Transition énergétique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen d'une proposition de résolution relative à la transition énergétique, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution.

La Conférence des présidents a considéré que les interventions dans la discussion générale valaient explications de vote.

M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de résolution .  - Cette proposition de résolution est l'occasion pour le groupe UMP de préciser sa vision de l'ensemble des enjeux à caractère énergétique. Il complète le débat sur l'avenir de la filière nucléaire et des nouvelles filières de production d'énergie, tenu récemment ici-même à l'initiative du groupe RDSE.

Le groupe UMP rappelle avec force que notre pays ne peut ignorer aucune filière. La nouvelle politique publique de l'énergie doit partir d'un constat : 80 % des énergies produites dans le monde sont d'origine fossile, ce qui crée un phénomène de dépendance, entraîne des dommages pour l'environnement, dont l'émission de gaz à effet de serre. Or ces sources s'épuisent. Si, depuis vingt ans, nos réserves se maintiennent à un niveau voisin de 40 ans de consommation courante, c'est seulement grâce à l'exploitation de réserves non conventionnelles. Cela durera tant que notre sous-sol et notre porte-monnaie le supporteront... Le pic de production sera-t-il atteint avant ou après 2020 ? Les experts divergent, nous devons rester prudents.

La raréfaction des matières premières pose des difficultés qui se nourrissent les unes des autres. Moins de réserves, c'est une hausse des prix ; une hausse des prix, c'est une viabilité économique nouvelle pour les énergies non conventionnelles au rendement mécaniquement plus faible, offshore profonds, pétrole lourd, bitume - dont l'exploitation n'est pas neutre écologiquement, qui plus est dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. (M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, approuve)

Le basculement de ces productions d'énergies fossiles vers la production d'énergie électrique constitue la première étape de la transition énergétique. Le groupe UMP appelle à la vigilance : certains mettent en avant une baisse significative à terme de la consommation électrique pour accréditer l'idée que le nucléaire ne serait plus indispensable ; mais qui peut assurer que les économies d'énergie pourront accompagner ce basculement ? Personne.

C'est dire que le cahier des charges en la matière est particulièrement contraignant. La France doit tenir ses engagements en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre mais aussi éviter de devenir l'otage des tensions géopolitiques qui accompagnent l'extraction de matières premières. Elle doit aussi rendre son appareil de production d'électricité apte à absorber la hausse de celle-ci.

Il n'y a aucune solution miracle. Le pétrole et le gaz représentent 50 % de la consommation énergétique dans les bâtiments résidentiels et tertiaires. Si on souhaite que les ménages français diminuent leur consommation de fuel, il n'y a pas de meilleur moyen que de les aider à renouveler leur chaudière, ce qui permet d'économiser 100 kWh par mètre carré et par an, autant que les travaux d'isolation.

Les transports et l'automobile sont pour les deux tiers dans la consommation des produits pétroliers. Les progrès du véhicule électrique, grâce aux batteries au lithium, ne sont pas une solution parfaite, le lithium est une terre rare, dont l'extraction n'est pas neutre en CO2 ; comme les oxydes de manganèse ou de nickel, il est de plus extrait dans des régions peu stables politiquement. Qui peut savoir si cette solution est viable à long terme ?

Comment optimiser notre production et notre consommation électriques ? Quel volume d'électricité produire ? J'espère que notre consommation d'électricité baissera, mais elle ne chutera pas brutalement. La puissance publique devra recourir aux niches fiscales pour aider à la rénovation thermique. Il nous faut conserver et simplifier les aides existantes plutôt que de faire de l'écologie préventive. Il existe huit interlocuteurs possibles, l'État, les collectivités locales, l'Anah, la Cnav, Procivis, la MSA, les CAF et les banques, chacun ayant ses aides propres attribuées selon des modalités propres. La puissance publique se tire une balle dans le pied ! Les gouvernements de droite et du centre ont leur part de responsabilité avec ceux de la gauche. J'espère, monsieur le ministre, que votre futur projet de loi simplifiera toutes ces aides à la rénovation thermique, qui excluent trop souvent les jeunes et les classes moyennes, parce qu'ils ne remplissent pas les conditions de ressources.

Certains avancent des chiffres de 50 % d'économie d'énergie d'ici à 2030. Cela paraît irréaliste. La consommation moyenne annuelle des ménages et du tertiaire n'a guère baissé depuis 2008... L'engouement pour le véhicule électrique entraînera une consommation supplémentaire équivalente à la production d'un réacteur nucléaire. Ne fermons aucune porte par optimisme ou dogmatisme.

Nous produisons environ 550 TWh d'électricité, dont environ 420 par le nucléaire. Nos capacités hydrauliques sont à 90 % de leur potentiel. Le biogaz remplace la production des centrales thermiques, qui utilisent actuellement des combustibles fossiles. Bref, notre potentiel de croissance repose essentiellement sur la production des énergies renouvelables, éolien et solaire...

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de résolution.  - Comment imaginer, dans ces conditions, satisfaire nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et fermer un tiers de notre parc nucléaire, comme le président de la République l'a annoncé ?

M. Jean Desessard.  - Il n'a pas annoncé grand-chose...

M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de résolution.  - Il faudra mobiliser toutes les ressources ; et aucun secteur ne pourra s'exonérer de lourds investissements. Dans les énergies renouvelables, la France est en retard sur son voisin allemand. Et dans le nucléaire, de grands progrès peuvent encore être faits. Bien que très attaché au contrôle de l'État sur les opérateurs, je souscris à l'idée qu'en échange du financement de l'extension de la durée de vie des réacteurs, les fournisseurs alternatifs puissent obtenir une participation à leur capital. Nous connaissons les difficultés de financement d'EDF....

Mon intervention n'a pas pour objet de révéler une quelconque recette miracle. (On feint de le regretter sur les bancs écologistes et socialistes) Notre devoir est de dire quelle est la réalité : nous n'avons pas les moyens de nous priver d'un type d'énergie. Chacun est indispensable à un moment donné. Notre mix énergétique devra à la fois garantir le même niveau de production qu'aujourd'hui et apporter une réponse fiable aux pics de consommation, de plus en plus difficiles à traiter au fur et à mesure de la progression des énergies renouvelables. Le nucléaire aura toute sa place dans ce mix, et tous les leviers devront être activés.

La transition énergétique ne s'accommode d'aucune réponse toute faite. Les promesses électorales, les incantations candides butent sur la réalité : l'énergie ne tombe pas du ciel...

M. Roland Courteau.  - Si, en partie !

M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de résolution.  - ... elle a toujours un coût, financier, écologique, géopolitique. La transition énergétique ne doit pas compromettre l'indépendance énergétique de notre pays. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite).

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - On enfile des perles !

M. Ronan Dantec .  - Nous nous félicitons de ce deuxième débat de l'année sur la politique énergétique. Il est bon d'alimenter le débat sur le futur projet de loi sur la transition énergétique.

La lecture du rapport du groupe UMP m'a plutôt amusé...

M. Jean-Claude Lenoir.  - La réciproque est vraie...

M. Ronan Dantec.  - Cela commençait bien, pourtant : on y voit affichés les objectifs de réduction de notre dépendance aux énergies fossiles et de nos émissions de gaz à effet de serre, « notamment en ce qui concerne la déperdition d'hydrocarbures dans les écosystèmes », en accord avec les exigences environnementales... Bravo ! Juste une question : et les déperditions liées à l'exploitation des gaz de schiste dans le sous-sol, qui rendent l'eau inflammable aux États-Unis ?

M. Jean Bizet.  - Miracle !

M. Ronan Dantec.  - Jusque-là, rien à dire. Mais après... Je pose la question : les caisses de l'État sont-elles à ce point pleines qu'on puisse se permettre à la fois de prolonger le parc nucléaire, de construire des EPR, de développer la recherche sur les réacteurs de quatrième génération et les énergies renouvelables ? Gouverner, c'est choisir...

Le nucléaire, filière scientifique et industrielle d'excellence ? Les travaux de la commission d'enquête sénatoriale sur le coût réel de l'électricité nous ont éclairés... Pourtant, quelques dogmes anciens perdurent dans la proposition de résolution... La prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans n'est pas acquise au regard des objectifs de sûreté, selon le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le prix de revient du MWh « EPR » ne sera jamais compétitif -  100 euros en Grande-Bretagne, contre 80 pour le MWh d'origine éolienne. Vous allez remplacer du cher par du plus cher. La fée électricité, bon marché ? Voire... Rangez le livre des contes pour sortir le livre de comptes : il est indispensable de réorienter les investissements vers le renouvelable. Le nucléaire se marginalise en Europe.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - C'est faux !

M. Ronan Dantec.  - Ces chiffres nous ont été fournis à Bruxelles, et pas par des écolos barbus... L'éolien terrestre est moins cher que l'EPR et le photovoltaïque est en train de le devenir...

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Ronan Dantec.  - La compatibilité des énergies renouvelables sera augmentée par le développement du stockage. Ne réinventons pas le surgénérateur façon Creys-Malville, véritable Moloch engloutissant les travailleurs comme dans Metropolis, chers collègues communistes ! (Mme Évelyne Didier s'exclame) Ne sacrifions pas nos troupes dans une dernière charge, monsieur l'ancien ministre de la défense... (M. Jean-Pierre Chevènement apprécie) alors que repli puis redéploiement peuvent assurer la victoire...

La réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, le groupe écologiste y croit, c'est un engagement du président de la République.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Vous êtes bien les seuls !

M. Ronan Dantec.  - Ne rêvons pas ! La fée électricité n'a plus de baguette magique, mais un crayon pour faire des additions ! Pour revenir au monde réel, le groupe écologistes votera contre cette proposition de résolution. (M. Jean Desessard applaudit)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Mon intervention devait prendre la forme d'une philippique mais celle de M. Dantec m'oblige à la revoir. Monsieur le ministre, sortez de l'ambiguïté !

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.  - Quelqu'un disait que l'on n'en sort qu'à son détriment...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Oui, mais sortez-en ! On enrobe le débat de considérations diverses, mais quel est le calendrier du Gouvernement ? Un point nous rassemble tous, y compris les écologistes : quand vous parlez des énergies renouvelables, monsieur Dantec, vous croyez au développement de l'électricité...

M. Jean Desessard.  - Nous sommes d'accord !

M. Jean-Claude Lenoir.  - ... laquelle assure notre indépendance, notre efficacité économique, nos performances écologiques. En France, l'électricité produite crée cinq fois moins d'émission de CO2 qu'en Allemagne.

Monsieur le ministre, sortez de l'ambiguïté ! Vous entretenez la confusion entre puissance installée et énergie produite. Sur les 128 000 MWh produits en France, la moitié vient des réacteurs nucléaires - qui produisent 73 % de l'électricité. Les centrales thermiques, 20 % de la puissance installée, ne produisent que 9 % de l'électricité ; l'hydraulique, pour 20 %, 14 % ; l'éolien, pour 12 %, 3 % ; le solaire, pour 6 %, 0,9 % seulement. Cessez de mettre en avant les chiffres qui mettent en valeur le développement de l'éolien et du photovoltaïque, qui ne représentent qu'une petite partie de notre production et de notre consommation d'électricité.

Sortez de l'ambiguïté et ne faites pas croire que les régions pourraient être autonomes... En Bretagne, par exemple, l'électricité doit venir du reste du territoire, de pays étrangers notamment. Ne faites pas miroiter des gains pour les économies régionales. Sortez de l'ambiguïté encore quant à la comparaison avec l'Allemagne. Fin 2012, le Conseil d'analyse économique (CAE), placé auprès du Premier ministre...

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Des professeurs Tournesol, disait Mme Lienemann !

M. Jean-Claude Lenoir.  - ... a montré que l'éolien en Allemagne produit 40 TWh pour un investissement de 20 milliards d'euros ; le photovoltaïque a coûté 112 milliards d'euros pour 12 TWh ! Les Allemands ont de plus fait le choix du charbon.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Et quel charbon !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Comment peut-on ici vanter cette démarche...

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - C'est un scandale !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Voyez comment on y retourne la surface du sol, comment on y déplace des maisons et des villages entiers pour exploiter charbon et lignite ! Les choix allemands provoquent des déséquilibres en Europe. Le lignite, bon marché, explique le bas coût de l'électricité produite. Celle que font les éoliennes doit être consommée, d'où les prix de cession négatifs de l'électricité allemande - on nous paie pour l'accepter sur notre réseau...

M. Ronan Dantec.  - Voyez !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Le prix de l'électricité en Allemagne à la consommation est le double de ce qu'il est en France. Ne nous privons pas d'un facteur de compétitivité de notre industrie.

Monsieur le ministre, ne restez pas prisonnier des chaînes qui entravent votre liberté de manoeuvre à cause d'un accord électoral signé sur un coin de table...

M. Jean Desessard.  - Vous les signez où, vos accords ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - Mettez votre intelligence et votre bon sens au service du pays. Le cardinal de Retz disait certes que l'on ne sort de l'ambigüité qu'à ses dépens ; il disait aussi que ceux qui sont dans les grandes affaires ont souvent plus de difficulté avec leur propre parti qu'avec celui de leurs adversaires. Nous serons, monsieur le ministre, à vos côtés dans la voie du bon sens. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à droite)

M. Henri Tandonnet .  - La transition énergétique est un immense chantier. Ce débat est néanmoins nécessaire. Abordons-le avec mesure et sincérité. Le Grenelle de l'environnement et les deux lois qui ont suivi justifient un hommage à Jean-Louis Borloo ; les Français ont désormais conscience des enjeux.

Des évolutions législatives sont encore nécessaires. Nous attendons la loi sur la transition énergétique depuis deux ans. Votre prédécesseur est partie, dans les conditions que l'on sait, en plein débat sur la transition énergétique. Où en êtes-vous, monsieur le ministre ? Quel calendrier ? Quelles pistes de réforme ?

Oui, la France, l'Union européenne et le monde doivent résoudre un ensemble de difficultés en matière énergétique ; oui, l'approvisionnement pose problème ; oui, la facture augmentera, qui mettra des familles en difficulté ; oui, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre est une priorité. Des chances sont à saisir, la France a un rôle majeur à jouer dans la compétition mondiale. Nous sommes à mi-chemin par rapports aux engagements dits des trois vingt pour 2020, pas à mi-chemin cependant de leur réalisation...

Nous voulons un mix énergétique plus équilibré. L'énergie d'origine nucléaire est la moins polluante, elle est peu coûteuse et très compétitive ; elle emploie des dizaines de milliers de personnes. C'est une filière solide. L'abandon du nucléaire en Allemagne a certes entraîné le développement des énergies renouvelables mais aussi une augmentation des sources carbonées et des difficultés de transport de l'énergie, faute de réseaux adaptés, l'éolien produit dans le nord du pays devant être transporté vers le sud. Il faut conserver le nucléaire et cesser de le dévaloriser. Le projet Iter à Cadarache est un laboratoire de recherche internationale unique au monde, grâce au soutien de l'Europe.

Ne soyons pas, pour autant, béats devant le nucléaire. La consommation énergétique globale augmentera. Les énergies renouvelables devront répondre à ces besoins croissants. C'est une chance pour nos territoires, notamment ruraux, et leur économie.

Selon la Cour des comptes, la France consacre 37 milliards d'euros aux énergies nouvelles ; il en faudrait deux ou trois fois plus. Il faut inciter à la rénovation thermique des bâtiments, qui a un impact économique et écologique fort. La loi Brottes n'a pas réglé toutes les difficultés.

Je remercie le groupe UMP d'avoir inscrit cette proposition de résolution à l'ordre du jour. Sur le fond, nous la soutiendrons, même si nous n'en approuvons pas toutes les priorités. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

Mme Mireille Schurch .  - Une transition énergétique est inéluctable pour répondre à l'augmentation continue du prix du pétrole et au réchauffement climatique. Ce deuxième débat de l'année sur la politique énergétique est donc bienvenu.

Aussitôt des questions se posent : quelles énergies au service de qui ? Décidées par qui et comment ? Selon quels critères ? Avec quel calendrier ? Il nous faut trouver de nouveaux modes de développement, de vie et de déplacements, de nouvelles sources d'énergie, sans fragiliser notre tissu économique et social ni renoncer à notre confort, tout en nourrissant la croissance économique et en surveillant nos factures : que d'impératifs et de contradictions, alors que croît la précarité énergétique en France - l'expression est à peine employée dans la proposition de résolution.... Le risque existe toujours que soit remis en cause le droit de chacun à accéder à l'énergie. Le débat est en réalité politique et social plus que technique. Attention à ne pas transformer le droit du citoyen en question de solvabilité du client...

La concurrence, la libéralisation n'est pas la solution. Seule l'existence d'un grand service public garantit le droit du citoyen à accéder à l'énergie, notion absente de cette proposition de résolution. Le débat national si complexe de l'an dernier n'a pas évoqué les questions des externalités et des hausses tarifaires. Quel est le bilan carbone des énergies renouvelables ? Quelles perspectives d'emploi, de filière industrielle ? Certes, la filière nucléaire assure une énergie peu chère, mais l'accident de Fukushima a changé la donne. Il faut abandonner la sous-traitance et rendre un rôle majeur à l'opérateur historique en le dégageant des contraintes de rentabilité.

L'hydroélectricité est la première source d'énergie renouvelable et stockable en France. Son coût est faible. Pourtant, on veut offrir au marché nos torrents, nos rivières et nos fleuves...

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Jean Desessard.  - Ce n'est pas tranché...

Mme Mireille Schurch.  - Nous n'y sommes évidemment pas favorables. Seul un système public, piloté par RTE, ERDF et l'État, est viable.

Monsieur le ministre, où en est l'appel d'offres qui intéresse une entreprise de Montluçon, experte en fabrication de compteurs intelligents ?

L'effacement doit reposer sur le volontariat et entraîner une baisse de la facture ; le gain pour la collectivité doit aller à des investissements dans les économies d'énergie, non alimenter un marché des capacités contraire à l'intérêt général.

L'État stratège doit rester le garant de la cohérence nationale de la politique énergétique. Nous ne pensons pas, même si l'idée peut paraître séduisante, que la transition énergétique se fera par le biais d'une organisation régionale de l'énergie. Gare aux disparités de prix ! La péréquation doit guider toute politique énergétique. Seul l'État peut structurer et pérenniser une filière de la rénovation thermique. Notre vision est aux antipodes de cette proposition de résolution, que nous ne voterons pas. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean Bizet.  - Quel dommage !

M. Roland Courteau .  - Cette proposition de résolution relative à la transition énergétique manque d'ambition, son titre même en témoigne : pourquoi ne pas s'engager plutôt « en faveur » de la transition énergétique ?

C'est une chose de produire plus, c'en est une autre de produire mieux, en émettant moins de gaz à effet de serre et en consommant moins de sources d'énergie - tout particulièrement quand l'uranium est extrait dans des pays instables.

Je plaide pour un rééquilibrage de notre mix énergétique, pour la réduction de la part du nucléaire, pour le développement des énergies renouvelables, pour les économies d'énergie. Le coût du soutien aux nouvelles installations photovoltaïques n'a plus rien à voir avec ce qu'il était il y a quelques années. Il en va de même de l'éolien.

La France a un grand potentiel : nous avons du vent, du soleil, des forêts, des ressources pour produire de l'énergie en mer. Nous avons la possibilité de devenir un des leaders mondiaux si la volonté politique est là.

Produire mieux, c'est aussi mieux s'adapter aux besoins. Ceux-ci varient sans cesse au cours de la journée, alors que la production nucléaire est très peu flexible. De nouvelles centrales n'y changeront rien. Il en va de même des énergies renouvelables. La solution sera la même, le stockage, que la proposition de résolution ne fait qu'effleurer. (M. Roland Dantec renchérit) L'hydrogène n'est même pas mentionné, pas plus que les gaz de schiste ! Qu'en pensent les sénateurs qui sont favorables à ces derniers ?

Il est bon de réaffirmer l'objectif de lutte contre la précarité. C'est encore mieux d'agir, et c'est ce que fait le Gouvernement, avec de nombreuses mesures pour la rénovation thermique, le taux de TVA réduit, l'extension des tarifs sociaux et de la trêve hivernale.

Le choix du nucléaire fut d'abord politique. Si on l'avait fondé sur un calcul financier de court terme, aucun des 58 réacteurs n'aurait été construit... Ayons la même audace pour les énergies renouvelables !

Pourquoi la France devrait-elle, seule, ouvrir l'hydraulique à la concurrence ? Cela s'apparente à un bradage de notre patrimoine, les barrages sont des biens publics. Et pour quelle efficacité ? Qu'en sera-t-il de la gestion nationale en cas d'événements météorologiques extrêmes ? Qu'adviendra-t-il du personnel ? Mme Bataille et M. Mirassou y reviendront.

Quant aux autres énergies renouvelables, la proposition de résolution ne fait que critiquer le coût du soutien qui leur est apporté et ne propose d'aider que les filières compétitives ; ce sont celles qui ne le sont pas encore qui doivent être soutenues...

Les contrats de filière ont pour objectif de créer 125 000 emplois et de faciliter l'exportation. L'autoconsommation a fait l'objet d'un colloque au Sénat cet automne. Pour favoriser la production locale d'énergie, il faudra commencer par les bâtiments tertiaires.

Ce texte privilégie le statu quo et n'offre aucune vision de l'avenir. Nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et écologistes)

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Dans Le dictionnaire des idées reçues, Flaubert écrivait au mot « époque » : « La nôtre est une époque de transition ». Mais transition vers quoi ?

La politique énergétique doit être volontariste, mais éclairée. Elle ne saurait être remplacée par un acte de foi, non plus que la rationalité par la chasse aux coquecigrues. (Sourires) M. Dantec ostracise le nucléaire...

M. Jean Bizet.  - Il a peur de tout !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Deux précautions valent mieux qu'une, disaient nos grands-mères ; et pourquoi pas 347 plutôt que 346 ? Après le rapport Gallois, repris par le président de la République et le Gouvernement, la France peut-elle négliger les 66 milliards que lui coûtent ses importations d'hydrocarbures et l'avantage comparatif de son électricité bon marché pour son industrie ?

M. Jean Bizet.  - C'est le seul !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le coût du MWh nucléaire est de 50 euros, 55 si on inclut les travaux préconisés par l'Autorité de sécurité nucléaire après Fukushima.

M. Jean Desessard.  - 59 euros...

M. Ronan Dantec.  - 75 !

M. Jean Bizet.  - Allons !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Celui du gaz, 70 à 80 ; de l'éolien 80 à 85 ; du photovoltaïque au sol 120 à 150 ; de l'éolien offshore entre 150 et 250 euros...

M. Ronan Dantec.  - Et l'EPR, 120 euros !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La CSPE atteint déjà 15 % du prix payé par le consommateur. En Allemagne, le nouveau ministre Sigmar Gabriel a mis un coup de frein au développement des énergies renouvelables. La part des énergies fossiles va demeurer stable, au-dessus de 60 %, au cours des dix prochaines années ; la teneur en CO2 du KWh y est dix fois supérieure à la nôtre ; de nouvelles centrales au charbon ou au lignite vont être mises en service. Comment les Allemands respecteront-ils leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

Le coût pour le contribuable sera deux fois plus élevé qu'en France. Au moins, dans ce domaine, l'Allemagne n'est pas un modèle à suivre !

Qui paiera l'acheminement des flux au sein d'un système européen ? Rien ne remplacera les centrales nucléaires. J'approuve la prolongation de leur durée de vie, ainsi que la construction de nouveaux réacteurs : on ne peut se résoudre à la stagnation économique.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Au moment où l'on cherche 50 milliards d'euros d'économie, la fermeture de Fessenheim serait désastreuse.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je serai donc bref sur l'énergie climatique. Ne gaspillons pas notre argent dans des expérimentations non rentables !

M. Jean Desessard.  - Lesquelles ?

M. Ronan Dantec.  - Les centrales de quatrième génération.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - J'appelle à la cohérence gouvernementale et à la rigueur intellectuelle.

Rien dans cette proposition de résolution ne me choque. Leur axe central devrait nous réunir. Il y va de notre compétitivité et de la souveraineté de la République. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à droite)

M. Jean Bizet.  - Quelle vision !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Très bien ! La parole du RDSE porte !

M. Jean-Pierre Vial .  - Les enjeux de la transition énergétique sont énormes. Le prochain projet de loi devra soutenir la filière solaire, dont les capacités progressent continument. Dans le monde, la filière solaire progresse de 20 % par an pour une capacité de 35 GW et les experts conviennent qu'en 2020, la capacité de production annuelle sera entre 70 et 100 GW avec une énergie au prix du marché dans tous les pays. Alors que la qualité des équipementiers européens est déjà reconnue au niveau mondial, une alliance autour de la France et de l'Allemagne doit permettre à l'Europe de placer notre technologie au plus haut niveau du marché solaire mondial. L'Europe ne doit pas déclarer forfait : Total est déjà un fleuron de cette filière.

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La région Rhône-Alpes, liée à l'histoire de l'hydroélectricité, regroupe plus de 50 % des industries électro-intensives. Vous comprendrez que, élu de cette région, je sois préoccupé par la reprise récente du site d'aluminium de Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne par l'allemand Trimet. Le rapport Gallois a rappelé la place des énergies dans l'industrie ; je ne vous cacherai pas ma déception que l'industrie n'ait pas trouvé sa place dans le débat de la transition énergétique.

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Alors que tous les pays industriels mobilisent leurs capacités énergétiques pour leur industrie, la France serait bien inspirée de valoriser ses capacités de production plus vertueuses que beaucoup d'autres. Notre voisin allemand a délibérément construit un modèle en faveur de son industrie : il a posé le principe d'un prix attractif pour les gros consommateurs, quitte à faire supporter par les consommateurs la charge fiscale et l'effort de la politique des énergies renouvelables. Grâce à quoi les industries allemandes grosses consommatrices bénéficient de l'allégement du coût du transport contrairement à notre principe dit du timbre-poste.

Je vais m'en tenir à la proposition 18 de la résolution, concernant l'effacement qui répond directement aux préoccupations des industriels gros consommateurs et permettait une baisse de leur facture d'électricité de 10 à 15 % par an répondant également aux enjeux de la transition énergétique. Il y a un peu plus de dix ans, EDF procédait à plus de 6 GW d'effacement par an. On en est à moins de la moitié. Les États-Unis, que l'on a tendance à ne voir qu'à travers le gaz de schiste, ont depuis plusieurs années mis en place une politique d'effacement qui dépasse les 10 % de leur production d'électricité soit plus de 20 fois la pratique de l'effacement en France.

Péchiney a fait part de son intérêt pour le modèle énergétique français, il y a quelques années. Or cette semaine, le groupe a reçu une offre du Québec, bien plus attractive. L'Allemagne, l'Italie, l'Espagne mobilisent chacun 300 millions d'euros pour l'effacement. Et nous ne faisons rien. Les lois Nome et Brottes, après le rapport Sido, offrent cependant des possibilités. Mais EDF répond que la question est politique. Permettons donc à notre industrie de bénéficier de cette capacité d'effacement, qui bénéficierait à l'environnement comme aux consommateurs. N'est-ce pas une belle perspective que d'offrir à notre industrie l'occasion de participer à la transition énergétique ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean Bizet.  - Très bien !

Mme Delphine Bataille .  - Dans l'attente du dépôt du projet de loi sur la transition énergétique, le groupe UMP veut-il fermer la porte à tout débat ? Espérons que non et que son intention était seulement de saisir cette occasion pour mettre en avant ses positions. Ce projet de loi a donné lieu à de nombreux travaux préalables, au sein de la Conférence environnementale et des groupes de travail ad hoc.

La réduction de notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et de l'émission des gaz à effet de serre sont des objectifs que nous pouvons partager. La réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique d'ici 2025 sera difficile à atteindre ; il faut soutenir le développement des énergies renouvelables, comme le fait le Gouvernement.

La Commission européenne veut limiter le financement public à ces énergies renouvelables. Le Gouvernement a ouvert une large concertation à ce sujet. Il faut aussi tenir compte du rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, très critique vis-à-vis des politiques énergétiques européennes. L'Allemagne a fait le choix de sources d'énergies sales, le charbon et le lignite - dont elle a 300 ans de réserves. Les industriels ne se sont pas vu offrir un cadre propice aux investissements de long terme.

Malgré les efforts des Allemands, les énergies renouvelables n'occupent qu'une faible part dans leur production d'énergie. La politique européenne est vouée à l'échec si elle ne fait que s'appuyer sur le marché. La France et l'Allemagne ont décidé de coordonner leurs transitions énergétiques afin d'assurer leur compétitivité en même temps que leur sécurité d'approvisionnement.

Notre dépendance reste grande : nos importations de pétrole ont battu des records en 2013. Réduire la consommation finale d'énergie, comme le recommande cette proposition de résolution, est nécessaire. À cet effet, le Gouvernement a engagé un plan de rénovation énergétique de l'habitat. La transition énergétique ne répond pas qu'à des objectifs écologiques : on ne peut ignorer les dimensions économiques et sociales. On ne saurait non plus agir au seul échelon national : commençons par renforcer la coopération européenne en la matière. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin .  - M. Chevènement ayant été percutant, je me limiterai à la question de l'énergie hydraulique, qui représente 10 % de notre production d'électricité et 80 % de la production d'énergie renouvelable, la plus mûre et la plus compétitive de nos énergies renouvelables, qui joue un rôle capital dans la gestion des pics de consommation et stockable.

Le renouvellement des concessions est à l'ordre du jour. Elles font pourtant perdre de l'argent à l'État et aux collectivités territoriales.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Mais pas à tout le monde !

M. François Fortassin.  - L'État serait bien inspiré de renouveler ces concessions, faute de quoi les collectivités territoriales seraient fondées à l'attaquer pour manquement à la loi. EDF est un fleuron de notre industrie, le groupe qui dégage le plus de bénéfices. Le droit doit être appliqué ! (Applaudissements sur les bancs RDSE)

M. Jean Bizet .  - Je salue l'initiative de M. Poniatowski et voterai évidemment sa proposition de résolution. Le débat sur la transition énergétique nous place au coeur de deux chantiers ouverts par le président de la République pour 2013 : la compétitivité et l'emploi.

Je dois vous signifier, monsieur le ministre, ma totale incompréhension devant vos récentes déclarations à l'occasion de la nomination du nouveau délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim. Notre filière nucléaire crée des emplois pérennes et de la valeur ajoutée : elle représente 129 000 emplois directs, 4 % de l'emploi industriel en France. De grands groupes s'installent en France parce que l'électricité y est bon marché.

Que dire de notre fleuron EDF, qui vient de conclure un accord historique pour construire deux EPR en Grande-Bretagne ?

Ne fragilisons pas cette filière sous couvert d'une fausse modernité ou pour maintenir la concorde au sein de la coalition gouvernementale. Notre indépendance énergétique est liée au nucléaire. Pourquoi se priver d'une source d'énergie qui réalise 6 milliards d'euros de chiffres d'affaires annuel, augmente mécaniquement les exportations françaises, limite les importations d'hydrocarbures et contribue au maintien de nos industries électro-intensives ?

L'excellence française est reconnue dans le domaine de la sûreté nucléaire, autant que pour les EPR : voyez le projet de Cadarache.

M. Lenoir vous a invité à « sortir de l'ambigüité », monsieur le ministre. Je finirai donc par quelques questions précises. Soutenez-vous la position du ministre du redressement productif, selon laquelle le nucléaire est une filière d'avenir ? Approuvez-vous la fermeture de Fessenheim pour 2016, selon le président de la République ? Quelle cohérence dans la politique gouvernementale ? La transition énergétique ne doit-elle pas être pensée au niveau européen ? S'accompagne-t-elle de la création d'une banque du carbone au niveau européen ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Sans revenir sur les arguments de M. Courteau et Mme Bataille, je me concentrerai sur le renouvellement des concessions hydroélectriques. Le gouvernement précédent avait fait le choix d'une libéralisation sans contrepartie, à contre-courant de notre histoire et au détriment des consommateurs. Les grands barrages, d'ailleurs, font partie du patrimoine national.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Certes, la Cour des comptes a préconisé une mise en concurrence. Comment lui reprocher de ne voir les choses que sous l'angle purement comptable ? Seule la France a pris une telle décision, qui équivaut à une perte de souveraineté.

Mme Évelyne Didier.  - Et les autoroutes ?

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Des concessionnaires étrangers pourraient exploiter les barrages et revendre avantageusement l'électricité produite...

D'autres pistes méritent d'être étudiées. Nous avons besoin d'une vraie politique hydroélectrique, conforme à l'intérêt général. La vraie solution serait de prolonger les concessions de 24 ans, en contrepartie de travaux de modernisation et de nouvelles exigences de production. On lèverait ainsi les incertitudes sur le sort du personnel, sans risquer un nouvel imbroglio juridique. Même la Cour des comptes y trouverait... son compte !

Je ne doute pas que votre réforme, monsieur le ministre, permettra aux ménages et aux entreprises de bénéficier de la rente hydraulique.

Je ne voterai pas cette proposition de résolution qui tourne le dos à l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Françoise Boog .  - L'examen du projet de loi pour la transition énergétique a été plusieurs fois reporté. Le sujet est pourtant d'importance.

Je rejoins les propos de M. Poniatowski. Sénatrice alsacienne, je m'attarderai sur le sort de la centrale de Fessenheim. Sa fermeture ne saurait être motivée par des raisons politiciennes.

M. Roland Courteau.  - Politiques !

Mme Françoise Boog.  - Le Gouvernement est prêt à tout pour maintenir l'unité de sa majorité...

M. Ronan Dantec.  - C'est nul !

Mme Françoise Boog.  - L'ASN a souligné que la centrale de Fessenheim est l'une des plus sûres de France. On y a investi 280 millions d'euros ces dernières années. Et pourtant, le Gouvernement continue à jouer avec les peurs... Les Alsaciens ne sont pas dupes. Ma commune est à une quinzaine de kilomètres de la centrale ; si celle-ci présentait un risque avéré, nous serions les premiers à nous en inquiéter. Pourquoi fermer une centrale sûre et rentable ? Pourquoi celle-là ? L'énergie nucléaire bon marché pourrait compenser le développement des énergies renouvelables, plus coûteuses...

La filière nucléaire crée de nombreux emplois. Comment restera-t-elle compétitive si, par calcul politicien, nous en doutons ?

Les salariés de Fessenheim seront déracinés, le territoire déstabilisé. Qu'en sera-t-il des sous-traitants ? Et des industries électro-intensives attirées en Alsaces par la présence de cette centrale ? Elles devront se délocaliser. Prenons le temps de réfléchir à la transition énergétique dans son ensemble. Attendons les résultats de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, avant de mettre sur les rails la grande loi de transition énergétique qui nous attend à l'automne. (« Très bien ! » et applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Merci au groupe UMP et au sénateur Poniatowski de nous offrir cet échange sur la transition énergétique.

L'exposé des motifs de votre rapport mentionne à raison d'emblée « la raréfaction des énergies fossiles, l'insécurité dans l'approvisionnement de ces sources d'énergie, la hausse de la facture énergétique, la détérioration de l'environnement dont l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre est l'une des principales manifestations ». Je suis bien d'accord pour dire avec vous que « tous ces phénomènes impliquent que la France conduise une politique de l'énergie emprunte de vision et de responsabilité ».

M. Chevènement a ironisé sur le fait que notre époque serait à la « transition ». J'ai le souvenir d'une autre époque où le mot qui comptait aux yeux de M. Chevènement était « projet ». Je dirai donc que la « transition » énergétique est un « projet », qui doit devenir un atout pour la compétitivité de nos entreprises.

Les estimations du Giec sont plus inquiétantes que prévu. La loi de transition énergétique est un projet social, comme le disait Mme Schurch. Comment accompagner les Français à améliorer l'efficacité énergétique et lutter contre la précarité énergétique des plus modestes ? M. Poniatowski dénonce la pluralité des interlocuteurs qu'il faut rencontrer ; avec Cécile Duflot, nous avons lancé un guichet unique.

La transition énergétique est un projet industriel. De nos choix dépendra la capacité de se doter de filières robustes. C'est un projet de santé publique, d'amélioration de l'air que nous respirons.

Le cap a été fixé par le président de la République et le Premier ministre lors de la Conférence environnementale : il s'agit de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre. Notre pays accueillera en 2015 la Conférence des Nations unies sur le changement climatique. Ce cap est celui de la réduction de 50 % de la consommation finale d'énergies en 2050.

M. Poniatowski a évalué à 420 TWh notre production d'énergie nucléaire ; M. Lenoir a parlé de 400. C'est son chiffre qui est le bon. EDF ne va pas au-delà mais pourrait aller jusqu'à 420 s'il trouvait à exporter ces 20 TWh supplémentaires - la production de quatre ou cinq réacteurs.

Notre cap, c'est aussi celui de l'Europe qui est le cadre de notre vision. Un rapprochement franco-allemand sera utile.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Philippe Martin, ministre.  - Le sommet franco-allemand du 19 février a marqué ce rapprochement. Nous connaissons les objectifs dits des 3 % en 2020. Depuis plusieurs mois, la France soutient avec l'Allemagne un objectif de 25 % de la part des énergies renouvelables en Europe. Je serai à Berlin demain, pour inciter les acteurs européens à travailler ensemble afin que nous soyons plus forts face à la concurrence internationale.

Les objectifs européens du premier « paquet climat-énergie », à l'horizon 2020, acceptés par la précédente majorité, nous les connaissons : 20 % d'énergies renouvelables, 20 % d'amélioration de l'efficacité énergétique et 20 % de réduction des gaz à effet de serre. Une nouvelle échéance est en discussion. Depuis plusieurs mois, la France défend un objectif ambitieux de réduction des gaz à effet de serre d'au moins 40 %. Et nous soutenons, avec l'Allemagne, un objectif d'au moins 27 % au niveau européen pour la part des énergies renouvelables en 2030.

La réflexion s'est focalisée sur le nucléaire. À une époque de notre histoire, des ingénieurs exceptionnels, des techniciens motivés, des ouvriers patriotes ont fait la renommée de notre filière nucléaire, en particulier en matière de sécurité. Passer, d'un peu plus de 75 % d'énergie électrique d'origine nucléaire à 50 % n'est en rien une marque de défiance à l'égard de ces ingénieurs, de ces techniciens et de ces ouvriers.

Fessenheim est jumelée avec une ville de mon département, le Gers. Ma commune est jumelée avec Rixheim. C'est que, pendant la guerre, de nombreux Alsaciens se sont réfugiés sur nos terres. Je suis donc particulièrement sensible à votre région, madame Boog, et j'en recevrai les élus. La fermeture de Fessenheim est une décision industrielle, économique et énergétique, à la fois rationnelle et responsable. Elle n'a rien de « politicien » comme il a été dit.

Il serait irrationnel et irresponsable de laisser aux générations futures un mur d'investissement. Nous faisons le choix de la responsabilité économique et de la sécurité d'approvisionnement ; ce n'est nullement contradictoire avec l'excellence de notre filière nucléaire, que nous soutenons à l'export. L'excellence d'EDF dans le stockage des déchets et le démantèlement des centrales sera un plus pour l'exportation. Nous progressons en termes de sûreté, on l'a vu avec les stress tests et le retour d'expérience de Fukushima.

Les énergies thermiques perdant à terme une place prépondérante dans le mix d'énergies renouvelables, alors que la politique erratique de la majorité précédente avait nui à nos filières photovoltaïque et éolienne, nous avons retrouvé fin 2013 un rythme d'installation équivalant à 1 000 MW par an. Un appel d'offres sera lancé fin mars pour des installations photovoltaïques de plus de 250 MW. Nous constatons un prix du photovoltaïque de 100 euros du MWh, il pourrait baisser à moins de 80 % ; le nucléaire en est à 109 euros ! Soyons prudents quand nous comparons des chiffres de compétitivité.

Nous avons lancé un second appel d'offres pour l'éolien offshore en 2013. Il s'agit de placer les industriels français en leaders européens et internationaux. La communauté européenne s'intéresse beaucoup au soutien de l'Allemagne aux énergies renouvelables.

La procédure de consultation que j'ai lancée sur l'autoconsommation vise à éviter des décisions hâtives. Il faut aussi rationaliser les procédures...

M. Roland Courteau.  - En effet.

M. Philippe Martin, ministre. - C'est pourquoi mon ministère a lancé des expérimentations dans le cadre de la loi du 2 janvier 2014, pour des procédures ICPE sur des équipements hydrauliques. M. Courteau a évoqué l'autoconsommation. Sur les compteurs intelligents, madame Schurch, nous sommes en phase de sélection. Je sais que plus de 1 000 emplois se profilent derrière ces appels d'offres.

Le projet de loi comprendra six titres. L'un d'entre eux traitera des collectivités locales. Monsieur Lenoir, il n'est jamais question d'autonomie des régions en matière énergétique. Colbert vous fait face, surplombant cet hémicycle. Je lui préfère Defferre. Faisons confiance aux collectivités locales.

M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de résolution.  - À condition de ne pas remettre en cause la péréquation.

M. Philippe Martin, ministre.  - Tout à fait d'accord. C'est une question centrale face à la Commission européenne et au dogme de la « concurrence libre et non faussée ». Grâce aux tarifs sociaux, quatre millions de foyers ont accès à l'énergie.

Un titre traitera de maîtrise de la demande et de l'efficacité énergétique, un autre des énergies renouvelables, un autre enfin de la sûreté nucléaire. Cette loi sera l'une des plus importantes du quinquennat, aux yeux du président de la République.

MM. Mirassou et Fortassin ont soulevé la question du renouvellement des concessions des barrages. Les solutions proposées seront moins brutales que celles du précédent gouvernement : tout en respectant le droit européen de la concurrence, elles préserveront l'intégration de nos moyens de production et la compétitivité de nos industries. Je suis conscient de l'enjeu patrimonial.

Ce débat aura été utile. Je ne souhaite pas que cette proposition de résolution soit adoptée, non parce qu'elle manquerait d'intérêt, mais parce que nous débattrons prochainement du projet de loi de transition énergétique. J'ai été sensible à la belle démonstration de M. Lenoir, même s'il réfléchit au mix énergétique en regardant un peu trop dans le rétroviseur. Notre débat sur la transition énergétique nous fait choisir entre un monde ancien et un monde nouveau. J'ai la fierté et le plaisir de militer pour un monde nouveau. (Applaudissements à gauche)

À la demande du groupe UMP, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°159 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 179
Contre 162

Le Sénat a adopté.

(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 26 février 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques