Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle treize questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat.

Comme la dernière fois, au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

Quotas de rhum

M. Guillaume Arnell .  - Les producteurs antillais de rhum traditionnel bénéficient d'une fiscalité réduite vers la métropole dans une limite de 120 000 hectolitres d'alcool pur en vertu d'une décision du Conseil européen du 24 février 2014. Cette décision vaut du 1er janvier 2012 jusqu'au 31 décembre 2020.

Ce quota a été atteint fin 2015 alors que la révision ne doit avoir lieu que fin 2017. Ainsi, l'approvisionnement de la grande distribution ne sera plus assuré à fiscalité réduite. Comment amener la Commission européenne à revoir sa position en annexant les quotas à la progression des ventes ? Cela rassurerait les producteurs qui ont fait des sacrifices pour un secteur d'activité qui mérite d'être sauvegardé. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE ainsi que sur les bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - La filière rhum représente près de quarante mille emplois dans les Dom, dont vingt-deux mille emplois directs. Je suis déterminée à la défendre face à ces concurrents extra-communautaires.

Nous avons défendu une progression à 144 000 hectolitres par an comme je l'ai dit à la dernière réunion relative aux régions ultrapériphériques à Madère. Une note a été déposée le 3 octobre 2016, des discussions auront bientôt lieu. Enfin, une réunion à mi-parcours aura lieu en juillet 2017. Comptez sur ma détermination à protéger cette filière essentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Guillaume Arnell.  - Madame la ministre, je ne doute pas de votre détermination. Je voulais souligner l'inquiétude de nos producteurs qui ont consenti de grands sacrifices pour produire un rhum de grande qualité - celui de Martinique bénéficie désormais d'un classement en AOC. Il ne faudrait pas que la hausse de la demande bénéficie à des producteurs extra-communautaires qui font un rhum de moins bonne qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE ainsi que sur les bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)

Fichier des titres électroniques sécurisés

M. Jean Desessard .  - Ma question qui s'adresse au Premier ministre se fait l'écho des réserves des écologistes sur ce nouveau fichier colossal, regroupant les données biométriques et d'identité de 60 millions de Français. Ce « monstre », comme l'a qualifié notre collègue Gaëtan Gorce qui siège à la Cnil, pose des questions au regard du droit à la vie privée.

Le ministre de l'intérieur a déclaré que la Cnil avait totalement approuvé ce fichier, résumant ainsi un avis de cinq pages qui comportent de nombreuses réserves. C'est ainsi que la Cnil évoque la nécessité d'un débat parlementaire et un sujet qui vaut mieux qu'un décret publié en catimini la veille de la Toussaint. Organiserez-vous ce débat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Ce fichier regroupe celui des cartes d'identité et celui des passeports. Nous voulons ainsi sécuriser et faciliter la délivrance des titres d'identité et lutter contre les usurpations d'identité.

Le décret publié la semaine dernière interdit tout usage à des fins d'identification biométrique. D'ailleurs la construction technologique du fichier et l'algorithme utilisé rendent cet usage impossible.

Le Conseil d'État a donné un avis favorable, qui sera publié. La Cnil a aussi émis un avis favorable.

Un futur gouvernement ne pourra pas non plus modifier les conditions d'utilisation du fichier, celles-ci sont soumises au contrôle du Conseil constitutionnel.

M. Jean Desessard.  - Le garde des sceaux actuel, sur son blog personnel, déclarait le 6 mars 2012 à propos d'un projet similaire qu'aucune sécurité n'était infaillible et que toutes les sécurités informatiques pouvaient être contournées. Cette déclaration figure sur le blog de M. Urvoas.

M. Gaëtan Gorce.  - Très bien !

(Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, du groupe communiste républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Grève à i-Télé

M. Patrick Abate .  - Les salariés d'i-Télé ont engagé leur dix-septième jour de grève. La ministre de la culture a affirmé que le CSA s'assurerait du respect par la chaîne de sa charte d'éthique - nous le saurons ce soir. Cette grève, alors que les membres du comité d'éthique d'i-Télé ont démissionné en masse, montre que ce genre de dispositif ne suffit pas.

Que comptez-vous faire pour assurer l'indépendance des médias ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Les salariés d'i-Télé sont en effet en grève depuis le 17 octobre. Le Gouvernement a cherché une issue à cette crise qui fragilise le pluralisme de l'information. La loi sur l'indépendance et le pluralisme des médias devrait apporter des solutions. Elle obligera les chaînes à élaborer après consultation avec les journalistes une charte de déontologie. Je ne peux pas préjuger la décision du CSA qui se prononcera cet après-midi.

Quant aux problèmes du droit du travail, le tribunal de grande instance devrait rendre ses décisions le 16 novembre. La direction régionale du travail d'Île-de-France joue pleinement son rôle de modération.

M. Patrick Abate.  - La loi Indépendance et pluralisme des médias n'aurait rien changé. Le problème est que quelques groupes financiers ou industriels contrôlent les médias. C'est contre cela qu'il faut lutter. Aude Lancelin se voit décerner le Renaudot après s'est fait licencier de l'OBS en dépit d'une motion de confiance et Michel Field est confirmé à son poste après une motion de défiance... (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe écologiste)

Redistribution fiscale

M. François Marc .  - Dans une étude de septembre 2016, l'Insee indique que, depuis le début de la crise économique, les inégalités économiques se sont un peu plus réduites qu'ailleurs. On peut se féliciter de ce résultat qui ne doit rien au hasard. (Exclamations ironiques à droite)

Nous le devons à la politique fiscale de ce Gouvernement, ses baisses des prélèvements obligatoires : le taux a diminué de 0,3 % depuis quatre ans quand il a augmenté de 2 % sous le précédent quinquennat. (Protestations à droite) Qu'en sera-t-il demain ? On entend parler d'une suppression de l'ISF.

M. Pierre Charon.  - C'est téléphoné !

M. François Marc.  - Quelles sont les mesures du plafonnement pour renforcer encore la progressivité de l'impôt ? Quel serait l'impact d'une suppression de l'ISF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; vives protestations à droite)

M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances .  - Respectons les chiffres de l'Insee.

M. Jean-Louis Carrère.  - À droite, ils sont fâchés avec les chiffres !

M. Michel Sapin, ministre.  - Les prestations sociales ont augmenté, de 10 % pour le RSA et l'impôt sur le revenu a été rendu plus progressif. C'est grâce à cela que les inégalités se sont légèrement réduites. Nous continuons cette année dans le projet de loi de finances avec un milliard de baisse d'impôt pour quatre millions de foyers et un milliard pour les retraités modestes par la prise en charge du service à domicile. (Vives protestations à droite)

La comparaison avec les propositions de la droite est éclairante : 5 milliards d'euros consacrés à la suppression de l'ISF, 2 milliards pour le retour à l'impôt sur le revenu à son niveau initial, 15 milliards au total de cadeaux pour les 10 % les plus aisés. On voit la différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations à droite)

Colère des policiers (I)

M. Gérard Roche .  - Depuis les incidents de Viry-Châtillon, le mouvement des policiers ne faiblit pas. Les policiers sont à bout de souffle : ils réclament une extension de la légitime défense et des sanctions accrues et effectives en cas d'outrage. Bien que le Gouvernement ait annoncé des mesures qui leur donnent largement satisfaction, les manifestations des policiers se poursuivent.

L'histoire le montre : quand le fossé se creuse entre ceux qui protègent et ceux qui décident, l'État peut vaciller. Comment le Gouvernement entend-il préserver l'ordre républicain auquel nous sommes très attachés ?

M. le président.  - La parole est à M. Le Guen.

M. François-Noël Buffet.  - C'est le Le Guen Show ! (On renchérit, à droite)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le Gouvernement entend les forces de l'ordre. Le président de la République a reçu les organisations syndicales.

M. Cazeneuve, qui ne peut vous répondre en personne car il est à Marseille, a annoncé un plan de 250 millions d'euros pour moderniser les équipements, renforcer les protections, acheter 6 380 voitures neuves pour 2017 et recentrer les policiers sur leurs missions en les déchargeant de charges administratives et de tâches indues. Les gardes statiques sont effectuées par des sociétés de sécurité et les policiers effectueront des gardes mobiles. Les tâches indues, comme le transfèrement des détenus ou l'accompagnement des prévenus aux urgences hospitalières, seront réalisées par d'autres.

Enfin le délit d'outrage à policier sera rehaussé au rang de celui d'outrage à magistrat, tandis que le cadre de la légitime défense sera précisé.

M. Gérard Roche.  - Soit. Ce sont les médicaments mais comment le Gouvernement compte-t-il guérir la maladie ? (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)

Colère des policiers (II)

M. François Grosdidier .  - M. le ministre de l'intérieur n'est pas là. J'ai discuté avec les policiers manifestant à Metz ; non pas des militants d'extrême droite, comme dit M. Cambadélis, mais de fidèles serviteurs de l'État.

Vous découvrez le manque de moyens, l'obsolescence des véhicules et des équipements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Mais ce qui pose problème, c'est le laxisme à l'égard des délinquants et la sévérité pour les policiers faisant usage de leur arme pour se défendre, à tel point que des policiers préfèrent être lynchés dans leur voiture. (Vives protestations à gauche) Le problème, c'est aussi la dispersion des missions des policiers en plein état d'urgence : surveillance des fan zones pendant l'Euro et encadrement des manifestations contre la loi Travail. (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi.  - On a le droit de manifester !

M. François Grosdidier.  - À force de tirer sur la corde elle se casse. Comment le gouvernement compte-t-il s'y prendre pour la renouer ? (Applaudissements à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Après les événements que notre pays a connus en 2015 et 2016 et le message d'affection de nos compatriotes à l'égard des forces de l'ordre, j'espérais que vous seriez capables de vous comporter à la hauteur des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; indignation à droite) Il faut se souvenir de ce que j'ai trouvé en 2012 comme ministre de l'intérieur : budgets en baisse à tous les niveaux. J'ai augmenté les moyens, créé 9 000 postes après que vous en aviez supprimé 13 000.

Le maintien de l'ordre, pour la loi Travail comme pour le mariage pour tous (vives exclamations sur certains bancs à droite), a toujours fait partie des missions des policiers, et j'y ai veillé personnellement, y compris lorsque j'étais au ministère de l'intérieur, au même titre que la protection contre la menace terroriste.

En termes de moyens, nous avons engagé des efforts considérables et attendus, pour les créations de postes, pour les services de renseignement, pour l'engagement de l'opération Sentinelle ; il faudra les continuer, comme pour la police, la gendarmerie, la défense, les renseignements et la justice, ainsi que tous les services concernés, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Ces efforts vont se poursuivre, j'y insiste. Mais avant tout, il faut être à l'écoute des policiers. Face à toutes les attaques, les insultes qu'ils ont subies, les tracts honteux il y a quelques mois, l'assaut à la Grande Borne, nous devons tous, exécutif et Parlement, en particulier, être unis. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. François Grosdidier.  - (Protestations croissantes sur les bancs socialistes) Vous avez répondu seulement en partie, mais en partie seulement, aux policiers - comment pourrait-il en être autrement avec un président de la République qui fait une chose et son contraire ? (La clameur à gauche rend le sénateur inaudible, tandis que les applaudissements fusent sur plusieurs bancs à droite pour l'inciter à poursuivre)

M. Didier Guillaume.  - Ce n'est pas possible ! (On approuve vivement sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain) Mettez fin à ce dévoiement des questions d'actualité au Gouvernement !

M. le président.  - C'est moi qui préside !

Mineurs étrangers à Calais

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - La semaine dernière, le Gouvernement a fait évacuer le camp de la Lande à Calais dans les meilleures conditions possibles compte tenu de la situation. Plus de mille six cents mineurs ont été mis à l'abri dans un bâtiment provisoire, grâce à l'efficacité des services de l'État. C'est une première étape, un devoir humanitaire. Il faut à présent prévoir des solutions durables.

La première réponse passe par le respect du regroupement familial et l'accueil en Grande-Bretagne pour tous ceux qui y ont de la famille. Ma première question porte donc sur l'organisation du départ de ces jeunes qui peuvent légitimement prétendre à un accueil outre-Manche.

Ensuite, pour les autres, ceux qui n'ont pas de famille en Europe, quelles solutions vont être mises en place ?

La seule réponse ne peut être l'application abrupte du dispositif de droit commun, à savoir l'aide sociale à l'enfance qui relève des départements. Ceux-ci ne pourront faire face sans des moyens exceptionnels de l'État. Comment accompagnera-t-il les collectivités dans l'exercice de cette indispensable mission de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes .  - L'accueil et la protection des mineurs est une obligation morale, humaine et légale. L'accueil outre-Manche des mineurs qui ont des liens familiaux avérés en Grande-Bretagne a fait l'objet d'étroites négociations avec le Gouvernement britannique.

Depuis le 17 octobre, 274 mineurs ont rejoint le Royaume-Uni, les autres ont été placés dans 157 centres d'accueil spécifiques où leur demande de regroupement familial sera examinée. Nous discutons avec l'ADF de la manière dont seront accueillis ceux qui peuvent y prétendre dans le dispositif du droit commun et le Premier ministre a reçu hier l'ensemble des associations d'élus à ce sujet pour notamment remercier les élus qui se mobilisent.

Oui, saluons l'action des élus locaux, des équipes éducatives, des associations et des services de l'État. Je veux rendre hommage à tous les Français qui se mobilisent pour eux. Eux incarnent la France, belle et généreuse, contre tous ceux qui pétitionnent et refusent l'accueil des réfugiés. (« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

Mauvais fonctionnement des logiciels de gestion financière

Mme Anne-Catherine Loisier .  - La chambre régionale des comptes d'Ile-de-France souligne le surcoût exorbitant dû au bogue informatique lié à un changement de logiciel à l'AP-HP intervenu en 2011. Ce n'est pas la première fois. Le logiciel SIMEN de l'éducation nationale aurait déjà été très coûteux. On peut aussi citer Louvois, Sirius, Chorus et j'en passe.

Les coûts et les délais de ces « logiciels fous » explosent. Sur le dossier Sirius, selon la Cour des comptes, « un système de gouvernance inadapté à la conduite efficace du projet » et des « coûts significatifs pour un retour sur investissement quasi inexistant ».

Cela fait désordre quand le Gouvernement annonce la mise en place du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

Comment entendez-vous endiguer cette gabegie de fonds publics ? (Vifs applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  - (Exclamations sur divers bancs) Beaucoup de fiascos mentionnés ont eu lieu lors de la précédente législature. (Vives exclamations à droite)

Le système Louvois est sous contrôle. Un audit a été réalisé par la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'État pour le projet Orbis de l'AP-HP. Le Gouvernement est attaché à mieux gérer les grands projets informatiques. Nous réformons jour après jour les fonctions support de l'État sous l'autorité du Premier ministre.

Merci de cette question légitime, je suis à votre disposition pour vous apporter plus de précision.

M. Jean Bizet.  - L'immobilisme avance !

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Science sans conscience n'est que ruine de l'âme... et que ruine budgétaire. (Rires à droite)

Politique générale

M. Pascal Allizard .  - Monsieur le Premier ministre, depuis la publication d'un livre d'entretiens, que je qualifierai, en pesant mes mots, d'étonnants, avec le président de la République, les Français découvrent littéralement qu'Un président ne devrait pas dire ça... Tout est dans le titre ! Et pourtant il l'a dit, tout à fait consciemment !

Les Français attendent de leur chef de l'État qu'il incarne véritablement sa fonction avec un minimum de hauteur et de dignité. Ce n'est hélas pas ce qu'ils constatent aujourd'hui ! (On approuve à droite)

M. Hollande est tout sauf un homme « normal » : il ne doit pas parler à tout le monde de ses vagues à l'âme, ni surtout des modes de fonctionnement des services secrets. Monsieur le Premier ministre, je sais que vous désapprouvez ces dérapages ; de nombreux responsables politiques, de la majorité comme de l'opposition, partagent votre colère et votre honte. Ma question est simple : le couple exécutif peut-il encore conduire la France ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - On peut gloser sans cesse sur les commentaires des commentaires... Les Français demandent d'abord de la hauteur et de la responsabilité. (Ironie à droite) Nous avons des défis à affronter. L'essentiel, c'est de défendre ce que nous sommes fiers légitimement d'avoir fait pendant ce quinquennat : création de 60 000 postes d'enseignants, revalorisation de leur traitement, relance de la compétitivité de nos entreprises - je pense aux chiffres récents du chômage, (Protestations à droite) intervention au Mali et en Syrie. (À droite : « Ce n'est pas la question ! ») Ce que la droite propose au pays n'est pas clair : comptez-vous supprimer 100 000, 200 000, un million de postes de fonctionnaires ? Votre position est-elle celle du président par intérim des Républicains ou des maires qui font leur devoir vis-à-vis des réfugiés ? (M. François Grosdidier proteste)

Ce qui manque le plus...

M. Albéric de Montgolfier.  - C'est un président qui préside !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - ... c'est l'espérance. Je m'emploie, à la place qui est la mienne, à la faire vivre. La montée des populismes n'est pas inéluctable. La fatalité ne triomphe que si on la croit inéluctable disait Simone de Beauvoir. Je suis fier d'être de la gauche réformiste qui assume ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du RDSE)

M. Pascal Allizard.  - Vous n'avez pas répondu à ma question. (Applaudissements au centre et à droite)

Bataille de Mossoul

M. Jeanny Lorgeoux .  - À l'heure où le Louvre-Lens retrace les inventions surgies il y a cinq mille ans en Mésopotamie, voici que des mâchoires d'acier se resserrent sur Mossoul, siège des djihadistes de Daech ; là-même où l'humanité créa l'écriture sur des tablettes d'argile, la bataille fait rage dans les ruelles et les remparts de la cité historique. La France prend toute sa part dans le combat contre le terrorisme, le nihilisme et le vertige de la mort aux côtés des forces spéciales irakiennes, des peshmergas kurdes, des pasdarans iraniens et des alliés de la coalition. Puisque tout est lié dans le Levant enchaîné, enchevêtré, sous la vigilance turque et iranienne, serons-nous demain encore dans les troupes de la coalition jusqu'à Raqqa, dernier bastion des ténèbres obscurantistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Vous avez rappelé avec force ce qui se joue en ce moment même à Mossoul. Je vous prie d'excuser l'absence du ministre des affaires étrangères et du développement international, qui rencontre ses homologues et dont vous savez la détermination à lutter pour la paix.

La bataille de Mossoul, qui a commencé il y a deux semaines, a des implications militaires et symboliques. Elle est terrible, car Daech est infiltré dans la population. Nous avons renforcé notre présence militaire dans la coalition qui compte sur nos forces aéronavales et une batterie d'artillerie, outre les actions de formation et d'équipement des forces irakiennes. Nous préparons également la paix avec la fourniture d'assistance aux populations civiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Démantèlement de la Lande de Calais

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements à droite) Le démantèlement de la jungle de Calais, annoncé comme une réussite, laisse perplexe.

Dans l'Eure, les maires sont mis devant le fait accompli. Ainsi, à Perriers-la-Campagne, un maire a dû accueillir cent migrants sans aucun préavis du préfet, ce qui a provoqué délires et hystéries, et menaces de mort... (Vives exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Le lieu d'accueil, sommaire, n'était pas adapté. Les migrants ont dû être orientés vers une commune voisine. Certains migrants se sont volatilisés dans la nature sans que rien ne soit entrepris pour les rechercher.

Monsieur le ministre, pourquoi une telle improvisation ? Que ferez-vous pour retrouver ces migrants qui désertent et face à ces nouveaux campements à Paris, dans le quartier Stalingrad ? (Applaudissements à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Je comprends vos préoccupations. Le Gouvernement fait des points réguliers avec l'ADF et l'AMF. J'ai reçu hier, comme vient de l'indiquer Laurence Rossignol, le président de l'une et le vice-président délégué de l'autre association. Mais enfin, considérons les chiffres, en toute sérénité : l'Allemagne a accueilli 1,5 million de migrants ; et la France ne serait pas capable de régler les problèmes de Calais, insupportables pour les 6 000 à 7 000 réfugiés qui vivaient dans des conditions indignes ?

Ce démantèlement a été mené avec professionnalisme par les services de l'État, l'Ofii, l'Ofpra, la préfecture, les ministères concernés et la plupart des ONG ; les maires jouent leur rôle. La France accueille ceux qui fuient la guerre, la torture et les persécutions.

Nous avons négocié avec le Royaume-Uni pour qu'il accueille plusieurs centaines de mineurs isolés.

Comparons avec ce qui se passe en Italie, ou de l'autre côté de la Méditerranée ! Il est conforme à l'histoire, à la tradition et à l'honneur de la France d'accorder l'asile à ceux qui le méritent.

Enfin, je ne permettrai pas que des personnes s'en prennent aux maires, aux élus, à l'autorité de l'État. L'autorité de l'État s'exerce à Calais, à Stalingrad, mais aussi dans les communes, là où les élus sont pris à partie, partout pour faire respecter la loi et le droit d'asile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Nicole Duranton.  - Il est temps de renégocier les accords du Touquet ! Sinon, on n'y arrivera pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite, tandis qu'on rappelle, sur les bancs du groupe socialiste et républicain et ceux du groupe communiste républicain et citoyen qui les a signés)

Contrôle des comptes des comités d'entreprise d'EDF et de GDF

Mme Catherine Procaccia .  - Monsieur le secrétaire d'État à l'industrie, la loi Sapin de 2014, relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, intégrait la plupart des dispositions de ma proposition de loi votée en octobre 2013 par le Sénat sur la transparence des comptes des comités d'entreprise , lesquelles concernaient également ceux d'EDF et GDF, dont les agissements avaient jeté l'opprobre sur les autres comités d'entreprise. Les décrets sont bien sortis... sauf sur les comités d'entreprise des industries électriques et gazières. Cela ferait partie d'un package spécifique, d'une négociation avec les syndicats ? Comptez-vous publier enfin ces décrets en 2016 ou d'ici la fin de votre Gouvernement ? (Applaudissements à droite)

M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie .  - Nous devons traiter le financement des comités d'entreprise en même temps que la certification des comptes. Or les industries électriques et gazières sont directement concernées par les conséquences de la mise en concurrence. Nous avons donc engagé une négociation avec les partenaires sociaux, qui débouchera prochainement sur une solution, dont nous ne manquerons pas de vous informer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Catherine Procaccia.  - Le financement doit être revu, soit. Mais il n'a jamais été prévu dans le texte de conditionner la transparence des comptes à l'évolution du mode de financement. Ce marchandage remet en cause la volonté du Gouvernement, mais aussi du Parlement, qui a voté la loi ! (Applaudissements à droite)

Fermeture de la centrale de Clairvaux

M. Philippe Adnot .  - L'équation de la surpopulation carcérale est connue : 70 000 détenus pour 58 000 places, taux d'encellulement individuel de 39 % en moyenne, chacun comprend que cette situation est explosive pour les gardiens de prison et favorise violences et radicalisation.

Contrairement à votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, vous annoncez des créations de places. Mais elles viendront dans cinq ans au plus tôt. Comment comprendre que, dans cette situation, vous demandiez la fermeture de Clairvaux, dans l'Aube, qui servait jusqu'en 2009 à la fois de centrale et de centre de détention ? Y renoncer et mobiliser une partie de ses locaux comme centre de détention permettrait à relativement peu de frais d'apporter un début de réponse à la surpopulation carcérale. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Comme j'aimerais vous donner raison, monsieur le sénateur ! Clairvaux n'est pas notre établissement le plus ancien, ni le plus vétuste, même s'il est ancien et vétuste. Pour protéger son personnel, je dois investir 10 millions d'euros avant de la fermer. Plusieurs de mes prédécesseurs en ont parlé, je l'ai fait. J'assume pleinement cette décision aujourd'hui que je soutenais hier, je l'assumerai demain, dans l'intérêt même des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Adnot.  - Cette réponse ne me satisfait pas. Vous avez surestimé le coût de la modification du bâtiment qui devra être protégé de toute façon puisqu'il est classé ! Et la situation de l'emploi et le marché de l'immobilier qui vont s'effondrer dans mon bassin de vie ? J'en appelle à tous les candidats à l'élection présidentielle ! (Quelques applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 20.