Dockers (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Je remercie M. Vaspart pour son premier rapport, remarquable, sur un sujet complexe.

Monsieur le ministre, j'ai été surpris, voire choqué, de vous entendre nous accuser de « défiance » par rapport aux partenaires sociaux alors que vous nous demandez d'enregistrer un accord qu'ils ont conclu. Vous êtes en réalité le père de ce texte, qui a été déguisé en proposition de loi, pour éviter l'avis du Conseil d'État et les études d'impact. En matière de revalorisation du Parlement, on repassera ! Sans compter que la procédure accélérée a été engagée. Les socialistes, en commission, ont de plus refusé tout amendement, même rédactionnel, afin de voter un texte conforme. Est-ce raisonnable ?

Adapter le statut des dockers s'impose, dans un secteur en pleine évolution. C'est ce qu'a fait le rapporteur, en levant les incertitudes juridiques. Mais la commission n'a pas souhaité que ce texte modifie en catimini les règles d'implantation en bord de quai et la définition des dockers occasionnels. Les lois Le Drian et Bussereau ont déjà établi des règles équilibrées, et des négociations sont en cours au niveau européen, n'anticipons donc pas. Au surplus, une partie des nouvelles règles figureront au sein d'une charte que l'on nous demande d'adopter à l'article 6.

Redonnons à ce texte des ambitions raisonnables. (Applaudissements au centre)

Mme Odette Herviaux .  - Le président de la République vient d'inaugurer un nouveau porte-conteneurs géant et de se rendre à Saint-Nazaire. Formidable relais de croissance, gisement d'emplois non délocalisables, notre potentiel maritime doit être préservé. Ce texte y contribue, nous l'accueillons donc favorablement. J'y vois un moyen de dynamiser notre croissance bleue.

Le régime des dockers est remis en cause par l'extinction de la catégorie des intermittents à l'horizon 2018. Les ambiguïtés juridiques existantes pourraient menacer notre compétitivité, donc l'emploi dans nos bassins économiques. Pour anticiper les menaces, le ministre des transports a mis en place dès la mi-2014 un groupe de travail.

Je salue d'ailleurs tous ceux qui s'y sont impliqués. Ce rapport de Martine Bonny a permis, au terme de trente réunions fructueuses, d'aboutir à un accord. Celui-ci n'est pas une entente, mais un compromis réunissant toutes les parties prenantes afin de pérenniser le métier des dockers. Peu modifié à l'Assemblée nationale, ce texte mensualise le statut des ouvriers dockers, luttant ainsi contre la précarisation de la profession. Depuis la réforme du 9 juin 1996, le métier est d'ailleurs redevenu attractif : 60 % des 4 367 dockers mensualisés ne sont pas issus de l'intermittence ; les profils se diversifient. La réforme de 1998 a mis l'accent sur la formation, celle de 2004 sur la formation continue.

La présente proposition de loi conjugue progrès social, simplification administrative et dynamisme économique. On ne pourrait s'y opposer, sauf à vouloir revenir sur les résultats du dialogue social, mais pourquoi donc ?

Progrès social, tout d'abord : le statut des ouvriers dockers mensualisés en CDI est précisé en faisant référence à la convention collective unique de 2011, de même pour la priorité d'emploi. L'article 5 définit le statut de docker occasionnel et sécurise son recrutement en rappelant le droit commun d'encadrement prévu par le code du travail.

Le risque était de voir la règle de la priorité d'embauche devenir inapplicable. Seuls 6 des 31 ports maritimes de commerce comportent des dockers intermittents. La réécriture de l'article L. 5343-7 du code du transport clarifie la règle de la priorité d'embauche.

La proposition de loi précise également la règle de priorité des dockers sur les autres professions.

M. Michel Vaspart, rapporteur.  - Avec quelles conséquences ?

Mme Odette Herviaux.  - L'article 6 assure la sécurité des personnes et des biens. L'article 7 lève les ambiguïtés résiduelles relatives aux dockers intermittents.

Depuis 1991, la Cour de justice de l'Union européenne considère que les dockers sont soumis au droit de la concurrence. La Commission s'est efforcée de mettre cette règle en pratique, en Espagne notamment.

Le rapport de l'Assemblée nationale souligne la nécessité pour le législateur français d'être vigilant sur ce sujet. Il vaut parfois mieux être en avance, monsieur le rapporteur ! Suivre le rapport Bonny vous éviterait les risques de contentieux. Les travaux de chargement et de déchargement seront soumis au respect d'une charte nationale. Les nouvelles implantations industrielles y seront encadrées. La charte contribuera à sécuriser les investissements privés, contrairement à ce que vous pensez. C'était d'ailleurs l'une de nos préconisations dans mon rapport de mars 2014.

Je regrette que la commission ait remis en cause l'équilibre subtil trouvé à l'Assemblée nationale. Nous proposerons donc des amendements de rétablissement de ce texte, pour la sécurité et l'attractivité de nos ports.