SÉANCE

du mercredi 13 janvier 2016

51e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, Mme Colette Mélot.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Simplification des normes d'urbanisme

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution.

M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution .  - Les jours se suivent et se ressemblent : hier, nous adoptions une proposition de loi constitutionnelle qui contribuera, lorsqu'elle sera mise en oeuvre, à limiter la tendance à accumuler les normes redondantes ou disproportionnées, les procédures inextricables qui entravent l'action des collectivités territoriales, déjà affectées par la rigueur budgétaire. Il fallait tarir la source législative de l'inflation normative, en nous rapprochant de la pratique des autres pays européens.

Aujourd'hui, nous rappelons un principe simple : pour une norme réglementaire créée, une autre supprimée ou allégée. Cela suppose une profonde réforme des habitudes administratives à laquelle la circulaire du 17 juillet 2013 ne suffit pas. Nous proposons d'élever ce principe dans la hiérarchie des normes.

Il faut aussi s'attaquer au stock de normes, dont le coût économique, technique et administratif est devenu insupportable, par une action systématique. Par où commencer ? Lors du Congrès des maires de 2014, nous avons posé la question aux élus locaux. Sur les 4 200 réponses, 64 % mentionnaient l'urbanisme et le droit des sols comme des secteurs prioritaires.

La seconde partie de la proposition de résolution identifie une dizaine de pistes à suivre pour simplifier, prouvant que le Sénat est à la manoeuvre. Certaines pistes sont connues depuis longtemps. M. Doligé les mentionnait déjà en 2011, mais beaucoup restent d'actualité. Sans remettre en doute la détermination du Gouvernement, l'adoption de cette proposition de résolution serait un signal fort.

Trois propositions incitent à recourir au droit souple - chartes, référentiels... - pour clarifier les relations des collectivités territoriales avec leurs interlocuteurs.

Quatre appellent à simplifier les règles relatives à la construction et au classement des établissements recevant du public.

Quatre autres appellent le Gouvernement à alléger les formalités des actes et procédures d'urbanisme, telles les études exigées dans les plans locaux d'urbanisme pour les zones humides - qui n'a pas été confronté à la lourdeur en ce domaine ?

Enfin, nous vous invitons à accompagner les communes dans la mise en conformité de leurs équipements d'assainissement collectif et à regrouper les dossiers préalables à la création des ZAC.

Cet ensemble peut paraître hétéroclite et trop technique. C'est qu'il est concret et fondé sur un vécu - un mal vécu souvent.

Cette proposition de résolution est le fruit d'un travail collectif. Je remercie à ce titre MM. Rémy Pointereau et Alain Lambert, ainsi que les commissions permanentes, et en particulier la commission des lois, avec lesquelles nous avons travaillé en bonne intelligence.

Nombreux sont les membres de la délégation, les élus locaux, à souhaiter l'adoption de cette proposition de résolution. Le président Larcher a lui-même donné une forte impulsion à nos travaux. Nous comptons sur le soutien du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC, Les Républicains et RDSE ; M. Joël Labbé applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Bosino .  - En 1991, le Conseil d'État faisait déjà part de son inquiétude devant la prolifération désordonnée des textes et la dégradation manifeste de la norme - le sujet n'est pas nouveau. Le rapport de notre collègue Éric Doligé a abouti à une proposition de loi actuellement en navette que cette proposition de résolution remet en scène.

Trop de normes tue l'idée même de la norme, d'une loi connue et intelligible par tous - c'est un problème démocratique. Les efforts à fournir en la matière sont immenses, même si les collectivités territoriales font déjà preuve d'initiative et d'innovation. De la vivacité de la démocratie dépend la qualité de la loi.

Mais la volonté de réduire les contraintes pesant sur les collectivités locales ne doit pas nuire à la sécurité de nos concitoyens. Limiter ne veut pas dire déréglementer, ce qui serait dangereux. Bien souvent, les élus rejettent des normes qu'ils ne peuvent pas respecter, faute d'un soutien technique et financier de l'État. L'édiction de règles répond le plus souvent à un besoin de sécurité technique et juridique.

Mettre en question l'utilité des normes, c'est aussi avancer des arguments libéraux, ce que faisait Éric Doligé en parlant des normes comme des charges nuisant à notre compétitivité. Il ne s'agit donc pas seulement d'améliorer la sécurité juridique des collectivités territoriales mais de libéraliser des secteurs qui ne le sont pas encore... Ce discours ultra-libéral débridé mène à des catastrophes humaines, sociales ou sanitaires. Nous combattons cette orientation politique.

Ne pourrait-on prévoir systématiquement un volet fixant les règles financières d'application des normes au moment de leur édiction ? Encourager le dialogue avec les autorités délivrant des avis telles les architectes des bâtiments de France (ABF) ou les ARS, pour éviter un recours systématique à la justice administrative ? Le principe « une norme créée, une norme supprimée » est démagogique. La question n'est pas la masse mais l'utilité des normes.

La plupart des mesures, de portée variable, contenues dans la proposition de résolution relèvent du pouvoir réglementaire, des bonnes pratiques ou même du bon sens - on va jusqu'à évoquer les formulaires administratifs. Le débat sur la hiérarchie des normes est en deçà des enjeux ; et l'idée que l'administration serait par nature arbitraire est dangereuse.

La volonté tenace de déréglementer l'urbanisme est inquiétante. Nous ne voterons pas ce texte. Nous demandons en priorité au Gouvernement de cesser les coupes budgétaires et de remettre des fonctionnaires dans les préfectures et les services déconcentrés de l'État, de sorte que les élus locaux puissent mener les politiques pour lesquelles ils ont été élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Delphine Bataille .  - Cette proposition de résolution se veut une réponse à l'enquête lancée en 2014 par la délégation aux collectivités territoriales, qui avait effectivement révélé la préoccupation des élus locaux face à des normes d'urbanismes complexes et difficilement applicables, notamment dans les zones rurales. Et il faut compter en sus avec les textes communautaires... L'inflation normative résulte cependant d'une demande croissante de nos concitoyens en matière de sécurité, de santé, de protection de l'environnement.

Les collectivités territoriales doivent faire face à un étouffement normatif source de lourdeur et de coûts supplémentaires. L'empilement des normes rend le droit de l'urbanisme instable et illisible. La simplification est devenue un enjeu prioritaire aux yeux des maires.

Cette proposition de résolution propose de compenser toute création d'une norme par la suppression d'une autre, ce que le président de la République avait décidé, dès le début de son quinquennat ; le moratoire décidé par circulaire par le Gouvernement Fillon n'avait eu que peu d'effet - le médiateur Alain Lambert soulignant qu'il était resté inconnu de certaines administrations centrales... Désormais, les circulaires sont moins nombreuses et mieux rédigées : elles servent à donner des instructions pour la mise en oeuvre des politiques publiques, des précisions techniques et méthodologiques supplémentaires étant disponibles sur internet. Les préfets et services déconcentrés doivent désormais prendre en compte les réalités des territoires pour l'application des textes.

Il est inutile de transformer les circulaires en décrets. Alain Lambert lui-même demande de rétablir la hiérarchie des normes.

Le processus de simplification engagé par le Gouvernement se poursuit et s'intensifie ; le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a vu ses pouvoirs renforcés. En matière d'urbanisme, plusieurs mesures de simplification ont été décidées récemment, relatives en particulier au permis de construire, dont un décret pris le mois dernier, dont tous les effets ne se font pas encore sentir. Le toilettage du stock de normes peut toutefois être complexe, comme dans le domaine du handicap.

Toutes les mesures préconisées par cette proposition de résolution ont soit été déjà prises, soit annoncées lors du comité interministériel de Vesoul. Le chantier est lancé par le Gouvernement. Notre groupe s'abstiendra dans une attitude positive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Joël Labbé .  - Depuis mars 2013, le choc de simplification annoncé par le président de la République produit ses effets. Je ne suis pas adepte des thérapies de choc, je préfère les évolutions aux révolutions, les petits matins aux grands soirs et les transitions concertées aux bouleversements imposés... Cela vient peut-être avec l'âge... (Sourires) Cette proposition de résolution est le produit du travail non partisan de notre délégation aux collectivités territoriales qui répond à la détresse des maires - que je comprends, ayant été à leur place.

Pour autant, l'écologiste que je suis considère que simplification ne signifie pas déréglementation. Certaines normes ne sont pas arrivées par hasard... Un premier bilan de l'activité du CNEN doit être fait. C'est sur proposition d'Hélène Lipietz que la loi du 17 octobre 2013 a entériné le principe de compensation de toute création de norme par la suppression d'une autre devenue inutile ou obsolète.

C'est avec une certaine satisfaction que j'ose soutenir l'initiative du groupe UDI-UC. (On s'en félicite au centre et à droite)

L'idée d'une charte nationale harmonisant les exigences des commissions de sécurité ou des offices préventionnistes est intéressante, elle apportera de la lisibilité et de l'objectivité.

Les écologistes seront vigilants sur la traduction éventuelle en décrets de cette proposition de résolution. Je m'inquiète d'une application qui pourrait être laxiste de la proposition de délivrance du permis de construire sur la foi d'une simple déclaration de mise en conformité. Ne faut-il pas renforcer les effectifs consacrés au contrôle, plutôt que d'exclure certains actes du contrôle de légalité ? Le respect de la loi ne peut être à géométrie variable.

Mon groupe votera cette proposition de résolution. J'ai eu l'occasion de visiter une zone où cohabitent des habitats alternatifs, yourtes ou autres, dans un esprit respectueux de la COP21... Je plaide pour un droit encadré à l'expérimentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Jacques Mézard .  - Nous voterons cette proposition de résolution bienvenue. Notre pays a une administration particulièrement compétente et efficace ; si nous pouvions l'exporter et y gagner en avantage commercial... Elle est si compétente que nos plus hauts responsables en sont issus... Nous autres élus locaux - tant que les parlementaires ont le droit de l'être (Applaudissements de M. Patrick Abate) - nous connaissons l'inflation des normes et pour cela avons sans doute sur le sujet un avis pertinent à donner...

Il vaut la peine de lire la circulaire du 22 décembre 2015 sur l'application de la loi NOTRe. J'ai fait un peu de droit... Je croyais que seuls les services de l'État étaient concernés par les circulaires. Ce n'est pas le cas de celle-ci qui dispose des compétences des différents niveaux de collectivités territoriales... Tout ce que le contrôle de légalité va essayer de nous imposer... Si voilà l'évolution positive en termes de normes... Monsieur le ministre, on peut faire mieux, sauf à creuser le fossé entre les déclarations publiques et l'action... (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs à droite)

Des lois, il en faut ; mais on le dit souvent, moins on a de textes, mieux on les applique.

Pour rendre service à ce pays, il faudrait que le mécanisme administratif imposé qui mène à la réalisation d'un projet sur des années soit simplifié. Commençons par faire le tri dans la foule des agences, commissions, structures intermédiaires... (Applaudissements sur les mêmes bancs)

M. Alain Gournac.  - Oh oui !

M. Jacques Mézard.  - ... qui font perdre du temps et de l'argent. Un exemple : la commission chauve-souris. Que M. Labbé se rassure, je suis très attaché à leur préservation (Sourires)... Mais un fonctionnaire n'y suffirait-il pas, plutôt qu'une commission de 40 personnes, élus et agents de l'État ?

Nous voterons la proposition de résolution. Et, monsieur le ministre, cessez de faire des circulaires au caractère impératif qui ne s'adressent pas aux bons destinataires ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Rémy Pointereau .  - L'application de la règle prescripteur-payeur est indispensable pour endiguer la profusion de normes et rétablir la confiance entre échelons local et national. Nous devons agir en amont et en aval : principe constitutionnel et toilettage régulier du stock. Cette proposition de résolution complète ainsi la proposition de loi constitutionnelle adoptée hier.

Sur les 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales, on ne décompte que 8 000 lois. Le législateur n'est ni l'unique ni même le principal responsable de l'inflation normative. La plupart de nos voisins ont pris la mesure du problème. Le Royaume-Uni s'oblige désormais à supprimer deux normes applicables aux entreprises lorsqu'il en crée une ; en Italie, c'est la guillotine réglementaire - une échéance est fixée au-delà de laquelle une norme est présumée supprimée, sauf justification expresse par l'administration ; au Danemark, les administrations doivent se déplacer sur le terrain pour évaluer les effets de la réglementation.

L'urbanisme est un champ de simplification prioritaire, ce qu'ont relevé de nombreux rapports en accord avec les élus locaux eux-mêmes. Nous avons reçu les élus locaux pour nourrir les travaux du groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales. Ce sont eux qui nous ont signalé les difficultés auxquelles nous proposons de remédier, sans préjudice des propositions d'Éric Doligé - complexité et chevauchement des dossiers d'urbanisme, difficulté d'application de certaines normes, nombre d'études préalables... On impose les normes parasismiques là où la terre n'a jamais tremblé, c'est même le troisième prix des normes les plus absurdes selon MM. Lambert et Boulard...

La suppression d'une norme pour chaque norme créée, ce n'est pas de la démagogie mais la réalité ! Je souhaite que le Sénat adopte cette proposition de résolution pour envoyer un signal au Gouvernement. Les élus doivent pouvoir disposer du cadre juridique sécurisé qu'ils sont en droit d'attendre. (Applaudissements au centre et à droite et sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Françoise Gatel .  - La norme est un outil et non une fin en soi. Portalis le disait, les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois... Notre pays a besoin de souplesse et de réactivité.

Au dernier forum économique mondial, la France a été classée au 121e rang sur 148 pour le poids des contraintes administratives. 400 000 normes s'imposent aux seules collectivités territoriales. Cette « incontinence normative », pour reprendre les termes du rapport Lambert-Boulard, est un casse-tête pour les élus et surtout un empêchement de faire.

Juguler un flux toujours plus fort est indispensable. Le président Gérard Larcher a fait de la simplification des normes une priorité de notre assemblée. Je salue le travail de M. Doligé, de Mme Gourault et de M. Sueur qui ont été à l'initiative de la loi de 2013 instituant le CNEN. Celui-ci, hélas, est trop souvent saisi en urgence, ce qui l'empêche de travailler correctement. Il préconise de déclassifier certaines normes et d'éviter la surtransposition des directives.

Le choc de simplification se fait attendre : malgré la circulaire de juillet 2013, 303 projets ont été examinés en 2014 par le CNEN, pour un coût d'1,4 milliard d'euros en année pleine...

En octobre 2014, le Premier ministre a enjoint aux ministères de compenser toute charge nouvelle imposée aux collectivités territoriales par un allégement équivalent. On attend les résultats.

Tous les élus locaux ont connu des moments de solitude et de désarroi face à une administration qui empêche de faire, tout en disant comprendre leur position... Les normes sismiques s'appliquent à 21 000 communes contre 5 000 auparavant, même là où la terre n'a jamais tremblé. Et je ne parle pas des trois études différentes à mener avant travaux dans une zone humide... Nous devons nous assurer de l'impossibilité de sortie dans les crèches ou les unités Alzheimer, ce qui contrevient par ailleurs aux normes de sécurité incendie...

Oserai-je parler d'une commune de mon département qui a vu le contexte réglementaire changer trois fois avant de revenir à la case départ pendant la révision de son PLU, obligeant le maire à remettre l'ouvrage sur le métier avant même de l'avoir terminé... Nous marchons sur la tête.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

Mme Françoise Gatel.  - Le législateur en est aussi responsable.

M. Charles Revet.  - Il faut le dire !

Mme Françoise Gatel.  - Saluons donc l'initiative de la délégation aux collectivités territoriales, il nous faut agir. Simplifier n'est pas déréglementer mais la loi ne doit pas empêcher de faire. Le groupe UDI-UC votera le texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. René Vandierendonck .  - Soyons beaux joueurs : la proposition de loi constitutionnelle a été adoptée. Nous sommes donc à quelques jours de son adoption par l'Assemblée nationale et du referendum qui la validera... (M. Rémy Pointereau rit)

Nous avons, avec Alain Richard, Alain Lambert, Jacqueline Gourault, Jean-Pierre Sueur, travaillé au renforcement du CNEM. Jean-Marie Bockel et la délégation ont également beaucoup apporté. Si les choses bougent, le Sénat y est pour beaucoup ! Les observations de la Cour des comptes ont été également un aiguillon : la Cour souligne par exemple le manque d'articulation entre le Secrétariat général du Gouvernement et le CNEN.

M. Vallini a parlé hier d'interprétation facilitatrice des normes de la part des préfets. Le Conseil d'État parle, lui, de droit souple. Que pensez-vous, monsieur le Ministre, de la ligne aérienne du Cantal ? Le préfet devrait considérer que, si la région ne reprend pas cette compétence, le département est autorisé à le faire, au nom de la solidarité territoriale...

Je salue les mesures annoncées lors du comité interministériel aux ruralités à Vesoul. Pour la première fois, de l'ordre est remis dans la réglementation sur les plans locaux d'urbanisme (PLU). Le PLU n'est plus un carcan, il est assujetti aux projets du maire. (On se montre dubitatif à droite)

Saluons aussi les progrès enregistrés au Conseil d'État, à l'initiative de Cécile Duflot (protestations à droite) pour limiter les recours abusifs contre les permis de construire.

Le droit à l'expérimentation, version Labbé ou Pointereau, introduit une possibilité de différenciation. En défendant le Schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT), le Sénat a souhaité qu'il puisse être un outil d'aménagement du territoire appliqué à aux réalités locales. Car si le droit n'est pas aussi souple qu'on pourrait le souhaiter, c'est aussi la faute du législateur !

Ce schéma d'aménagement se situe à la bonne échelle, régionale. Les Scot couvrent moins de 20 % du territoire national. Preuve qu'on peut s'en passer, au bénéfice des SRADT ! Si vous saviez le temps que passent les élus à faire de l'inter-Scot... Il est temps de simplifier ! (Applaudissements des bancs socialistes à ceux du groupe Les Républicains)

M. Mathieu Darnaud .  - Pour le maire que je suis, cette proposition de résolution relève de l'évidence.

Comment en sommes-nous arrivés là, à ce labyrinthe réglementaire où les élus locaux se perdent ? Nous avons tous fait l'expérience, dans nos fonctions actuelles ou passées, de ces tracasseries coûteuses et parfois absurdes. Législateurs ou membres d'un gouvernement, arrêtons de mettre tous les élus locaux sous tutelle. Faisons notre examen de conscience. Les normes d'urbanisme étouffent le développement des territoires, notamment ruraux : la crise de la construction vient aussi de là.

Depuis la grenellisation du PLU, le maire peut se trouver obligé d'abandonner toute urbanisation, tout développement, dans des secteurs ayant fait l'objet d'investissements lourds ! Élus et habitants sont révoltés par l'absurdité des règles. À quoi bon avoir inscrit le principe de décentralisation dans la Constitution, si nous laissons les élus sous la tutelle des administrations de l'État ? (Quelques applaudissements à droite)

Les architectes des bâtiments de France nous sauront gré d'avoir mieux défini leurs missions et limité les facteurs de friction avec les élus.

Je salue le travail de la délégation. La balle est dans le camp du Gouvernement ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Cédric Perrin .  - En 1991, le Conseil d'État parlait déjà de surproduction normative, d'une véritable logorrhée législative et réglementaire. C'était avant les rapports Boulard-Lambert, Doligé, sans parler de l'étude de l'OCDE préconisant de « mieux légiférer en France ». Cette inflation se traduit par des dépenses nouvelles, des procédures complexes, toujours plus longues.

Le groupe UDI-UC propose une charte nationale pour harmoniser le niveau d'exigence en matière de sécurité et d'architecture. C'est en effet urgent. Dans mon département, on a refusé à un vieux monsieur d'installer une porte à l'entrée de son garage, considéré comme trop proche d'un monument historique !

Les actes d'urbanisme de faible importance, dont seulement 22 % font l'objet d'un contrôle effectif de légalité, pourraient en être exclus. Réduire le nombre de documents d'urbanisme relève aussi du simple bon sens. Les normes s'empilent, nos agents n'y comprennent plus rien. Sans compter les disparités d'application entre départements et le zèle de certains fonctionnaires qui ajoutent des obligations...

S'agissant de la mise en accessibilité des bâtiments accueillant du public, les avis des commissions départementales se font attendre, les situations s'enlisent.

Pour nous, il y a urgence à simplifier. En s'y employant, le Sénat sera dans son rôle de représentant des collectivités territoriales. (Applaudissements au centre et à droite)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Les normes sont nécessaires dans un État de droit et dans une société développée. C'est grâce à elles que des progrès considérables ont été accomplis, par exemple, en faveur de l'environnement, de la santé publique, des personnes handicapées. En revanche, à l'évidence, leur prolifération pose problème. À l'origine de celle-ci, le Parlement et les gouvernements successifs.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Jean-Marie Bockel.  - Absolument.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Ce débat est donc l'occasion d'un examen de conscience.

Il y a un problème... donc des solutions. Président du conseil général de l'Isère, j'ai eu à nommer des représentants dans des commissions chargées par exemple des chauves-souris, monsieur le président Mézard. Il m'a fallu des années pour obtenir la construction d'un pont dans mon canton, au nom de la protection des tritons. (Sourires) Maire, j'ai été confronté aux règles relatives à la construction aux abords des monuments historiques - d'ailleurs nécessaires.

Les gouvernements ont essayé d'agir. Mais ce Gouvernement agit beaucoup plus que durant les quinze dernières années, sous l'impulsion du Sénat notamment, et suivant la volonté du président de la République. Nous nous appuyons sur les circulaires des 17 juillet 2013 et 9 octobre 2014.

Les chiffres sont toujours contestables. Mais la DGCL comme le CNEN sont formels : l'objectif de « zéro norme nouvelle » a été tenu en 2015. Chaque norme nouvelle s'est accompagnée de la suppression ou l'allègement d'une norme équivalente.

En 2016, nous allons travailler à améliorer l'évaluation financière des textes. Les administrations centrales ne peuvent plus se contenter de mener la concertation avec les associations d'élus sous la forme d'une brève note d'information, voire d'un e-mail...

Après le flux, le stock. En 2015 une mission d'inspection a formulé 76 propositions. J'ai réuni six ateliers thématiques avec les associations d'élus et des praticiens de la norme, directeurs généraux de services et directeurs de services techniques. Chaque atelier a abouti à une dizaine de propositions. La loi NOTRe comprend seize mesures de simplification, dont douze issues du rapport Doligé. Au comité interministériel de Vesoul, dix-huit mesures nouvelles ont été annoncées.

En outre, une équipe du Secrétariat général à la modernisation de l'action publique sera dédiée au suivi de l'allègement des normes.

Comme je m'y étais engagé auprès de vous lors de l'examen de la proposition de loi de Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau en mai dernier, un décret est enfin paru, qui permet à tout maire de saisir le CNEN - ils devaient auparavant être cent.

Les élus se plaignent certes de l'excès des normes, mais surtout des difficultés d'application.

M. Rémy Pointereau.  - Des interprétations...

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Sur le judicieux conseil de Jean-Claude Boulard, j'ai suggéré au Premier ministre d'adresser au préfet une circulaire leur prescrivant une interprétation facilitatrice des normes, un accommodement raisonnable disent les Québécois. Ce sera chose faite dans les jours qui viennent. Je vous invite à faire connaître aux élus ces innovations.

Vous proposez de remonter dans la hiérarchie juridique le principe de compensation. Je ne suis pas certain que cela soit utile... C'est la culture administrative qu'il faut changer. Agir, ce n'est pas nécessairement édicter, réglementer ou légiférer, comme on a tendance à le croire en France. Cela peut être aussi inciter et conseiller. Dans de nombreux domaines, un référentiel des bonnes pratiques pourrait se substituer à une réglementation trop contraignante. Ainsi des cantines scolaires par exemple. La longueur et le diamètre réglementaires des quenelles varient selon qu'il s'agit d'écoles maternelles, primaires, ou de collèges : un casse-tête pour le gestionnaire d'une cantine commune !

M. Charles Revet.  - On pourrait citer beaucoup d'exemples !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Vous proposez une administration différenciée de nos territoires. C'est déjà possible et le sera plus encore désormais, puisque l'article premier de la loi NOTRe donne aux régions un pouvoir d'adaptation des normes, qui garantira l'égalité des citoyens si deux conditions sont remplies : une différence objective de situation ou un motif d'intérêt général et une différence de traitement en rapport direct avec l'objectif poursuivi par le législateur.

M. René Vandierendonck.  - Très bien !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Enfin, on ne mesure pas encore le rôle des CTAP, qui peuvent décider de déléguer telle compétence à tel échelon territorial.

L'idée d'une charte nationale pour harmoniser le niveau d'exigence de sécurité ou de prévention est intéressante. En revanche, alléger les normes parasismiques là où la terre n'a jamais tremblé est plus complexe. Je suis en discussion avec le ministère de l'environnement, et ce n'est pas facile. (Rires)... Comme il est compliqué de simplifier ! Simplifier le PLU : cela a été annoncé à Vesoul. Même chose du contrôle des actes secondaires ou de l'ajustement de la fréquence du contrôle sur les installations électriques. Je tiens à votre disposition la liste des mesures de simplification en cours, mais je ne vais pas vous les lire toutes. Il y a le degré d'inclinaison des bordures de piscine par exemple... (Même mouvement) Oui, on en est là ! De même, une vidange annuelle des piscines suffira désormais. Tout cela paraît loin des administrations centrales, mais c'est la vie quotidienne des élus, et mon travail est d'abord là.

Le Gouvernement étudiera attentivement chacune de vos propositions, et s'en remet à la sagesse du Sénat sur ce texte. (Applaudissements)

La proposition de résolution est adoptée.

(Applaudissements au centre et à droite)