Formation professionnelle (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

Discussion générale

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Ce texte porte une réforme d'ampleur, cohérente, marquant l'aboutissement de négociations et de concertations réussies.

Cette réforme est fondatrice ou plutôt refondatrice ; elle est construite autour de nouveaux équilibres entre l'individu et l'entreprise pour la formation professionnelle, entre les partenaires sociaux dans la démocratie sociale et dans un cadre de solidarité forte.

Ces sujets ne sont pas nouveaux. Ils ont fait l'objet de réformes, parfois trop nombreuses. Celle-ci à l'ambition de revenir aux fondements de ces politiques à l'aune des enjeux d'aujourd'hui et d'équilibres nouveaux avec des acteurs qui ont gagné en maturité.

La loi Delors de 1971, décisive, fut l'expression d'un consensus politique. Portée par un homme de gauche, issue d'un accord entre patronat et syndicat, elle fut mise en oeuvre par le gouvernement de M. Jacques Chaban-Delmas. Beaucoup de ces objectifs demeurent d'actualité : l'élévation du niveau de qualification comme facteur de compétitivité, la promotion sociale et professionnelle. Néanmoins, on ne peut plus penser le système de formation professionnelle comme en 1971. Au début des années 1970, l'effort de formation représentait 1 % de la masse salariale. Il est de 3 % mais tend à s'éroder depuis les années 1990. Au début des années 1970, 20 % d'une génération obtenait le bac, 75 % aujourd'hui. Surtout, nous étions encore dans une période de plein emploi.

Autant de raisons de refonder la formation professionnelle sur des bases nouvelles : l'autonomie et la liberté de l'individu et de l'entreprise ; la liberté de l'individu de construire son parcours de formation, celle de l'entreprise d'investir dans la formation et les compétences.

Le Compte personnel de formation (CPF) est la mesure phare du texte : entièrement portable et transférable, il suivra l'individu tout au long de sa vie. Par son financement renforcé, parce qu'il redonnera l'envie de se former, il ramènera la personne sur le devant de la scène et mettra une partie de son destin entre ses mains. Il contribuera activement à sécuriser les parcours professionnels. La formation professionnelle doit être mobilisable à tout instant, que ce soit pour faire face à une fragilité - un licenciement - ou une opportunité - une promotion. Dans tous les cas, faisons en sorte que l'esquisse d'un rêve devienne réalité. Le Droit individuel à la formation (DIF) a, trop timidement, ouvert la voie. Un nouvel outil s'offre à présent aux salariés. Nous construisons une composante essentielle de la sécurité sociale professionnelle dont nous sommes nombreux à rêver sur ses bancs. Pour les entreprises, la formation professionnelle devient un investissement. Nous passons d'une obligation formelle à une obligation réelle de former. Le changement du système est un changement d'esprit.

Pour poursuivre la refondation de notre démocratie sociale, il nous faut des acteurs reconnus, légitimes, forts, responsables, capables d'obtenir des avancées par le compromis, selon la mécanique vertueuse du dialogue social à la française.

Ce texte complète la réforme de la représentativité syndicale lancée par Gérard Larcher - je ne l'oublie pas. Entendons-nous sur la nécessité d'accorder la légitimité suffisante à la négociation sociale. Personne ne nie les conflits, mais personne non plus ne nie la nécessité des compromis qui permettent à chacun de garder la tête haute.

La France a connu une baisse de la conflictualité, grâce à une négociation collective intense, tous les syndicats signant des accords. Dans nos sociétés d'individualisme il faut du courage pour parler au nom de ses collègues, pour essayer d'améliorer sans cesse le sort collectif. Être patron, c'est aussi prendre la responsabilité d'un dialogue qui n'est pas une perte de temps, mais un facteur d'efficacité.

Nous rendons service aux acteurs de la démocratie sociale en fondant la représentativité patronale sur des bases claires, en rendant le financement transparent, inséré dans un cadre clair, y compris pour les comités d'entreprise.

Madame Procaccia, je m'étais engagé à revenir devant vous avant les ides de mars et à ne pas remettre la réforme aux calendes grecques. Nous y sommes, j'ai tenu ma promesse.

Solidarité et régularité devraient s'exprimer au niveau territorial. Cette réforme prendra sa force parce qu'elle sera ancrée dans les territoires. La politique de l'apprentissage et de l'orientation est à cet égard exemplaire. Chaque territoire, chaque bassin d'emploi doit trouver ses repères, adaptés aux besoins en compétences locales, identifiées par tous. Tous les acteurs sont concernés. Les réponses sont à construire sur les territoires.

Il y aura aussi une solidarité professionnelle et interprofessionnelle. L'individu ne sera pas seul. Le compte personnel de formation n'est pas un chèque formation, mais donne un droit à la qualification. Il ne s'agit plus du diplôme, mais de la formation tout au long de la vie. En somme, ce texte envoie le message suivant : vive la deuxième chance, vive la troisième et la quatrième chance ! Désormais, le diplôme initial ne fera pas tout. Celui qui n'a pas réussi à l'école pourra le faire à 50 ans. Ainsi remettrons-nous en route l'ascenseur social.

Les entreprises ne sont pas abandonnées. La mutualisation vers les TPE est renforcée. L'Assemblée nationale a renforcé les outils pour ce faire : les fonds mutualisés pour la formation professionnelle.

Du territoire, il en est encore question dans la réforme de la démocratie sociale pour adapter la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences aux enjeux territoriaux. L'espace régional est un défi à relever pour renforcer les partenaires sociaux.

Le titre III réforme l'inspection du travail. La section de l'inspection du travail est préservée, j'y insiste, pour assurer les réponses de proximité pour les salariés et pour les entreprises. Mais nos territoires sont parfois bien peu de choses face à la mondialisation. Songez aux fraudes, au détachement illégal de travailleurs, à la sous-traitance en cascade. La concurrence déloyale et le dumping social exploitent des travailleurs étrangers et menacent nos entreprises et nos emplois. Nous devons nous organiser et adapter notre inspection du travail aux défis du XXIe siècle. Les unités régionales de contrôle et le groupe national de contrôle agiront plus efficacement pour protéger tous les travailleurs et assurer l'égalité de concurrence entre toutes les entreprises. J'ai vu sur des chantiers dans quelles conditions sont embauchés des travailleurs venus de l'est de l'Europe : nous devons les protéger, ainsi que les entreprises qui respectent la loi et qui créent des emplois : cela relève de de notre politique régalienne.

Sur la méthode, je précise que les trois volets de la réforme résultent du dialogue social. Je rappelle la conclusion de l'accord national interprofessionnel, la concertation entre L'État, les régions et les partenaires sociaux sur le CPF. De très nombreux échanges ont eu lieu sur l'apprentissage et la démocratie sociale. J'ai présidé cinq comités techniques ministériels et de multiples réunions de concertation sur l'inspection du travail.

Cette réforme suscite des doutes, voire des oppositions. Pour certains, elle serait indolore et insipide. Les tenants d'un changement plus profond expliquent que nous changerions tout pour ne rien changer. Pour d'autres, en revanche, bouleversements et effets pervers seraient à craindre. Où se situe la vérité de notre ambition?

Sur la formation professionnelle, j'entends des critiques inexactes. Le compte personnel décloisonne et simplifie : c'est la porte d'entrée unique vers tous les dispositifs ; l'opacité sera dissipée. Le financement de la démocratie sociale et celui de la formation professionnelle seront totalement séparés. Le CPF dispose de moyens quintuplés par rapport au DIF : près d'un milliard pour les salariés, 300 millions pour les demandeurs d'emploi, vers lesquels les fonds mutualisés sont orientés.

Débusquons les erreurs : le Gouvernement est extrêmement attaché au développement de l'apprentissage. L'objectif de 500 000 apprentis en 2017 est inscrit dans le pacte de compétitivité. Une tendance à la baisse est constatée en 2013, de 4 % de juin à décembre, signe d'une conjoncture hésitante.

Les petites entreprises doivent être rassurées et soutenues . Ce texte modifie substantiellement l'ambition de la taxe d'apprentissage qui financera davantage l'apprentissage. Les apprentis et les employeurs sont sécurisés via les CFA et la faculté de conclure un contrat d'apprentissage dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée (Très bien ! sur les bancs socialistes)

Ne rien changer condamnerait l'inspection du travail à se fossiliser. Nous conservons l'inspecteur du travail actif dans son unité de proximité, mais avec une organisation collective plus efficace. L'inspecteur voit sa liberté de décision confortée ; le responsable hiérarchique ne pourra dessaisir l'agent, pas plus demain qu'aujourd'hui. Un amendement important voté à l'Assemblée nationale grave cette indépendance dans la loi. Un mouvement exceptionnel de promotion professionnelle va transformer les contrôleurs en inspecteurs dans les dix ans qui viennent.

Les partenaires sociaux avancent grâce à des compromis. Ce texte de progrès propose de nouvelles réponses aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Ce texte fait de nombreux pas en avant. Cette méthode est la seule pour réformer notre pays efficacement, pour écrire, pour quarante ans peut-être, une nouvelle page de l'histoire économique et sociale de notre pays. Ce texte simplifie un paysage complexe, en ramenant de 200 à une vingtaine le nombre d'organismes collecteurs.

Pas après pas, il transfère à la région un bloc homogène de compétences. Pas décisif d'une réforme qui prend acte de la compétence régionale sur le terrain, des compétences et des connaissances. Pas résolu sur la représentativité patronale, la transparence du financement de la démocratie sociale, par la reconnaissance du fait que la démocratie sociale a un coût et que la démocratie politique s'honore à le garantir. Pas déterminé de la réforme de l'inspection du travail. Face à autant de grands et de petits pas, je me félicite d'engager avec vous un débat qui sera riche.

Réservez un accueil favorable à ce texte, afin qu'il entre en vigueur rapidement, après l'adoption des textes réglementaires et l'aboutissement des négociations dans les branches et les entreprises.

Merci à la présidente de la commission des affaires sociales, qui a su travailler en de brefs délais, au rapporteur de la commission des finances, qui connait bien le sujet, et à Claude Jeannerot dont chacun apprécie la maîtrise des dossiers, le sens de la pédagogie et l'humeur toujours égale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Plus de quarante ans après l'examen des lois Delors de 1971 qui ont bâti notre régime de formation professionnelle et d'apprentissage, je pense faire miens les propos du rapporteur d'alors, Adolphe Chauvin, qui protestait contre les conditions d'examen de ces quatre textes jugeant qu'il était « parfaitement déraisonnable de faire travailler le Parlement dans de pareilles conditions ». Contrairement à ce que l'on peut lire dans Le Guépard, il faut que rien ne change -  la procédure d'urgence  - pour que tout change -  la formation professionnelle. (Mme Isabelle Debré s'exclame)

Ce texte est fidèle à l'objectif fixé en 1971 par Jacques Delors, donner à chacun une deuxième, voire une troisième chance au cours de son existence professionnelle. Mais ce n'est pas l'unique volet de ce projet de loi qui renforce la légitimité des acteurs du dialogue social, parachevant la réforme de la représentativité syndicale de 2008 et qui réforme l'inspection du travail dont les capacités d'action seront renforcées.

Le texte, issu de l'accord national interprofessionnel, est l'engagement du Gouvernement en faveur d'une démocratie sociale vivante et respectée dans son domaine de compétence défini à l'article L. 1 du code du travail. Ainsi est démontré la complémentarité entre démocratie sociale et parlementaire ; cette dernière demeurant souveraine mais enrichie par l'apport de la première.

J'entrevois pour ce texte une pérennité comparable à celle des mesures de 1971 visant à construire une « nouvelle société ».

Le rapport de la mission commune d'information de Jean-Claude Carle, celui de Bernard Seiller en 2007 ou de Gérard Larcher en 2012 recommandaient de supprimer l'obligation légale pour que la formation redevienne pour les entreprises un investissement à part entière. C'est ce que fait ce projet de loi. Souhaitons que la formation figure un jour en haut de bilan et ne soit plus considérée comme une charge. Ce texte marque une avancée réelle par rapport au DIF, resté inabouti. Le CPF aura une validité permanente, jusqu'au départ à la retraite. Il s'articulera avec des abondements complémentaires, pour suivre des formations longues. Il bénéficiera d'un financement dédié, versé par les entreprises. Les partenaires sociaux se sont accordés pour transformer l'obligation de dépenser en obligation de former. Il sera prélevé une contribution au taux unique de 1 % de la masse salariale, entièrement mutualisée. Ce pari, je n'en doute pas, sera couronné de succès.

Le taux réduit applicable aux TPE est maintenu et la mutualisation en leur faveur renforcée : les PME ne sont pas les laissées-pour-compte de cette réforme. Aujourd'hui, les PME de 10 à 49 salariés financent à hauteur de 50 millions d'euros par an la formation des entreprises plus grandes.

M. Jean Desessard.  - Voilà.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Ce projet de loi clarifie la répartition des compétences en matière de formation. La région devient le chef de file de la formation professionnelle. Dans le respect du droit communautaire, elle peut mettre en oeuvre un service d'intérêt économique général. Le nouveau Conseil national de l'emploi et de la formation permanente (Cnefop) se substituera aux instances existantes et les comités régionaux adapteront la politique de formation aux besoins des territoires. L'Afpa n'est pas oubliée : le patrimoine que l'État met à sa disposition pourra être transféré aux régions ; nous y reviendrons.

Ce projet de loi contient de nombreuses mesures importantes en faveur de la formation professionnelle, fondées sur le dialogue social. Il contribue à la modernisation de l'apprentissage, rationalise la collecte de la taxe d'apprentissage.

Deuxième volet du texte : l'article 16 définit les règles de la représentativité patronale, comblent un vide juridique préjudiciable à la vitalité du dialogue social.

Cette réforme est l'aboutissement de la position commune du 19 juin 2013 affirmée par la CGPME, le Medef et l'UPA et de l'accord du 30 janvier dernier qui associe la FNSEA et l'Unapl et l'Udes.

Il fixe un cadre global pour rétablir la représentativité des organisations patronales au niveau des branches comme au niveau interprofessionnel. Il définit des règles spécifiques en cas d'adhésion d'une organisation de branches à plusieurs organisations. La multi-adhésion n'est pas rare : ainsi le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA) adhère à la fois au Medef, à la CGPME et à l'UPA.

Ce texte définit le droit d'opposition patronale à l'extension d'un accord. L'article 18 rend transparent le financement des partenaires sociaux, mettant un terme à un climat délétère de suspicion : les circuits seront simplifiés, rendus publics et mieux centralisés. Un amendement de la commission tendra à ce que toutes les organisations soient informées des modalités de répartition de ces crédits.

La réforme de l'inspection du travail est la plus importante et la plus ambitieuse depuis des décennies : je salue l'engagement du Gouvernement pour ce projet porteur de progrès, en dépit de critiques émanant des deux bords de l'hémicycle, qui méconnaissent l'équilibre de ce projet de loi. L'Assemblée nationale a consacré les principes d'indépendance et de liberté des inspecteurs du travail.

Les futurs responsables d'unités de contrôles seront des inspecteurs comme les autres, ce lien ne sera pas plus attentatoire à la liberté des agents que celui qui existe aujourd'hui entre contrôleurs et inspecteurs au sein d'une cellule d'inspection. Les structures régionales et nationales agiront en concertation avec les agents de terrain, pour lutter contre le travail illégal.

C'est le directeur de la Direccte qui décidera de sanctionner l'employeur : l'agent de contrôle ne sera pas juge et partie ; les droits de la défense seront respectés. Toute sanction pourra être contestée devant le juge administratif dans des conditions de droit commun. Les amendes administratives seront cohérentes avec le droit du travail. Elles seront prononcées par le directeur de la Direccte, avec recours possible au tribunal administratif.

Les principes de l'État de droit sont respectés, nous proposerons un amendement sur la transaction pénale.

Une formation professionnelle efficace, adaptée aux besoins de l'économie qui soit un outil de qualification et de promotion sociales ; un dialogue social légitime et transparent ; une inspection du travail efficace et impartiale : cela ne correspond-il pas aux exigences de notre économie et de notre société ? La commission des affaires sociales contrairement à cet avis n'a pas semblé le croire, rejetant l'ensemble du texte après avoir adopté mes 53 amendements ; nos débats porteront donc sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je recommande l'adoption de ce texte, sous réserve des modifications que nous avons proposées, sur le fondement d'une saisine de notre commission justifiée par le financement de la formation professionnelle, l'organisation des organismes paritaires, le périmètre des compétences, le financement des organisations syndicales et patronales.

Trois objectifs majeurs se dégagent : simplification, clarification, optimisation.

L'article 9  simplifie la collecte et optimise la gestion de la taxe d'apprentissage. Les articles 9 bis et ter adoptés à l'Assemblée nationale pour remédier à la censure par le Conseil constitutionnel de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013 répondent également à ces objectifs.

L'achèvement du processus de transfert aux régions de la compétence de la formation professionnelle va dans le même sens.

Saluons ces avancées qui répondent, petite satisfaction, aux observations que j'avais présentées l'an dernier dans mon rapport sur la collecte de la taxe d'apprentissage.

Simplifier, clarifier, optimiser, voilà les objectifs que nous mettions en avant en insistant sur la réduction du nombre des organismes collecteurs, le pilotage régional, la fusion de la taxe d'apprentissage et de la contribution volontaire à l'apprentissage ; nous souhaitions aussi recentrer la taxe d'apprentissage sur le financement de l'apprentissage. Le Gouvernement a mis en oeuvre l'essentiel de ces recommandations dans la loi de finances pour 2014, la loi de finances rectificative pour 2013 et le présent projet de loi. Je m'en réjouis.

Pour autant, je présenterai deux amendements à l'article 9 qui réforme profondément la collecte de la taxe d'apprentissage. Il ramène le nombre d'organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (Octa) nationaux de près de 200 à une vingtaine d'Octa. Au niveau régional, une seule chambre consulaire sera responsable de la collecte. La liberté d'affectation est maintenue, avez-vous dit. Soit, mais les préconisations de la région seront-elles, oui ou non, prises en compte par les Octa ? Il faut clarifier ce point. À mon sens, le rôle de la région doit être conforté. Je défendrai cette position maximaliste au Sénat en espérant des progrès.

Mme Christiane Demontès.  - Nous vous reconnaissons bien là !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.  - Autre amendement, je proposerai d'étendre aux Octa l'application des dispositions introduites à l'initiative du Sénat dans la loi du 24 novembre 2009 sur la conclusion d'une convention triennale d'objectifs et de moyens entre l'État et les organismes de collecte.

Les articles 9 bis et 9 ter tirent les conséquences de la récente décision -  elle date du 29 décembre 2013  - du Conseil constitutionnel. Il le fallait pour que la réforme s'applique dès le 1er janvier 2015. Je proposerai un amendement rédactionnel.

Un mot de l'article 15 qui réforme le financement du paritarisme. Comment sera évaluée la compensation par l'État des transferts de compétences prévus en matière de formation professionnelle et d'apprentissage ? Ce très symbolique article fait enfin la transparence sur le financement du paritarisme, en créant un nouveau fonds paritaire. Il faudra veiller à ce que le prochain projet de loi de finances traduise cet engagement. Non sans avoir dit que je présenterai d'autres amendements à titre individuel, je vous invite, au nom de la commission des finances, à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. le président.  - La parole est à M. Desessard. (Marques d'encouragement sur divers bancs)

M. Michel Sapin, ministre.  - Attention, monsieur Desessard, on n'est populaire qu'au début...

M. Jean Desessard .  - Je le sais !

Formation professionnelle, dialogue social, démocratie sociale, où était l'urgence ?

Mme Catherine Procaccia.  - Nous sommes d'accord.

M. Jean Desessard.  - Les gouvernements se suivent...

M. Henri de Raincourt.  - ... mais ne se ressemblent pas.

M. Jean Desessard.  - Non, ils ne se ressemblent pas mais ils appliquent la même méthode face au Parlement.

M. Henri de Raincourt.  - C'est faux !

M. Jean Desessard.  - La formation professionnelle représentait 32 milliards d'euros en 2011 ; elle est financée à 43 % par les entreprises, à 15 % par l'État dont les crédits diminuent et à 14 % par les régions. Elle ne bénéficie qu'à 27 % des chômeurs ; si elle concerne 66 % des diplômés à bac+2, ce n'est le cas que pour 25 % des non diplômés. Autant dire qu'elle bénéficie trop peu à ceux qui en ont le plus besoin.

Que ce soit clair : elle devrait bénéficier à tous, et surtout aux chômeurs et précaires. Elle est un outil d'épanouissement professionnel comme un instrument d'adaptation aux changements technologiques. Cela suppose d'anticiper le changement plutôt que de le subir. Cela ne signifie pas, pour autant, d'oublier les métiers d'hier. Chaudronniers, ébénistes, tailleurs de pierre, nous en avons besoin. Nous devons également, pour assurer la transition écologique, former des techniciens dans la rénovation thermique.

Le CPF est un premier pas vers la formation pour tous, tout au long de la vie, que nous appelons de nos voeux. Félicitations, monsieur le ministre, il s'agit d'une avancée réelle par rapport au DIF ouvert aux seuls salariés et conditionné à l'accord de l'employeur. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) Mais 150 heures sur sept ans et demi, cela suffit-il pour se qualifier ? En réalité, le CPF profitera aux personnes déjà qualifiées, pour se remettre à niveau, plutôt qu'aux précaires et chômeurs qui en ont le plus besoin. Un financement en hausse de 600 à 900 millions, cela suffira-t-il ?

Cependant, nous, écologistes, saluons la création du CPF et l'inclusion des activités dites « hors champ » à l'Assemblée nationale - soit l'économie sociale et solidaire, l'agriculture et les professions libérales, excusez du peu !

Monsieur le ministre, vous avez tenu votre engagement sur la transparence des comptes des comités d'entreprise que vous aviez pris devant Mme Procaccia.

M. Michel Sapin, ministre.  - Calendes de mars, et non calendes grecques ! (Sourires)

M. Jean Desessard.  - J'en viens au sujet qui fâche.

M. Henri de Raincourt.  - Eh oui !

M. Jean Desessard.  - Les écologistes ne veulent pas de la réforme de l'inspection du travail. C'est un cavalier législatif...

Mme Isabelle Debré.  - Même pas masqué !

M. Jean Desessard.  - ...que les agents refusent. Ils craignent de voir leur indépendance, consacrée à l'article 6 de la Convention OIT 180, remise en cause. Faut-il lire cet article ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Il est dans le texte !

M. Michel Sapin, ministre.  - Oui, c'est inutile, le projet de loi le reprend.

M. Jean Desessard.  - La création des nouvelles unités de contrôle, la nomination de responsables, éloignera les inspecteurs du terrain ; le pouvoir de sanction administrative confié aux directeurs des Direccte entrera en conflit avec leur mission de lutte contre le chômage.

Que se passera-t-il si un agent de cette administration doit prononcer des sanctions dans une entreprise en difficulté ? Il ne fera rien.

M. Henri de Raincourt.  - Oui !

M. Jean Desessard.  - Réforme hâtive de l'inspection du travail, bilan mitigé, vous l'aurez compris...

M. Henri de Raincourt.  - Quel suspense !

M. Jean Desessard.  - ...le groupe écologiste ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs écologistes et quelques UMP) Point trop fort à droite !

Mme Isabelle Debré.  - C'était pour l'orateur suivant.

M. Jean-Noël Cardoux .  - Encore une fois, nous travaillons dans l'urgence ; les orateurs précédents l'ont dit, notre rapporteur mérite un coup de chapeau... Malgré mes avertissements, vous ne changez pas de méthode. Le texte, contrairement à l'article 1er du code du travail, n'a pas fait l'objet de concertations. Vous récidivez après le contrat de génération à temps partiel réintroduit à l'article 10, le CICE que vous voulez étendre au secteur marchand, la suppression puis la réintroduction de la TVA anti-délocalisation, la clause de désignation des assurances. De cette méthode, il résulte un texte complexe, souvent incompréhensible. Au total, le groupe UMP ne pourra peut-être pas voter ce texte qui est finalement d'affichage.

M. Henri de Raincourt.  - Suspense !

M. Jean-Noël Cardoux.  - D'ailleurs, deux organisations et non des moindres, puisqu'il s'agit de la CGT et de ma CGPME sont contre.

Certes, il y a des points positifs...

M. Jean-Noël Cardoux.  - ...parmi lesquels le CPF. En revanche, pourquoi cette réforme de l'apprentissage ? D'abord, le financement. Le taux d'effort passera certes de 1,6 % à 1 % mais le fonds paritaire devra financer la formation professionnelle. Peut-être aurait-il fallu humblement dessiner un petit tableau avec une colonne moyens et une autre pour les missions.

Les moyens consacrés aux chômeurs sont plutôt de 600 millions, c'est trop peu. Notre groupe proposera de porter le plafond des heures de formation à 250 heures pour les demandeurs d'emploi. La mutualisation vers les PME et les TPE n'est pas suffisante. La réforme de la représentation patronale ne peut pas être raisonnablement adoptée quand elle est refusée par des organisations. Le désengagement de l'État aurait dû être lissé. Les acteurs hors champ ont été réinsérés dans le champ mais siégeront-ils dans les comités ?

Concernant l'apprentissage, l'articulation entre gouvernance régionale et nationale, de même que les trois listes de formations qualifiantes mériteraient un vrai choc de simplification.

Renforcer les pouvoirs de l'inspection du travail ? Pourquoi pas ? En revanche, des sanctions jusqu'à 12 000 euros par salarié, c'est excessif. Supprimer cette mesure rassurerait.

Le renoncement au temps partiel occasionne de nombreux blocages chez les entreprises.

L'apprentissage apparaît comme une variable d'ajustement, un secteur marqué par le désengagement de l'État.

Autant de griefs qui expliquent - fait rare - que nous ayons déposé 80 amendements. Nous avons voulu ouvrir la porte au dialogue ; acceptez de donner du temps au temps sur la réforme de la représentation patronale et le temps partiel. Monsieur le ministre, nous espérons que, fort des expériences passées, vous accepterez ce dialogue et pourrez conclure un pacte de responsabilité avec le Sénat. La balle est dans votre camp ! (Applaudissements à droite)

Mme Isabelle Debré.  - Beaucoup de talent !

Mme Chantal Jouanno .  - Je ne vous surprendrai pas, je défendrai la même position que les députés centristes.

Nous sommes très favorables au CPF : le droit à la formation doit être attaché à la personne, comme tous les droits sociaux. Nous sommes également pour la responsabilisation. En revanche, M. Borloo l'a dit, le législateur n'est pas lié par les accords conclus par les partenaires sociaux. Nous ne sommes plus dans le plein emploi des années soixante-dix. Les enjeux ont changé, ils sont désormais d'intérêt général : corriger les inégalités que ne réduisent ni l'école ni la formation professionnelle, lutter contre le chômage et adapter l'emploi aux nouvelles technologies. Nous avons donc besoin d'un système plus mutualisé - différence majeure de philosophie.

Autre divergence, il aurait fallu mettre l'accent, plutôt que sur les moyens, sur la qualité des formations. Quelque 32 milliards d'euros déjà sont consacrés à la formation professionnelle, la certification et l'évaluation.

Ce texte ne comble pas les manques identifiés par divers rapports, dont ceux de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Le CPF ne bénéficiera que de manière collatérale aux demandeurs d'emploi ; si l'on avait voulu le contraire, il aurait fallu abonder les crédits du Congé individuel de formation (CIF).

Le texte ne répond pas aux attentes des petites entreprises - très insatisfaites -, qui paient pour les grandes. Bref, le groupe UDI-UC est très réservé. Il se prononcera en fonction du débat parlementaire, auquel il sera très attentif. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Ce texte, issu de l'accord du 14 décembre 2013, apparaît d'une grande complexité. En réalité, parler de formation professionnelle, c'est parler de la discrimination, de la transparence, de la précarité et de la répartition des richesses au sein de l'entreprise.

Le groupe CRC, avec des syndicalistes et des chercheurs, défend une sécurité sociale renforcée, pour éviter à chacun de connaître le chômage. Nous l'appelons la sécurité sociale de l'emploi, d'autres la sécurité sociale professionnelle. Le projet est pourtant un, et vise à protéger les travailleurs des aléas économiques.

Monsieur le ministre, si nos vocabulaires convergent, nos méthodes diffèrent. Nous voulons interdire les licenciements boursiers, taxer le capital. Vous faites le contraire en reprenant les accords de compétitivité imaginés par M. Sarkozy, en réduisant les cotisations patronales sur la branche famille. La proposition de loi de reconquête de l'économie réelle en est le plus récent exemple.

Réduction des coûts, ce serait le seul mot d'ordre pour instaurer la compétitivité. Des coûts qui seraient toujours sociaux et salariaux. Pas un mot de ceux du capital. Or, en 2011, le surcoût du capital atteindrait, d'après des chercheurs du Centre lillois de recherches économiques et sociales, 94,7 milliards d'euros. Ces sommes pourraient servir utilement à financer la formation professionnelle et l'innovation de demain. Voilà comment nous restaurerons notre compétitivité.

Pour arriver à un haut niveau de formation, il faut penser une nouvelle contribution universelle et mutualisée, comme hier pour les retraites ; tout le contraire de ce qui est prévu dans ce projet de loi qui réduit l'effort de financement des entreprises de 1,6 % à 1 % de la masse salariale, et, surtout, des plus grandes. Sans doute une anticipation du pacte de responsabilité : des cadeaux pour les entreprises sans contrepartie.

Si nous apprécions le CPF, qui assurera la portabilité des droits durant deux ans, de même que l'extension du droit à la formation pour les salariés licenciés, cela ne suffit pas à faire de la formation le droit universel que nous appelons de nos voeux.

Les personnes à temps partiel -  souvent des femmes  - , les personnes qui auront démissionné, plus ou moins contraintes au départ ou encore les chômeurs non inscrits à Pôle emploi bénéficieront peu de ce texte.

Aux salariés de définir la formation qualifiante qui leur convient. Or le employeurs pourront refuser une formation prise sur le temps de travail - les salariés devront se former durant le temps consacré à leur vie familiale - ce sera, encore une fois, aux dépens des femmes.

Nous sommes convaincus de la pertinence de l'échelon régional. Pour autant, afin que chacun bénéficie d'un égal accès à la formation, le cadre national s'impose. Qu'advient-il des CIO, parties prenantes du service public national de l'orientation ? Seront-ils intégrés dans une logique de guichet unique, aux côtés de structures privées, sans qu'on s'assure de la qualité de l'information offerte et des formations proposées ?

Nous nous opposons, sur la forme comme sur le fond, aux dispositions relatives à l'inspection du travail. Vous prenez appui sur un texte qui a fait l'objet d'un accord pour imposer une mesure non concertée. À tout le moins, vous auriez pu séparer des sujets qui ne sont pas liés.

M. Jean Desessard.  - Bien sûr. Bravo !

Mme Laurence Cohen.  - La suppression des sections...

Mme Christiane Demontès.  - Elles ne sont pas supprimées !

Mme Laurence Cohen.  - ...la création d'unités de contrôle au sein desquelles la répartition des sections sera confiée à un responsable, le renforcement de l'autorité hiérarchique nous font craindre à terme la disparition de l'autonomie des inspecteurs et des contrôleurs. J'ai déposé avec le groupe CRC un amendement de suppression.

Si nos amendements n'étaient pas votés, nous voterions contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Françoise Laborde .  - Le niveau élevé de chômage et l'accélération des mutations économiques font des compétences et de la formation un outil majeur d'accès à l'emploi et un moteur du développement de nos entreprises, donc de la croissance. Or l'architecture actuelle date de 1971, époque où le chômage existait à peine. Les besoins ont changé. Aucune réforme globale n'a jamais été entreprise. Notre système montre ses limites. La France souffre d'une inadéquation structurelle entre les compétences disponibles sur le marché du travail et les besoins nécessaires à la relance de son économie.

Malgré un financement considérable, 32 milliards d'euros, le système profite autant aux salariés qui en ont le moins besoin. À l'horizon 2020, 2,3 millions d'actifs pourraient manquer des qualifications nécessaires tandis que 2,2 millions de postes ne seraient pas pourvus... Notre système ne répond pas aux besoins des salariés les plus vulnérables, les moins qualifiés - 56,5 % des cadres accèdent à une formation, 32,4 % des ouvriers, 53 % des salariés des entreprises de plus de 1 000 personnes, 29 % des salariés des TPE. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de négocier une réforme en profondeur, base du texte dont nous sommes saisis. Nous saluons la méthode qu'il a suivie.

Après les emplois d'avenir, les contrats de génération, la sécurisation de l'emploi, ce projet de loi, qui renoue avec l'esprit de la loi Delors, est un outil supplémentaire pour lutter contre le chômage. Il fallait une réponse globale, qui place l'individu au centre du dispositif et passe d'une obligation de payer à une obligation de former. La formation doit être considérée comme un investissement et plus comme une dépense.

Le CPF est la mesure phare de ce texte. Il sera attaché à la personne et non plus au contrat de travail. Nous saluons la mise en place d'un entretien professionnel pour tous les salariés et la création du conseil en évolution professionnelle. Les innovations de ce texte apportent de nouvelles garanties aux travailleurs.

La région deviendra le véritable chef de file de la formation professionnelle et non seulement un financeur. Elle formera l'échelon pertinent d'un service public de l'orientation et de la formation professionnelle tout au long de la vie.

Il faudra aller plus loin pour réaliser une véritable réforme de l'apprentissage. Cette voie, trop souvent considérée comme une voie de garage, offre pourtant un véritable rempart contre le chômage.

Les mesures proposées sur les instances du dialogue social renforceront leur légitimité. Il fallait en finir avec une réglementation opaque et inefficace.

Nous comprenons les inquiétudes suscitées par la réforme de l'inspection du travail. Il eût été préférable de prendre un texte spécifique. Je sais que vous travaillez le sujet, monsieur le ministre, depuis un an et demi et que les amendements adoptés à l'Assemblée nationale ont renforcé l'indépendance des agents de contrôle.

Monsieur le ministre, parce que ce projet de loi fait de la formation professionnelle un levier de promotion sociale, un outil contre le chômage et un investissement indispensable à la relance, le groupe RDSE, dans sa très grande majorité, le soutient. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

Mme Christiane Demontès .  - Ce projet de loi est très important et très attendu. Après la loi sur la sécurisation de l'emploi, il fait de la formation professionnelle un levier de qualification pour tous les actifs. Il est issu en partie de l'accord national interprofessionnel conclu le 14 décembre dernier.

La méthode du Gouvernement, fondée sur la concertation et le dialogue social, est une force. Cet accord a été signé par la majorité des partenaires sociaux et pas par tous ; cela ne le rend en aucun cas illégitime, c'est le principe même de la démocratie.

Il est indéniable que nous avons dû travailler rapidement - je salue l'exploit de notre rapporteur qui nous présente un rapport très pédagogique sur des sujets parfois très techniques. Sur la réforme des retraites de 2010, sur la loi HPST de 2009, ce fut bien pire ! (Mouvements divers à droite)

Plus de quarante ans après la loi fondatrice de 1971, notre système de formation professionnelle se caractérise par sa complexité et son cloisonnement. Son financement, 32 milliards, demeure opaque. Pourtant, la formation professionnelle est un outil essentiel des ressources humaines des entreprises. Ce texte vise à en faire un facteur de compétitivité pour les entreprises et de sécurisation des parcours professionnels des salariés.

Notre système de formation professionnelle est actuellement peu qualifiant - 11 % des formations suivies. Il est marqué par d'importantes disparités : 53 % des salariés d'entreprises de plus de 1 000 personnes en bénéficient, contre 29 % des salariés des entreprises de moins de 10 personnes ; 56,5 % des cadres y accèdent, contre 32,4 % des ouvriers. Monsieur Desessard, cela ne signifie pas que nous ne voulons pas que les cadres ne se forment pas, mais que les ouvriers en profitent aussi largement. Disparités aussi selon le sexe, puisque seules 15 % des femmes suivent une formation qualifiante, contre 22 % des hommes - Mme Génisson y reviendra. Enfin, quand la lutte contre le chômage est une priorité, seuls 20 % des demandeurs d'emploi ont entamé une formation en 2011.

Malgré les sommes considérables dépensées par les entreprises - 13,7 milliards d'euros, bien au-delà des obligations légales -, la complexité de notre système freine l'accès à la formation, pénalise nos concitoyens et nos entreprises.

Faire de la formation professionnelle un instrument mobilisable à chaque instant est une révolution. Le CPF est attaché à la personne, quelle que soit sa situation au regard de l'emploi, ouvert dès l'entrée dans la vie active et de validité permanente. Il est opposable pour acquérir le socle de connaissances et de compétences - n'oublions jamais que notre pays compte 2 millions d'illettrés qui ne possèdent pas des savoirs de base. Il ne pourra être utilisé sans l'accord de son titulaire, qui devient acteur, négociateur de sa formation. Il disposera d'un pouvoir de choix. Au-delà des 150 heures, le CPF pourra être abondé pour les salariés n'ayant pas connu d'évolution professionnelle au cours des six dernières années ; le volume d'heures pourra être augmenté dans le cadre d'un accord de branche ou d'entreprise. Le financement est garanti par un prélèvement de 0,2 % sur la masse salariale. Les partenaires sociaux ont transformé l'obligation de dépenses en obligation de former.

Les salariés des TPE bénéficieront de la mutualisation nouvelle créée par ce texte. J'entends la crainte des petites entreprises. Mais le système est peu redistributif aujourd'hui ! Il faudra être vigilant. Les OPCA doivent développer une véritable offre de services, particulièrement à l'égard des PME.

Si les cinq organismes de conseil cités dans le projet de loi sont incontestables, il importe que les régions puissent s'appuyer sur d'autres organismes, comme les cités des métiers ou les CIO. La région devient chef de file du service régional d'orientation et de formation professionnelle.

La réforme du financement de l'insertion par l'activité économique...

M. Michel Sapin, ministre.  - Des articles Demontès !

Mme Christiane Demontès.  - ...se traduit par la généralisation d'un seul mode de financement à toutes les structures concernées. L'aide au poste se substituera aux aides actuelles. Les embauches financées ainsi seront réalisées dans toutes les structures sous la forme de CDD d'insertion. Les dérogations individuelles à la durée de travail hebdomadaire sont transposées pour ces contrats, afin de garantir la continuité des parcours d'insertion. Un alinéa sur les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification a été inséré à l'Assemblée nationale ; ils bénéficieront d'une reconnaissance dans des conditions fixées par décret.

Ce projet de loi n'aborde pas la question de l'agrément. Mais je ne doute pas que dans les prochains mois, il existera.

Certaines des préconisations du rapport de M. Patriat sur l'apprentissage sont reprises dans le texte qui nous est soumis, notamment la clarification des missions des CFA transférés aux régions. Il convient de sécuriser employeurs et apprentis pour atteindre l'objectif de 500 000 apprentis en 2017. L'apprentissage s'est développé dans les formations supérieures, mais il ne doit pas se substituer à la formation préparant à une première qualification.

Nous avons déposé des amendements pour préciser les conditions de la dévolution des biens immobiliers de l'Afpa aux régions. Je me réjouis de l'attention portée par le Gouvernement à ce grand organisme installée aux quatre coins de l'hexagone.

Mme Schillinger évoquera le titre II, M. Labazée le rôle des régions. Le titre III sur l'inspection du travail fait débat. La bataille de l'emploi, c'est aussi celle du travail et de sa qualité. La branche accidents du travail-maladies professionnelles a pesé 12 milliards en 2011... M. Godefroy pourrait vous en dire plus sur ce sujet. Avec les articles 20 et 21, le Gouvernement se dote des moyens de nature à veiller au respect des droits des travailleurs. Les services sont réorganisés. L'indépendance des agents est garantie et leur pouvoir d'investigation élargi. Le dispositif de sanction est amélioré.

Le texte frappe par sa cohérence et sa portée innovante. Il est attendu par les partenaires sociaux, les entreprises mais aussi les Français. Il s'inscrit dans un monde en mouvement qui nécessite adaptation et non renonciation. Fondé sur les valeurs fortes que nous portons de justice, de responsabilité et de liberté, il répond aux enjeux majeurs que sont la formation professionnelle et la démocratie sociale. Malgré l'opposition de certains, j'espère que notre débat nous offrira l'occasion d'enrichir encore ce texte qui constitue une avancée de premier ordre dans notre histoire sociale pour les femmes et les hommes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de M. Guené,vice-président

M. Jean-Claude Carle .  - (Applaudissements à droite) Les réformes de la formation professionnelle se succèdent à échéances régulières, à partir d'un même constat : iniquité, opacité, complexité, inefficacité. En 2007, je dénonçais dans mon rapport un système marqué par les « trois C » : complexité, corporatisme, cloisonnement, aux effets dévastateurs. Je félicite Mme Demontès, elle en a cité deux... Je préconisais pour remèdes les « trois P » : la personne, le partenariat, la proximité. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous repreniez trois de mes propositions : le CPF -  que j'appelais compte épargne formation -, le terme mis au financement des organisations syndicales par des fonds dédiés à la formation professionnelle et la réduction du nombre d'organismes collecteurs...

Le plus dur reste à faire, cependant. La gouvernance doit s'articuler en trois niveaux : l'État, garant de l'équité, la région comme acteur principal de la stratégie et de la cohérence, le bassin d'emploi en tant que levier principal d'action.

Les difficultés de la formation professionnelle à répondre aux besoins puisent leur racine très tôt, dès la petite enfance... Tous les pays qui ont rationalisé la dépense publique ont investi davantage dans l'enseignement précoce et ont un taux de diplôme élevé. Parmi les 150 000 jeunes qui sortent de notre système éducatif sans qualification, la moitié était en échec scolaire précoce. Le premier problème, c'est la défaillance de la formation initiale.

L'apprentissage est en danger. Je suis frappé année après année de voir que l'intelligence de la main n'est pas assez reconnue. Notre pays continue à hiérarchiser les formes d'intelligence, quand l'Allemagne a fait de l'apprentissage une filière d'excellence -  ce qui peut expliquer que le taux de chômage des jeunes y soit trois fois moindre. La gauche a fait de l'enseignement indifférencié un sanctuaire... Cela explique sans doute que le Gouvernement ait préféré la création massive d'emplois d'avenir au lancement d'une campagne nationale de promotion de l'apprentissage.... Ce n'est pas ainsi que sera atteint l'objectif fixé par le président de la République de 500 000 jeunes en apprentissage en 2017.

Le nombre d'entrées en apprentissage a baissé de 8 % entre 2013 et 2012. Vous en êtes responsables, votre Gouvernement a supprimé la prime à l'embauche dans les entreprises de plus de dix salariés, raboté le crédit d'impôt, réduit les primes versées aux employeurs après le recrutement d'apprentis. La plus grande économie du budget 2014 a été réalisée sur l'apprentissage. L'éducation nationale demeure le principal frein au développement de l'apprentissage. Tant que le classement des collèges demeurera inchangé, tant que les dispositifs d'information et d'orientation ne mentionneront pas les formations en apprentissage, rien ne bougera vraiment. J'ai déposé un amendement dont j'espère qu'il sera retenu. Et vous supprimez les conventions d'objectifs et de moyens ; comment l'objectif de 500 000 apprentis en 2017 sera-t-il atteint ?

La réduction du nombre d'organismes collecteurs est une bonne chose, mais il faudra tendre à terme vers un seul contrat, un seul mode de financement, un seul mode d'organisation... et peut-être un seul ministre en charge de la formation initiale, de la formation continue et de la formation professionnelle...

La formation est le levier principal de la cohésion républicaine. L'enjeu est considérable. Nous ne pouvons plus tolérer qu'un jeune sur quatre sorte du système éducatif pour pointer à Pôle emploi. John Fitzgerald Kennedy disait : « Une seul chose est plus coûteuse que la formation permanente, c'est l'absence de formation »...

La vraie réforme de la formation commence dès le début des apprentissages fondamentaux. Je salue le travail de Claude Jeannerot ; même si nous n'aboutissons pas toujours aux mêmes conclusions, nous partageons la volonté de mettre fin à une situation qui n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Une question de méthode se pose : est-il licite de mélanger un texte qui relève de l'article premier du code du travail, qui traite de la concertation paritaire, avec d'autres thèmes ? Une question politique aussi : une fois de plus nous devons légiférer à marche forcée...

L'obligation de transparence des comptes du comité d'entreprise fait consensus. Nous la réclamions ici, Mme Procaccia avait déposé une proposition de loi. Nous souscrivons aussi aux mesures de transparence du financement du paritarisme. L'inscription dans la loi des critères de représentativité patronale est un progrès ; à y regarder de près, cependant, ils sont purement formels. Le nombre d'entreprises d'adhérents n'est pas un critère satisfaisant en soi. Pourquoi ne pas nous inspirer de la représentation des chambres consulaires ?

Nous sommes encore plus inquiets sur l'apprentissage. Bien sûr, nous souscrivons à l'objectif de 500 000 apprentis en 2017. Mais comment concilier ce volontarisme avec la suppression de l'aide à l'embauche d'un jeune en alternance, la réduction de moitié du crédit d'impôt, la suppression des passerelles entre l'école et l'apprentissage ? De plus, le financement est cannibalisé par les emplois d'avenir et les contrats de génération. Les résultats sont là, moins 8 % d'entrées en apprentissage. Or le texte ne corrige pas le tir, au contraire. L'efficacité du système repose pourtant sur les liens entre les CFA et les entreprises.

La réforme de l'inspection du travail est un autre sujet qui fâche. C'est un cavalier législatif. Les pouvoirs conférés aux inspecteurs du travail doivent concilier nécessité du contrôle et liberté d'entreprendre. Le prononcé d'amendes administratives n'est pas exorbitant s'il est bien encadré. Beaucoup plus préoccupant et dangereux pour le secret des affaires est le droit pour les inspecteurs de se faire communiquer « tout document nécessaire à l'accomplissement de leur mission». Nous déposerons un amendement pour encadrer ce droit. Les agents craignent de perdre de leur indépendance, les entreprises craignent l'arbitraire des décisions. En un mot, nous doutons de l'efficacité de cette réorganisation, d'autant que la question des moyens financiers et humains est ignorée. Un texte spécifique eût été préférable. D'où notre amendement de suppression.

Le groupe UDI-UC se positionnera en fonction du sort réservé à ces propositions. Je félicite Claude Jeannerot pour le travail d'analyse approfondi qu'il a accompli dans des conditions difficiles. (Applaudissements au centre et à droite)

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Mme Catherine Génisson .  - Le système actuel, qui fonctionne sur l'héritage de la loi fondatrice de 1971, est inadapté. Une évolution s'impose, même si les compétences et la productivité des salariés français sont reconnues -  voir les investissements de Toyota à Valenciennes. L'ascenseur social est ralenti, le système ne tient pas compte des précaires, des demandeurs d'emplois, des salariés peu qualifiés, des exigences du marché du travail, alors que son financement est trop complexe. La formation professionnelle doit être considérée comme un investissement, non plus comme une obligation.

Le CPF est la mesure phare de la réforme. Nous sommes attachés à la promotion professionnelle de la personne, et non plus au seul statut professionnel du salarié. Ce projet de loi aborde avec cohérence l'ensemble des sujets traités.

L'égalité professionnelle femmes-hommes ne peut faire l'économie d'une pédagogie qui consiste à répéter d'abord que les femmes subissent une triple peine. Alors qu'elles ont de meilleurs résultats scolaires, elles sont 43 % à obtenir un bac scientifique contre 65 % d'hommes. Les filles représentent moins d'un tiers des inscrits en classes préparatoires scientifiques. Le taux d'activité des femmes demeure inférieur - de 9 points - à celui des hommes, de même que leur salaire, à tous les niveaux hiérarchiques. Elles occupent à 80 % les emplois à temps partiel et peu qualifiés. Elles ont, à 35 ans et à âge égal, deux fois moins de chance que les hommes d'accéder à la formation professionnelle. 15 % des formations suivies par les femmes sont qualifiantes, contre 25 % pour les hommes. Le temps partiel subi domine. Le Gouvernement s'est engagé à évaluer avant la fin de l'année les conséquences des dérogations à la durée hebdomadaire de 24 heures. Un accord vient d'être signé dans la restauration collective, nous nous en réjouissons.

Nous attendons en outre avec impatience le rapport de nos collègues MM. Watrin et Vanlerenberghe sur les emplois à domicile, il y a là des champs d'investigation importants à explorer et des compétences à valoriser.

Sur le plancher de 24 heures, M. le ministre a annoncé en commission qu'il accepterait des aménagements. Nous voterons l'amendement du rapporteur avec grand plaisir.

Faisons de l'égalité entre hommes et femmes une réalité pour que, demain, ce discours entre dans nos archives ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, CRC et RDSE)

Mme Catherine Procaccia .  - Voilà un texte important qui transpose un accord national interprofessionnel. Il touche la formation professionnelle, l'apprentissage, l'inspection du travail mais aussi le temps partiel et les contrats de génération. Tout cela en une seule loi qui devrait être votée en une seule lecture. Comment un ministre du travail adepte du dialogue social peut-il faire fi à ce point de la démocratie parlementaire ? Ne vous étonnez pas ensuite de voir vos textes censurés par le Conseil constitutionnel ou d'avoir à nous présenter des textes fourre-tout pour corriger des dispositions votées en urgence !

Votre texte reprend les dispositions de ma proposition de loi sur la transparence des comptes des comités d'entreprise. Cela ne suffit pas, disent certains. Légiférer marque déjà un grand pas. Je voterai ces dispositions, de même que celles sur la représentativité patronale. En 2008, nous ne pouvions pas mener la réforme de la représentativité syndicale et patronale de front.

Sur la formation professionnelle, je me contenterai de dire mon espoir que le CPF soit plus applicable que le DIF. Vouloir réorienter la formation vers ceux qui en ont le plus besoin, c'est ce qu'annonçait Nicolas Sarkozy à Valence en 2009. Moi qui ai commencé ma vie professionnelle avec l'application de la loi de 1971, et suivi des formations souvent utiles pour les seules finances des organismes qui les proposaient, je pense que rien n'a changé depuis 40 ans et que trop d'argent est dépensé en pure perte. Je déplore l'absence de contrôles : 4 millions d'euros détournés par des organismes peu scrupuleux en Ile-de-France ! Il est temps d'imiter nos voisins, dans une démarche de certification et de contrôle comme le préconise l'IGAS, sans quoi rien ne changera dans 40 ans encore...

Pour avoir suivi, grâce à Gérard Larcher, les formations de l'INFPT (Institut national de la formation professionnelle et du travail) et vu débarquer des inspecteurs du travail dans mon entreprise, je sais ce que signifie l'acharnement. Il est plus facile de pointer les cols blancs au chaud, dans un bureau, que de contrôler sur les chantiers de travaux publics au pied de nos immeubles. Je proposerai un amendement pour limiter la durée des contrôles dans les entreprises.

L'apprentissage... Sur ce chapitre, nous retrouvons un paradoxe bien français, voire, je le crains, la schizophrénie de la gauche. Les bonnes intentions proclamées se traduisent par des décisions qui vont hélas contre l'apprentissage.

La loi de 2009 a posé des règles pour l'indemnisation des stagiaires : pourquoi une proposition de loi sur les stages va-t-elle être bientôt votée à l'Assemblée nationale ?

J'attends vos réponses, monsieur le ministre, pour déterminer ma position. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Patricia Schillinger .  - Avant tout, je salue le formidable travail de notre rapporteur. Ce texte témoigne de l'attention portée par ce Gouvernement au dialogue social : en effet, il est issu de l'accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 signé par tous les partenaires sociaux, sauf la CGT et la CGPME.

La démocratie sociale, essentielle, doit clarifier la responsabilité de chacun ; consolider la légitimité des uns et des autres, promouvoir la culture de l'accord et du compromis. Ce projet de loi la renforce en ajustant la loi du 20 août 2008 et en posant enfin des règles sur la représentativité patronale à l'article 16.

La prise en compte du nombre d'adhésions est une véritable avancée. Autre progrès, les organisations hors champ, représentant l'économie sociale et solidaire, l'agriculture et les professions libérales, l'UDES, la FNSEA et l'UNAPL ; elles l'attendaient depuis longtemps.

Je salue la transparence du financement du paritarisme. Celui-ci sera séparé de la formation professionnelle, payé par une cotisation assise sur la masse salariale quand l'État attribuera des crédits pour les missions d'intérêt général. Après concertation, il a été décidé de créer un fonds paritaire.

Les comptes des comités d'entreprise seront plus transparents : certification pour les grands comités d'entreprise, comptes simplifiés ou ultra-simplifiés pour les plus petits.

Ce texte réduit le nombre de branches professionnelles. Il le fallait : elles sont près d'un millier, 255 dans le monde agricole, 687 dans le reste du secteur privé.

Ce texte qui améliore la démocratie sociale était attendu, votons-le ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. René-Paul Savary .  - Je me pencherai sur l'articulation de ce texte avec la loi de 2005 sur le handicap. Les personnes handicapées, peu qualifiées, sont a priori la cible de ce texte - le sont-elles ? Je crains que non.

M'entendez-vous, monsieur le ministre ? (M. Michel Sapin discute avec Mme Christiane Demontès) Oui, car ce texte concerne bien les personnes affectées par un handicap sensoriel, dont la surdité... (Rires à droite)

En Champagne-Ardenne, 85 % des demandeurs d'emploi ont un niveau inférieur ou égal au niveau 5, contre 68 % au niveau national. Ce texte ne tient pas compte de l'insuffisante qualification pour atteindre 6 % de travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de 20 salariés. Nulle part, il n'est fait mention de la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et de l'Obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH).Pourquoi ne pas rapprocher, voire fusionner, Pôle emploi et Cap emploi, en un guichet unique ?

Quant à l'orientation, qui devient un service public, l'échelon régional est pertinent. Encore faut-il qu'il ait les moyens... Or le transfert en sera à l'euro près... On peut être inquiet, vu les expériences passées dans les départements, sur le transfert à l'euro près de l'allocation individuelle de solidarité par exemple, les budgets des régions sont déjà exsangues, la réduction de leurs dotations de 184 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2014 n'arrangera pas leur situation.

La préorientation est fondamentale et il n'y a pas de centre de préorientation sur tout le territoire. Qui les prendra en charge : l'ARS ou les régions ? Quant aux Établissements et services d'aide par le travail (Esat), pourquoi les transférer aux départements comme le prévoit le prochain projet de loi de décentralisation ?

M. Bruno Retailleau.  - Bien sûr !

M. René-Paul Savary.  - Les présidents de conseils généraux y sont sensibles ! En conclusion, trop d'imprécisions subsistent. Il aurait fallu actualiser la loi Handicap, qui date de 2005. Il est encore temps en adoptant nos amendements ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Georges Labazée .  - Inutile de revenir sur la complexité du système de la formation professionnelle dans ce débat qui se termine.

L'article 11 apporte une clarification, une rationalisation des outils entre l'État et les régions. La région sera désormais responsable de la formation des gens dont on ne parle pas : celle des personnes sous main de justice. L'Aquitaine et les Pays de la Loire s'en acquittent, à titre expérimental, depuis 2011.

Pari réussi dans ces deux régions où cette formation spécifique optimise tout le champ. Quatre établissements pénitentiaires en Pays de Loire et sept en Aquitaine sont concernés. La formation s'étend hors-les-murs aux personnes qui bénéficient d'aménagement de peines, belle articulation entre le dedans et le dehors, entre l'amont et l'aval pour une insertion professionnelle réussie.

De plus, l'article 12 mettant en oeuvre le conseil en évolution professionnelle, l'article 13 clarifie les contrats de plan régionaux de développement des formations et de l'orientation professionnelle. Les partenaires sociaux, déjà partie prenante, pourront désormais les signer, ce qui donnera un surcroît de force politique à ce contrat.

L'article 14 simplifie la gouvernance et l'article 15 organise le transfert de compétences, un problème qui transcende les gouvernements. Monsieur Savary, on ne peut accuser personne...

Mme Isabelle Debré.  - Cela a commencé sous la gauche.

M. Georges Labazée.  - Ce qui importe est que le transfert soit organisé à l'euro près, sur des blocs de cinq ans. Pour l'Association des régions de France, la fusion des régions n'est pas un chiffon rouge ; le problème, c'est la faiblesse des moyens de nos régions. La Navarre espagnole, peuplée de 600 000 habitants, a dix fois plus de moyens que l'Aquitaine, c'est le résultat de la régionalisation.

Je voterai ce texte avec plaisir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Retailleau .  - Autant le reconnaître d'emblée, il y a de bonnes choses dans ce texte... (Ah ! à gauche) Mais les sujets sont tellement nombreux, depuis l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle jusqu'au financement de la démocratie sociale et à la réforme de l'inspection du travail en passant par l'apprentissage.

François Hollande a fait de la jeunesse sa priorité. Trois chiffres : 1,2 million de jeunes sans emploi ni formation, ni inscription à l'école ; 17 % de notre jeunesse seulement voit l'avenir de manière prometteuse - c'est la plus pessimiste  - , un bond de + 37 % des premières inscriptions à Pôle emploi en 2013. Les jeunes pourraient dire comme Paul Nizan en 1931 : « J'avais 20 ans, et je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. »

Je me garderai de pointer les responsables -  les racines de ce mal sont anciennes et profondes. Ce qui est nouveau est la chute du nombre de contrats d'apprentissage : - 8,1 %. En Allemagne, le chômage des jeunes est trois fois moindre ; le nombre d'apprentis trois fois supérieur ! Vous avez délibérément choisi de mettre le paquet sur les emplois aidés : 3,6 milliards d'euros, la principale économie -  de 550 millions  - étant réalisée sur l'apprentissage. Pourquoi ? Pour des « raisons idéologiques dépassées » comme l'a dit Ségolène Royal ?

Mme Isabelle Debré.  - Eh oui !

M. Bruno Retailleau.  - Oui à la régionalisation, non au désengagement de l'État.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - Une autre réforme était possible, des choix moins dogmatiques, plus pragmatiques le sont toujours. L'apprentissage n'est ni de droite ni de gauche, c'est une voie pour redonner de l'espoir à nos jeunes qui en ont bien besoin ! (Vifs applaudissements sur les bancs UMP)

M. Michel Sapin, ministre .  - Chacun a pu apprécier les interventions dont celle du sénateur de Vendée et, donc, de l'île d'Yeu...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Tout s'explique !

M. Michel Sapin, ministre.  - Je reviendrai sur le détail dans la discussion des articles. Au fond, je note l'intérêt de chacun pour telle ou telle disposition de ce texte. Je sens, dans cet hémicycle, un esprit qui n'est pas celui de la contradiction pour la contradiction, mais un esprit de dialogue constructif pour discuter avec sérieux de ce sujet important. Je dis cela sans préjuger des votes, et je sais d'expérience que chacun doit parfois se livrer à des contorsions...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Faute avouée, faute à demi pardonnée !

M. Michel Sapin, ministre.  - La procédure accélérée, je vous en demande pardon. Je veux vous dire pourquoi il ne m'était pas possible de faire autrement, ce qui eut été mieux. Il y a urgence : elle résulte de l'incapacité, de l'inadaptation de notre système de formation professionnelle.

La compétitivité de l'économie réside dans l'intelligence, la motivation, la compétence des hommes et des femmes qui travaillent, pas dans l'abaissement du coût du travail à tout prix, dans l'alignement sur les salaires ou la protection sociale les plus bas de l'Union européenne...

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Michel Sapin, ministre.  - Oui, elle se trouve dans l'élévation du niveau de connaissance. Voilà comment nous apporterons un plus à l'économie, un plus à la carrière de chacun des Français. C'est grâce à la formation professionnelle que redémarrera l'ascenseur social, quand d'aucuns parlent de « descenseur » social.

Les partenaires sociaux se sont saisis de ce sujet en vertu de l'article premier du code du travail - bien connu ici car il est dû à Gérard Larcher. La conférence sociale a eu lieu en juin, les travaux ont démarré en juillet. L'accord a été conclu mi-décembre. Qu'il manque deux signatures ne constitue pas un échec, c'est la démocratie. D'ailleurs, ces deux organisations émettent des avis positifs sur bien des points de ce texte. Il faut respecter ceux qui n'ont pas signé mais aussi saluer esprit de responsabilité de ceux qui ont signé. Les partenaires sociaux veulent une application dès le 1er janvier 2015. Pour cela, il faut que le texte soit adopté en février pour que les décrets soient publiés à l'heure et que les négociations professionnelles s'engagent.

Raison pour laquelle j'ai dû mettre le Parlement sous pression, ce n'est point tant une excuse suffisante qu'une explication de bonne foi.

Merci aux orateurs des groupes socialiste et du RDSE de leur soutien - on oublie trop souvent de le faire.

Merci aussi aux orateurs de l'UMP : ils sont des experts, ce qui n'étonne guère car on sait la compétence universelle des sénateurs et des sénatrices. Il n'empêche, même M. Retailleau (exclamations amusées à droite), le plus sévère, à propos de l'apprentissage, souligne les avancées de ce texte.

Merci également au groupe UDI-UC : madame Jouanno, qui vous préoccupez à juste titre de la qualité de la formation, vous savez que les pouvoirs de contrôle de l'administration sont renforcés à l'article 21.

Le groupe CRC a manifesté son intérêt pour le texte, et pour certaines notions : le CPF n'est effectivement pas né de nulle part. Beaucoup ont contribué à son émergence.

Enfin, le groupe écologiste a aussi montré son esprit d'ouverture.

On ne peut pas comparer les 120 heures du DIF, qui est un plafond-plafond, avec les 150 heures du CPF, qui forment un plafond socle. Évidemment, les demandeurs d'emploi, les personnes handicapées, les précaires auront droit à plus. Ce compte a vocation à être abondé. Si l'on prévoit 250 heures pour tous, les cadres les prendront ; ce sera autant d'argent en moins pour les populations spécifiques. Attention, on ne peut pas aller vers ce mécanisme en ces temps où l'on doit se partager le même gâteau. Personne ne songe à augmenter les charges de l'État, des entreprises ou même des régions.

La réforme de l'inspection du travail n'est pas un cavalier : elle a toute sa place dans ce texte. En tant que ministre du travail, ma responsabilité est que cette administration centenaire existe encore dans cent ans. On ne peut plus travailler comme avant : un inspecteur du travail, seul, dans son coin, ne peut pas lutter contre le détachement illégal des travailleurs. Je veux conserver les qualités du service : la proximité et l'indépendance - en réformant son organisation pour l'adapter aux enjeux d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs socialistes, CRC et RDSE)

La discussion générale est close.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je rappelle que la commission se réunit à 19 h 30 pour examiner les amendements.

La séance est suspendue à 18 h 55.

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.