Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-trois questions orales.

Recouvrement de la taxe d'aménagement

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Je veux attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés d'encaissement de la taxe d'aménagement que rencontrent les communes, comme lors du passage de la taxe locale d'équipement à la taxe d'aménagement en 2012. Les dysfonctionnements seraient d'abord dus au logiciel utilisé par la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), qui bloquerait l'ensemble des dossiers dans lesquels le permis de construire a été transféré : le décompte initial est alors annulé, et il est pratiquement impossible d'en éditer un autre portant le même numéro de permis de construire. Le nouveau titulaire, qui n'en reçoit aucun, ne paie pas la taxe, et les prévisions budgétaires des communes s'en trouvent faussées...

La réorganisation de la DDTM provoque également des difficultés : les décomptes envoyés par les services de l'urbanisme à la DDTM d'Andernos-les-Bains ont été mis de côté pour transmission à la nouvelle implantation de Lesparre-Médoc, et restent en souffrance. Les décomptes des années précédentes n'ont toujours pas été reçus !

Qu'entend faire le Gouvernement pour venir en aide à ces communes dont la trésorerie est mise à mal, alors que les pouvoirs publics font peser sur elles des charges toujours plus lourdes, tandis que les dotations baissent ? Un acompte leur sera-t-il versé ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - La liquidation de la taxe d'aménagement après transfert du permis de construire peut s'effectuer depuis septembre 2015, grâce à une mise à jour du logiciel « ADS 2007 » ; le retard pris dans le traitement des dossiers est en passe d'être résorbé. Notons d'ailleurs que la première échéance ou l'échéance unique de la taxe d'aménagement est recouvrée au quatorzième ou quinzième mois après la délivrance du permis de construire, la deuxième échéance au vingt-sixième ou vingt-septième mois, le reversement aux collectivités se faisant ensuite hebdomadairement. Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'au 31 décembre de la quatrième année qui suit la délivrance de l'autorisation, et le montant de la taxe d'aménagement n'est définitivement acquis aux collectivités qu'au moment de l'achèvement des travaux.

En Gironde, les montants liquidés en 2015 s'élèvent à environ 37 millions d'euros dont 27 millions pour la part communale : iI s'agit des montants liquidés intégrés et pris en charge par l'application Chorus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015, toutes autorisations et toutes échéances confondues, quelle que soit l'année de délivrance. Ces chiffres ne présagent ni des abandons ou diminutions de projet, ni des problèmes de recouvrement vis-à-vis des bénéficiaires des autorisations, susceptibles de diminuer les montants à percevoir.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - J'entends, mais il faut accélérer les choses. Quand les recettes d'investissement des communes diminuent, leurs dépenses d'investissement aussi, c'est aussi simple que cela ! Car leur budget, lui, doit être équilibré...

Convention fiscale franco-qatarie

M. Jean-Yves Leconte .  - L'avenant de janvier 2008 à la convention fiscale franco-qatarie confère à la France un statut particulièrement attractif, pour ne pas dire de paradis fiscal, pour tout investisseur qatari. Contrairement aux conventions classiques, il n'y a aucune retenue à la source sur les dividendes, pas d'imposition en France des redevances ou des revenus de créances, alors que l'imposition est faible, voire nulle sur ces revenus au Qatar. Une clause relative à la navigation aérienne favorise en outre le développement en Europe d'entreprises de transport aérien comme Gulf Air ou Qatar Airways, au détriment de notre convention nationale.

Il y a pire : pour ce qui est de l'impôt de solidarité sur la fortune, les citoyens du Qatar résidant en France sans avoir la nationalité française bénéficient d'un régime particulièrement favorable, puisque les biens situés hors de France qu'ils possèdent au 1er janvier de chacune des cinq années suivant l'année civile au cours de laquelle ils deviennent résidents de France n'entrent pas dans l'assiette de l'impôt afférente à chacune de ces cinq années !

Bref, cette convention fiscale, censée encourager les investissements qataris en France, permet surtout de rapatrier au Qatar toute la valeur ajoutée. Elle assure aux entreprises à capitaux qataris un avantage concurrentiel important, alors que le bénéfice qu'en tire la France - l'emploi de salariés et le versement de cotisations sociales - est celui d'un « pays atelier ». Voilà qui pourrait faire du Qatar un pays de transit pour les investissements réalisés en France, ôtant toute traçabilité aux flux de capitaux investis dans notre pays et menaçant notre souveraineté.

Le Gouvernement entend-il mettre fin à certaines de ces exemptions fiscales ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Parmi les 125 conventions fiscales conclues avec la quasi-totalité de nos partenaires, celle qui nous lie au Qatar a été modifiée en 2008 - notez bien cette date. Le Gouvernement est très attentif à ce que ces accords, qui définissent des règles de coopération fiscale et fournissent un cadre sécurisé aux contribuables, comportent systématiquement des clauses anti-abus et prévoient un mécanisme d'échange d'informations sans restriction - c'est le cas avec le Qatar. Nous faisons preuve de la même rigueur en ce qui concerne les avantages accordés aux États étrangers.

De ce point de vue, l'avenant à la convention franco-qatarie constitue un précédent qui ne se renouvellera pas. J'ai d'ailleurs transmis l'année dernière au Parlement un rapport détaillé sur les exonérations accordées aux investisseurs publics étrangers par les conventions fiscales en matière immobilière.

Les autres exemples que vous citez font apparaître un régime certes favorable, mais qui ne va pas à l'encontre des principes conventionnels de base. Le régime afférent aux transports internationaux est ainsi repris au modèle de l'OCDE. La stipulation relative à l'impôt sur la fortune que vous mentionnez n'a plus vraiment d'effet, car notre législation prévoit un mécanisme général similaire, dans le cadre du régime dit des impatriés. Quant aux retenues à la source, le modèle de l'OCDE n'en prévoit pas sur les redevances, et notre loi n'impose à la source les intérêts versés à l'étranger que de façon résiduelle.

Un passage au peigne fin de l'ensemble de nos conventions fiscales n'en demeure pas moins nécessaire, pour tenir compte des nouveaux standards internationaux et du travail de l'OCDE. La convention franco-qatarie n'y échappera pas.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci. Les conventions fiscales facilitent certes la mobilité internationale et renforcent la transparence financière, mais celle conclue avec le Qatar nous coûte quelque 150 millions d'euros par an... Pourquoi favoriser les investisseurs qataris, et nous placer dans une situation de dépendance factice vis-à-vis de ce pays ?

Couverture en téléphonie mobile

M. Cédric Perrin .  - Officiellement, la France bénéficie des réseaux mobiles parmi les plus étendus d'Europe, avec 99 % de la population couverte, selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Le ressenti des concitoyens est bien différent, et ces chiffres masquent des inégalités criantes. Beaucoup de communes rurales, en particulier, restent mal couvertes, ce qui handicape leurs habitants, freine leur développement économique et nuit à leur sécurité.

Les plans successifs de résorption des zones blanches ont certes amélioré la situation. Mais qu'est-ce qu'une zone blanche ? On la caractérise par l'absence totale de couverture du centre-bourg. Ainsi, on considère que les zones d'habitation situées en périphérie ne sont pas en zone blanche, même lorsqu'il est impossible d'y recevoir ou d'y émettre un appel téléphonique !

Dans le Territoire de Belfort, aucun élu n'a été sollicité par les services déconcentrés de l'État pour dresser un état des lieux. J'ai donc pris l'initiative de recenser les communes rencontrant des difficultés et d'en informer les services de l'État. Deux communes ont été déclarées en zone blanche et neuf autres en zone grise - ce qui ne vaut guère mieux.

Le Gouvernement annonce un fonds de 30 millions d'euros pour résorber les zones blanches, mais qu'en est-il des zones grises ? La définition des zones blanches doit être rendue moins restrictive.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - La couverture numérique est essentielle à l'égalité des territoires. Notre priorité est d'offrir une couverture aux dernières communes dépourvues de tout accès au réseau. Les préfectures de région ont lancé deux campagnes pour les recenser ; le protocole utilisé pour effectuer les mesures de terrain a été amélioré afin de tenir compte de l'arrivée du quatrième opérateur et de mieux intégrer les centres-bourgs de petite taille. Une liste de 268 communes a ainsi été dressée, qui bénéficieront d'une couverture en internet mobile d'ici la fin 2016, ou six mois après la mise à disposition d'un pylône par la collectivité. L'État prendra à sa charge l'investissement initial. Les quatre opérateurs auront l'obligation d'équiper en haut débit mobile, d'ici mi-2017, près de 2 200 communes qui n'ont jusqu'ici accès qu'à un service minimal. L'Arcep sanctionnera tout manquement.

En complément, 800 sites d'intérêt particulier - économique, touristique ou lié à un service public - seront identifiés pour être couverts dans les quatre prochaines années.

Dans le Territoire de Belfort, deux communes ont été retenues parmi les 268 qui doivent être couvertes avant la fin de l'année.

La relance du programme de résorption des zones blanches 2G et 3G, si elle n'épuise pas la question de la couverture numérique du territoire, améliorera ainsi la situation à court terme dans près de 3 300 communes.

M. Cédric Perrin.  - Le compte n'y est pas. On nous raconte toujours la même histoire depuis des années. L'Arcep a identifié 268 communes non connectées. Mensonge ! Scandale ! Ceux qui vivent dans nos zones rurales savent que cette évaluation est parfaitement fantaisiste.

J'ai recensé 17 communes non raccordées au réseau dans le seul Territoire de Belfort ; l'Arcep n'en recense que deux... Il est temps qu'elle fasse évoluer ses méthodes de calcul.

Contrats de volontariat en PME

M. Yannick Vaugrenard .  - En France, les petites et moyennes entreprises (PME) emploient 63 % des salariés. Et pourtant, elles embauchent moins de jeunes diplômés que les grandes - alors même que de nombreuses études démontrent l'importance de ces profils pour le développement des PME et donc pour la croissance économique du pays. C'est une différence importante avec l'Allemagne, où le niveau moyen d'encadrement des PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) est bien meilleur qu'en France, car les jeunes diplômés s'y orientent naturellement à l'issue de leurs études. En Grande-Bretagne aussi, des partenariats ont été conclus entre les universités et les PME.

Pourquoi donc ne pas mettre en place un dispositif inspiré du volontariat international en entreprise (VIE) ? Une convention permettrait aux PME de recruter, pour une durée significative mais limitée et sans obligation d'embauche à l'issue, de jeunes diplômés pour y conduire un projet. Ces derniers percevraient une indemnité décomptée dans le calcul de leurs droits à retraite, mais non soumise à cotisations sociales. Bref, un dispositif gagnant-gagnant ! La Banque publique d'investissement et Business France pourraient contribuer à sa réussite.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Mme El Khomri et moi-même partageons votre analyse. Oui, les PME ont intérêt à recruter des jeunes qualifiés pour étoffer leur encadrement et accompagner leur croissance. Oui, il est bon que ces jeunes puissent mesurer l'opportunité que représente un emploi dans une PME, où les relations humaines sont plus directes, et où ils peuvent souvent exercer des tâches plus complètes et des responsabilités plus étendues. Depuis de nombreuses années, les écoles de commerces et les universités ont d'ailleurs mis en place des programmes destinés à favoriser l'intégration de leurs étudiants dans les PME.

Les jeunes ont bien compris leur intérêt à intégrer ce type d'entreprise. Certes, les diplômés de grandes écoles ou de cycles supérieurs de l'université sont, en proportion, légèrement plus nombreux dans une grande entreprise que dans une PME. Mais en 2015, parmi les jeunes ayant fini leurs études depuis moins de 6 ans, 41 % des diplômés de grandes écoles et 36 % des titulaires d'une maîtrise étaient employés dans une PME, loin devant l'embauche dans les entreprises de taille intermédiaire, les grandes entreprises ou le secteur public.

Comment renforcer cette tendance, alors que les jeunes rencontrent des difficultés pour s'insérer dans le monde du travail ? Nous ne voulons pas d'un contrat spécifique. Si le VIE permet aux jeunes d'accéder rapidement à une première expérience professionnelle à l'étranger, nous ne souhaitons pas proposer un dispositif similaire en France, reposant sur une exonération de cotisations sociales. Des dispositifs existent déjà, qui mériteraient d'être promus : parcours partagés d'apprentis dans plusieurs entreprises, grâce au décret du 2 mai 2012, stages... Une fois leur diplôme acquis, les jeunes ne demandent pas un nouveau type de contrat, ils aspirent à s'intégrer durablement dans le monde du travail, et nous entendons les y aider en utilisant pleinement les possibilités offertes par notre droit du travail.

M. Yannick Vaugrenard.  - Cette réponse ne me satisfait pas complètement. Il ne s'agit pas pour moi de créer un nouveau type de contrat de travail pour les jeunes, mais un dispositif parallèle au VIE, que l'on pourrait appeler le « Volontariat intérieur France ». Le VIE est un formidable succès, parce qu'il protège les jeunes. N'ayons pas peur de notre ombre, soyons beaucoup plus offensif si nous voulons rapprocher les jeunes des PME. Faute d'avoir été entendu par le Gouvernement, je déposerai une proposition de loi à ce sujet, après concertation avec les organisations de jeunes.

Monsieur le président Gaudin, si la mission que le Premier ministre m'a confiée ne porte que sur la façade Atlantique, je serai évidemment attentif au cas du port de Marseille, cette très belle ville... qui ne l'est pas autant que Saint-Nazaire !

Fonds de soutien au développement des activités périscolaires

M. Gérard Longuet .  - Ma question porte sur le fonds de soutien au développement des activités périscolaires. L'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 indique que la demande de versement doit être adressée par la commune, et non par l'EPCI, même lorsque celui-ci a été chargé des activités périscolaires. L'aide lui est alors reversée par la commune, ce qui paraît bien compliqué...

En outre, n'est-il pas aberrant que les communes éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR) perçoivent une aide plus importante, quand l'action est mutualisée à l'échelon intercommunal ?

On peut même imaginer qu'une commune en conflit avec son intercommunalité refuse de lui restituer les sommes versées par l'État.

J'invite les services de l'éducation nationale à faire preuve d'un peu d'imagination pour que cesse cet imbroglio.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - L'État a effectivement mis en place un fonds de soutien aux communes pour accompagner la mise en oeuvre des nouveaux rythmes éducatifs. Ces aides ont été pérennisées par la loi de finances pour 2015, dès lors que les collectivités mettent en place un projet éducatif territorial. Pas moins de 22 000 communes en bénéficient.

Si elles sont versées aux communes, c'est à la demande expresse des associations d'élus locaux. Mais lorsque la compétence périscolaire lui a été transférée, l'EPCI se voit bien reverser les fonds. Ce choix a aussi été dicté par le souhait que l'aide soit versée au plus tôt et avec certitude. Les activités périscolaires, en effet, sont une compétence facultative des intercommunalités, dont les contours varient d'un territoire à l'autre : nous manquons donc d'une cartographie fiable - sans compter les évolutions occasionnées par la loi NOTRe. Je sais que beaucoup, ici, sont attachés à ce que ce choix d'opportunité ne soit pas remis en cause.

Enfin, quoique le taux d'aide aux communes puisse varier, les sommes sont mutualisées et bénéficient à l'ensemble des élèves scolarisés dans les communes de l'EPCI.

M. Gérard Longuet.  - Alors que les associations d'élus locaux avaient accueilli cette réforme avec prudence, sinon avec méfiance, sa mise en oeuvre se déroule correctement. La coopération intercommunale en zone rurale fonctionne bien.

Nous serons sans doute amenés à rouvrir ce débat et à modifier l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013. On le sait, les EPCI assurent souvent le transport scolaire, étroitement lié aux activités périscolaires.

Projet d'enfouissement d'une portion de l'autoroute A1 à Saint-Denis

Mme Aline Archimbaud .  - Trois associations de Seine-Saint-Denis m'ont alertée sur la pollution qu'occasionne l'autoroute A1 à Saint-Denis. Près de 195 000 véhicules empruntent chaque jour cet itinéraire. Cette zone bat des records en Île-de-France en matière de pollution atmosphérique : on y enregistre, selon Airparif, un dépassement un jour sur quatre du seuil limite journalier de particules PM10 ! Et c'est sans compter le bruit.

Des milliers d'habitants et de salariés qui travaillent à la Plaine Saint-Denis se trouvent exposés à un risque fortement accru de maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Ces associations ont formulé un ensemble de propositions à l'attention des pouvoirs publics, dont l'enfouissement de la portion de l'autoroute A1, du tunnel du Landy à La Courneuve, dans le cadre de l'aménagement du Grand Paris. Ce serait aussi le moyen de résorber la fracture urbaine que représente l'autoroute.

Quelle suite pourrait-elle lui être donnée ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Comme vous, M. Vidalies est conscient des préoccupations des riverains de l'A1. Le contrat de développement territorial 2014-2030 de Plaine Commune, élaboré dans la perspective du Grand Paris Express, prévoit l'amélioration des infrastructures autoroutières et leur meilleure insertion urbaine, ainsi que des études préalables aux deux actions regroupées dans l'opération de réaménagement du carrefour Pleyel du contrat de plan État-région 2015-2020, qui incluent la suppression des bretelles de la Porte de Paris sur l'A1. Après un premier échange de cadrage en janvier 2015, le cahier des charges est en passe d'être finalisé. Le financement de cette opération pourra alors être envisagé en fonction de son coût, de ses délais de réalisation et de la position des collectivités concernées.

Mme Aline Archimbaud.  - J'en prends bonne note. Les enjeux sanitaires sont majeurs : des dizaines de milliers de personnes sont exposées aux particules fines, dont l'OMS a établi le caractère cancérigène.

Je suppose qu'une concertation a également été prévue avec les associations citoyennes pour l'élaboration du cahier des charges... Il faudra certes chiffrer le coût de cet enfouissement, mais que pèsera-t-il dans l'énorme budget du Grand Paris ? Un projet du même type est en cours à Montpellier.

Renforcement de la mention « Reconnu garant de l'environnement »

Mme Stéphanie Riocreux .  - Une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), présentée le 19 novembre 2015, a révélé de graves manquements de la part de professionnels peu scrupuleux dans le secteur de la commercialisation de dispositifs domestiques de production et d'utilisation d'énergies renouvelables. Le nombre de plaintes avait doublé en un an, et la DGCCRF a effectivement enregistré un taux infractionnel de 50 % : tromperie sur les coûts et gains attendus des installations, paiement avant l'expiration du délai de sept jours, non-respect du délai de rétractation et non-respect du formalisme des contrats de vente et de crédit... Pas moins de 64 % des entreprises qui ont fait l'objet d'un procès-verbal bénéficient de la mention RGE, « Reconnu Garant de l'Environnement », qui donne droit à des incitations fiscales. Le constat est accablant.

Qu'entend faire le Gouvernement pour que les entreprises honnêtes ne pâtissent pas de la perte de confiance provoquée par de tels agissements, et pour que la mention RGE distingue réellement celles qui respectent le public et l'environnement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Les fraudes sont le fait d'une minorité d'entreprises mais nuisent à la réputation des filières d'énergies renouvelables et mettent les ménages dans une situation difficile.

Les enquêtes de la DGCCRF ont donné lieu à des poursuites administratives et contentieuses - les récidivistes pourront être attaqués pour escroquerie. Des actions de prévention sont menées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) auprès des organismes de crédit qui proposent des prêts à la consommation aux particuliers pour des équipements de ce type. Suite aux résultats de l'enquête que vous citez, la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) a demandé à Quali'PV de durcir ses sanctions à l'égard des entreprises qui ne remplissent pas leurs obligations. Plusieurs pistes sont à l'étude et pourront déboucher sur des suspensions ou des radiations dans les mois à venir. Il est également essentiel que les particuliers victimes de fraudes puissent les signaler à Quali'PV.

Mme Stéphanie Riocreux.  - Merci pour votre réponse. Il ne faudrait pas que ces pratiques commerciales douteuses, jointes aux interrogations sur les éoliennes géantes dont l'installation choque parfois, nuisent à la politique environnementale ambitieuse du Gouvernement.

Modification de la gouvernance des caisses de retraite des professions libérales

Mme Corinne Imbert .  - Le décret du 22 juillet 2015 a modifié, au beau milieu de l'été et sans concertation, les règles relatives à la composition du conseil d'administration, à la durée du mandat du président et à la gouvernance des caisses de retraite des professions libérales, parmi lesquelles la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF).

Depuis 1945, ces organismes sont dirigés par des élus désignés par les affiliés. Or la Mission nationale de contrôle s'est appuyée sur ce décret pour suspendre durant quarante jours le président Gérard Maudrux et l'ensemble des membres du bureau ainsi que les décisions prises par le Conseil d'administration de la CARMF en septembre dernier. En novembre, le directeur de la sécurité sociale a annulé ces décisions ; le docteur Maudrux a été élu président honoraire de la caisse et le Dr. Thierry Lardenois président. Le tribunal administratif a cependant été saisi contre cette décision de tutelle, qui a mis à mal le fonctionnement de la Caisse.

Je demande donc au Gouvernement de clarifier l'application du décret du 22 juillet et de réaffirmer le principe d'autonomie des caisses de retraite des professions libérales.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - La loi du 20 janvier 2014 avait pour objectif de clarifier les missions et de moderniser la gouvernance de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse des professions libérales (CNAVPL), dont les textes fondateurs n'avaient pas évolué depuis 1951. Le décret de 2015 s'inscrit dans cette logique : les allocataires ont été rendus électeurs, et le principe de l'élection des administrateurs par l'ensemble des affiliés et allocataires a été retenu. Nous avons aussi limité le nombre de mandats des dirigeants. L'entrée en vigueur différée du décret a garanti la continuité de la gouvernance des caisses et le respect des procédures électorales.

Laissons aux caisses le temps nécessaire pour mettre en oeuvre cette réforme qui consolidera la légitimité de leurs organes dirigeants et confortera ainsi leurs orientations.

Mme Corinne Imbert.  - J'entends bien votre souci de clarifier et de moderniser les caisses de retraite - mais il faut respecter les processus électoraux. Or on a eu l'impression d'un bidouillage, pardonnez-moi du mot, sans discussion préalable. La pérennisation du régime des retraites, oui, mais pas sans respecter la démocratie et pas à n'importe quel prix.

Devenir de la clinique des Grandes Alpes

M. Loïc Hervé .  - Le 1er octobre 2015, j'ai déposé cette question pour attirer l'attention sur la situation critique de la clinique de Grandes Alpes, à Cluses, en Haute-Savoie. Depuis l'Agence régionale de santé (ARS) Rhône-Alpes a finalement renouvelé les autorisations, permettant à la clinique de poursuivre son activité. Soulagement pour le groupe Noalys, repreneur à la barre du tribunal d'une clinique qui a connu de nombreux déboires.

Cet équipement est vital dans une zone montagneuse, industrielle et touristique, qui tente de relever ses défis grâce à un contrat de ville, une zone d'éducation prioritaire et une zone de sécurité prioritaire. La communauté de communes que je préside vient de lancer un diagnostic de santé du territoire ; alors que les structures publiques environnantes sont saturées et éloignées, il est indispensable de pérenniser cette offre de soins en renforçant les partenariats entre structures.

Le temps de la reconstruction est venu ; le groupe Noalys va investir 8 millions d'euros, la nouvelle clinique abritera une équipe de 60 personnes et une cinquantaine de lits. Le Gouvernement va-t-il la soutenir afin de lui permettre de consolider ses activités et notamment de maintenir l'activité chirurgicale et le centre de premier recours ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - La clinique des Grandes Alpes dispose de l'autorisation d'hospitalisation sous forme complète, d'anesthésie et d'hospitalisation ambulatoire ; elle a renoncé à la première. Comme vous le savez, la clinique de Cluses en est à sa troisième reprise en trois ans et peine à trouver sa place dans un territoire où la concurrence en chirurgie fait rage, avec notamment les Hôpitaux du Pays du Mont-Blanc et l'Hôpital privé Pays de Savoie à Annemasse.

D'où le choix du projet territorial de santé, en 2013, de dédier l'établissement de Cluses aux soins de proximité. L'ARS est prête à accompagner l'établissement dans sa réflexion autour de son projet médical et à accorder les autorisations de médecin, afin de renforcer l'offre de soins de premier recours, en lien avec le centre hospitalier de Sallanches et le centre de soins non programmés de Cluses.

M. Loïc Hervé.  - Le dossier est complexe, en effet. Les élus, très mobilisés, souhaitent maintenir l'activité de cette clinique, si utile pour les habitants. Je gage que vos annonces de ce matin les encourageront.

Centre hospitalier d'Aurillac

M. Jacques Mézard .  - Le décret du 17 février 2015 prévoit les modalités dérogatoires de financement des activités de soins des établissements de santé répondant à des critères d'isolement géographique. Avant même qu'il ne soit publié, deux établissements hospitaliers du Cantal ont pu en bénéficier. C'est original ! En revanche, le centre hospitalier d'Aurillac, le plus isolé géographiquement, s'est vu refuser ce financement.

Depuis, on nous a fait savoir que la réponse pourrait être positive. Ce serait légitime, car l'établissement est le plus excentré de toute la métropole : à neuf heures de Lyon, aller-retour, onze heures par le train. Record toutes catégories ! Preuve supplémentaire, s'il en fallait, de l'ineptie des fusions de régions.

L'isolement géographique est une réalité, surtout pour ce qui concerne les services d'obstétrique, de néonatalité et de pédiatrie. Quelle est la position définitive du ministère ? Quel montant pourra être alloué au centre hospitalier ? Ce financement sera-t-il pérennisé ?

Plus globalement, des zones aussi enclavées peinent à recruter des praticiens hospitaliers, par exemple en psychiatrie. Et comment se rendre à Lyon quand on est convoqué par l'ARS ? Il faut compter deux jours de trajet !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Veuillez excuser Mme Touraine. Je sais votre attachement à l'hôpital d'Aurillac. Il a connu une accentuation soudaine de son déficit, qui a atteint 3 millions d'euros en 2015 malgré une aide exceptionnelle de 800 000 euros. Dès 2014, l'ARS a conclu avec cet hôpital un contrat de stabilité budgétaire.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a corrigé le modèle pour le financement des activités isolées, fixant des critères précis et transparents : isolement géographique, mais aussi niveau d'activité. L'hôpital d'Aurillac n'était pas éligible. Néanmoins, il a reçu à titre dérogatoire une subvention d'accompagnement de 360 000 euros fin 2015, qui pourra être reconduite par l'ARS en 2016. La nouvelle configuration de l'ARS Auvergne-Rhône Alpes n'impactera pas le soutien et l'attention des pouvoirs publics.

Mme Touraine a présenté en novembre dernier un plan d'action pour l'attractivité de l'exercice de la médecine à l'hôpital public, avec douze engagements pour inciter les professionnels de santé à exercer dans des zones sous-denses ou des spécialités sous tension.

M. Jacques Mézard.  - Je connais, madame la ministre, votre attachement à ces territoires éloignés du pouvoir central. Hélas, sinon sa fin, votre réponse était très administrative. Les finances du centre hospitalier d'Aurillac sont globalement saines. Toutefois, le traitement de l'isolement géographique est injuste, et ne tient pas compte de l'enclavement : dans bien des spécialités, l'hôpital d'Aurillac est la seule offre de soins dans un rayon de 100 kilomètres ! Convoquer la direction et les représentants de la commission médicale d'établissement à Lyon pour une réunion d'une heure qui leur prend deux jours de voyage est déraisonnable, contraire à l'équité et au bon sens.

Retraite des élus locaux

M. Jean Louis Masson .  - L'article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, applicable à compter du 1er janvier 2015, a des conséquences négatives pour les élus locaux. En effet, lorsqu'un maire ou un adjoint perçoit déjà sa retraite professionnelle, ses cotisations de retraite en tant qu'élu ne sont plus prises en compte pour sa future retraite - et donc versées en pure perte.

Après avoir déjà imposé aux élus locaux de cotiser à une couverture sociale qui fait double emploi, voilà qu'on les oblige à cotiser pour une retraite à laquelle ils n'auront pas droit.

Certains maires prennent une retraite anticipée pour se consacrer à leur mandat ; à l'avenir, ils seront alors pénalisés sur leur retraite finale. Les restrictions ne pourraient-elles être assouplies et ne pas s'appliquer aux cotisations des élus au fonds de pension des élus locaux (Fonpel), à la caisse autonome de retraite des élus locaux (Carel) et à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - La loi du 20 janvier 2014 a clarifié les règles de cumul emploi-retraite : la reprise d'une activité par un retraité ne génère pas de nouveaux droits à la retraite. Le mécanisme ne vise que le régime obligatoire, et donc ni le Fonpel ni la Carel, qui sont des régimes facultatifs auxquels tous les élus locaux peuvent cotiser et continuer à acquérir des droits, y compris après avoir liquidé une première retraite. L'article 19 de la loi de janvier 2014 a éclairci les choses : les élus locaux peuvent continuer à exercer leur mandat au moment où ils liquident leur pension de retraite - heureusement !

M. Jean Louis Masson.  - Il n'aurait plus manqué que ça : vous dire merci pour avoir autorisé les maires à le rester lorsqu'ils prennent leur retraite professionnelle ! Vous n'avez pas dit un mot de l'Ircantec : les maires continueront de payer sans que cela ne leur ouvre le moindre droit. Il aurait fallu avoir le courage de dire toute la vérité.

Couverture maladie des retraités résidant hors de France

Mme Claudine Lepage .  - Tout retraité français du régime général établi à l'étranger peut se faire soigner en France, quel que soit le motif du séjour. De fait, il continue à cotiser à la sécurité sociale, par le biais de prélèvements sur sa pension de retraite.

Le conjoint de cet assuré social, considéré comme son ayant droit, peut bénéficier de la même couverture maladie dès lors qu'il n'exerce pas d'activité ou ne bénéficie pas lui-même d'un régime obligatoire de sécurité sociale à un autre titre. En revanche, si le conjoint perçoit une très faible retraite de son pays de résidence habituelle, il ne peut prétendre à cette qualité d'ayant droit, alors même qu'il est, effectivement, à la charge de l'assuré social. La situation est d'autant plus problématique pour des expatriés qui décident de rentrer vivre leur retraite en France. Peut-il être envisagé de corriger cette profonde injustice ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Vous avez eu raison de le rappeler : tout pensionné des régimes de retraite français résidant hors de France ainsi que son ayant droit peut être soigné en France et est pris en charge par l'assurance maladie quand il séjourne en France.

Avec la réforme de la protection universelle maladie, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, toute personne résidant en France de manière stable et régulière a droit à cette prise en charge. Le statut d'ayant droit est supprimé pour les majeurs : les conjoints des pensionnés sont assurés en leur nom propre dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français.

Mme Claudine Lepage.  - Merci de ces précisions. J'espère qu'il en est de même pour les ayants droit de nationalité étrangère.

Lutte contre les violences conjugales

Mme Claire-Lise Campion .  - Une semaine après la journée de la femme, j'attire votre attention sur la protection des professionnels de santé signalant des violences conjugales. Une sage-femme a récemment été traduite devant la chambre disciplinaire du Conseil national de l'ordre des sages-femmes. Elle avait établi, à la demande d'une patiente, un certificat médical constatant des violences subies. Elle a dû comparaître devant la justice ordinale, après qu'une plainte a été déposée par le conjoint, agresseur désigné par la patiente, pour violation du secret médical et manquement au code de déontologie : il prétendait qu'en tant que géniteur de l'enfant à naître, la sage-femme était tenue à son égard au respect du secret professionnel.

La loi du 5 novembre 2015 apporte des réponses : les professionnels de santé ne peuvent plus voir leur responsabilité pénale, civile ou disciplinaire engagée en cas de signalement, sauf mauvaise foi avérée. Une difficulté demeure pourtant en matière disciplinaire car, contrairement à ce qui se produit en matière de procédure pénale, les conseils de l'ordre ne peuvent pas juger de l'opportunité des poursuites. Ils sont tenus de transmettre chaque plainte à la chambre disciplinaire régionale, puis nationale, ce qui entraine les professionnels dans une longue procédure, quand bien même la loi les met à l'abri de toute sanction. Comment remédier à ces situations, qui sont un frein au signalement des violences conjugales ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Vous avez raison d'attirer l'attention sur cette question, car protéger ces professionnels, c'est protéger les victimes de violence. En France, le système de santé est le lieu de premier recours pour le quart des femmes victimes de violence ; seule une femme sur cinq se rend d'abord au commissariat.

La loi du 5 novembre 2015 facilite le signalement pour la protection des plus vulnérables, mais les médecins ignorent encore les dispositions existantes pour lutter contre les maltraitances. Le Conseil de l'ordre des médecins et celui des sages-femmes mettent à la disposition des professionnels un guide pour rédiger des certificats solides : le médecin qui rédige un certificat conforme au modèle validé n'encourt aucune sanction disciplinaire. La victime en aura besoin pour demander des mesures de protection et engager des poursuites contre son agresseur.

Le plan 2014-2016 de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes donne la priorité au signalement. Des référents « violences faites aux femmes » seront nommés dans les services d'urgence. La formation initiale des médecins comme des sages-femmes est complétée. Deux kits, Anna et Elisa, sont disponibles sur le site stop-violences-femmes.gouv.fr. Le Gouvernement est mobilisé : il n'est pas acceptable que perdure un tel niveau de sexisme en 2016. Les violences faites aux femmes sont le symptôme d'une société encore trop inégalitaire et une atteinte à nos valeurs fondamentales.

Mme Claire-Lise Campion.  - Merci pour ces actions. Le Gouvernement fait beaucoup, en effet, en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et pour lutter contre les violences conjugales. Reste que les professionnels de santé doivent pouvoir jouer pleinement leur rôle de lanceurs d'alerte. La justice ordinale semble avoir été oubliée. On le dit souvent, le diable se niche dans les détails !

Avenir du centre de formation des techniciens forestiers

M. Jean-François Husson .  - Après plus d'un an d'âpres négociations, vous venez de signer le contrat d'objectifs et de performance entre l'État, l'Office national des forêts et la fédération nationale des communes forestières. Aucune contribution financière supplémentaire n'a été demandée à ces dernières.

Nous sommes tous attachés aux missions de service public de l'ONF. Encore faut-il lui donner les moyens de les exercer... Dans les cinq ans à venir, quelque 2 500 agents vont partir à la retraite, or les effectifs doivent progresser. C'est dire le besoin en formation ! Or nous avons appris dans la presse que l'ONF déracine sa formation en fermant le centre national de formation des techniciens forestiers de Velaine-en-Haye. Méthode cavalière, qui s'est traduite par une occupation du site par les personnels pendant 23 jours.

Une mission a depuis été diligentée pour trouver une solution qui préserve l'emploi local et fasse honneur à la longue tradition forestière de Nancy. C'est là qu'a été fondé, en 1824, l'École nationale des eaux et forêts, aujourd'hui AgroParisTech. Avec le centre de l'Inra et l'université de Lorraine, nous avons là un écosystème local d'excellence en matière de recherche et développement. Quelles garanties pouvez-vous nous donner sur l'avenir ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Le contrat d'objectifs et de performance, qui a nécessité un an de délicates négociations, vise à pérenniser l'ONF, à garantir le régime forestier et à trouver un équilibre financier. Les effectifs sont stabilisés, ce qui nécessitera des embauches, donc de la formation.

L'annonce de la fermeture du centre de Velaine-en-Haye ayant suscité un certain émoi syndical et social, j'ai diligenté une étude dont les conclusions seront bientôt publiées. L'objectif est de conserver à Nancy sa place de pôle d'excellence en matière de formation forestière, tout en l'adaptant au contexte budgétaire et aux enjeux numériques, pour sécuriser le site et offrir des formations aux futurs techniciens et ingénieurs. Je vous adresserai immédiatement les conclusions de la mission pour vous rassurer.

M. Jean-François Husson.  - Merci de cette réponse rassurante. Alors que les choses avaient mal commencé, nous avançons. J'ai rencontré l'expert que vous avez missionné. On n'aboutira qu'en associant toutes les parties prenantes, y compris les personnels et élus, très attachés à la tradition forestière de Nancy.

J'en profite pour vous rappeler que nous espérons le classement des 11 000 hectares de la forêt de Haye, qui abrite le centre de formation, en forêt de protection : le dossier est sur votre bureau depuis quinze mois, je comprends qu'il soit complexe mais attention à ne pas doucher l'enthousiasme des élus, associations et acteurs économiques qui se sont très fortement mobilisés autour des services de l'État pour ce projet d'envergure.

Simplification des normes pour les agriculteurs

Mme Pascale Gruny .  - Depuis de trop nombreuses années, nos agriculteurs sont asphyxiés par des normes franco-françaises, en matière sociale, phytosanitaire, salariale et environnementale, qui viennent s'ajouter aux normes européennes.

Alors que notre modèle agricole est en souffrance, il faut s'attaquer enfin à la simplification des normes. Le plan d'aide du 21 juillet 2015 n'en dit pas un mot. L'embellie de la filière agricole française coïncidera nécessairement avec une amélioration des conditions de son exercice. La situation exige des mesures concrètes de soutien à la production, une meilleure traçabilité des produits et, enfin, un allègement des normes. Le Gouvernement va-t-il enfin en faire une priorité ? Plus que des mots, l'urgence appelle une action concrète. Vous ne pouvez plus décevoir les agriculteurs français.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - J'entends souvent ce discours, mais de quelles normes parlez-vous ? Normes sociales ? La baisse de cotisations sociales annoncée par le Premier ministre nous ramène à la moyenne européenne ; nous avons accordé 3 milliards d'euros de baisses de cotisations depuis 2012.

Normes environnementales ? Je viens d'obtenir à Bruxelles des mesures sur l'étiquetage, le projet « Viande de France », la dérogation à l'expérimentation. Les Pays-Bas ont mis en place des quotas pour la potasse - surtransposition direz-vous, elle n'existe pas chez nous. Toute l'Allemagne est en zone vulnérable, et applique les mêmes règles que nous sur l'azote. Ce n'est pas moi qui ai négocié la directive sur l'eau : j'ai trouvé un contentieux européen auquel j'ai dû trouver des solutions. En Bretagne, j'ai sorti cinq bassins versants sur neuf des zones d'excédent structurel ; j'ai simplifié les règles relatives aux établissements classés pour le porc, imposé les mêmes règles d'enregistrement pour la volaille, les bovins et le lait.

Abolir les normes, dites-vous ? Lesquelles ? Quelle norme faudrait-il simplifier pour voir remonter les prix sur les marchés agricoles ? Sur les pesticides et herbicides, pour qui parlez-vous ? Que proposez-vous ? Ne vous contentez pas de mots, ayons un vrai débat !

Mme Pascale Gruny.  - Sur le terrain, les agriculteurs nous disent : ça ne va pas. Je demande simplement que l'on cesse d'ajouter encore des normes nationales. La loi sur la transition énergétique, la loi sur la biodiversité ont encore alourdi les contraintes. Nos agriculteurs sont à cran - j'ai déposé ma question il y a quatre mois mais elle reste d'actualité. Vous avez baissé les charges sociales, mais la paperasse administrative reste lourde et, surtout, la mesure n'est pas pérenne. Nos agriculteurs ont besoin d'oxygène, cessez de les asphyxier avec des normes tous azimuts ! Je ne manquerai pas de vous faire des propositions concrètes, comme vous m'y invitez.

Insécurité en Guyane

M. Georges Patient .  - En Guyane, la criminalité est quotidienne, et croissante. Braquages, vols à main armée, viols, trafics de stupéfiants, la Guyane connaît un taux de criminalité de 34 % supérieur à celui observé en métropole ! Malgré le classement en zone prioritaire de sécurité, les atteintes à l'intégrité physique progressent de 8,43 % et les atteintes aux biens, de 5,40 %.

Devant cette spirale de la criminalité, la population et les syndicats des forces de l'ordre réclament un plan de sécurité adapté aux réalités guyanaises, avec des moyens supplémentaires pour la répression, un commissariat central aux normes, des commissariats dans les villes de plus de 20 000 habitants. Il devra aussi inclure la dimension judiciaire, éducative, économique. Porosité des frontières, chômage endémique des jeunes, prolifération des bandes, multiplication des squats : il est plus que temps de renforcer la zone prioritaire de sécurité par une zone de protection renforcée pour mettre fin à la désespérance de la Guyane. La population est exaspérée. Que comptez-vous faire ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser l'absence de M. Cazeneuve. La Guyane est confrontée à un important phénomène de délinquance qui appelle une action de longue durée. La jeunesse, qui y a malheureusement pour perspective l'échec et le chômage, est impliquée dans des actes de plus en plus violents : en 2015, les mineurs représentaient 20 % des personnes mises en cause ; sept ont été impliqués dans des tentatives d'homicide.

La création des zones de sécurité prioritaire a conduit à renforcer les moyens des forces de l'ordre : les 574 gendarmes départementaux sont renforcés par 465 gendarmes mobiles, 25 postes supplémentaires ont été créés et 12 officiers de police judiciaire détachés de métropole. Les effectifs de la police augmentent également, de 313 à 323 agents. La présence des agents sur la voie publique a été renforcée.

La prévention n'est pas oubliée : la brigade de prévention de la délinquance juvénile a été créée le 1er septembre 2012 à Kourou. Des interventions sont organisées dans les collèges et lycées pour prévenir les violences à l'école. Des mesures de réparation pénale sont prises, des réunions d'information avec les parents organisées. L'État renforce à la fois la présence des forces de sécurité et la prévention : c'est l'équilibre nécessaire pour faire reculer ce fléau de la délinquance.

M. Georges Patient.  - Certes, le Gouvernement fait des efforts, mais la situation est grave ; samedi dernier encore, un commerçant a reçu deux balles en pleine ville de Cayenne, provoquant la colère légitime de la population. Nous avons besoin d'une attaque frontale contre cette insécurité rampante - c'était l'engagement n°25 du candidat Hollande pour l'outre-mer. L'insécurité gangrène la société guyanaise, empêche son développement. Les Guyanais, qui ont voté en masse pour le changement, attendent des résultats concrets.

Prime à la naissance

M. Claude Bérit-Débat .  - Depuis le 1er janvier 2015, la prime à la naissance est versée deux mois après la naissance et non plus au bout de sept mois de grossesse, comme antérieurement : or cette aide, destinée à faciliter l'arrivée des nouveaux nés, est employée pour acheter des matériels utiles. Cependant, le versement en a été reporté, Mme la ministre l'a justifié au nom de la simplification.

Je sais votre implication sur ce dossier, autant que votre attachement aux impératifs de justice sociale qui fondent le soutien de l'État aux familles les plus démunies.

Peut-on envisager des exceptions, au cas par cas, pour l'accompagnement social des ménages les plus modestes, couvert par la convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) ?

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Rossignol. Le Gouvernement a décalé le versement de la prime, dans le cadre du plan d'économies pour la branche famille voté par le Parlement à l'automne 2014 - soit, pour les naissances à partir du 1er janvier 2015, deux mois après la naissance et non plus dès le septième mois de grossesse.

Ce plan d'économies porte ses fruits. Il a contribué à la réduction du déficit de la branche famille de plus d'un milliard d'euros : le déficit passera ainsi de 1,6 milliard d'euros en 2015 (après 2,7 milliards d'euros en 2014) à environ 800 millions d'euros en 2016.

Dans le contexte économique très contraint, le Gouvernement a préservé le montant de la prime à la naissance de 923,08 euros pour chaque enfant alors qu'il était initialement prévu de le réduire dès le deuxième enfant.

Cependant, les caisses d'allocations familiales - cela a été acté par le Conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales du 2 février 2016 - peuvent avancer ce montant sous forme de prêt, pour les ménages les plus modestes, confrontés à des difficultés de trésorerie du fait de ce report de paiement, au cas par cas. Mme Rossignol suit ce dossier de près.

M. Claude Bérit-Débat.  - Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État ! Cette mesure de « simplification » joue sur la trésorerie, pas sur le déficit... Ce n'est donc pas une véritable économie.

La CNAF tente de compenser mais j'entends dire que les familles hésitent à demander ; mieux vaut toucher la prime avant la naissance, cela aide beaucoup plus à s'équiper en prévision de l'arrivée de l'enfant, que des mois après.

Cependant, je félicite le Gouvernement pour les mesures qu'il a prises, sa gestion de la branche famille, pour sa volonté de tenir les comptes de la sécurité sociale, qui donne des résultats : notre déficit est moindre que prévu !

Amiante

Mme Michelle Demessine .  - Le fléau de l'amiante provoque encore des maladies mortelles, en particulier dans l'industrie. Il suffit de se rendre régulièrement dans les assemblées générales de victimes de l'amiante, comme je le fais, pour se rendre compte de l'ampleur du désastre.

Cependant, face à ce scandale sanitaire, les industriels continuent de nier leur responsabilité. Or dans un arrêt du 9 novembre 2015, le Conseil d'État a admis le principe qu'un employeur puisse se retourner contre l'État pour réclamer un remboursement partiel des indemnités versées aux victimes de l'amiante, au titre de la faute inexcusable ; il a condamné l'État à verser 350 000 euros à la société des constructions mécaniques de Normandie (CMN). Pour les victimes, leurs familles, les associations et les syndicats qui le soutiennent, cet arrêt est un coup de tonnerre, la faute est payée par le contribuable. Il risque de faire tâche d'huile : les groupes Latty et Eternit ont obtenu des jugements similaires devant les tribunaux administratifs de Nantes et de Versailles.

Ici, l'État est condamné pour la période d'avant 1977, quand les obligations particulières à respecter pour les travaux utilisant de l'amiante n'étaient pas encore fixées par l'État, mais la dangerosité de ce matériau, connue de tous. Ce revirement jurisprudentiel n'entraîne-t-il pas une déresponsabilisation, un recul ? Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour éviter ces conséquences ?

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  - Je salue votre combat constant contre ce fléau, aux côtés, notamment de Marie-Christine Blandin. C'est un combat sanitaire, social et écologique que nous partageons. Les victimes doivent être indemnisées et chacun doit payer en fonction de sa responsabilité : voici la base de la jurisprudence du Conseil d'État depuis son arrêt du 3 mars 2004.

L'arrêt du 9 novembre 2015, que vous citez, ne porte que sur le partage de responsabilité : ici, la condamnation de l'État, à condition que le préjudice soit « direct et certain » ; l'État est donc condamné à mesure seulement de sa faute puisque, et en cas de faute particulièrement grave et délibérée de l'employeur, l'indemnisation revient entièrement à l'employeur. Celui-ci doit en tout état de cause indemniser intégralement la victime qui le poursuit, avant d'exercer un recours contre l'État. Nulle déresponsabilisation des employeurs fautifs donc : ils doivent assumer leurs responsabilités à l'égard des salariés qu'ils ont mis en danger.

Mme Michelle Demessine.  - La réponse est juridiquement bien argumentée, mais attention aux dérives pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, dans le contexte actuel de déréglementation généralisée...

Gens du voyage

M. Alain Chatillon .  - Depuis vingt ans, la commune de Revel a tenu ses engagements en réalisant une aire d'accueil des gens du voyage, mais il a fallu, seulement sept ans après, réhabiliter ce terrain, équipé pour un million d'euros, pour un coût supplémentaire de plus de 500 000 euros.

Pour remplir nos obligations relatives à la réglementation en vigueur, la commune a pris un arrêté municipal en date du 16 mars 1999 interdisant le stationnement des caravanes des gens du voyage en dehors de l'aire qui leur est réservée.

Depuis lors, chaque été, Revel-Saint-Ferréol se trouve dans l'obligation d'accueillir nombre de caravanes appartenant aux gens du voyage, en dehors même de cette aire de stationnement - aux abords de zones industrielles, mais aussi de zones touristiques, près des accès des campings en particulier, alors que nous accueillons 30 000 touristes par an.

La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance autorise la mise en place d'une procédure d'évacuation administrative à l'encontre des gens du voyage stationnant illégalement sur un terrain. Le préfet de la région Midi-Pyrénées, a le 12 juillet 2012, adressé un rappel aux maires du département de la Haute-Garonne à ce sujet.

La négociation sur le terrain devient de plus en plus difficile, certains adoptent une conduite correcte, d'autres moins. Une telle situation ne pourra pas durer bien longtemps car les habitants montrent leur mécontentement et reprochent aux politiques et à l'administration leur laxisme. Comment trouver un équilibre acceptable pour tous ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable .  - Comme vous le savez, la loi du 5 juillet 2000, qui vise à concilier les besoins en accueil et les préoccupations des collectivités pour éviter les installations illicites, prévoit un schéma départemental pour l'accueil des gens du voyage, élaboré par l'État et le département, en concertation avec les communes et les intercommunalités concernées, ainsi que les représentants des gens du voyage ; celui de Haute-Garonne, approuvé par arrêté préfectoral du 8 février 2013, n'est réalisé qu'à 60 %.

Sur les cinq aires de grand passage inscrites au schéma initial et réinscrites dans le schéma révisé, aucune aire n'a été réalisée. Or, le nombre des grands passages en période estivale augmente chaque année. Faute d'aires, les groupes qui traversent le département stationnent sur des terrains publics ou privés, souvent inadaptés. Il s'ensuit des dégradations provoquant des situations conflictuelles avec les collectivités et les populations riveraines. Ce problème doit être traité au sein de la commission départementale consultative de votre département.

Une instruction annuelle du ministre de l'intérieur rappelle aux préfets de département l'importance que revêt une préparation en amont de ces arrivées de grands groupes de caravanes de gens du voyage et la nécessaire mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés par ces déplacements. Cette instruction invite les préfets de département à confronter leurs prévisions et, le cas échéant, à ajuster les dispositions prises lors d'échanges avec leurs collègues des départements limitrophes.

En cas d'occupation illicite, quand les obligations ont été remplies, les communes de 15 000 habitants peuvent bénéficier de la procédure de mise en demeure et d'évacuation forcée prévue par les articles 27 et 28 de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Le Gouvernement est attentif à la protection des droits des gens du voyage, comme il prête attention aux propositions des élus et à la nécessaire modernisation des procédures applicables pour sanctionner les occupations illégales. C'est ainsi que la proposition de loi adoptée en première lecture le 9 juin 2015 à l'Assemblée nationale, sera bientôt inscrite à l'ordre du jour du Sénat.

M. Alain Chatillon.  - J'écoute, j'entends, mais entre le verbe et l'action, il y a loin, quelle que soit la majorité. On ne doit pas pénaliser ceux qui sont en règle : c'est ce pourtant ce qui se passe chez nous, en Haute-Garonne, où vous détenez la majorité départementale depuis soixante-dix ans.

Logement social et logement étudiant

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - L'article 55 de la loi SRU a instauré un seuil minimal de 20 % de logements sociaux dans certaines communes, seuil relevé à 25 % par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

Toutefois, le manque de foncier disponible dans le département des Alpes-Maritimes qui ralentit la réalisation de constructions et le problème du « fléchage » budgétaire freinent la réalisation des objectifs légaux, notamment pour les résidences universitaires.

La métropole de Nice-Côte-d'Azur et la ville de Nice sont très impliquées en faveur du logement locatif social en général et du logement social étudiant. Depuis 2008, 1038 logements ont été agréés, 308 sont livrés et 730 le seront d'ici 2017. Ces nouveaux logements étudiants ont tous fait l'objet d'un agrément au titre du logement locatif social et sont ou seront bien intégrés au quota « SRU ».

Outre les engagements financiers de la métropole Nice-Côte d'Azur et de la ville de Nice en faveur de la production de nouveaux logements, nous soutenons les Crous pour la réhabilitation des résidences existantes mais vieillissantes. Ces résidences datant des années 1960 et 1970, représentent 2 200 logements ou chambres, pour la seule commune de Nice, mais elles ne sont pas comptabilisées en qualité de logement locatif social malgré leur évidente vocation sociale : c'est la conséquence du fléchage. Ces logements réalisés selon les anciennes normes et qui sont, pour partie, réhabilités ou en cours de réhabilitation accueillent les étudiants disposant de très petites ressources et, le plus souvent, boursiers.

Dès lors que les conditions d'attribution de ces logements répondent à des plafonds de ressources et obéissent à la même logique de solidarité pour les résidents, comptez-vous modifier la loi pour intégrer l'ensemble des logements sociaux étudiants, produits ou rénovés, dans les statistiques de logements sociaux imposés par la loi SRU ? Le ferez-vous par voie d'ordonnance ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable .  - En effet, ces résidences étudiants « anciennes générations » n'entrent pas dans le décompte des 25 % SRU car deux critères ne sont pas remplis : premièrement, l'agrément de ces logements au titre du logement social ou à des fins sociales et au conditionnement de leur accès à des critères de ressources ; deuxièmement, un conventionnement ouvrant droit à l'aide personnalisée encadrant de manière pérenne les loyers ou redevances à verser par les occupants de ces logements. Ainsi, les logements financés en prêts locatifs sociaux et destinés aux étudiants sont pris en compte dans l'inventaire des logements locatifs sociaux SRU.

En revanche, l'occupation par des étudiants boursiers ne saurait constituer un critère suffisant d'intégration des logements existants du CROUS au quota SRU. Ce serait détourner l'esprit de la loi.

Or Nice est, vous le savez, l'un des territoires de France sur lequel la pression de la demande de logement social est la plus forte ! En dépit de l'engagement des collectivités et des acteurs locaux que vous rappelez à juste titre, le taux de logement social de la ville de Nice en regard des résidences principales n'a augmenté que de 10,7 % à 12,3 % de 2004 et 2015, alors que la ville doit disposer de 25 % de logements sociaux à l'horizon 2025.

Le logement étudiant ne saurait combler le retard, les efforts doivent être partagés avec les collectivités locales de l'agglomération, en mobilisant tous les volets, y compris l'acquisition-amélioration et la mobilisation du parc conventionné avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah).

Je veux enfin saluer les efforts réalisés par les élus des zones tendues, comme en région niçoise.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Merci de reconnaître nos efforts, mais il faut être pragmatique : quand le marché est si tendu et que les collectivités locales font tant d'effort de construction, il ne faut pas décourager les élus : il y a des possibilités d'intégrer des logements dans les quotas, ce serait pragmatique et encourageant, au lieu de poser dogmatiquement des objectifs peu accessibles.

Logements des apprentis

M. Henri Tandonnet .  - Le logement est une condition importante de l'apprentissage : l'apprenti doit se loger à proximité de son lieu de formation d'enseignement général mais également sur le lieu de sa formation professionnelle d'apprentissage.

La plupart du temps, l'apprenti est donc dans l'obligation de prendre un logement indépendant qu'il doit financer lui-même, ce qui constitue une charge lourde.

Une aide personnalisée au logement (APL) peut être demandée auprès de la caisse d'allocations familiales (CAF). Elle n'est cependant pas toujours accordée puisque les modalités d'attribution de l'APL et son montant sont conditionnés aux trois critères suivants : l'âge du ou de la locataire, son statut professionnel, et enfin ses revenus de l'année N-2.

De ce fait, le jeune apprenti abandonne trop souvent son projet professionnel car il ne peut pas financer seul le paiement intégral de son loyer.

Ce mode de calcul n'est pas cohérent : comment le changer ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable .  - Ce mode de calcul, lié aux revenus de l'année N-2 comme au calcul de l'impôt, produit effectivement des décalages ; un abattement au titre de l'année N-2 existe en cas de chômage, de perception du RSA-socle et d'autres aides sont mobilisables : « Mobili-Jeunes », qui va jusqu'à cent euros mensuels pendant trois ans, y compris en colocation, et même en sous-location dans un logement social, qui est cumulable avec les APL et le Locapass ; celui-ci, avec son prêt à taux zéro calibré, précis, utile ; la « garantie Locapass », qui sert de caution ; enfin, le « Visal » nouveau mode de cautionnement des loyers du parc privé. À tout cela s'ajoute des aides pour l'hébergement temporaire dans les foyers de jeunes travailleurs. L'APL n'est donc pas seule...

M. Henri Tandonnet.  - Merci de ce panorama très complet, mais dans le Lot-et-Garonne, nous avons mis en place « l'Appren-Toit » qui mobilise tous les acteurs - mais un apprenti de ma commune, en reconversion professionnelle dans un restaurant une étoile Michelin, n'a pu bénéficier de l'APL...

Collège Montaigne de Vannes

M. Michel Le Scouarnec .  - On annonce depuis quelque temps la fermeture du collège Montaigne de Vannes, situé en plein quartier populaire de Kercado. Cette annonce suscite des inquiétudes légitimes pour les élèves, leurs familles et l'équipe éducative en place. Certes, cet établissement a perdu des effectifs, puisqu'il accueille moins de deux cents élèves pour 750 places.

Mais la fermeture de ce collège fragiliserait tout le réseau éducatif, en particulier les écoles maternelles et primaires et précipiterait la relégation de l'école publique au profit du secteur privé.

Les possibilités réelles de développement de ce collège n'ont pas été examinées : on abandonne l'enseignement public dans un quartier populaire, c'est inadmissible ! Que faire, si ce n'est trop tard ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable .  - Le conseil départemental du Morbihan a effectivement annoncé la fermeture du collège Montaigne pour la rentrée 2016. Cette année, résultat d'une longue stratégie d'évitement, 150 élèves y sont scolarisés, pour 700 places ; la nouvelle sectorisation permettra une redistribution des élèves vers des collèges du centre-ville de Vannes pour plus de mixité sociale. Les élèves des familles qui le souhaitent pourront aussi poursuivre leur scolarité dans les collèges d'Arradon ou de Séné.

Une réflexion va être engagée entre le préfet du Morbihan, le recteur, le président du conseil départemental et l'ensemble des acteurs locaux de l'éducation afin que soit redéfinie, avec l'enseignement privé sous contrat, une scolarisation contribuant efficacement à une plus grande mixité sociale et à l'amélioration des résultats scolaires des élèves.

L'État reste attentif au maintien des services publics sur tout le territoire, y compris dans le quartier, prioritaire au titre de la politique de la ville, de Kercado.

M. Michel Le Scouarnec.  - Ce collège a une histoire, un savoir-faire pédagogique précurseur sur les SEGPA, les ULIS et les passerelles vers les classes ordinaires, il a su mener des projets éducatifs pionniers, favorisant une continuité de la maternelle à l'enseignement supérieur : c'est tout cela qu'on va renverser, contre le service public de proximité. C'est une injustice sociale, nous nous mobilisons ! Je le dirai lundi au préfet, qui a convoqué une réunion pour créer une maison des services aux publics.

Compétences eaux et assainissement

M. Jean-Jacques Filleul .  - Les compétences en matière d'eau potable et d'assainissement font l'objet de deux budgets annexes étrangers l'un à l'autre. Si, globalement, les budgets relatifs à l'eau sont plutôt équilibrés, sans doute parce que la distribution d'eau potable est historiquement sensible et bien maîtrisée de longue date, en revanche, les budgets d'assainissement souffrent plus facilement de déséquilibres, eu égard certainement à l'importance des investissements nécessaires, en particulier les stations d'épuration.

Dans une période où l'on évoque le plus souvent l'émergence de l'expression - parfaitement pertinente - du cycle de l'eau, quelle nécessité de maintenir ce cloisonnement entre ces deux compétences qui participent à l'économie circulaire ? Pourquoi ne pas en tirer les conséquences en ne constituant qu'un seul budget annexe ? Beaucoup d'élus demandent que la protection de la ressource en eau passe par la protection des zones de captage, cela se traduit par des conventions avec le monde agricole et par un traitement optimal des eaux usées avant leur retour en milieu naturel. Elles reviendront un jour dans le cycle de la consommation humaine.

On comprend ainsi tout l'intérêt qu'il y a à mutualiser, dans un même budget, les hommes, les matériels, les fournitures et les investissements.

Madame la ministre, quelle réponse apportez-vous aux collectivités locales ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - L'article 2124, alinéa 11, du code général des collectivités territoriales prévoit effectivement deux budgets annexes, mais les communes de moins de 3 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale dont aucune commune membre n'a plus de 3 000 habitants peuvent établir un budget unique si le mode de gestion et les règles d'assujettissement à la TVA sont identiques, sous réserve de distinguer les opérations relevant de l'une et de l'autre compétence.

En outre, la loi NOTRe attribue ces compétences aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, dans le cadre de la refonte de la carte intercommunale qui augmentera la taille moyenne de ces intercommunalités, à compter du 1er janvier 2020, afin de remédier au morcellement de la gestion de l'eau - 35 000 opérateurs aujourd'hui. Il est donc pertinent d'étudier dans ce cadre une adaptation éventuelle des seuils de population, permettant aux EPCI d'établir un budget unique des services de distribution d'eau potable et d'assainissement.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Cette réponse réjouira de nombreuses collectivités territoriales, merci !

La séance est suspendue à 12 h 20.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 35