SÉANCE

du mercredi 21 février 2018

58e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : Mme Catherine Deroche, Mme Françoise Gatel.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Régime d'ouverture des établissements privés hors contrat

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi .  - L'école concentre beaucoup de convictions, d'émotion, de passion. Elle est comme la loi : il ne faut la « toucher que d'une main tremblante ».

La liberté de l'enseignement est l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qui inclut des parents à choisir l'instruction de leurs enfants, et doit se conjuguer avec le droit de l'enfant à l'instruction garanti par le préambule de la Constitution et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

C'est pourquoi, si la main doit trembler sur l'évolution de cette liberté, elle doit être ferme pour protéger les enfants de la République.

La liberté d'enseignement est en quelque sorte un « marronnier législatif ».

Dès le 17 novembre 1903, le Sénat examinait déjà le projet de loi Chaumié, remplaçant le régime déclaratif par un régime d'autorisation préalable. L'un de nos plus illustres prédécesseurs, Georges Clemenceau, lançait alors à l'adresse de ses collègues : « vous avez fait la liberté de la presse, vous avez fait la liberté de réunion, vous aurez le courage de faire la liberté d'enseignement ! ».

En 2016, le Gouvernement, dans la loi Égalité et citoyenneté, voulait substituer à la déclaration un régime d'autorisation préalable. La majorité sénatoriale avait adopté un amendement visant à renforcer le régime de déclaration ; car si nous divergions sur la proposition du gouvernement d'alors, force est de reconnaître que le constat d'impuissance des autorités publiques exprimé alors par le ministre Patrick Kanner était incontestable et largement partagé. C'est cet amendement, que j'avais déposé alors en tant que rapporteur, qui est examiné aujourd'hui sous forme d'une proposition de loi.

La liberté est indissociable de la responsabilité. Celle de l'État d'abord, qui doit veiller à l'exercice de cette liberté dans le cadre de la loi, laquelle doit protéger les enfants de l'amateurisme, de l'insuffisance pédagogique et de l'endoctrinement, des phénomènes sectaires et de la radicalisation religieuse.

La responsabilité de tout établissement ensuite, qui doit répondre à des obligations d'instruction et d'acquisition du socle commun de connaissances tel que défini par la loi.

Aujourd'hui, l'ouverture d'un établissement privé relève d'un régime déclaratif. Trois lois du XIXe siècle et du début du XXe siècle la régissent.

Les autorités ne peuvent s'opposer à l'ouverture d'un établissement que pour des raisons d'hygiène ou de bonnes moeurs et n'ont que huit jours pour réagir.

Quelque 73 000 élèves sont concernés dont 57 % dans le primaire, relevant de la scolarité obligatoire. Leur nombre a augmenté de 60 % entre 2011 et 2016 en raison de l'engouement pour les pédagogies alternatives, pour les langues régionales mais aussi, reconnaissons-le, de la déception vis-à-vis de l'Éducation nationale.

Attention aux dérives comme celle de l'école Al Badr à Toulouse, dont plusieurs membres de l'équipe étaient fichés S. Le procureur de la République, le préfet, le maire se sont trouvés dépourvus face au refus d'obtempérer à la décision de fermeture du directeur de l'établissement, après le jugement du tribunal correctionnel. Fermée, elle a été rouverte, avec les mêmes enseignants et l'opposition de la rectrice contre cette nouvelle ouverture a été jugée illégale par le tribunal administratif de Toulouse...

En 2016, un rapport d'inspection de l'académie de Versailles faisait état d'« inquiétantes dérives » et de « faillite éducative ». Peut-on enseigner que Pétain a sauvé la France en 1940 ? Que disons-nous au maire de Raismes, dans le Nord, qui alerte les pouvoirs publics mais qu'on laisse seul dans le désert de ses responsabilités ?

La proposition de loi simplifie et réorganise les procédures. Elle renforce le régime déclaratif et la capacité de contrôle des autorités en allongeant le délai d'opposition. Elle ajoute des motifs d'opposition et renforce les sanctions. Le directeur académique pourra mettre en demeure les parents d'inscrire leur enfant dans un autre établissement.

L'article 2 affirme le principe d'un contrôle annuel de chaque établissement ou classe hors contrat. Pour éviter de trop disperser les moyens, il sera proposé de créer un contrôle obligatoire dès la première année puis des contrôles inopinés. Ceux-ci devront être professionnalisés, afin d'aider les inspecteurs dans cette mission, comme a commencé à le faire l'académie de Versailles. Les inspecteurs doivent être sensibilisés aux pédagogies alternatives et aux langues étrangères. Le procureur devra être prévenu si des activités dangereuses sont menées.

L'article 3 étend aux directeurs et enseignants du second degré général les conditions d'âge, de nationalité et de capacité qui n'existaient jusqu'alors que pour leurs homologues du second degré technique. Il précise aussi que le directeur devra aussi avoir exercé pendant cinq ans au moins des fonctions de professeur ou de surveillant.

Je remercie, quel que soit le vote final de leurs membres, tous les groupes du Sénat pour leur travail. Merci au président Hervé Marseille d'avoir inscrit ce texte dans le temps réservé à l'UC ; merci à la rapporteure et à la présidente de la commission de la culture ; merci au ministre pour le dialogue exigeant que nous avons eu.

Cette proposition de loi est difficile, sensible, voire inflammable car elle touche au creuset de la République, l'école, donc à nos convictions, ce qui a déclenché des commentaires enthousiastes et créatifs. (Sourires) Merci à ceux qui, jugeant ce texte « liberticide », « funeste », « soviétiforme », ont enrichi notre vocabulaire, dans la catégorie « excès de langage » ; (Nouveaux sourires) d'autres l'estiment timide ou frileux. Voilà la preuve que ce texte n'obéit à aucun lobby ni idéologie qu'une avalanche de mails procédant d'une même indignation ne saurait asphyxier ou endormir la capacité des législateurs que nous sommes.

Au Sénat, chambre de la sagesse, de la raison et de la réflexion, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Cette proposition est un texte de raison, au service de la République. Il n'est que cela.

Il appartient à chacun de choisir en conscience de faire un pas pour la République et tous ses enfants. (« Très Bien ! » et applaudissements sur la plupart des bancs du groupe UC ; on applaudit aussi sur les bancs des groupes Les Indépendants et RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Annick Billon, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Cette proposition de loi répond à un constat simple : le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat, hérité des lois Falloux en 1850, Goblet en 1886, Astier en 1919, est dépassé. Les contrôles sont rendus inopérants par des délais trop brefs et différents dont disposent les autorités pour s'opposer à l'ouverture d'un établissement - huit jours pour le maire, un mois pour les services de l'État. Les motifs de refus ne sont liés qu'au non-respect des « bonnes moeurs » et à des questions d'hygiène.

L'ordre public et la nature de l'enseignement dispensé ne sont pris en compte que pour le seul enseignement technique. Curieusement, il est impossible de s'opposer à l'ouverture d'un établissement sur des critères qui permettent d'ores et déjà de demander sa fermeture.

Même si le directeur a été condamné pour crime ou délit contraire à la moralité, on ne peut s'opposer à l'ouverture. Trop souvent, les maires et les services de l'État sont ainsi placés devant des faits accomplis.

Le caractère obsolète des dispositions actuelles a été mis en lumière par la forte croissance de l'enseignement privé hors contrat : le nombre d'établissements a crû : de 800 en 2010, à 1 300 en 2017. Le hors contrat connaît un grand engouement. Le nombre d'élèves a augmenté de 23 % depuis 2012 : ils étaient 73 000 à la rentrée 2017.

La multiplication des ouvertures d'établissements, 130 en 2017, ne fait qu'accroître le problème. L'exemple de Toulouse a été cité. Il faut agir, mais avec prudence. Nous devons concilier la liberté de l'enseignement et le droit à l'éducation des enfants. Il faut protéger les enfants mais faciliter l'ouverture pour éviter l'instruction en famille et les établissements clandestins.

Mme Gatel a repris son amendement à la loi Égalité et citoyenneté pour en faire cette proposition de loi. L'article du Gouvernement créant un régime d'autorisation a été censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme, du fait de l'imprécision de l'habilitation à légiférer par ordonnance.

La proposition de loi propose l'harmonisation, la simplification et le renforcement de l'effectivité des contrôles. La complexité des procédures est source de confusions. C'est pourquoi l'article premier unifie les trois régimes d'ouverture existants et les encadre.

Je souhaite la fusion des deux déclarations existantes et la création d'un guichet unique auprès des services de l'Éducation nationale. Il faut aussi distinguer le demandeur, qui peut être le président de l'association support de l'établissement, et le futur directeur. Les conditions pour assurer la direction d'un établissement sont trop réduites. Il convient de protéger les enfants du primaire et du collège, dont la conscience est la plus fragile.

L'effectivité du contrôle est essentielle. Le contrôle sur pièces est nécessairement limité. Nombre d'établissements hors contrat n'ont jamais fait l'objet d'un contrôle. Une circulaire de 2015 prônait un contrôle la première et la cinquième année d'exercice. C'est loin d'être le cas.

Nous ne vous proposerons toutefois pas que la loi prescrive davantage qu'un contrôle obligatoire lors de la première année d'exercice d'un établissement, ce qui semble être une exigence minimale. Le droit ne saurait saisir entièrement la réalité de l'action publique et du contrôle ; à être excessivement prescriptif, nous risquons de supprimer les marges de manoeuvre des rectorats et, in fine, de limiter l'efficacité des contrôles.

Rien ne remplace la volonté du ministre, sur laquelle nous comptons.

Il y a trop d'ambiguïtés dans la rédaction de la loi actuelle.

Je vous invite à adopter les amendements de Mme Gatel. Montrons que le Sénat, force de proposition, dans l'intérêt de la France et de ses enfants, avec toujours le souci de préserver la liberté d'enseignement.

(Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Je salue cette proposition de loi de Mme Gatel, initiative sénatoriale, à la croisée de droits et de libertés parmi les plus précieux ; puisqu'elle concerne la liberté d'enseignement.

Le Gouvernement partage le souci de légiférer sur le régime d'ouverture des établissements hors contrat, ancien et complexe, tant pour l'administration (services municipaux, académiques, préfecture et procureur de la République) que pour ceux qui veulent ouvrir un établissement.

Oui, la législation applicable est obsolète. Les trois lois Falloux, du 15 mars 1850, Goblet, du 30 octobre 1886 et Astier, du 25 juillet 1919, grandes lois républicaines respectables, fondatrices de notre contrat social, auxquelles nous sommes très attachés et dont il importe de respecter l'esprit, offrent néanmoins un cadre juridique qu'il est nécessaire de faire évoluer aujourd'hui. Elles prévoient un régime déclaratif complexe, où trois procédures distinctes coexistent.

Leur cadre n'est plus adapté à la hausse du nombre d'établissements. En 2010, il y avait 800 établissements hors contrat ; aujourd'hui c'est plus de 1 300. On peut se féliciter de ce dynamisme pédagogique, qui illustre combien la liberté d'enseignement est une réalité. Il faut néanmoins moderniser et simplifier le cadre juridique actuel.

Pour le premier degré, second degré et l'enseignement technique, il existe des modalités différentes. La double déclaration d'ouverture est nécessaire pour le premier degré et l'enseignement technique, mais pas pour le second degré. Les délais diffèrent : huit jours pour le maire, un mois pour l'État - mais deux mois pour l'enseignement technique. Les motifs d'opposition varient également : les services de l'État peuvent fonder leur refus sur les motifs tirés de l'hygiène et des bonnes moeurs, et seulement pour l'enseignement technique, de l'ordre public.

Si le régime est complexe, il est aussi incomplet. Actuellement, un individu condamné pour viol sur mineur peut ouvrir son établissement ! Ce n'est qu'après que l'administration peut déclarer cette illégalité au procureur, qui peut alors saisir le tribunal correctionnel, lequel peut prononcer une condamnation... Entre-temps, que de dangers auront été encourus par les élèves !

Avec les amendements de Mme Gatel, cette proposition de loi simplifie et unifie le régime d'ouverture, unifie les délais d'examen des dossiers et clarifie les motifs d'opposition.

La double saisine actuelle, du maire, puis des trois représentants de l'État, est source d'insécurité juridique. La proposition de loi prévoit l'instauration d'un guichet unique.

Le régime proposé par la proposition de loi est plus opérationnel. La proposition de loi actualise les notions de bonnes moeurs et d'hygiène en se référant à la protection de la jeunesse. Le directeur doit aussi avoir un profil adapté.

Les contrôles de la première année que Mme Gatel propose de rendre obligatoires ne sont pas toujours réalisés. Je m'y engage devant vous. Des contrôles seront réalisés en étroite collaboration avec les services de l'État, en particulier ceux du ministère de l'intérieur, pouvant disposer d'informations utiles, pour prévenir des ouvertures non souhaitables.

Cette proposition de loi respecte l'équilibre entre liberté d'enseignement et protection des enfants.

Je suis constitutionnaliste de formation et personnellement très attaché aux libertés constitutionnelles. Mon premier travail académique a porté sur la liberté d'enseignement. Je suis très attaché à la protection des droits fondamentaux. Les jugements péjoratifs portés sur cette proposition de loi, que Mme Gatel a évoqués, sont à déplorer. L'objet de ce texte ne vise à rien d'autre qu'à consacrer une liberté, la liberté d'enseignement, en évitant les abus. En effet, c'est en évitant les abus que l'on défend une liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)

Ministre de l'éducation nationale, je me dois de garantir la protection des enfants et les valeurs de la République.

Oui, menons un combat commun pour défendre les valeurs républicaines en dénonçant ceux qui s'abritent derrière la liberté d'enseignement pour les bafouer. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC et Les Républicains)

M. Antoine Karam .  - Il n'est nullement question d'empêcher l'ouverture d'écoles privées. Notre rôle de parlementaires est d'y veiller et de rassurer à ce propos. Cette proposition de loi modernise le régime complexe et dépassé d'ouverture des établissements scolaires.

Je salue le courage de Mme Gatel qui propose une solution à un problème délicat.

Le rythme d'ouverture des établissements hors contrat est élevé et le nombre d'élèves a plus que doublé entre 2011 et 2017.

Le droit actuel n'offre qu'une solution inopérante. Les recteurs sont totalement désemparés.

Radicalisation religieuse, sectarisme, dérives pédagogiques... Ces situations mettent des enfants en danger et nous ne saurions en être complices par notre inaction.

Nos divergences étaient nécessaires pour mettre non l'église mais la mairie au centre du village.

Mme Françoise Laborde.  - Très bien !

M. Antoine Karam.  - Il s'agit de bien déterminer les conditions d'exercice d'une liberté fondamentale. Le groupe LaREM est attaché à un régime déclaratif renforcé.

Certains collègues ont cité le cas des enfants déscolarisés. Mettre la marche trop haute poussera à la scolarisation à domicile. Le groupe LaREM est favorable à un régime plus opérant, tant pour les autorités que pour les porteurs de projets.

Si un contrôle annuel est difficilement réalisable, il faut renforcer les contrôles inopinés. Outre les contrôles lors de la première année et la cinquième année, un contrôle en troisième année serait pertinent. Les vérifications de moralité des enseignants déjà imposées aux collègues du privé sous contrat doivent être votées.

C'est avec responsabilité et en conscience que le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)

M. Pierre Ouzoulias .  - Cette proposition de loi a suscité des oppositions irrationnelles. Il est grand temps de revenir au droit. Ne jugeons pas a priori les motivations philosophiques ou religieuses des demandeurs d'ouverture d'établissements scolaires.

Toutefois, la liberté de circulation n'empêche pas le code de la route ! De même l'obligation d'instruction est précisément définie par la loi, notamment dans le code de l'éducation.

Le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 garantit « l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». L'obligation d'instruction se réalise donc selon des normes générales que la loi définit assez précisément. L'article L. 131-1-1 du code de l'éducation stipule ainsi : « Le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d'exercer sa citoyenneté ».

L'obligation d'une instruction s'applique aussi au foyer familial quand l'enfant est éduqué à la maison. Un décret de 2012 en a précisé les modalités.

Dans le même esprit, pour les établissements hors contrat, le décret du 28 octobre 2016 a défini les compétences attendues des élèves et la manière dont elles sont évaluées. L'article R. 131-13 du code de l'éducation précise ainsi : « Le contrôle de la maîtrise progressive de chacun des domaines du socle commun est fait au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire ».

Le contrôle de la maîtrise du socle commun est prévu par le code de l'éducation. Il ne faudrait pas que la proposition de loi affaiblisse ces dispositions, ni qu'elle crée une insécurité juridique. Légiférons avec l'objectif d'être utile aux maires sans mettre à bas la législation actuelle.

Cette proposition de loi apporte une solution à la censure d'un article de la loi Egalite et citoyenneté par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 janvier 2017, sur la base de l'article 38 de la Constitution.

Le compromis de cette proposition de loi ne satisfera personne. Le régime déclaratif n'est pas efficient. Je préférerais un régime d'autorisation.

Contre l'endoctrinement, il faut renforcer les possibilités d'inspection. Monsieur le Ministre, vous en êtes responsable sans quoi la loi sera inopérante. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Jacques-Bernard Magner .  - Il existe 1 300 établissements hors contrat contre 8 000 établissements sous contrat. Leur rythme d'ouverture s'accélère. Malheureusement, les signalements sont de plus en plus nombreux. Des dérives sont constatées, qu'il s'agisse d'insuffisance pédagogique, de sectarisme, de radicalisation.

Lors de la discussion sur le projet de loi Égalité et citoyenneté, Patrick Kanner avait souhaité agir. Le Conseil constitutionnel a censuré pour des raisons de forme et non de fond le régime d'autorisation proposé. Le Sénat avait préféré voter une révision du régime déclaratif d'ouverture, l'Assemblée nationale l'a rejetée. Mme Gatel reprend son amendement dans cette proposition de loi.

Pour les sénateurs socialistes et républicains, il est nécessaire de moderniser le régime actuel, obsolète. Le sujet est complexe. L'équilibre entre toutes les contraintes juridiques est difficile à trouver. Nous ne visons pas l'enseignement sous contrat, mais nous sommes inquiets de la prolifération des établissements hors contrat.

Nous déplorons le décalage entre les promesses de l'auteur de la proposition de loi et son dispositif, bien plus modeste.

Nous préférons un régime d'autorisation préalable à une simple déclaration. Après ouverture, les possibilités d'action sont réduites. Il faut parfois plusieurs années pour faire fermer un établissement.

La procédure d'autorisation existe déjà en Alsace-Moselle où elle satisfait tout le monde. Pourquoi ne pas la généraliser ?

M. Jacques Grosperrin.  - Que ne l'avez-vous fait !

M. Jean-Claude Carle.  - Eh oui !

M. Jacques-Bernard Magner.  - Nous déposerons un amendement en ce sens.

La proposition de loi s'avère moins-disante que le droit actuel sur les prérequis demandés au directeur du futur établissement ; il convient au contraire d'aligner le régime unique instauré par la proposition de loi sur le plus exigeant, celui du second degré général, régi par l'article 441-5.

Nous pensons qu'il faut explicitement éloigner toute personne signalée à l'administration pour des antécédents judiciaires des établissements d'enseignement. C'est l'objet de notre troisième amendement qui introduit un article additionnel après l'article premier.

À l'article 2, nous soutenons l'amendement de Mme la rapporteure posant le principe de communication annuelle des données sur les enseignants et celui d'un contrôle obligatoire la première année. Nous préciserons que des contrôles puissent être inopinés, à côté de contrôles obligatoires en première, troisième et cinquième année.

Notre amendement à l'article 3 vise aussi à renforcer et unifier les exigences qui portent sur les directeurs d'établissements. Madame la rapporteur, vous reconnaissez vous-même que le dispositif actuel est obsolète et inefficace face à la radicalisation religieuse, au sectarisme, à l'amateurisme pédagogique. Vous avez cité des cas édifiants. Mais il ne suffit pas de se plaindre, il faut agir pour protéger des enfants que certains établissements mettent en danger. Est-il normal que l'on puisse plus facilement ouvrir une école qu'un bar ? Certes, cette proposition de loi est une avancée... (M. Jacques Grosperrin : « Quand même ! ») mais nous aurions souhaité un régime d'ouverture préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. Claude Malhuret .  - Il y a 1 300 établissements d'enseignement hors contrat, dont 300 à caractère confessionnel. Le législateur doit respecter la liberté d'enseignement mais aussi établir des règles strictes en matière d'ouverture et de contrôle des écoles. Notre groupe a déposé un amendement, soutenu à l'unanimité par la commission, pour changer le titre du texte - pour mettre l'accent sur le contrôle des établissements dans le temps, année après année.  

Tout en célébrant la liberté d'enseignement, n'oublions pas ce que notre système éducatif doit à notre histoire - lois Ferry, l'allongement de la scolarité notamment. Cet acquis doit bénéficier à tous les établissements, hors contrat comme sous contrat.

Il est normal que les autorités puissent empêcher l'ouverture d'une école contraire aux principes de la République. Cette proposition de loi renforce l'arsenal des autorités à cet égard. La situation de l'école Al Badr à Toulouse est intolérable. La République ne peut subir un tel affront et, après des siècles de lutte contre l'obscurantisme, pour l'éducation universelle et l'accès libre à la connaissance, notre Parlement doit protéger ces acquis avec tous les moyens nécessaires.

Le groupe Les Indépendants soutient ce texte et déposera des amendements pour l'enrichir, dans le respect de nos libertés fondamentales. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Ravier .  - Le ministre l'a dit : le vrai ennemi du service public, c'est l'égalitarisme ; son allié, la liberté. Alors pourquoi s'attaquer aux écoles indépendantes qui n'accueillent que 70 000 élèves sur les 12 millions que compte notre pays ? Le succès croissant de ces écoles doit plutôt nous conduire à nous interroger sur l'enseignement public. Après que le régime d'autorisation préalable, introduit par la non regrettée Mme Vallaud-Belkacem (Protestations sur les bancs du groupe SOCR) a été rejeté par le Conseil constitutionnel, vous revenez à la charge de manière pernicieuse et insincère. Rappelons que la censure du Conseil constitutionnel reposait sur l'atteinte disproportionnée à la liberté d'enseignement introduite par cette mesure... (Protestations sur les bancs à gauche)

Plusieurs voix sur les bancs du groupe SOCR.  - C'est faux !

M. Stéphane Ravier.  - Sous prétexte de lutte contre l'islamisme, on punit tout le monde, y compris les écoles chrétiennes qui n'ont rien à se reprocher ! Mais n'est-ce pas là votre véritable but ? Les ayatollahs de la laïcité se frottent les mains, de façon parfaitement hypocrite car tout le monde sait que l'islamisme se développe par d'autres canaux, dans les associations culturelles et sportives, qui échappent à tout contrôle.

Nous sommes donc pour un contrôle a posteriori, plutôt qu'une procédure kafkaïenne a priori. Dans la loi de finances, vous n'avez attribué aucun nouveau poste à l'enseignement privé sous contrat alors que depuis l'accord de 1992, l'État s'était engagé à respecter la règle de 80 % de postes pour le public et 20 % de postes pour le privé sous contrat : n'est-ce pas que vous voulez le briser ? (Protestations sur les bancs à gauche) Le Front National est attaché à la liberté d'enseignement, liberté fondamentale. Nous devons la chérir, non la flétrir ! (Mme Claudine Kauffmann applaudit.)

Mme Josiane Costes .  - Dans le Dictionnaire pédagogique, le radical Ferdinand Buisson, estimait que la liberté d'enseignement est un droit nécessairement limité car il n'intéresse pas l'individu seul - et il prenait l'exemple des mineurs, dont l'État est protecteur naturel. Comme toute liberté, la liberté d'enseignement a des contreparties, ici le droit de l'enfant à l'instruction, consacré par le préambule de la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme. La République a le devoir de protéger les enfants, de prévenir les dérives.

L'absence de contrôle peut d'ailleurs entraîner la responsabilité de l'État. La liberté d'enseignement a toujours eu des limites fixées par le législateur.

Remettons les choses dans leur contexte : en quoi constituer un dossier, peu importe sa forme, entraverait-il la liberté d'enseignement, dès lors qu'il s'agit de se prémunir contre des dérives idéologiques ou religieuses non-conformes aux valeurs de la République ?

La proposition de loi ne remet en cause ni le libre choix des parents quant à l'éducation de leurs enfants, ni les pédagogies qui peuvent être proposées par ces établissements. II n'est porté aucune restriction à leur autonomie. Les structures sérieuses que nous connaissons tous n'ont rien à craindre des dispositions proposées.

Ce texte harmonise les procédures, allonge les délais d'opposition - le délai de huit jours laissé aux maires est trop bref. Un régime d'autorisation serait préférable toutefois. Je rappelle que le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur l'incompatibilité avec la liberté d'enseignement.

Exiger le bulletin n°2 du casier judiciaire, comme pour les enseignants du public et du privé sous contrat, n'est pas exagéré. Interdire à toute personne ayant fait l'objet d'une condamnation incompatible avec l'accueil de mineurs de travailler dans un tel établissement est une précaution a minima.

L'amende de 15 000 euros pour non-respect des conditions d'ouverture est peu dissuasive. Quant à notre proposition d'instaurer un contrôle médical des élèves scolarisés dans les établissements privés hors contrat, je regrette qu'elle ait été déclarée irrecevable.

L'efficacité de ce texte se mesurera aux moyens d'inspection pour son contrôle. Le nombre des contrôles est renforcé, ils seront obligatoires la première année. Cependant, que compte faire le Gouvernement d'une façon plus large ?

La grande majorité du groupe RDSE soutient ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Claude Carle .  - La liberté d'enseignement, principe fondamental, a toujours fait l'objet de discussions vives entre les partisans de l'école libre et ceux de l'enseignement public. Le retrait de la loi Savary, après que deux millions de personnes ont défilé dans les rues de Paris le 24 juin 1984 pour s'y opposer, a été un temps fort.

La moindre étincelle rallume l'incendie. Ma proposition de loi votée en 2009, pour garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et les écoles privées sous contrat accueillant des élèves scolarisés hors de leur commune, me vaut toujours des reproches !

Ce texte renforce et encadre la liberté d'enseignement. Il n'y a pas de liberté sans contrôle. Il est du devoir de l'État de respecter les élèves et les enseignants face à ceux qui ne respectent pas les valeurs de la République.

Les dérives sectaires ne sont pas nouvelles. Mme Royal, alors ministre de l'éducation nationale, avait déjà fait voter des textes sur le sujet.

Nous ne devons pas mettre en péril les pédagogies alternatives innovantes à l'heure où trop d'élèves sortent de l'école primaire sans savoir lire ni bien compter.

C'est pourquoi nous soutenons ce texte, et les amendements de Mme Gatel au profit desquels nous avons retiré les nôtres, qui imposent au demandeur de fournir certaines pièces justificatives lors de la déclaration d'ouverture.

La rédaction de notre rapporteure conforte le texte : allongement et unification des délais, guichet unique, contrôles accrus...

Le groupe Les Républicains votera ce texte car il conjugue liberté et sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Sonia de la Provôté .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Où qu'ils soient scolarisés, les jeunes Français sont les enfants de la République. Cette proposition de loi garantit la sécurité des enfants face aux dérives sectaires notamment. Merci à Mme Gatel de l'avoir déposée.

Le régime en vigueur pour l'ouverture des établissements privés hors contrat n'est pas satisfaisant. D'abord, les procédures sont complexes. Ensuite, les moyens d'agir des autorités sont insuffisants et les élus trop souvent placés devant le fait accompli.

Il y a une incohérence entre la possibilité qu'à l'État d'agir fermement et rapidement dans les établissements publics et privés sous contrat, et l'opacité qui règne dans le hors contrat.

Cette proposition de loi simplifie et harmonise les procédures, tout en renforçant la transparence. L'essor de l'enseignement hors contrat est spectaculaire : 70 000 élèves, dont 57 % dans le primaire. Nous devrions nous interroger sur les raisons de ce choix délibéré des parents, et voir quels en sont les enseignements pour faire évoluer notre système scolaire. Les autorités sont démunies face à l'ouverture d'une école libre. Le système déclaratif actuel, issu de trois lois passées entre la fin du XIXe et le début du XXe, est obsolète ; il faut le réformer sans mettre en cause la liberté d'enseignement.

Le texte respecte ce subtil équilibre. Il fusionne les trois régimes actuels, crée un guichet unique, renforce le contenu de la déclaration préalable, allonge les délais de recours, rend effectifs les contrôles. Le maire, aujourd'hui, ne peut s'opposer à l'ouverture d'une école qu'en cas d'atteinte aux bonnes moeurs ou à l'hygiène. Les services pourront désormais agir pour des motifs de sécurité et d'accessibilité des locaux.

Rien de plus normal de fermer les établissements qui ne sont pas des écoles ! Rien de liberticide dans ce texte.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

Mme Sonia de la Provôté.  - La liberté d'enseignement n'est pas absolue. Le texte apporte des garanties de sécurité, d'hygiène et d'accès aux locaux, des garanties morales d'ouverture et d'indépendance d'esprit, des garanties scolaires.

Ce texte sert la République, la société et nos enfants. Le Sénat s'honorerait en l'adoptant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.)

Mme Colette Mélot .  - Claude Malhuret a résumé l'enjeu de ce texte : trouver l'équilibre entre la liberté d'enseignement, la rigueur scientifique et les valeurs de la République. Nous avons déposé des amendements autour de trois grandes idées.

D'abord renforcer les contrôles a priori : les personnes fichées S ou condamnées ne doivent pas pouvoir ouvrir des écoles. Avant l'ouverture d'une école, il est légitime de connaître l'équipe pédagogique, puis de contrôler chaque nouveau recrutement.

Ensuite, renforcer le contrôle a posteriori, à travers des contrôles réguliers et des amendes plus dissuasives pour sanctionner les ouvertures en dépit d'une interdiction. C'est aussi ce que propose Mme Gatel.

Enfin, l'administration doit disposer des moyens nécessaires pour faire respecter ses prérogatives, nous aurons des amendements dans ce sens.

Le groupe Les Indépendants salue cette proposition de loi qui offre un juste équilibre entre encadrement et liberté d'enseignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Fabienne Keller .  - Je salue l'engagement de Mme Gatel et les valeurs républicaines qui l'ont guidée. Cela a été dit : le nombre d'établissements hors contrat a fortement augmenté, ainsi que le nombre d'élèves qui y sont scolarisés.

Deuxième constat, les exigences de formation pesant sur les enseignants de ces écoles sont faibles. Un quart des contrôles réalisés sur l'année scolaire 2016-2017 révèlent de nombreux manquements : radicalisation, occultation de certains pans du savoir, enseignement partiel, absence de preuve d'un enseignement scolaire.

Nos régimes d'agrément varient selon le primaire - régi par la loi Goblet de 1886 -, le secondaire - loi Falloux de 1850 - ou le technique dont le cadre est fixé par la loi Astier de 1919. C'est le fruit de l'histoire.

Les délais d'opposition sont trop courts et varient. Les motifs d'opposition ne sont fondés que sur l'hygiène et les bonnes moeurs. Les contrôles restent limités.

Le texte permet aux maires et aux services de l'État de travailler de concert et simplifie les procédures. M. le Ministre a indiqué qu'il renforcerait les contrôles a posteriori : quels seront les moyens humains qui y seront consacrés et quel en sera le cadre juridique ?

Enfin, le texte élève les exigences de formation ou d'expérience attendues des enseignants ou des directeurs.

Cette proposition de loi ne porte pas atteinte à la liberté d'enseignement ni au développement de nouvelles pédagogies, mais l'État doit être le garant d'un cadre partagé et respecté par tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mmes Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, et Annick Billon, rapporteure, applaudissent également.)

M. André Reichardt .  - Ne mettons pas tous les établissements hors contrat dans le même panier. Certains sont des laboratoires de pédagogies alternatives pertinentes pour certains élèves, tandis que d'autres sont des lieux d'enfermement des enfants.

Rapporteur de la mission d'information sur l'Islam en France, c'est à ce titre que je prends la parole. Il serait inopportun de ne pas faire de distinction entre les écoles confessionnelles islamiques hors contrat. Si certaines sont des modèles d'ouverture, d'autres ont une vision rigoriste et obtuse de l'islam et ne permettent pas aux enfants de développer l'esprit critique.

Les rapports d'inspection n'ont pas mis en évidence de dérives nettes en matière de radicalisation mais soulignent la faiblesse des méthodes pédagogiques, réduites parfois à un ânonnement répétitif.

Nous avions proposé d'accroître les contrôles sur les écoles hors contrat. C'est le rôle de l'État. Il faut vérifier qu'elles n'enracinent pas dans de jeunes esprits une idéologie contraire aux valeurs de la République. Si nous ne nous en donnons pas les moyens, les dérives ne pourront être contenues. La radicalisation se développe par de nombreux canaux : sur internet ou à l'école. Les cas de radicalisation signalés sont en forte hausse : de 700, on est passé en quelques années à 19 000 ! Soyons vigilants !

Je voterai ce texte ainsi que l'amendement du groupe Les Républicains qui renforce les contrôles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Max Brisson .  - Je salue le maintien d'un régime déclaratif renforcé. Cependant, l'allongement des délais a donné lieu à débat en commission, car un délai trop long peut entraver des projets. Un délai d'un mois serait plus adapté. Exiger trois mois à l'avance la liste des professeurs, leurs titres, compliquerait l'exercice de la liberté d'enseignement. Même risque d'entrave, à confier au décret la liste des pièces exigées pour le dossier d'ouverture de l'école. C'est pourquoi nous voterons l'amendement de Mme Gatel pour inscrire dans la loi la liste des pièces demandées : cela évitera toute prolifération qui restreindrait excessivement la liberté d'enseignement.

Mme Marie-Pierre Monier .  - La Nation garantit à tous les enfants le droit à l'instruction, par un enseignement de qualité et respectueux des valeurs de la République. Oui, la liberté d'enseignement est reconnue : les parents ont un large choix pour scolariser leurs enfants, mais l'État a le devoir d'organiser l'enseignement public gratuit et laïc - et c'est bien au législateur d'en fixer les limites.

Le groupe socialiste propose une procédure d'autorisation a priori, qui ne remet nullement en cause la liberté d'enseignement. Un contrôle a priori est bien plus efficace pour prévenir les phénomènes de radicalisation religieuse ou lutter contre l'insuffisance pédagogique, trop souvent dénoncée dans les rapports d'inspection et qui joue contre l'intérêt des élèves.

Nos règles n'imposent, pour ouvrir une école, que d'être majeur, d'avoir le baccalauréat et de n'avoir pas été condamné en justice : ce n'est pas suffisant. L'État doit garantir à tous un enseignement de qualité ; concilier liberté d'enseignement et protection des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Jacques Bigot .  - Le régime d'Alsace-Moselle, issu d'une loi d'Empire du 12 février 1873, est l'autorisation préalable ; la loi reconnaît que c'est la responsabilité et le rôle de l'État de contrôler les écoles. Cela va dans le sens du texte. Pourquoi ne pas saisir l'occasion d'harmoniser la loi en France sur cette base ? Si le texte est voté, ce régime continuera d'ailleurs toujours à s'appliquer en Alsace... (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. David Assouline .  - La presse annonce que le Sénat veut « mieux encadrer » les établissements d'enseignement privé hors contrat. Mais c'était avant l'examen en commission, dont la majorité entend revenir largement sur la version initiale !

Le groupe socialiste est favorable au régime d'autorisation préalable. Le texte de Mme Gatel comportait une avancée, liée à l'exigence du projet pédagogique. Attention : cette condition paraît devoir disparaitre. Le débat a été vif en commission, quand M. Retailleau a souhaité supprimer cette exigence.

Monsieur le Ministre, allez-vous cautionner ce compromis insatisfaisant ? L'instruction ne doit pas être à géométrie variable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Stéphane Ravier .  - Personne n'est opposé à des contrôles pour s'assurer que les enfants suivent une scolarité dans de bonnes conditions. Mais poser des conditions drastiques a priori est un risque pour les pédagogies particulières. De fait, les pièces exigées pour ouvrir une école sont trop strictes. On en viendrait à soumettre à l'appréciation du maire jusqu'au volume horaire des cours. Je rappelle que les écoles hors contrat ne bénéficient d'aucun financement public. Le comble serait qu'elles soient plus contrôlées que les autres ! Enfin, exiger plusieurs mois avant le plan des locaux oblige ceux qui déposent un dossier à louer ces locaux à vide pendant plusieurs mois. L'équilibre financier des établissements serait gravement menacé. Que de bâtons dans les roues ! Je m'opposerai à cette injustice.

Mme la présidente.  - Amendement n°40 rectifié bis, présenté par Mmes Gatel et Billon, MM. Louault, Détraigne et Henno, Mmes Létard, de la Provôté et Guidez, M. Luche, Mmes Sollogoub et Vermeillet, MM. Laugier, Lafon et Bockel, Mme Vullien, MM. Cadic, Kern, Moga et L. Hervé, Mme Doineau, MM. Capo-Canellas, Longeot et D. Dubois, Mme Férat, M. Delahaye, Mme Saint-Pé, MM. Cazabonne, Vanlerenberghe et Delcros, Mme Vérien, M. Médevielle, Mme Tetuanui et M. Cigolotti.

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre Ier du titre IV du livre IV de la deuxième partie du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER

« L'ouverture des établissements d'enseignement scolaire privés

« Art. L. 441-1.  -  I.  -  Toute personne respectant les conditions de capacité et de nationalité fixées aux 1° et2° du I de l'article L. 914-3 peut ouvrir un établissement d'enseignement scolaire privé à condition d'en déclarer son intention à l'autorité compétente de l'État en matière d'éducation, qui transmet la déclaration au maire de la commune dans laquelle l'établissement est situé, au représentant de l'État dans le département et au procureur de la République.

«  II.  -  L'autorité compétente de l'État en matière d'éducation, le maire, le représentant de l'État dans le département et le procureur de la République peuvent former opposition à l'ouverture de l'établissement :

« 1° Dans l'intérêt de l'ordre public ou de la protection de l'enfance et de la jeunesse ;

« 2° Si la personne qui ouvre l'établissement ne remplit pas les conditions prévues au I du présent article ;

« 3° Si la personne qui dirigera l'établissement ne remplit pas les conditions prévues à l'article L. 914-3 ;

« 4° S'il ressort du projet de l'établissement que celui-ci n'a pas le caractère d'un établissement scolaire ou, le cas échéant, technique.

« À défaut d'opposition, l'établissement est ouvert à l'expiration d'un délai de trois mois.

« Art. L. 441-2.  -  Le dossier de déclaration d'ouverture d'un établissement d'enseignement scolaire privé comprend les pièces suivantes :

« 1° S'agissant de la ou des personnes physiques déclarant l'ouverture et dirigeant l'établissement :

« a) Une déclaration mentionnant leur volonté d'ouvrir et de diriger un établissement accueillant des élèves présentant l'objet de l'enseignement conformément à l'article L. 122-1-1 dans le respect de la liberté pédagogique, précisant l'âge des élèves ainsi que, le cas échéant, les diplômes ou les emplois auxquels l'établissement les préparera, et les horaires et disciplines si l'établissement prépare à des diplômes de l'enseignement technique ;

« b) La ou les pièces attestant de leur identité, de leur âge et de leur nationalité ;

« c) L'original du bulletin de leur casier judiciaire mentionné à l'article 777 du code de procédure pénale, daté de moins 3 mois lors du dépôt du dossier ; 

« d) L'ensemble des pièces attestant que la personne qui ouvre l'établissement et, le cas échéant, celle qui le dirigera remplissent les conditions prévues à l'article L. 914-3 du présent code.

« 2° S'agissant de l'établissement :

« a) Le plan des locaux et, le cas échéant, de tout terrain destiné à recevoir les élèves, indiquant, au moins, la dimension de chacune des surfaces et leur destination ;

« b) Ses modalités de financement ;

« c) Le cas échéant, l'attestation du dépôt de la demande d'autorisation prévue à l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation.

« 3° Le cas échéant, les statuts de la personne morale qui ouvre l'établissement.

« Art. L. 441-3.  -  I.  -  La déclaration prévue à l'article L. 441-1 doit être faite en cas de changement de locaux ou d'admission d'élèves internes.

« II.  -  L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation est informée du changement d'identité de la personne chargée de la direction de l'établissement et peut s'y opposer dans un délai d'un mois pour les motifs mentionnés aux 1° et 3° du II de l'article L. 441-1.

« L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation est également informée du changement d'identité du représentant légal de l'établissement.

« Art. L. 441-4.  -  Le fait d'ouvrir un établissement d'enseignement privé en dépit d'une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions prescrites au présent chapitre est puni de 15 000 € d'amende et de la fermeture de l'établissement.

« Lorsque le procureur de la République a été saisi des faits constitutifs de cette infraction, l'autorité compétente de l'État en matière d'éducation met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l'établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure.

« Lorsque l'ouverture d'un établissement a fait l'objet d'une décision d'opposition, la peine d'amende prévue au premier alinéa ne peut être prononcée qu'après que cette décision est devenue définitive. »

Mme Françoise Gatel.  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cet amendement simplifie la proposition de loi et rend son régime plus opérationnel et sécurisant pour les porteurs de projets comme pour les autorités concernées.

Il affirme clairement la distinction entre la personne qui souhaite ouvrir l'établissement et son directeur ; il impose des conditions de qualification et d'expérience particulières ; il simplifie la procédure en créant un guichet unique auprès des services de l'État ; il unifie les motifs et les délais d'opposition ; il prévoit l'information des autorités compétentes en cas de changement de l'identité du directeur ou du représentant légal de l'établissement, afin d'éviter le recours à des hommes de paille ; enfin, il fixe la liste des pièces constitutives du dossier d'ouverture.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°42 rectifié à l'amendement n°40 rectifié de Mme Gatel, présenté par Mmes Costes et Laborde, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier et Vall.

Amendement n° 40 rect.

I. - Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Nul ne peut ouvrir un établissement d'enseignement scolaire privé s'il a fait l'objet d'une condamnation incompatible avec l'accueil de mineurs.

II. - Alinéa 16

Remplacer la référence :

article 777

par la référence :

article 775

Mme Françoise Laborde.  - Il s'agit de rendre obligatoire un contrôle a priori du casier judiciaire du déclarant au moment du dépôt du dossier afin de vérifier qu'il n'a pas fait l'objet de condamnations incompatibles avec l'accueil des mineurs. Il prévoit également la communication du bulletin n°2 du casier judiciaire, plus complet que le bulletin n°3, comme l'y autorise la circulaire du 17 juillet 2015. Ainsi nous rendrons effective l'application de l'article L.911-5 du code de l'éducation.

Si cet amendement est satisfait par le droit en vigueur comme on me l'a dit, la proposition de loi l'est également. Pourquoi l'un serait refusé quand l'autre serait accepté ?

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°38 rectifié bis à l'amendement n°40 rectifié de Mme Gatel, présenté par MM. Carle, Retailleau, Brisson et Kennel, Mmes Dumas et Lopez, MM. Dufaut, Piednoir et Schmitz, Mmes Duranton, L. Darcos et Bruguière, M. Savin, Mme Boulay-Espéronnier et M. Paccaud.

Amendement n°40 rectifié, alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'autorité compétente de l'État en matière d'éducation dispose d'un délai de quinze jours à partir de la réception de la demande pour déclarer le dossier complet et, à défaut, demander les pièces manquantes.

M. Jean-Claude Carle.  - L'autorité recevant la demande d'ouverture aura un délai de quinze jours pour demander les pièces manquantes. Dans la pratique, l'acceptation du dossier a souvent lieu tardivement.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°46 rectifié à l'amendement n°40 rectifié de Mme Gatel, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 40 rectifié

I. Alinéa 12

Après la référence :

L. 441-2. -

insérer la mention :

I. -

II.  -  Après l'alinéa 22

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« II.  -  Lors du dépôt des pièces du dossier énumérées au I du présent article par la personne mentionnée au I de l'article L. 441-1, l'autorité compétente de l'État en matière d'éducation délivre à cette personne un accusé de réception, tel que régi par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et notamment celles de son article L. 112-3. En même temps que cette délivrance, cette autorité effectue la transmission au maire, au représentant de l'État dans le département et au procureur de la République, prévue au I de l'article L. 441-1 du présent code.

« Pour la mise en oeuvre de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité compétente de l'État en matière d'éducation indique à la personne mentionnée au I de l'article L. 441-1 du présent code que le dossier est incomplet dans l'accusé de réception mentionné au premier alinéa du présent II, ou, à défaut, dans un délai au plus égal à quinze jours après sa délivrance. En même temps qu'elle donne l'indication que le dossier est incomplet et qu'elle reçoit les pièces requises, l'autorité compétente de l'État en matière d'éducation en effectue la transmission au maire, au représentant de l'État dans le département et au procureur de la République.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Le but est d'apporter des garanties complémentaires aux porteurs de projets en soumettant explicitement le processus déclaratif au droit commun prévu par le code des relations entre le public et l'administration. Pour répondre à l'objectif du sous-amendement n°38 rectifié, dont je demanderai le retrait, nous circonscrivons explicitement à quinze jours le délai dont disposera l'administration pour signaler que le dossier est incomplet.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°44 rectifié bis à l'amendement n°40 rectifié de Mme Gatel, présenté par M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.

Amendement n° 40, alinéa 26

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La peine complémentaire d'interdiction d'ouvrir et de diriger un établissement scolaire ainsi que d'y enseigner, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, est également encourue.

M. Dominique Théophile.  - Nous créons une troisième peine que le tribunal correctionnel pourra prononcer si la personne qui ouvre un établissement est dans l'illégalité. Comme aujourd'hui, le tribunal pourra prononcer une peine d'amende et la fermeture de l'établissement. Demain, il pourra aussi interdire à l'intéressé de diriger un établissement ou d'enseigner dans un établissement scolaire, ce qui lui interdira de faction d'ouvrir un établissement.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable à l'amendement n°40 rectifié bis, qui est le fruit d'un accord au sein de la majorité sénatoriale.

Retrait et, à défaut, rejet du sous-amendement n°38 rectifié bis au profit de l'amendement n°46 rectifié du Gouvernement. L'examen du dossier ne sera pas retardé, faute d'être complet. Le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance comporte, en son article 2 bis une disposition similaire.

La commission a émis un avis défavorable au sous-amendement n°46 parce qu'il revenait à prévoir au total un délai de quatre mois. Il a été rectifié depuis pour que le délai soit ramené à trois mois et demi, j'y suis favorable à titre personnel.

Le sous-amendement n°42 rectifié est satisfait. Le bulletin n°2 du casier judiciaire ne peut être délivré qu'aux administrations. Retrait ou avis défavorable.

Enfin, avis favorable au sous-amendement n°44 rectifié bis.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - L'amendement n°40 rectifié bis garantit de manière équilibrée la liberté d'enseignement et le droit à l'éducation, grâce à un guichet unique et au droit d'opposition pour les quatre autorités compétentes. Les motifs d'opposition et les délais sont unifiés. La liste des pièces demandées est précisée. Les sanctions sont renforcées. Je salue cette rédaction de Mme Gatel qui simplifie et sécurise la procédure.

Retrait du sous-amendement n°38 rectifié bis au profit du sous-amendement n°46 rectifié ?

Protéger les mineurs est un objectif partagé qu'atteint la proposition de loi. Avec le nouvel article 441-1 du code de l'éducation, l'administration pourra s'opposer à l'ouverture de tout établissement scolaire dans l'intérêt de l'ordre public. Autrement dit, si une personne veut ouvrir un établissement, elle déposera un dossier qui comportera son nom, lequel sera adressé au procureur de la République qui vérifiera si le demandant a fait l'objet d'une condamnation. En revanche, la loi ne peut pas exiger d'une personne la communication du bulletin n°2 de son casier judiciaire. Retrait du sous-amendement n°42 rectifié ?

Le sous-amendement n°44 rectifié bis va dans le bon sens en introduisant une nouvelle sanction en cas d'ouverture d'un établissement dans des conditions illégales. Avis favorable.

Mme Françoise Laborde.  - Votre réponse, Monsieur le Ministre, est claire et je l'entends : grâce au guichet unique, le travail de contrôle reviendra au procureur. Pour autant, je ne peux pas retirer un sous-amendement dont je ne suis pas l'unique signataire.

Le sous-amendement n°42 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Carle.  - Les garanties qu'apporte le sous-amendement n°46 rectifié sont supérieures à celles que j'avais prévues. Je m'incline.

Le sous-amendement n°38 rectifié bis est retiré.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Le diable se cache dans les détails - ici, considérer le dossier de déclaration comme complet si l'administration n'a pas réclamé les pièces manquantes dans les quinze jours. Cela dézingue, si je puis me permettre ce mot trivial, la proposition de loi. Il suffira à toute personne mal intentionnée de rendre exprès un dossier incomplet puis de tabler sur les délais d'examen pour s'exonérer des contraintes légales. C'est du pain bénit pour les contrevenants.

M. David Assouline.  - Je vais révéler la logique sous-jacente au sous-amendement de M. Carle.

M. Jean-Claude Carle.  - Mais je l'ai retiré !

M. David Assouline.  - Oui, ce qui nous a privés d'un débat savoureux... Passé un délai de quinze jours, un dossier incomplet sera considéré comme complet. C'est supprimer tout encadrement (On se récrie sur les bancs du groupe UC.), donner un blanc-seing aux porteurs d'une vision idéologique de l'école que MM. Carle et Retailleau ont défendus en commission. (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains.) On y a entendu dire que l'école publique avait fait faillite, l'école privée sous contrat aussi et qu'il ne fallait pas limiter l'école privée hors contrat qui serait l'école de la réussite.

M. Jean-Claude Carle.  - C'est lamentable !

M. David Assouline.  - Quels réseaux traditionnalistes sont derrière Espérance banlieues que vous défendez ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Françoise Gatel.  - Les centristes n'ont répondu à aucun ordre, cette proposition de loi traduit notre volonté de faire appliquer la loi pour protéger les enfants de France et ne pas laisser les maires seuls dans un désert de responsabilités. Techniquement, Monsieur Assouline le délai de quinze jours pour incomplétude est déjà appliqué dans plusieurs secteurs, notamment l'urbanisme. Si l'on suit votre logique, l'administration est incapable de répondre en quinze jours... Que chacun revienne à la raison, merci ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Cette mesure ne vise pas à soutenir des élus qui se sentent délaissés mais à faciliter la tâche des porteurs de projets. Les maires se sentent démunis, non pas pour dire oui, mais pour dire non à des projets d'établissements qui ne sont pas conformes à notre idéal républicain et à l'intérêt des enfants. Autant l'État ne doit pas se montrer tatillon quand il s'agit d'urbanisme, autant il doit l'être un peu quand l'éducation des enfants est en jeu. Le laxisme n'est pas de mise à l'heure où le risque est déjà assez élevé que des structures pseudo-éducatives se multiplient. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Pierre Ouzoulias.  - Mme Gatel en appelle à la raison ; moi, au droit. La semaine dernière, la majorité sénatoriale a voté de concert un amendement considérant que l'absence de réponse d'une université à un étudiant valait refus d'inscription. Pourquoi le droit d'aujourd'hui irait-il à l'inverse du droit d'hier ? Ne changeons pas le droit toutes les semaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

M. Jean-Claude Carle.  - Monsieur Assouline, tout ce qui est excessif est insignifiant. Je souhaite que nous revenions à un débat serein. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Laborde.  - Bravo au guichet unique. Mais décidément, le délai de quinze jours ne passe pas. M. Ouzoulias a raison : la semaine dernière, l'absence de réponse valait refus. Monsieur le Ministre, rassurez-nous !

Mme Samia Ghali.  - L'éducation de nos enfants ne peut pas être comparée à l'instruction d'un permis de construire. Un enfant n'est pas en mesure de décider ce qui est bon pour lui. Il est plus difficile de fermer une école que de l'empêcher d'ouvrir. J'ai vu, dans ma circonscription, des enfants accueillis dans des conditions très douteuses et je ne parle même pas du contenu de l'enseignement. Monsieur le ministre, vous qui avez dédoublé les classes de CP, acceptez-vous qu'il y ait des enfants perdus ?

Mme Annick Billon, rapporteure.  - J'ai l'impression que nous ne parlons pas tous de la même chose. L'autorité compétente aura quinze jours pour dire si le dossier est complet, non pour se prononcer sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je suis surpris par le tour que prend le débat. Nous passons du niveau 0 de protection au niveau 1 ; ceux qui prônent le niveau 2 devraient déjà s'en féliciter... Abordons avec bonne foi les points techniques - le délai de quinze jours n'est nullement une innovation, et gardons à l'esprit la recherche d'équilibre entre la liberté d'enseignement et la protection des enfants. Cet équilibre me semble trouvé par l'amendement n°40 rectifié bis. Le seul qui devrait se plaindre, c'est moi puisqu'il oblige mon administration à examiner rapidement les dossiers déposés... J'en ai pris l'engagement devant vous, à la tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Le sous-amendement n°46 rectifié est adopté.

M. David Assouline.  - Oui, nous voulons contrôler un phénomène qui n'est pas bénin puisqu'il est en extension ; à savoir, la prolifération des écoles dans fondamentalistes, voire islamistes, mais aussi traditionalistes catholiques. J'ai soutenu la proposition de loi initiale de Mme Gatel ; vous voyez, je ne suis pas excessif...mais plutôt excessivement ouvert. (Sourires) Pourquoi passer sous silence ce que MM. Retailleau et Carle ont fait en commission ? Ils ont combattu la position de la rapporteure.

M. Bruno Retailleau.  - Et vous, vous avez voté contre l'amendement de la rapporteure !

M. David Assouline.  - Ce sera ma dernière phrase. (On s'en réjouit sur les bancs du groupe Les Républicains.) Monsieur Carle, ce qui est excessif est insignifiant : dites-le plutôt au patron de votre formation politique.

Le sous-amendement n°44 rectifié bis est adopté.

M. Jacques-Bernard Magner.  - (Marques d'impatience sur les bancs du groupe UC) L'amendement n°40 rectifié bis marque un recul par rapport à la proposition de loi initiale. Pourquoi ne pas mentionner le projet pédagogique, les programmes et les horaires dans la liste des pièces à fournir pour l'ouverture d'un établissement ? Les garanties que votre amendement exige sont insuffisantes. Oui à la liberté pédagogique, non à la liberté des programmes. Mes collègues Les Républicains sont plus exigeants vis-à-vis des programmes de l'enseignement public...

M. Max Brisson.  - Il s'agit à la fois d'encadrer l'ouverture des écoles et de protéger la liberté d'enseignement. Je me réjouis que Mme Gatel soit allée, grâce à son amendement à sa propre proposition de loi, vers cet équilibre. Dans notre histoire, les déclarations préalables ont été peu compatibles avec la liberté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Bigot.  - Je vous invite, Monsieur le Ministre, à mieux vous renseigner sur le régime d'autorisation pratiqué en Alsace-Moselle que vous semblez méconnaître. À l'Assemblée nationale, vous pourrez ainsi faire un pas de plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Marc Gabouty.  - Le groupe RDSE aurait préféré le régime de l'autorisation, qui offre plus de garanties. Monsieur le Ministre, vous avez défendu la déclaration au nom de la souplesse. Je regrette le délai de quinze jours, qui me semble très court. Songez à un dossier déposé début août. Monsieur le Ministre, vous faites courir un risque à votre administration.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Un expert-comptable qui veut ouvrir un cabinet doit présenter ses diplômes. Et l'on n'exigera pas de quelqu'un qui veut ouvrir un établissement scolaire son projet d'enseignement ? Bref, on pourra ouvrir une école comme on crée une entreprise de services ou une association. La première liberté à préserver est celle des enfants. Le projet éducatif, vital pour la crédibilité, permet de vérifier que cela est le cas. Il est le fondement du projet d'établissement. Sensible aux difficultés des enfants dyslexiques et les enfants « dys », je sais que des écoles privées en développent de très bons, qui sont mûrement réfléchis par comparaison avec ce que l'école publique n'offre pas. Mme Gatel, sous la pression, est revenue en arrière. Je défends l'école publique, mais avant tout les enfants. L'autorisation est la meilleure solution, elle fonctionne très bien en Alsace-Moselle sans porter atteinte à la liberté d'enseignement. Pourquoi ne pas généraliser ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

Mme Françoise Cartron.  - Le projet pédagogique est capital, que ce soit dans les écoles privées hors contrat, les écoles privées sous contrat et les écoles publiques. C'est lui qui permet aux parents de faire un choix en toute connaissance de cause. Il s'agit de transparence, d'information mais aussi d'émulation entre les établissements. Je regrette que le projet éducatif disparaisse de la liste des pièces à fournir.

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur le Ministre, le décret du 28 octobre 2016 donne la faculté à vos services de contrôler la conformité de l'enseignement délivré par les écoles. Pourquoi ne pas imposer le même référentiel au moment de l'ouverture ?

Mme Samia Ghali.  - Il y a des pseudo-écoles qui font miroiter monts et merveilles aux familles. Si l'État ne vérifie pas leur projet éducatif, les familles y mettront leurs enfants en pensant que l'État a donné tout son aval. Le régime de l'autorisation est parfois très dangereux...

Mme Françoise Gatel.  - Bravo !

Mme Samia Ghali.  - Je voulais dire le régime de la déclaration.

Mme Laurence Rossignol.  - Il y a deux jours encore, il aurait été possible de trouver un consensus. Le groupe socialiste avait même envisagé de voter la proposition de loi si ses amendements étaient refusés. Le step by step, pourquoi pas ? Nous, socialistes, sommes des réformistes mais les choses ont changé.

J'ai beau être une fanatique de l'initiative parlementaire, Monsieur le Ministre, le contrôle des établissements hors contrat est une question régalienne. Le précédent gouvernement avait d'ailleurs pris des dispositions dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, que le Conseil constitutionnel a retoquées pour des questions de forme.

Si je ne suis pas une observatrice acérée du nouveau monde, je sais que le monde de 2018 n'est pas celui de la loi Debré de 1959. Les parents ne peuvent priver leurs enfants de ce à quoi ils ont droit. Les enfants n'appartiennent pas à leurs parents ; l'éducation consiste à les porter hors de leur foyer. (Marques d'impatience sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) Je l'ai déjà dit - cela a fait le buzz médiatique - et je l'assume : les enfants n'appartiennent pas à leurs parents. (La voix de l'oratrice, dont le micro est coupé, est couverte par le brouhaha au centre et à droite.)

L'amendement n°40 rectifié bis, sous-amendé, est adopté et l'article premier est ainsi rédigé.

Les amendements nos1 rectifié bis, 29, 20 rectifié, 21 rectifié, 22 rectifié, 13 rectifié bis, 14 rectifié bis, 2 rectifié, 27 rectifié, 30, 3 rectifié, 12 rectifié bis, 4 rectifié, 7 rectifié, 23 rectifié, 5 rectifié, 6 rectifié et 11 rectifié bis n'ont plus d'objet.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par M. Magner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l'article L. 441-1 du code de l'éducation, il est inséré un article L. 441-... ainsi rédigé :

« Art. L. 441-...  -  Nul ne peut ouvrir, diriger un établissement privé ou y être employé à quelque titre que ce soit :

« 1° S'il est frappé d'une incapacité prévue à l'article L. 911-5 ;

« 2° S'il a fait l'objet d'une procédure d'information au titre de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale. »

M. Jacques-Bernard Magner.  - Outre les incapacités visées à l'article L. 911-5 du code de l'éducation, cet amendement mentionne explicitement l'interdiction pour toute personne signalée à l'administration pour des antécédents judiciaires de tout lien avec un établissement d'enseignement privé.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Retrait ou avis défavorable à cet amendement satisfait par l'article L. 911-5 du code de l'éducation que vous mentionnez.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Avis défavorable. Je partage l'analyse de la rapporteure.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. Max Brisson .  - Il serait naïf de croire que ceux qui veulent soustraire nos enfants à nos valeurs communes n'arriveront pas à se soustraire aux contrôles. La mission d'inspection doit être qualifiée et précisée et les inspecteurs doivent bénéficier d'un véritable plan de formation. Des procédures précises doivent permettre de contrôler que la sécurité des enfants est assurée, que l'enseignement est conforme à un socle commun de valeurs. En revanche, le renforcement des contrôles ne doit pas aboutir à une mise en adéquation forcée avec les programmes de l'Éducation nationale. Sans quoi, ce serait une menace pour l'innovation pédagogique, le droit à la différence et la liberté de choix des parents.

M. Bruno Retailleau.  - Très bien !

Mme la présidente.  - Amendement n°31, présenté par M. Magner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 442-2 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements mentionnés au premier alinéa communiquent chaque année à l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation les noms et les titres des personnes exerçant des fonctions d'enseignement, dans des conditions fixées par décret. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « contrôle », sont insérés les mots : « , y compris inopiné, » ;

b) Après la référence : « L. 131-1-1 », la fin est ainsi rédigée : « , permet aux élèves de ces classes l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1 et qu'ils ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article L. 111-1. » ;

3° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un contrôle est réalisé au cours de la première année, de la troisième année et de la cinquième année d'exercice d'un établissement privé. » ;

4° Au quatrième alinéa, les mots : « il sera mis » sont remplacés par les mots : « il est mis » ;

5° L'avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « sa part » sont remplacés par les mots : « la part du directeur de l'établissement » ;

b) Les mots : « et L. 131-10 » sont remplacés par les mots : « et qui permet aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1 » ;

c) Sont ajoutés les mots : « , puis  met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l'établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure qui leur est faite » ;

6° Le dernier alinéa est supprimé.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Cet amendement reprend en partie l'amendement de rédaction de l'article 2 déposé par la rapporteure en commission, en particulier, le principe de communication annuelle des informations concernant les enseignants à l'administration de l'Éducation nationale, l'introduction de la notion de contrôle obligatoire et la levée de l'ambiguïté de la rédaction de la procédure de mise en demeure.

En revanche, à la différence de l'amendement de la rapporteure, il prévoit que les contrôles de l'autorité compétente peuvent s'opérer de manière inopinée, en particulier lorsqu'un premier contrôle conduit à des doutes ou à une mise en demeure de l'établissement de se conformer au droit en vigueur.

Il instaure aussi un contrôle obligatoire les première, troisième et cinquième années d'exercice des établissements privés.

À défaut du contrôle annuel obligatoire, idéal mais irréalisable, la circulaire du 17 juillet 2015 prescrit qu'un établissement d'enseignement scolaire privé soit inspecté les première et cinquième années de son fonctionnement. Nous y ajoutons la troisième année.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par Mme Gatel et les membres du groupe Union Centriste.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 442-2 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements mentionnés au premier alinéa communiquent chaque année à l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation les noms et les titres des personnes exerçant des fonctions d'enseignement, dans des conditions fixées par décret. » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « peut prescrire chaque année un » sont remplacés par les mots : « prescrit le » ;

3° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un contrôle est réalisé au cours de la première année d'exercice d'un établissement privé. » ;

4° Au quatrième alinéa, les mots : « il sera mis » sont remplacés par les mots : « il est mis » ;

5° L'avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « sa part » sont remplacés par les mots : « la part du directeur de l'établissement » et les mots : « et L. 131-10 » sont remplacés par les mots : « et qui permet aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1 » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , puis met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l'établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure qui leur est faite » ;

6° Le dernier alinéa est supprimé. 

Mme Françoise Gatel.  - Il nous arrive de nous entendre puisque cet amendement propose une nouvelle rédaction de l'article 2 afin de renforcer et de rendre plus efficace le contrôle a posteriori des établissements hors contrat.

Son 1° rend obligatoire la communication annuelle des noms et titres des enseignants. Les 2°, 4°, 5° et 6° apportent des modifications rédactionnelles à l'article L. 442-2.

Enfin, nous rappelons que le contrôle se déroule dans l'établissement. Le directeur de l'établissement peut être préalablement informé de la date du contrôle et de ses modalités. Toutefois, le contrôle peut être effectué sans délai et de manière inopinée.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°39 rectifié bis à l'amendement n°33 de Mme Gatel et les membres du groupe Union Centriste, présenté par MM. Carle, Retailleau, Brisson et Kennel, Mmes Dumas et Lopez, MM. Dufaut, Piednoir et Schmitz, Mmes Duranton, L. Darcos et Bruguière, M. Savin, Mme Boulay-Espéronnier et M. Paccaud.

Amendement 33, après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Mis en oeuvre sous l'autorité conjointe du représentant de l'État dans le département de l'autorité compétente en matière d'éducation, le contrôle de l'État sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'État par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l'enfance et de la jeunesse. » ;

M. Jean-Claude Carle.  - La proposition de loi ayant pour principal objectif la lutte contre les risques de radicalisation, il est utile de donner la possibilité au préfet d'adjoindre aux services de l'Éducation nationale, dans l'exercice de leur mission de contrôle, l'assistance d'autres services, notamment ceux du ministère de l'intérieur, notamment les services de renseignement.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable aux amendements nos31, 33 et au sous-amendement n°39 rectifié bis. Il est inutile de préciser que le contrôle peut être inopiné. C'est déjà prévu par une circulaire. Des contrôles les première, troisième et cinquième années seraient l'idéal mais les moyens disponibles rendent ces exigences irréalistes.

Je préfère que les recteurs concentrent leurs forces sur les établissements qu'ils jugent prioritaires. La commission demande le vote par priorité de l'amendement n°33 et du sous-amendement n°39 rectifié bis auxquels elle a donné un avis favorable. L'amendement n°31 deviendrait sans objet.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je n'ai pas d'objection. Je partage les avis de la rapporteure. Les codes du travail et de l'éducation imposent de tenir un registre des enseignants. Il est déjà prévu d'inspecter les établissements lors de leur première année d'ouverture. Je m'engage solennellement à ce que ce contrôle soit effectif.

Je ne peux pas être d'accord avec l'amendement n°31 qui impose des contrôles les troisième et cinquième années, ce qui aboutit au résultat inverse de ce qui est recherché en empêchant que d'autres contrôles aient lieu dès la première année ou également la deuxième année si nécessaire, et ce qui risque en effet de disperser les moyens d'inspection. Je fais pleinement confiance aux inspecteurs de l'Éducation nationale pour déterminer quels sont les établissements problématiques et diriger leurs efforts de contrôle là où ce sera utile. Comprenez-moi bien : je suis, si j'ose dire, plus « magnériste » que M. Magner ! (M. Jacques-Bernard Magner sourit.) Il importe que s'établisse un lien de confiance entre les inspecteurs et l'établissement ; d'où la nécessité de rendez-vous réguliers, dont l'automatisme peut au contraire provoquer la défiance. Retrait de l'amendement n°31 et avis favorable à l'amendement n°33. Sagesse pour le sous-amendement n°39 rectifié bis.

M. David Assouline.  - M. le ministre appelle notre attention sur les contrôles les troisième et cinquième années et sur les contrôles inopinés qui seraient déjà existants. Dire que l'inscription dans la loi est inutile parce que c'est dans une circulaire n'est pas un argument. Nous tenons à ce terme d'inopiné. Si c'est dans la loi, c'est plus dissuasif que dans une circulaire.

On peut retirer de l'amendement la mention des trois et cinq ans mais nous voulons laisser « inopiné » ; cet amendement a été adopté en commission ce matin.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - Soyons précis : il n'a pas été « adopté », il a reçu un avis favorable...

M. Jacques-Bernard Magner.  - Soit.

M. David Assouline.  - Oui, mais il convient tout de même de le préciser.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le sous-amendement n°39 rectifié bis de M. Carle nous fait entrer dans le fond du débat. Je n'ai pas été compris, je le répète à nouveau : les établissements hors contrat sont, aux termes de la réglementation actuelle, rigoureusement contrôlés. M. Carle propose de réduire ce contrôle tel qu'il est défini dans le décret du 28 octobre 2016, codifié aux articles R131-13 et suivants du code de l'éducation. Il détricote un texte plus ancien sur des points déterminants.

Mme Laurence Rossignol.  - Inscrire dans la loi une régularité des contrôles n'empêche pas d'organiser des contrôles inopinés ! L'Éducation nationale n'a pas tout de suite saisi ce qui se passait dans le hors contrat. Monsieur le Ministre, il y a de la défiance, sinon nous ne serions pas en train de légiférer. Les parents sont abusés par des projets pédagogiques mystifiants. Certaines écoles s'organisent dans des appartements où les enfants reçoivent quelque chose qui n'a rien à voir avec de l'enseignement et où l'on ne sait pas ce qu'ils font. Je suis pour les contrôles réguliers et inopinés.

M. Antoine Karam.  - Je suis attaché aux contrôles des établissements hors contrat. Je le constate en Guyane : beaucoup d'écoles se confondent avec l'ouverture d'églises. Avec l'afflux d'immigrés, beaucoup d'enfants sont dans la rue et les églises évangélistes les accueillent, sous couvert d'un « enseignement » qui permet à ces églises de vivre. (Mme Samia Ghali approuve.) Les contrôles éviteront des drames collectifs. Il n'y a pas de contradiction entre l'amendement n°31 et l'amendement n°33.

Mme Maryvonne Blondin.  - Je rejoins ce qui vient d'être dit sur les risques d'une « évangélisation » des enfants. Notre assemblée a débattu d'un rapport sur la prise en charge des mineurs par la psychiatrie. Dans ses recommandations, il y avait l'appel à la médecine scolaire comme acteur essentiel contre les dérives sectaires et la radicalisation. Quelle place pour la médecine scolaire ? Où le contrôle vaccinal sera-t-il effectué ? Le contrôle doit être bien plus important.

M. Marc Laménie.  - Je voterai ce sous-amendement important qui a le mérite de poser des questions essentielles. Il faut lutter contre la radicalisation. Les enjeux de cette lutte sont assurément complexes et impliquent à la fois l'Éducation nationale et le ministère de l'intérieur, les préfectures.

Mme Samia Ghali.  - Monsieur le Ministre, je ne vous reconnais plus. (Exclamations) Vous ne pouvez pas mener une telle action pour l'école publique et considérer que le privé n'est plus l'école. Protéger les enfants, c'est protéger les Français de demain. Les enfants deviennent des adultes. Certains parents sont irresponsables. Je ne vois pas, dans ce débat, l'intérêt de l'enfant, pourtant reconnu et proclamé par le code civil. Nous avons tous compris qu'actuellement, ouvrir une école non conventionnée est plus facile qu'ouvrir un commerce. (Marques d'approbation sur quelques bancs) Ne rendons pas sa fermeture plus difficile ! (Plusieurs applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - Les collègues qui insistent sur les contrôles inopinés ont raison. Toutefois, il serait raisonnable que la loi ne soit pas répétitive. Le Parlement a les pouvoirs et le rôle aussi de vérifier que la loi est bien appliquée. Monsieur le Ministre, engagez-vous à des contrôles inopinés de manière effective ! Nous le vérifierons. (M. David Assouline s'exclame.)

Le sous-amendement n°39 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°33, modifié, est adopté.

L'amendement n°31 n'a plus d'objet, non plus que les amendements nos17, 8 rectifié et 9 rectifié.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°32, présenté par M. Magner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° L'article L. 914-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 914-3.  -  I.  -  Nul ne peut diriger un établissement d'enseignement scolaire privé :

« 1° S'il n'est pas de nationalité française ou ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'espace économique européen ;

« 2° S'il ne remplit pas des conditions d'âge, de diplômes et de pratique professionnelle ou de connaissances professionnelles fixées par décret en Conseil d'État ;

« 3° S'il n'a pas exercé pendant cinq ans au moins des fonctions de direction, d'enseignement ou de surveillance dans un établissement d'enseignement public ou privé d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'espace économique européen.

« II.  -  Nul ne peut être chargé d'un enseignement dans un établissement d'enseignement privé du premier ou du second degré :

« 1° S'il n'est pas de nationalité française ou ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'espace économique européen ;

« 2° S'il ne remplit pas des conditions d'âge, de diplômes et de pratique professionnelle ou de connaissances professionnelles fixées par décret en Conseil d'État.

« III.  -  Les ressortissants étrangers non membres d'un État de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'espace économique européen désireux de diriger  un établissement scolaire privé ou d'y enseigner peuvent y être autorisés par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. »

2° Les articles L. 914-4 et L. 914-5 sont abrogés.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Cet amendement harmonise les conditions requises pour diriger un établissement scolaire privé, en exigeant la même expérience pour le premier et le second degré.

Actuellement aucune expérience professionnelle n'est exigée pour le premier degré, alors même que les créations de nouveaux établissements concernent essentiellement ce niveau d'enseignement. Il opère la même harmonisation pour l'enseignement alors qu'actuellement aucune condition d'âge, de nationalité ni de capacité n'est exigée pour les enseignants du second degré général et professionnel.

Évitons des situations où des engagés du service civique font office d'enseignants, comme dans les écoles Espérance banlieues que certains collègues soutiennent ouvertement. Attention aux « deux poids, deux mesures » !

Mme la présidente.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mme Gatel et les membres du groupe Union Centriste.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Les articles L. 914-3 à L. 914-5 du code de l'éducation sont ainsi rédigés :

« Art. L. 914-3.  -  I.  -  Nul ne peut diriger un établissement d'enseignement scolaire privé :

« 1° S'il est frappé d'une incapacité prévue à l'article L. 911-5 ;

« 2° S'il n'est pas de nationalité française ou ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

« 3° S'il ne remplit pas des conditions d'âge, de diplômes et de pratique professionnelle ou de connaissances professionnelles fixées par décret en Conseil d'État, dans la limite des conditions exigées des agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement correspondantes dans les écoles et établissements publics relevant du ministre chargé de l'éducation nationale ;

« 4° S'il n'a pas exercé pendant cinq ans au moins des fonctions de direction, d'enseignement ou de surveillance dans un établissement d'enseignement public ou privé d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

« II.  -  Nul ne peut être chargé d'un enseignement dans un établissement d'enseignement privé du premier ou du second degré s'il ne remplit pas les conditions fixées aux 1° à 3° du I du présent article.

« Art. L. 914-4.  -  Saisie en ce sens par une personne désireuse soit d'ouvrir ou de diriger un établissement d'enseignement scolaire privé, soit d'y enseigner, l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation peut accorder des dérogations aux conditions fixées aux 2° à 4° du I de l'article L. 914-3, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.

« Art. L. 914-5.  -  Le fait de diriger un établissement privé d'enseignement scolaire, en dépit d'une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions prescrites aux articles L. 441-1 et L. 914-3 est puni d'une amende de 15 000 € et de la fermeture de l'établissement.

« Lorsque l'ouverture d'un établissement a fait l'objet d'une décision d'opposition, la peine d'amende prévue au premier alinéa du présent article ne peut être prononcée qu'après que cette décision est devenue définitive. »

II.  -  Les personnes investies d'une fonction de direction au sein d'un établissement d'enseignement privé ou qui y exercent des fonctions d'enseignement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi peuvent continuer à exercer leurs fonctions au sein de cet établissement sans que puissent leur être opposées les dispositions des articles L. 914-3 à L. 914-5 du code de l'éducation, dans leur rédaction résultant du I du présent article.

Mme Françoise Gatel.  - Cet amendement reprend l'amendement n°COM-4 présenté en commission par Mme Billon, rapporteure. Il amplifie l'oeuvre de simplification de la présente proposition de loi en réalisant une unification totale des conditions de direction et d'enseignement dans les établissements privés. Il prévoit les conditions pour diriger un établissement privé et pour enseigner.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°43 rectifié à l'amendement n°34 rectifié de Mme Gatel et les membres du groupe Union Centriste, présenté par Mmes Costes et Laborde, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier et Vall.

Amendement n°34 rect., alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

ou si le bulletin n° 2 de son casier judiciaire porte la mention d'une condamnation incompatible avec l'accueil des mineurs

Mme Françoise Laborde.  - Ce sous-amendement s'assure que les dirigeants et les enseignants de l'établissement d'enseignement privé n'ont pas fait l'objet de condamnations incompatibles avec l'accueil des mineurs. Il aligne les dispositions de la proposition de loi avec celles qui régissent les personnels enseignants du public et du privé des premier et second degrés. Que cela s'appelle bulletin n°2, « Casier judiciaire », « B2 », peu importe !

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°45 rectifié bis à l'amendement n°34 rectifié de Mme Gatel et les membres du groupe Union Centriste, présenté par M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.

Amendement n° 34 rectifié, alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La peine complémentaire d'interdiction de diriger un établissement scolaire et d'y enseigner, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, est également encourue.

M. Dominique Théophile.  - Même objet : ce sous-amendement renforce le régime pénal dans les cas où la personne qui ouvre ou celle qui dirige un établissement sont dans l'illégalité.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Les amendements nos32 et 34 rectifié poursuivent le même objectif. La commission a préféré l'amendement n°34 rectifié au 32 car il est plus complet. Avis favorable, donc, à l'amendement n°34 rectifié, ainsi qu'au sous-amendement n°45 rectifié bis.

Avis défavorable à l'amendement n°32 et au sous-amendement n°43 rectifié, redondant avec les dispositions du code de l'éducation.

La commission demande l'examen en priorité de l'amendement n°34 rectifié et du sous-amendement n°45 rectifié bis.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Les amendements nos32 et 34 rectifié ont le même objectif auquel le Gouvernement souscrit. Demande de retrait de l'amendement n°32 qui est moins complet que l'amendement n°34 rectifié.

Le souhait d'écarter les personnes que leurs actes passés ne rendent pas aptes à accueillir des enfants est partagé. Toutefois, le sous-amendement n°43 rectifié est satisfait par la proposition de loi.

Le procureur de la République pourra s'opposer à ce qu'une personne dirige une école. Il pourra obtenir du Casier judiciaire directement le bulletin n°2. Je rappelle qu'un citoyen ne peut pas obtenir son bulletin n°2, seule une administration le peut. Avis défavorable au sous-amendement n°43 rectifié.

Avis favorable au sous-amendement n°45 rectifié bis.

M. David Assouline.  - Les demandes de priorités systématiques, qui empêchent la discussion des autres amendements, ne participent pas à la co-construction du texte...

Madame Morin-Desailly, merci d'avoir précisé tout à l'heure que la commission avait émis un avis favorable et non pas adopté l'amendement que je défendais.

Mon propos soulignait le point de vue positif de la commission. On évite le consensus par des artifices de procédure. C'est dommage.

Le sous-amendement n°43 rectifié est retiré.

Le sous-amendement n°45 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°34 rectifié, modifié, est adopté.

L'amendement n°32 n'a plus d'objet.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°35 rectifié bis, présenté par Mme Gatel et les membres du groupe Union Centriste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  - La première phrase du second alinéa de l'article 227-17-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Les mots : « et L. 131-10 du code de l'éducation » sont remplacés par les mots : « du code de l'éducation et permette aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1 du même code » ;

2° Le montant : « 7 500 » est remplacé par le montant : « 15 000 ».

II.  -  Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l'article L. 6234-1, la référence : « L. 441-13 » est remplacée par la référence : « L. 441-3 » ;

2° À l'article L. 6234-2, la référence : « L. 441-13 » est remplacée par la référence : « L. 914-5 ».

III.  -  Le a du 4° du « 4 (professions libérales et activités diverses) » de l'article 261 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« de l'enseignement primaire, secondaire et supérieur dispensé dans les établissements publics et les établissements privés régis par les articles L. 151-3, L. 212-2, L. 424-1 à L. 424-4, L. 441-1, L. 443-1 à L. 443-5, L. 731-1 à L. 731-17 du code de l'éducation ; »

2° Le quatrième alinéa est supprimé.

IV.  -  Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Le I de l'article L. 234-6 est ainsi modifié :

a) Le 1° est abrogé ;

b) Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Les autorisations prévues par l'article L. 731-8 ; »

2° Au premier alinéa de l'article L. 241-5, le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 15 000 » ;

3° L'article L. 731-17 est ainsi rédigé :

« Art. L. 731-17.  -  I.  -  Les articles L. 731-1 à L. 731-13, L. 731-15 et L. 731-16 ne sont pas applicables aux établissements d'enseignement supérieur technique privés.

« II.  - Les articles L. 441-1 à L. 441-3, l'article L. 441-4 à l'exception de son deuxième alinéa, les articles L. 443-2 à L. 443-4, l'article L. 914-3, à l'exception des 3° et 4° du I, et les articles L. 914-4 à L. 914-6 sont applicables aux établissements d'enseignement supérieur technique privés.

« Les conditions d'âge, de diplôme ou d'expérience professionnelle pour ouvrir ou diriger un établissement d'enseignement supérieur technique privé et y enseigner sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme Françoise Gatel.  - Cet amendement procède à des coordinations dans le code pénal.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°41 à l'amendement n°35 rectifié de Mme Gatel et les membres du groupe Union Centriste, présenté par Mme Primas.

Amendement n° 35, alinéa 18

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

2° L'article L. 241-5 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

-  le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 15 000 » ;

-  sont ajoutés les mots : « et de la fermeture de l'établissement » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

Mme Sophie Primas.  - Cet amendement renforce l'efficience des contrôles.

Dans sa rédaction actuelle, le second alinéa de l'article exige une récidive dans l'année pour que le tribunal correctionnel puisse prononcer la fermeture d'un établissement scolaire d'enseignement général dont le directeur s'oppose à l'inspection. En raison des délais de justice, c'est irréalisable.

Enfin, mon amendement augmente le montant de l'amende.

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié bis, présenté par Mmes Laborde et Costes, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier et Vall.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la première phrase du second alinéa de l'article 227-17-1 du code pénal, les mots : « six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « deux ans d'emprisonnement et de 50 000 euros d'amende ».

Mme Françoise Laborde.  - Cet amendement relève la peine prévue à l'encontre des directeurs d'établissement privé hors contrat qui n'auraient pas mis en conformité l'enseignement dispensé à l'objet de l'instruction obligatoire. Il s'agit de renforcer le caractère dissuasif de la sanction.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable à l'amendement n°35 rectifié bis et au sous-amendement n°41 qui renforcent l'efficacité des contrôles.

Avis défavorable à l'amendement n°24 rectifié bis. Les peines prévues actuellement sont proportionnées. Le code pénal permet déjà de prononcer une interdiction d'enseigner à l'encontre d'un contrevenant.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - L'amendement n°35 rectifié bis assure des coordinations. Avis favorable.

Le sous-amendement n°41 va plus loin dans les sanctions. L'extension de ce qui est prévu dans l'enseignement général est une bonne chose. Avis favorable au sous-amendement n°41.

La hausse des sanctions prévues à l'amendement n°24 rectifié bis n'est pas souhaitable. Avis défavorable.

Le sous-amendement n°41 est adopté.

L'amendement n°24 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°35 rectifié bis, modifié, est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par Mmes Costes et Laborde, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier et Vall.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les établissements d'enseignement privé hors contrat prennent les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions prévues par la présente loi dans un délai de six mois à compter de sa publication.

Mme Françoise Laborde.  - Cet amendement prévoit un délai de six mois pour réaliser les démarches nécessaires. La vérification des enseignants doit être effectuée de toute façon à chaque rentrée.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Cet amendement est contraire au principe de non-rétroactivité de la loi. Dans un souci de sécurité juridique, avis défavorable.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je comprends l'esprit de cet amendement, mais avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Françoise Laborde.  - Je savais que la rétroactivité poserait problème mais, à défaut, nous pourrions prévoir des contrôles inopinés pour passer de 73 % à 100 % d'établissements contrôlés...

L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Malhuret, A. Marc et Wattebled.

Après le mot :

ouverture

insérer les mots :

et de contrôle

Mme Colette Mélot.  - Je n'ai pas eu l'occasion de défendre mes amendements. Toutefois, je suis favorable à ce qui a été adopté. Je suis pour le parallélisme des formes. Ce qui s'applique à l'école publique et à l'école sous contrat doit valoir pour les établissements hors contrat.

La proposition de loi vaut tant pour l'ouverture que pour le contrôle des établissements. C'est pourquoi je souhaite modifier le nom de la proposition de loi.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°18, présenté par Mme Ghali.

Mme Samia Ghali.  - Amendement identique !

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable aux amendements nos10 et 18.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je respecte cette assemblée. C'est pourquoi j'accompagne bien volontiers cette proposition de loi et pourquoi je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'intitulé.

M. Jacques Bigot.  - La proposition de loi, telle qu'elle pouvait être prévue, portait sur le contrôle. Là, on laisse croire que les écoles hors contrat seraient contrôlées. Or ce ne sera pas le cas.

Les amendements identiques nos10 rectifié et 18 sont adoptés et l'intitulé de la proposition de loi est modifié.

Explications de vote

M. Jacques-Bernard Magner .  - Nous partageons un constat d'insuffisance du droit mais nous n'avons pas le même point d'équilibre entre la protection de nos enfants et la liberté d'enseignement.

Cette proposition de loi aurait dû faire figurer le projet pédagogique dans le dossier d'ouverture. La proposition de loi finale recule fortement. Le projet pédagogique n'est pas subalterne : c'est le fondement de l'ouverture d'un établissement.

Nous voulions instaurer des contrôles inopinés, ainsi que des contrôles les troisième et cinquième années. Nous ne cautionnons pas le délai de quinze jours aux termes duquel le dossier est présumé complet. C'est insuffisant.

Le texte de compromis passé entre majorité sénatoriale et le Gouvernement est très insuffisant. La proposition de loi initiale menait au niveau 1, nous plaidions pour le niveau 2 et nous avons atteint un demi-niveau.

M. Pierre Ouzoulias .  - Nous avons manqué une occasion de nous doter de vrais outils. Le système de l'autorisation préalable était le meilleur. Monsieur le Ministre, vous avez dit que nous étions passés du niveau 0 au niveau 1. Non, nous sommes descendus d'un cran. Sans avoir les capacités en mathématiques de M. Villani, ni être sorti de la cuisse de Jupiter, (Sourires) je constate que le solde n'est pas bon. (Nouveaux sourires) Le groupe CRCE ne votera pas cette proposition de loi.

M. Max Brisson .  - Cette proposition de loi simplifie et harmonise le cadre tout en renforçant les contrôles, sans remettre en cause la liberté pédagogique. C'est un net progrès. Chacun a affirmé ses principes. La majorité sénatoriale a porté un texte équilibré.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Françoise Laborde .  - Le groupe RDSE s'est abstenu en commission par peur de reculs. Politiquement, je ne sais si l'on peut être pour ou contre. Personnellement, je m'abstiendrai.

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - On ferme les portes qui doivent être ouvertes. On ne pose pas les vraies questions. Je voterai contre cette proposition de loi.

M. David Assouline .  - (« Encore ! », à droite) Si nous voulions faire de l'obstruction, cela se saurait et nous nous y prendrions autrement... Le scrutin aura lieu dans quelques minutes.

Nous avons commencé le débat en soulignant qu'il y avait une attente de plus d'encadrement. On annonçait un pas en avant. On a reculé ! Même sur le contrôle inopiné, sur lequel tous auraient pu être d'accord, le débat est fermé. Aucune ouverture n'a été faite vers ceux qui demandaient plus de contrôle. Finalement, le Sénat envoie un message de fermeture. Je voterai contre cette proposition de loi.

Mme Annick Billon, rapporteure .  - Je salue l'auteure de la proposition de loi et son courage. Je remercie aussi M. Marseille, président du groupe UC. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture .  - Je voterai ce texte. Je salue aussi l'auteure de la proposition de loi, que j'ai cosignée. La tâche n'était pas aisée. Le Sénat a su se saisir de cette question. Cela l'honore. Mme Gatel a beaucoup travaillé sur la question depuis la loi Égalité et citoyenneté. Nous sommes parvenus à un texte équilibré. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

À la demande du groupe UC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°65 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 240
Contre 94

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme la présidente.  - Nous avons tenu les délais ! Merci à tous pour vos efforts.

La séance est suspendue à 18 h 35.

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.