Saisine du Conseil national d'évaluation des normes

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du Conseil national d'évaluation des normes.

Discussion générale

M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de loi .  - Adoptée à l'initiative de Jacqueline Gourault et de Jean-Pierre Sueur, la loi du 17 octobre 2013 a créé le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) dans la foulée des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat en octobre 2012. De nombreux élus y avaient dit leur exaspération devant la prolifération des normes. Du reste, le Sénat n'avait pas attendu cette date pour se saisir de ce problème...

Ancêtre du CNEN, la Commission consultative d'évaluation des normes ne disposait pas du pouvoir de simplifier les 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales, qui nous coûtent trois points de PIB et placent la France au 121e rang sur 144 au titre de la compétitivité administrative. Le CNEN a fait depuis sa création un important travail d'analyse, mais les attentes des élus locaux restent élevées.

En 2011, notre collègue Doligé avait déposé une proposition de loi visant à simplifier les normes. Rémy Pointereau, qui travaille le sujet au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, s'en est inspiré.

Le CNEN a reçu une double mission : celui de travailler sur le stock et sur le flux - c'est une innovation majeure. Son président, Alain Lambert, ancien président de la délégation aux collectivités territoriales, fait un travail remarquable. Le gouvernement, je n'ai pas de raison de douter de sa volonté, dit s'être doté de moyens dédiés pour réduire les normes - vous nous en direz davantage, monsieur le ministre. Émerge donc une nouvelle culture de la norme. Toute la question est de savoir comment faire ? Chacun, y compris le Parlement, doit fournir un effort.

Il arrive que des décrets dénaturent la loi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un euphémisme !

M. Jean-Marie Bockel.  - Nous sommes aussi, comme parlementaires, de gros prescripteurs de normes : chacun doit balayer devant sa porte tant la simplification des normes est une ambition exigeante.

Depuis novembre dernier, le Sénat, sur instruction de son Bureau, travaille en collaboration avec le CNEN. La saisine de ce dernier est un élément clé de la réussite du dispositif ; sans cela, nous en resterons aux discours académiques.

À l'heure actuelle, les collectivités territoriales, qui tout autant que le gouvernement ou nos commissions permanentes peuvent saisir le Conseil, restent à l'écart du processus en raison des conditions très restrictives de leur possibilité de saisir le CNEN. La faute non à la loi, mais au décret du 30 avril 2014 qui illustre de façon emblématique le processus d'amplification et de paralysie de la norme par les textes d'application. Le décret multiplie les obstacles : à son article 3, il dispose que la demande d'évaluation doit être présentée par au moins cent maires et présidents d'ECPI ou dix présidents de conseil général ou deux présidents de conseil régional. Étrange pesée entre les divers exécutifs, soit dit en passant... Rien de tel n'était prévu par la loi. Faciliter la saisine du CNEN par les collectivités territoriales est indispensable si nous voulons enfin simplifier les normes ! (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois .  - Je veux remercier MM. Bockel et Pointereau. Il arrive qu'un décret s'écarte de la loi, voire la trahisse. C'est le cas de celui du 30 avril 2014. Le Sénat est aux côtés des élus locaux pour lutter contre la prolifération des normes inutiles. Soyons clairs : il y a des normes utiles, dans le domaine de la santé, du travail, de l'environnement ou que sais-je. Mais il en est des normes comme des lois, celles qui sont inutiles font du tort à celles qui sont nécessaires.

Je remercie M. Doligé d'avoir élaboré son rapport, M. Bel d'avoir organisé des états généraux de la démocratie locale après lesquels Mme Gourault et moi-même avons élaboré deux propositions de loi. L'une portait sur les conditions d'exercice des mandats locaux, l'autre créant le Conseil national d'évaluation des normes. Hélas ! avec toute l'amitié et le respect que j'ai pour les auteurs du décret du 30 avril 2014, ce dernier n'est pas conforme à cette loi. Nous avions prévu que toute collectivité territoriale puisse saisir le CNEN, le décret exige la signature de cent maires et présidents d'EPCI, dix présidents de conseil général et deux présidents de conseil régional !

M. Lambert, qui préside avec courtoisie le CNEN...

M. Charles Revet.  - Et qui fait du très bon travail !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ... nous a suggéré plutôt que d'adopter une proposition de loi de demander au gouvernement de modifier son décret.

M. François Bonhomme.  - Chiche !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Nous avons saisi l'opportunité de cette proposition de loi pour procéder à quelques ajustements supplémentaires. D'abord, il nous est apparu plus raisonnable que le Conseil ne fût saisi des textes réglementaires que dans la mesure où ils ont un impact sur les normes applicables aux collectivités territoriales.

Ensuite, les procédures d'urgence. De fait, le Conseil peut être saisi en urgence par le Premier ministre avec l'obligation de statuer dans les quinze jours, ou dans les soixante-douze heures en cas d'extrême urgence.

Or il est arrivé que le Premier ministre demande au Conseil, un vendredi soir, de statuer dans ce délai... Impossible ! D'autant que le sujet n'était pas mince : la loi sur la transition énergétique. Nous proposons, en cas d'extrême urgence, que le délai ne soit pas inférieur à quatre jours ouvrables.

Concernant la soumission des normes sportives au CNEN avant qu'elles le soient à la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres), la commission des lois s'est d'abord montrée prudente vis-à-vis de l'amendement de M. Pointereau. Cependant, notre position a évolué. Considérez cet exemple : cette fédération sportive a décidé un beau jour que les tableaux de score devaient être modifiés, sans quoi le terrain ne serait plus homologué.

M. Charles Revet.  - Les cas de figure sont nombreux !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cela a un coût non négligeable. Dans un monde idéal, les collectivités territoriales pourraient le supporter, mais à l'heure actuelle, il en est autrement.

Enfin, nous avons prévu que les services de l'État concourent à l'évaluation des demandes, car, comme Alain Lambert nous l'a rappelé, le CNEN n'a pas de services propres.

Pour conclure, j'évoquerai un autre texte : une proposition de loi organique prévoit l'annexion systématique de l'avis du CNEN au projet de loi comme l'étude d'impact. Adoptée par le Sénat, elle n'a pas encore été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Je forme le voeu qu'elle le soit bientôt et compte sur le talent de conviction du ministre pour y parvenir.

Cette proposition de loi marque une étape de plus dans l'accompagnement des élus locaux par le Sénat. (Applaudissements)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Dès 2012, le président de la République le disait, 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales, c'est un détournement de la décentralisation. Cette inflation normative, qui suscite incompréhension et irritation, a un coût administratif et financier pour les collectivités territoriales, ainsi que l'ont établi Éric Doligé en 2011, puis Alain Lambert et Jean-Claude Boulard en 2013. Entre 2008 et 2013, malgré les travaux de MM. Doligé et Lambert, le coût brut des normes a été de 5,8 milliards d'euros.

M. Charles Revet.  - Incroyable !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - En 2014, un dispositif efficace a été créé pour réduire ces normes, dont le CNEN installé le 3 juillet 2014.

Le gouvernement s'attache à réduire le stock, ainsi la loi NOTRe reprend quatorze des mesures de la proposition de loi de M. Doligé : assouplissement de la législation relative aux CCAS ; simplification de la mise à disposition des documents sur l'exploitation des services publics ; uniformisation des délais d'adoption des règlements intérieurs ; alignement des règles des accords-cadres sur celles des marchés publics ; fixation à neuf mois du délai relatif au rapport annuel sur les prix des services publics de fourniture d'eau et de ramassage des ordures ; suppression de la délibération préalable à la procédure pour abandon manifeste d'une parcelle, dématérialisation de la publication des actes administratifs ; délai minimum pour la transmission des documents en amont des commissions permanentes ; clarification de la procédure de dissolution d'un EPCI. Votre assemblée le constatera la semaine prochaine.

M. Éric Doligé.  - Cela fait plaisir !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Deuxième exemple, la mission confiée à de grandes inspections rendra ses conclusions en juin. Enfin, des ateliers thématiques ont été mis en place en lien avec les associations d'élus et les associations de cadres territoriaux.

Le décret du 30 avril 2014 encadre trop strictement l'accès des élus locaux au CNEN. Le gouvernement partage votre souci de le faciliter. Il faut néanmoins veiller à ne pas créer un engorgement du Conseil - c'était le but des conditions fixées par voie réglementaire qui, à l'usage, se révèlent excessives.

Je suis prêt à aller dans votre sens et je m'engage à ce qu'une modification du décret intervienne rapidement, après concertation avec le CNEN, en prenant en compte nos débats.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Notre débat aura servi à quelque chose !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Sur le flux, le gouvernement a publié une circulaire le 9 octobre visant l'objectif « zéro charge supplémentaire pour les collectivités territoriales des normes applicables au 1er janvier 2015 ». Vous voulez annexer l'avis du CNEN aux projets de loi. Améliorons plutôt la coopération.

Enfin, restons prudents sur les normes sportives, la Cerfres doit jouer son rôle. Notre politique donne des résultats : les normes ont généré 1,6 milliard d'euros de coût en 2013, 800 millions en 2014 et seulement 19 millions au 22 avril 2015.

Le gouvernement veut aller plus vite, plus loin et plus fort. (Applaudissements)

Mme Françoise Gatel .  - Comme disait Portalis sous lequel nous siégeons : les lois doivent être faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois.

Or l'obligation de disposer de deux vestiaires d'arbitres de football de 8 m² a abouti à déclasser un stade du championnat CFA car si l'un des vestiaires faisait 9,5 m2, le second n'en avait que 7... Autre exemple : un décret de 2011, signé par quinze ministres sur la restauration scolaire a défini le nombre d'oeufs durs à servir aux enfants selon leur taille et leur poids...

L'incontinence législative, déjà dénoncée par le rapport Lambert-Boulard, étouffe l'initiative. Comment concilier deux normes incompatibles, comme celles requises pour les unités Alzheimer, où il faut à la fois empêcher la sortie et disposer d'issues de secours toujours disponibles.

En facilitant la saisine du Conseil, en précisant le champ de son contrôle et en inversant la charge de la preuve, cette proposition de loi donnera satisfaction aux élus locaux. Jeune sénatrice, je m'étonne cependant qu'il faille un décret pour corriger la loi. Peut-être manque-t-il, dans notre maquis législatif, une norme sur la rédaction des décrets ? (Sourires)

M. Jean-Claude Requier.  - Eh oui !

Mme Françoise Gatel.  - Enfin, les normes émanant des fédérations sportives, qui ne sont pas les financeurs, exaspèrent particulièrement les élus. Le texte de la commission des lois y met bon ordre.

Un homme averti en vaut deux, dit l'adage. Il est sage de ne pas prévoir de décret d'application !

Par cette proposition de loi, le Sénat, représentant des collectivités, fait de la chasse à l'inflation normative un combat pour l'efficacité de l'action publique. Le groupe UDI-UC votera avec enthousiasme ce texte ! (Applaudissements)

M. Rémy Pointereau .  - À l'initiative du président du Sénat, la délégation aux collectivités territoriales a reçu compétence, par une instruction du Bureau de novembre dernier, d'évaluer et de simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales. Vice-président de la délégation, j'ai constitué un groupe de travail qui depuis plusieurs mois s'attaque à la prolifération législative. Lors du dernier Congrès des maires, nous avons lancé un questionnaire auquel ont répondu 4 200 élus locaux. Les domaines dans lesquels la simplification est la plus ardemment souhaitée sont l'urbanisme pour 60 % des sondés, l'accessibilité pour 30 %, l'achat public et l'environnement pour 20 %.

La délégation a entendu agir sur le flux. Les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances mais la simplification des normes est désormais au coeur du débat parlementaire. Je compte poursuivre la tâche en reprenant l'excellent travail de M. Doligé et en nous attaquant au stock.

La délégation ne peut y parvenir seule, elle soit s'appuyer sur le CNEN, pourvu qu'on donne à celui-ci les moyens nécessaires. Or le décret du 30 avril 2014 a rendu dans les faits impossible sa saisine par les collectivités territoriales. Les élus sont ainsi exclus d'un instrument créé pour eux...

Pour remédier à cette situation, M. Bockel, président de la délégation, et moi-même avons déposé cette proposition de loi que la commission des lois a enrichi. Ce sera désormais à l'administration, et non au demandeur, de fournir les éléments techniques prouvant la qualité et l'utilité de la norme ; la charge de la preuve est inversée, ce qui facilitera grandement le travail du Conseil.

Les équipements sportifs sont financés à 85 % par les collectivités territoriales. C'est un organisme dédié, la Cerfres, qui est saisi des normes les concernant, non le Conseil national. Que le CNEN donne également son avis me semble appréciable.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi confiait aux associations d'élus la possibilité de saisir le CNEN sur le stock. Cela me parait indispensable : les associations nationales d'élus ont la connaissance du terrain et des moyens d'expertise. Je proposerai un amendement pour rétablir cette disposition.

S'il est bon de motiver une demande, cette motivation doit être succincte, et non un pensum, sauf à faire obstacle à la saisine. J'espère que cet amendement, aussi, sera adopté.

Je compte sur le ministre Vallini et le Sénat pour être le moteur de la simplification des normes ! (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - On reproche souvent aux écologistes leur goût immodéré pour la norme. C'est bien souvent l'outil le plus utile pour protéger notre bien commun qu'est l'environnement.

Ce n'est toutefois pas de ces normes-là que nous parlons mais de celles applicables aux collectivités territoriales, qui procèdent moins d'une logique de régulation collective que d'une mécanique administrative de plus en plus complexe. La norme n'est pas un mal à bannir ; elle peut faciliter l'exercice de droits, rationaliser, uniformiser les pratiques ou encore protéger les élus locaux. Certaines sont devenues disproportionnées, superfétatoires, et leur volume a crû de manière déraisonnable au point de nuire au principe de subsidiarité.

Le Sénat s'intéresse depuis longtemps à ce problème. En 2013, la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), créée en 2008, a été transformée à son initiative en un Conseil aux pouvoirs étendus. Il est chargé de séparer le bon grain de l'ivraie dans les nouveaux projets de normes et la foison des normes existantes.

Le problème est que le décret d'application d'avril 2014 a rendu la saisine du CNEN très difficile, en contradiction avec l'esprit du législateur. Les limites respectives de la loi et du règlement définies aux articles 34 et 37 de la Constitution, sont certes floues et le Gouvernement a beau jeu d'exciper de son pouvoir réglementaire pour conserver des marges de manoeuvre... Mais le Parlement doit affirmer son pouvoir de législateur.

Prenons garde que l'assouplissement des conditions de saisine du Conseil ne conduise pas à son engorgement. Les limites apportées en commission des lois permettront d'éviter cet écueil. La clarification des délais de saisine en urgence ou en extrême urgence va également dans le bon sens -  le Parlement est lui-même habitué des délais déraisonnables, j'ai en mémoire les milliards d'euros du CICE engagés au détour d'un amendement déposé séance tenante dans un collectif...

Les écologistes voteront ce texte ; l'unanimité aidera le Gouvernement à ne pas oublier que nous sommes les législateurs... (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - Depuis des années, les critiques de la prolifération normative s'accentuent. Les textes de loi comptent de plus en plus d'articles, 300 dans le cas de la loi Macron, une centaine pour la loi NOTRe... Cette prolifération n'est pas due à je ne sais quelle volonté perverse, les fonctionnaires veulent bien faire, trouver la norme la meilleure. Nous approuvons la création du CNEN, mais ce texte ne suffira pas à juguler la multiplication des normes. Vouloir remédier aux peurs sociales, répondre à l'incitation médiatique à agir conduisent aussi à accroître les normes en vigueur. Sans compter les cartes et autres schémas qui se multiplient et amoindrissent les libertés locales...

Comment simplifier les normes sans amoindrir la légitimité de l'action publique ? La norme protège aussi... Comment éluder la question des moyens financiers des collectivités territoriales depuis la RGPP ? L'État se désengage, tout en transférant sans compensation toujours plus de compétences. Les collectivités territoriales se retrouvent bien seules pour traiter des sujets parfois très techniques. Délaissées par l'État et ses services, elles se tournent vers des consultants privés, coûteux, qui leur font vivre la « réunionnite » - et leur exacerbation ne cesse de croître. Donner des moyens aux collectivités territoriales, privilégier la concertation et l'alerte restent les moyens les plus efficaces de prévenir la prolifération normative.

L'amendement relatif au double contrôle des normes des fédérations sportives est opportun, de même que les dispositions élargissant la saisine du Conseil et renversant la charge de la preuve.

Veillons à ce que les recommandations du CNEN n'aboutissent pas à une dérégulation, surtout dans les domaines écologiques, sanitaires et de la sécurité de nos concitoyens. À cette réserve près, le groupe CRC votera ce texte. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Requier .  - Une proposition de loi pour simplifier la saisine du Conseil national chargé de simplifier les normes, c'est le comble du comble ! La Ve République a inventé le parlementarisme rationalisé ; il faudrait peut-être imaginer à présent l'administration rationalisée...

La majorité des 900 propositions de simplification contenues dans le programme pluriannuel est d'ordre réglementaire. Le fléau de l'inflation normative touche les collectivités territoriales. Le code général des collectivités territoriales compte 3 500 pages, et ce n'est pas le seul code applicable aux collectivités territoriales, il faut compter avec le code électoral, le code de l'urbanisme, le code de l'éducation, le code de l'environnement et celui de la fonction publique.

L'impact financier pour les collectivités territoriales est considérable. Selon le rapport Belot, « le coût des 163 projets de normes de l'État qui ont donné lieu à une évaluation en 2009 représentaient plus de 580 millions d'euros (...) ; pour 2010, le coût des 176 projets évalués représentait 577 millions. » Espérons que la future loi sur la transition énergétique n'aura pas d'effets aussi dommageables que le Grenelle II qui s'était soldé par la publication de quelque 200 circulaires et décrets. Nous sommes sans illusion sur les effets de clarification de la loi NOTRe...

Le CNEN procède de la réflexion de Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. Le décret d'application d'avril 2014 a restreint excessivement les conditions de sa saisine, vidant la loi qui l'avait créée de sa substance. Cette complexification inexpliquée est le signe d'une certaine défiance envers les élus locaux.

La navette devra être rapide car nous avons déjà débattu de ces sujets. Un peu d'humour pour finir... L'économiste Georges Elgozy définissait l'administration comme « un mot femelle qui commence par admiration et se termine par frustration ». (Applaudissements)

M. Jean-Yves Leconte .  - À côté des normes nécessaires pour la sécurité ou la santé, d'autres sont plus discutables. Ainsi, des mesures édictées par les fédérations sportives, qui ont un coût et pèse sur les collectivités territoriales.

Les travaux de Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur ont donné lieu à deux propositions de loi, sur les conditions d'exercice des mandats locaux - promulguée en janvier - et sur la création du CNEN en remplacement de la CCEN. Les normes sont à présent étudiées en amont par un organisme où sont représentés les élus locaux.

Le décret d'application a toutefois méconnu la lettre et l'esprit de la loi, en fixant des conditions très restrictives à la saisine du Conseil. C'est donc à bon droit que Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau proposent, avec ce texte, que chaque collectivité territoriale puisse saisir directement le CNEN. Le groupe socialiste approuve les autres dispositions de ce texte, la restriction de la compétence du Conseil aux normes relatives aux collectivités territoriales, la clarification des délais...

Le texte s'inscrit dans le droit fil des états généraux de la démocratie locale et des débats sénatoriaux. Avec son adoption, notre Haute Assemblée jouera pleinement son rôle. (Applaudissements)

M. François Bonhomme .  - Les normes, sujet rituel du Congrès des maires de France... Au nombre de 400 000, elles pèsent d'un poids désormais insupportable et sont un frein à l'initiative et à la compétitivité. On ne peut dire mieux que ce propos tenu en novembre 2012 par le président de la République devant les élus locaux. Ces derniers ont naturellement accueilli favorablement les promesses de simplification. « Nul n'est censé ignorer la loi » : l'adage est devenu une forme d'ironie car qui pourrait connaître toutes les normes en vigueur ? Qui saurait départager celles qui se contredisent manifestement ?

Le CNEN est un organisme indépendant créé en 2013. Les conditions de sa saisine ont été fixées par un décret d'avril 2014, dont les dispositions sont manifestement contraires à l''esprit de la loi. La présente proposition de loi y met bon ordre.

Le CNEN a-t-il les moyens de remplir sa mission ? Sans doute non. D'autant que l'ouverture de la saisine aux associations d'élus alourdira sa charge et allongera encore les délais de réponse...

Le mal est plus profond. Nos concitoyens voient encore trop souvent dans la norme une solution à tout. Puisque la mode est au latin avec Mme Vallaud-Belkacem, quod infernum sit in bonum intentiones constravit... Notre pays a produit un pachyderme normatif impossible à mettre à la diète. Une thérapie génique s'impose...

La décentralisation, qui est recherche d'autonomie, appelle une différenciation ; celle-ci produit des différences qui deviennent inégalités. Or l'égalité commande que la règle soit la même pour tous et partout. Pour résoudre cette équation, on imagine des solutions, on imagine des équilibres à coups de péréquation... Nous sommes au coeur de logiques contradictoires, contrariées. Aller plus avant dans la différenciation normative suppose un bouleversement jamais vu depuis la Révolution... Cela mérite à tout le moins un débat national. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Doligé, Mouiller et Lefèvre, Mme Troendlé, MM. Jarlier et Maurey, Mme Cayeux et M. Bockel.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, et les associations d'élus locaux

M. Rémy Pointereau.  - Il faut ouvrir aux associations d'élus locaux la possibilité de saisir le CNEN. Mais sans doute peut-on ouvrir cette possibilité aux seules associations nationales...

Mme la présidente.  - Ce qui en ferait un amendement n°2 rectifié bis.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Avis défavorable. Le texte rend la saisine possible par toute commune, tout département, toute région...

M. Éric Doligé.  - Il n'y en a plus que treize !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ... tous les EPCI, tous les députés, tous les sénateurs, sans compter que le CNEN peut s'autosaisir !

Il n'a pas paru nécessaire à la commission des lois d'allonger la liste. J'approuve la modification que vous venez d'apporter, mais elle ne peut changer l'avis donné par la commission des lois.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Jean-Marie Bockel.  - Pensons à la pratique. Si l'on veut que le travail se fasse, il faut impliquer les associations d'élus. C'est un amendement de simplification et de méthode.

Mme Françoise Gatel.  - Je salue la précision du rapporteur et son souci de ne pas engorger le CNEN. Toutefois, ouvrir la saisine à une association nationale qui centraliserait les demandes serait un facteur de simplification.

L'amendement n°2 rectifié bis est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Doligé et Lefèvre, Mme Troendlé, M. Mouiller, Mme Cayeux et MM. Jarlier et Bockel.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par le mot :

succinctement.

M. Rémy Pointereau.  - La commission des lois a prévu que les demandes d'évaluation seront motivées. Elles ne doivent pas, pour autant, se transformer en pensum.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - La loi dispose que la saisine est motivée, cela suffit ; le texte peut ne faire que trois lignes. Imposer qu'il soit succinct empêcherait les élus voulant rédiger cinq pages de le faire... Retrait ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Claude Requier.  - Sans être du parti socialiste, je me risque à proposer une synthèse. (Sourires) Pourquoi ne pas écrire « même succinctement » ? Cela couvrirait tous les cas.

Mme Françoise Gatel.  - Nous passons notre après-midi à voter un texte pour rectifier un décret. Précisons les choses pour éviter tout écart dans l'application.

M. Rémy Pointereau.  - J'accepte la proposition de M. Requier.

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°1 rectifié bis.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Je ne peux donner un avis favorable à « même succinctement ». « Motivé » suffit !

Mme la présidente.  - Ce n'est peut-être pas fondamental, monsieur Pointereau...

M. Rémy Pointereau.  - Soit.

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 14

Remplacer le mot :

fixé

par les mots :

réduit sans être inférieur

II. - Alinéa 16

1° Remplacer les mots :

En cas d'impérieuse nécessité

par les mots :

À titre exceptionnel

2° Remplacer les mots :

sans être inférieur à quatre jours ouvrables

par les mots :

à soixante-douze heures

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Le délai de quatre jours ouvrables est très contraignant et pourrait gêner le gouvernement. Mieux vaut concilier la gradation définie dans la proposition de loi avec les impératifs de délais auxquels le gouvernement ne peut se soustraire dans des circonstances exceptionnelles.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - J'ai mentionné tout à l'heure la saisine du CNEN en extrême urgence un vendredi soir sur la loi de transition énergétique, avec avis dans les soixante-douze heures... Il faut lui laisser le temps de faire son travail. Quatre jours pour examiner un texte complexe, peut-être de plusieurs dizaines de pages, c'est déjà peu. Avis défavorable.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article unique, modifié, est adopté.

Mme la présidente.  - La proposition de loi est adoptée. (Applaudissements)