Délimitation des régions (Deuxième lecture - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Éliane Giraud.  - La France doit trouver un nouveau souffle parce qu'elle porte un modèle social de grande qualité, parce qu'elle a toujours été un moteur de l'Europe. À nous d'inventer le modèle social de demain. La France doit être un atout pour l'Europe. Redessinons des régions capables de développer leur économie, de réinventer la proximité, de promouvoir leur identité et leur culture.

Nous allons mettre nos régions à la bonne dimension européenne. Cette réforme est audacieuse, courageuse aussi. Loin de se limiter à un simple regroupement administratif, elle donne aux régions les compétences stratégiques dont elles ont besoin pour un aménagement plus équilibré du territoire, pour le développement économique, l'emploi et la formation, pour donner espoir et audace à notre jeunesse. Les régions sont assez grandes et assez proches pour porter cette dynamique.

Le carnet d'adresses d'une entreprise, aujourd'hui, est international. Ainsi, le pavillon Rhône-Alpes à Shanghai devient la Maison France. Les régions peuvent appuyer les politiques de recherche et d'innovation, accompagner nos entreprises à l'exportation. Elles sont aussi les garantes des équilibres sur leur territoire en nouant des partenariats avec les métropoles, les intercommunalités, les départements.

Les régions réinventent aussi la proximité. Elles ont beaucoup resserré leurs liens avec les citoyens, en dépit du fait que les premières élections régionales au suffrage universel direct ne datent que de 1986.

Pour réussir cette réforme, il faudra un travail commun, mobiliser les élus et les forces vives du territoire, en un mot leur faire confiance. Plutôt que de fusion, je préfère parler d'union des régions. Certains présidents de région s'engagent déjà dans des coopérations, comme ceux d'Auvergne et de Rhône-Alpes, auxquels je rends hommage.

Cette réforme territoriale prend en compte les identités comme les spécificités. Une carte peut toujours être contestée, mais il faut faire des choix. Le droit d'option offre la souplesse nécessaire. Nés ici, éduqués ailleurs, travaillant ailleurs encore, nos concitoyens attendent. Cet ailleurs est indispensable à une société moderne. Nous n'avons plus de temps à perdre. Dans ce débat, le Sénat doit jouer tout son rôle. Le groupe socialiste vous soutiendra au maximum, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Sido.  - Au maximum, seulement !

M. Roland Courteau .  - Les régions remontent aux programmes d'action régionale de l'après-guerre. Leur carte n'a guère évolué depuis, malgré les changements du monde. Il faut l'adapter à l'Europe des régions, relever le défi du redressement économique, permettre à nos régions de rivaliser avec leurs voisins.

Nous voulons la fusion de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon. Elle additionnera nos forces pour construire un ensemble de cinq millions d'habitants, avec un PIB du même ordre que celui de ses grands voisins.

M. François Grosdidier.  - Avec un budget dix fois moindre !

M. Roland Courteau.  - La fusion nous donnerait une force de frappe nouvelle. Rappelez-vous le comté de Toulouse et les États de Languedoc ! Serait ainsi créée une région au croisement des grandes routes d'échanges, dotée de grands pôles de compétitivité, alliant la richesse économique de Midi-Pyrénées et l'attractivité du Languedoc-Roussillon, forte d'un grand potentiel de développement et capable de puissantes coopérations extrarégionales.

J'entends dire qu'il faut construire de grandes régions stratèges. Et pourtant ! La commission spéciale est revenue sur le choix de l'Assemblée nationale. Que pèseraient Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon séparées face à la Catalogne, aux régions Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin ou Rhône-Alpes-Auvergne ?

Créons enfin cette euro-région qui associe les Pyrénées à la Méditerranée ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Longuet .  - Soyons beaux joueurs : si l'objectif du Gouvernement était d'afficher une diminution du nombre de régions, il a réussi mais sans rien régler pour autant. De ce débat, vous ne sortirez peut-être pas avec douze régions, mais avec treize ou quatorze, c'est honorable. Mais plus les régions sont grandes, moins leurs responsabilités sont claires.

Vous risquez de susciter des appétits voués à être déçus, car l'État n'a ni l'intention ni les moyens de confier aux régions les pouvoirs qu'elles réclament -ce qui poserait un problème de péréquation et de solidarité nationale.

M. Bruno Sido.  - Absolument !

M. Gérard Longuet.  - Aux Français et, surtout, à Bruxelles, vous auriez aimé dire que vous aviez supprimé l'un des échelons territoriaux, le département. Depuis avril, vous ne cessez de faire machine arrière : on devait en conserver une vingtaine, à titre d'exemple historique, nous sommes désormais certains d'en conserver la quasi-totalité, y compris dans les zones de métropole. Vous voulez aussi vous appuyer sur les intercommunalités. En vérité, vous avez déclenché une réaction en chaîne si vous ne clarifiez pas les choses au plus vite.

Nous avons, certes, un besoin évident des métropoles. Il n'est pas vrai en revanche qu'une métropole ait envie de soutenir les villes moyennes, les territoires ruraux de sa région. Quinze communautés urbaines et métropoles, cela fait 8 millions d'habitants ; mais les 213 communautés d'agglomération en comptent 25 millions et les 2 223 communautés de communes, plus de 27, soit 13 000 habitants en moyenne. Et vous voulez fixer le seuil à 20 000 ; c'est dire que vous entendez en réduire le nombre de 65 %... et décourager les élus qui s'investissent dans la démarche intercommunale.

M. Bruno Retailleau.  - Absolument !

M. Gérard Longuet.  - Les intercommunalités, je les défends, mais peuvent-elles imaginer et conduire des politiques sociales sur leur territoire plus vaste ? Non : tout juste pourront-elles gérer les dépenses de guichet. Même après les propos du Premier ministre, je crains que ne se déclenche un processus incontrôlable.

Quant à l'Alsace, je veux dire à ma collègue et amie Mme Troendlé qu'elle n'a pas raison de poser le débat à ce moment. Le projet de collectivité unique alsacienne est parfait, exemplaire, dans la ligne de ce que nous souhaitions avec la loi de 2010. Hélas, dans cette deuxième lecture, nous sommes contraints par la règle de l'entonnoir. Nous aurions, sinon, rappelé notre projet de rapprocher départements et régions. Le rôle des régions ne sera pas de remplacer les départements ou les intercommunalités, mais de dialoguer avec Paris et Bruxelles. Or le grand est a une réalité, ce sont les axes nord-sud qui nous structurent, vous le long du Rhin, nous le long de la Moselle. Allez faire comprendre à un parisien l'importance de ces axes ! Nous qui avons des intérêts communs, des caractéristiques communes, nous avons le devoir d'être solidaires face à l'État comme à l'Europe.

Ma chère collègue, attendez donc le texte sur les compétences. Tout vient à point à qui sait attendre ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Fouché .  - Merci à la commission spéciale pour son excellent travail. Si j'aperçois une évolution de la part du Gouvernement, le Sénat réaffirme son attachement aux territoires et aux différents niveaux de collectivités. Certes, leurs compétences doivent être clarifiées, les doublons pourchassés. Que va faire un comité régional du tourisme au nord de la Vienne, à des centaines de kilomètres de Saint-Jean-de-Luz ?

Les départements doivent poursuivre leurs actions de proximité qui sont plébiscitées. Il faut les préserver mais sans les déshabiller.

Dans le big bang territorial, les grandes régions doivent être chargées des grands projets tout en veillant à l'équilibre du territoire, les conseils généraux de la proximité, de l'aide aux communes, de l'aménagement local -et pourquoi pas de certains projets structurants. Dans la Vienne, le conseil général s'est chargé lui-même du technopôle du Futuroscope ou encore de Centerparc. Ces prérogatives doivent subsister. Quant aux dépenses de solidarité, elles absorbent 54 % du budget du département de la Vienne. Ce sont des politiques soigneusement réfléchies, adaptées au terrain, pas seulement de la distribution de prestations.

Les intercommunalités n'ont pas les moyens d'assumer les missions de solidarité, les régions n'en veulent pas, l'État en est incapable.

Assez d'accusations contre les collectivités. Les transferts de compétences se sont multipliés sans compensation. L'État ne cesse de se désengager, voilà pourquoi les collectivités recrutent ! Dernièrement encore, les directions départementales du territoire ont été supprimées : plus de travaux dans les communes, plus de gestion des permis de construire ; et les services des domaines n'interviennent plus.

Il faudra que chaque niveau de collectivité joue son rôle, un rôle qui ne peut être que de façade. Nous nous opposons au centralisme étatique comme régional. Nous nous battrons pour la représentation des territoires, la ruralité, la proximité, l'épanouissement harmonieux du pays. (Applaudissements à droite)

M. Louis Nègre .  - Travail remarquable que celui de la commission spéciale. Cahin-caha, la réforme territoriale poursuit son chemin d'infortune. En première lecture, le Sénat, pourtant de gauche, l'avait rejetée. C'est dire si la pagaille règne dans les esprits... Faute originelle, le Gouvernement a agi seul, sans consulter les élus locaux, dans la précipitation. Les départements comme les régions sont ancrés dans le paysage républicain. On ne peut revoir leur carte sur un coin de table à la hussarde. Pourquoi ce calendrier expéditif ?

Ce texte, mal né, est aussi prématuré. Il eût mieux valu déterminer d'abord les compétences des nouvelles régions et leurs ressources. Le redécoupage a viré au casse-tête. Quels ont été les critères du Gouvernement ? Les synergies ? Le lien culturel ? La présence d'une métropole ? La présence de réseaux de transport structurés ? Où est le fil directeur ?

Merci au président Larcher d'avoir obtenu l'organisation d'un débat au Sénat avec le Premier ministre. Il fallait remettre la réforme territoriale en perspective, car on ne sait plus où on en est. Même à gauche, que n'avons-nous entendu ? « Zig-zag », réforme « incohérente », « surréaliste », « déconnectée », « injuste », « mortifère »... Le Premier ministre a annoncé hier l'adaptation du seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités et la fixation de la date des élections cantonales en mars. C'est heureux.

Le Sénat, maison des collectivités territoriales et des territoires, n'entend pas faire de l'obstruction ; il doit imposer sa marque à ce texte, donner une cohérence à cette réforme. Avant tout, il fallait réaffirmer la vocation de chaque collectivité ; c'est fait à l'article premier A. La commission spéciale est aussi parvenue à un compromis sur la carte des régions.

Le principe de subsidiarité, l'existence des départements et des communes ont été rappelés. Le droit d'option a été rétabli. Une représentation minimale a été garantie aux départements. À l'issue des travaux de la commission spéciale, ce texte imparfait est devenu un peu plus acceptable. Je le voterai. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yannick Botrel .  - C'est à juste raison que le Gouvernement a engagé cette réforme territoriale trop longtemps différée. Dans un monde toujours plus globalisé, il est urgent de redéfinir les bons niveaux de l'action publique, de clarifier les responsabilités. Saluons le principe d'un redécoupage régional fondé sur des polarités, des logiques de développement et des volontés d'action commune. Des ajustements restent nécessaires. Le Sénat avait souhaité un droit d'option pour les départements, les députés l'ont supprimé, la commission spéciale l'a rétabli mais dans le même temps rendu inapplicable. Hier, le Gouvernement s'est dit favorable à en faciliter l'exercice. C'est ainsi que nous parviendrons à la carte la plus pertinente, en donnant la parole aux citoyens et en faisant confiance à l'intelligence territoriale. Faut-il limiter le droit d'option à la seule année 2016 ? Cette première année sera déjà bien occupée. Je plaiderai pour une extension. « Nous sommes tous capables de fabriquer quelque chose qui ne fonctionne pas » disait un humoriste. À nous de ne pas lui donner raison. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Joyandet .  - À mon tour de féliciter notre commission spéciale, qui a bien travaillé. Tout le monde est d'accord sur le principe d'une réforme territoriale. Mais comment la faire ? La création du conseiller territorial annonçait, à terme, la fusion des régions et des départements avec une clarification des compétences. Rien de mieux pour faire des économies d'échelle que de mettre l'échelle à la verticale plutôt qu'à l'horizontale...

C'est une autre réforme que propose la gauche. Elle ressemble plus à une dissolution des collectivités territoriales... Plus personne n'y comprend rien, vous avez semé l'inquiétude. Mettez-vous à la place d'un maire à qui ont dit que ses interlocuteurs régionaux vont changer, ses interlocuteurs départementaux disparaître, ou qu'il va devoir s'intégrer dans une nouvelle intercommunalité ! Au lieu d'un millefeuille allégé, un millefeuille écrasé et tétanisé.

Heureusement, le climat a changé. Le Gouvernement a sans doute entendu le message que les grands électeurs lui ont envoyé le 28 septembre... Il a fait des ouvertures. Le Sénat de son côté a pris ses responsabilités et choisi la voie du dialogue, conscient cependant du piège dès lors que le texte sur les compétences ne viendra qu'en second. Je suis prêt comme beaucoup à soutenir cette réforme, à condition que l'existence des départements soit réaffirmée solennellement.

La meilleure solution pour réaffirmer la pertinence des départements, c'est de leur donner des compétences claires et pérennes dans le futur projet !

Mme Catherine Troendlé et Mme Catherine Deroche.  - Très bien !

M. Alain Joyandet.  - Levons aussi, dans ce second texte, les inquiétudes sur la pérennité des communes.

J'étais assez favorable au conseiller territorial, à la fusion des départements avec les régions, ce qui n'empêche pas la constitution des grandes régions. Le président du groupe socialiste a fait preuve de bonne foi. Rassurons les collectivités territoriales et les élus : de leur dynamisme dépendent les investissements et la croissance, incompatibles avec des collectivités territoriales paralysées. Je suis prêt à participer à ce travail positif, dans l'intérêt du pays. En quelques jours, le nouveau Sénat a déjà fait bouger les lignes ! (Applaudissements à droite)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Le Premier ministre s'est longuement exprimé hier, beaucoup de sénateurs et sénatrices aussi ont nourri de leurs contributions la discussion générale. Je remercie l'ensemble des élus du Sénat pour leur participation au débat. Nous l'abordons avec une volonté d'ouverture et d'écoute.

Merci à MM. Buffet et Hyest pour le travail de qualité réalisé au sein de la commission spéciale.

Premier point évoqué : la nécessité de faire des économies dans un contexte où l'on demande des efforts aux collectivités territoriales. Notre effort en matière de réduction de la dépense publique est réel. Entre 2002 et 2012, l'augmentation des dépenses de fonctionnement était de 2 % ; le budget préparé par MM. Sapin et Eckert pour 2015 propose une baisse de 0,2 %. Nous ne pourrons y parvenir, vu la structure de la dépense publique, sans faire évoluer l'organisation des collectivités locales.

Il faut jouer sur les dépenses de fonctionnement pour préserver des marges pour l'investissement. Monsieur Mézard, monsieur Retailleau, je pense que cette réforme territoriale peut dégager des économies, avec le regroupement de la politique des achats - à l'image des services de l'État - notamment en matière scolaire, avec la mutualisation des services de ressources humaines, de maintenance, de gestion des bâtiments et des véhicules, etc. Je l'ai fait en fusionnant les services de la ville de Cherbourg avec Octeville : les dépenses de fonctionnement ont ainsi baissé de 20 %.

M. Jacques Mézard.  - Certes mais ce sont deux communes voisines !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Nous ne proposons pas de fusion entre l'Alsace et la Bretagne ....

Deuxième sujet évoqué : la cohérence de la réforme. L'opposition dit qu'elle en manque, que la carte proposée ne serait pas la bonne. La réforme, il ne faut pas seulement en parler, il faut la faire.

M. Gérard Longuet.  - Nous l'avons faite en 2010.

M. François Grosdidier.  - Vous l'avez défaite !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le conseiller territorial n'aurait pas entraîné les économies attendues. Nous allons fusionner des régions, faire monter en puissance les intercommunalités et la loi Mapam fera émerger des grandes métropoles, avec lesquelles les départements pourront fusionner.

La réforme, nous la faisons en dotant la France de grands pôles urbains - voyez l'exemple de Lyon - en créant de grandes régions qui peuvent investir, en renforçant la proximité.

Troisième sujet, la carte. Faite sur un coin de table, nuitamment, ai-je entendu. Il y aurait une bonne carte, respectant à la fois la diversité et l'unité de la République. Chacun, d'où il regarde la France, a sa vision propre, son opinion sur ce que serait la carte pertinente. Les propos des sénateurs alsaciens et de M. Longuet, tout aussi légitimes, montrent la difficulté à trouver un compromis.

Je n'ai jamais, monsieur Doligé, dit qu'il était inconstitutionnel de fixer la date des élections départementales en mars. Le Conseil constitutionnel a jugé d'intérêt général la concomitance des élections mais il n'est pas inconstitutionnel de renouveler les conseils départementaux en mars dès lors qu'on ne remet pas leur existence en cause : je vous réponds en droit.

Madame Assassi, ce n'est ni Maastrich ni l'Europe qui préside à cette réforme.

Mme Éliane Assassi.  - Nous ne sommes pas les seuls à le penser.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cela ne rend pas votre argument plus juste ! Nous faisons cette réforme...

Mme Éliane Assassi.  - ... recommandée par la Commission européenne !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - ... car nous pensons que la France en a besoin, pour investir dans les services publics, la transition énergétique, les pôles de compétitivité. C'est cette réforme que nous voulons faire ensemble. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Delebarre.  - Très bien !

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Je me félicite de la tonalité constructive de ce débat. Nous ferons notre miel des suggestions qui ont été faites, lors de l'examen des amendements et lors de celui du deuxième projet de loi sur les compétences. Il y a consensus, je crois, pour renforcer les compétences économiques des régions ; la compétence « service public de l'emploi » pourrait ainsi leur être dévolue, a dit hier le Premier ministre. Élu d'un département à la fois urbain et très rural, je partage les inquiétudes sur le seuil de 20 000 habitants. Le Premier ministre a été très clair : c'est un objectif, il pourra être assoupli.

Le Premier ministre a précisé que les conseils départementaux qui seront renouvelés en mars 2015 garderont leurs compétences essentielles en matière de solidarité sociale et territoriale. Le personnel départemental peut être rassuré : personne ne perdra son emploi et l'immense majorité du personnel ne bougera pas.

M. François Grosdidier.  - Donc, il n'y aura pas d'économies !

La discussion générale est close.

Mme la présidente.  - Le groupe CRC a déposé une motion n° 72 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'article premier du projet de loi.

L'article 44, alinéa 2, de notre Règlement dispose que, sauf lorsqu'elle émane du Gouvernement ou de la commission saisie au fond, l'exception d'irrecevabilité ne peut être opposée qu'une fois au cours d'un même débat et, en tout état de cause, avant la discussion des articles.

Cette règle s'applique bien sûr aux exceptions concernant l'ensemble du texte mais également aux exceptions partielles portant sur des articles. C'est pourquoi le Sénat examine maintenant la motion du groupe CRC.

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.  - Motion n°72, présentée par M. Favier et les membres du groupe CRC.

À l'article 1er

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable l'article 1er du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 43, 2014-2015).

M. Christian Favier .  - Selon l'article L. 4122-1 du code général des collectivités territoriales, « Les limites territoriales des régions sont modifiées par la loi après consultation des conseils régionaux et des conseils généraux intéressés ». M. Delebarre avait demandé, naguère, l'avis des assemblées territoriales concernées. Rares, toutefois, étaient les collectivités territoriales à avoir formellement délibéré. L'avis des conseils régionaux et généraux n'a pas été réellement recueilli ; il aurait d'ailleurs dû figurer dans l'étude d'impact du projet de loi... D'où cette motion d'irrecevabilité, afin que ces consultations puissent avoir lieu. Quand les pouvoirs publics ne respectent plus les procédures démocratiques, il ne faut pas s'étonner de la crise de confiance de la France envers ses représentants. Le président Larcher a rappelé que notre Sénat était la voix des collectivités territoriales. Passons de la parole aux actes !

M. François Patriat .  - Nous sommes tous des réformateurs. Il y a ceux qui se disent tels mais ne veulent rien changer, ne toucher à rien, ni aux hameaux, ni aux sections de communes, ni aux intercommunalités, ni aux départements, comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes...

M. François Grosdidier.  - C'était votre discours il y a deux ans !

M. François Patriat.  - Vous m'avez mal écouté. Deuxième catégorie, ceux qui veulent une réforme, oui, mais pas celle-là, une autre. Troisième catégorie, ceux qui veulent avancer, agir, décider, faire des choix : c'est la méthode qu'a choisi le Gouvernement. (Mme Éliane Assassi s'exclame). Les associations d'élus n'ont jamais voulu lâcher leur pré carré, faire la moindre concession. (Mme Éliane Assassi proteste ; M. Alain Fouché s'exclame aussi)

Les régions ne demandent pas de compétences supplémentaires. Elles veulent être confortées dans leurs compétences actuelles. Il est vrai qu'il aurait été préférable de débattre avant des compétences... Mais le Premier ministre a rassuré hier sur le seuil de 20 000, sur les compétences. C'est une démarche positive.

Il y a des collectivités qui se rebellent, mais d'autres adhèrent à la démarche. C'est le cas de ma région, qui se rapproche de la région Franche-Comté : clarification, simplification, dynamique supplémentaire pour nos compétences, économies. Cette démarche mérite d'être encouragée, notamment sur le plan fiscal, en donnant aux régions une part supplémentaire de la CVAE. Il faudra en discuter en loi de finances. Les régions bonnes élèves ne pourraient-elles être accompagnées, en ingénierie, avec des bonus en contrat de projet ? Je souhaite que le texte sur les compétences soit voté entièrement avant les élections cantonales. Ne reculons pas, n'hésitons pas, gardons le cap, avançons ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission spéciale .  - Avis défavorable. Le fondement juridique de la motion s'applique pour les modifications modiques ; les périmètres actuels ont été définis par décret. Le législateur demeure souverain : l'article premier du projet de loi prévoit une réforme générale.

Les mécanismes de consultation des élus locaux en matière de droit d'option leur donneront toute latitude pour s'exprimer.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. Le législateur tient de l'article  34 de la Constitution sa faculté de légiférer sur l'organisation des collectivités territoriales. L'article 72 de la Constitution précise en effet quelles sont les collectivités territoriales de la République. L'article 72-1 dispose que pour les collectivités territoriales à statut particulier, la modification des limites de la collectivité territoriale peut donner lieu à consultation des assemblées concernées. Le législateur n'est donc jamais obligé de procéder à cette consultation pour les collectivités territoriales autre que celle d'outre-mer.

M. Ronan Dantec .  - Monsieur Patriat, d'autres méthodologies étaient possibles pour aboutir à la nouvelle carte dont la France a besoin. La vôtre, décidée d'en haut, est bien technocratique, et les territoires n'ont pas eu le temps de s'exprimer alors que le débat intéresse la population, comme l'ont montré les grandes manifestations qui ont eu lieu. Pourquoi cette peur panique que le peuple s'exprime ? Nous avions proposé de l'entendre tout laissant l'État prendre ses responsabilités in fine. Le système retenu suscite frustration et incompréhension. Il n'est pas trop tard pour assouplir le dispositif. Car nous ne sommes plus au temps de Serge Antoine : la carte devra continuer à évoluer comme le monde. Des dynamiques territoriales émergent ailleurs que dans les villes ; ne soyons pas figés. J'entends les arguments de M. Favier, mais vient un moment où il faut quand même y aller. Le groupe écologiste ne votera donc pas la motion. La France est affaiblie par sa rigidité, n'ayons pas peur du changement. Sortons d'ici avec un dispositif souple, n'ayons pas peur du débat dans les territoires.

M. Jacques Mézard .  - Nous ne voterons pas la motion car nous estimons qu'elle ne peut être adoptée juridiquement. Mais nous entendons les arguments de M. Favier. La consultation des élus locaux est importante. Il y a des régions qui sont d'accord et qui travaillent, dit le président Patriat. Oui, mais il y en a d'autres qui travaillent aussi et qui ne sont pas d'accord ; or le Gouvernement ne les écoute pas. La région Auvergne a voté, et rejeté le projet de fusion. La région Languedoc-Roussillon elle aussi a voté : 65 voix contre, une pour ! C'est une expression démocratique que vous avez choisi d'ignorer. On pourra évoluer lors de l'examen du deuxième projet de loi, nous dit-on. Il aurait mieux valu pour la démocratie examiner ensemble les deux projets de loi, comme l'avait fait d'ailleurs le conseil des ministres. Il eût été alors possible de mieux travailler. S'agissant du présent projet de loi, vous nous dites clairement que la carte n'est pas négociable ; in fine, le Gouvernement fera donc voter par l'Assemblée nationale la carte qu'il veut. Comme débat constructif, on fait mieux...

Quant au droit d'option, nous savons qu'au bout du compte, l'Assemblée nationale bloquera les choses de façon à ce que la carte ne puisse évoluer. La volonté constructive du Sénat se heurtera, on le sait, au dernier mot de l'Assemblée nationale.

M. Éric Doligé .  - Nous ne voterons pas la motion. « Encore un peu de temps, monsieur le bourreau » ont dit M. Patriat et M. Mézard. Je reviendrai tout à l'heure sur mon intervention d'hier soir, que vous avez mal comprise, monsieur le ministre.

À la demande du groupe CRC, la motion n°72 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°4 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 18
Contre 328

Le Sénat n'a pas adopté.