Ancrage territorial de l'alimentation (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Daniel Gremillet .  - Les indicateurs de l'agriculture sont au rouge. Oui, il faut redonner de la compétitivité à nos agriculteurs. Cela passe par des décisions fortes, supprimant certaines normes.

Je partage l'attachement à l'ancrage territorial, mais j'ai été choqué par l'emploi systématique de l'adjectif « durable » : quel message envoie ce texte à notre agriculture, assise sur des savoirs séculaires et qui évoluent tout le temps ? La notion d'agriculture durable ne repose sur aucune définition juridique et exclut arbitrairement des agriculteurs, aggravant les oppositions. Les IGP et AOC correspondent parfaitement à l'objectif d'ancrage territorial.

Ensuite, pourquoi légiférer, alors que les collectivités territoriales ont expérimenté des solutions ? Comment fournir 20 à 50 000 cuisses de poulet simultanément pour des restaurations collectives qui se concentrent ?

Imposer un pourcentage est périlleux, faute d'une production suffisante. Dans les Vosges, 7 % seulement du lait est bio, mais il est intégralement envoyé en Mayenne, faute de transformateurs. Il n'y a pas mieux qu'une coopérative pour garantir l'ancrage territorial.

Troisième inquiétude, aucune étude d'impact sur les coûts, sachant qu'en quelques décennies, nous sommes passés de 35 à 20 % du budget des ménages pour l'alimentation.

M. Jean Desessard.  - Il faut accepter de remonter cette dépense.

M. Daniel Gremillet.  - Enfin, dans le fond, l'offre bio ne saurait suffire : à quoi servirait de produire bio si les produits ne sont pas consommés ? Seule l'éducation au goût et aux produits le garantira.

Dans ces conditions, le groupe Les Républicains, qui soutient l'ancrage local, amendera ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Desessard .  - Saluons Mme Allain et le rapporteur Joël Labbé.

La filière bio serait trop peu développée pour atteindre l'objectif ? C'est faux. Moins de 400 000 hectares suffiraient à fournir 3 milliards de repas par an, soit les 20 % visés. La culture bio représente, fin 2015, 1,3 million d'hectares, dont 220 000 hectares convertis dans l'année.

La moitié des importations est constituée de produits exotiques ou de spécialités gastronomiques. Aujourd'hui plus de vingt plateformes bio existent ; elles couvrent 70 % des départements et sont plutôt en attente de commandes qu'en manque d'offres. En fait, la question n'est pas tant de la quantité que de l'organisation du marché et de la rencontre de l'offre et de la demande : c'est là que nous avons notre rôle à jouer, pour organiser un mouvement qui est en marche.

Les circuits courts garantissent le faible nombre d'intermédiaires mais pas la distance ? Soyons sérieux, chers collègues, si théoriquement les produits peuvent venir du bout du monde, cela ne sera jamais qu'une minorité. Les filières bio rémunèrent mieux les agriculteurs - ce n'est pas rien dans une période de crise.

Nous soutiendrons un amendement rétablissant par l'article 5 le « fait maison » dans la restauration collective pour reconnaître les efforts et le savoir-faire de nos cuisiniers, notamment scolaires.

Voter ce texte, c'est soutenir une agriculture de qualité, plus respectueuse des consommateurs et des producteurs. (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain)

Mme Nicole Duranton .  - On ne peut que saluer l'objet de ce texte, dont l'article 2 étend les compétences de l'observatoire créé par la loi d'avenir. Ne confondons pas circuits courts et de proximité. Les premiers impliquent un faible nombre d'intermédiaires, alors que les circuits de proximité impliquent une faible distance géographique.

Si les collectivités territoriales n'appliquent pas les objectifs issus du Grenelle de l'environnement, c'est pour des raisons de fond qui doivent être traitées. Ne faisons pas de surenchère. Au-delà du coût supplémentaire du bio, les collectivités se sont souvent donné des objectifs de proximité. Mais les cuisines centrales sont aussi confrontées au problème de la fraîcheur des produits, qui doivent donc être préparés au plus près des producteurs. Voici un frein réel auquel remédier. Nous devrions plutôt chercher à accompagner les élus locaux, acteurs majeurs.

Confrontons le texte à la réalité : elle nous dit qu'il n'est pas nécessaire de légiférer.

N'oublions pas l'agriculture raisonnée. Des villes, de l'Eure notamment, mettent au point des programmes reposant sur la qualité et la fraîcheur, sans que ces produits soient forcément issus de l'agriculture biologique. Pourquoi imposer du bio alors que de nombreux agriculteurs, en détresse, produisent de la qualité ? (Applaudissements à droite)

Mme Frédérique Espagnac .  - Saluons la mémoire de notre collègue députée Sophie Dessus, grande amie de l'ancrage territorial et rural. (Applaudissements unanimes). J'ai aussi une pensée pour Jean Vachoux, un ami haut-savoyard. (M. Loïc Hervé approuve. Applaudissements unanimes)

Merci à Brigitte Allain et à Joël Labbé pour leur travail. Il faut aller plus loin dans le circuit court. Chacun d'entre nous est convaincu de l'intérêt de ce texte dans le grand pays agricole qui est le nôtre.

La Blonde d'Aquitaine, l'Ossau-iraty, ces AOC peuvent trouver une coopération avec des collectivités territoriales. La cuisine commune de l'agglomération paloise est un exemple pour les repas équilibrés, bio, avec son action éducative, bien notée par Que choisir.

Chaque collectivité, à son niveau, fait son possible. Pour ma part, je soutiens des partenariats public-privé pour les circuits courts, ou encore le dispositif « Un fruit pour la récré ». Bravo pour l'initiative concrète que constitue cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Michel Le Scouarnec applaudit également)

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Cette proposition de loi vient à point nommé après le salon international de l'agriculture, et dans cette période de difficultés pour les agriculteurs - catégorie professionnelle la plus touchée par le suicide.

Nous connaissons tous des éleveurs passionnés mettant un point d'honneur à fournir des produits de qualité.

Trois milliards de repas sont servis par la restauration collective. Le repas pris à la cantine est parfois le seul de la journée à être bien équilibré ; on ne peut donc que se féliciter de cette initiative. La cantine peut éduquer un palais, inciter plus tard à être attentif à la qualité et à l'origine des produits. Bravo aux maires qui mènent déjà des initiatives. Le « manger local » doit être soutenu.

Pourtant, fixer des objectifs chiffrés est-il la meilleure façon d'y parvenir ? La loi du 13 octobre 2014 nous offre déjà des outils. Les collectivités territoriales se plaignent des contraintes et des normes -  et ce texte en apporte de nouvelles. (M. François-Noël Buffet renchérit) Faisons confiance aux territoires, aux élus locaux, aux agriculteurs.

Je voterai ce texte sous réserve de l'adoption de certains amendements. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Franck Montaugé .  - Je salue l'engagement sincère de Joël Labbé. Gardons-nous de faire de ce texte un enjeu politicien. N'opposons pas agriculture bio, raisonnée et conventionnelle : leur complémentarité est une chance pour la France. Ce texte ne remet nullement en question la possibilité pour toutes de répondre aux appels d'offre.

Plateformes départementales, agricultures locales, abattoirs locaux dans le Gers, les exemples sont nombreux prouvant que l'ancrage local peut être synonyme de compétitivité. Les futurs plans régionaux de l'agriculture durable seront des outils précieux. Par effet de levier, cette loi facilitera l'accès des produits durables à la grande distribution. Ne nous voilons pas la face devant les stratégies agressives des concurrents à l'agriculture française. Ce texte donne à l'une de ses composantes le soutien qu'elle mérite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je note le consensus sur les objectifs. La loi ne peut rien en l'absence de plans régionaux efficaces. Je l'ai vu dans les pays de la Loire, les hôpitaux ont besoin que l'ancrage local se conjugue avec la régularité d'approvisionnement. L'inclusion des chambres d'agriculture y pourvoira.

Je note que la divergence porte seulement sur l'objectif de 20 % de produits bio, pas sur les 40 % de produits locaux et de qualité. Il y a eu un débat à l'Assemblée nationale, mais il s'est conclu par un vote unanime. Nous avons doublé le budget de la filière bio de 90 à 180 millions d'euros : c'est son succès qui nous incite à faire encore mieux. Mais cela nécessite de l'organisation, qui est permise par la fixation d'objectifs précis. Je souhaite que le Sénat trouve un consensus global comme l'Assemblée nationale, prenant à son compte les corrections de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 9° du I de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« 9° D'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, notamment par des actions en faveur du maintien des abattoirs à proximité des élevages ; de favoriser la diversité des produits et le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ; ».

M. Michel Le Scouarnec.  - L'abattage a toujours été encadré. Les abattoirs sont un maillon indispensable à la traçabilité, notamment bio. La proximité serait un élément souhaitable. Nous ne considérons pas que soit opposable la directive sur la concurrence car il y a bien ici intérêt général. Le maillage du territoire est indispensable.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Les légumeries et les abattoirs de proximité sont indispensables. Avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Cet amendement n'a pas sa place dans un débat sur l'alimentation. Vous parlez des mails que vous recevez ; je ne parlerai pas des insultes que j'ai reçues après certaines images diffusées par les médias sur des situations déplorables dans certains petits abattoirs : le bien-être animal et les conditions sanitaires sont loin d'être garanties partout ! Or multiplier les abattoirs, c'est augmenter le risque de telles dérives. Multiplier les abattoirs n'est pas envisageable tant que l'État n'est pas en mesure de garantir la sécurité des conditions d'abattage et de bien-être animal. Avis défavorable. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Raison.  - Le ministre a raison. Un abattoir ne se décrète pas, c'est un outil de service qui ne peut exister que s'il a des clients, au-delà d'une autorisation du ministre... Et il faut que les abattoirs soient compétitifs.

M. Daniel Gremillet.  - Même avis. On ne peut pas défendre la sécurité sanitaire et prendre ces risques. Il ne s'agit pas seulement de bien-être animal. Cela créerait un précédent regrettable sur le conditionnement de fruits et légumes, par exemple.

M. François Patriat.  - Il y a déjà en France des abattoirs de proximité à la limite de la sécurité et qui ne sont pas rentables. La proximité est parfois un leurre, pour des outils qui nécessitent une compétence trop importante. Cet amendement n'est pas réaliste.

Mme Annie David.  - Je soutiens l'amendement de M. Le Scouarnec, qui a reçu un avis favorable de la commission. Nous ne parlons pas d'obligation, mais seulement d'encouragement au maintien. Dans un circuit court, il faut un abattoir de proximité. Une commune de montagne de mon département a perdu son abattoir, ce qui prive du label montagne les viandes produites, alors que les bêtes ont grandi dans nos alpages... (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Franck Montaugé.  - Nous avons tous cherché à sauver des abattoirs, dans le cadre par exemple d'un pôle d'excellence rurale, avec des éleveurs groupés en association et entrant au capital. Cet amendement n'oblige pas, mais incite au maintien ; je le soutiens.

M. Gérard Bailly.  - Il ne faudrait pas voir disparaître encore de nouveaux abattoirs. Le maire de Lons-le-Saunier nous l'a dit : 300 bovins sont tués pour permettre un circuit court. Pour la saucisse de Morteau, il faut maintenir un abattoir. Puisqu'il s'agit de maintien, et non de développement, je le soutiens.

M. Bernard Delcros.  - L'abattoir est parfois indispensable.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Je comprends M. le ministre, qui ne mérite pas d'être accusé de tous les maux. Mais il faudra bien des moyens pour contrôler. Les services vétérinaires au temps de leur splendeur en avaient.

M. Daniel Raoul.  - Avec quel argent ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Si l'on veut des abattoirs partout... (Exclamations)

Mme Annie David.  - Ce n'est pas ce que nous demandons !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Dans le même temps, on veut doubler le bio, ce qui nécessitera plus de volonté. Si tout le monde est d'accord pour alourdir la dépense publique... Et encore ! Proximité ne signifie pas toujours efficacité. Si une région ne manque pas d'abattoirs, c'est bien la Bretagne, monsieur Le Scouarnec.

La proximité n'est pas nécessairement synonyme de qualité - et ce débat n'a pas sa place ici. Oui, nous avons besoin d'abattoirs de qualité, contrôlés : c'est cela que nous devons assumer collectivement.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission.  - Ce matin, la commission en a débattu et adopté l'amendement. Monsieur le ministre, nous ne voulons que maintenir les abattoirs qui existent, avec les moyens de l'État tels qu'ils existent. (Marques d'approbation à droite)

M. Yannick Vaugrenard.  - Oui cet amendement vise le maintien, pas la création d'abattoirs nouveaux. C'est de toute façon affaire d'aménagement intelligent du territoire. Il est vrai que nous ajoutons un peu de normes... Nos propos sont parfois contradictoires...

M. François Fortassin.  - L'implantation actuelle des abattoirs est liée à des considérations locales... Pourquoi la ville de Toulouse qui compte un million d'habitants n'en a-t-elle pas ? Il y a un abattoir dans l'arrière-pays niçois, un autre à Sisteron, un autre encore à Dijon... Comment faire des circuits courts dans ces conditions ? Pourquoi ne pas construire des abattoirs qui ne fonctionneraient qu'un ou deux jours par semaine, avec un personnel dûment formé ? Je comprends la position du ministre mais je voterai l'amendement.

L'amendement n°6 est adopté, et devient un article additionnel.

ARTICLE PREMIER

M. Michel Raison .  - Ne faisons pas croire à nos concitoyens que les circuits courts sont la solution miracle pour sauver notre agriculture. La ferme France présente encore un excédent commercial de 10 milliards d'euros et hier soir, le secrétaire d'État au commerce extérieur nous a dit son attachement à la vocation exportatrice de notre agriculture. La vente directe pouvant atteindre 10 % de la production, il faut encore en commercialiser 90 %...

Notre agriculture tout entière, ensuite, produit de la qualité. Il y a eu certes des excès dans les années 50 ou 60, mais cette période est révolue !

M. Félix Desplan .  - L'élu guadeloupéen que je suis ne peut qu'apprécier l'objectif de ce texte d'encourager les circuits courts et le local. Encore faut-il que la production locale puisse répondre à la demande à un coût raisonnable, ce qui n'est pas le cas... Et en Guadeloupe, le bio ne représente que 1 %... Les objectifs de 40 % et de 20 % sont inaccessibles. Mais s'en fixer sera un levier utile pour le changement. Je voterai cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Roland Courteau.  - L'objectif de développer les circuits courts est fixé depuis plusieurs années, leurs avantages sont patents, pour la qualité de l'alimentation comme pour l'environnement. Je regrette que l'objectif de 20 % ait disparu du texte de la commission. Je suis favorable au bio comme à l'agriculture raisonnée. Il est vrai que les produits bio ont un coût de production supérieur, mais celui-ci est à mettre en balance avec la création d'emplois non délocalisables et de valeur ajoutée pour les territoires. Sans compter qu'il peut être abaissé en luttant contre le gaspillage alimentaire. Il y a là d'importantes marges de manoeuvre. La restauration collective est un terrain d'expérimentation et de démocratisation de la nourriture de qualité. Je partage l'objectif de l'article premier et de la proposition de loi.

M. Henri Cabanel.  - La restauration collective représente le quart de notre alimentation, on parle ici de 20 % de bio : c'est faible. En 2015, deux tiers des Français ont consommé bio dans l'année, la tendance est là... J'espère donc que nous nous entendrons et que nous aurons un vote unanime, comme à l'Assemblée nationale.

M. Gérard Bailly.  - Cette proposition de loi va dans le bon sens, surtout quand on voit les quantités que nous importons. Je suis favorable à l'ancrage territorial. Mais il faut y regarder de près. On ne peut pas laisser entendre que tout ce qui n'est pas bio est mauvais pour la santé... Aucune étude ne démontre d'ailleurs qu'en mangeant bio on vit plus vieux et moins malade...

Les magasins U étiquètent Origine France une viande de boeuf né, élevé et abattu en Irlande, découpée en Grande-Bretagne ; La Vache qui rit est produite à Lons-le-Saunier... avec des fromages importés : où est le local ? Donc oui au principe, mais... il y a des mais !

M. Christian Manable.  - La restauration collective représente trois milliards de repas par an et 7 milliards d'euros d'achats. De nombreuses collectivités territoriales, de toute tendance politique, se sont engagées dans les circuits courts. Ancien président du département de la Somme, j'ai pris des initiatives en ce sens dès 2010 et aujourd'hui, quarante collèges sur cinquante sont ravitaillés ainsi en tout ou partie. Tout le monde y gagne, du cuisinier à l'élève, en passant par les producteurs locaux et la planète, via le bilan carbone. Pour quel coût ? Certains produits bio sont plus chers, mais pas tous. Je comprends mal l'attitude de nos collègues du groupe Les Républicains : hier enthousiastes pour le Grenelle, frileux aujourd'hui... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Kennel, Mmes Cayeux, Lamure, Gruny et Procaccia, MM. Charon, Delattre, Lefèvre, D. Laurent et P. Leroy, Mme Hummel, MM. Milon, Longuet et Mouiller, Mmes Giudicelli et Deromedi, M. Houel, Mme Primas et M. Pointereau.

Supprimer cet article.

M. Alain Vasselle.  - Les élus n'ont pas attendu la loi pour développer les circuits courts. Ce texte risque fort de n'être qu'un outil de communication... Les élus demandent un accompagnement de l'État, pas des normes contraignantes sur les compositions des repas ; ces seuils sont difficiles à atteindre pour les producteurs français, surtout qu'il faut compter avec les règles de marchés publics. Mieux vaut supprimer cet article.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Supprimer l'article, c'est supprimer la proposition de loi. Nous n'imposons pas une norme, mais nous fixons un objectif, sans prévoir de sanction : structurer la demande pour mieux structurer l'offre. (Mouvements divers à droite)

M. Didier Guillaume.  - Ce débat est devenu idéologique, alors qu'il devait être territorial. Nous avons tous voté les 20 % de produits bio dans le Grenelle.

Pourquoi opposer le bio et le conventionnel ? C'est absurde ! Plus personne ne veut revenir sur les 20 %, les agriculteurs savent que c'est difficile mais qu'on touche au but, tous les débats auxquels j'ai assisté au Salon de l'agriculture le confirment ! Votre position est passéiste, votre combat d'arrière-garde ! Les agriculteurs ont désormais accès aux marchés publics, c'est une première, validée par Bercy ! Voilà le progrès ! N'opposez pas les agriculteurs, rassemblons-nous, alors que l'agriculture est en crise. La société française est en demande ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les 20 % bio sont d'intérêt national : nous n'aurons pas de filière bio suffisamment diversifiée si on ne garantit pas aux producteurs une masse critique sur le marché national. Voyez ce qui se fait en Allemagne. L'avantage de l'objectif chiffré, c'est de fixer un horizon et de soutenir la structuration d'une filière d'avenir, qui a aussi vocation à exporter ! On lit aujourd'hui dans la presse que la consommation de pesticides a augmenté de 9 % en un an, on ne peut pas rester sourd aux interrogations de la société ! Les collectivités locales ne vont pas toutes au même pas, il faut les aider en généralisant, en posant cet objectif de 20 % attendu par nos concitoyens et nos agriculteurs. Je ne comprends pas votre obsession... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean Desessard.  - Pourquoi êtes-vous si frileux ? Le développement du bio est bon pour les consommateurs, pour l'environnement, pour les producteurs que vous prétendez défendre ! Qu'on discute des moyens de la conversion, d'accord, mais n'allez pas à contre-courant !

Est-ce que manger bio fait vivre plus longtemps ? Je ne sais pas, je n'en ai pas encore fait l'expérience... (Sourires) Mais ce que je sais, c'est que pour la première fois l'espérance de vie diminue... On mangeait mieux avant, on mangeait plus sain ! Avec la chimie, on vit moins longtemps...

Mme Marie-Christine Blandin.  - Cet article devrait plaire à nos collègues de droite : il est inspiré par la logique du marché, selon laquelle la demande crée l'offre et structure la distribution, tout cela au service de l'emploi local... Voulez-vous favoriser la fabrication de tracteurs à l'autre bout du monde et de molécules par Monsanto, ou créer des emplois dans nos territoires ? Mme Férat, rapporteure spéciale pour l'enseignement agricole, demandait plus de formations au bio et à l'agro-écologie. Le ministre a accepté et vous supprimez les débouchés ! M. Barbier a fait un rapport sur les perturbateurs endocriniens, il est édifiant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

M. Michel Raison.  - Le non bio n'est pas malsain ! L'espérance de vie est sensible à des aléas climatiques ou sanitaires, elle ne diminue pas. Notre agriculture est dans une situation difficile qui interdit l'usage des slogans et des pourcentages... (Applaudissements à droite)

M. Yves Détraigne.  - Tout ce qui est excessif est insignifiant, dit un adage... Il y a de la place pour l'agriculture bio comme pour l'agriculture conventionnelle : il est bon d'avoir le choix, elles ne s'opposent pas. L'agriculture conventionnelle n'est pas synonyme de problème de santé ou de pollution. Nous avons dans la Marne un pôle de recherche agro-ressources où nous accueillons des chercheurs de tous les pays qui travaillent sur de nouveaux modes d'agriculture, plus compétitifs mais répondant aussi aux nouvelles attentes des consommateurs.

Si nous mangeons à notre faim, si nous avons des champions dans l'agro-alimentaire, c'est grâce à notre agriculture conventionnelle. Il ne faut pas la vouer aux gémonies, seulement lui donner un cadre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Joël Guerriau.  - Je suis toujours surpris quand on fixe des objectifs en pourcentage : sur quelles bases les fixe-t-on ? On ne fait pas confiance à ceux qui produisent. On ne pourra pas faire des circuits courts partout.

Dans ma commune, il y a deux produits bio à chaque repas dans les cantines scolaires. Et la qualité. Sur les 17 lots de restauration collective, tous sont attribués à des producteurs français, le plus éloigné est dans le Bas-Rhin. Et cela grâce à une clause de livraison rapide, y compris en cas de demande urgente. Voilà une solution pragmatique. Ce qui compte, c'est le bon sens, et la confiance faite aux agriculteurs.

M. Yannick Vaugrenard.  - Je n'ai pas compris ce qu'allaient voter les deux intervenants auxquels je succède. Supprimer cet article, c'est supprimer la proposition de loi. Si l'Assemblée nationale a été unanime, c'est que l'opinion publique est en demande. Pourquoi le ton monte-t-il à ce point ? Personne ici n'est hostile à l'agriculture conventionnelle, pour autant qu'elle soit encadrée - et elle l'est. Cela n'a aucun sens de l'opposer au bio. En plus, les 20 % ne s'appliqueraient qu'aux contrats signés à partir de 2020...

M. Marc Laménie.  - Il ne faut pas opposer les formes d'agriculture, surtout qu'il y a du pour et du contre, des réussites et des échecs. Nous devons défendre les producteurs de qualité ; et la question de la restauration collective n'est pas simple non plus. Il faut faire confiance, nous le savons bien. Comme on dit, le bon sens l'emportera...

M. François Patriat.  - Cette loi n'est pas normative mais incitative, comme pour les énergies renouvelables : vous l'avez fait pour elles, pourquoi pas ici ? Alors que l'agriculture est en crise, les enquêtes montrent que l'agroécologie et le bio ont les meilleurs résultats. Mais personne ne remet en cause la vocation exportatrice de l'agriculture française. Cette proposition de loi va dans le sens de l'intérêt du monde agricole et dans celui de notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Catherine Procaccia.  - Si les 20 % s'appliquent à toute la restauration collective, l'hôpital est-il concerné ?

M. François Fortassin.  - Je m'abstiendrai, la majorité de mon groupe votera contre. Tout le monde est sensible à l'intérêt de l'agriculture biologique mais son rendement étant moindre que celui de l'agriculture traditionnelle, les produits bio seront nécessairement plus chers...

M. Jean Desessard.  - Tant mieux pour les agriculteurs !

M. François Fortassin.  - Mais tous les consommateurs n'en ont pas les moyens... Faute de m'être fait une idée claire, je m'abstiendrai dans ce débat où je déplore des excès quasi religieux...

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission.  - Rassurez-vous le débat est laïc, M. Labbé peut en témoigner... (Sourires) J'invite au retrait de l'amendement, nous sommes tous pour le développement des circuits courts. Faut-il une loi pour cela ? Ce n'est pas la première. Les précédentes ont-elles suffi ? Non, ou bien nous ne serions pas là. Certains ont tendance à culpabiliser les élus locaux, mais ceux-ci ne gèrent que les cantines des établissements d'enseignement, soit le tiers de la restauration collective : le reste, c'est l'État et ses établissements publics ainsi que des centres sanitaires ou médico-sociaux que les élus ne dirigent pas. Le Grenelle a fixé des objectifs à l'État, que l'on étend ici aux collectivités territoriales. L'État donne-t-il l'exemple ? Voyez l'approvisionnement alimentaire de l'armée en Bretagne... chez M. Le Drian...

L'important, c'est la volonté politique, des élus comme du Gouvernement. Ensuite les règles des marchés publics sont déterminantes : en Vénétie, on peut désormais faire appel pour 30 % à des produits locaux ; c'est aussi le cas dans certains länder. Nous avons une feuille de route pédagogique, et des outils.

M. Alain Vasselle.  - Dois-je maintenir mon amendement ? Si quelqu'un a déplacé le débat sur le terrain politique, c'est bien M. Guillaume : nous, nous nous tenons aux enjeux économiques, à la façon dont l'agriculture de proximité peut tirer profit de l'approvisionnement de la restauration collective. Sur ce point, il y a consensus. Ensuite, un seuil, c'est une norme supplémentaire... Enfin, si les marchés visés sont conformes au code des marchés publics, c'est rassurant pour les élus ; mais ils n'ont pas attendu la loi pour faire valoir les circuits courts. On peut à raison s'interroger sur l'intérêt de légiférer. En réalité, cette proposition de loi est une opération politique des Verts... Je retire mon amendement au bénéfice d'un des suivants.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - À l'Assemblée nationale, le vote a été unanime, avec le soutien de groupes tous représentés ici.

M. François-Noël Buffet.  - Et alors ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - En Italie, on a très tôt commencé par des seuils.

Le débat se focalise sur le bio, qui peut effectivement être plus cher, mais dont les prix peuvent aussi baisser. Les collectivités locales n'ont pas attendu la loi, certes, mais le rôle de la loi, c'est d'accompagner ce mouvement. Si aucun des objectifs du Grenelle n'a été atteint, rien ne sert de se renvoyer la balle. Quant à l'approvisionnement des armées, des progrès sont faits. Pour toutes les administrations, les appels d'offres sont remis à plat.

Le guide destiné aux élus a été rédigé par l'administration, dans le respect, croyez-moi, des règles des marchés publics ! De même pour les outils informatiques destinés aux acheteurs ! Ne revenons pas sur ce débat. Allons-nous ensemble de l'avant ? Telle est la seule question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean Desessard applaudit)

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, MM. Calvet, Bonhomme, G. Bailly, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Bouchet, Chasseing, Bizet, Cornu, Vaspart, Lenoir, Rapin et Pointereau et Mme Gruny.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« Art. L. 230-5-1.  -  Dans le respect des objectifs de la politique de l'alimentation définie à l'article L. 1 au plus tard le 1er janvier 2020, l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics incluent dans la composition des repas servis dans les restaurants collectifs dont ils ont la charge 40 % de produits issus d'approvisionnement en circuits courts ou de proximité, ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits. En fonction des capacités de production locale, une proportion de produits servis est prioritairement issue d'une identification de la qualité et de l'origine ou sous mentions valorisantes ou découle d'une démarche de certification de conformité des produits, tels que définis à l'article L. 640-2, ou est issue de l'agriculture biologique. 

M. Daniel Gremillet.  - Peut-être l'Assemblée nationale a-t-elle voté le texte à l'unanimité, mais sa mobilisation était-elle la même que la nôtre, dont témoignent nos débats ?

Comment imaginer que les produits labellisés, IGP, AOC, ne bénéficient pas eux aussi des nouvelles règles ? Cet amendement, monsieur Guillaume, n'est pas idéologique ; il tient compte de la réalité locale. Eh oui, monsieur Labbé, la part du bio pourra être tantôt à 15 %, tantôt à 25 %, l'important est que les savoir-faire locaux trouvent leur place dans la restauration collective.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°10 rectifié à l'amendement n° 14 rectifié de M. Gremillet, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Amendement n° 14

I.  -  Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

au plus tard le 1er janvier 2020

II.  -  Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article s'applique aux contrats, conclus à compter du 1er janvier 2020, qui sont des marchés publics au sens de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou des contrats de concession au sens de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. »

M. Jean Desessard.  - Ce sous-amendement assouplit l'obligation prévue par cet article qui ne s'appliquerait qu'aux contrats conclus après le 1er janvier 2020.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°11 rectifié à l'amendement n° 14 rectifié de M. Gremillet, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Amendement n° 14, alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

20 % de produits sont issus de l'agriculture biologique ou de surfaces agricoles en conversion au sens de l'article 17 du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91.

M. Jean Desessard.  - Celui-ci rétablit une quotité de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique, tout en l'étendant aux produits issus de surfaces en conversion, 177 000 hectares aujourd'hui. Fixer un objectif en pourcentage, c'est donner un élan, inciter à définir une stratégie avec les moyens afférents.

Ce sous-amendement soutiendra la conversion à l'agriculture biologique, plus rémunératrice (On en doute à droite) que l'agriculture conventionnelle, et qui crée des emplois non délocalisables. Les producteurs, aujourd'hui, ne sont pas justement payés de leur travail ni de leur investissement !

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Kennel, Mmes Cayeux, Lamure, Gruny et Procaccia, MM. Charon, Delattre, Lefèvre, D. Laurent et P. Leroy, Mme Hummel, MM. Milon, Longuet et Mouiller, Mmes Morhet-Richaud, Giudicelli et Deromedi et MM. Chaize, de Nicolaÿ, Pointereau et Houel.

Alinéa 2

1° Première phrase

Remplacer le mot :

incluent

par les mots :

veillent à inclure

2° Seconde phrase

Au début, insérer les mots :

Dans ce cadre,

M. Alain Vasselle.  - Cet amendement ayant été satisfait à l'article 2, je le retire, ainsi que le suivant.

L'amendement n°3 rectifié est retiré ainsi que l'amendement n°4 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Les collectivités territoriales sont autorisées à déroger aux règles du code des marchés publics dans le cadre d'approvisionnement local. Un décret en Conseil d'État en fixe les modalités d'application.

M. Michel Le Scouarnec.  - Nous prévoyons une dérogation aux règles des marchés publics pour les collectivités territoriales, en particulier les petites communes. Du moins faudrait-il les informer sur ce que les règles actuelles autorisent.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Rétablir le seuil de 20 % de produits bio, tout en incluant les surfaces en conversion et en reportant son application aux contrats signés à partir du 1er janvier 2020, c'était une véritable ouverture et une rédaction limpide (M. Roland Courteau renchérit). J'y étais favorable, mais nous ne referons pas l'histoire...

L'amendement n°14 rectifié ôte à l'article premier une partie de sa substance. La commission a donné un avis favorable, je suis réservé - à moins que les sous-amendements de Jean Desessard soient adoptés : ils peuvent à présent être remis en selle, même si la commission a donné un avis défavorable. L'amendement n°7 est intéressant, mais inapplicable. Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis favorable aux sous-amendements nos10 rectifié et 11 rectifié, sagesse à l'amendement n°14 rectifié. Ensemble, ils pourraient nous rassembler. Avis défavorable à l'amendement n°7 : ministre, j'applique les règles des marchés publics.

M. Claude Bérit-Débat.  - La proposition de M. le ministre est intelligente et sage : reconnaître l'agriculture de qualité, labellisée, tout en souscrivant aux objectifs défendus par M. Desessard. Espérons que la sagesse du Sénat sera au rendez-vous !

M. Daniel Gremillet.  - Pourquoi ne pas inclure le sous-amendement n°10 rectifié, dont l'application est reportée aux contrats souscrits à partir du 1er janvier 2020 ? Mais l'autre, non, il est impossible de le retenir, puisque la commission a supprimé le seuil de 20%. Arrêtons d'opposer entre eux les différents types d'agriculture, les diverses réalités économiques.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission.  - Nous pourrions nous retrouver à mi-chemin, en votant le sous-amendement n°10 rectifié, mais pas l'autre.

M. Jean Desessard.  - Ce n'est pas sérieux !

M. Didier Guillaume.  - Et c'est moi que l'on accuse de faire de la politique ! Vous savez bien que c'est le sous-amendement n°11 rectifié qui importe. Je ne comprends pas votre attitude, monsieur Gremillet, vous qui avez été un haut responsable de chambre d'agriculture. Nous avons créé ensemble AgriLocal, avec Luc Guyau, et le salon Tech&Bio.

Moi aussi, je me bats contre les intégristes du « tout bio », qui opposent les producteurs entre eux, alors que notre agriculture a besoin du bio comme du conventionnel, des grandes cultures comme de l'approvisionnement local.

Supprimer l'objectif de 20 %, c'est marquer un coup d'arrêt au développement du bio dans la restauration collective, lancé par le Grenelle de l'environnement. C'est un signal très négatif.

M. Jean Desessard.  - Je me félicite que le Sénat ait un long débat sur nos modèles agricoles... tout en regrettant qu'il ait lieu pendant notre niche, pas très longue.

M. Gremillet a une vision quelque peu stalinienne du compromis. (On s'indigne à droite, on rit à gauche) Vous ne pouvez pas accepter un seul des deux sous-amendements !

M. Joël Labbé, rapporteur.  - En effet, je me dois de dire, calmement, que le compromis proposé par M. Gremillet et par le président de la commission n'en est pas un : il reviendrait à vider la loi de sa substance.

Savez-vous que la France est au 17e rang européen en termes de surfaces agricoles utiles bio ? (M. le ministre le conteste) Beaucoup d'agriculteurs projettent de se convertir au bio, soutenons-les en adoptant le sous-amendement n°11 rectifié, équilibré.

M. Alain Vasselle.  - Monsieur Guillaume, vous vous placez sur le terrain politique, en restant accroché à ce 20 % qu'on ne pourra pas tenir !

M. Didier Guillaume.  - Taux fixé au Grenelle de l'environnement !

M. Alain Vasselle.  - Relisez donc le texte. « En fonction des capacités de production locale, une proportion de produits servis est prioritairement issue d'une identification de la qualité et de l'origine ou sous mentions valorisantes ou découle d'une démarche de certification de conformité des produits, tels que définis à l'article L. 640-2, ou est issue de l'agriculture biologique. » Pourquoi vous arc-bouter sur les produits bio ?

M. Michel Raison.  - On ne peut pas dire que le bio rapporte plus que le conventionnel, il n'y a pas de règle en la matière et tout dépend des circonstances. En moyenne, pour des exploitations semblables, les revenus sont plus ou moins les mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission.  - Le respect mutuel est ici de mise. J'ai entendu des propos excessifs. Dire que ceux qui ne partagent pas nos idées sont intellectuellement malhonnêtes relève de l'intégrisme. (On s'indigne à gauche) Je demande que la position de la commission, dont 35 des 39 membres étaient présents ce matin, soit respectée.

Le sous-amendement n°10 rectifié est adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, le sous-amendement n°11 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°171 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 149
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Didier Guillaume.  - Il est encore possible de rectifier l'amendement de M. Gremillet. Au lieu d'ajouter un paragraphe sur les 20 %, on pourrait ajouter une phrase indiquant que, en fonction des réalités locales, les structures de restauration collective s'efforcent d'atteindre l'objectif de 20 % de produits bio fixé par le Grenelle de l'environnement.

M. Daniel Gremillet.  - Ceci n'est pas un jeu. Je n'ai pas de leçons à recevoir : président de chambre d'agriculture, j'ai été l'un des premiers à salarier un technicien bio. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Didier Guillaume.  - C'est justement ce que j'ai dit !

M. Daniel Gremillet.  - Le texte a été mûrement réfléchi.

Nous avons plus d'ambition que vous : pourquoi se limiter, s'il est possible localement de monter à 35 % ou 40 % de produits bio ?

M. Jean Desessard.  - Chiche !

M. Daniel Gremillet.  - L'ancrage territorial, c'est le titre même de la loi ! La rédaction actuelle, conforme au code des marchés publics, satisfait les attentes des élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean Desessard.  - Le groupe écologiste votera contre ce qui n'est plus un amendement de compromis. Bravo, monsieur Gremillet, si vous avez été l'un des premiers à défendre le bio, mais pourquoi alors accepter une telle régression ? (On s'indigne à droite) N'avez-vous pas voté le Grenelle ? Mais peut-être certaines forces travaillent-elles en sens contraire... Vous êtes à contre-courant.

Mme Sophie Primas.  - Pas du tout, nous sommes plus ambitieux que vous.

M. Jean Desessard.  - C'est grave pour la santé des gens, comme pour la profession. (Exclamations à droite)

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Je suis dépité. La population en a assez des attitudes politiciennes. Nous aurions pu nous retrouver. Au lieu de quoi, vous acceptez adroitement le sous-amendement qui reporte l'application de la loi, et refusez les 20 % de bio... L'Assemblée nationale ne pourra l'accepter, l'entrée en vigueur du texte sera donc reportée aux calendes grecques. Quelle déception. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Jacques Genest.  - Ne croyez-vous pas que ce dont nous parlons depuis une heure n'est ni applicable, ni contrôlable ?

Mme Sophie Primas.  - Je suis tantôt choquée, tantôt blessée par les propos de nos collègues. Nous sommes tous élus locaux, nous prenons des initiatives en faveur du bio - personne ici ne s'oppose au développement des circuits courts et du bio ! J'y travaille moi-même dans mon département, à la tête d'un groupement d'agriculture local et en installant un maraîcher bio dans ma commune. La question est tout autre : voulons-nous imposer aux maires une norme supplémentaire ? Ils en ont plus qu'assez, faisons confiance à l'intelligence territoriale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également)

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Tout à l'heure, vous plaidiez pour la multiplication des abattoirs. S'il y a quelque chose qui coûte cher aux collectivités territoriales, c'est bien cela... (Mme Nicole Bricq renchérit) Un peu de cohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Daniel Raoul.  - Bien envoyé !

M. Jean-François Husson.  - Je comprends la sensibilité du rapporteur. Mais voyons ce qu'attendent nos concitoyens : des produits de qualité, qu'ils soient bio ou conventionnels. C'est un ministère « des agricultures » qu'il faudrait aujourd'hui.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - N'importe quoi ... Vous jouez la montre !

M. Jean-François Husson.  - Il faut continuer à progresser pour répondre aux demandes parfois contradictoires de la société.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Dommage que ce long débat nous prive d'examiner la proposition de résolution sur le revenu universel. Au moment où le tissu social est fragilisé, c'est une piste qui mérite réflexion et qui aurait dû nous rassembler quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°14 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°172 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 183
Contre 141

Le Sénat a adopté.

L'amendement n°7 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Les quatre heures imparties au groupe écologiste étant épuisées, la Conférence des présidents décidera de l'inscription éventuelle de la suite de l'examen de cette proposition de loi et de la proposition de résolution à l'ordre du jour d'une prochaine séance.