Franchises médicales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires.

Discussion générale

Mme Annie David, co-auteure de la proposition de loi .  - Cette proposition qui n'est pas récente puisque nous l'avions déposée dès 2012, vient enfin en débat. Son but est de supprimer les participations forfaitaires créées en 2005 et les franchises médicales instaurées en 2008.

Les participations forfaitaires s'élèvent à un euro par acte de consultation médicale ou de biologie dans la limite d'un plafond de 50 euros par an et de 4 euros par mois par assuré. Au total 29 % des assurés en sont exonérés. S'y ajouteront à partir du 1er juillet prochain les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé (ACS).

Les franchises dites médicales ont été instaurées pour prétendument « responsabiliser » les malades, leur faire prendre conscience que tout a un coût et se paie. Déjà sénatrice, je me souviens de l'instauration de ces franchises au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 et des propos de mon ami Guy Fischer : « Le président Sarkozy veut, une nouvelle fois, mettre à contribution les malades... Avec les franchises médicales on punit les malades. Vous ajoutez au principe du pollueur-payeur celui de l'empoisonné-payeur ». Huit ans plus tard, les faits nous ont donné raison. Les franchises médicales et participations forfaitaires sont ni plus ni moins des taxes sur la santé.

Jusqu'à récemment, l'ensemble de la gauche faisait front commun contre cette mesure injuste en soutenant un collectif de cinquante organisations. Le PS appelait à la mobilisation. Lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, Yves Daudigny, rapporteur général, avait déposé un amendement visant à supprimer ces franchises. Il avait appelé à un débat sur les participations forfaitaires et franchises lors de la campagne présidentielle. Eh bien, ce débat, ouvrons-le maintenant !

Il y a sans doute des abus, alors mettons-y fin mais ne pénalisons pas l'ensemble de la population. La remise en cause des professionnels de santé n'est pas sans effet sur le respect des prescriptions médicales. Certains patients renoncent à se soigner ou reportent les soins dont ils ont besoin pour des raisons financières. En 2012, 27 % de la population a renoncé à au moins un soin pour des raisons financières.

Ces renoncements constituent-ils un progrès ? Est-ce cela qui était visé ? Et la prévention ? Le Conseil constitutionnel a estimé que le montant de la participation forfaitaire devait être fixé à un niveau tel qu'il garantisse l'effectivité de la protection de la santé instaurée par le onzième alinéa du Préambule de 1946 de notre Constitution. Il ne faut pas rompre avec le principe de la cotisation selon ses moyens et des soins selon ses besoins, ni avec le principe de solidarité entre malades et bien-portants, alors que le reste à charge des premiers ne cesse d'augmenter.

C'est particulièrement choquant pour les victimes de l'amiante ou les malades du VIH. Pour ceux-ci, le reste à charge est estimé par Aides à 700 euros par an.

Les patients sont souvent déboussolés par la complexité du dispositif, qui ne peut responsabiliser des gens qui ne le connaissent pas. Les franchises et participations n'ont pas entraîné de diminution des dépenses de santé. Les renoncements aux soins créent un surcoût économique et social. Ces mesures sont donc inefficaces.

Le leurre communicationnel du président de la République de l'époque, tendait à faire croire que les gains créés seraient affectés au plan Alzheimer et à la lutte contre le cancer. Cela n'a pas été le cas et c'est particulièrement choquant quand 40 % du montant des franchises repose sur les patients atteints de maladies graves.

Afin d'échapper au couperet de l'article 40 de la Constitution, nous avons gagé notre proposition de loi par un relèvement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Cela va à contre-courant de l'idéologie dominante, nous en sommes conscients. Le gouvernement veut supprimer cette contribution sur les entreprises par le pacte de solidarité. Comment accepter de se passer de 7,2 milliards d'euros en trois ans ? Une mesure devrait prendre le relais. Laquelle ? Quand ? On nous reproche parfois notre manque de réalisme mais nous avons une proposition concrète à faire : mettre fin aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes rapporterait 52 milliards d'euros à la sécurité sociale. Une contribution additionnelle sur les revenus financiers des entreprises créerait aussi des recettes en rétablissant à terme le partage de la valeur ajoutée en faveur des salariés.

L'application du tiers payant complique la perception des franchises et participations. J'en veux pour preuve la décision que nous avons approuvée dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale en faveur des bénéficiaires de l'ACS.

Cette proposition de loi vient en appui à la généralisation du tiers payant, voulue par le gouvernement. Pour nous, elle représente une étape dans la reconquête d'une assurance maladie couvrant 100 % des besoins de tous les malades, d'où seraient éliminés tous les restes à charge, tickets modérateurs et dépassements d'honoraires. (Applaudissements sur les bancs CRC ; Mme Laurence Cohen, rapporteure, applaudit)

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - La commission des affaires sociales n'a malheureusement pas adopté le texte. Personne ne croit pourtant que les franchises médicales responsabilisent les patients.

La Cour des comptes, dans son rapport de 2013, a critiqué le lien artificiel entre les franchises et les fonds affectés à la lutte contre la maladie. Les patients ne sont pas prescripteurs ! Les ouvriers ne seraient pas assez responsables ? Ou sont-ils dissuadés par le coût des soins de ville ? Les franchises affectent davantage les personnes aux faibles revenus et mettent en péril leur accès aux médicaments. Alors, responsabilisation ou culpabilisation des malades les plus modestes ?

Madame la ministre, je sais que vous et Mme Touraine êtes sensibles à notre préoccupation, Mme Touraine ayant déclaré refuser tout transfert de charges vers les patients. D'où, sans doute, l'exonération des bénéficiaires de l'ACS au 1er juillet : première étape. Cette proposition de loi est une deuxième étape.

En commission, j'ai noté une résignation financière de la majorité de mes collègues. Il y a au mieux une politique des petits pas, au pire un refus de corriger une injustice caractérisée.

Les franchises et participations forfaitaires font réaliser des économies de court terme, en entraînant des surcoûts de long terme. Le professeur Didier Tabuteau a attiré notre attention sur le renoncement aux médicaments qui en découle, ce qui rejoint l'analyse des associations de patients et des syndicats que j'ai reçus.

La proposition de loi comporte un financement alternatif pour compenser la suppression des franchises et forfaits. Mais, contribution additionnelle à la C3S ou autre ressource que nous proposons, constamment, à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, le problème fondamental demeure celui des moyens que nous sommes prêts à consacrer à notre système d'assurance-maladie. Le gouvernement n'a pas été inactif, je l'ai dit. Mais il n'est pas juste de s'arrêter au milieu du gué.

Pourquoi ne pas nous rassembler sur cette proposition de justice sociale ? Un argument supplémentaire : la généralisation du tiers payant est incompatible avec le maintien des franchises et forfaits. L'Igas a critiqué la complexité qui en découle, certaine et coûteuse. Le directeur de la sécurité sociale a été incapable de chiffrer ce coût, d'autant que des suppressions d'emplois sont prévues.

On ne peut indéfiniment concilier l'inconciliable, la justice sociale fondée sur la solidarité entre malades et bien-portants, et la volonté de faire des économies qui reposent sur un transfert de charges des malades entre eux. Contre l'avis défavorable de la commission, je vous appelle à titre personnel à faire preuve de cohérence politique en votant ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion - Sur l'objectif de cette proposition de loi, nous sommes entièrement d'accord : assurer l'accès aux soins pour tous.

M. Gilbert Barbier, vice-président de la commission des affaires sociales.  - Le gouvernement est donc d'accord.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Comment ? En assurant l'égalité d'accès aux soins sur le territoire, en luttant contre les déserts médicaux. Nous ne pouvons, en outre, accepter que certains renoncent à se soigner faute de moyens. Alors, oui, l'idée de la « responsabilisation » est choquante. Chacun doit pouvoir se faire soigner quand il en a besoin. Retarder les soins, c'est aggraver la santé des personnes concernées avec un coût humain pour elles et financier pour la collectivité.

Si nous ne pouvons pas vous suivre, c'est que le coût de votre proposition de loi est de 1,75 milliard d'euros, vous l'avez dit ! (Exclamations et marques de déception sur les bancs CRC)

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Nous avons des solutions !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Pour autant, le gouvernement ne se résigne pas.

Mme Annie David, co-auteure, M. Michel Le Scouarnec et Mme Brigitte Gonthier-Maurin - Ah !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - C'est pourquoi il a décidé d'exempter les bénéficiaires de l'ACS au 1er juillet.

Le gouvernement s'engage à ne prévoir ni déremboursement ni franchise supplémentaire.

M. Gilbert Barbier, vice-président de la commission des affaires sociales.  - Et pourtant !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - L'engagement du gouvernement en faveur de l'accès aux soins, c'est aussi le relèvement du plafond de ressources qui permettra à terme à 600 000 personnes supplémentaires de bénéficier de la CMU-C et de l'ACS, pour un coût de 200 millions d'euros, ainsi que l'amélioration du contenu de ces aides.

L'engagement du gouvernement, c'est aussi de faciliter l'accès aux droits, avec l'organisation d'une campagne d'information sur l'ACS, avec le renouvellement automatique de l'ACS pour les bénéficiaires du minimum vieillesse qui sera acté dans le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement.

Notre action ne se limite pas à faciliter l'accès aux droits des plus démunis. Des familles des classes moyennes se trouvent en difficulté devant l'envolée des dépassements d'honoraires. Leur encadrement conventionnel, que nous avons mis en place en 2012, porte ses fruits : plus de 700 millions d'euros en moins à la charge des ménages en 2013.

Nous utilisons les ressources de manière plus ciblée que ce que vous proposez. Les dépenses inutiles existent : la prescription des médicaments de marques, la multiplication des actes... Lorsque nous améliorerons cette situation, nous progresserons sur la voie de la suppression des franchises.

Le projet de loi relatif à la santé que la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale examinera la semaine prochaine, comportera la généralisation du tiers payant, attendue par les Français, appliquée dans de nombreux pays : demain, nos concitoyens n'auront plus à avancer les frais. Je suis heureuse d'entendre des sénateurs la défendre ! (Mmes Michelle Meunier et Nicole Bricq approuvent)

Le gouvernement qui s'engage pour atteindre l'objectif de cette proposition de loi, lui donnera donc un avis défavorable, en raison de sa stratégie alternative d'accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gilbert Barbier, vice-président de la commission des affaires sociales.  - En dépit de son soutien !

M. Gilbert Barbier .  - Selon le célèbre adage, la santé n'a pas de prix mais elle a un coût. Pour nos collègues communistes, le problème du coût n'a pas lieu d'être... C'est de bon aloi, à l'heure où le gouvernement veut imposer coûte que coûte le tiers payant généralisé. Je rappelle que la franchise est d'un euro par consultation, de 0,50 euro par prescription, de 2 euros par transport, qu'elle ne s'applique pas aux enfants, ni aux ressortissants de la CMU, ni bientôt à ceux de l'ACS. Charge insupportable ? Reste-t-il des personnes dans cette situation ? Votre rapporteure, Mme Cohen, n'en apporte pas la preuve.

L'absence de franchise n'entraînerait pas de surconsommation médicamenteuse ? Toutes les études prouvent le contraire. M. Moscovici vient de rappeler l'impérieuse nécessité de réduire les déficits, en particulier ceux qui résultent des dépenses sociales.

Madame Cohen, vous faites référence au Conseil national de la Résistance (CNR) dans votre rapport. Pierre Laroque, son fondateur, souhaitait justement que la sécurité sociale propage une culture de la solidarité : le principe de responsabilisation était au coeur du pacte social de 1945, issu du CNR.

Les déremboursements, que Mme Touraine s'était engagée à ne pas pratiquer, se poursuivent bel et bien. Un seul exemple : depuis le 1er mars, les antiarthrosiques qui, sans guérir, soulagent à moindre coût les personnes âgées...

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Mieux que le paracétamol ?

M. Gilbert Barbier.  - ...c'est plus préjudiciable pour les personnes fragiles que les franchises. Je ne doute pas qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de santé, qui nous conduit vers une médecine étatisée, le débat resurgira. Pour l'instant, le groupe RDSE, dans sa totalité ne votera pas ce texte.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Quel dommage !

Mme Élisabeth Doineau .  - Après le premier round constitué par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, nous discutons d'une proposition de loi qui étend la suppression des franchises médicales et participations forfaitaires, décidée pour les bénéficiaires de l'ACS, à tous les assurés.

L'exonération prévue en juillet aligne le dispositif ACS sur celui de la CMU, ce qui a un coût. Comme l'a dit Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, 6 millions de personnes seront exonérées. Si l'on y ajoute les mineurs, soit 15 millions de personnes, c'est plus du tiers de la population française qui est exonérée.

Quelle est la pertinence de maintenir un système devenu inéquitable ? Le groupe CRC en propose la suppression. Ce n'est pas, pour nous, la bonne solution. Le gouvernement envisage la généralisation du tiers payant. Cela signifie-t-il à terme la suppression des franchises médicales ? Peut-être, mais pas ainsi, d'un trait de plume, au détour d'une proposition de loi au Sénat.

Respectons le parallélisme des formes. Sur le fond, interrogeons-nous sur la raison d'être de ces franchises, la responsabilisation des patients. Déterminons un juste équilibre entre celle-ci et le reste à charge. Il n'est pas possible d'éluder cette question. Les dépassements d'honoraires sont pour deux tiers à la charge des ménages. Le groupe UDI-UC avait déposé un amendement relevant le plafond de remboursement des dépassements d'honoraires pour les complémentaires santé, qui est trop bas, ce qui risque d'entraîner une médecine à deux vitesses. Au lieu de diminuer les honoraires, le reste à charge s'accroîtra, ce qui frappera les Français les plus modestes et aggravera les disparités territoriales. Il est donc nécessaire de relever le plafond de remboursement des dépassements par les mutuelles.

Le groupe UDI-UC ne partage pas l'avis du groupe CRC. Il eût été plus opportun d'étudier cette question à propos du projet de loi de santé, lors du débat sur la généralisation du tiers payant. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Je rends hommage à la persévérance et à la constance du groupe CRC, même si je ne suis pas d'accord. Il en va autrement de la majorité présidentielle. J'ai compris votre embarras, madame la ministre : l'exercice est difficile, qui consiste à trouver un équilibre entre les bons sentiments et les exigences budgétaires, car l'enjeu financier est de taille.

M. Barbier a rappelé que ces franchises sont limitées à 50 euros par an, ainsi que l'ampleur des populations exonérées. Je dirai en souriant, pour provoquer un peu nos collègues communistes, qu'ils ne nous ont pas habitués, comme ils le font aujourd'hui avec leur proposition de loi, à faire des cadeaux à ceux qui ne sont pas les plus démunis ! (Sourires)

Mme Annie David.  - Un peu provocateur en effet !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), je rappellerai quelques chiffres : pour 2014, le déficit a dérapé de 2,2 milliards d'euros par rapport aux prévisions. Les hypothèses macroéconomiques qui fondent les prévisions 2015 sont, je le crains, un peu optimistes. La France est à la traîne, pour la croissance : il n'est pas évident que le taux de 1 % soit atteint. Quant à la masse salariale, en dépit des efforts de la Banque centrale européenne (BCE) pour injecter massivement des liquidités, conjecturer qu'elle augmente de 2 % me paraît, là aussi, bien optimiste.

À partir de ce constat, le groupe UMP estime que, si le problème des franchises médicales et participations forfaitaires se pose, nos collègues CRC le posent au plus mauvais moment. D'autant que le gouvernement veut supprimer la C3S... ce qui augmentera le déficit de la sécurité sociale de même que la mesure de ce texte pour un coût de 1,65 milliard d'euros.

Le groupe UMP ne peut pas soutenir ce texte mais aimerait fort entendre le gouvernement lui expliquer comment il entend maintenir les franchises médicales et participations forfaitaires avec la généralisation du tiers payant.

Mme Nicole Bricq .  - Par la voix énergique de Mme Cohen, le groupe CRC nous propose la suppression des participations forfaitaires et franchises médicales pour un coût que notre rapporteure n'a nullement dissimulé : 1,65 milliard d'euros. Nous devons prendre en compte le contexte dégradé de nos finances publiques et poursuivre le mouvement d'économies engagé par les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls.

Par la voix de Mme Touraine, le gouvernement est déterminé à réduire les inégalités d'accès aux soins qui pénalisent les plus fragiles. Le reste à charge représenterait 9,2 % en 2012, il s'est réduit à 8,8 %, un mouvement exactement inverse à celui qui s'était développé sous les gouvernements de droite. L'efficacité peut être la compagne de la justice, la solidarité aller de pair avec le redressement des comptes. Mme Touraine a été claire : « On ne consomme pas de soins par plaisir ».

Le texte est gagé par une augmentation à due concurrence de la C3S. Là est notre désaccord sur le pacte de responsabilité, qui commence d'ailleurs à porter ses fruits avec des indicateurs - dont celui de l'investissement - qui repartent à la hausse. Je le dis à M. Cardoux qui a discuté les hypothèses macro-économiques de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. La C3S doit disparaître en 2017 ; elle devait abonder le RSI, aujourd'hui en perdition. Celui-ci sera adossé au régime général - la nation fait un effort de solidarité en direction des indépendants, n'en déplaise aux manifestants de lundi dernier.

Finalement, je vois dans ce texte un appel au gouvernement à faire de l'accès à la santé une priorité. Celui-ci n'est pas resté l'arme au pied, c'est le moins que l'on puisse dire : suppression des franchises et participations forfaitaire pour les bénéficiaires de l'ACS au 1er juillet, généralisation du tiers payant assortie de contreparties raisonnables pour les médecins.

Le groupe socialiste, tout en partageant votre objectif, ne soutiendra pas ce texte qui ne contribuera pas à la réduction des déficits et ne renforcera pas la solidarité. Le gouvernement a choisi une voie plus globale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Aline Archimbaud .  - En 2007, le groupe écologiste a dénoncé l'instauration des franchises. Non, la hausse des dépenses ne s'explique pas par une surconsommation. Si le taux de maladies chroniques était resté stable depuis dix ans, notre déficit social ne se serait pas creusé. L'argument de la nécessaire responsabilisation des patients est fallacieux.

La prévention serait bien plus efficace. Mais un tiers de nos concitoyens renoncent à des soins, faute de moyens. Les dépenses différées coûtent cher... Le pire peut-être est que 42 % du produit des franchises sont acquittés par des personnes qui ont le plus besoin de solidarité : les patients atteints d'affections de longue durée. Le groupe écologiste ne s'opposera pas par principe à cette proposition de loi.

Toutefois, les franchises médicales et participations forfaitaires, si elles représentent un enjeu important - elles sont une atteinte aux principes fondateurs de la sécurité sociale, on cotise selon ses moyens, on reçoit selon ses besoins -, sont moins prioritaires que les difficultés des Français à accéder à leurs droits : un à deux millions de personnes ne parviennent pas à ouvrir leurs droits à la CMU-c, deux millions pour l'ACS - et je ne parle pas de l'AME. La faiblesse des politiques de prévention et de santé environnementale doit nous mobiliser en priorité. Les affections liées à l'environnement se multiplient, il faudrait engager des crédits de recherche pour les combattre. J'avais déposé un amendement de repli sur ce texte que je suis prête à retirer à la demande de la rapporteure.

M. Dominique Watrin .  - Nous avons déjà donné les chiffres des Français contraints de renoncer à des soins pour raisons financières, expliqué que ce renoncement coûtait cher, que la prétendue surconsommation ne pouvait pas être le fait du patient puisque c'est le médecin qui prescrit. C'est véritablement une médecine à deux vitesses qui se met en place avec les franchises et participations forfaitaires, on n'est pas riche quand on gagne le smic... Oui, nous aurions pu limiter notre texte aux populations les plus fragiles, par exemple aux 4,2 millions de malades souffrant d'hypertension artérielle sévère qui subiront de plein fouet les déremboursements. Mais nous ne voulons pas de rustine, nous voulons une protection sociale à 100 % pour tous les malades. On nous rétorque que cela n'a jamais été le projet du CNR ; mais la société est beaucoup plus riche aujourd'hui - les profits des sociétés du CAC40 donnent le tournis.

On nous répète sans cesse que les caisses sont vides. Je vois plutôt un manque de volonté politique. Taxer les revenus financiers des entreprises rapporterait 41 milliards à l'assurance maladie, 26 aux retraites, 17 à la branche famille. Collègues de gauche, nous vous invitons à mettre en cohérence vos discours passés et vos actes en votant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État .  - Une précision sur les médicaments antiarthrosiques : la Haute Autorité de santé (HAS) a jugé que leur efficacité était limitée, leur service médical rendu (SMR) faible. Dans ce cas, l'arrêté de déremboursement est automatique.

M. Gilbert Barbier, vice-président de la commission des affaires sociales.  - C'est tout de même le ministre qui le signe !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Beaucoup s'inquiètent de la perception des franchises médicales et participations forfaitaires après la généralisation du tiers payant.

En 2012, pour un montant total de 1,5 milliard d'euros, 600 millions ont été récupérés grâce au règlement des assurés hors tiers payant, 900 millions ont été inscrits en créance sur les assurés pour un remboursement ultérieur de la Caisse d'assurance maladie sur le paiement d'autres actes - à 70 % sur des actes médicaux, 9 % des soins dentaires, 11 % des prestations en espèces et 10 % par d'autres voies.

Nous mettrons en place un recouvrement par prélèvement bancaire après autorisation de l'assuré, qui conditionnera l'accès au tiers payant.

Mme Catherine Procaccia.  - Usine à gaz !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - C'est le mécanisme préconisé par l'Igas dans son rapport de 2013.

Quelques mots sur le déficit... Il est passé de 9,3 milliards d'euros en 2007 à 20,9 milliards d'euros en 2011 pour revenir à 15,5 milliards d'euros en 2013. Le montant définitif pour 2014 n'est pas encore connu, mais tout porte à croire que l'amélioration se poursuit. En l'état de nos finances publiques, le gouvernement ne peut accepter de supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires.

Mme Laurence Cohen, rapporteure .  - Débat intéressant : le gouvernement est d'accord sur le principe, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, mais refuse notre texte au nom de la réduction des dépenses. Nous n'arrêtons pas de le dire : il faut inverser la logique et trouver de nouvelles recettes. Quelles sont les dépenses inutiles ? Celles pour les hôpitaux publics ? Finissons-en avec la T2A et la situation s'améliorera - de nombreuses études prouvent la nocivité de ce mode de tarification.

Nous ne serions pas dans le bon tempo, a dit Mme Bricq.

Mme Nicole Bricq.  - Non !

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Il faudrait attendre... Étrange ! Quand il s'agit d'adopter le pacte de responsabilité pour les entreprises, on peut faire sans délai... Notre proposition de loi est un appel à la raison mais il n'est pas entendu. Ce sont les plus malades, les plus fragiles qui subissent de plein fouet les franchises. Comment peut-on accepter que des patients atteints du VIH consacrent un mois de ressources aux dépenses de santé ?

Mme Archimbaud propose de restreindre le champ de notre proposition de loi aux malades souffrant d'affections de longue durée ; je lui suggère de le retirer pour que nous le défendions ensemble lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous continuerons de porter notre combat et notre vision ambitieuse de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Discussion des articles

M. le président.  - La commission des affaires sociales n'ayant pas élaboré de texte, sont appelés les articles de la proposition de loi initiale.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article L. 322-4 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et ainsi que pour les bénéficiaires reconnus atteints d'une des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité de santé ».

Mme Aline Archimbaud.  - Je rappelle que 42 % des franchises sont payés par des patients souffrant d'affection de longue durée ; 71 % des malades atteints de la maladie de Parkinson atteignent le plafond annuel. Je retire cependant l'amendement, compte tenu de l'avis défavorable de la rapporteure.

L'amendement n°1 est retiré.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'article premier.

À la demande du groupe CRC, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n° 108

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption 19
Contre 310

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Je déplore le rejet de cet article premier qui était le coeur de notre proposition de loi.

Les franchises médicales et participations forfaitaires ne remplissent pas leurs objectifs, responsabiliser les patients et financer le plan Alzheimer. Tout le monde en convient ici, tous les experts et praticiens que j'ai entendus en audition le confirment, la responsabilisation des patients passe par la formation et l'information. Les franchises dénaturent totalement le socle de notre système qui repose sur la solidarité entre malades et bien-portants. Et la sécurité sociale peine à en récupérer 200 millions...

La situation est grave pour les personnels de santé, voyez le désarroi des urgentistes et du personnel hospitalier, qui n'en peuvent plus. La baisse des dépenses met la santé des patients en danger.

Je ne comprends pas que l'on ferme une aile de Lariboisière qui vient d'être rénovée, que l'on ferme la maternité de Bégin, également rénovée...

Mme Catherine Procaccia.  - Hélas !

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - ... je ne comprends pas qu'on ne fasse rien pour la maternité des Lilas après tant de promesses et quatre ans de lutte du personnel mobilisé pour accompagner les parturientes ; je ne comprends pas que, dans ce contexte, on ne veuille pas au moins supprimer une mesure inefficace et injuste. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Gilbert Barbier, vice-président de la commission des affaires sociales.  - Nous nous éloignons de l'objet de la proposition de loi... Le renoncement aux soins, dont on parle beaucoup, touche surtout les soins des dents, des yeux et des oreilles. Il fallait le préciser.

Mme Touraine a bien décidé le déremboursement des antiarthrosiques, la HAS ne fait que proposer, madame la ministre, ce n'est pas à vous que j'expliquerai que ces médicaments entraînent beaucoup moins d'effets secondaires que les anti-inflammatoires non stéroïdiens qui seront désormais utilisés pour les remplacer.

L'article 2 n'est pas adopté.

ARTICLE 3

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Je m'explique sur l'amendement de repli de Mme Archimbaud : j'en ai demandé le retrait en commission car notre proposition de loi vise un objet plus large et, de toute façon, les marges de manoeuvre que nous laisse le gouvernement sont bien étroites. Nous le présenterons ensemble en projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L'article 3 n'est pas adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Si ce dernier article est rejeté, l'ensemble de la proposition de loi le sera, puisqu'aucun article n'aura été adopté.

Mme Aline Archimbaud.  - Par cohérence avec les priorités que j'ai exposées tout à l'heure, le groupe écologiste s'abstiendra. Nous souhaitons, nous, mettre l'accent sur l'ouverture des droits, la prévention et la santé environnementale.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Il nous faut réfléchir à ce qu'est une vraie politique de gauche : d'un côté des mesurettes...

Mme Nicole Bricq.  - Le tiers payant est loin d'être une mesurette, il sous-tend un projet de société.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - ...et toujours plus pour ceux qui ont déjà beaucoup au détriment de ceux qui ont moins, de l'autre, une vision ambitieuse et des mesures pour les plus démunis. À chacun de prendre ses responsabilités !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Nous les prenons. Je ne peux laisser dire que la généralisation du tiers payant est une mesurette.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Il faut supprimer la T2A et abroger la loi HPST !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Il faut d'abord relancer la machine économique pour préserver notre modèle social. Il ne s'agit nullement de favoriser les grandes entreprises, mais de faire en sorte que chacun ait un emploi. C'est notre choix et nous l'assumons ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Il n'est pas très efficace !

L'article 4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Tous les articles de la proposition de loi ont été successivement supprimés ; le vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire. L'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.