attends une vraie réforme des allocations familiales.

M. Jean-Pierre Raffarin .  - Il y a des jours où l'on est fier du Sénat ! Quels que soient les engagements politiques, nous avons su nous retrouver. Monsieur Vergoz, vous avez parfaitement raison, la proposition de loi Béchu reprend la proposition de loi Daudigny d'octobre. C'est que celle-ci reprenait la proposition de loi Béchu de juillet ! Appelons-la la proposition de loi Béchu-Daudigny. (Rires ; applaudissements à droite)

À la demande du groupe UMP, l'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur un grand nombre de bancs)

La séance est suspendue à 17 h 10 pour reprendre à 21 heures.

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présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 21 h 10.