Ville et cohésion urbaine (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Discussion générale

M. Claude Dilain, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP n'a eu aucun mal à parvenir à un texte commun le 4 février dernier. C'est grâce au climat de coopération que vous avez toujours entretenu, monsieur le ministre. Je rends hommage à mon homologue à l'Assemblée nationale, M. Puponni.

La réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville concentre les moyens et assure une parfaite transparence, parce que le critère est unique.

Le deuxième volet de ce texte, c'est le Nouveau programme de renouvellement urbainn (NPRU). Les nouveaux contrats de ville réconcilient l'urbain et l'humain - qui étaient fâchés, paraît-il ! Enfin, ce projet de loi fait le choix de la co-construction avec les habitants.

La CMP n'est pas revenue sur la plupart des votes du Sénat : le maintien de la dotation de développement urbain, la meilleure prise en compte des objectifs de la politique de la ville dans les schémas de planification, la possibilité pour les conseils citoyens de faire appel à des experts extérieurs, ou encore le recentrage des conventions intercommunales d'attribution de logements sociaux. Nous avions sécurisé le régime des anciens migrants. Enfin, nous avions permis à l'Epareca d'intervenir à proximité d'un quartier prioritaire.

À l'article premier bis A, la CMP a prévu que le rapport étudierait l'opportunité de sanctionner les intercommunalités qui ne s'engageraient pas dans les contrats de ville. En première lecture, l'Assemblée nationale avait prévu des sanctions automatiques ; l'opposition du Sénat ne portait que sur les modalités. Nous sommes donc d'accord pour que la question soit réexaminée.

À l'article 5, nous avons précisé le rôle du maire dans la mise en oeuvre des contrats de ville, et accepté le rétablissement d'une instance de pilotage intercommunale - qui n'empêche pas la mise en place de structures plus locales.

À l'article 5 bis nous avons revu la composition des conseils citoyens, avec tirage au sort et parité. À l'article 16 bis, nous avons rétabli le rapport sur la création d'emplois et d'entreprises dans les quartiers prioritaires.

La CMP a aussi procédé à diverses coordinations juridiques avec la loi relative aux métropoles et adopté divers amendements rédactionnels.

Ses conclusions ne remettant pas en cause nos travaux, je vous invite à les adopter en l'état. (Applaudissement à gauche)

M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville .  - Je n'ai pas été surpris de l'issue de la CMP, car ce texte est issu d'une longue coopération, qui date d'avant même les dernières élections et à laquelle une association que M. Dilain connaît bien, l'Association des maires Ville et Banlieue de France, a contribué. Le texte a été enrichi au cours des débats parlementaires.

Son apport principal réside dans la réforme de la géographie prioritaire. L'objectivité du critère unique facilitera des révisions apaisées.

Le financement de l'achèvement du premier programme national de rénovation urbaine (PNRU) est assuré et nous en lançons sans attendre un deuxième.

Avec ce projet de loi, nous disposons du cadre pour modifier l'ensemble des politiques publiques au service des quartiers en difficulté. La politique de la ville doit exercer un effet de levier.

Merci au rapporteur, merci à tous pour la qualité de nos échanges, qui aboutissent à un texte équilibré et ambitieux. Je ne doutais pas que le Sénat jouerait son rôle. (Applaudissements)

Mme Esther Benbassa .  - Je l'ai dit : s'il y a un domaine où une réponse était attendue, c'était celui-ci. Dix ans après la loi de 2003, le texte engage une nouvelle étape de la politique de la ville. Je salue le travail des deux rapporteurs et l'ouverture du ministre. Nous nous réjouissons qu'ait été retenue la rédaction de l'article premier issue des travaux du Sénat. Le rôle des habitants y est affirmé d'emblée. Nous nous réjouissons aussi que le droit à une alimentation saine soit énoncé.

En revanche, nous déplorons le sort de notre amendement n°63, qui pénalisait l'abus de droit de préemption à des fins discriminatoires. Alors même qu'une feuille de route pour l'intégration vient d'être adoptée, le Sénat s'est privé de faire entendre sa voix. En revanche, l'article 10 A crée un nouveau critère de discrimination, en fonction du lieu de résidence : c'est un nouveau pas vers l'égalité.

Le groupe écologiste souhaitait un texte plus ambitieux, mais soutiendra le texte. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Bécot .  - Ce projet de loi s'inscrit dans un ensemble législatif fourni, auquel les majorités successives ont participé. La politique de la ville ne peut résoudre à elle seule le principal problème des quartiers, celui du chômage. Mais elle montre la voie.

Nous connaissons tous la source des difficultés chroniques des quartiers : les grands ensembles, dont la greffe dans le tissu urbain n'a jamais pris. Dès 1982 était conclue une convention de développement social des quartiers. L'acte inaugural de la politique de la ville reste toutefois la loi du 1er août 2003. Tirons les enseignements des dix dernières années : la réhabilitation des quartiers doit se faire dans un contexte déjà sécurisé, là où le dialogue entre acteurs locaux fonctionne bien.

Dorénavant, il faudra surtout nous préoccuper de l'intégration économique des quartiers. Le programme urbain doit se concentrer sur un objectif simple, leur réhabilitation ; d'où nos critiques sur l'article premier.

Les moyens prévus pour le deuxième PNRU sont insuffisants, bien moindres que pour le premier PNRU. Certes, le contexte est difficile, mais vous auriez pu modérer vos propos sur la précédente majorité.

Nous approuvons en revanche la simplification de la géographie prioritaire, et la mise en place d'une veille active pour les quartiers qui en seront exclus. Regrettons cependant que les modalités d'identification des quartiers soient renvoyées au pouvoir réglementaire.

M. François Lamy, ministre délégué.  - Leur liste !

M. Michel Bécot.  - Les contrats de ville sont-ils pertinents ? Quid du niveau intercommunal ? Nous sommes réservés sur la participation des habitants. Ceux-ci sont rarement enthousiasmés par les projets de réhabilitation, quitte à en être souvent très satisfaits après-coup.

Deux motifs nous empêchent de voter ce texte : l'absence de liste des quartiers prioritaires, et le bavardage de l'article premier. Voilà pourquoi, malgré le louable effort de simplification qu'il porte, l'UMP s'en tiendra à l'abstention.

Merci au président et au rapporteur de la commission des affaires économiques, cependant, pour leur écoute.

Mme Muguette Dini .  - L'enfer est pavé de bonnes intentions qui ne résistent pas aux contraintes de la réalité. Ce projet de loi, fruit d'une concertation approfondie, avait fait l'objet au Sénat d'un dialogue constructif. En séance, Mme Létard avait salué les trois piliers de ce texte, que sont l'effort de simplification, la reconnaissance du niveau intercommunal comme chef de file de la politique de la ville, et la poursuite du PNRU. Des interrogations demeuraient, mais nous abordions ce texte avec bienveillance et le tiers des membres de notre groupe l'ont voté.

Hélas, la CMP a rigidifié le nouveau dispositif, bridant l'initiative locale et privant la politique de la ville de réactivité et de souplesse. C'est particulièrement vrai à l'article 5 bis, où la CMP est entrée excessivement dans le détail et a prévu un tirage au sort des membres des conseils citoyens... C'est méconnaître les initiatives locales. Les dépenses de fonctionnement des collectivités s'en trouveront alourdies. Ce texte exprime, au fond, votre défiance à l'égard des collectivités et demeure excessivement complexe.

Nous regrettons l'insuffisant ciblage de la politique de la ville sur les publics prioritaires. Certaines politiques ne sauraient être circonscrites aux limites d'un quartier : lutte contre les violences intrafamiliales, contre la délinquance...

Enfin, l'article premier bis A prévoit des pénalités à l'égard des intercommunalités refusant de signer un contrat de ville. Ouvrir la possibilité d'une sanction, c'est laisser à penser qu'une collectivité pourrait s'exonérer d'une compétence obligatoire. C'est incohérent ! 

Espérons enfin que le secret gardé sur la liste des quartiers prioritaires ne réserve pas de mauvaises surprises.

Le groupe UDI-UC s'abstiendra. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Mireille Schurch .  - Nous avons apprécié le sens du dialogue de M. le ministre, qui a permis d'aboutir à un projet de loi bien meilleur que le texte initial. Enfin, les banlieues ne sont plus considérées comme un problème à nettoyer mais comme une promesse et un défi à relever !

La refonte de la géographie prioritaire, sur la base d'un critère de revenus, est bienvenue, de même que la mobilisation des politiques de droit commun. Quant au lancement du deuxième PNRU, nous nous en réjouissons, même si nous aurions aimé des moyens plus importants. Pour éviter que des projets d'aménagement soient conduits contre le gré des habitants, nous avons fait adopter un amendement reconnaissant le caractère intrinsèquement humain de la politique de la ville.

L'idée de la co-construction est fort intéressante. Un juste partage des compétences entre communes et intercommunalités permettra de satisfaire au mieux les besoins des habitants. En admettant que des contrats de ville puissent être conclus dans les quartiers qui échappent aux nouveaux critères, on se donne les moyens de mesurer les conséquences de la réforme et de revoir éventuellement les critères.

La sortie de la géographie prioritaire de la moitié des quartiers relevant d'un contrat de cohésion sociale et urbain nous inquiète. Et surtout, nous déplorons la baisse de 4,5 milliards en trois ans des dotations aux collectivités territoriales. Elle aura une incidence directe sur la politique de la ville et ne fera que renforcer les inégalités territoriales. Dans les quartiers, il faut des crèches, des écoles, des médecins, des policiers.

Ce qui mine les quartiers prioritaires, c'est d'abord le chômage et la baisse du pouvoir d'achat : nous saluons donc le choix de la CMP sur l'organisation de la politique de l'emploi dans les quartiers.

Nous voterons le texte, qui crée un cadre et des outils intéressants. Ne manquent désormais que les moyens. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Esnol .  - Le groupe RDSE est satisfait que le ministre, peu soucieux de faire table rase du passé, ait voulu simplifier la politique de la ville. Le nouveau zonage a une vertu majeure : cibler objectivement les quartiers les plus en difficulté. Il est bon de montrer que les sénateurs savent s'entendre pour faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers.

Nous nous réjouissons d'avoir été entendus sur le rôle du maire : car si l'intercommunalité est l'échelon de la contractualisation, la commune reste l'échelon de proximité. Les départements et les régions seront parties aux contrats. Ce qui répercute leur caractère partenarial.

Le nouveau dispositif doit être évalué, comme toute politique moderne : nous sommes satisfaits, à cet égard, du choix de la CMP.

La composition des conseils citoyens, paritaire et largement ouverte aux associations, permettra aux acteurs du terrain de faire entendre leur voix.

Nous voterons ce texte, consensuel. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Ce projet de loi répond à une attente très forte des élus, des associations comme des habitants. Issu d'une longue concertation, il devrait être voté à une large majorité. La CMP a montré que les deux assemblées savaient travailler en bonne intelligence.

Ce texte ambitieux favorisera les synergies et améliorera les conditions de vie des habitants. La nouvelle géographie prioritaire, plus simple et plus efficace, interdira les passe-droits. Nous nous réjouissons que les maires aient vu leur rôle réaffirmé : ce sont eux, en définitive, qui seront chargés de la mise en oeuvre des contrats.

La CMP a également officialisé l'instance de pilotage que nous jugions trop complexe. Le projet de loi mobilisera les solidarités locales et nationales grâce à des moyens financiers repensés. La spécificité de l'outre-mer devra être prise en compte. Un compromis a été trouvé de sorte qu'un temps de réflexion plus long sera donné pour trouver des modalités plus incitatives que coercitives.

Nous avons longtemps débattu ici comme en CMP des conditions de participation des habitants. La parité et la représentation des acteurs locaux va dans le bon sens, et relève d'une dynamique citoyenne - je pense en particulier à ceux qu'on a trop souvent laissés pour compte. La co-construction est une innovation puissante de ce texte.

C'est la volonté politique partagée de tous les acteurs de la politique de la ville qui donnera ses lettres de noblesse à ce texte. Vous l'avez voulu, monsieur le ministre, nous l'avons voulu avec vous citoyen et républicain : voilà deux raisons supplémentaires de le voter. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

(Applaudissements à gauche)