Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)

Défense

Mme la présidente.  - Nous allons examiner les crédits de la mission « Défense » et du compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État ».

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances .  - En cet instant, 8 300 de nos soldats sont engagés sur neuf théâtres extérieurs. Nos pensées vont vers eux et vers les 210 000 militaires et leurs familles.

Ce budget est-il sincère et crédible ? Les recettes en 2014 étaient de 29,6 milliards d'euros, contre 31,4 inscrits en loi de programmation militaire (loi de programmation). L'utilisation du PIA pour combler l'essentiel de la différence était contestable, mais au moins s'agissait-il de recettes certaines. Cette année, pour 2015, vous inscrivez 2,3 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, dont le produit de la vente de fréquences, improbable en 2015. Vous-même avez dit à notre commission des affaires étrangères et de la défense : « Je sais que ce délai ne sera pas tenu ». Le secrétaire d'État au budget nous assurait pourtant ce matin que, « évidemment », nous pouvions compter encore sur cette vente. Le projet de budget qui nous est soumis inclut toujours le produit de ces ventes. Nous n'avons aucune garantie sur la fiabilité technique du montage proposé en remplacement, les sociétés de projet. Il faudrait s'engager sur des délais. Je n'y ai pas d'objection idéologique mais quelle en est la faisabilité technique avant fin 2014, ce qui seul garantirait le respect de la loi de programmation ? Nous n'avons pu avoir accès au rapport que vous avez demandé à l'IGF et au CGA. Pourquoi, malgré les sollicitations répétées des deux assemblées, le Gouvernement s'obstine-t-il à ne pas diffuser ce rapport ?

Certains évoquent la piste européenne pour boucler le budget des armées. Je ne la rejette pas mais j'observe que tant que nous refuserons d'appliquer les règles budgétaires européennes, il sera difficile de solliciter nos partenaires.

Lorsque la LPM a été votée, notre engagement en Centrafrique et en Irak n'était pas à l'ordre du jour et notre engagement au Mali ne devait durer que quelques mois. À présent, nous dépassons de 150 % la prévision du coût des Opex, 450 millions d'euros. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il en ira de même en 2015. Le surcoût de 650 millions d'euros est supporté par tous les ministères... à commencer par le ministère de la défense, dont les crédits ont été amputés de 400 millions d'euros. Comment prétendre que les montants inscrits dans la loi de programmation militaire sont « sacralisés » ?

L'engagement de nos armées sollicite les hommes, bien sûr, mais aussi les matériels, de plus en plus vétustes, ce qui rend encore plus nécessaire d'honorer notre programme d'investissements. Pour mesurer la gravité de la situation, sachez que les reports s'élèvent à 3,4 milliards d'euros, peut-être 3,8 d'ici la fin de l'année, soit 12 % du budget de ce ministère.

L'armée supporte, en 2015, 75 % des diminutions d'effectifs tous ministères confondus, tandis que le Gouvernement persiste à créer 60 000 postes dans l'éducation nationale. Quand l'idéologie l'emporte sur le pragmatisme, on en arrive à l'imposture.

Cela est d'autant plus insupportable que notre armée est engagée sur plusieurs fronts. Quel message pour nos troupes ! Si les économies escomptées reposent sur des restructurations 2015, il serait urgent de dire quelles sont les opérations prévues.

Trompe-l'oeil, insincérité, fuite en avant : ce budget illustre tous les défauts qu'un budget peut présenter. Inscriptions budgétaires irréalistes, refus d'inscription de dépenses certaines, reports considérables...

Il n'est pas dans la tradition de notre assemblée de refuser les crédits de la défense. Mais trop de signes alarmants ont étayé nos craintes. Premier signal, l'amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale prive l'armée de 100 millions d'euros de crédits. Deuxième signal, le refus du Gouvernement de communiquer les éléments sur la faisabilité des sociétés de projet. Troisième signal, la réponse du président de la République à la lettre du président Gérard Larcher et du président Jean-Pierre Raffarin : le chef de l'État maintient l'hypothèse de la vente des fréquences, des sociétés de projet, et ajoute que si les recettes attendues font défaut, le Gouvernement ouvrira les crédits nécessaires au 1er janvier 2016. C'est contraire à l'esprit et à la lettre de la LPM.

La commission des finances, par respect pour nos armées, dénonce ce mensonge d'État et refuse de cautionner cette insincérité manifeste. Ce vote contre les crédits n'est pas dirigé contre vous, monsieur le ministre, ni contre la communauté militaire. C'est un cri d'alarme.

Mme la présidente.  - Concluez !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - Le vote final du budget interviendra le 9 décembre au Sénat. Nous voulons croire que d'ici là nous aurons des réponses crédibles à nos questions et que nous pourrons proposer un autre vote. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Reiner.  - Peu enthousiastes, les applaudissements. Ce qui est excessif est insignifiant.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le compte n'y est pas. La situation ne nous satisfait pas. Nous vivons un moment grave. Nous étions animés de l'espoir que le Gouvernement renonce à certaines annulations de crédits. Mais les chiffres restent alarmants. Des recettes artificielles et hypothétiques sont censées financer des dépenses bien réelles.

Monsieur le ministre, le président de la République et vous-même vous étiez engagés pourtant à sanctuariser ce budget. Les investissements sont menacés, les emplois de notre industrie de défense, qui sont 400 000, aussi. Nous ne pouvons nous permettre ce luxe. Les Opex se multiplient et se prolongent dans le temps. Il faut les financer.

La triste réalité est que notre armée, notre outil de défense, souffre, avec moins d'hommes et plus de missions. La défense devrait continuer à avoir les moyens d'assumer une politique étrangère aux ambitions croissantes. Quel autre ministère supporterait de telles compressions de personnel ? Sûrement pas celui de l'économie et des finances, si prompt à demander aux autres ce qu'il ne pourrait assumer lui-même.

Derrière les chiffres, il y a des hommes. Il y va de la responsabilité constitutionnelle du chef des armées. Le président de la République doit assumer ses objectifs, et avoir le courage de les imposer à son ministre du budget, sauf à manquer gravement à sa charge. Nous voulons mettre en adéquation nos moyens avec nos engagements diplomatiques. (Applaudissements à droite)

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Au sein du programme 144, je me concentrerai sur le renseignement, qui représente 20 % du total, soit 268 millions d'euros de crédits de paiement, pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction de la protection et de la sécurité (DPSD). Par rapport à ses homologues internationaux, le service a pour particularité d'être intégré : il réunit le renseignement humain, technique et des moyens opérationnels. Sa capacité d'entrave directe fait sa force, bien que ses moyens soient deux fois moins importants que ceux des Britanniques, dix fois moins que les Américains. La lutte contre le terrorisme est la grande priorité du moment, cela va de soi ; la DGSE travaille en lien étroit avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Nos services sont pleinement mobilisés pour faire face à cette redoutable et insaisissable menace.

La malédiction bien connue de ce service est qu'on ne parle que de ses échecs ! Or cette année, des sources bien informées, qui n'ont pas été démenties, ont indiqué que c'est sur un renseignement de la DGSE qu'a pu être éliminé - par une frappe américaine - le chef des Shebab somaliens, Ahmed Abdi Godane, le 1er septembre dernier. Les Shebab étaient responsables de la mort de l'otage Denis Allex et de deux de ses camarades venus le délivrer dans une opération tragique qui a beaucoup marqué le service. Je profite de cette occasion pour rendre un hommage très appuyé aux agents de la DGSE, qui prennent des risques pour notre pays, qui savent ne pas devoir attendre de reconnaissance publique, et qui font face à une constante aggravation de leur charge de travail, les moyens augmentant malgré tous nos efforts moins vite que les crises...

Une cinquantaine de postes seront créés pour la DGSE en 2015 ; 184 l'ont été depuis 2009. Les services de renseignement croissent, au rebours de tous les autres services du ministère de la défense. Cela mérite d'être salué.

En résumé, le projet de budget de la DGSE pour 2015 traduit l'accentuation des moyens humains et techniques prévue par le Livre blanc de 2013 et la LPM. C'est un rattrapage que nous avons tous jugé nécessaire.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous en donne acte, monsieur le ministre, continuez dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs socialistes et à droite)

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le programme 178 regroupe les crédits relatifs à la préparation et à l'emploi des forces. Comme le disait le chef d'état-major des armées devant notre commission, la préparation opérationnelle est le gage de la réactivité, de l'efficacité et de la sécurité de nos troupes. La Cour des comptes a publié en 2004 un rapport accablant sur la disponibilité des matériels ; dans un rapport récent, moins alarmant, elle constate que le taux de disponibilité reste insuffisant malgré les efforts, en particulier en ce qui concerne les hélicoptères, qui jouent toujours un rôle important en Opex. C'est un objectif prioritaire de la loi de programmation militaire, et les crédits d'entretien du matériel augmentent en moyenne de 4,3 % par an. L'engagement est tenu.

Nous serons attentifs à ce que la gestion budgétaire concrétise cet effort. Les reports de charges doivent être résorbés, ils déstabilisent la logistique, le calendrier, les entreprises contractantes. Je vous sais attentif à la question, monsieur le ministre, dans vos discussions avec le ministre du budget.

Le service de santé des armées (SSA) a été à la croisée du monde de la défense et de la santé. Le SSA a été touché depuis une vingtaine d'années par des changements profonds. Sur les neuf hôpitaux militaires qui sont tous de petites structures au regard des autres hôpitaux français, quatre seront regroupés en plateformes hospitalières à même de soutenir les besoins des armées en opération. Ils noueront des partenariats étroits avec les ARS et les autres acteurs du monde de la santé pour mieux s'intégrer à l'offre de soins sur leur territoire. Il est nécessaire d'expliquer le sens de cette évolution aux équipes concernées. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michelle Demessine, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Comme vient de l'indiquer M. Pozzo di Borgo, les crédits de paiement augmentent globalement de 2 % hors crédits de personnel, transférés au programme 212. Les crédits de l'entretien programmé en matériel augmentent de 4,4 %, ce qui est conforme aux engagements de la LPM. Le retard des LPM précédentes doit être rattrapé. Je partage la remarque de notre collègue sur la gestion budgétaire, qui doit correspondre, réellement et sur la durée, aux engagements. Ce budget, encourageant, est cependant fragile, d'autant que les Opex, qui sont nombreuses, ont un impact parfois sous-estimé. Elles perturbent de facto le calendrier logistique, provoquant une augmentation des coûts. Les missions intérieures de nos armées peuvent s'en trouver fragilisées, à commencer par la protection du territoire.

La disponibilité du matériel n'est pas un but en soi, mais la condition d'une activité opérationnelle destinée à répondre aux buts assignés par le président de la République, chef des armées, et par le Parlement.

La disponibilité insuffisante des matériels a conduit à mettre en oeuvre le principe de spécialisation des compétences. Cela est légitime, mais soyons attentifs, avec le nouveau format des armées et la multiplication des Opex, à ne pas accroître de façon démesurée le fossé entres les unités projetées et les autres.

Je n'évoque pas les économies budgétaires, nombreuses, sur divers postes, qui affectent le fonctionnement au quotidien. Vous avez admis, monsieur le ministre, et nous avons constaté en République centrafricaine, la détérioration des conditions de vie. Vous avez commandé une étude complète, qui a recensé 700 points noirs au total au niveau national, et un coût total de travaux de 550 millions d'euros. Où est-on, monsieur le ministre, sur l'exécution de ces travaux ? (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jacques Gautier applaudit également.)

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Mon propos porte sur le titre II du programme 212. Je mets l'accent sur certaines avancées, monsieur le ministre : un nouveau pilotage de la masse salariale sera mis en place dès janvier 2015, confié à treize responsables de budgets opérationnels de programme, et non plus aux chefs d'état-major ni aux responsables des directions ministérielles. Ce pilotage rénové offre le cadre d'une gestion maîtrisée des effectifs. Il faudra veiller cependant que les employeurs militaires reçoivent bien le personnel dont il a besoin.

La déflation des effectifs se poursuivra en 2015, conformément à la LPM. Ils auront diminué d'un quart entre 2009 et 2019. Le ministère représente à lui seul 66 % des réductions de postes de l'État en 2015. C'est un effort considérable, qui pèse sur les militaires plus que sur les civils en raison du rééquilibrage en faveur des fonctions civiles. Le dépyramidage implique la suppression de 1 000 postes d'officiers, cible particulièrement difficile à atteindre. Les crédits de personnel diminuent de 374 millions d'euros, traduction mécanique des baisses d'effectifs.

Il existe un risque de surcoût non budgété, lié à l'abandon du logiciel Louvois, catastrophe dont les effets dévastateurs n'ont pas fini de se faire sentir.

Le moral des militaires subit depuis plusieurs années une lente érosion. Que pense le Gouvernement de cette évolution, sujet particulièrement sensible ? Je rends hommage ici à nos soldats qui servent la France. Représentant des Français de l'étranger, je remercie en leur nom ces hommes et femmes qui assurent directement et indirectement leur sécurité, en Afrique, au Liban et ailleurs. (Applaudissements au centre, à droite et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - J'interviens sur le programme 212, hors titre II. Ces crédits vont de la politique immobilière à la gestion du partenariat public-privé de Balard en passant par l'aide sociale, le pilotage des systèmes d'information, la reconversion du personnel, la gestion des musées. C'est un inventaire à la Prévert, la poésie en moins ! (Sourires)

Première observation, les crédits des infrastructures immobilières progressent, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, y compris 230 millions d'euros de ressources exceptionnelles issues de cessions immobilières. Les grands programmes d'infrastructures destinées à accueillir les nouveaux engins et bâtiments, Barracuda, Scorpion et autres, ont été lancés. Enfin, les crédits consacrés à l'adaptation et à la maintenance des infrastructures courantes progressent, ce qui est une excellente nouvelle. Ces crédits étaient depuis longtemps des variables d'ajustement. D'où une forte dégradation des locaux, dans plus de 700 emprises. Le moral des militaires et des civils qui y travaillent en est affecté. Vous avez résolu de rattraper le retard, monsieur le ministre, en lançant un plan d'urgence : c'est une excellente nouvelle. On pourrait procéder à des fermetures pures et simples, mais la perspective soulève des résistances, des militaires et de leurs familles, des chefs d'état-major, des collectivités : tous ont besoin de visibilité. Si des décisions douloureuses doivent être prises, il faut les annoncer rapidement. Il faudra trouver un juste équilibre, trouver le temps de la réflexion.

Pouvez-vous nous dire quelques mots du regroupement de l'ensemble des états-majors à Balard, en 2015 ? Le surcoût est de 60 millions d'euros.

Deuxième observation, la commission des affaires étrangères avait mis en évidence des dysfonctionnements récurrents dans les systèmes d'information et de gestion (SIG). Sur les projets structurants, vous avez mis en place une procédure plus rigoureuse : où en est-on ? Enfin Louvois est un boulet à traîner, monsieur le ministre. Vous devez vous arracher les cheveux qui vous restent ! (Sourires) Avis favorable à ce programme 212 hors titre II. (Applaudissements sur les bancs socialistes et plusieurs autres bancs)

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - 2015 constituera la deuxième année de mise en oeuvre de la loi de programmation militaire, la première annuité du triennal budgétaire. Selon la formule du chef d'état-major devant notre commission, ce sera « l'année de vérité ».

Le programme 146 comporte tant d'éléments, essentiels, pour l'équipement de nos armées, de commandes cruciales pour leur action, de lancements de programmes : les Rafale, les A400M, des Tigre, des Cougar, des NH90, les premiers missiles de croisière navals, les missiles Aster 15 et 30, la rénovation des bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers, la rénovation à mi-vie des Mirage 2000 D, les avions MRTT Phenix, le lancement du programme Scorpion, les véhicules terrestres pour les forces spéciales, dont je salue la remarquable efficacité au Sahel, et qui disposent d'un matériel roulant usé jusqu'à la corde.

Mais de quel budget parlons-nous ? De l'affichage artificiel, théorique, qui respecte facialement la trajectoire de la loi de programmation ? De recettes qui ne seront pas, nous le savons désormais, au rendez-vous ? Bercy ne pouvait pas ne pas le savoir. Or le Gouvernement a encore imposé, à l'Assemblée nationale, 100 millions d'amputations de crédits... compensés par 100 millions de ressources exceptionnelles qui n'existent pas. (MM. Vincent Capo-Canellas, Philippe Bonnecarrère, Jacques Legendre applaudissent)

Vos services travaillent, monsieur le ministre, sur le montage des sociétés de projet. À quelle échéance seront-elles opérationnelles ?

L'année 2015 sera essentielle pour nos armées, nos équipements, or les recettes ne sont pas garanties. Je ne peux voter contre le budget, mais j'ai besoin de réponses claires, monsieur le ministre, sur les recettes. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite ; M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis, applaudit aussi)

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Au total, l'année prochaine, notre force stratégique de dissuasion nucléaire bénéficiera de près de 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,4 milliards d'euros en crédits de paiement, dont plus des trois quarts inscrits sur le programme 146. Lors de l'élaboration de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, nous avons marqué notre satisfaction de la décision du président de la République de maintenir les deux composantes de la dissuasion - la composante aéroportée et la composante océanique -, et de les moderniser le moment venu, grâce au laser mégajoule. Néanmoins, nous avons aussi pris la mesure des conséquences de cette décision : un effet d'éviction sur les autres programmes, en particulier sur la partie conventionnelle de l'équipement des forces et sur le soutien.

C'est l'un des enjeux qui apparaît, aujourd'hui, pour 2015 avec l'incertitude. Je partage les inquiétudes de Jacques Gautier sur les solutions dites « innovantes », annoncées par le Gouvernement, pour pallier le retard d'encaissement des REX.

Nous avons besoin, monsieur le ministre, d'être rassurés.

Les crédits en faveur de l'espace militaire sont maintenus à un niveau satisfaisant. Ces crédits, du reste, connaissent de fortes variations, normales, liées en grande partie au lancement des programmes. Pour l'année prochaine, 152 millions d'euros sont prévus : les trois quarts de ce budget bénéficieront au programme Musis, pour la réalisation du futur système européen d'observation spatiale militaire.

Je rappelle les priorités de nos armées en ce domaine : d'une part, des télécommunications, avec Comsat NG (communications par satellite de nouvelle génération) d'autre part, le renseignement : avec l'imagerie optique et radar, et l'écoute électromagnétique, notamment le programme Ceres. À terme plus lointain, également, la défense anti-missiles.

De manière générale, le secteur spatial est soutenu, depuis plus de 50 ans, parce qu'il est considéré comme un enjeu de souveraineté et, un enjeu scientifique, technologique et industriel essentiel. Le développement des technologies spatiales constitue en effet un véritable laboratoire d'innovations - pour la propulsion, la cryogénie, les moteurs, la connectique, les systèmes intelligents embarqués, etc. La période actuelle devrait inciter aux coopérations internationales. Y a-t-il des avancées, sur ce point, monsieur le ministre ?

J'en viens aux drones Male. L'acquisition d'un Reaper a été décidée en 2013. Les deux premiers vecteurs du premier système ont été livrés et utilisés au Mali, où ils remplissent un rôle opérationnel majeur. La livraison d'un troisième vecteur est attendue pour la fin de l'année et celle d'un deuxième système complet l'année prochaine. Quid des études qui se poursuivent pour les drones aériens futurs, à l'horizon 2020 et au-delà ? Où en est la coopération avec le Royaume-Uni sur le drone de combat du futur ?

Sur les drones tactiques pérennes, la procédure d'appel d'offres a été lancée en août dernier, avec l'ouverture d'une compétition, sans publicité, pilotée par la DGA. Cette procédure d'appels d'offres répond au voeu que nous avions exprimé en vue de préserver les intérêts financiers de l'État et de fournir à l'armée de terre le matériel répondant au mieux à ses besoins opérationnels. Le démarrage de la réalisation du système de drones tactiques (SDT) est-il bien prévu, monsieur le ministre, pour la fin 2015 ?

Nous attendons des réponses, monsieur le ministre. Rassurez-nous. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Les crédits du programme 146 sont des dépenses d'investissements à 80 % ; à eux seuls, les crédits d'investissement, soit 6,3 milliards d'euros représentent plus de 60 % des investissements de l'État en 2015... Autrement dit, c'est essentiellement de l'argent pour nos industries et pour nos bureaux d'études. Il participe d'un effort de long terme afin de remettre à niveau le matériel de nos armées.

La question est la suivante : la LPM est-elle respectée ? Facialement, oui, disent certains de mes co-rapporteurs. Je suis moins pessimiste. Certes, on peut regretter que les ressources extrabudgétaires augmentent. Mais que l'objectif soit maintenu, c'est déjà beaucoup dans le contexte actuel. Si les Rex  venaient à manquer, nous pourrions dévier de la trajectoire de la LPM. Les sociétés de projet ne sont guère enthousiasmantes ; peut-être faut-il aller chercher du côté des PIA... Mais je fais crédit aux assurances données par le président de la République. Une clause de sauvegarde a été prévue par le Sénat.

Il faudra aussi contenir le report de charges d'une année sur l'autre. J'espère, monsieur le ministre, que nous obtiendrons cette année la levée de la réserve de précaution.

C'est ainsi que pourront être commandés des équipements attendus depuis si longtemps, comme les MRTT, la troisième frégate, la dernière série des onze Rafale, ou financée la rénovation des Mirage 2000D. Vous rentrez d'Inde : les Rafale seront-ils bientôt exportés ?

Face à ce budget, pourquoi ne pas être optimiste ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères .  - C'est un grand honneur que de présider la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Celle-ci se veut responsable. Vous aurez remarqué, monsieur le ministre, que nous avons désigné sur chaque sujet deux co-rapporteurs, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition. Ce n'est pas si courant. Nous voulons être le lieu où seul l'intérêt de la France compte. Que la bouteille soit vue à demi vide ou à demi pleine, nous partageons tous le même sens des responsabilités.

31,4 milliards, ce chiffre doit être respecté. C'est notre engagement commun. Aussi le président Larcher et moi-même avons-nous écrit au président de la République, chef des armées, pour qu'il nous donne sa position. Dans sa réponse, il réaffirme sa vigilance personnelle et l'engagement écrit des 31,4 milliards. C'est un acquis important. Il demande au Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour dégager les ressources exceptionnelles de sorte que la LPM soit respectée.

C'est là que le bât blesse, c'est là que nous avons besoin de clarifications. Le président de la République réaffirme que le produit de la vente des fréquences en 2015 sera attribué à la défense. Mais il est peu probable qu'elles soient au rendez-vous l'an prochain. Aussi le président de la République évoque-t-il des sociétés de projet, idée que j'estime innovante : c'est un partenariat public-privé sans les inconvénients. Certes, il y a un coût, mais pour certains équipements, il est très avantageux d'anticiper la livraison.

Ce qui est préoccupant, c'est que l'ingénierie dépendra de Bercy, qui n'est guère bienveillant pour les crédits de la défense ; on se tourne vers elle parce qu'elle est silencieuse... (On le confirme à droite)

Le président de la République laisse penser que tout cela reste incertain et envisage le paiement en 2016 de factures de 2015, report de charges préoccupant, assez grave même. La crédibilité du budget est atteinte. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit)

Politiquement, je ne suis pas trop inquiet. Le président de la République s'est engagé par écrit devant le Parlement. Mais comment trouver l'argent ? Les trois solutions envisagées n'en sont pas vraiment. Nous sommes inquiets. J'espère que vous nous rassurerez, monsieur le ministre. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Leila Aïchi .  - Avec une baisse des crédits de plus de 2 %, l'armée contribue largement aux efforts budgétaires. Les effectifs diminueront de 7 500 postes, dont 85 % de militaires. Les choix sont difficiles. Selon les écologistes, la prévention des crises et la résolution des conflits passent avant tout par l'humain. Les difficultés croissantes d'accès aux ressources exacerbent les tensions ; elles seront un facteur majeur de déstabilisation dans les années à venir. Cela exige de repenser les missions de nos armées. Les hommes sont indispensables. Je connais votre engagement, monsieur le ministre.

Les crédits de la dissuasion sont une nouvelle fois sanctuarisés. Sans revenir sur la position des écologistes sur ce sujet, la modernisation de notre arsenal nucléaire est-elle si urgente ? Elle obère les marges de manoeuvres budgétaires.

Autre poste coûteux, celui des Opex, même si celles-ci sont parfois légitimes. Les surcoûts pèsent sur les crédits d'équipement, de formation et de préparation des forces. Les troupes engagées s'en ressentent. Dans des conditions climatiques extrêmes, il faudrait un matériel modernisé.

La baisse des cours du pétrole ne doit pas freiner la transition énergétique de l'armée, alors que le coût des fluides absorbe 40 % des dépenses de la défense. Les risques environnementaux et la concurrence pour les ressources naturelles nous obligent à revoir notre stratégie. Notre capacité en matière de génie écologique doit être renforcée.

Nous avons le deuxième espace maritime du monde, plus de 11 millions de km2. Notre présence maritime doit être une priorité pour lutter contre la pêche illicite et la piraterie. La question environnementale a pris une dimension stratégique essentielle. Il est indispensable de renforcer nos forces armées en ce sens.

Nous avons choisi une abstention constructive, monsieur le ministre. (Applaudissements sur divers bancs à gauche)

M. Philippe Esnol .  - Ce budget nous donne-t-il les moyens d'assurer notre défense ? Est-il conforme à la loi de programmation militaire et aux besoins actuels ? Oui, car il est sanctuarisé, avec plus de 10 % du budget général ; c'est le deuxième poste de dépenses de l'État. Dans le contexte actuel, c'est significatif.

Les crises ukrainienne, syrienne, libyenne, le terrorisme au Sahel et au Levant, les cybermenaces et les pandémies rappellent que les risques sont réels. Ce budget met en oeuvre la vision stratégique du Livre blanc.

Nous avons d'abord besoin de forces bien entraînées et bien équipées. Un effort important est fait pour l'équipement, avec 6,3 milliards d'euros en crédits de paiement, plus de 60 % des investissements de l'État. Les crédits du renseignement progressent de 2,2 %. Hors dépenses de personnels, ceux du programme « Soutien à la politique de défense » augmentent également.

Toutefois, les crédits baissent globalement, ce que seules les Rex compensent à hauteur de 2,3 milliards. Or on peut craindre que les fréquences ne soient pas vendues à temps. La solution des sociétés de projet, inventées dans l'urgence, nous laisse perplexes. La défense est une mission régalienne ; l'équipement militaire peut-il être aux mains, même en partie, d'investisseurs privés, y compris étrangers ? Cette solution ne sera-t-elle pas aussi coûteuse à long terme que les partenariats public-privé ?

Autre sujet d'inquiétude : les reports de charge. Seuls les efforts considérables de gestion du ministère assurent le respect de la loi de programmation militaire. Les marges de manoeuvre sont très limitées, sinon inexistantes, qu'il s'agisse du personnel, de l'équipement ou du maintien en condition opérationnelle (MCO).

Sous réserve que les recettes exceptionnelles soient au rendez-vous, ou que des ressources de substitution soient trouvées, ce budget respecte la LPM et illustre l'importance que la France accorde aux menaces actuelles et à sa responsabilité sur la scène internationale. Nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. David Rachline .  - Je salue la mémoire de l'adjudant Samir Bajja décédé au cours de l'opération Barkhane, où plusieurs de ses camarades ont été blessés. Derrière les chiffres, il y a des hommes et des femmes qui consentent parfois au sacrifice suprême. Comme le disait le commandant de Saint-Marc, il faut qu'un soldat accepte de mourir pour permettre que d'autres vivent et de tuer pour que d'autre ne soient pas tués.

Notre responsabilité est donc extrême. Nos armées ne demandent pas de confort, mais la reconnaissance et les moyens de s'entraîner et de remplir leur mission. Elles sont notre fierté mais pour combien de temps encore ? Elles ne doivent en aucun cas servir de variable d'ajustement.

Malgré vos efforts, monsieur le ministre, et ceux de nos chefs militaires, on est loin du compte. Ce budget ne sera pas tenu et les Rex ne seront pas au rendez-vous. Pour faire des économies, vous vous attaquez à ceux qui sont tenus de garder le silence comme aux fondements mêmes de notre indépendance. Les effectifs de la défense sont une nouvelle fois fortement mis à contribution. Le quotidien de nos forces ne s'améliore pas. Est-il normal que 44 % des soldats de l'armée de terre soient à l'indice plancher de la fonction publique, que les contractuels se multiplient quand on recrute dans d'autres ministères des fonctionnaires à tour de bras ?

En d'autres lieux on sacrifie la défense pour faire plaisir aux bureaucrates de Bruxelles. Commençons donc par ne plus verser d'argent à l'Union européenne, qui ne fait rien pour protéger ses ressortissants ! La défense n'est pas une variable d'ajustement. Vous avez notre soutien, mais le budget que l'on vous impose n'est pas conforme à notre vision de la défense nationale.

M. Jeanny Lorgeoux.  - L'essentiel national n'est pas le Front national !

M. David Rachline.  - On en reparlera dans quelques années !

M. Daniel Reiner .  - Un budget, ce sont des chiffres, des additions, des soustractions, rarement des multiplications... Ce sont surtout des moyens de faire, de transformer, une volonté politique en action. Derrière les chiffres, apparaissent alors les hommes. Je veux saluer les forces armées françaises et rendre hommage aux sept soldats qui ont trouvé cette année la mort au combat.

« Mensonge d'État », « imposture », dit le rapporteur spécial de la commission des finances : des mots rarement employés ici en une telle occasion. J'y reviendrai.

Ce budget respecte la LPM.

M. Didier Guillaume.  - Bien sûr !

M. Daniel Reiner.  - Les crédits consacrés à équipement des forces progressent - chose rare actuellement. Les huit avions ravitailleurs dont nous parlons depuis dix ans seront enfin commandés. À cela s'ajoutent les drones Male et tactiques, programme auquel la commission est particulièrement attachée, ou le lancement de la rénovation des Mirage 2000D basés à Nancy.

L'entretien des matériels recouvre une dotation en hausse de 4,4 % et 3,6 milliards d'euros sont désignés à la recherche et développement. Le budget des études d'amont augmente de plus de 20 %. Cyber-défense et renseignement voient la poursuite des efforts engagés.

Les déflations d'effectifs étaient prévues, de même que les restructurations, qui font l'objet d'un accompagnement. Cette baisse d'effectifs s'accompagne d'une baisse de la masse salariale. Ce n'était pas le cas par le passé. Et je ne dis rien du lourd héritage du logiciel Louvois de paiement des soldes...

Les foyers de conflits se multiplient, jusqu'à nos portes. Cette loi de finances concilie ambition stratégique et sérieux budgétaire. La France demeure ainsi l'un des rares pays à assurer à la fois la protection de son territoire et de sa population, la dissuasion nucléaire dans ses deux composantes et l'intervention sur les théâtres extérieurs. Nos armées conservent la capacité d'entrer en premier sur les théâtres d'opération dans les trois milieux, les planifier et les conduire elles-mêmes. La France préserve son autonomie stratégique et sa contribution à une défense européenne qui peine à s'organiser. Elle prend toute sa place au sein de l'Otan.

Le recours au Rex n'est pas nouveau. Vous avez recherché d'autres solutions, comme les sociétés de projet - elles ont fait couler beaucoup d'encre - ou le PIA...

Les recettes assurent le maintien de nos capacités de production et d'exportation, c'est essentiel.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure...

M. Daniel Reiner.  - Avec ce budget, la France tiendra son rang, et la parole de l'exécutif est tenue. Nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Michelle Demessine .  - Nous estimons que ce budget ne correspond pas à notre conception de la défense nationale : protéger le territoire et la population, préserver les intérêts fondamentaux de la France et de son peuple, appuyer la politique étrangère du pays au service d'un monde plus juste et plus solidaire privilégiant la paix et le désarmement. Nulle défiance de notre part vis-à-vis de nos forces armées, auxquelles nous rendons hommage. Mais nous ne pouvons souscrire aux orientations stratégiques du Gouvernement.

Si la loi de programmation militaire n'est pas respectée, nos capacités militaires et notre industrie de défense seront en danger. Or votre budget est fragile, d'une sincérité douteuse, puisqu'il repose sur des prévisions bien optimistes de Rex.

En réponse à MM. Larcher et Raffarin, le président de la République a pris des engagements, dont acte. Mais les sociétés de projet s'apparenteraient à du bricolage financier, pas nécessairement intéressant pour l'État à long terme. En outre, la défense peut-elle dépendre du secteur privé ? C'est dangereux pour notre autonomie stratégique.

Je me félicite de la hausse des crédits du renseignement et de la cyberdéfense, du MCO, de l'entraînement. Les dépenses d'équipement comblent certaines lacunes pour la projection. Mais les effectifs subissent des coupes claires. C'est une solution de facilité, alors que nos armées ont déjà été affaiblies ; avec les deux dernières lois de programmation militaire, elles ont perdu la moitié de leurs forces conventionnelles. Sans compter la disparition de bases ou d'unités, avec les conséquences que l'on sait pour le personnel et les collectivités locales.

Il importe de prendre en compte les réactions face à cette injustice, et de refonder le dialogue avec les soldats - et pas seulement parce qu'une récente décision européenne nous l'impose.

On paie fort cher des technologies nucléaires inadaptées aux nouvelles menaces. Le contexte stratégique a fondamentalement changé depuis la fin de la guerre froide. Les crédits affectés à la dissuasion nucléaire ne sauraient affaiblir nos capacités conventionnelles, qui sont indispensables à sa crédibilité. Ils atteignent pourtant entre 3,5 et 4,5 milliards d'euros par an, 10 millions d'euros par jour, 10 % du total.

Avec l'apparition de nouveaux acteurs irrationnels, l'armée nucléaire est devenue un facteur d'instabilité. Ce n'est plus la garantie ultime.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Michelle Demessine.  - Pour toutes ces raisons, nous voterons contre.

M. Aymeri de Montesquiou .  - L'honneur et le courage de nos soldats imposent le respect. Nous rendons hommage à votre engagement sincère, monsieur le ministre. Vous avez fait à juste titre le choix de maintenir toutes nos capacités. C'est un choix à incidence budgétaire lourde. Il repose sur un équilibre fragile.

Or, comme le chef d'État-major l'a indiqué à la commission avec force précautions oratoires, ce budget est taillé au plus juste. Il n'y a plus de marges de manoeuvre. On ne peut aller plus loin sans risque pour le respect de la loi de programmation militaire. Les Rex restent incertaines. La Cour des comptes s'alarme de l'importance des aléas. Des cessions immobilières, soit. Mais la vente de fréquences est hypothétique, car liée à des négociations internationales en cours.

Les sociétés de projet répondront aux besoins financiers immédiats. Mais cette débudgétisation est-elle sage à long terme, alors qu'il s'agit d'armes létales ? Le PIA, lui, offre des ressources sûres. Mais la DGA n'est pas éligible - on imagine qu'elle pourrait changer de statut et devenir un Epic. Il est dommage que les parlementaires n'aient pas eu connaissance du rapport du CGA. Est-ce un signe de défiance ?

Le surcoût des Opex s'élève en 2014 à plus d'un milliard. Le budget 2015 est, à cet égard, insincère. Faut-il être sur tous les fronts, au Mali, en Centrafrique, en Irak ? Oui, pour sa sécurité et celle de l'Union européenne ; mais elle n'a pas les moyens d'être le gendarme de l'Europe. Elle doit exiger des contreparties financières. Il est impératif de relancer l'Europe de la défense. Le partenariat avec la Grande-Bretagne a toujours été le moteur de la défense commune.

Nous devons absolument bâtir le socle d'une défense européenne renouvelée. Quelle sera votre position, monsieur le ministre, à ce sujet, face à la Commission ? Il est temps que les Européens assument et pèsent sur les évolutions mondiales. Préparons l'avenir en mutualisant, à l'échelle de l'Union européenne. La cyber-sécurité et le renseignement doivent devenir une priorité européenne. Le président Carrère s'alarmait, en septembre dernier. En deçà de 1,5 % du PIB, la LPM est à la limite. Nous rentrons dans l'incertitude, monsieur le ministre, ne me faites pas partager le constat désabusé du Doge de Venise au père de Desdémone : « il vaut mieux se défendre avec une arme brisée plutôt que de lutter à mains nues ». Certains des membres du groupe UDI-UC voteront ce budget, d'autres s'abstiendront, d'autres encore voteront contre. Avec un même objectif : vous aider à trouver des ressources nécessaires à la défense de notre pays. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. Jeanny Lorgeoux .  - Deux lignes de force caractérisent ce budget : intelligence et cohérence. Nous n'ignorons pas les difficultés de réalisation des Rex ou de mise en place des sociétés de projet. Le président Raffarin en a appelé au président de la République lui-même, avec une honnêteté intellectuelle que je salue, sur la sanctuarisation de ce budget. Oui, dura Rex, sed rex, mais tout de même... Nos rapporteurs pour avis l'ont rappelé, ont cité tous les programmes, toutes les commandes, les crédits maintenus, ceux qui progressent.

Intelligence, disais-je : d'abord, le renseignement monte en puissance à un rythme rapide...

M. Daniel Reiner.  - Très bien !

M. Jeanny Lorgeoux.  - ... face au djihad 2.0. Chacun sait les résultats considérables acquis par les drones : un troisième drone Male sera acquis. Le programme Seres, pas celui de Jean-Pierre Chevènement, mais le système d'écoute électromagnétique, va être lancé.

Il y a la montée en puissance des moyens de renseignement. La DRM qui emploie 1 600 personnes éclaire la décision pour la conduite des opérations ; elle est mobilisée sur tous les fronts, du Sahel à l'Irak, peut-être ailleurs même, aux frontières orientales de l'Europe. Elle joue un rôle central, face à des États qui prônent la prolifération nucléaire ou à des groupes terroristes dont les moyens sont parfois supérieurs à ceux d'un État.

L'État-major Cyber monte aussi en puissance, un pôle se constitue en Bretagne, le ministère de la défense construit graduellement, patiemment une réponse cohérence, adaptée à la cyber-menace.

Autant de réelles raisons d'accepter ce budget, qui, n'en déplaise au Front national, préserve l'essentiel national. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Rachline.  - Ben voyons !

M. Jacques Gautier .  - Il y a tout juste un an, le Parlement adoptait une LPM ambitieuse dans un cadre budgétaire contraint. Monsieur le ministre, vous reconnaissiez alors sa fragilité. À ce moment-là, la France envisageait de réduire sa présence au Mali et ne prévoyait pas de nouveaux théâtres d'opérations. Nous sommes aujourd'hui déployés face à la menace terroriste, présents au Mali, en force, mais aussi en République centrafricaine, au Moyen-Orient dans le cadre d'une coalition pour stopper puis réduire Daesh.

Nos troupes, avec professionnalisme, efficacité et volontarisme sont présentes sur de nombreux théâtres, souvent en surtension. Pourtant, nos crédits sont fragilisés par l'incertitude, l'insincérité même ont dit certains. Le coût prévisionnel des Opex sera dépassé et la défense y contribuera à hauteur de 20 %. Les Rex risquent de ne pas être au rendez-vous.

Face à cette réalité, le président de la République, le Premier ministre ont qualifié la défense de priorité. Pour 2015, l'enjeu principal reste la réalisation d'un programme d'investissements ambitieux. La défense doit disposer en temps et en volume de la totalité des ressources.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas faire simple et étudier une alternative financière, reposant sur une convention de mandat, c'est-à-dire un prêt à taux très bas ? Évitons la cavalerie budgétaire. Monsieur le ministre, étudiez toutes les pistes, soyez le rempart de la défense, face aux coups de butoir de Bercy. Je ne peux voter contre les crédits de la mission défense. À titre personnel, je m'abstiendrai. Ne décevons pas les hommes et les femmes de la défense, qui vous font confiance, mais donnons aux armées les moyens dont elles ont besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes et UMP)

M. Didier Guillaume .  - L'armée doit avoir les moyens d'exercer sa mission. Ce budget les leur donne, à ces femmes et à ces hommes engagés sur tous les théâtres d'opération et sur le territoire national, qui assurent notre défense. Je rends hommage aussi à ceux qui ont disparu dans l'accomplissement de leur mission. La France leur doit beaucoup.

Le président de la République, garant de l'indépendance nationale, avait déclaré dès 2012 qu'il veillerait à la pérennité de notre ambition militaire. Nous y sommes. Depuis lors, les crises se sont multipliées, avec leur lot de déstabilisations. Cette année, l'opération Barkhane a pris la suite de l'opération Serval. Nous avons espéré qu'elles fassent évoluer les perceptions de nos alliés sur notre stratégie africaine.

La crise ukrainienne nous rappelle combien la paix est fragile, sur notre continent même. Le président de la République a eu raison de suspendre la livraison des bâtiments Mistral à la Russie, qui met à l'épreuve le système de sécurité continentale.

Daesh est un signal d'alarme pour notre démocratie, tout comme Aqmi au Sahel, elle véhicule une idéologie totalitaire.

Ce bref état des lieux confirme le diagnostic établi par le Livre blanc de 2013. Notre outil de défense maintient le rang international de la défense. C'est en responsabilité que le président de la République a tenu à sanctuariser notre effort de défense. La loi de programmation militaire, qui a recueilli un large assentiment au sein de cet hémicycle, en constitue la traduction. Ces choix préserveront aussi notre industrie de défense. Ce budget les reflète. Maintenir les moyens, pour assurer notre mission de paix, tel est notre credo. Dans L'Armée nouvelle, Jaurès proclamait déjà : « Tout ce que la France fera pour augmenter sa puissance de défense accroîtra les chances de la paix dans le monde. Tout ce que la France fera pour organiser juridiquement la paix dans le monde ajoutera à sa puissance défensive ».

Notre politique de défense participe à cette pensée. La crise ukrainienne vient rappeler les limites de la politique européenne : le monde réarme, l'Europe désarme, désormais dépassée par l'Asie en dépenses militaires. La défense ne peut demeurer le rocher de Sisyphe de la construction européenne. Monsieur le ministre, ce n'est pas une surprise, nous soutiendrons votre budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Christiane Kammermann .  - Je tiens d'abord à rendre hommage à toutes les femmes et à tous les hommes de la défense. J'ai une pensée particulière pour tous les militaires engagés dans la Finul, que j'ai rencontrés souvent au Liban sud.

Monsieur le ministre, je suis inquiète de l'évolution de nos armées. Combien de fois n'avons-nous pas entendu que notre défense était « à l'os » ? Cela n'a pas entamé l'adhésion d'hommes et de femmes pour rester prêts au sacrifice ultime. Nos armées subissent un fort turn over. Les contrats courts supposent que l'armée reste attractive pour les jeunes recrues. Face aux difficultés inhérentes à la condition des soldats, face à des soldes peu attractives, au manque de considération de la société civile, il est à craindre que l'armée française peine à séduire.

Le nouveau pilotage des ressources humaines interviendra à partir de janvier 2015. Les treize budgets opérationnels du programme 212 seront confiés à des gestionnaires. Cela semble positif, mais il importe de tirer les leçons de l'échec du système Louvois. Je rappelle qu'il serait plus adapté de parler de l'écosystème Louvois, qui témoigne du retard de la modernisation de la gestion de l'armée.

La poursuite des suppressions de postes semble incohérente, face à l'augmentation du nombre des Opex. Un rapport de notre commission de juillet 2012 portait ce titre toujours actuel : « Peut-on réduire un format insuffisant ? ». Monsieur le ministre, il ne vous a guère inspiré. Près de 200 soldats ont été victimes de coups de chaleurs au Mali. Les fournitures sont de piètre facture et avant chaque départ en Opex, les soldats paient avec leurs propres deniers leur paquetage.

Mme la présidente.  - Concluez, je vous prie !

M. Bruno Sido.  - C'est intéressant, pourtant !

Mme Christiane Kammermann.  - Je voterai contre ce budget. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense .  - Je remercie les rapporteurs et les intervenants de la qualité de leurs rapports et de leurs propos, - j'y suis habitué au Sénat.

Le projet de loi de finances pour 2015 permettra l'application intégrale de la LPM, votée ici en décembre dernier. J'ai pris note de vos interrogations. Nos armées interviennent sur plusieurs théâtres difficiles, j'ai apprécié que vous reconnaissiez unanimement le courage, l'efficacité de l'action de votre armée et souteniez nos soldats.

Je ne pourrai répondre ce soir à toutes vos questions mais j'entretiens avec vous un dialogue fécond et régulier avec votre commission des affaires étrangères. L'ensemble de la trajectoire de la LPM en 2014 a été respectée. La cible de déflation de 7 281 emplois a été tenue. La masse salariale a diminué de près de 400 millions d'euros, conformément à la loi de finances initiale. La persistance des dysfonctionnements de Louvois a toutefois entraîné un surcoût de 160 millions d'euros. J'y reviendrai.

Vous avez rappelé, monsieur Lorgeoux, et madame Demessine, l'importance du MCO. Ce fut une facilité que d'y renoncer. J'ai inversé cette tendance, avec une majoration de 4,3 % par an. La trajectoire est respectée pour les programmes d'armement aussi. L'engagement sur le programme Scorpion fera l'objet d'une annonce officielle après-demain à Varces. Tous les programmes pour 2014 et 2015 seront engagés conformément à la LPM.

M. Daniel Reiner.  - Eh oui !

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Trajectoire respectée également pour les Opex. Le surplus de 605 millions d'euros a été intégralement couvert par le décret d'avance publié aujourd'hui. Je maintiens l'objectif de résorber progressivement le report de charges. Je suis déterminé à ce que la sanctuarisation des 31,4 milliards d'euros soit totalement respectée, conformément au voeu du président de la République. Il y avait 31,4 milliards d'euros en 2014, de même qu'en 2013 et en 2012. En 2011, c'était moins !

M. Didier Guillaume et M. Daniel Reiner.  - Utile rappel !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Monsieur le président Raffarin, sur la question des Rex, nous sommes en harmonie avec l'application de l'article 3 de la LPM, annexe 5, paragraphe1. En 2015, il était prévu de mobiliser des recettes de cession de la bande de 700 Mhz. Le président de la République l'a redit dans la lettre qu'il a adressée au président Raffarin, pour se prémunir contre les aléas le président de la République m'a autorisé à lancer l'expérimentation innovante des sociétés de projet. Cette possibilité est d'ores et déjà prévue dans la LPM.

M. Daniel Reiner.  - Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Oui, c'est l'application stricte de la loi de programmation militaire et de l'article 21 de la Lolf. Reste à le réaliser. Nous voulons aboutir dans les plus brefs délais. J'ai réuni un groupe de travail de haut niveau à cette fin. Le résultat doit être opérationnel mi-2015.

J'ai annoncé devant votre commission que j'étais disponible pour évoquer les étapes de la mise en oeuvre de cette société de projet avec vous. Je m'y engage personnellement. Monsieur le président Raffarin, vous avez fait part de vos doutes. Soyez assuré de la ténacité inébranlable du ministre de la défense sur le sujet. (M. Jean-Pierre Raffarin le reconnaît)

S'agissant des Opex, il est utile d'en rester au socle de 450 millions d'euros, et de faire jouer la clause de sauvegarde de l'article 4 de la LPM.

L'enjeu est de préserver les crédits d'investissement du ministère, ce qui suppose que le surcoût des Opex soit reversé au budget du ministère en fin d'exercice. Ce fut le cas en 2013 et 2014, j'ai toutes les raisons de croire qu'il en ira de même l'an prochain.

Le projet de loi de finances 2015 est solide, les crédits de la mission « Défense » seront au rendez-vous. J'y veillerai.

À Mme Demessine et à Mme Kammermann qui se préoccupent de la situation de nos armées et des conditions de vie des militaires, j'indique que 700 points noirs ont été identifiés qui devront pour la plus grande part être traités d'ici la fin 2015, j'y suis très attentif.

Monsieur Pozzo di Borgo, sur le SSA, l'excellence médicale doit être préservée, même si notre dispositif évolue, en raison de nécessités opérationnelles qui nous amènent à faire des choix. Il y aura deux plateformes franciliennes, à Percy et Begin et le nombre d'établissements sera ramené à huit, la rénovation du Val-de-Grâce étant trop coûteuse.

Monsieur Pintat, quant au spatial militaire, nous y consacrons des moyens considérables. Je me réjouis du fait que la nouvelle feuille de route Ariane 6 soit validée, ce qui renforcera notre base industrielle duale avec la dissuasion nucléaire.

Messieurs Reiner et Gautier, vous qui êtes des spécialistes des drones, j'ai décidé une stratégie complète d'acquisition des drones de toutes catégories. Monsieur Gautier, je confirme un troisième vecteur pour 2014 et une commande d'un système complet de trois drones en 2015. À long terme, j'ai la volonté de lancer avec nos partenaires allemands et italiens un drone Male entièrement européen. Conformément à la loi de programmation militaire, nous avons décidé une coopération spécifique avec les Britanniques pour lancer un drone de combat futur.

Sur le calendrier, ma méthode est pragmatique et non pas dogmatique. Il ne s'agit pas de faire du chiffre, mais de mener une réflexion de fond. Les restructurations prennent du temps. L'expérience montre qu'il faut mesurer précisément tous les choix. Il faut les examiner avec la plus grande attention. C'est ainsi que nous avons renoncé à fermer la base de Luxeuil. Nous allons mener une réflexion de fond, afin de ne pas faire des choix inopportuns.

Sur Louvois, je n'ai jamais polémiqué. Il me faut tirer les conséquences de décisions aussi aberrantes.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - C'est sûr.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Ce désastre d'une irresponsabilité collective à l'égard de nos soldats fut le produit d'une chaîne de décisions.

Nous travaillons à la manière des programmes d'armement. Je vais voir demain avec la DGA où en est l'avancement de ce travail. Nous développerons un deuxième système en parallèle, avant sa généralisation en 2016.

M. Jeanny Lorgeoux.  - Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Le renseignement est l'une des priorités de la loi de programmation militaire, qui est intégralement respectée. Les crédits ont progressé de plus de 17 % depuis 2012, à ma demande. En 2015, il y aura 242 créations de postes dans ce domaine, concernant la cyber, les langues, l'analyse.

Je suis conscient des difficultés. L'année 2015 est essentielle. Elle sera déterminante pour la pérennité de la loi de programmation militaire. L'équilibre est délicat, je le sais. Il nous faut concilier, sur le long terme, l'autonomie stratégique et la souveraineté budgétaire. Grâce à ce budget, nos armées continueront en 2015 à faire la fierté des Français, en garantissant leur souveraineté et leur sécurité. C'est pourquoi je sollicite un vote favorable. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE et sur plusieurs bancs au centre et à droite)

ARTICLE 32 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-129, présenté par M. J. Gautier, au nom de la commission des affaires étrangères.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

0

0

0

0

Préparation et emploi des forces

0

0

0

0

Soutien de la politique de la défense Dont Titre 2 

0

0

0

0

Équipement des forces

100 000 000

0

100 000 000

0

TOTAL

100 000 000

0

100 000 000

0

SOLDE

+ 100 000 000

+ 100 000 000

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis.  - Cet amendement, adopté à l'unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, vise à sécuriser - dans les limites offertes à l'initiative parlementaire par l'article 40 de la Constitution et les règles de la Lolf - le budget de l'équipement des forces prévu pour 2015. Dans ce but, il rétablit les crédits de la mission « Défense », en particulier ceux du programme 146, au niveau qui se trouvait inscrit dans le projet de loi de finances (PLF) avant l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale.

Celle-ci, en effet, a adopté en seconde délibération un amendement du Gouvernement qui réduit de 100 millions d'euros les crédits du programme 146 prévu pour l'année prochaine, afin de contribuer au financement des mesures nouvelles ayant résulté du débat de nos collègues députés sur le PLF.

Certes, l'Assemblée nationale a également adopté un autre amendement du Gouvernement qui, à titre de compensation de cette réduction de crédits, augmente à due concurrence les ressources exceptionnelles (REX). J'ai dit les craintes qu'elles nous inspirent.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas été saisie Je suis entièrement d'accord avec l'exposé des motifs. Il n'est pas très correct de remplacer des recettes certaines par des REX pour le moins incertaines. Hélas, la question ne porte pas sur 100 millions d'euros, mais sur 2,2 milliards d'euros. D'où nos doutes. Je propose un avis de sagesse.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Le Gouvernement comprend, mais ne partage pas. J'ai indiqué pourquoi j'étais convaincu de la justesse de notre choix, même si je comprends vos interrogations.

M. Daniel Reiner.  - Cet amendement est présenté au nom de la commission des affaires étrangères tout entière. Le groupe socialiste le votera. Les assurances données par M. le ministre devraient nous redonner confiance et nous conduire tout à voter ce budget.

Les forces armées doivent avoir le soutien du Sénat.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères.  - Elles l'ont, évidemment ! En revanche, de là à accepter une baisse de 100 millions d'euros d'un budget sanctuarisé par un amendement du Gouvernement, en seconde délibération à l'Assemblée nationale, à l'initiative du ministère du budget... Nous ne remettons nullement en cause vos paroles et votre détermination, monsieur le ministre. Nous doutons de la détermination de Bercy à appliquer la volonté, confirmée par écrit, du président de la République. Voilà la source de notre inquiétude. Ce budget n'est pas manoeuvrable, il n'est pas comme les autres. Et tous les ministères ne sont pas égaux dans notre affection ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jeanny Lorgeoux.  - Très bien !

L'amendement n°II-129 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-303, présenté par M. Pozzo di Borgo.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2 

1

1

1

1

Équipement des forces

TOTAL

1

1

SOLDE

-1

-1

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Cet amendement symbolique dénonce l'absurdité du système d'information Louvois qui aura coûté 470 millions d'euros. Cette gabegie est inadmissible. Vous avez dit ne pas vouloir polémiquer, monsieur le ministre. Il faut marquer plus d'autorité ! Les responsabilités doivent être déterminées au sein de l'administration. Les militaires sont carrés, avec eux c'est oui ou c'est non. Et ils paient le prix de cette gabegie !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement-ci non plus. Je ne suis pas certain que la polémique améliorerait le moral des armées... Je ne vois pas non plus en quoi le déplacement d'un euro règle le problème ! Cet amendement est satisfait, puisqu'il n'avait d'autre objectif que de vous permettre de prendre la parole à ce sujet... Retrait ?

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Il ne s'agit pas de polémiquer, mais de conduire chacun à assumer ses responsabilités : c'est au coeur du fonctionnement de toute société. Cela dit, je m'incline.

L'amendement n°II-303 est retiré.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Comment se fait-il que j'ai su si tard l'ampleur gigantesque du désastre en me rendant moi-même dans une garnison. Quelle est la chaîne des responsabilités ? Je m'efforce de répondre à ces deux questions. J'ai fait en sorte d'être mieux informé des problèmes. Et l'opacité de la chaîne de responsabilité, c'est fini.

Mme Catherine Deroche.  - Je serai brève. L'avenir de nos armées est en jeu. Le président de la République a pris l'engagement de maintenir les capacités de nos armées, encore faut-il y mettre les moyens. Notre vote contre est un vote de soutien à nos armées et un appel au président de la République à leur donner les moyens de remplir leur mission.

À la demande du groupe UMP, les crédits de la mission sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n° 61 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l'adoption 125
Contre 195

Le Sénat n'a pas adopté.

Les crédits du compte spécial sont adoptés.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 4 décembre 2014, à 10 h 20.

La séance est levée à 1 h 20.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques