SÉANCE

du jeudi 20 février 2014

75e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : M. Jean Desessard, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Accès au logement et urbanisme rénové (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

Discussion générale

M. Claude Dilain, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Le parcours législatif de ce projet de loi Alur touche à sa fin. Après son adoption en deuxième lecture au Sénat le 31 janvier, la CMP, qui s'est réunie le 11 février à l'Assemblée nationale, a abouti à un accord. Ce succès illustre le soutien appuyé du Parlement à ce projet de loi qui apporte une réponse ambitieuse à la crise du logement en encadrant les loyers, en créant la garantie universelle des loyers (GUL), en réformant les professions immobilières ainsi que la procédure d'attribution des logements sociaux, en luttant contre l'habitat indigne et les copropriétés dégradées, en modernisant les procédures d'urbanisme.

Le Gouvernement est sur tous les fronts, je salue l'engagement de Mme la ministre et son écoute.

Seuls 30 articles restaient en discussion sur les 104 que j'avais la charge de rapporter, preuve de la convergence de vues entre les deux chambres. Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Goldberg, a beaucoup oeuvré pour que le dialogue soit fructueux, qu'il en soit remercié. Nos échanges constants ont contribué à rapprocher les points de vue des deux chambres.

Hormis quelques amendements rédactionnels et de coordination avec la loi Métropoles, la CMP a procédé à quelques modifications plus substantielles.

À l'article premier bis, des personnes pacsées ne seront cotitulaires d'un bail que si elles en font la demande conjointe, comme le voulait le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Vandierendonck.

À l'article 4, elle a aligné, en matière de congé, les règles applicables aux meublés sur celles des logements nus.

À l'article 6 ter, la CMP a estimé que la dérogation au régime d'autorisation préalable au changement d'usage des meublés touristiques allait à l'encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales.

À l'article 8 relatif à la GUL, l'agence ne sera pas contrainte de renoncer à ses droits à l'égard des locataires en situation d'impayés, mais le pourra partiellement. Cela ne constitue pas une incitation à ne pas payer.

À l'article 28, la CMP a introduit une disposition proposée par le président Mézard en deuxième lecture et retirée à la demande du Gouvernement, relative aux droits d'agir en justice des associations syndicales libres et visant à répondre à une jurisprudence incertaine.

À l'article 41, le président de la métropole du Grand Paris pourra déléguer au président du conseil de territoire ses compétences en matière d'habitat insalubre.

Les modifications ne changent en rien l'équilibre trouvé. Le Sénat a fait la preuve de la qualité de son apport. Le groupe de travail sur la GUL, créé par M. Daniel Raoul et présidé par M. Mézard, a proposé un dispositif qui a largement inspiré le Gouvernement : une garantie socle universelle et une assurance complémentaire facultative. Du fait des réserves constitutionnelles évoquées par Mme la ministre, nous n'avons pas pu supprimer la caution. À l'initiative de M. Mézard, Le Sénat a toutefois renforcé le caractère automatique de la GUL. Voilà un dispositif précis et solide qui facilitera l'accès au parc privé en sécurisant les propriétaires.

Enfin, je me réjouis de la réforme des copropriétés et du renforcement de la lutte contre les copropriétés dégradées. Ce chapitre a peu fait parler de lui, sans doute parce qu'il est consensuel. Nous le devons en particulier à notre ancien collègue M. Dominique Braye. Le fonds pour travaux, l'obligation d'assurance pour les copropriétés sont des avancées importantes.

En conclusion, je vous invite à adopter les titres I et II, qui reflètent largement la position du Sénat en deuxième lecture. Ils aideront à combattre la crise du logement à laquelle les Français sont confrontés quotidiennement. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Raoul, en remplacement de M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Au titre III, neuf articles restaient en discussion. La CMP a eu le souci d'enrichir la palette des outils à la disposition des bailleurs sociaux et de faciliter l'accès au logement social : conférences intercommunales du logement à l'article 49, règles de rattachement d'un office public de l'habitat à un EPCI à l'article 52. De nombreuses dispositions de coordination avec la loi Métropoles ont été intégrées, relatives notamment au Grand Paris et à la métropole de Lyon. Je souligne toute la richesse de l'article 49, qui doit beaucoup à Mme Lienemann ; les trois familles de bailleurs sociaux disposeront d'outils diversifiés et innovants pour construire et gérer les logements sociaux. Reste à les utiliser.

Le titre IV comportait le principal point de divergence entre les deux chambres : le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI). Comme vous le savez, l'Assemblée nationale s'est finalement ralliée à la position du Sénat. Le principe du transfert de la compétence urbanisme est affirmé mais ce transfert ne sera pas automatique. Trois ans après le vote de la loi ainsi qu'à l'occasion de chaque renouvellement du conseil communautaire, les communes qui n'ont pas transféré la compétence et ne souhaitent pas y procéder immédiatement pourront décider d'un report ; il suffira d'un quart des communes représentant au moins 20 % pour en décider ainsi. Une procédure de transfert volontaire est maintenue, en cohérence avec l'esprit de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales. Les mêmes seuils de décision ont été retenus. Les députés ont fait un grand pas dans notre direction.

Concernant la réforme de l'urbanisme commercial, mieux aurait valu l'introduire dans le projet de loi Pinel, dont l'examen a commencé à l'Assemblée nationale. Je regrette que ce point de vue n'ait pas prévalu en CMP. Mais le sujet sera remis à plat lors de la discussion du projet de loi Pinel, quitte à récrire l'article L. 122-1-9 du code d'urbanisme tel qu'il figure dans la loi Alur (M. Gérard Cornu approuve) En outre, la CMP a rétabli la définition obligatoire des modalités de collaboration entre communes et intercommunalités en amont de la procédure d'élaboration du PLU ; et l'obligation de réunion de la conférence des maires avant l'adoption du PLUI, un formalisme nouveau mais qui correspond à une pratique - dans mon agglomération, cette conférence tient lieu de bureau permanent.

La commission mixte paritaire a également fixé la périodicité de révision du PLUI à neuf ans, ou six ans quand le document tient lieu de PLH. Elle a maintenu la possibilité de changement de destination des constructions en zone naturelle identifiées au PLU ; supprimé la notion de COS réintroduite au Sénat contre l'avis de la commission et du Gouvernement ; décidé que la superposition des EPF locaux et d'État serait soumise à l'accord des EPCI à fiscalité propre pour les EPF locaux créés avant juillet 2013 ; soumis au droit commun de la préemption la cession minoritaire de parts de SCI lorsque l'acquéreur devient associé majoritaire. Enfin, la commission mixte paritaire a rétabli l'article 70 quater qui impose la constatation des cessions majoritaires de parts sociales de SCI, dont le patrimoine est soumis au droit de préemption, par un acte reçu en la forme authentique ou sous seing privé contresigné par un avocat ou par un professionnel de l'expertise comptable. Nous aurons sans doute à en reparler.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Certainement, et même avant l'application de la loi !

M. Daniel Raoul, en remplacement de M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur.  - Si ce texte n'est pas celui du Sénat en deuxième lecture, il est fidèle à sa lettre comme à son esprit. Je vous invite à le voter. (Applaudissements à gauche)

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement .  - C'est avec une grande fierté mais aussi une certaine émotion que je viens devant vous conclure l'examen du projet de loi Alur que je présentais il y a quelque neuf mois devant le Conseil des ministres. Le débat parlementaire a été long et riche, réjouissons-nous de cette co-construction législative ; les ambitions de ce texte n'ont pas été rognées.

Trop souvent, le logement est source de difficulté pour les Français. Avoir un toit est un droit, un besoin de première nécessité. Le logement, c'est bien sûr une question sociale.

La CMP a abouti à un accord, nous pouvons en être fiers ; ces réformes, parce qu'elles sont portées par les deux assemblées, changeront durablement le quotidien de millions de Français.

Bien sûr, ce texte ne résume pas la politique du logement du Gouvernement. Dès notre arrivée, nous avons pris des décrets d'urgence, fait adopter la loi sur la mobilisation du foncier public ou celle habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances - lesquelles vous seront présentées bientôt. Au-delà de l'urgence, il fallait aussi lancer un chantier législatif à vocation structurelle. Le texte Alur est ambitieux, j'en conviens, peut-être téméraire, mais il ne fallait pas céder à la tentation d'un immobilisme mortifère. Nous n'avons pas faibli. Le texte ressort des débats parlementaires plus riche et plus précis.

La preuve, l'encadrement des loyers qui redonnera du pouvoir d'achat aux Français. Non, la puissance publique ne peut pas rester impuissante devant le libre jeu de l'offre et de la demande lorsqu'il produit des exclus et des mal-logés ; oui, il faut de la régulation sans tomber dans les travers de l'économie administrée.

Pouvoir d'achat encore, avec la GUL qui s'inscrit dans la continuité du Loca-pass et de la Garantie des risques locatifs (GRL) tout en renforçant la mutualisation. L'universalité du dispositif est affirmée. Ne nous y trompons pas, c'est une avancée sociale majeure, l'expérience le prouvera.

L'extension de la trêve hivernale, sous le contrôle du juge, à ceux qui n'ont d'autre choix que la rue ou le squat, le statut de l'habitat participatif à l'article 22 - une troisième voie entre logement social et parc privé, qui libère l'intelligence territoriale - sont autant de progrès. De même que la lutte contre les copropriétés dégradées, où nous devons beaucoup à M. Dominique Braye et à M. Claude Dilain - immatriculation des copropriétés, fonds travaux, nouveaux moyens de coercition contre les marchands de sommeil qui peuvent gangréner des quartiers entiers.

Nous avons beaucoup parlé du PLUI.

M. Claude Dilain, co-rapporteur.  - Oh oui !

Mme Cécile Duflot, ministre.  - Il constituera une réponse majeure à la crise du logement. Ma position n'a pas changé : le niveau intercommunal est le bon. Dans la rédaction de compromis de la CMP, Le PLU sera intercommunal, sauf si les communes estiment qu'elles n'y sont pas prêtes. Dans chaque intercommunalité, il y aura des débats sur l'urbanisme. Les élus auront à leur disposition des outils plus efficaces.

Que la complexité et la technicité de ce texte ne masquent pas l'essentiel : il s'attaque aux causes profondes de la crise du logement. Merci aux parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, qui ont aiguisé notre sagacité. Je salue le travail du Sénat sur la GUL, l'engagement de MM. Dilain et Bérit-Débat ainsi que celui, sans faille, de Daniel Raoul. Nous avons véritablement co-construit ce texte. Celui-ci renforcera l'idéal républicain qui, depuis plus de deux siècles, fonde le contrat civique et social qui nous lie. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard César .  - Quel bilan tirer de ce cinquième texte sur le logement en dix-huit mois ? Pour moi, il est un terrible aveu d'impuissance du Gouvernement à relancer la construction du logement. Les chiffres pour 2013 sont éloquents : 330 000 logements mis en construction, soit une baisse de 4,2 %. Encore plus inquiétant, la chute du nombre de demandes de permis de construire. Ces chiffres peu flatteurs sont sans doute la source de la frénésie législative de la majorité. Vous réduisez en loi de finances les moyens de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) de 12 milliards à 5 milliards. Faute de moyens, vous imposez des véhicules législatifs bavards qui ne font que masquer provisoirement les déséquilibres du marché. Pire, votre politique fait disparaître ou retarde l'investissement.

L'encadrement des loyers, éthiquement contestable, est symptomatique de votre impuissance à relancer l'offre. En outre, comme le disait notre collègue Mireille Schurch du groupe CRC, pareil encadrement n'a aucun sens au moment où les loyers ont atteint des sommets - et qu'ils commençaient à baisser...

La GUL, même plus viable économiquement dans sa seconde version que dans la première, déresponsabilisera tout autant les locataires. Surtout, elle ne bénéficiera pas aux publics les plus fragiles : étudiants, apprentis, habitants des HLM. En quoi est-elle universelle ? Si elle ne s'adresse qu'aux bons payeurs, quelle est sa valeur ajoutée ? On ne discerne pas sa plus-value par rapport aux dispositifs existants, comme l'a relevé Mme Lamure.

Sur le PLUI, le groupe UMP à maintes fois répété sa position. Oui à un PLUI mais il doit être choisi, non subi.

M. Gérard Cornu.  - Mais oui !

M. Gérard César.  - Nous avons voulu, avec nos amendements, tirer la sonnette d'alarme. La politique du compromis menée par la majorité sénatoriale n'a pas mis les maires à l'abri, ils s'en souviendront au moment des élections (Protestations à gauche). Le transfert sera automatique, vous sacrifiez la commune sur l'autel de la modernité. Et quel bricolage sur les seuils ! La CMP a fait le choix du « moins pire », mais la minorité de blocage pourra sauter à n'importe quel moment par amendement ou par ordonnance. (On le conteste fermement sur le banc de la commission)

Autre déconvenue, le rétablissement de l'article 70 quater.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Scandaleux !

M. Gérard César.  - Le Gouvernement dissimule grossièrement des arbitrages défavorables au logement derrière des mesures anti-propriétaires et le peu de considération qu'il a pour les prérogatives des maires. Le groupe UMP ne votera pas ce texte. (Vifs applaudissements sur les bancs UMP)

M. Vincent Delahaye .  - Huit mois, une durée très longue pour un texte qui touche à une question aussi sensible que le logement. Quand les deux tiers des textes sont soumis à la procédure accélérée, cette lenteur est plutôt surprenante... Est-ce à dire qu'il n'y avait pas urgence ? (Exclamations sur le banc de la commission)

Vous n'avez pas négocié ce texte avec les acteurs du logement. Résultat, un texte de plus de 180 articles, 340 pages à l'issue de la commission mixte paritaire - sans compter les articles conformes. C'est sans doute bien pour le Guinness des records et pour votre ego madame la ministre... (Mme Marie-Noëlle Lienemann juge l'argument désolant)

M. Daniel Raoul, co-rapporteur.  - Montez d'un cran !

M. Vincent Delahaye.  - Privilège du cumul des mandats, quand on interroge comme je le fais les gens sur le marché, on sait qu'il aurait fallu ne pas laisser faire la technocratie. Supprimons deux lois quand on en adopte une, simplifions - c'est crucial pour le logement. Au lieu de cela, vous voulez tout administrer, voir l'encadrement des loyers. Le texte aurait pu constituer un pacte de responsabilité, il n'en est rien.

Le groupe UDI-UC était très allant sur la GUL. In fine, le dispositif ne nous convient pas ; inefficace, il va rater son départ : la caution n'est pas supprimée. Le risque constitutionnel, tout le monde en parle, personne ne le démontre.

Enfin, le PLUI, qui a été la principale divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Le Gouvernement a travaillé en dépit du bon sens - et en dépit des élus locaux. Oui au PLUI, non à son transfert automatique. Vous avez tout sclérosé, les maires ne sont pas rassurés. Tout se passe comme si vous vouliez les dessaisir d'un des trop rares leviers qui donnent de l'intérêt à l'engagement municipal...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Quelle vision !

M. Vincent Delahaye.  - Avec une telle politique, comment construire 500 000 logements neufs par an, dont 150 000 logements sociaux ? En 2013, on atteint à peine 330 000 logements. Pire, le pourcentage de permis de construire a chuté de 15,4 % ; les années 2014 et 2015 ne seront pas meilleures.

Le texte, trop volumineux, trop complexe, ne répond en rien aux enjeux. Le groupe UDI-UC dans sa grande majorité ne le votera pas. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Sans blague !

Mme Mireille Schurch .  - Que dire de plus ? La fondation Abbé Pierre, dans son rapport de février, résume la crise du logement en quelques chiffres : 3,5 millions de mal-logés en France, 5 millions de personnes en situation de fragilité, 141 500 sans domicile au début de l'année 2012, soit une hausse de 44 % par rapport à 2001. C'est le résultat de dix années de pouvoir de droite où le logement a été jeté en pâture aux appétits privés et où l'État s'est désengagé. (Protestations à droite)

Nous avons eu la volonté de participer à l'élaboration de ce texte très attendu. En revanche, je veux dénoncer les conditions de travail en deuxième lecture comme en commission mixte paritaire. Au dernier moment, nous avons appris que nous travaillerions sur le texte de l'Assemblée nationale pour les titres III et IV, ce qui annihilait les apports du Sénat ; entre autres sur le COS.

L'encadrement des loyers marque une rupture, que je salue. La volonté de régulation, inédite depuis des années, est positive. Encore aurait-il fallu coupler encadrement et baisse des loyers. Il n'en a été rien. Nous regrettons que le loyer de référence ne soit pas celui du PLS.

La GUL, après deux lectures, représente un premier pas vers ce que nous appelons la sécurité sociale du logement. Elle est cependant réduite au parc privé.

De l'État régulateur, il faut passer à l'État acteur, bâtisseur. Nous retrouvons là la question du niveau des aides à la pierre, celle de la présence de l'État aussi. La RGPP se poursuit sous le sigle MAP ; or les territoires ont besoin de l'ingénierie de l'État pour instruire les permis de construire. La loi sur les métropoles marque de ce point de vue une cohérence gouvernementale que nous ne partageons pas.

Sur le PLUI, le compromis porté par le Sénat respecte la volonté des communes. Je remercie le rapporteur de sa constance.

Il fallait défendre les élus communaux qui, par leur proximité avec les habitants, sont le coeur vivant de notre République.

Nous voterons les conclusions de la CMP. Merci aux rapporteurs et à Mme la ministre de leur écoute. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat .  - On résoudra la crise du logement en construisant plus qu'en légiférant. Je sais, je me répète... Il n'empêche, cela créerait de la croissance dans un pays où l'on salue le chiffre de 0,3 % comme un succès... (Sourires)

Cette loi a le mérite de répondre à des questions importantes ; à commencer par celle de la socialisation du risque locatif. Autres avancées, la transparence de la gestion des copropriétés et la refonte de la carte des Établissements publics fonciers (EPF). Mais la question du financement a été laissée de côté...

En outre, cette loi, à la différence de beaucoup d'autres... ne crée pas de nouveaux problèmes ! (Rires) Nous avons trouvé une solution satisfaisante sur les constructions en zone naturelle, ainsi que sur le PLUI, même dans la rédaction de la CMP. Celle-ci est meilleure que l'actuel article 5217-11 du code général des collectivités territoriales. La loi sera plus protectrice que le droit existant.

L'autre face de la minorité de blocage, c'est une majorité qualifiée ; si une majorité de 80 % n'est pas réunie, le transfert n'aura pas lieu. Je peine donc à comprendre que certains réclament la suppression de l'article 63. À moins que je ne comprenne trop bien ! (On le confirme au banc de la commission)

Si l'on suivait l'AMF, les petites, et même les moyennes communes se verraient ôter leur liberté de choix. La plupart des PLU sont déjà compatibles, grâce au Scot.

Je ne doute pas, cher monsieur César, que les maires s'en souviennent... Le résultat était loin d'être acquis; il doit beaucoup au rapporteur, au président de la commission et au courage politique de Mme la ministre.

À deux abstentions près, le RDSE votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)

M. Joël Labbé .  - Le vote de la loi Alur marque l'aboutissement d'un travail colossal, mené avec courage et détermination par Mme la ministre. Sécurisation du parcours logement par le rééquilibrage des relations locatives, encadrement des loyers, lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil ; prévention des expulsions, GUL afin d'échapper au cercle vicieux de la caution, autant de mesures qui éviteront à beaucoup de Français, une angoisse quotidienne. Je me réjouis aussi que l'habitat participatif soit enfin doté d'un statut.

Le PLUI sera l'outil d'une meilleure intégration, de la densification et de la préservation des terres agricoles. L'agriculture et l'alimentation, c'est mon idée fixe, vous le savez... (Rires) Et cela ne va pas s'arranger ! Mon amendement sur la prise en compte de l'agriculture dans les Scot, adopté à l'unanimité, n'a pas été repris en CMP. J'étais en colère, tout seul dans mon coin : vous me connaissez... (Sourires)

J'ai contacté le rapporteur, le président de la commission, notre super-président Placé, le cabinet de la ministre et M. Le Foll ; j'avais besoin de comprendre. La semaine a très mal commencé. Puis j'ai eu l'explication : c'est un effet collatéral du fait que la commission mixte paritaire est partie, sur l'urbanisme, du texte de l'Assemblée nationale. Mais ce sera réparé dans le projet de loi agricole.

Les agriculteurs doivent vivre de leur travail, sur une terre nourricière, féconde, libérée de l'agrochimie et des OGM. C'est dans l'assiette que commencera la révolution agricole ! Certains demandent parfois à quoi servent les écologistes au Gouvernement. Madame la ministre, vous balayez cette interrogation. Le groupe écologiste votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Cette loi importante est née de la concertation. Monsieur Delahaye, vos collègues Létard, Jarlier, Dubois vous l'auraient confirmé. Vous, nous ne vous avons pas vu au cours de ce débat... (M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, confirme) alors que vous êtes élu d'une commune que je connais bien, qui a beaucoup de problèmes de logement.

Ce texte comprend d'abord des mesures de longue haleine, qui changeront la politique du logement, porteuses de progrès - un mot qu'on oublie trop en temps de crise. Pendant des années, la droite a laissé flamber le marché, au détriment de la fameuse compétitivité française. Et vous voudriez à présent que les prix s'effondrent... le marché dans toute sa splendeur ! Spéculatif quand tout va bien, catastrophique quand tout va mal. Oui, les investisseurs ont droit de recueillir un profit raisonnable, grâce à des placements de bon père de famille, mais la spéculation est inacceptable. (Applaudissements à gauche) Mme Merkel reconnaît elle-même que le logement n'est pas un marché comme les autres, qu'il faut des règles spécifiques. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

La GUL, c'est une nouvelle forme de sécurité sociale, la socialisation des risques, idée républicaine fondamentale. L'UMP est embarrassée. « Vous allez taxer les propriétaires avec la GUL » répète-t-elle. Faux ! La GUL sera gratuite et simple à obtenir ! Plus besoin d'aller au tribunal... Entre un service public gratuit et facile et une caution aléatoire, le choix sera vite fait. Et je pense qu'à la fin le Conseil constitutionnel acceptera la suppression de la caution.

Dans le cas d'une HLM, la garantie des risques est assumée par le système : on a besoin d'un fonds social, qui fonctionne bien.

Quant au volet urbanisme, je veux souligner les outils nouveaux qu'ils apportent pour exploiter des sols pollués stérilisés.

Les copropriétés dégradées, c'est un sujet qu'on ne voulait pas voir. La Chancellerie répétait à l'envi que le droit de propriété était inaliénable. Il a fallu la ténacité de MM. Dilain et Braye et la bienveillance de Mme Taubira.

Sur les relations locatives, un équilibre a été trouvé, un juste encadrement défini. Le mouvement HLM pourra jouer pleinement son rôle contracyclique.

Cette loi s'inscrit dans une politique d'ensemble qui vise à construire davantage, à ramener les loyers à un niveau abordable, et à promouvoir la qualité.

Au fond, l'opposition souhaite que cela ne marche pas. Vous avez tort : les crises ne produisent jamais rien de bon. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes) Vous parlez d'effondrement. Les chiffres de la Fnaim et du groupe Guy Hocquet, pas vraiment favorables à la gauche, sont pourtant éloquents : des transactions en hausse de 4 % ! Les prix baissent, mais pas assez ? S'ils baissaient plus, vous crieriez au krach ! Quant à la construction, vous avez eu de bons chiffres pendant trois ans, à coups de milliards d'incitations fiscales à la de Robien, sans produire de logements abordables pour nos concitoyens. (Applaudissements à gauche) L'ordonnance prendra le relais de ces outils inadaptés. Une fois la loi votée, il reste à l'appliquer : je vous sais déterminée et vous pouvez compter sur notre soutien, madame la ministre. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Nous revoilà... La tonicité des débats ne se dément pas ! Merci encore aux rapporteurs, les deux Claude, et au président Raoul grâce à qui nous sommes parvenus à un accord sur la GUL et le PLUI. L'intelligence collective a prévalu.

Mme la ministre a fait la preuve de sa détermination. Elle a su cependant prendre en compte les arguments des parlementaires.

La réglementation, dans le domaine du logement, n'avait pas été revue depuis longtemps, alors que la crise sévit. Vous avez pris les choses en main, madame la ministre.

Réguler, protéger, innover : tels sont les axes de cette loi. L'encadrement des loyers et la GUL favoriseront l'accès au logement tout en protégeant les propriétaires. Nous encourageons aussi les innovations comme l'habitat participatif.

Loin d'être technocratique, cette loi est politique, c'est une loi de combat contre la crise du logement.

Le conflit entre villes et campagnes n'aura pas lieu, grâce à ce texte.

Sur le PLUI, nous étions tous convaincus qu'un transfert automatique était contraire à la libre administration et inefficace. M. César, comme une moule cramponnée à son rocher, répète toujours les mêmes arguments sans tenir compte de ce qu'est devenu l'article 63. Voulez-vous donc revenir au droit existant ?

M. Gérard César.  - J'ai dit que la rédaction de la CMP était la « moins pire ».

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est mieux, et non pas « moins pire » !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - L'intercommunalité, oui, la supracommunalité, non. Les maires me semblent loin d'être hostiles à cette solution.

Nous sommes très fiers de ce texte, que nous voterons avec enthousiasme. Le président de la République a fait du logement une cause nationale, à laquelle l'opposition ne semble pas vouloir s'associer... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Nous passons à la présentation des amendements du Gouvernement.

ARTICLE 9

Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 138, première phrase

Remplacer la référence :

VI

par la référence :

VIII

ARTICLE 16

Amendement n°10, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

ARTICLE 22

Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 80

Remplacer les mots :

telles que lesdites valeurs résultent

par les mots :

lesdites valeurs résultant

ARTICLE 43 BIS B

Amendement n°11, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

et d'avoir

par les mots :

, l'autorité administrative n'a pas

ARTICLE 46 QUATER

Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

À l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, les mots : « ou l'évacuation » sont supprimés.

ARTICLE 52

Amendement n°9, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 26

Remplacer la référence :

article L. 421-14

par la référence :

article L. 342-13

Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 51

Supprimer cet alinéa.

ARTICLE 55

Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 33

Supprimer cet alinéa.

ARTICLE 58

Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 45 et 46

Supprimer ces alinéas.

Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 114

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

ter.  -  L'article L. 122-1-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeure applicable aux procédures en cours si le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables a eu lieu avant la publication de la présente loi.

ARTICLE 73

Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 35

Remplacer les mots :

du quinzième alinéa

par les mots :

des quatorzième et quinzième alinéas du I

ARTICLE 84 BIS

Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 28

Remplacer les mots :

il n'est

par les mots :

ils ne sont

Mme Cécile Duflot, ministre.  - Tous ces amendements sont rédactionnels et de coordination.

M. Claude Dilain, co-rapporteur.  - Avis favorable.

M. le président.  - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.

Interventions sur l'ensemble

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Le groupe UMP votera évidemment contre. J'ajouterai un argument de plus : le nouvel article L. 1861 du code civil est inutile, car les cessions de parts de SCI, parce qu'elles sont intégrées dans le champ du droit de préemption, font nécessairement l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner, en application de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme. La nouvelle rédaction est inapplicable et probablement inconstitutionnelle car inintelligible : la référence à un chapitre relatif aux avocats est inapplicable aux experts-comptables dont l'exercice est régi par l'ordonnance du 19 septembre 1945. En outre, ces derniers n'ont aucune compétence particulière en droit. La cession de parts de SCI n'est jamais l'accessoire d'une prestation comptable. On ne peut mettre au même niveau un acte rédigé par un professionnel de droit et celui élaboré par un expert-comptable agissant à titre accessoire. En 2011 le législateur avait autorisé, à côté de l'acte authentique, un acte sous seing privé contresigné par un avocat en le dotant d'une force probante. Nous ne voulons pas de cet article 70 quater. Les experts-comptables ont été largement exclus du champ d'application de cette réforme. Je voterai contre ce texte dans lequel je ne me reconnais pas.

Mme Cécile Duflot, ministre .  - Le Gouvernement est vigilant sur ce point. La réforme du droit de préemption est en cours. L'objectif est bien de lutter contre les marchands de sommeil. Évitons une bataille d'Hernani sur cet article... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

À la demande des groupes socialiste et UMP, les conclusions de la commission mixte paritaire modifiées par les amendements du Gouvernement sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n° 150 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 176
Contre 164

Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi.

(Mmes et MM. les sénateurs des groupes CRC, socialiste et écologiste se lèvent et applaudissent)

Mme Cécile Duflot, ministre.  - Merci à tous ceux qui ont travaillé à mes côtés ces deux derniers mois, aux bonnes fées, chevaliers servants et mousquetaires de la loi Alur : les deux rapporteurs, le président Raoul et le président Mézard, et tous ceux qui ont recherché des solutions de compromis.

Oui, madame Lienemann, cette loi s'inscrit dans la longue histoire des conquêtes sociales. Il n'y a pas de solutions magiques à la crise du logement : c'est un travail de longue haleine.

Merci à tous les groupes. Je finirai par ces vers illustres des Contemplations du poète Victor Hugo.

M. Claude Dilain, co-rapporteur.  - Et sénateur !

Mme Cécile Duflot, ministre.  - « Tout marin, pour dompter les vents et les courants,

« Met tour à tour le cap sur des points différents,

« Et pour mieux arriver, dévie en apparence ».

(Applaudissements à gauche)