SÉANCE

du jeudi 4 février 2016

62e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : M. Bruno Gilles, Mme Catherine Tasca.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Traité transatlantique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture et l'aménagement du territoire, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement (demande du groupe communiste républicain et citoyen).

Discussion générale

M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution .  - Ce n'est pas la première fois que nous débattons de ce projet de partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement (PTCI).

Par une précédente proposition de résolution européenne, j'avais alerté sur les conséquences dramatiques de l'institution d'un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et État ; elle avait été adoptée à l'unanimité. J'espère qu'il en ira de même pour celle-ci, qui porte sur les conséquences qu'aurait le traité transatlantique sur l'agriculture et l'aménagement du territoire.

Les États-Unis se sont lancés, en ce début du XXIe siècle, dans une politique active d'accords bilatéraux ou multilatéraux, visant non seulement à réduire les droits de douane, mais à lever les obstacles non tarifaires aux échanges : développement durable, marchés publics, réglementation des investissements, de la propriété intellectuelle, procédures, concurrence.

Le président Obama, invoquant la signature du traité du partenariat transpacifique déclarait que cet accord renforcerait le leadership américain et renforcerait l'emploi aux États-Unis : on est loin d'un accord « gagnant-gagnant » !

Le commerce extérieur français représente 30 % de notre PIB et occupe un quart de nos salariés. L'aéronautique, la pharmacie, la chimie, l'agriculture et l'agroalimentaire, le luxe et l'armement sont nos plus gros secteurs d'importation, sans oublier le nucléaire.

L'Allemagne est de loin notre premier partenaire : 17 % de nos échanges. Nos cinq premiers partenaires, tous compris (Allemagne, Belgique, Italie, Espagne et Royaume-Unis) représentent la moitié de nos exportations. Mais nos échanges intra-européens stagnent et le commerce avec les émergents est versatile. D'où l'idée d'un accord transatlantique qui démantèlerait les barrières tarifaires et non-tarifaires.

Or notre agriculture est confrontée à des difficultés graves et récurrentes. Nous ne sommes plus que la cinquième exportation mondiale, alors que nous étions deuxième il y a peu. Cela menace des services de proximité : vétérinaires, abattoirs, commerces ruraux.... Le volet agricole du partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement aggravera les difficultés.

La filière de l'élevage serait la première touchée car les normes sanitaires et sociales sont sources de distorsion de concurrence entre les États-Unis et l'Union européenne.

L'industrialisation des fermes et la concentration géographique qui s'ensuivrait aurait des conséquences environnementales lourdes.

La filière lait serait très menacée par la disparition des labels de qualité. Les Américains commercialiseront de nombreux fromages dont la dénomination d'origine européenne a été convertie en marque...

La Commission européenne affiche sa détermination, mais la négociation risque de la mettre à l'épreuve. Bref, les objectifs qui nous tiennent à coeur risquent fort d'être remis en cause par le traité. Merci aux rapporteurs de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques de leur soutien. Le choix de société auquel nous exposent ces négociations doit faire l'objet d'un débat démocratique. (Applaudissements à gauche et sur le banc des commissions)

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Ce partenariat n'est pas un traité ordinaire, puisqu'il porte sur des normes qui pourraient acquérir une portée internationale, vu le nombre des échanges concernés. Cette proposition de résolution européenne ne s'oppose pas à une adoption du traité mais exprime l'inquiétude des parlementaires sur la transparence des négociations ainsi que sur les conséquences du traité sur l'agriculture, et en particulier sur l'élevage.

L'Europe achète 13 milliards de dollars de produits agricoles aux États-Unis et leur vend 20 milliards. C'est bien moins que dans l'industrie ou les services. Mais l'agriculture est un domaine particulièrement sensible sur des deux côtés de l'Atlantique.

La commission des affaires économiques considère que la libéralisation des échanges Europe/États-Unis menace fortement notre élevage et tout particulièrement notre élevage bovin. Alors que nos bêtes sont nourries à l'herbe, le maïs OGM est leur aliment de base aux États-Unis. De plus, l'importation massive des pièces nobles, comme l'aloyau, que les Américains délaissent, ferait considérablement chuter les prix chez nous - ce dont nous n'avons vraiment pas besoin ! Pour l'instant, la force du dollar voile ce risque. J'ajoute que l'Europe et la France exporte des vins protégés par des appellations d'origine, alors que les Américains ne reconnaissaient que les marques.

Sur la méthode, les Américains ont consenti un effort important en apparence en acceptant de supprimer les droits de douane sur 97 % des lignes tarifaires. Mais il y a fort à parier qu'ils exigeront en contrepartie de pouvoir exporter sans mention leurs produits génétiquement modifiés. En outre, chaque État fédéré pourrait revenir sur la position adoptée au niveau fédéral. Le calendrier est inquiétant, car l'administration Obama n'a plus beaucoup de temps, et cela risque de conduire au sacrifice de l'agriculture. Nous souhaitons que l'accord respecte la sécurité alimentaire des consommateurs.

Bref, cette proposition de résolution européenne correspond bien aux positions prises par notre commission depuis des années. Mieux vaut l'absence d'accord qu'un mauvais accord. (Applaudissements)