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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Communications

Accord en CMP

Nominations à deux éventuelles CMP

Protection des savoir-faire et des informations commerciales (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Hommage à une délégation marocaine

Protection des savoir-faire et des informations commerciales (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois

M. Philippe Bonnecarrère, au nom de la commission des affaires européennes

Question préalable

M. Éric Bocquet

Discussion générale (Suite)

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Jacky Deromedi

M. Jérôme Durain

M. Dany Wattebled

M. Jean-Marc Gabouty

M. Yves Détraigne

M. Pierre Ouzoulias

M. Jacques Bigot

Renvoi en commission

M. Jacques Bigot

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Communications

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Mise au point au sujet d'un vote

Déclaration du Gouvernement portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

M. Éric Bocquet

M. Emmanuel Capus

M. Jean-Claude Requier

M. Julien Bargeton

M. Bernard Delcros

M. Claude Raynal

M. Jean-François Rapin

M. Gérald Darmanin, ministre

Protection des savoir-faire et des informations commerciales (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

ARTICLE PREMIER BIS

ARTICLE PREMIER TER

ARTICLE PREMIER QUATER

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE ADDITIONNEL

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

ARTICLE PREMIER (Seconde délibération)

Explications de vote

M. Fabien Gay

M. Jérôme Durain

Annexes

Ordre du jour du jeudi 19 avril 2018

Analyse des scrutins publics

Composition de deux éventuelles CMP

Nominations à deux organismes extraparlementaires




SÉANCE

du mercredi 18 avril 2018

79e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Dominique de Legge, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Communications

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi relatif à l'élection des représentants au Parlement européen est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Nominations à deux éventuelles CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte commun, d'une part, sur la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération et d'autre part, sur la proposition de loi portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire que nous allons examiner.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par le Règlement.

Protection des savoir-faire et des informations commerciales (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Discussion générale

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Vous débattez aujourd'hui de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales. Ce texte important, qui transpose un dispositif équilibré de protection du secret des affaires, est le fruit d'un travail ancien et approfondi : la directive européenne a été adoptée en 2016 après avoir fait l'objet d'une large consultation publique et d'une solide étude d'impact ainsi que d'un examen au Parlement européen qui a fait évoluer le texte.

En France, les nombreux rapports et initiatives qui ont porté sur la préservation du secret des affaires ces quinze dernières années ont mis en évidence l'importance du sujet pour l'attractivité économique de notre pays et la préservation de nos intérêts. Le Conseil d'État, dans son avis du 31 mars 2011, avait mis en garde contre la création d'une infraction réprimant pénalement l'atteinte au secret des affaires ; dans son avis du 15 mars 2018, il a incité le législateur à utiliser les marges de manoeuvre qu'offre la directive pour renforcer la protection du secret, devant les juridictions judiciaires ou administratives.

Contrairement à ce qui a pu être dit à l'Assemblée nationale, ni l'opacité ni le secret ne préside à l'adoption de la directive et de cette proposition de loi ; au contraire, c'est la transparence ainsi que l'analyse économique et juridique. Cette réforme est attendue depuis de longues années par les entreprises. La protection du secret des affaires est essentielle pour encourager l'innovation et, donc, les emplois de demain. Il s'agit de lutter contre l'espionnage industriel, de renforcer la compétitivité de nos entreprises au sein du marché intérieur et l'attractivité de notre système juridique auprès des investisseurs étrangers.

Notre législation ne compte actuellement aucune définition du secret des affaires alors même que la notion est utilisée aux côtés d'autres telles que celle de « secret industriel et commercial ». Leur protection repose sur le droit commun de la responsabilité civile, d'origine principalement jurisprudentielle. Cette proposition de loi apportera la sécurité juridique réclamée par les acteurs économiques : elle définit le secret des affaires, harmonise les dispositions de différents codes ainsi que les pratiques au sein des juridictions pour répondre au risque d'obtention illégitime d'un secret des affaires au cours d'une instance. Il y a d'ailleurs convergence de vues entre vos deux assemblées pour élargir les mesures de protection à l'ensemble des instances civiles, commerciales ou administratives. Le Conseil d'État l'a souligné dans son avis du 15 mars dernier, « cette solution va dans le sens de la simplification du droit et d'une protection plus effective du secret des affaires ». Le texte de l'Assemblée nationale maintient un équilibre satisfaisant entre protection du secret des affaires et respect des principes fondamentaux de la procédure civile, à commencer par celui du contradictoire.

Le droit au secret des affaires ne saurait cependant être absolu dans une société démocratique. Certains secrets peuvent être divulgués dans un but d'intérêt général par des journalistes et des lanceurs d'alerte, ils peuvent être révélés pour l'exercice des droits des salariés au sein de l'entreprise. Les juridictions, gardiennes des libertés individuelles, feront la balance des intérêts en présence en veillant à ce qu'aucun lanceur d'alerte au sens de l'article 6 de la loi Sapin 2 ne soit condamné.

Nos débats seront essentiels pour apaiser les craintes légitimes que suscite l'encadrement normatif de la protection du secret des affaires. Celle-ci, je le redis, n'est pas nouvelle en France ; elle sera, avec ce texte, mieux définie, sans qu'aucune restriction ne soit apportée aux droits fondamentaux. Je remercie votre rapporteur, Christophe-André Frassa, pour le travail qu'il a mené dans la continuité de celui de Raphaël Gauvain à l'Assemblée nationale.

Si nous partageons un même objectif d'équilibre, d'intelligibilité et de lisibilité de droit, nos avis divergent sur quelques points. Vous avez supprimé l'amende civile pour recours abusif, introduite par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Pour autant, le risque de procédure-bâillon ne peut totalement être ignoré. Les sanctions prévues par le droit commun sont-elles suffisamment dissuasives ? Les sanctions prévues sont-elles disproportionnées au sens du principe constitutionnel de proportionnalité des peines ? Le Gouvernement soutiendra l'amendement déposé par le groupe LaREM pour rétablir cette mesure. (Marques d'amusement sur les bancs du groupe Les Républicains, CRCE et SOCR)

M. Michel Savin.  - Quelle surprise !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Votre surprise n'a d'égal que mon assurance...

Je proposerai de supprimer le délit de « détournement d'une information économique protégée » que vous avez créé afin de sanctionner toute atteinte à un secret des affaires dans le but d'en retirer un avantage économique. Au-delà des difficultés juridiques soulevées par le Conseil d'État, l'opportunité de surtransposer la directive semble faible : notre droit permet déjà de qualifier pénalement des faits d'atteinte à un secret des affaires de vol, d'abus de confiance, d'extraction de données dans un système informatisé de données.

Je ne doute pas de la qualité des échanges que nous aurons afin d'introduire dans notre droit un dispositif complet, efficace et équilibré. (Applaudissements sur le banc de la commission et sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC)

Hommage à une délégation marocaine

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la garde des Sceaux se lèvent.) Je suis particulièrement heureux de saluer la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation de la Chambre des Conseillers du Maroc, conduite par M. Abdessamad Kayouh, président du groupe d'amitié Maroc-France de la Chambre des Conseillers.

La délégation est accompagnée par M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et président du groupe d'amitié sénatorial France-Maroc, et des membres de son groupe.

Le Maroc est engagé, depuis de nombreuses années, dans une politique ambitieuse de réformes - politique, économique et sociale - notamment dans le domaine de l'environnement. Le Maroc a d'ailleurs accueilli avec succès en 2016 la COP22 à Marrakech à la suite des accords de Paris.

Cette visite s'inscrit dans ce cadre puisque la délégation marocaine au cours de ce déplacement s'intéresse tout particulièrement aux questions d'approvisionnement et de traitement de l'eau.

Nous formons le voeu que cette visite conforte l'excellence des relations entre nos deux pays, relations tout à la fois historiques et tournées vers l'avenir - et qui me tiennent particulièrement à coeur. (Applaudissements)

Protection des savoir-faire et des informations commerciales (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois .  - Dans un rapport d'information de 2015, M. Michel Delebarre et moi-même relevions les risques résultant de la confrontation entre notre système juridique et le système anglo-saxon. Les innovations comme le savoir-faire des entreprises françaises apparaissaient vulnérables, faute d'un régime efficace de protection du secret des affaires. Ce constat demeure malheureusement toujours valable.

Avec cette proposition de loi, nous pourrons surmonter une difficulté majeure : une entreprise française pourra enfin opposer la confidentialité des avis juridiques internes de ses juristes, comme ses concurrentes anglo-saxonnes. Je déplore qu'il ait fallu attendre la transposition d'une directive, de surcroît à la fin du délai de transposition, pour nous doter d'un régime de protection légale du secret des affaires que nous avons à examiner dans des délais extrêmement brefs. Protéger le secret des affaires ne signifie pas ignorer le rôle des journalistes, des lanceurs d'alerte ou encore des représentants des salariés dans l'information de la société civile. Un équilibre doit être trouvé entre des exigences également légitimes.

Dans certains domaines bien circonscrits, le droit français ne connaît que la notion traditionnelle de secret industriel et commercial, et, dans de rares cas, la notion de secret des affaires. Quelques dispositifs épars et sectoriels ne constituent pas une protection générale. Il manque à la législation française un dispositif général et transversal garantissant une vraie protection des informations confidentielles détenues par les entreprises françaises.

Le constat est partagé. En novembre 2011, le député Bernard Carayon, que j'ai auditionné, déposait une proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires, adoptée par l'Assemblée nationale en janvier 2012. Ce texte est demeuré sans suite devant notre assemblée. En 2014, M. Jean-Jacques Urvoas, alors président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, présentait une proposition de loi relative à la protection du secret des affaires, comportant, elle, un volet civil et un volet pénal. Quelques mois plus tard, l'Assemblée nationale introduisait les dispositions de cette proposition de loi dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, en première lecture, au stade de la commission, avant de les retirer dès la discussion en séance, au vu de la vive controverse médiatique qu'elles suscitaient. La situation a changé, nous avons à transposer une directive.

Votre commission des lois a adopté 24 amendements et, tirant les conséquences de ces modifications ainsi que des ajouts des députés, renommé le texte « proposition de loi relative à la protection du secret des affaires ». Par souci de conformité à la directive, nous avons distingué les notions de détenteur légitime et d'obtention licite du secret des affaires ; caractérisé l'obtention illicite d'un secret par un accès non autorisé à un support contenant le secret, non par une interdiction d'accès ou le contournement d'une mesure de protection du secret. Votre commission a également prévu que l'information protégée sera celle qui a une valeur économique, et non pas seulement commerciale. Elle a veillé à la clarté et à la cohérence du texte, en prévoyant les règles de prescription en matière d'action civile pour atteinte au secret des affaires et en harmonisant les règles d'évaluation des préjudices avec celles prévues en matière de propriété industrielle et de contrefaçon. Nous avons supprimé le mécanisme d'amende civile, qui méconnaissait le principe constitutionnel de proportionnalité des peines.

Votre commission a approuvé les exceptions au secret des affaires ouvertes au bénéfice des journalistes, des lanceurs d'alerte et des représentants des salariés, au nom de la liberté d'expression et d'information. J'ai retiré mon amendement sur les journalistes qui pouvaient susciter des incompréhensions. Nous avons distingué plus clairement l'existence d'un double régime des lanceurs alerte, celui issu de la directive et celui instauré en 2016 par le législateur français, plus protecteur.

Parce que toutes les hypothèses de violation du secret des affaires à des fins purement économiques ne sont pas prises en compte dans notre droit, nous avons créé un délit de détournement d'une information économique protégée. Les peines encourues seront les mêmes que pour l'abus de confiance : trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende. Les journalistes, lanceurs d'alerte et représentants des autorités sont clairement exclus du champ de ce délit, nécessaire parce que l'action civile ne représente pas une menace suffisamment dissuasive.

Voilà le texte que la commission des lois vous propose d'adopter sous un nouvel intitulé. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Philippe Bonnecarrère, au nom de la commission des affaires européennes .  - La commission des affaires européennes, à l'unanimité, a donné un avis favorable à ce texte dans la version issue des travaux du Parlement européen et ceux de l'Assemblée nationale, sans s'interdire des améliorations de détails. D'abord, parce que ce texte a une histoire. En 2010 et 2011 ont eu lieu les études préparatoires à la directive, l'enjeu était la protection des actifs immatériels des entreprises ; en 2011-2012, les consultations publiques ; en 2014, l'examen au Parlement européen ; en 2015 l'adoption par le Parlement européen ; enfin, en 2018, l'examen du texte de transposition par l'Assemblée nationale. Le Sénat a travaillé en amont cette directive par l'intermédiaire de sa commission des affaires européennes. Nous avons relevé une transposition de bonne facture : minimale et rigoureuse mais veillant au respect des droits fondamentaux, de l'intérêt général et, à l'initiative de l'Assemblée nationale, de la Charte de l'environnement.

Tout est question de juste milieu, et pas seulement pour les centristes. Je me permets de vous inviter à une grande mesure dans la créativité législative. Ce texte doit garder jusqu'au bout son équilibre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

M. Éric Bocquet .  - Quel exploit ! Cette proposition de loi présentée, déposée le 19 février dernier, a fait l'objet d'une procédure accélérée déclarée le 21 février pour être expédiée au Conseil d'État ; présentée à l'Assemblée nationale le 22 mars, elle y est adoptée le 28 pour venir dans notre Haute Assemblée où elle doit être votée le 19 avril. Deux mois, montre en main ! Notre proposition de loi sur la revalorisation des pensions agricoles, elle, est toujours en instance.

M. Roland Courteau.  - Hélas !

M. Éric Bocquet.  - Sur la forme, cette proposition de loi constitue un faux-nez utile pour éviter un projet de loi qui aurait eu davantage d'écho médiatique.

Mme Michelle Gréaume.  - Exact !

M. Éric Bocquet.  - Qu'est cette directive qui a recueilli contre elle 550 000 signatures à l'initiative de la journaliste Élise Lucet et 330 000 à l'initiative de Pollinis, Attac ou encore la Ligue des droits de l'homme ? Elle a été écrite sous la dictée des multinationales, symbole du fléau qu'est le lobbying, fût-il déclaré et encadré, dans lequel le monde nouveau voit une représentation de la société civile. La Commission européenne propose ni plus ni moins que d'accorder la priorité au secret des affaires, une notion floue définie tautologiquement.

Cette proposition de loi va à contre-courant du sens de l'histoire. Depuis la crise financière de 2008, la transparence s'impose partout. Et on l'arrêterait aux portes de l'entreprise ?

Le droit français ne protègerait pas suffisamment le secret des affaires ? L'absence d'étude d'impact nous empêche d'avoir une idée précise sur ce point. C'est tout un symbole du passage en force. Raphaël Gauvain, l'auteur du texte, évoque un vide juridique ; notre pays est pourtant doté d'un droit de la propriété individuelle sur lequel se fonde l'action que mènent nos services douaniers. Et, à lire l'article 3 qui toilette une dizaine de codes, le vide juridique est bien rempli ! C'est bien la volonté de faire primer le secret des affaires qui est au fondement de ce texte, une notion qui n'est toujours pas précisée aux dépens de la liberté d'information et de l'exercice des droits salariés. Un syndicaliste allemand pourra communiquer des informations à ses homologues belges seulement si cela ne met pas en danger le secret des affaires de leur employeur commun. Sinon, il lui en cuira et ce sera le licenciement pour faute grave. Un secret des affaires défini de manière très large puisqu'il couvre toute information revêtant « une valeur commerciale, effective ou potentielle, parce qu'elle est secrète. » Bon courage aux juges ! Fichiers clients et fournisseurs, informations sur les coûts et les prix, études de marché, le secret des affaires s'imposera, donnant vertu aux méthodes de marketing les plus éculées, les prix de transfert et la possible vente à perte, les marges arrière ou encore le chantage permanent aux fournisseurs.

Cette vision ne correspond nullement à l'intérêt général, mais à celui de quelques grands groupes et de leurs avocats obligés. Au nom du débat démocratique, j'appelle le Sénat à adopter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Même si l'on peut critiquer les modalités d'examen de ce texte, - proposition de loi, rapidité... - je ferai remarquer que cette motion aurait pour effet de rejeter le texte.

Mme Éliane Assassi.  - C'est le but !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Que ferait-on ensuite ?

Mme Éliane Assassi.  - On retravaillerait le texte !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Eh bien non, justement, car nous devons respecter le délai de transposition. Et ce n'est pas moi qui ai fixé le calendrier... Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Vous parlez de passage en force, Monsieur le Sénateur. Nous connaissons l'histoire du texte : ce n'est pas la première fois qu'il est porté à la connaissance du Parlement. Ce texte articule droits fondamentaux et protection du secret des affaires - une protection qui sera plus longue que celle accordée par le régime de la propriété intellectuelle.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Le groupe UC ne votera pas cette motion. Ce texte ne surprend personne : il est en préparation depuis 2010. Monsieur Bocquet, vous qui participez activement aux travaux de la commission des affaires européennes, vous pouvez témoigner que nous avons travaillé depuis 2014 sur ces sujets. Le délai du 9 juin ne laisse guère de temps au Gouvernement.

M. Jacques Bigot.  - Madame la Ministre, vous souhaitez un débat au Parlement pour rassurer ; en même temps - une expression qui est votre slogan, vous l'écourtez. Grâce au véhicule de la proposition de loi, vous évitez l'étude d'impact, alors que le Conseil d'État le dit bien, c'est un texte très technique. Ce texte mérite mieux. La transposition est rigoureuse, fort bien. Cela n'empêche pas que bien des journalistes et des lanceurs d'alerte nous ont alertés. Le groupe socialiste votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Les délais sont en effet contraints. Ce n'est pas la première fois - ce ne sera pas la dernière...

M. Michel Savin.  - C'est rassurant ! (Protestations sur les bancs des groupes Les Républicains, CRCE et SOCR)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Le débat est ancien...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Pourquoi n'avoir rien fait, alors ?

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Je souhaite que ce texte puisse être examiné.

M. Joël Labbé.  - Même si les avis au sein du RDSE sont partagés, je suis très sensible aux arguments de M. Bocquet...

M. le président.  - Les explications de vote s'entendent au nom du groupe.

M. Joël Labbé.  - Je voterai cette motion.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les groupes peuvent avoir un avis partagé !

À la demande du groupe CRCE, la motion tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°93 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 95
Contre 243

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale (Suite)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - La directive européenne du 8 juin 2016 doit être transposée avant le 9 juin 2018. C'est pourquoi le groupe La République en Marche de l'Assemblée nationale a déposé cette proposition de loi et que le Gouvernement a enclenché la procédure accélérée. L'objectif est de mettre la France au niveau de protection des entreprises étrangères, de créer un cadre juridique européen commun et de prévenir l'espionnage économique. Selon la directive, une information relevant du secret d'affaires doit : ne pas être facilement accessible à des personnes extérieures ; revêtir une valeur commerciale en vertu de son caractère secret ; et faire l'objet de mesures de protection raisonnables de la part de l'entreprise. Cette définition est reprise par le présent texte.

Il prévoit également que les entreprises victimes de vols d'informations pourront ester en justice.

Il s'agit aussi de conjuguer la légitime protection du secret des affaires et le respect de la liberté d'informer, et donc de protéger les journalistes, les lanceurs d'alerte et les représentants des salariés.

L'Assemblée nationale a prévu des garde-fous : le secret des affaires ne pourra s'opposer à la liberté d'expression et de communication, y compris la liberté de la presse. Il ne pourra faire obstacle à des enquêtes de journalistes ou servir de fondement à des poursuites judiciaires à l'égard de journalistes. Des actions en justice contre les journalistes ont déjà été lancées - je pense à la décision Conforama contre le magazine Challenges.

Les lanceurs d'alerte sont également protégés. Dommage que la commission des lois ait supprimé la nouvelle amende civile censée dissuader les « procès-bâillon ».

De même, le texte protège les salariés qui transmettent à leurs représentants des informations internes sur leur entreprise, si leur divulgation est nécessaire à l'exercice des fonctions dudit représentant.

Ainsi parvient-il à un équilibre. Au lieu de hiérarchiser les principes fondamentaux, il nous appartient de les articuler.

Le groupe LaREM défendra des amendements pour rétablir l'amende civile ou supprimer l'infraction pénale spéciale réprimant la violation du secret des affaires, que nous jugeons superfétatoire. Nous conditionnerons notre vote à leur adoption, ou du moins à la présence de gages d'équilibre et de proportionnalité.

Mme Jacky Deromedi .  - L'objectif de cette directive est de garantir des réparations au civil dans le marché intérieur en cas d'obtention ou de divulgation illicite d'informations relevant du secret des affaires.

L'enjeu est important dans l'économie du savoir : ne pas protéger nos savoir-faire et nos informations commerciales - capital économique essentiel - nous affaiblit dans la concurrence internationale. C'est pourquoi l'Union européenne entend mieux protéger la propriété intellectuelle avec sa stratégie UE 2020 et harmoniser la définition du secret des affaires et le cadre juridique.

Le droit français doit être modernisé. Depuis la loi dite de blocage du 26 juillet 1968, qui punissait les atteintes aux intérêts économiques essentiels de la France, le droit de la concurrence comme les réalités économiques ont beaucoup évolué. En 1994, l'OMC avait fait un premier pas avec l'accord ADPIC. En 2011, l'initiative de Bernard Carayon visant à mieux protéger le secret des affaires n'avait hélas pas abouti.

La difficulté est de concilier le secret des affaires et les activités d'information du public et de protection de l'intérêt général - surtout depuis les Panama Papers.

Pour y parvenir, la proposition de loi crée une nouvelle section au sein du code de commerce. La notion de secret des affaires est strictement définie. Le texte détermine les détenteurs légitimes et les personnes obtenant connaissance du secret des affaires de manière licite, tout en protégeant les journalistes, les lanceurs d'alerte et les représentants des salariés. Il s'articule utilement avec la loi du 9 décembre 2016 relative à la protection des lanceurs d'alerte.

Des dispositions permettent au juge civil de prévenir, faire cesser et réparer les atteintes au secret des affaires, mais il reste tenu à la confidentialité.

La commission des lois et son rapporteur ont rendu la transposition plus fidèle à la directive et renforcé l'impact du texte sur notre compétitivité.

Le nouveau délit pénal d'espionnage économique sanctionnera les atteintes déloyales à nos intérêts économiques et à ceux de nos entreprises.

Je regrette toutefois la voie retenue : celle d'une proposition de loi, largement rédigée par la Chancellerie, examinée en procédure accélérée et qui nous prive d'une étude d'impact.

Toutefois, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Durain .  - À cause de la procédure accélérée, les délais ont été serrés. Je salue donc le travail de notre rapporteur et des sénateurs qui ont été en première ligne, notamment mes collègues Bigot et Leconte.

Tout l'enjeu est de concilier la protection du secret des affaires et la liberté d'informer. Des manifestations de journalistes et de lanceurs d'alerte ont eu lieu place de la République, des Youtubeurs ont témoigné leur opposition, des pétitions circulent. Et que fait M. Macron ? Il a confié à un député LaREM, ancien avocat d'affaire, le soin de rédiger une proposition de loi... forcément déséquilibrée. Un débat furtif, porté par un parlementaire peu soucieux de rassurer, un calendrier couperet, un texte dont on ne sait s'il bénéficie aussi aux PME et aux start-up : autant de raisons de voter notre motion de renvoi en commission.

Notre amendement n°51 reprend les préconisations de la lettre ouverte adressée au président de la République par d'innombrables lanceurs d'alertes, syndicats, associations, chercheurs, journalistes - dont ceux des Échos et du Figaro - qui demandent de restreindre le champ d'application du secret des affaires aux seuls acteurs économiques concurrentiels.

Monsieur le rapporteur, je vous reconnais clarté et sincérité.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Merci.

M. Jérôme Durain.  - Mais la suppression de l'amende civile destinée à protéger journalistes et lanceurs d'alerte contre les procédures abusives déséquilibre le texte.

M. Falciani, Mme Lucet, les syndicalistes du Bangladesh, les anonymes qui dénoncent les excès de leur entreprise sont autant de héros de l'information et de la transparence qui méritent notre respect et notre protection.

Ne nous précipitons pas pour adopter un texte qui fait l'unanimité contre lui dans la société civile. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Dany Wattebled .  - Dans un contexte de compétition économique internationale toujours plus forte, il est indispensable de protéger les informations économiques et les techniques confidentielles de nos entreprises - ce que ne permet pas le code de la propriété intellectuelle.

La directive du 8 juin 2016 permet de combler les lacunes. Je regrette toutefois la voie choisie, celle d'une proposition de loi, sans étude d'impact, examinée en procédure accélérée à quelques semaines de l'expiration du délai.

Je salue les apports de la commission des lois qui a renforcé la conformité du texte à la directive, précisé les notions de détenteur légitime du secret et d'obtention illicite d'informations, assuré la protection des journalistes, des lanceurs d'alerte et des représentants des salariés ou encore supprimé l'amende civile, contraire au principe constitutionnel de proportionnalité des peines.

Elle a renforcé la précision et la cohérence des procédures judiciaires mises en place et assuré l'articulation du texte avec la loi Sapin 2, car la directive ne doit pas remettre en cause le régime français lorsqu'il est plus protecteur. Je salue enfin la création d'un délit d'espionnage économique pour sanctionner le détournement d'une information protégée à des fins exclusivement économiques, ce qui exclut journalistes, lanceurs d'alerte et représentants des salariés.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte en ayant le sentiment de faire oeuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Marc Gabouty .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La notion de secret des affaires, objet de fantasmes, n'est pas définie en droit français. Si certaines informations sont protégées par le code de commerce, leur périmètre n'est pas clair, le détenteur légitime n'est pas défini, encore moins les procédures judiciaires possibles.

La directive parle d'ailleurs de « secret d'affaires » et non de secret des affaires. L'Anglais parle plus volontiers de trade secrets, dont la traduction se rapproche du secret commercial ou industriel, à moins que ce ne soit un faux ami... Bref, la terminologie est à préciser et expliciter.

Dans un contexte de guerre économique, l'espionnage économique fait rage. Des cas sont restés célèbres, comme le Tupolev 144 semblable au Concorde. La guerre économique entre Volkswagen et General Motors, le piratage par la CIA des ordinateurs de la Commission européenne dans le cadre des négociations du GATT ou encore le pillage des données de Valéo par une étudiante chinoise...

Depuis la loi Sapin 2, les lanceurs d'alerte bénéficient d'un statut juridique et d'une protection. La responsabilité sociale et environnementale des entreprises a été abordée lors de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés-mères.

Les garanties en faveur des lanceurs d'alerte, des journalistes ou des représentants des salariés sont essentiels, tout comme la protection de TPE-PME qui ne peuvent se défendre seules.

Le secret des affaires est défini par son caractère non accessible, sa valeur économique effective ou potentielle, et l'existence de mesures de protection de la part de son détenteur. La commission des lois a apporté des clarifications. Je suis toutefois réservé sur la sanction pénale introduite à l'article premier. Les procédures civiles sont plus efficaces et plus rapides. Nous déposerons des amendements en ce sens. Une proposition de loi était justifiée par le délai de transposition.

Une large majorité des membres du RDSE votera ce texte, certains votant contre à défaut d'adoption de leurs amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Yves Détraigne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Au cours des dernières années, 20 % des entreprises ont subi au moins une tentative d'appropriation illicite de leurs secrets d'affaires, et 25 % un vol d'informations confidentielles. L'Union européenne reste le dernier grand espace économique dépourvu de protection harmonisée des informations commerciales.

C'est pour y remédier que le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 8 juin 2016 la directive qu'il s'agit de transposer.

Je veux saluer le travail de la commission des lois et de celle des affaires européennes, qui a permis d'éviter des surtranspositions inutiles.

Le choix d'une proposition de loi nous prive hélas d'une étude d'impact, et nous regrettons le recours à la procédure accélérée.

Sur le fond, ce texte permettra de protéger le patrimoine immatériel de nos start-up et PME. Les informations relevant du secret des affaires sont clairement définies, de même que les cas d'obtention licite et, à l'inverse, d'atteinte à ce dernier. Idem pour les mesures susceptibles d'être prises au cours des procédures judiciaires.

Le rapporteur a estimé que les marges de manoeuvre laissées par la directive étaient cependant insuffisamment exploitées dans la proposition de loi initiale. La commission a donc élargi l'information protégée par la prise en compte de sa valeur économique et introduit une peine complémentaire à celle susceptible de découler de l'action civile, censée être plus dissuasive, dont sont exempts toutefois journalistes, les lanceurs d'alerte et les représentants des salariés.

Il faut en effet parvenir à un juste équilibre entre protection du secret des affaires et respect des libertés fondamentales. Des dérogations à la protection légitime du secret des affaires sont prévues lorsque le droit à l'information ou l'intérêt général le justifient. Les prérogatives des lanceurs d'alerte tels que définis par la loi Sapin 2 sont en outre préservées.

Seule ombre au tableau, le dispositif anti-bâillon a, lui, été supprimé par la commission des lois pour des motifs d'inconstitutionnalité discutables, à en croire Philippe Bonnecarrère.

Le groupe UC votera néanmoins ce texte utile et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Pierre Ouzoulias .  - Le Parlement a déjà eu l'occasion de débattre de la notion controversée du secret des affaires. Je ne reviens pas sur les tentatives du député Carayon ou sur l'amendement d'un certain Richard Ferrand, lors de la discussion de la loi dite Macron.

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Pierre Ouzoulias.  - Ce projet renaît par le biais d'une proposition de loi, curieux véhicule pour une transposition. Autre curiosité, les libertés prises avec le principe de subsidiarité. Plusieurs dispositions du texte de l'Assemblée nationale ont pour conséquence, nolens volens, d'amoindrir voire d'abolir des avancées du droit positif français, comme le statut juridique du lanceur d'alerte. En l'occurrence, il s'agit plutôt d'une sous-transposition, voire d'une transposition régressive dont les imperfections juridiques sont masquées par la procédure retenue.

La commission des lois a restauré les droits des lanceurs d'alerte tels que définis par la loi du 9 décembre 2016. Les protéger, ce n'est pas encourager la délation mais se conformer au préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui estime qu'il est du devoir des membres du corps social d'exercer leur droit de réclamation pour assurer le maintien de la Constitution et le bonheur de tous. Ce devoir d'alerter est aussi affirmé par l'article 40 du code de procédure pénale qui s'impose à toute autorité constituée, officier public ou fonctionnaire. C'est l'instrument d'une démocratie rénovée pour laquelle chacun de ses membres agit en conscience pour la défense des intérêts collectifs.

Il n'est pas juste de confondre les citoyens qui oeuvrent bénévolement et parfois au risque de leur vie professionnelle avec les pirates. Il serait donc cohérent d'exclure du champ d'application de cette proposition de loi les personnes qui n'agissent pas, comme le prévoit le nouveau délit pénal introduit par la commission, pour en retirer un avantage de nature exclusivement économique.

En l'état, considérer que toute divulgation d'information économique serait priori frauduleuse est une atteinte à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen protégeant la libre communication des pensées et opinions.

Cette proposition de loi mêle dans une même suspicion de principe tous les individus qui divulguent des informations à caractère économique, avant de consentir des dérogations - toujours incomplètes en droit, on le sait. Il eût été plus satisfaisant que chercheurs ou journalistes ne fussent pas contraints de prouver leur bonne foi devant les tribunaux et de subir des chicanes juridiques.

Cette proposition de loi amoindrit les avancées de la loi du 23 mars 2017 sur le devoir de vigilance. C'est bien une transposition régressive. Il eût été plus heureux que le Gouvernement assumât et expliquât pourquoi cette loi, votée il y a tout juste un an, n'était pas satisfaisante. (M. Jérôme Durain manifeste son admiration.)

Nous restons dans l'attente d'une démonstration juridique solide de l'inadaptation de notre droit positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Jacques Bigot .  - Cette directive peut apparaître bienvenue. Organiser et harmoniser la protection du secret des affaires dans toute l'Union européenne est nécessaire, et une certaine souplesse est laissée aux droits nationaux. Mais la directive, débattue pendant trois ans, a fait l'objet de controverses, qui renaissent logiquement ici. Les grandes entreprises ne sont pas les seules concernées : les start-up le sont aussi, or elles ne sont pas armées.

Les fraudes, les scandales financiers, sanitaires ou environnementaux doivent pouvoir être révélés. La crainte que le dispositif soit insuffisamment protecteur des lanceurs d'alerte, par exemple, est légitime - et le texte de la commission l'amplifie.

Le renvoi à un délit pénal peut se retourner contre les journalistes ou les organes de presse, qui risquent de se retrouver devant le juge d'instruction. La crainte est que la procédure soit utilisée pour menacer ceux qui nous informent.

Passer de la valeur commerciale à la valeur économique, n'est-ce pas étendre excessivement la protection ? Comment la réduire au champ concurrentiel ? Ce type de question doit être soulevé. Faute de renvoi en commission, nous devrons y répondre dans cet hémicycle. Sans doute est-ce ce que vous souhaitez, Madame la Ministre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Joël Labbé applaudit également.)

La discussion générale est close.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°37 rectifiée, présentée par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois la proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites (n°420, 2017-2018).

M. Jacques Bigot .  - Cette motion vise non à éluder, mais à approfondir le débat.

Avant de vous le démontrer, je veux dire notre opposition à la procédure retenue par le Gouvernement. Monsieur le Président de la commission des lois, si cette transposition si urgente peut passer par une proposition de loi, je vous invite à demander aux services de dresser la liste des directives en attente de transposition. Un wagon de propositions de loi les transposant pourrait alors utilement être déposé... (M. Bernard Jomier approuve.)

Le journaliste interrogeant dimanche le président de la République avait raison : ce n'est pas En Marche, c'est En Force ! Nous n'avons pas même d'étude d'impact. Le mépris du Parlement en général, et du Sénat en particulier, est devenu banal, hélas. (On renchérit sur les bancs du groupe CRCE.) Je félicite le rapporteur d'avoir travaillé dans des délais aussi contraints.

La définition du secret des affaires mérite d'être pleinement étudiée. Selon la directive, les informations relevant du secret des affaires doivent d'abord être secrètes. Or vous renvoyez aux personnes « familières » de telles informations. Une telle imprécision est potentiellement dangereuse. De même, vous parlez de valeur économique effective ou potentielle, plutôt que de valeur commerciale : c'est plus large que la directive, et mérite débat.

Le Conseil d'État et le Défenseur des droits ont rappelé que des dispositifs protecteurs des lanceurs d'alerte existent, mais doivent être harmonisés. Les divergences entre le Gouvernement et le rapporteur montrent bien qu'il y a débat.

Autre raison de prendre le temps de la réflexion : rien ne précise dans ce texte le régime de protection des travailleurs, ou des représentants des salariés.

La menace pesant sur la liberté d'expression n'est pas moins forte. Pensons à ce médecin qui a alerté sur le scandale du Mediator. Sous l'empire de ce texte, le laboratoire pharmaceutique en cause l'aurait-il poursuivie ? Vous avez parlé de défendre les libertés, Madame la Ministre, or ce n'est pas le rôle des tribunaux de commerce qui seront saisis dans le cas présent si des journaux, qui ont le plus souvent la forme de société commerciale, sont en cause. Ces questions de procédure civile gagneraient à être réintroduites dans la réforme globale en préparation.

Alors que le Conseil d'État met en garde sur le recours à la voie pénale, on se précipite pour créer une infraction pénale !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - On ne s'est pas précipité !

M. Jacques Bigot.  - Ces raisons suffisent à motiver le renvoi en commission pour mener un travail plus approfondi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Le débat au fond, nous l'aurons à l'occasion de l'examen des amendements que vous avez déposés...

L'article 44 du Règlement du Sénat, à son cinquième alinéa, dispose que lorsqu'un texte est inscrit par priorité à l'ordre du jour sur décision du Gouvernement, la commission doit présenter ses conclusions au cours de la même séance. Si nous adoptions cette motion, nous n'aurions qu'une suspension de deux heures avant de devoir reprendre le débat : nous n'en serions guère plus avancés ! Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - En marche, voire en force, diriez-vous ? Je suis surtout en cohérence et en continuité. Les précédents textes sur la question étaient aussi des propositions de lois. Nous n'allons guère plus loin que naguère, MM. Carayon ou Urvoas.

Cette proposition de loi transpose une directive : elle en reprend la terminologie. Son considérant 14, par exemple, évoque la valeur commerciale « potentielle et effective ».

De nouveaux scandales pourraient-ils avoir lieu avec ce texte ? Je le crois et ne souhaite pas qu'il puisse en être autrement. J'espère pouvoir vous le démontrer.

Les tribunaux de commerce seraient compétents pour les organes de presse ? Pourquoi jeter la suspicion sur le fait qu'ils n'appliqueraient pas les dispositions de ce texte ? Les journalistes et les lanceurs d'alerte, quant à eux, relèveront du tribunal correctionnel, comme aujourd'hui.

Sur la question de savoir si un certain nombre de scandales révélés récemment et notamment celui du Mediator pourraient toujours l'être au bénéfice de ces dispositions, je pense que la réponse est positive, j'aurai l'occasion de le démontrer, mais je pense que la réponse est positive. Quant au choix entre la voie commerciale et la voie pénale, nous aurons une divergence avec la commission des lois, dont nous reparlerons au cours du débat.

À la demande de la commission, la motion tendant au renvoi en commission est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°94 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption 95
Contre 234

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance, suspendue à 16 h 40, reprend à 16 h 50.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Éric Bocquet.  - Cet article est loin de répondre à l'impératif d'équilibre entre la protection du secret des affaires et celle des libertés fondamentales des citoyens. Et comment l'aurait-il pu, faute d'étude d'impact, et avec un examen sous une telle contrainte de temps d'une proposition de loi qui fait l'objet d'un intense lobbying de multinationales ?

Les acteurs de l'économie numérique, si chers au président de la République, ne s'alarment pas moins des dangers pour l'innovation que les défenseurs des libertés, les journalistes, les lanceurs d'alerte, les ONG, qui craignent un verrouillage des marchés.

Ce texte ne fera que renforcer la défiance puisqu'il érige l'opacité et l'irresponsabilité en valeurs essentielles des entreprises. D'où cet amendement de suppression.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'adoption de cet amendement entraînerait évidemment la fin rapide des débats... Il se heurte cependant à la position de la commission, soucieuse de mieux transposer la directive et de mieux protéger le secret des affaires. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis pour les mêmes raisons : la France méconnaîtrait son obligation de transposition et encourrait de ce fait des sanctions financières ?

Ce texte poursuit au contraire un équilibre des droits. Les informations protégées sont précisément définies : celles qui font l'objet de mesures de protection raisonnables et qui ont une valeur commerciale effective et potentielle. Aucune révélation destinée à protéger l'intérêt général ne serait donc bridée !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je soutiens l'amendement déposé par le groupe CRCE. Cette proposition de loi est dangereuse car elle repose sur un fondement essentiel, le secret des affaires, auquel ne sont assorties que des exceptions. Une logique inverse serait plus juste : ne définir de secret des affaires que là où il est légitime !

Nous avons voté le 23 mai 2017 la loi sur le devoir de vigilance, qui est une véritable avancée et nous la mettons ici à mal ! Cette transposition pose au demeurant un problème au regard du principe de subsidiarité.

Je voterai en conséquence la suppression de cet article premier.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

des entreprises

M. Fabien Gay.  - La mobilisation citoyenne autour du secret des affaires montre la sensibilité du sujet, au carrefour de plusieurs droits et libertés fondamentales. Il convient en conséquence de le circonscrire très précisément. Les bénéficiaires devraient à tout le moins être limitativement énumérés. Nous pensons comme le Centre d'études internationales de la propriété intellectuelle (CEIPI) qu'il vaudrait mieux rattacher le secret des affaires à la notion d'entreprise afin de préciser l'objet de la proposition de loi et son champ d'application.

Malheureusement, sans étude d'impact, il est difficile d'évaluer la portée du texte.

Les algorithmes, de plus en plus utilisés - Parcoursup ou APB le montrent - compliquent le problème et nous incitent à être de plus en plus vigilants. Pour être acceptée et conserver une réelle efficacité, la protection des secrets d'affaires doit rester, comme leur nom l'indique, ancrée dans la vie des affaires.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement est le premier d'une série qui précise que le secret des affaires ne concerne que les entreprises entre elles. J'ai pu concevoir au début la logique de cette approche. Mais en réalité, une personne autre - sans être un journaliste, un syndicaliste ou un lanceur d'alerte - peut porter atteinte au secret d'affaires.

Avis défavorable à tous ces amendements.

Par définition, le secret des affaires protège des informations détenues par les entreprises : la directive est claire. La valeur économique effective ou potentielle est bien déterminante. Les amendements sont donc satisfaits.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Cet amendement restreindrait le champ de la directive. La définition de l'entreprise diffère, selon le droit européen, où elle est plus extensive, incluant les entreprises individuelles, et le droit français, où elle est plus restrictive. Ainsi, en droit européen, Johnny Hallyday peut être considéré comme une entreprise.

M. Jacques Bigot.  - Sans revenir sur notre motion de renvoi en commission, nous constatons tout de même, dès le début de l'examen du texte, que nous butons sur des difficultés d'interprétation des définitions mêmes des termes de la directive, dès lors qu'il faut les transcrire dans notre droit. (M. Christophe-André Frassa, rapporteur, se récrie.) Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de préciser ce que propose l'amendement. Mais je proposerai à mon groupe de s'abstenir, car il faut, à l'évidence, approfondir le débat et rassurer ceux qui s'inquiètent, peut-être en vain, parmi les lanceurs d'alerte, la presse, le monde économique.

M. Fabien Gay.  - Il faut qu'il y ait un vrai débat politique. Madame la Ministre, j'espère que vous ne nous répondrez pas par des arguties techniques. Une directive n'est pas un règlement : on peut en débattre et le législateur dispose d'une marge d'appréciation. Répondre à chaque fois « c'est la directive », c'est un peu court.

Nous sommes tous attachés à ce que les entreprises ne soient pas pillées. Mais si vous poursuivez un autre objectif, il faut le dire clairement.

Il y a les journalistes et les lanceurs d'alerte, mais pas seulement : les salariés, les chercheurs, les syndicalistes se préoccupent aussi, qui pourront être traînés devant les tribunaux au nom de la protection du secret des affaires ; cela prendra des années, voire des dizaines d'années, dans le but de leur faire rendre gorge.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 8 à 11

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 151-1.  -  Est protégée au titre du secret des affaires, pour les seules personnes présentes sur un marché concurrentiel au sens du premier alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce, les informations essentielles, à savoir les procédés, objets, documents, données ou fichiers de nature industrielle, scientifique, technique ou stratégique, ayant une valeur commerciale directe pour une personne physique ou morale sur le même marché concurrentiel et dont la violation est de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique et technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle et qui ont, en conséquence, fait l'objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement définit plus précisément la notion de secret des affaires. Nous reprenons dans la première partie la définition de secret des affaires donnée par le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu. Nous souhaitons ainsi circonscrire plus strictement le champ des informations à protéger, comme le faisait la proposition de la loi Carignon adoptée en 2012, dans le respect de la directive européenne et en prenant en considération la situation des PME.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 9

Remplacer les mots :

pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité

par les mots :

à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d'activité s'occupant habituellement de cette catégorie d'informations

M. Jérôme Durain.  - Derrière une modification présentée comme rédactionnelle, la commission des lois a ouvert la voie, en élargissant le champ de la protection du secret des affaires, à de nombreux contentieux. Nous proposons d'en revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale, afin de garantir la sécurité juridique à laquelle aspirent la plupart des acteurs.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° Elle revêt une valeur commerciale qui confère un avantage concurrentiel à leur détenteur parce qu'elles sont secrètes ;

Mme Michelle Gréaume.  - La valeur « économique » relève de l'immatériel. Nous lui préférons la notion d'avantage concurrentiel, conformément au premier considérant de la directive et à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Pilkington Group Ltd contre Commission européenne de 2016, selon lequel le secret des affaires ne doit pas avoir une valeur en tant que telle, il faut qu'il procure un avantage concurrentiel à son détenteur de sorte que ce dernier ait un intérêt à le protéger. Cela est plus à même de concilier protection du secret et libertés fondamentales.

M. le président.  - Amendement n°82 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec et Gold et Mme Laborde.

Alinéa 10

Remplacer les mots :

économique, effective ou potentielle,

par les mots :

commerciale car elle procure à son détenteur un avantage concurrentiel

M. Joël Labbé.  - Cet amendement protège mieux les lanceurs d'alerte, chercheurs, journalistes, syndicalistes, membres des ONG et salariés, qui se mobilisent sur cette proposition de loi, une pétition ayant recueilli 352 222 signatures pour s'opposer aux menaces qu'elle fait peser sur la liberté de l'information.

Pour protéger les entreprises de la concurrence déloyale, il faut une définition plus stricte du secret des affaires, restreint à l'avantage concurrentiel.

Le secret ne doit pas devenir la règle et la liberté d'informer l'exception.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 10

Remplacer le mot :

économique

par le mot :

commerciale

M. Jérôme Durain.  - L'amendement revient sur l'extension de la définition du secret des affaires opérée à l'initiative du rapporteur et rétablit le texte initial de la proposition de loi.

Si cette extension est autorisée par la directive, il n'en demeure pas moins que cette dernière qualifie de secret des affaires une information qui revêt une valeur commerciale.

Il existe des informations sans valeur commerciale que les entreprises veulent garder secrètes, mais qui peuvent être protégées par d'autres dispositions juridiques comme celles du code du travail, du droit pénal ou du droit de la responsabilité civile.

M. le président.  - Amendement identique n°52, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Nous souhaitons aussi rétablir la version de l'Assemblée nationale, afin d'être plus fidèle à la directive, l'usage du terme « économique » au lieu de « commerciale » ne nous paraissant pas pertinent à cet égard.

M. le président.  - Amendement identique n°56, présenté par le Gouvernement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - La définition du secret des affaires a suscité nombre de débats. Il nous faut une définition stricte et précise, afin de rester dans le cadre tracé par la directive. La notion de valeur « commerciale » le permet, comme le Conseil d'État le fait valoir dans son avis du 15 mars dernier. Elle correspond à la lettre de la directive, tout en intégrant les éléments d'interprétation qui figurent dans son considérant 14.

M. le président.  - Amendement n°68 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment en mentionnant explicitement que l'information est confidentielle

M. Joël Labbé.  - Cet amendement rétablit une disposition introduite à l'Assemblée nationale qui précise les informations susceptibles d'être couvertes par le secret des affaires. La responsabilité de la protection de l'information doit revenir à l'entreprise.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'amendement n°5 rectifié, dans le prolongement de l'amendement n°3, restreint la protection du secret des affaires aux seules relations entre les entreprises, ce qui n'est guère conforme à la directive que nous transposons, dussé-je user ce faisant d'un argument qui vous déplaît. Avis défavorable, donc.

Quid des personnes malveillantes ? Vous ne pouvez réclamer un débat sur un point aussi éloigné de la position de la commission. Il n'y a pas que les entreprises entre elles qui se volent des informations.

L'amendement n°40 revient à la rédaction de l'Assemblée nationale concernant le premier critère. Traduite de l'anglais, la version française de la directive est très mal rédigée - car c'est peu de le dire, qu'est-ce qu'« une personne agissant dans un domaine d'activité ? » Ces formulations ne sont-elles pas tout aussi floues ? Comment la rédaction de la commission des lois ouvrirait-elle davantage la voie au contentieux ? Avis défavorable.

De nombreuses informations confidentielles ne confèrent pas un avantage concurrentiel en elles-mêmes, un projet de fusion avec une autre entreprise, par exemple. Mais leur divulgation peut le faire pour une tierce entreprise. Avis défavorable aux amendements nos4 et 82 rectifié.

En préférant la valeur « économique » et non seulement « commerciale », la commission des lois a voulu renforcer le niveau de protection en incluant les algorithmes, sans aucune valeur commerciale, mais qui ont une valeur économique très importante, notamment pour les start-up, tout comme les projets de fusion ou les lancements futurs de produits. La notion de valeur économique sera aussi plus simple à interpréter par le juge. Avis défavorable aux amendements identiques nos39 rectifié, 52 et 56.

L'amendement n°68 rectifié est inutile...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Oui.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - ... mais surtout source d'insécurité juridique pour les entreprises. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Les règlements européens n'appellent aucune transposition, Monsieur Gay. Le paragraphe 1 de l'article premier de la directive dispose que « les États membres peuvent prévoir une protection plus forte du secret des affaires ».

Il s'agit d'une directive d'harmonisation minimale. Faire moins constituerait donc un manquement aux obligations de transposition de la France et ouvrirait une brèche dans la sécurité juridique au sein de l'espace économique européen.

Sagesse sur l'amendement n°40 qui rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale : la rédaction de la commission des lois ne me paraît pas avoir d'incidence sur le fond.

Je partage l'objectif des amendements nos4 et 82 rectifié : adopter une définition la plus précise possible du secret des affaires. Avis défavorable toutefois car les amendements précisent que la valeur commerciale doit être liée à un avantage concurrentiel - ce qui est contraire à l'article 2.1 de la directive. Les adopter représenterait un manquement aux obligations européennes de la France.

Avis naturellement favorable aux amendements nos39 rectifié et 52, identiques à l'amendement n°56 du Gouvernement.

Sagesse sur l'amendement n°68 rectifié qui apporte une précision utile.

M. Fabien Gay.  - Merci pour vos explications, Monsieur le Rapporteur et Madame la Ministre. Aux termes de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. » Le législateur national peut et doit avoir un débat. Soit il pratique le copier-coller, soit il fait preuve de création inspirée. Or s'agit-il de protéger les entreprises françaises et européennes contre l'espionnage industriel ? Si c'est le cas, nous sommes tous d'accord pour dire oui. Mais si, après la loi Travail et la loi sur le droit à l'erreur, la ligne directrice est de protéger seulement les entreprises, nous disons non. Représentants syndicaux, chercheurs, journalistes et lanceurs d'alerte ne doivent pas être assimilés à des pirates économiques.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Monsieur le Sénateur Gay, je suis pour la création inspirée dans le cadre du droit - chose encore plus subtile. Naturellement, les États membres ont une marge de manoeuvre mais cette liberté, déterminée par la directive elle-même, n'est pas absolue. Dans le cas d'espèce, nous ne pouvons que renforcer la protection du secret des affaires. L'auteur de la proposition de loi a fait preuve d'une créativité inspirée en trouvant un équilibre dans le cadre de la directive.

L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.

M. Jacques Bigot.  - Le texte de la commission des lois est plus large que celui de la directive, qui ne veut pas protéger des informations qui, dans le milieu professionnel, ne sont pas secrètes. Le texte de l'Assemblée nationale est meilleur.

L'amendement n°40 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos4 et 82 rectifié.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le rapporteur assume une surtransposition de la directive : toute information à valeur économique, et non pas seulement commerciale, sera protégée par le secret des affaires. Cela renforce ceux qui considèrent qu'une mise sous mandat ad hoc est une information économique. Challenges a été condamné pour avoir écrit cela sur Conforama. Cette surtransposition a des conséquences lourdes et concrètes sur la liberté de la presse. Nous ne pouvons pas légiférer en l'ignorant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Les uns pensent que la protection du secret des affaires doit s'arrêter aux informations à valeur commerciale ; les autres, couvrir les informations à valeur économique. Si nous avons ce débat politique, c'est parce que la directive ne l'a pas tranché. Elle utilise le mot anglais trade, que nous traduisons par commercial, alors qu'il a une acception plus large.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le français est une des langues officielles de l'Union européenne !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - L'objet de ce texte est non pas le droit d'accès à l'information par nos concitoyens mais la protection du secret des affaires. Faut-il protéger le lancement d'un produit révolutionnaire ? La stratégie de l'entreprise ? Les informations sur une éventuelle fusion ? Avec la commission des lois, je réponds : oui ! Ce sont des informations économiques. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Yves Leconte.  - À la bourse, les projets de fusion sont des informations commerciales !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - M. Leconte me prête des intentions malignes, je dois donc répondre. Terminons-en avec l'affaire Conforama. Si ce dernier a assigné Challenges devant les tribunaux, c'est parce qu'il a manqué à l'obligation de confidentialité sur le mandat ad hoc prévue dans la loi. Notre débat n'y changera rien. Rien ne sert de monter sur ses grands chevaux, surtout quand on chevauche des poneys.

M. Jacques Bigot.  - La directive est très claire : elle vise les informations à valeur commerciale. Le droit de la France, qui est membre de l'Union, doit s'y référer.

À la demande de la commission, les amendements identiques nos39 rectifié, 52 et 56 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°95 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l'adoption 135
Contre 197

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°68 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ne sont pas protégées au titre du secret des affaires toutes informations relatives à des données personnelles utilisées pour effectuer un profilage privé à des fins lucratives.

Mme Sylvie Robert.  - Le secret des affaires ne doit pas couvrir les données personnelles dont les entreprises se servent pour effectuer un profilage à des fins lucratives. Il doit s'arrêter là où commence le secret de la vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Chacun a en tête le scandale Facebook/Cambridge Analytica.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Les données personnelles ne peuvent pas être couvertes par le secret des affaires, compte tenu de sa définition. Je vous renvoie au considérant 35 de la directive. En outre, le Règlement européen sur la protection des données, le RGPD, interdit de fonder une décision sur un traitement de données personnelles, sauf en matière de crédit et d'assurance. Dans ces conditions, à quoi sert donc cet amendement ? L'avis est défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le RGPD autorise le profilage pour le crédit, les mutuelles et la location de voiture ; au-delà, l'article 22 du RGPD en interdit toute utilisation commerciale. La directive du 8 juin 2016 prévoit elle-même l'articulation entre respect de la vie privée, secret des affaires et données personnelles. Avis également défavorable à cet amendement disproportionné.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci de ces explications mais ce que nous voulons, nous, c'est trancher un débat de société en affirmant que les données personnelles et leur traitement n'ont pas de valeur commerciale.

L'amendement n°46 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ne sont pas protégés au titre du secret des affaires les mécanismes de nature fiscale élaborés par une entreprise.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Les esprits cyniques le relèveront, certains montages fiscaux relèvent de l'innovation et de la directive que la directive entend protéger. Pour autant, mieux vaudrait les exclure du champ du secret des affaires.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 11

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

« ... -  Ne peuvent être protégées au titre du secret des affaires d'une entreprise notamment les informations relatives à :

« 1° L'impact environnemental et sanitaire de son activité ainsi que celles de ses sous-traitants et filiales ;

« 2° Les conditions de travail de ses salariés, sa politique de recrutement, de licenciement, de rémunération ainsi que celles de ses sous-traitants et filiales ;

« 3° Les relations entretenues par une personne avec ses sous-traitants et filiales ;

« 4° Les informations de nature fiscale relatives à l'optimisation fiscale, à l'existence de montages fiscaux ;

« 5° Les informations de toute nature qui permettent d'établir l'existence d'une fraude fiscale ou sociale, d'une évasion fiscale, de la commission d'infractions pénales, et de financement du terrorisme ;

« 6° Les informations permettant la prévention de la concurrence déloyale.

M. Éric Bocquet.  - Les entreprises ont besoin de protéger les informations commerciales, nul ne le nie. Il s'agit non de se battre contre elles mais de trouver un juste point d'équilibre avec la protection du consommateur. Management agressif, recours massif aux contrats précaires, sous-traitance en cascade inhumaine. Et la notion-phare de responsabilité sociale des entreprises ? On me répliquera que tout cela est déjà dans les textes. Certes, mais cela est aussi le cas du secret des affaires.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Qu'est-ce qu'un « mécanisme de nature fiscale » ? La rédaction de l'amendement n°48 rectifié n'est pas claire. Si l'évasion fiscale n'est pas légale, l'optimisation l'est et fait d'ailleurs vivre un grand nombre d'avocats sur la place de Paris.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - C'est bien le problème !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - En tout cas, le secret des affaires n'est pas opposable au fisc qui décide ce qui est licite et ce qui ne l'est pas. Avis défavorable à l'amendement n°48 rectifié comme à l'amendement n°7, qui est largement satisfait.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - La directive ne prévoit pas d'exclure les informations fiscales. Un lanceur d'alerte qui dévoile un montage illicite sera protégé. Avis défavorable à l'amendement n°48 rectifié.

Je comprends la crainte des auteurs de l'amendement n°7 mais l'article L. 151-6 du code de commerce est très clair. Contrairement à ce que j'ai entendu dire, le secret des affaires ne sera pas la règle et la liberté d'expression, l'exception. N'oublions pas qu'elle est protégée par la Constitution !

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Monsieur le Rapporteur, vous faites erreur en distinguant optimisation et évasion fiscale. Il y a une zone grise entre les deux qui, comme vous l'avez fait remarquer, fait vivre de nombreux cabinets d'avocats. Le fisc, pour sa part, ne contrôle que 50 000 contribuables par an.

M. Jean-Yves Leconte.  - Madame la Ministre, votre argumentation s'appuie sur la définition du secret des affaires qui est celle de l'Assemblée nationale. Or le rapporteur surtranspose la directive en substituant la notion de valeur économique à celle de valeur commerciale. L'optimisation fiscale, qui n'est pas illicite, est-elle un savoir-faire qui doit être protégé ou bien doit-elle être rendue publique pour que le législateur adapte au mieux la loi ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je suis surprise par le cynisme de notre rapporteur. Dès lors que l'optimisation serait légale, elle devrait être protégée ? À l'heure où tous les États luttent contre l'évasion fiscale, le meilleur remède est la transparence ? Au coeur du sujet est la fixation des prix de transfert : ils permettent à Colgate de rapatrier en Suisse 90 % des bénéfices faits en France. Cet amendement est essentiel à la bataille qui se joue dans le monde.

Quant à la Constitution, Madame le garde des Sceaux, les directives en France ne sont pas soumises au Conseil constitutionnel, quand elles le sont en Allemagne à la Cour de Karlsruhe - on voit bien sur quel rapport de forces s'est construit l'Europe...

L'amendement n°48 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°7.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 151-1-...- Toute obligation de confidentialité faisant obstacle au signalement ou à la révélation d'un crime, d'un délit, d'une menace ou d'un préjudice graves pour l'intérêt général, est nulle.

M. Pierre Ouzoulias.  - La protection des secrets de fabrication ne doit pas avoir pour conséquence d'entraver la liberté d'information. Les nombreux scandales sanitaires récents devraient nous alerter sur l'intérêt d'adopter cet amendement...

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - M. Ouzoulias devrait partager mon enthousiasme pour ce texte. Son amendement est satisfait : le secret des affaires n'est pas opposable aux lanceurs d'alerte. Retrait ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Pierre Ouzoulias.  - Les scandales sanitaires, qui ont éclaté récemment, montrent tous que les agences de contrôle nationales et européennes n'ont pas un complet accès à la nature des produits commercialisés. Les entreprises font de l'obstruction, ce dont tous les chercheurs publics que nous auditionnons dans le cadre des travaux de l'Opecst se plaignent. Et ce texte la facilite !

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 18

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« 3° L'exercice du droit des travailleurs ou des représentants des travailleurs à l'information et à la consultation, conformément au droit et pratiques nationales.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Sans cet amendement qui reprend une disposition de la directive, les représentants des salariés risqueraient d'être régulièrement mis en cause, notamment lors de la recherche d'un repreneur pour un établissement que l'entreprise mère souhaiterait fermer.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - À nouveau, j'espère que Mme Lienemann partagera mon enthousiasme. Les alinéas 36 et 37 lui donnent toute satisfaction. Retrait, sinon rejet.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 18 h 20, reprend à 18 h 25.

M. le président.  - Amendement n°51 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 21

Après le mot :

légitime

insérer les mots :

, dans un but concurrentiel ou commercial, visant à en tirer un profit, portant ainsi atteinte aux intérêts de l'entreprise victime,

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Je salue la créativité dont le président de la commission des lois a fait preuve tout à l'heure. Il a aboli le distinguo entre information à valeur commerciale et valeur économique en se référant au mot anglais trade, oubliant que le français est une langue officielle de l'Union. La directive est claire, notamment ses considérants 1, 9 et 14. Le dernier encourage les États membres à établir une définition homogène du secret des affaires.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 21

Après le mot :

légitime

insérer les mots :

à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations de tirer un profit de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts de l'entreprise victime,

M. Éric Bocquet.  - En érigeant la protection du secret des affaires en principe assorti d'exceptions limitativement énumérées, le texte expose les chercheurs, les ONG, les syndicats, les journalistes et les lanceurs d'alerte à des procédures judiciaires longues et coûteuses.

C'est contre le pillage technologique et l'espionnage industriel, la concurrence économique dans ce qu'elle a de plus sauvage, que nous devons lutter. Nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours certes, mais l'économie moderne ne doit pas non plus faire obstacle à l'éthique.

M. le président.  - Amendement n°67 rectifié, présenté par Mme Lienemann, M. Assouline, Mmes Taillé-Polian, G. Jourda, Lubin, de la Gontrie et Meunier, MM. Jomier, P. Joly et Cabanel et Mme Préville.

Alinéa 21

Après le mot :

légitime

insérer les mots :

dans un but de concurrence illégitime, permettant au bénéficiaire des informations de tirer un profit de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts de l'entreprise victime,

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - En l'absence d'une mention limitant la protection du secret des affaires à l'exploitation déloyale dans le commerce, toute personne ayant un intérêt autre qu'économique à obtenir, utiliser et divulguer des informations protégées devra prouver qu'elle peut se prévaloir de l'une des dérogations prévues. Les ONG, les syndicats, les lanceurs d'alerte, les journalistes seront exposés.

M. le président.  - Amendement identique n°69 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold et Mme Laborde.

M. Éric Gold.  - En imposant aux acteurs de prouver qu'ils peuvent se prévaloir d'une dérogation, on les dissuadera d'agir, au risque de porter atteinte à l'intérêt général.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'article 4 de la directive n'est pas aussi restrictif que les auteurs des amendements le disent. Des exceptions figurent déjà dans le texte pour les journalistes, les lanceurs d'alerte ou les représentants des salariés - que vous ne citez pas ici. J'ai déjà expliqué pourquoi il ne faut pas restreindre le secret des affaires aux seules relations entre entreprises. Il y a aussi des personnes malveillantes. Avis défavorable à ces amendements.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'obtention illicite d'une information protégée n'est pas toujours le fait d'une entreprise concurrente. Il y a des actions malveillantes, visant à déstabiliser. De plus, le niveau d'harmonisation requis nous oppose à l'adoption de ces amendements. Avis défavorable.

L'amendement n°51 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°8 est adopté.

Les amendements nos67 rectifié et 69 rectifié n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°86 rectifié, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 25

Après le mot :

résultant

insérer les mots :

de manière significative

II.  -  Alinéa 47

Après le mot :

résultant

insérer les mots :

de manière significative

III.  -  Alinéa 49

Après le mot :

résultant

insérer les mots :

de manière significative

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Conformément à l'article 2 de la directive, cet amendement précise que seules sont considérées comme une utilisation illicite d'un secret des affaires la production, l'offre, la mise sur le marché, l'importation et l'exportation de produits résultant « de manière significative » d'une atteinte au secret. Il procède également à deux coordinations.

L'amendement n°42 est retiré.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°86 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°79 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Alinéa 25

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il appartient au détenteur légitime du secret d'établir, au-delà de tout doute raisonnable, que cette personne le savait ou aurait dû le savoir au regard des circonstances.

M. Éric Gold.  - La locution « aurait dû savoir », traduction du droit anglo-saxon, est étrangère au droit français et contraire à la jurisprudence constante de la bonne foi. Il convient d'inverser la charge de la preuve en ajoutant, pour rétablir l'équilibre, la locution anglo-saxonne « au-delà de tout doute raisonnable ».

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Après l'alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il appartient au détenteur légitime du secret d'établir, au-delà de tout doute raisonnable, que cette personne le savait ou aurait dû le savoir au regard des circonstances.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Amendement similaire.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ces amendements auraient pour effet de protéger les entreprises qui captent les secrets de leurs concurrents ! Quant au conditionnel, il est déjà connu du droit français - à l'article 2224 du code civil qui fixe le délai de prescription de droit commun.

Cette formulation est exigée par la directive. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Conformément au principe de droit commun, il appartient à la victime d'apporter la preuve de ce qu'elle allègue. La bonne foi est toujours présumée. La précision « au-delà de tout doute raisonnable » nuirait à la sécurité juridique.

Avis défavorable aux amendements nos79 rectifié et 25 rectifié.

L'amendement n°79 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°25 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par M. Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 26

Supprimer les mots :

, ou aurait dû savoir au regard des circonstances,

M. Claude Raynal.  - La rédaction actuelle fait planer une suspicion impossible à lever sur la personne qui utiliserait un secret sans savoir qu'il avait été obtenu de manière illicite, d'autant qu'aucune disposition n'exige de protection particulière des informations censées demeurer secrètes. La défaillance d'une entreprise pourrait conduire à mettre en cause un intéressé de bonne foi.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement est similaire aux amendements nos26 rectifié et 78 rectifié à venir, ainsi qu'aux amendements nos79 rectifié et 25 rectifié que nous venons de rejeter. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. L'article L. 151-5 du code de commerce assure une transposition fidèle de la directive ; impossible d'aller au-delà. Quant à l'expression « aurait dû savoir », elle figure déjà dans l'article L. 222-4 du code civil concernant le point de départ du délai de prescription de droit commun.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Alinéa 26

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il appartient au détenteur légitime du secret d'établir, au-delà de tout doute raisonnable, que cette personne le savait ou aurait dû le savoir au regard des circonstances.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°78 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

M. Éric Gold.  - Défendu.

Les amendements nos26 rectifié et 78 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 29

Après les mots :

droit de l'Union européenne

insérer les mots :

, les traités ou accords internationaux en vigueur

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Il s'agit de mentionner les traités internationaux pouvant requérir l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret, en particulier les conventions bilatérales ou multilatérales relatives à la coopération judiciaire comme la convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cette précision est très utile. Avec cet amendement, on se rapproche de la loi de blocage. Avis favorable.

L'amendement n°57 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold et Mme Laborde.

Alinéa 30

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 151-7.  -  Le secret des affaires n'est pas protégé lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est intervenue :

M. Éric Gold.  - La commission des lois substitue à « protection » le terme d' « inopposabilité », quand l'article 5 de la directive ne parle que de « dérogation ». Nous rétablissons la formulation de l'Assemblée nationale qui permet une plus grande protection des personnes visées par les exceptions.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - La commission des lois a préféré l'inopposabilité. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°76 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°83 rectifié, présenté par MM. Requier, Gabouty, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

Alinéa 31

Remplacer les mots : 

y compris 

par les mots : 

en particulier

M. Éric Gold.  - Le secret des affaires n'est pas opposable dans le cadre de l'exercice de la liberté d'expression et de communication. Le législateur a précisé explicitement que celle-ci comprenait la liberté de la presse et la liberté d'information.

La protection de la liberté de la presse est un principe fondamental des régimes démocratiques, garanti par la loi du 29 juillet 1881 et par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La liberté d'information est garantie par l'article 11 de la Charte de l'Union européenne.

Cet amendement améliore l'intelligibilité du texte, le choix des termes pouvant apparaitre comme une restriction. Ces libertés sont fondamentales et leur protection va de soi. Leur mention ne devrait donc être qu'une précision.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Nous avons eu un long débat en commission sur la bonne rédaction pour protéger les journalistes. La commission a finalement préféré ne pas modifier la formulation de la directive. Avis défavorable, d'autant que « en particulier » n'est guère plus clair que « y compris ».

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - De plus, la phrase en deviendrait bancale : on n'exerce pas un respect. Avis défavorable.

L'amendement n°83 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 31

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Pour exercer toute activité d'enseignement et de recherche par des enseignants et enseignants-chercheurs, sous quelque forme et sur quelque support que ce soit ;

Mme Michelle Gréaume.  - La protection du secret des affaires doit-elle primer sur toute autre considération, et justifier la restriction de droits fondamentaux ? La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne reconnaît, à l'article 11, la liberté d'expression, d'opinion, de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées. Son article 13 consacre la liberté de la recherche académique. Les chercheurs ne sont pas soumis à une quelconque logique commerciale. Entraver leur action en faisant peser la menace de procédures judiciaires risque de nous interdire de découvrir des scandales sanitaires.

M. le président.  - Amendement identique n°45, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le secret des affaires ne doit pas être opposable aux activités d'enseignement et de recherche. L'article premier de la directive cite les organismes de recherche non commerciaux, preuve que la recherche entre bien dans son périmètre. Or les enseignants-chercheurs font de plus en plus l'objet d'actions en justice quand leurs activités entrent en contradiction avec les intérêts privés des entreprises.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Au nom de quoi les enseignants-chercheurs bénéficieraient-ils d'un régime dérogatoire ? La directive vise les « organismes de recherche », non les personnes qui y travaillent, encore moins les enseignants ! Ceux-ci, par principe, par fonction, par nature, ne sont pas détenteurs d'un secret des affaires de par leur métier. L'exception pour les lanceurs d'alerte s'applique quel que soit le métier. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Les enseignants-chercheurs pourront invoquer leur liberté d'expression, dont la protection est prévue à l'article L. 151-7 nouveau du code de commerce et leur indépendance, principe de niveau constitutionnel.

M. Jean-Yves Leconte.  - La recherche doit être intégrée aux dérogations prévues dans ce texte. Il en va de la liberté d'innover !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les garanties évoquées par Mme la ministre plaident pour cet amendement ! Il n'y a aucune raison que les universitaires soient exclus du dispositif.

Je ne comprends pas ce qui motive la différence de traitement entre les journalistes et les chercheurs, dont certains s'intéressent de près à l'activité des entreprises. Le refuser porterait atteinte à la liberté de recherche en sciences sociales dans notre pays.

M. Pierre Ouzoulias.  - Lorsqu'un enseignant-chercheur donne un sujet de thèse à un doctorant, il ne se demande pas s'il risque de se heurter au secret des affaires ! La responsabilité des universités risque-t-elle d'être engagée du fait de tels travaux ? Faudra-t-il en référer systématiquement au service juridique ? C'est une restriction fondamentale du champ de la recherche ! Il faut absolument préserver la recherche sur le vivant, naturel et social.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Un doctorant, un chercheur aurait donc accès aux secrets des affaires des entreprises ? Si l'on suit la définition qu'en donne la directive et bientôt notre code de commerce, il est évident que non.

M. Jean-Yves Leconte.  - Et si le chercheur trouve ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Je n'ai jamais entendu parler d'un travail de recherche exploitant le secret des affaires... Quelle entreprise serait assez cinglée pour dévoiler à un chercheur des secrets de fabrication ou des algorithmes susceptibles de le mettre en position de faiblesse par rapport à ses concurrents ? Cela n'aurait aucun sens !

Les amendements identiques nos9 et 45 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéas 32 et 33

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé : 

« 2° Pour révéler, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l'exercice du droit d'alerte tel que défini par l'article 6 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

M. Arnaud de Belenet.  - La commission des lois distingue deux régimes de protection des lanceurs d'alerte, au risque de restreindre le champ de l'exception. Cet amendement revient au texte de l'Assemblée nationale : la locution « y compris » associe les deux définitions, pour une meilleure protection des lanceurs d'alerte.

M. le président.  - Amendement identique n°58, présenté par le Gouvernement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cette disposition a suscité de vifs débats à l'Assemblée nationale.

L'article 5 de la directive définit plus largement le lanceur d'alerte que l'article 6 de la loi Sapin 2, ce que traduit la locution « y compris ». Les lanceurs d'alerte au sens de la loi de 2016 bénéficient bien de la dérogation prévue par la directive, contrairement à ce que peut laisser entendre la distinction opérée par la commission des lois.

Le texte de la commission renvoie à l'ensemble des dispositions de la loi Sapin 2 relatives au droit d'alerte, ce qui laisserait supposer que l'exception ne serait effective qu'en cas de respect de la procédure d'alerte, condition non prévue par la directive et qui restreint le champ de l'exception. L'article 5 étant d'interprétation stricte, les alinéas 32 et 33 en l'état ne sont pas conformes à la directive. D'où cet amendement qui rétablit le texte de l'Assemblée nationale.

L'amendement n°11 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Alinéa 32

Remplacer les mots :

ou d'un comportement répréhensible

par les mots :

, d'un comportement répréhensible ou d'une menace pour les droits humains et les libertés fondamentales

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La loi du 23 mars 2017 sur le devoir de vigilance vise à prévenir « les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement » résultant des activités économiques. La loi sur le secret des affaires ne saurait permettre de réduire la portée de cette loi en matière de transparence, ni priver la loi de son efficacité en empêchant son utilisation par ceux qu'elle protège.

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Alinéa 32

Après le mot :

répréhensible

insérer les mots :

, d'une menace ou un préjudice pour l'intérêt général

M. Joël Labbé.  - Un détenteur licite d'un secret pourra agir en justice à l'encontre aussi bien d'une personne physique que d'une personne morale - une ONG, par exemple. Il convient, dans l'esprit de la loi Sapin 2, que les personnes morales bénéficient des mêmes exonérations que les personnes physiques lorsque l'intérêt général est en jeu. Les ONG ont leur rôle à jouer pour la protection de l'intérêt général.

M. le président.  - Amendement n°71 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold et Mme Laborde.

Alinéa 32

Après le mot :

répréhensible

insérer les mots :

, d'une menace pour les droits humains et les libertés fondamentales

M. Joël Labbé.  - Cet amendement vise à concilier le secret des affaires et la loi sur le devoir de vigilance. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a d'ailleurs mandaté un groupe intergouvernemental de travail sur ces sujets.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 32

Après le mot :

répréhensible

insérer les mots :

, ainsi que pour la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale

M. Éric Bocquet.  - Il s'agit de mentionner la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale comme dérogation légitime au secret des affaires.

Un texte renforçant la lutte contre la fraude fiscale vient d'être déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Luxleaks, Panama Papers, les turpitudes fiscales récentes montrent qu'il reste beaucoup à faire.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - La rédaction de l'Assemblée nationale n'a manifestement pas été comprise. Le problème de l'articulation entre les deux régimes demeurera, le « y compris » de la directive n'y remédie pas. Le secret des affaires n'étant pas opposable au lanceur d'alerte, il n'était pas utile de mentionner dans ce texte la loi Sapin 2, dont la procédure est plus protectrice que la formule hors-sol prévue par la directive. Ce « y compris » pouvait introduire un élément de doute, c'est pourquoi nous l'avons supprimé. Sagesse sur les amendements identiques nos53 et 58.

Les amendements nos27 rectifié, 70 rectifié, 71 rectifié et 10 étendent le champ du droit d'alerte à d'autres matières : menaces pour les droits de l'homme, fraude fiscale... Tout cela est déjà inclus dans la notion fort large de comportements répréhensibles : les amendements sont donc satisfaits par le texte. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'amendement n°53 est identique à celui du Gouvernement.

Les amendements n°27 rectifié et suivants apportent des précisions nouvelles sur l'objet de l'alerte qui ne semblent pas nécessaires. Les obligations incombant aux entreprises au titre de leur devoir de vigilance n'en sont pas modifiées. Avis défavorable. Les lanceurs d'alerte pourront invoquer la protection prévue dans ce texte, que les comportements qu'ils dénoncent soient illégaux ou susceptibles de porter atteinte à l'intérêt général.

L'amendement n°10 nuirait à la bonne lisibilité et pourrait être interprété comme restreignant le champ de la mesure de protection. Des faits de nature fiscale peuvent parfaitement faire l'objet d'une alerte.

Les amendements identiques nos53 et 58 sont adoptés.

Les amendements nos27 rectifié, 70 rectifié, 71 rectifié et 10 n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I. - Alinéa 36

Après le mot :

obtention

insérer les mots :

, l'utilisation et la divulgation

II - Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° La divulgation du secret des affaires par des salariés a? leurs représentants est intervenue dans le cadre de l'exercice légitime de leurs fonctions.

M. Éric Bocquet.  - Cet amendement précise le champ de la dérogation pour les représentants du personnel. Le code du travail prévoit déjà des obligations en matière de secret professionnel et de confidentialité ; si l'entreprise estampille ses données « secret des affaires », celui-ci s'imposera aux IRP. Et si l'obtention de l'information est licite, ce n'est pas le cas de sa divulgation...

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Alinéa 36

Après le mot :

obtention

insérer les mots :

, l'utilisation et la divulgation

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La directive prévoit que l'obtention, l'utilisation et la divulgation du secret des affaires sont licites lorsqu'il est obtenu par l'exercice du droit des travailleurs ou de leurs représentants à l'information et à la consultation.

L'utilisation et la divulgation d'informations aux salariés font partie intégrante des conditions permettant aux salariés de déterminer collectivement leurs conditions de travail, sachant que, élus, ils sont toujours tenus à une obligation de discrétion.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ces amendements font une lecture un peu abusive de la directive qui prévoit trois hypothèses d'atteinte au secret - obtention illicite, atteinte illicite ou divulgation - et introduit des dérogations utiles pour les salariés : avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°28 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 38

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ne peut toutefois être engagée, par l'employeur ou le donneur d'ordre détenteur légitime du secret d'affaires, la responsabilité civile du salarié ou du salarié d'un de de ses sous-traitants, que si ce salarié a eu l'intention manifeste de révéler ce secret des affaires et que l'obtention, la détention ou divulgation en cause a un lien direct et immédiat avec les actes de ce salarié.

Mme Michelle Gréaume.  - Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'insertion des dispositions relatives au droit du travail dans le code de commerce pose problème, surtout quand le code de travail est explicite, quant aux compétences et au fonctionnement des comités sociaux et économiques créés par l'ordonnance du 22 septembre 2017. L'article L. 2315-1 dudit code est clair : ceux-ci doivent prendre en compte les intérêts des salariés exerçant leur activité hors de l'entreprise ou dans des unités dispersées. L'article L. 2315-3 précise que les délégués du personnel sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. Une obligation de discrétion s'impose à eux à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur. Bref, la propriété industrielle et les savoir-faire sont protégés.

Cela fait penser à la parabole de l'ajusteur-outilleur, à qui il suffit d'un petit bout de métal pour fournir à ses collègues tourneurs, fraiseurs, finisseurs ou polisseurs l'outil précis dont ils ont besoin : cette culture qui n'a nul besoin de secret des affaires, juste de transmission, reste la marque de fabrique de la classe ouvrière française.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - La proposition de loi prévoit déjà les exceptions au secret des affaires concernant les salariés. Cet amendement n'est conforme ni à l'esprit ni à la lettre de la directive. Si la divulgation d'un secret est le fait d'un salarié, qui n'entre pas dans le champ des dérogations prévues par le texte, c'est au juge d'évaluer son intention. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d'entraver ou de sanctionner le signalement ou la révélation d'une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. 

M. Éric Bocquet.  - Le présent amendement instaure des sanctions pénales contre l'entrave au signalement d'une alerte ou à des mesures de rétorsion à l'encontre d'un lanceur d'alerte.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'article 13 de la loi Sapin 2 vous donne satisfaction. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 38

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 5

« Protection de la mobilité des travailleurs

« Art. L. 151-...  -  La connaissance d'un secret d'affaire acquise par un salarié dans l'exercice normal de son activité professionnelle ne peut justifier d'autres limitations à occuper un nouvel emploi que celles prévues à son contrat de travail.

« Une clause de non-concurrence insérée dans tout contrat de travail, accord ou convention collective doit dès lors être cumulativement : indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps, limitée dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié, comporter une contrepartie financière dont le montant doit être proportionnel à l'ampleur de la sujétion imposée par la clause.

M. Fabien Gay.  - La protection du secret des affaires est importante, mais doit-elle empiéter sur les droits des salariés ? L'article 15 de la Charte des droits fondamentaux est clair. L'article premier garantit le libre exercice d'une profession, l'article 2 la recherche d'un emploi sur l'ensemble du territoire de l'Union pour tous les citoyens européens et l'article 3 pour ceux des pays tiers et le droit du travail encadre les droits d'exclusivité. C'est par ce biais qu'il convient d'aborder le secret des affaires. C'est le savoir-faire des salariés, plus que l'argent des actionnaires qui produit la valeur ajoutée d'une entreprise. Pourquoi brider l'expression de compétences acquises par les salariés ? Il s'agit aussi de protéger le dialogue entre les salariés et leurs représentants, qui ne doit pas s'apparenter à un jeu à énigmes.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 38

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 5

« Protection de la mobilité des travailleurs

« Art. L. 151-...  -  Les présentes dispositions ne peuvent avoir pour effet d'imposer aux salariés dans leur contrat de travail des restrictions supplémentaires autres que celles imposées conformément au droit jusqu'alors en vigueur.

« Une clause de non-concurrence insérée dans tout contrat de travail, accord ou convention collective doit dès lors être cumulativement : indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps, limitée dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié, comporter une contrepartie financière dont le montant doit être proportionnel à l'ampleur de la sujétion imposée par la clause.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il s'agit de reprendre les restrictions concernant les clauses de concurrence, dégagées par la jurisprudence.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements dont l'objet est très proche, puisqu'ils consistent à réduire la possibilité de prévoir des clauses de non-concurrence dans les contrats de travail. Ce sujet est distinct, il relève du code du travail et occupe bien les juges.

Les salariés, même en l'absence d'une clause de non-concurrence, sont soumis d'ores et déjà à une obligation de confidentialité et de respect des secrets dont ils ont connaissance, indépendamment de toute clause de non-concurrence, sauf exceptions prévues pour la communication avec les représentants des salariés. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Aucune disposition de la proposition de loi ne modifie le droit du travail. La disposition interprétative prévue à l'article premier de la directive précise que ce n'est pas son objet. Il est donc inutile de prévoir une disposition expresse.

Il n'est en outre pas justifié de remettre en cause la jurisprudence constante sur ce point, le considérant 13 de la directive le rappelle clairement.

M. Jacques Bigot.  - Je ne comprends pas que le Gouvernement ne soit pas attentif à préciser davantage les choses dans la loi. C'est important pour les salariés. Nous voterons ces amendements.

L'amendement n°14 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°50.

M. le président.  - Amendement n°47 rectifié, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 41

Compléter cet alinéa par les mots :

si ce dernier est un organe de presse, même relevant du statut des sociétés commerciales, devant le tribunal de grande instance, par dérogation à l'article 721-3

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement donne une compétence exclusive au TGI pour connaître des actions en responsabilité civile intentées par les entreprises contre les organes de presse, même si ceux-ci ont le statut de sociétés commerciales. Ces affaires ne sauraient être jugées par le tribunal de commerce, mais par le TGI, qui est, selon vos propres mots, Madame la Ministre, le garant des libertés.

J'espère donc un avis favorable de votre part et, compte tenu de la rectification que j'y ai apportée sur les instances du rapporteur, également de ce dernier.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Après l'alinéa 58

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Section...

« De la compétence des tribunaux

« Art. L. 152-2-... - Il est donné une compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour toutes les actions menées.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Cet amendement fait de même, pour les organes de presse qui ont le statut de sociétés de droit privé.

M. le président.  - Amendement n°74 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Après l'alinéa 58

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Section...

« De la juridiction compétente

« Art. L. 152-2-... - Il est donné une compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour toutes les actions menées.

M. Joël Labbé.  - Il y a un risque pour la protection des lanceurs d'alerte, des journalistes, des ONG, des syndicats, si le tribunal de commerce est saisi.

Face à ces acteurs, les juges des tribunaux de commerce pourraient en effet se retrouver en situation de juges et parties. Ce sont des bénévoles élus par les délégués consulaires et par leurs pairs ! Protégeons la liberté d'informer, que cette proposition de loi risque de dissuader.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 75 à 85

Supprimer ces alinéas.

M. Éric Bocquet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I. - Alinéa 76

Supprimer les mots :

ou commerciales

II. - Alinéa 77

1° Avant la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le tribunal compétent en premier ressort est le tribunal de grande instance.

2° Supprimer les mots :

ou commerciale

M. Fabien Gay.  - Les juges des tribunaux de commerce sont issus du monde de l'entreprise et sont donc susceptibles d'être exposés à des conflits d'intérêts - je songe à la non-certification des comptes de Lactalis, où le vice-président du tribunal de commerce de Laval était le numéro deux d'une usine du groupe.

Seuls les magistrats professionnels peuvent garantir les libertés, sans risquer des conflits d'intérêts.

Cet amendement répond aussi à la demande de LES France, association professionnelle qui regroupe 560 industriels et professionnels de la propriété intellectuelle, ainsi que des acteurs industriels majeurs, favorable a? ce que soit privilégiée la compétence des juges judiciaires des tribunaux de grande instance, sans que ne soit pour autant retenue la compétence exclusive des juridictions parisiennes, comme c'est le cas en matière de brevets.

M. le président.  - Amendement n°75 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

I. - Alinéa 76

Supprimer les mots :

ou commerciales

II. - Alinéa 77

Supprimer les mots :

ou commerciale

M. Joël Labbé.  - C'est un amendement de cohérence avec l'amendement n°74 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Alinéa 76

Supprimer les mots :

ou commerciales

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Comme le principe tel qu'il est posé est celui du secret, la charge de la preuve inversée, il appartiendra à la personne poursuivie de faire la preuve de la non-violation du secret, ce qui sera le cas pour le journaliste.

Le risque est grand que l'entreprise, afin d'obtenir une décision favorable, saisisse le tribunal de commerce de cette violation en agissant non contre le journaliste, mais contre l'organe de presse, société de droit privé.

Il faut donc prévoir une règle spécifique d'attribution au TGI.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 78

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Prendre seul connaissance de cette pièce, limiter sa communication ou sa production à certains éléments, en ordonner la communication ou la production sous forme de résumé et en restreindre l'accès à certaines personnes ;

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement rétablit la rédaction initiale du 1° de l'article L. 153-1, qui permet au juge de prendre des mesures d'aménagement du principe du contradictoire afin de protéger le secret des affaires. La possibilité pour le juge de prendre seul connaissance d'une pièce n'est pas un préalable à l'aménagement du principe de la contradiction, mais une mesure parmi toutes celles prévues à l'article L. 153-1. Dès lors qu'il s'agit de la mesure la plus dérogatoire à ce principe, il est préférable de ne pas la prévoir comme un préalable systématique. Enfin il importe que le juge puisse restreindre l'accès à la pièce au seul avocat ou représentant de la partie en justice, ce que ne prévoit plus le texte de la commission des lois.

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 82

Après les mots :

s'applique

insérer les mots :

à ses représentants légaux ou statutaires et

II.  -  Alinéa 83

Remplacer les mots :

pas liées par cette obligation dans leurs rapports entre elles

par les mots :

liées par cette obligation ni dans leurs rapports entre elles ni à l'égard des représentants légaux ou statutaires de la personne morale partie à la procédure

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement clarifie le périmètre de l'obligation de confidentialité, dont le principe est énoncé au premier alinéa du nouvel article L. 153-2, lorsqu'une partie est une personne morale.

Il précise que dans cette hypothèse, l'obligation de confidentialité s'applique tant à ses représentants légaux ou statutaires qu'aux personnes qui la représentent au cours de l'instance, qui peuvent être des salariés.

Il explicite le fait que l'obligation de non-confidentialité n'est pas applicable entre la personne physique qui représente la personne morale lors de l'instance et les représentants légaux ou statutaires de cette personne morale. Dans la mesure où un salarié peut représenter la société dans laquelle il travaille devant une juridiction, il devra rendre compte des débats auprès de son employeur, le représentant légal ou statutaire de cette société. Dans cette situation, il ne peut en effet y avoir application d'une obligation de confidentialité entre le salarié et l'employeur en vertu du principe du contradictoire.

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Alinéa 82

Remplacer les mots :

à ceux

par les mots :

aux personnes

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Les amendements nos47 rectifié, 30, 74 rectifié, 22, 75 rectifié et 32 réservent au TGI, voire au seul TGI de Paris, la compétence sur les cas de violation du secret des affaires. Tribunal de commerce et TGI relèvent pourtant tous deux de l'ordre judiciaire : cour d'appel et Cour de cassation assurent l'harmonisation des jurisprudences.

Les propos de certains font preuve d'une sorte de défiance et de mépris insupportable à l'égard des juges des tribunaux de commerce. Mais, quoi qu'on en pense, le tribunal de commerce ne pourra connaître d'une affaire concernant un journaliste personne physique, un lanceur d'alerte, un syndicat ou une association ! Il n'y a pas lieu de bouleverser les règles de compétences des différentes juridictions : comme les tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce devront appliquer la loi, éclairés par la jurisprudence des cours d'appel et de la Cour de cassation, dans le respect des principes constitutionnels d'indépendance et d'impartialité des juridictions, sans préjudice des voies de recours pour les personnes condamnées Les amendements ne visent en outre que les organes de presse, ce qui ne convient pas. Avis défavorable à ces amendements.

L'amendement n°21 revient sur un apport important de l'Assemblée nationale et l'ordonnance invoquée par son auteur ne couvre pas tous les cas d'actions judiciaires liées à la protection du secret des affaires : avis défavorable.

L'amendement n°62 du Gouvernement revient au texte de l'Assemblée nationale alors qu'il n'est pas tout à fait conforme à l'article 9 de la directive et méconnaîtrait le principe du contradictoire.

Le texte de l'Assemblée nationale a été contesté avec constance lors des auditions que nous avons conduites : avis défavorable.

La commission des lois a prévu une obligation de confidentialité ; l'amendement n°63 l'étend : avis favorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable aux amendements nos47 rectifié, 30, 74 rectifié, 21, 22 et 32 : ne dérogeons pas aux règles de droit commun. Il est inutile de préciser que les lanceurs d'alerte, journalistes, particuliers non commerçants seront soumis au TGI.

Avis défavorable aux amendements nos75 rectifié et 21 pour des raisons similaires à celles du rapporteur.

Avis défavorable à l'amendement n°88 : mon amendement n°63 récrit plus globalement les dispositions.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Ah ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ils sont compatibles !

L'amendement n°47 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos30, 74 rectifié, 21, 22, 75 rectifié et 32.

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement prouve bien qu'il y a un problème de procédure. Le juge ne peut décider seul de la communication d'une pièce. Je m'abstiendrai, le problème juridique reste entier.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

L'amendement n°63 est adopté, de même que l'amendement n°88.

M. le président.  - Nous avons examiné 50 amendements. Il en reste 33.

Communications

Organismes extraparlementaires (Nominations)

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de deux organismes extraparlementaires ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

La séance est suspendue à 20 h 5.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Bernard Delcros.  - M. Pierre Médevielle souhaitait s'abstenir sur le scrutin public n°90.

M. le président.  - Dont acte. Cette mise au point sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Déclaration du Gouvernement portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Gérald Darmanin et moi sommes très heureux de vous présenter le programme national de réforme et le programme de stabilité qui seront prochainement envoyés à Bruxelles et débattus entre les États membres en juin. Ces documents retracent la stratégie dont nous nous dotons pour rétablir nos finances publiques et retrouver notre compétitivité.

Pourquoi est-il nécessaire de poursuivre ce travail ? Notons, d'emblée, qu'il donne des résultats : pour la première fois depuis dix ans, notre déficit public est passé sous la barre des 3 % en 2018. Si la croissance redémarre, la France demeure en deçà de la moyenne dans la zone euro. Or la vocation de la France n'est pas d'être dans la moyenne, elle est d'être la première. Nous devons et nous pouvons faire mieux. Notre déficit commercial se creuse depuis 2001, le chômage structurel reste élevé. Si l'on peut toujours trouver des arguments pour repousser la réforme, comme on le fait depuis trente ans, il était plus que temps de prendre le problème à bras-le-corps. Car ces mauvais résultats se conjuguent avec le plus haut niveau de dépenses publiques de toute l'OCDE. L'augmenter encore est une impasse. Ce que nous voulons faire, nous qui avons déjà créé 270 000 emplois en 2017 et comptons en faire de même en 2018, c'est rétablir la compétitivité et assainir les finances publiques pour créer des emplois.

Pourquoi faut-il le faire maintenant ? Parce que cela est plus facile lorsque la croissance est là : 2 % en 2018, comme en 2017 puis 1,9 % en 2019.

M. Bruno Sido.  - C'est vrai.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La croissance est soutenue par nos réformes, nos choix fiscaux, l'investissement des entreprises et un environnement international porteur. Il faut avancer maintenant car des nuages apparaissent à l'horizon : la menace d'une guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et la remontée prévisible d'ici fin 2018 des taux d'intérêt.

Notre stratégie est d'avancer sur les deux jambes de la réduction des dépenses publiques et la réforme structurelle de notre économie. Nous tiendrons ensemble ces deux bouts de la transformation de notre nation, c'est la seule méthode qui vaille.

Je veux le dire à nos compatriotes : nous ne réduisons pas les dépenses publiques pour le plaisir de passer sous la barre des 3 %. Nous le faisons pour réduire la dette - 96 % du PIB - qui pèse comme une épée de Damoclès alors que les taux d'intérêt vont augmenter. La dette, c'est chaque année de l'argent perdu pour des dépenses bien plus utiles : services publics, hôpitaux, aides aux plus démunis. La réduction de la dette est une priorité absolue : nous proposons une baisse de 5 % de la dette durant le quinquennat, soit trois points de mieux que prévu, pour diminuer la dette publique à moins de 90 % du PIB en 2022. Nous le devons à nos enfants, aux générations futures.

Deuxième chose à attendre de la réduction de la dépense publique, la baisse de la pression fiscale. Nous avons déjà réduit l'impôt sur les sociétés et mis en place des dégrèvements pour la taxe d'habitation. Nous poursuivrons ce travail car la pression fiscale est trop élevée dans notre pays sans être efficace.

Troisième chose que permet la baisse de la dépense publique, la sortie de la procédure pour déficit excessif. La France n'a pas à être la lanterne rouge de l'Europe. Cela affaiblit sa parole sur la scène européenne. Tout change quand elle présente des comptes bien tenus.

À nos partenaires européens, nous présentons également un ensemble de transformations structurelles, à commencer par celle de notre système fiscal. Nous n'avons pas réduit la fiscalité sur le capital par plaisir mais parce que notre industrie, notre agriculture et l'innovation ont besoin de capitaux ; il fallait les mettre à leur disposition. Nous avons réformé le marché du travail, nous continuerons dans cette voie avec la loi Pacte parce que nous voulons un tissu productif efficace, des PME qui peuvent grandir, aller à l'international et créer des emplois.

Ne nous berçons pas d'illusions, la France a pris du retard sur l'innovation. Certes, nous avons les ingénieurs, l'école de mathématiques mais nous n'investissons pas dans les technologies de rupture. Demain, je veux des systèmes de pilotage des véhicules autonomes européens, et pas chinois ou américains ; des batteries des véhicules électriques européennes, et pas chinoises ou américaines. Le défi de l'innovation est sans doute le plus important dans les années à venir.

Cette croissance retrouvée doit profiter à tous les Français. La transformation, ce n'est pas pour que ceux qui réussissent déjà réussissent encore mieux. Tous, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, doivent pouvoir sentir que s'ils se donnent du mal, si leur entreprise va bien, ils en profiteront. C'est pour cela que nous avons supprimé le forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés. Nous ne nous contentons pas de rêver de la participation et de l'intéressement, nous la faisons.

Autre sujet, la transformation de l'État car il faut redéfinir les rôles respectifs de l'État et de l'entreprise.

Toutes ces transformations ne prendront sens que dans une dimension européenne. Innover, se protéger contre le pillage par d'autres grandes puissances de nos technologies, investir dans des supercalculateurs et l'intelligence artificielle, cela passe par le projet européen et un marché unique intégré fort de 450 millions de consommateurs.

La profondeur du marché européen nous donne de la puissance, comme l'union bancaire qui protège nos concitoyens contre toute crise financière. Achever la zone euro, faire la convergence fiscale, c'est assurer la stabilité. Nous avançons avec l'Allemagne, sérieusement, discrètement, comme cela est de mise quand il s'agit du couple franco-allemand car ces sujets sont difficiles. Vous jugerez au résultat : je suis convaincu que la France et l'Allemagne pourront présenter une feuille de route commune au Conseil européen de juin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, Les Indépendants et Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - La trajectoire a été revue depuis la loi de programmation des finances publiques car les nouvelles sont bonnes. Et, comme chacun le sait, quand le bébé est beau, il y a plusieurs pères. (Sourires) Nous étions engagés à faire passer le déficit en dessous de la barre de 3 % pour la première fois. C'est chose faite, à 2,6 %, même si le doute subsiste sur la manière dont le comptable européen traitera la dette d'Areva - au pire, nous serons à 2,8 % du PIB. Il passera à 2,3 % l'an prochain. Imaginez si nous atteignions l'équilibre, voire l'excédent en fin de quinquennat : cela mettrait fin à quarante ans de vie politique, marqués par le déficit.

Nous devons saluer la baisse des dépenses publiques. Nous regrettons de ne pas être encore à 0 % d'augmentation en volume. Nous passerons de 1,7 % en 2017 à 0,7 % en 2018, pour atteindre 0,3 % en fin de quinquennat. Bref, nous divisons par deux, par trois puis par quatre le rythme de la dépense publique alors que les besoins augmentent dans notre pays - votre assemblée est d'ailleurs traversée par des demandes sur les infrastructures.

À qui attribuer ces bons chiffres ? Imaginons que François Hollande se soit présenté à nouveau et ait été réélu.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Pitié ! Pas de cauchemar !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Les députés socialistes nous expliquent Bourbon, que nous les lui devons... (Soupirs sur les bancs du groupe SOCR) Pourtant, le projet d'économies que j'ai présenté l'an dernier avait suscité bien des débats. Réduction des dotations aux collectivités territoriales et des APL, difficultés pour les armées ; il fallait bien répondre à l'accusation d'insincérité de la Cour des comptes... Ces économies sont de l'ordre de 5 milliards - 0,25 point de PIB. Sans elles, soit avec l'ancienne majorité, nous serions à 2,85 % de déficit. Nous n'en serions pas à nous demander si nous en faisons assez mais si nous sommes en dessous ou pas des 3 % avec les 0,2 % d'incertitude de la dette d'Areva.

Les sénateurs ont noté que les collectivités locales avaient beaucoup contribué à la baisse de la dépense publique, que leur effort avait été plus important que leur poids dans les finances publiques. C'est totalement vrai. Le Gouvernement précédent leur avait imposé une réduction des dotations, elles ont tenu le plan à 1 milliard près. Nous en avons tiré les conséquences en proposant par contrat aux plus grosses collectivités, soit 20 % d'entre elles, de limiter la progression de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an. Pour l'État, toutes dépenses confondues, les dépenses augmenteront seulement de 0,6 %. C'est deux fois plus d'effort, ce qui n'est que justice. On nous promettait une censure du Conseil constitutionnel. Aucune, ni sur la loi de finances ni sur la loi de financement de la sécurité sociale pour la première fois depuis dix ans.

Faut-il s'arrêter là ? Non. La trajectoire de réduction des dépenses publiques s'accélérera à la fin du quinquennat car nous comptons sur les effets des réformes que nous aurons prises, à commencer par le programme Action publique 2022 qui se traduira par des mesures concrètes dès le projet de loi de finances pour 2019.

Nous avons eu le courage de baisser la dépense parce que, depuis dix ans, la France n'était pas à la hauteur de ces engagements européens. Les bons chiffres de l'économie permettent de penser que nous pourrons baisser la dette dès 2018, en dépit des incertitudes sur la dette de la SNCF et sur la progression des taux d'intérêt - qui restent inférieurs aux prévisions du projet de loi de finances. Il ne peut y avoir de baisse d'impôts durable sans baisse de la dette et des déficits.

Le taux des prélèvements obligatoires a connu des vicissitudes statistiques à cause de la redevance audiovisuelle, comptabilisée comme un impôt, des suites de la taxe sur les dividendes et de l'élasticité des recettes fiscales qui augmentent lorsque la croissance s'améliore. Quoi qu'il en soit, il baissera en 2018 et nous tiendrons l'engagement pris par le président de la République : un point de moins en 2022.

Comme dans une course de fond, réjouissons-nous de l'étape franchie et continuons d'avancer : le chemin est long. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - La commission des finances se réjouit de cette déclaration du Gouvernement sur le programme de stabilité et le programme national de réforme qui l'accompagne, suivie d'un débat qui, contrairement à l'Assemblée nationale, ne donne pas lieu à vote.

Le scénario macroéconomique du Gouvernement est raisonnable, porté par une reprise plus vigoureuse que prévu, revue à la hausse jusqu'en 2019 puis stable les années suivantes. La prévision est donc intermédiaire entre celle du FMI et celle du consensus des économistes.

La prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB du Gouvernement est prudente : elle est revue à 1,1. C'est rare et ça l'est encore plus trois ans de suite comme le prévoit le texte, puisque cela n'est arrivé qu'une fois ces 25 dernières années, entre 1999 et 2001.

L'hypothèse de remontée des taux d'intérêt est également prudente, avec une hausse anticipée dès la fin 2018, alors que si l'on suit le consensus des économistes la hausse sera plus différée, avec un coût pour les finances publiques inférieures de 8 milliards d'euros en 2022. Est-ce, pour le Gouvernement, une manière de se constituer une réserve de précaution ?

Certes, le ministre l'a rappelé, il y a des incertitudes : taux d'intérêt, Brexit, guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, potentielle insuffisance de notre appareil productif face à une hausse de la demande, dynamique du crédit aux entreprises non financières et aux ménages... Cela étant, les simulations issues des deux scénarios macroéconomiques construits par la commission des finances confirment les hypothèses du Gouvernement.

J'en viens à l'exécution budgétaire. Il est acquis que la France sortira de la procédure pour déficit excessif dès cette année. L'on peut s'interroger sur la pérennité de ce redressement. Les prélèvements obligatoires continuent à augmenter de 0,8 % pour s'établir à 45,4 % du PIB. La baisse promise d'un point des prélèvements obligatoires d'ici 2022 sera insuffisante pour passer en dessous du niveau atteint sous le précédent quinquennat.

L'amélioration du déficit structurel, de 0,5 point l'an dernier, a été entièrement portée par les effets d'élasticité. Messieurs les Ministres, la règle de la cagnotte, dont le Sénat ne voulait pas, risque de vous créer des difficultés politiques. L'année 2018 est aussi marquée par un effort de maîtrise des dépenses moins ambitieux, alors que le Gouvernement s'était engagé à une croissance nulle en volume. Le Gouvernement profite-t-il de la croissance pour renoncer à ses efforts de maîtrise des dépenses ?

La France reste dans une situation atypique en Europe, à cause de l'importance de sa dette et de son déficit. Elle pourrait faire l'objet d'une procédure pour déviation significative en 2019. Devons-nous espérer une interprétation suffisamment « constructive » des règles européennes pour y échapper ? Au-delà, les économies sont peu documentées. Nous aurions aimé disposer des premières conclusions d'Action publique 2022, elles auraient éclairé ce débat.

Pour finir, et c'est la plus grande surprise, aucune trace de deux annonces récentes dans ce programme de stabilité. D'abord, la suppression totale de la taxe d'habitation et, comme la création d'un nouvel impôt est exclue, ce sont 10 à 13 milliards d'euros supplémentaires de dépenses supplémentaires. Ensuite, la reprise progressive de la dette de la SNCF qui s'établit à 46,6 milliards d'euros. Le Gouvernement compte-t-il reprendre sa copie avant de l'envoyer à Bruxelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - Nous avons souhaité ce débat sur le programme de stabilité dont la date limite de transmission à Bruxelles est fixée au 30 avril. Il faudrait d'ailleurs lier cet exercice de projection de nos finances publiques à l'arrêté des comptes de l'an passé, toutes administrations publiques confondues, afin de tirer toutes les conséquences de l'exécution budgétaire. Ce serait une façon d'améliorer nos procédures budgétaires mais nous en reparlerons.

Monsieur le Ministre, vous l'avez dit, la situation économique de notre pays s'améliore. La conjoncture internationale est porteuse, la demande intérieure est dynamique, l'investissement des entreprises atteint un niveau historique. Cette situation vous oblige : à réformer et à mieux répartir les fruits de la croissance.

Ce n'est pas la suppression de l'ISF, la création du PFU ou la suppression de la taxe d'habitation qui expliquent les bons chiffres du Gouvernement, pas plus que la baisse des contrats aidés ou des APL, décidées il y a six mois. Nous attendons le programme Action publique 2022. Le déficit était déjà sur une trajectoire de baisse avant 2017 ; quant aux efforts des dépenses amorcés depuis un an, ils ne se montent qu'à 0,2 % du PIB - une procédure de régulation classique.

Trois interrogations. D'abord, sur votre stratégie fiscale. Le taux des prélèvements obligatoires restera quasi stable sur le quinquennat, passant de 45,4 % aujourd'hui à 44,6 %, puis 44,3 % du PIB. Comment le Gouvernement entend-il financer la perte de 10 à 14 milliards de taxe d'habitation ? Quel est l'effet redistributif de votre politique ? Selon l'OCDE, les mesures que vous avez annoncées bénéficieront aux 2 % les plus riches. Je m'interroge aussi sur la répartition des efforts entre administrations publiques. Votre trajectoire impose un fort ralentissement de la dépense locale. La contractualisation le permettra-t-elle sans entraver la libre administration des collectivités ? Votre trajectoire impose également une progression modérée des dépenses de sécurité sociale. Comment entendez-vous redresser les comptes sociaux alors que la population vieillit et que les besoins en santé augmentent ? Pour les années 2019 jusqu'en 2022, le Haut Conseil des finances publiques considère votre scénario de croissance « optimiste »...

Enfin, la dette m'inquiète. Elle repasserait sous les 90 % à la fin de la période mais cela n'inclut pas la reprise de la dette de la SNCF. Mettez-vous à jour vos estimations avant de transmettre le programme à Bruxelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Notre pays est en passe de retrouver une crédibilité en Europe. Je m'en félicite. Le programme de stabilité prévoit une contribution positive des administrations de sécurité sociale, les ASSO, au solde public sur l'ensemble de la période : + 0,7 % en 2018, après les 0,2 % de 2017, grâce à une reprise de solde favorable et une dynamique de la masse salariale positive, puis 0,8 % du PIB pour les années 2019 à 2022. L'hypothèse d'écrêtement se confirme donc. Toutefois, la méthode de calcul inclut des bénéfices qui n'en sont pas vraiment : 14,3 milliards d'euros de la Cades et les 2 milliards de l'ERAFP.

La question du déficit reste donc posée. La dette de l'Acoss - 21 milliards d'euros - restera à l'Acoss. La distinction entre solde structurel et conjoncturel n'est pas établie au niveau des sous-secteurs. Or le Haut Conseil des finances publiques qualifie votre scénario de très optimiste et les comptes sociaux sont très sensibles à la conjoncture.

En matière de recettes, le programme intègre-t-il les exonérations de compensation décidées par l'État ? En matière de dépenses, comment contenir l'Ondam à 2,3 % sur la période ? Attention à ce que le fétichisme de l'Ondam ne conduise pas à transférer déficits et dettes vers d'autres acteurs - je pense, en particulier, aux hôpitaux.

La commission des affaires sociales se réjouit de l'amélioration des comptes publics et encourage le Gouvernement à persévérer mais reste vigilante. Améliorer les outils de pilotage et d'évaluation des comptes sociaux serait bien plus efficace que de réduire l'examen des textes budgétaires de vingt jours ou de prévoir un examen commun de budgets qui n'ont ni les mêmes recettes ni les mêmes dépenses. Nous en reparlerons... (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Éric Bocquet .  - À ceux qui se demandent à quoi servent les parlementaires, il faut une sacrée dose d'optimisme pour vous entendre annoncer la catastrophe plusieurs fois dans la journée, en commission ce matin, en séance ce soir. C'est la fin du monde ! (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, se récrie.) Mais bientôt, grâce au Gouvernement, le pays devrait bientôt goûter aux félicités de l'équilibre budgétaire.

Réduction des déficits budgétaires, soit... Mais cela dépend autant des dépenses que des recettes. Nous avons voté un collectif cet automne dégageant, brut de décoffrage, 5 milliards d'euros de recettes nouvelles au titre de l'impôt sur les sociétés de nos plus grands groupes industriels et commerciaux. La chose a fait couiner quelques grands groupes. Puis l'année boursière s'est conclue sur 94 milliards d'euros de bénéfices cumulés par les entreprises CAC 40. Du capital, il y en a ! Infirmières, enseignants, assistants sociaux attendent avec impatience les effets du ruissellement.

Le déficit primaire reste important : une fois payées les dépenses de fonctionnement et les intérêts de la dette, nous n'avons plus d'argent pour investir. D'où un manque de croissance potentielle. Et ne comptons pas sur l'investissement privé : une députée de la majorité présidentielle le disait ingénument, la France est 24ème sur 28 pour la qualité de son réseau de téléphonie mobile en dépit d'une concurrence, qui comme chacun sait, fait baisser les prix et stimule l'innovation...

L'amélioration du solde budgétaire masque mal les restrictions de crédits comme les cadeaux fiscaux à ceux qui tiennent le robinet du ruissellement. Pourtant, la dépense publique tire la croissance et le progrès économique plus qu'il ne les menace. Que dire des comptes des collectivités locales, excédentaires du fait du ralentissement des investissements locaux ?

Nous ne sommes pas parlementaires pour discuter chaque année des effets amers de la purge budgétaire qu'exigent les marchés financiers. Il est temps de montrer qu'une autre logique est possible.

La dette, la dette, la dette... - comme le docteur Diafoirus disait : « le poumon, le poumon, le poumon » (On apprécie.) Sa diminution n'inquièterait-elle pas les marchés, qui en tirent une rente à perpétuité ? (M. Bruno Sido s'amuse.)

Un article du journal Les Échos, - que je lis tous les jours pour m'informer de la santé du capital - (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) évoquait la proximité de la banque Rothschild avec le pouvoir, de Georges Pompidou à Emmanuel Macron : des liens qualifiés d'étroits, naturels, intimes, plus forts que les bouleversements politiques. Monsieur le ministre, que cela vous inspire-t-il ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; MM. Marc Laménie et Jean-François Rapin applaudissent également.)

M. Emmanuel Capus .  - Le programme de stabilité présente le cadrage économique et financier pour 2018-2022. Il est associé au programme national de réforme, qui présente notre stratégie de réforme structurelle.

Ces documents constituent l'image que notre pays renvoie à ses partenaires. Alors que le président de la République entend rendre à la France un rôle moteur en Europe, cet exercice de programmation s'appuie sur le triptyque sincérité-ambition-réalisme.

Il rompt avec l'irréalisme d'abord. Les hypothèses de croissance sont qualifiées par le Haut conseil des finances publiques (HCFP) de réalistes pour 2018 et d'atteignables pour 2019. Si le scénario de fin de période est jugé « optimiste », c'est que l'horizon temporel est trop long pour produire une prévision fiable, dans un monde incertain.

Je regrette un manque d'ambition sur les deux premières années de la période ; à quoi bon cibler l'effort sur les années les plus incertaines ?

M. Claude Raynal.  - C'est vrai !

M. Emmanuel Capus.  - Il y aura sans doute d'autres contraintes en 2020, 2021 et 2022.

Le courage politique est la clé de ces exercices de programmation. Vous en faites preuve quand vous avancez la date d'inversion de la courbe de la dette publique dès cette année. Nous devons écarter le plus vite possible l'épée de Damoclès qui menace de s'abattre à la moindre hausse des taux d'intérêt. Vous en faites preuve en réduisant les emplois aidés pour mettre l'accent sur la formation et la montée en compétence. Vous en faites preuve en revoyant les normes et la fiscalité applicables aux PME-TPE dans la loi Pacte, que j'espère ambitieuse.

Mais comme disait Sénèque, « faute d'adversaire, votre courage s'étiole ». Les bonnes hypothèses conjoncturelles ne doivent pas rendre trop timides sur l'effort structurel. En 2022, notre niveau de dépense publique sera toujours largement au-dessus de la moyenne européenne, et le taux de prélèvements obligatoires ne baissera guère sur la période.

Il faut donc intensifier les efforts de maîtrise de la dépense publique. Le programme Action Publique 2022 ne doit pas connaître le même sort que les précédentes revues. Comptez sur nous pour vous faire des propositions dans ce domaine d'intérêt national. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Claude Requier .  - Le débat sur le programme de stabilité est un acte politique fort, puisque le Gouvernement n'en a pas l'obligation.

Alors que s'achève la première année du quinquennat, l'amélioration de la situation économique est réelle. À l'automne dernier, Jean-Marc Gabouty avait qualifié la trajectoire budgétaire de crédible : je reprendrai volontiers ce terme.

Après la croissance record de 2017, l'exécutif table sur un taux de croissance à 2 %, du jamais vu depuis 2011. Le solde budgétaire serait ramené à 2,3 %, nous permettant de respecter les règles européennes, et la baisse des prélèvements obligatoires sur le quinquennat est confirmée.

Mais, derrière ces bonnes nouvelles, la réalité des territoires n'est pas toujours aussi rose. Les intérêts des filières agricoles ne doivent pas être perdus de vue. L'amélioration de la conjoncture doit être l'occasion d'apaiser leurs inquiétudes - je songe au CETA, par exemple.

La suppression de la taxe d'habitation, la marginalisation des communes et départements face à la montée en force des intercommunalités et métropoles inquiètent les collectivités rurales. Jacques Mézard a présenté à Châtellerault, le programme Action coeur de ville qui bénéficiera à 222 villes pour redynamiser leur centre-ville. Ce doit être une priorité, car ces territoires se meurent !

Les campagnes ne sont pas à l'abri de la concurrence internationale. Je comprends la nécessité de transformer, de réformer, mais n'oublions pas la diversité et la richesse de nos terroirs, de nos produits, de nos appellations. Le Gouvernement doit rester à l'écoute des territoires.

Une réflexion personnelle pour finir. J'ai découvert l'ampleur des déficits en arrivant à la commission des finances, il y a quatre ans, et le montant de la dette : près de 2 665 euros par seconde ! Proposition iconoclaste et irréalisable, pour sensibiliser les Français : afficher le compteur au fronton de Bercy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur certains bancs du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Julien Bargeton.  - C'est le seul ministère qui n'y est pour rien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sur le fronton de tous les ministères dépensiers, oui ! (Sourires)

M. Julien Bargeton .  - Je suis heureux que l'Europe soit revenue au coeur des débats. C'est la volonté du président de la République : discours d'Athènes, de la Sorbonne, devant le Parlement européen encore récemment. Ce dont manque l'Europe, c'est d'audace.

En matière de finances publiques, il faut agir, Europe ou pas, ne serait-ce que pour préserver la souveraineté de l'État car le remboursement de la dette préempte toute marge de manoeuvre. Cette contrainte n'est en réalité pas européenne : nous ne pouvons plus laisser filer le déficit public.

La France est enfin sortie de la procédure pour déficit excessif : 2,6 % en 2017, 2,3 % en 2018, il faut poursuivre sur cette voie.

Autre motif de satisfaction, le retour de la croissance. Le Haut Conseil des finances publiques a validé le réalisme des hypothèses macroéconomiques pour les deux prochaines années.

Restent des points de débat, sur la dépense publique. C'est un texte-cadre ; le discours change quand on rentre dans le détail. En loi de finances, vous proposiez bien des dépenses nouvelles ! La technique du rabot, déjà utilisée, ne fonctionne pas. Ce sont les réformes structurelles qui produisent des économies, mais seulement au bout de trois ou quatre ans, nous le savons dans nos collectivités territoriales.

S'agissant des recettes, misons sur la visibilité et la stabilité fiscale qui permet le retour de la confiance. L'économie, c'est de la dynamique, qui se crée par la confiance, qui elle-même dépend de la prévisibilité.

« Il y a bien des manières de ne pas réussir, mais la plus sûre est de ne jamais prendre de risques », disait Benjamin Franklin. Oui, la transformation est toujours un risque ; mais c'est la condition de la maîtrise de la dépense publique. Il appartient au Parlement de la contrôler - et je souhaite qu'il le fasse davantage.

Le programme de stabilité est bel et bien un programme de visibilité, source de confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce programme est proposé dans un environnement macroéconomique plutôt favorable. La croissance est revue à la hausse, ce qui traduit la reprise au sein de la zone euro, la bonne tenue de la demande et de l'investissement de nos entreprises.

Mais nos compatriotes attendent des résultats tangibles. Il faut poursuivre nos efforts pour consolider l'amélioration et veiller à ce que ce regain de croissance contribue à réduire les inégalités sociales et territoriales et à maintenir la qualité des services sur le territoire.

La dette passera de 96,4 % du PIB à 89,7 % en 2022. Cette nette amélioration est rassurante, dans une perspective de hausse des taux d'intérêt. Un léger excédent budgétaire serait même envisageable à l'horizon 2022 - une première depuis 1974 !

Reste deux interrogations. Comment envisagez-vous le financement de la suppression totale de la taxe d'habitation, qui n'est pas comprise dans le programme ? Quid de la reprise même partielle de la dette de la SNCF, et de son impact sur la trajectoire des finances publiques ? (Mme Gisèle Jourda renchérit.)

L'objectif de diminution des prélèvements obligatoires a été revu à la baisse à 44,3 % en 2022, soit 0,6 point de plus que prévu.

La reprise économique, qui engendre une hausse mécanique des recettes, y est pour quelque chose, tout comme l'adoption, dans la première loi de finances rectificative, de la contribution exceptionnelle sur les sociétés pour compenser la taxe sur les dividendes.

La dépense publique atteindra 54,4 % du PIB en 2018, soit 0,5 % de plus que prévu. J'entends bien ceux qui réclament une réduction plus drastique des dépenses publiques mais on ne peut pas, dans le même temps, demander le maintien de tous les services. Il ne faut pas les réduire aveuglément.

Nous avons la responsabilité d'assainir les finances publiques et de réduire la dette. Les points de la croissance retrouvée devront servir à réduire les inégalités sociales et territoriales. Dans bien des domaines, l'approche comptable ne peut être la seule à l'oeuvre. L'aménagement du territoire doit viser l'équité, ce qui suppose un État régulateur.

Nous comptons sur vous, Monsieur le Ministre, pour que les réformes structurelles soient équilibrées. Cette feuille de route budgétaire est réaliste et opportune. Mais évitons certains écueils : que personne ni aucun territoire ne reste sur le côté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Comme chaque année, cette trajectoire prévisionnelle des finances publiques doit être regardée avec prudence, tant ces estimations sont par nature fragiles. Mais les éléments de langage surprennent plus que d'habitude. Ainsi lit-on que « les engagements européens de la France ont été respectés...

M. Julien Bargeton.  - Tout à fait !

M. Claude Raynal.  - ... grâce aux mesures énergiques de redressement déployées par le Gouvernement »...

M. François Patriat.  - Mais oui !

M. Claude Raynal.  - Alors que la baisse du déficit est due pour les deux tiers au retour de la croissance. Sous le quinquennat précédent, avec une croissance faible, le déficit a été ramené de 5,2 % à 2,85 %. Convenez qu'il est plus facile de réduire le déficit de 0,3 % avec une croissance à 2 % qu'à 0,2 % - celle de 2012 -, que vos amis de l'époque, Monsieur le Ministre, nous avaient laissé. (Protestations amusées au centre et à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. François Bonhomme.  - Rendez-nous Hollande !

M. Claude Raynal.  - Vous devriez avoir plus de respect pour vos prédécesseurs.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pour mes anciens ?

M. Claude Raynal.  - Lorsque vous quitterez vos fonctions, vous serez heureux qu'on ne vous critique pas ! (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Plus loin, on lit que la reprise a été soutenue par le retour à la confiance des milieux économiques suite à l'élection présidentielle de mai 2017 !

M. François Patriat.  - Eh oui !

M. Claude Raynal.  - L'indicateur était de 109 en mai, il est de 111 aujourd'hui. Rien d'extraordinaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Plus loin, on lit que la croissance en volume de la dépense publique s'établira à 0,7 % en 2018 et 0,4 % en 2019, en net recul par rapport à 2017. Nous sommes bien loin des discours d'un certain ministre qui promettait, en juillet, une hausse de 0 % en volume !

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - C'est presque pareil !

M. Claude Raynal.  - Au fond, de longs prolégomènes ne font qu'essayer de masquer une trajectoire finalement très proche de celle présentée par vos prédécesseurs. (M. le ministre le conteste.)

En matière de taux d'intérêt, votre prudence est une constante depuis la politique accommodante de la BCE. Plus discutable est l'idée d'une croissance continue et forte jusqu'en 2022. Nous la souhaitons, mais la conjonction d'une croissance forte, d'une diminution significative des dépenses publiques et d'une augmentation forte des taux d'intérêt laisse songeur.

Dans son avis d'avril 2018, le Haut Conseil ne dit pas autre chose en qualifiant le scénario d' « optimiste ». En langue technocratique, cela veut dire « peu crédible » (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; protestations à droite)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Pour Hollande, il disait « inatteignable » !

M. Claude Raynal.  - Je ne dirai pas « insincère » - mais nous y viendrons sans doute. (Sourires)

La baisse volontariste des dépenses publiques peut avoir, si elle est mal conduite, un impact significatif sur la croissance. Les politiques de contractualisation avec les collectivités auront un effet sur l'investissement, qui par nature crée des charges de fonctionnement...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce n'est pas comme ça que ça se passe !

M. Alain Richard.  - Il y a des investissements productifs !

M. Claude Raynal.  - Allez construire une école sans augmenter les frais de fonctionnement !

De même peut-on s'interroger sur la politique menée en faveur des actionnaires plus que des entreprises pour doper l'investissement privé ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très juste.

M. Claude Raynal.  - Enfin, l'objectif de zéro déficit structurel doit-il être l'alpha et l'oméga de toute politique ? Est-il normal, utile, que certains pays aient des soldes structurels excédentaires ?

Pour résumer, un exercice facilité par une croissance retrouvée grâce aux politiques de vos prédécesseurs...

M. Alain Richard.  - Il fallait continuer !

M. Claude Raynal.  - ...un équilibre complexe entre baisse des déficits et croissance, un objectif de long terme à rediscuter. Beau projet pour les années à venir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous avons les mêmes chiffres, mais les interprétations diffèrent ! (Sourires)

Depuis 2011, le programme de stabilité est transmis à la Commission européenne au plus tard en avril. Deux semaines avant, il est transmis au Parlement qui en débat et se prononce par un vote, dit la loi. Pourtant, il n'y a pas eu de débat en 2012 et 2017, non plus qu'en 2015. En 2018, il aura lieu dans les deux chambres, mais sans vote au Sénat. Le nouveau monde n'a rien à envier à l'ancien.

L'amélioration du déficit public en 2017 est essentiellement due à des facteurs exogènes : reprise en Europe et taux d'intérêt faibles. La croissance en France est décevante par rapport à ce qu'elle est en Europe. Nous ne contestons pas les hypothèses, que le Haut conseil des finances publiques juge réalistes, mais le scénario d'une croissance effective durablement supérieure à la croissance potentielle est, lui, optimiste. La zone euro pourrait pâtir de la hausse des cours du pétrole et de l'appréciation de l'euro, ainsi que du Brexit et de l'incertitude politique dans certains pays.

Avec 2,6 % en 2017, le déficit retrouve son niveau d'avant la crise. Mais ce recul repose exclusivement sur une conjoncture favorable : les recettes ont cru plus vite que les dépenses. Or 2 % de croissance et 1 % d'inflation en 2017, c'est 40 milliards d'euros de recettes ! Souvenons-nous que le président Sarkozy avait connu un effondrement des recettes publiques de 42 milliards en 2008 et 2009.

Le contexte économique a beau être très favorable, la France demeure en queue de peloton. L'Allemagne est en excédent depuis 2014. La France, avec le Portugal, est le pays qui a passé le plus d'années en procédure de déficit excessif, et la Cour des comptes évoque une situation plus dégradée que la quasi-totalité de ses partenaires de la zone euro.

Les nouvelles prévisions du Gouvernement sont beaucoup plus optimistes, tablant même sur un excédant en 2022, avec un déficit public structurel inférieur de 0,2 point chaque année - mais on reporte l'effort structurel en fin de quinquennat. La conjoncture positive devrait vous inciter à l'engager de suite !

Autre point d'inquiétude, les nouvelles prévisions des dépenses publiques : 0,5 point de plus, sans prendre en compte la suppression totale de la taxe d'habitation ni la reprise de la dette de la SNCF dont le coût est estimé entre 20 et 60 milliards d'euros.

Les prélèvements obligatoires atteindront 44,3 % en fin de quinquennat - le même taux qu'à la fin de celui de François Hollande. Emmanuel Macron se prévaut de baisser les impôts ? Mais la fiscalité énergétique coûtera 14,2 milliards d'euros aux ménages ; la hausse de la CSG, 22,5 milliards d'euros. Les chiffres sont implacables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Encore un mot : s'il est impossible d'installer le compteur de la dette sur le bâtiment de Bercy, pourquoi ne pas indiquer sur chaque feuille d'impôt la part qui va au remboursement de la dette ?

Mme Françoise Gatel.  - Très bien.

M. Gérald Darmanin, ministre .  - On pourrait commencer par mettre ce compteur sur le fronton du Sénat ! (Mle rapporteur général se récrie.) Lors du projet de loi de finances 2017, la majorité sénatoriale a augmenté la dépense publique de 10 milliards d'euros, et de 4 milliards dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. S'ajoute la suppression des 3 milliards de la taxe d'habitation, qui aurait augmenté le taux des prélèvements obligatoires. Vous augmentiez la TVA de deux points...

M. Pierre Cuypers.  - Vous aussi !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Emmanuel Macron était le seul à ne pas vouloir de hausse de la TVA, contrairement à Juppé, Fillon ou Sarkozy : je suis cohérent !

Il suffit de regarder la liste des récentes questions d'actualité au Gouvernement : à vous entendre, il ne faut pas toucher aux contrats aidés, aux transports, au logement, aux agences publiques dans les territoires...

Mme Gisèle Jourda.  - Absolument !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ... au sport, à la santé, à la justice, aux armées, aux dépenses sociales...

MM. Patrick Kanner et Éric Bocquet.  -  Pas non plus à l'ISF !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Bercy se fait huer - c'est facile, le bouc-émissaire, c'est connu depuis René Girard !

Vous demandez des efforts structurels dès à présent, mais ne dites pas lesquels.

Monsieur Bocquet, s'il vous arrive de lire Les Échos, je lis, moi, L'Humanité.

M. Fabien Gay.  - Très bon journal.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Que nous sommes sans doute seuls à lire... (Sourires) Vous dites que la dette n'est pas grave, même si deux tiers des prêteurs ne sont pas français ; M. Mélenchon dit à peu près la même chose à l'Assemblée nationale. Je ne savais pas que vous souhaitiez à ce point enrichir les banquiers étrangers ! Je préfère désendetter notre pays plutôt qu'engraisser ceux que vous dénoncez. De grâce, ne devenez pas l'idiot utile du capital !

Monsieur Raynal, il est dommage que M. Hollande ne vous ait pas choisi comme porte-parole. À vous entendre, on l'aurait réélu ! (Mme Gisèle Jourda s'exclame.)

Vous avez commis une erreur d'appréciation en réduisant les dotations des collectivités territoriales pour limiter les dépenses. Les charges de fonctionnement sont essentiellement des charges de personnel, à 55 ou 60 %. Lorsqu'on les contient, on augmente sa capacité d'autofinancement et donc d'investissement.

M. Claude Raynal.  - Et l'investissement ne crée pas de dépenses de fonctionnement supplémentaires ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pas tous.

Mme Gisèle Jourda.  - Lesquels ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Une commune du Nord que je connais bien a investi 14 millions d'euros dans la rénovation des équipements publics. Lorsque l'on investit pour développer les réseaux de chaleur ou dans les énergies renouvelables, on réduit la facture d'électricité de la commune.

Le Gouvernement a préféré contractualiser avec les communes - les premiers contrats ont déjà été signés...

M. Patrick Kanner.  - Ce sont les préfets qui en ont la responsabilité !

M. Jacques Bigot.  - Mme la garde des Sceaux devrait signer des contrats avec les juridictions...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Cette démarche est bien préférable à la baisse aveugle des dotations...

Mme Nadia Sollogoub.  - Parlons-en ! Elles ne cessent de baisser !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce n'est pas parce que vous criez que vous avez raison !

Voix à droite. - Concluez !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - En conclusion, notre programme de stabilité permet de réduire la dépense publique, de 1,5 % à 2 % par an sur le quinquennat, même si je regrette que nous ne parvenions pas à atteindre l'objectif de la hausse zéro en volume. (Mme Nadia Sollogoub proteste derechef.)

Nous voulons parvenir à l'équilibre budgétaire, du jamais vu depuis quarante ans, tout en baissant les prélèvements obligatoires qui ont déjà diminué de 10 milliards cette année. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM  et Les Indépendants ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit aussi.)

M. Jean-François Rapin.  - Et la dette de la SNCF ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - À l'issue du vote lors du projet de loi de finances pour 2018, nous avions amélioré le solde de 785 millions d'euros, loin des milliards de dépenses nouvelles avancées par M. Darmanin. (Applaudissements à droite ; M. le ministre continue à argumenter, de son banc, avec M. le Rapporteur général ; murmures sur divers bancs.)

M. le président. - Le débat est clos ! Passons à la suite de notre ordre du jour.

Protection des savoir-faire et des informations commerciales (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il appartient au plaignant de démontrer que l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'informations protégées au titre du secret des affaires l'a été dans le but de tirer un profit, de manière indue, d'investissements financiers réalisés par un autre, portant ainsi atteinte aux intérêts économiques de l'entreprise victime.

M. Éric Bocquet.  - Vision intéressante du régime de la preuve que celle du texte qui nous est soumis ! Les lanceurs d'alerte doivent en effet prouver en justice que l'information divulguée n'était pas couverte par le secret des affaires et que les faits qu'ils dénoncent sont réels.

Il faut revenir sur cette inversion de la charge de la preuve contraire aux principes fondateurs de notre État de droit, au simple bon sens et à la protection due au lanceur d'alerte, rappelée, excusez du peu, par l'assemblée générale de l'ONU en 2015. C'est à l'entreprise de confondre son accusation. Le droit des entreprises ne peut pas être hors-sol !

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié bis, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Une action ne peut être engagée que si la partie poursuivante démontre que l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'informations qualifiées de secret des affaires l'a été dans le but de tirer profit, de manière indue, d'investissements financiers réalisés par un autre, portant ainsi atteinte aux intérêts commerciaux de l'entreprise victime.

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement va dans le même sens. Il revient à la partie poursuivante de démontrer non seulement que l'information constitue un secret des affaires, qu'il y a obtention, utilisation ou divulgation illicite, mais aussi que cette obtention ou cet usage illicite l'ont été dans le but de tirer profit d'investissements financiers réalisés pour porter atteinte à ses intérêts commerciaux.

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 152-1-...  -  Il appartient à la partie poursuivante de démontrer que l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'informations qualifiées de secret des affaires l'a été dans le but de tirer un profit, de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts économiques de l'entreprise victime.

M. Joël Labbé.  - Comme d'autres journalistes, Édouard Perrin, à l'origine du LuxLeaks, estime que ce texte vise à dissuader les journalistes d'enquêter. Une pétition lancée par un collectif d'ONG, de journalistes, de syndicats et de chercheurs a déjà réuni plus de 350 000 signatures pour soutenir cet amendement.

L'amendement n°29 rectifié  est retiré.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ces amendements similaires tendent à limiter la prise en compte des atteintes au secret des affaires, aux seuls cas où les auteurs ont pour but d'en tirer un profit économique. Cette restriction est inopportune et contraire à la directive. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - La charge de la preuve n'est pas inversée. La bonne foi sera toujours présumée, et, conformément à l'article 1315 du code civil et à l'article 9 du code de procédure civile, il appartiendra au demandeur de prouver le bien-fondé de ses prétentions.

L'adoption de ces amendements entraînerait un défaut de transposition de la directive, puisqu'elle amoindrirait la protection du secret des affaires. Avis défavorable.

M. Jacques Bigot.  - Votre argumentation est juridiquement inexacte. L'entreprise qui attaquera un journaliste ou un lanceur d'alerte doit démontrer qu'une information relevant du secret des affaires a été dévoilée.

Il convient de protéger les rédactions et les organes de presse contre les procédures bâillons qui portent atteinte à la liberté d'informer. Il y a une grande inquiétude chez les journalistes et les directeurs de publication qui ne pourront faire face à la multiplication de procédures coûteuses.

M. Fabien Gay.  - J'ai travaillé à L'Humanité (Exclamations à droite) - certes pas en tant que journaliste - journal pour lequel M. Darmanin a affiché son mépris, alors que j'ai beaucoup défendu LFigaro et que je pense pour ma part que le pluralisme de la presse est une chance. Il faut la défendre ! Les journalistes, avant de publier des enquêtes comme Luxleaks, Wikileaks, HSBC ou Paprec doivent vérifier et croiser leurs sources.

M. François Grosdidier.  - Dans un monde idéal !

M. Fabien Gay.  - Si les publications sont menacées d'actions en justice, longues et coûteuses, les directeurs des publications, au lieu d'y réfléchir à deux fois, hésiteront cent fois et elles n'enquêteront plus, plieront le genou puis finiront par rendre gorge. On va tuer le journalisme et les lanceurs d'alerte ! Je vous appelle à voter l'un de ces trois amendements.

L'amendement n°16 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos41 rectifié bis et 72 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 42

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux.  - Cet amendement supprime l'alinéa prévoyant un dispositif de prescription dérogatoire au droit commun de l'action en responsabilité civile. L'article 8 de la directive précise qu'il appartient aux États membres de fixer le point de départ du délai de prescription. En l'absence de dispositions spéciales, l'article 2224 du code civil s'applique. Il prévoit un délai de prescription de cinq ans qui court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Pour fixer le point de départ du délai, le juge fera donc une appréciation in concreto.

Il n'est pas justifié d'apporter une dérogation concernant les actions ayant pour objet une atteinte à un secret des affaires en prévoyant, comme dans le texte adopté par la commission des lois, que le point de départ court à compter des seuls faits qui en sont la cause, de sorte que l'appréciation du juge serait purement objective.

La rédaction de la commission des lois est contreproductive. Par exemple, le secret des affaires pourrait être obtenu par un concurrent de manière illicite et exploité secrètement pendant des années. Lorsque l'entreprise le découvrira, le délai de prescription privera l'entreprise lésée de toute faculté d'intenter une action.

M. le président.  - Amendement n°80 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Alinéa 42

Remplacer les mots : 

cinq ans

par les mots :

douze mois

M. Joël Labbé.  - Le texte prévoit un délai de prescription de cinq ans, la directive ayant fixé un maximum de six ans.

Cet amendement aligne les délais de prescription sur ceux établis par les ordonnances du 22 septembre 2017, dites ordonnances Travail, à savoir douze mois. Ce qui vaut pour les salariés doit valoir aussi pour les entreprises.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 42

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

M. Fabien Gay.  - Cet amendement réduit le délai de prescription à trois ans.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Chapitre ...

« Délai de prescription

« Art. L. ...  -  Le délai de prescription de toute action ayant trait à l'application de la présente loi est de douze mois. »

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Nous proposons également d'aligner les délais de prescription sur ceux établis par les ordonnances Travail. Pourquoi l'accélération des procédures que l'on réclame sans cesse aux salariés ne s'appliquerait-elle pas aux entreprises ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Tous les acteurs que nous avons auditionnés, avocats, magistrats, ont réclamé un délai de prescription dérogatoire non sur la durée - cinq ans - mais sur son point de départ, par analogie avec les dispositions du code de la propriété intellectuelle : il courrait à compter de la date des faits, comme en matière de contrefaçon - pour les brevets, les dessins et modèles, les semi-conducteurs ou les obtentions végétales, qui font chacun l'objet d'un article dudit code. Cette règle n'existe pas pour les marques car leur usage illicite est suffisamment évident.

Avis défavorable, par conséquent, aux amendements nos59, 80 rectifié bis, 17 et 33 rectifié. La commission des lois préfère conserver un délai de prescription de cinq ans.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux.  - Avis défavorable aux amendements nos80 rectifié bis, 17 et 33 rectifié.

M. Jacques Bigot.  - Si le Gouvernement avait soumis un projet de loi, assorti d'une étude d'impact, il aurait suivi la recommandation du Conseil d'État et harmonisé le droit positif en la matière. Entre prendre pour point de départ les faits ou la découverte des faits, il y a une différence sensible, le délai pouvant dans le deuxième cas courir beaucoup plus longtemps.

Le groupe socialiste s'abstiendra : il reviendra à la CMP de trouver une issue à cette impasse.

L'amendement n°59 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos80 rectifié bis, 17 et 33 rectifié.

M. le président.  - Il reste 25 amendements à examiner. Je vous propose d'ouvrir la nuit pour achever l'examen de ce texte.

(Assentiment)

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 53

Supprimer les mots :

, sur requête ou en référé,

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement supprime la précision selon laquelle les mesures provisoires ou conservatoires, prévues dans un décret en Conseil d'État, peuvent être ordonnées par le juge sur requête ou en référé. Il n'est pas opportun de préciser les voies procédurales qui peuvent être utilisées car cela risque de restreindre les possibilités offertes au juge. Outre la requête et le référé, ces mesures peuvent également être ordonnées par le juge de la mise en état par exemple dans le cadre d'une instance au fond.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'objectif de la commission est de guider les procédures particulières que le pouvoir réglementaire aura à mettre en place, telle qu'une ordonnance sur requête motivée, c'est-à-dire rendue de façon non contradictoire, ou bien une ordonnance, plus classique, en référé, par analogie avec la saisie contrefaçon de façon à pouvoir faire constater par huissier, à la demande d'une entreprise, le fait qu'un produit a été fabriqué ou mis sur le marché en utilisant de façon illicite un secret des affaires : c'est un mode de preuve efficace. Avis défavorable.

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Alinéa 55

Remplacer les mots :

ni ne pouvait savoir au regard des circonstances

par les mots :

, ni ne pouvait savoir au regard des circonstances,

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Amendement de cohérence rédactionnelle avec les alinéas 25 et 26 : une affaire de virgule !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°87 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 58

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque cette indemnité est ordonnée en lieu et place des mesures prévues aux 1° et 2° de l'article L. 152-2, elle ne peut être fixée à une somme supérieure au montant des droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser ledit secret des affaires pour la période pendant laquelle l'utilisation du secret des affaires aurait pu être interdite.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement précise, conformément au dernier alinéa du paragraphe 3 de l'article 13 de la directive, que l'indemnité se substituant aux injonctions et mesures correctives ne peut être plafonnée que lorsque la mesure évitée est l'une de celles prévues aux 1° et 2° de l'article L. 152-2.

Le Conseil d'État nous avait mis en garde sur ce point dans son avis du 15 mars.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis favorable : c'est une précision utile, qui renforce la conformité à la directive.

L'amendement n°61 est adopté.

L'amendement n°31 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152-6.  -  Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d'office, déclarer qu'une demande en justice ou un autre acte de procédure sur le fondement des dispositions du présent chapitre, est abusif.

« Si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l'acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui l'introduit de démontrer que son geste n'est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable.

« La requête visant à faire rejeter la demande en justice en raison de son caractère abusif peut être présentée à titre de moyen préliminaire.

« Le tribunal peut, dans un cas d'abus, rejeter la demande en justice ou l'acte de procédure. Il peut également assujettir la poursuite de la demande en justice ou l'acte de procédure à certaines conditions, requérir des engagements de la partie concernée quant à la bonne marche de l'instance, suspendre l'instance pour la période qu'il fixe, ordonner à la partie qui a introduit la demande en justice ou l'acte de procédure de verser à l'autre partie, sous peine de rejet de la demande ou de l'acte, une provision pour les frais de l'instance, si les circonstances le justifient et s'il constate que sans cette aide cette partie risque de se retrouver dans une situation économique telle qu'elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement des dispositions du présent chapitre peut être en outre condamnée au paiement d'une amende civile. Le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 euros pour les personnes physiques et 10 millions d'euros pour les personnes morales.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Guillaume Gontard.  - Souvenons-nous de Bolloré contre Mediapart, puis L'Obs, puis Le Point, puis France 2, mais aussi Chimirec contre Neyret, Vinci contre le collectif Sherpa, etc.

Ces affaires ont des points communs : l'inégalité des parties, une entreprise ou un groupe puissant, face à des personnes en infériorité financière. Le motif invoqué, les buts recherchés - intimider les personnes et associations concernées en les pénalisant par des procédures lourdes et répétitives, déporter le débat public... À l'image de la loi canadienne de 2011, cet amendement améliore la lutte contre ces procédures-bâillons en créant une procédure accélérée.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 25 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 100 000 € ou 2 % du chiffre d'affaires de la personne concernée.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

« Lorsqu'il est découvert ultérieurement que les informations ne sont finalement pas couvertes par le secret des affaires ou lorsqu'il est découvert ultérieurement que les menaces d'obtention, d'utilisation ou de divulgation ne sont pas avérées, la juridiction peut octroyer des dommages et intérêts la partie lésée en réparation du préjudice causé.

M. Éric Bocquet.  - Cet amendement de repli rétablit les sanctions en cas de procédures dilatoires ou abusives. Pour les entreprises ayant du temps et de l'argent, les procédures servent à bâillonner les trouble-fêtes...

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 1752-6.  -  Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 25 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 100 000 € ou 2 % du chiffre d'affaires de la personne concernée.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Fabien Gay.  - Nous sommes loin de l'équilibre, le secret des affaires semblant devoir primer sur toute autre considération, les libertés fondamentales devenant des exceptions. Et la capacité de riposte procédurale et financière accroît l'inégalité entre les parties, celles qui sont peu au fait des arcanes juridiques étant clairement désavantagées.

Lorsqu'une entreprise transnationale se retrouve face à un particulier qui aurait eu l'étrange idée de jouer d'un algorithme sur les marchés dérivés ou disposerait d'une liste de clients possesseurs d'un compte domicilié dans une localité helvétique accueillante, l'inégalité est flagrante et le but est d'épuiser, par exemple, les salariés lanceurs d'alerte.

Cet amendement rétablit des sanctions contre ces manoeuvres qui font obstacle à la manifestation de la vérité.

M. le président.  - Amendement n°44 rectifié, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152-6.  -  Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 euros pour les personnes physiques et 5 % du chiffre d'affaires hors taxes pour les personnes morales.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement rétablit le régime autonome d'amende civile, destiné à protéger plus efficacement les journalistes, les organes de presse et les lanceurs d'alerte contre les procédures abusives et les dommages-intérêts disproportionnés.

Sa suppression par le rapporteur de la commission des lois du Sénat, outre qu'elle déséquilibre l'économie générale du texte, ne nous paraît pas justifiée en droit.

À titre d'exemple, le rapporteur évoque une décision du Conseil constitutionnel dans laquelle celui-ci a censuré une amende proportionnelle non plafonnée destinée à sanctionner un manquement à une obligation de déclaration mais l'analogie ne nous paraît pas recevable. En effet, la fixation du montant s'opère dans ce cas en proportion de la valeur de contrats non déclarés, alors que dans la proposition de loi que nous examinons, la fixation du montant s'opère en proportion du montant des dommages et intérêts décidés par le juge. En outre, le régime d'amende civile est plafonné, ce qui n'est pas le cas dans la jurisprudence constitutionnelle invoquée.

Au-delà de l'enjeu juridique, c'est la réalité même des procédures-bâillons que le rapport semble nier.

Nous ne pouvons rester passifs face aux limites posées au droit d'investigation. Le Sénat, majorité après majorité, a toujours défendu les libertés individuelles ; il ne saurait déroger ce soir à cette tradition.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152-6.  -  Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 €.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement rétablit le mécanisme d'amende civile majorée introduit en commission lors de l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, afin d'assurer un juste équilibre entre la protection du secret des affaires et de la liberté de l'information.

M. le président.  - Amendement n°73 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Dantec, Mme Costes, M. Gold et Mme Laborde.

Alinéa 74

Rétablir l'article L. 152-6 dans la rédaction suivante :

« Art. L. 152-6.  -  En cas d'action du détenteur licite d'un secret au-delà du délai de prescription ou lorsqu'il est découvert ultérieurement que les informations ne sont finalement pas couvertes par le secret des affaires ou lorsqu'il est découvert ultérieurement que les menaces d'obtention, d'utilisation ou de divulgation ne sont pas avérées, la juridiction peut octroyer des dommages et intérêts la partie lésée en réparation du préjudice causé.

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 30 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 € pour les personnes physiques et 10 millions d'euros pour les personnes morales.

« L'amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

M. Joël Labbé.  - « Ouvrir la nuit », Monsieur le Président, apporte une salutaire poésie dans ce débat un peu morne...(Sourires)

Cet amendement rétablit le dispositif de sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive, supprimé par la commission des lois.

Il reprend les obligations prévues dans la directive et modifie le plafond proposé par le texte initial pour l'amende civile, car celle-ci doit être suffisamment dissuasive, afin d'éviter des poursuites abusives, attentatoires à la liberté d'expression et à l'intérêt général, ainsi qu'un engorgement supplémentaire des tribunaux. Une amende de 60 000 euros, c'est dérisoire pour une grande entreprise.

Instaurons une sanction dissuasive pour éviter les procédures-bâillons.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Tous ces amendements, qui se suivent comme des numéros de loterie, ont le même objectif, avec des variantes, et sont donc tous contraires à la position de la commission. Ils rétablissent l'amende civile imaginée par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement ne s'est pas joint à cette tentative.

Cette amende n'est quasiment jamais prononcée. La Cour de cassation est très regardante, et les juges répugnent par principe à la prononcer sauf abus flagrant. Il n'y a donc pas de raison qu'un nouveau dispositif soit davantage utilisé. N'oublions pas que 20 % des dommages et intérêts peuvent représenter beaucoup d'argent ! Réintroduire ce dispositif ne nous apporterait qu'une satisfaction symbolique.

Au surplus, les montants fixés par l'Assemblée nationale n'auraient en rien dissuadé une grande entreprise.

Ces amendements posent en outre des problèmes constitutionnels, au regard du droit au recours - une petite entreprise pouvant être dissuadée d'agir, mais surtout de la proportionnalité des peines. Constitutionnellement, rien ne justifie un montant différent dans ce cas de figure.

Le 23 mars 2017, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi relative à la responsabilité des sociétés mères vis-à-vis de ses sous-traitants. Sa jurisprudence est assez restrictive.

Pour ces raisons, avis défavorable à ces six amendements.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable sur ces amendements, à l'exception de l'amendement n°54.

L'Assemblée nationale entendait prévenir les atteintes abusives à la liberté d'expression. Je suis favorable au principe d'une amende civile, mais souhaite qu'un dispositif équilibré soit mis en place. Le caractère dilatoire d'une action en justice ne peut être apprécié qu'à l'issue de celle-ci.

L'amende civile de droit commun serait peu utilisée par les juridictions, estime le rapporteur ? L'argument n'est guère convaincant. La commission des lois a considéré qu'une amende civile était une sanction pécuniaire soumise à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais ne s'est jamais prononcée sur la proportionnalité des peines, en sorte qu'on ne peut raisonner que par analogie.

Je penche pour la constitutionnalité du dispositif... Il s'agit d'éviter toute entrave à la liberté d'expression et ce n'est pas la demande de dommages et intérêts qui est sanctionnée, mais le montant de ceux-ci, qui révèle l'abus de procédure : le lien indirect entre le comportement fautif et la sanction pouvant être caractérisé. Cette mesure semble constitutionnelle, efficace et mesurée.

M. Marc Laménie.  - Je ne sais si le débat est morne, mais il est particulièrement complexe et sérieux pour le monde économique. Les montants peuvent être importants, c'est vrai. Je me rallierai à la position du rapporteur et de la commission.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Nous voterons également l'amendement n°54. Je suis assez favorable à l'application des régimes de droit commun. Or deux régimes dérogatoires viennent d'être créés à l'initiative de la commission des lois, en matière de prescription par exemple. Ce qui invite à s'interroger sur l'équilibre politique du texte.

Le débat a fait rage à l'Assemblée nationale. Le secret des affaires a finalement été pris en compte grâce à ce mécanisme anti-bâillon. Songeons à la CMP...

Le mécanisme semble en outre constitutionnel alors que les autres amendements présentaient des difficultés.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - M. Bonnecarrère vient d'expliquer très bien que mon amendement n'est pas inconstitutionnel. La décision du Conseil constitutionnel citée par le rapporteur était motivée par le fait qu'il n'y avait pas de plafonnement.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Là non plus !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - La somme de l'amende civile va au Trésor public, non dans la poche du plaignant - c'est peut-être ce qui dissuade ces derniers de la demander.

Ce dispositif est indispensable au délicat équilibre entre protection des libertés individuelles et sanction de procédés malhonnêtes.

M. Fabien Gay.  - Madame la Ministre, vous n'avez pas apporté de réponse politique aux inquiétudes des journalistes, des chercheurs, des lanceurs d'alerte, des signataires des deux pétitions réunissant 500 000 et 350 000 personnes.

Vous avez refusé tous les amendements qui étaient au coeur du débat. Les journalistes pourront-ils continuer à faire leur travail, les lanceurs d'alerte à sortir des informations ? Ils ne font pas d'espionnage industriel mais oeuvrent pour l'intérêt général. Les gens qui regardent nos débats resteront inquiets si vous persistez à ne pas répondre.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je vous ai répondu - peut-être n'avez-vous pas entendu ? Je n'ai pas rejeté tous les amendements : je viens d'accepter celui de M. Mohamed-Soilihi (Marques d'ironie à droite) qui rétablit l'amende civile, mécanisme très efficace pour dissuader les entreprises qui intenteraient des procès à tort aux journalistes et aux lanceurs d'alerte. Dans ce texte, les dérogations sont listées expressément et nous apportons un dispositif anti-abus très dissuasif.

Avec une amende civile dont le montant est très dissuasif, le texte est équilibré. Au contraire de ce que dit la lettre ouverte au président de la République, le secret ne devient pas la règle et la liberté, l'exception.

L'amendement n°18 n'est pas adopté non plus que les amendements nos20, 19, 44 rectifié, 54 et 73 rectifié.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Éric Bocquet.  - Amendement de cohérence avec l'amendement n°21 qui n'a pas été adopté.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Par cohérence, avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

L'article premier bis est adopté.

ARTICLE PREMIER TER

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Guillaume Gontard.  - L'article premier ter érige le secret des affaires au même niveau que la protection de la défense nationale en revenant sur le principe du contradictoire devant les juridictions administratives. Il pose problème au regard de l'indépendance du juge. Le respect du contradictoire est un principe cardinal consacré par la CEDH ; le juge a déjà fait évoluer son contrôle vers un contrôle de proportionnalité.

M. le président.  - Amendement identique n°34 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Le secret des affaires ne justifie pas un nouvel aménagement au principe du contradictoire.

M. le président.  - Amendement identique n°77 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

M. Joël Labbé.  - Le principe du contradictoire devant les juridictions, est établi par l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Jacques Bigot.  - L'article 9 de la directive dispose que la justice respecte le secret des affaires. Il faudra trouver une solution. En l'état, le texte n'est pas satisfaisant. La procédure qu'engagerait une entreprise pour faire respecter le secret des affaires pourrait conduire à divulguer des informations qu'elle veut protéger.

Les amendements identiques nos23, 34 rectifié et 77 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article premier ter est adopté.

ARTICLE PREMIER QUATER

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jacques Bigot.  - Le rapporteur de la commission des lois a souhaité introduire un volet pénal au régime civil de protection du secret des affaires. La directive transposée ne l'impose nullement même si elle donne au législateur la liberté d'en décider.

Le Conseil d'État, dans son avis de 2011, avait souligné les obstacles juridiques auxquels se heurtent la définition et la mise en oeuvre d'une nouvelle infraction. La rédaction du rapporteur n'est pas convaincante, nous avons besoin de temps. L'infraction pénale n'est pas nécessaire à la directive qui doit être transposée rapidement.

M. le président.  - Amendement identique n°55, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Notre arsenal permet déjà de punir la violation du secret des affaires. L'amende civile a été repoussée, l'équilibre du texte a été rompu. Une infraction pénale est disproportionnée.

M. le président.  - Amendement identique n°65, présenté par le Gouvernement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cette infraction pénale spéciale constitue une surtransposition. La directive prévoit seulement une obligation de réparation civile en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite de secrets d'affaires. L'option pénale a d'ailleurs été écartée lors des travaux d'élaboration de cette directive. Une infraction pénale autonome ne se justifie pas : les atteintes au secret des affaires peuvent déjà être réprimées par de nombreuses dispositions du droit pénal actuel - le vol, l'abus de confiance, l'introduction et l'extraction de données dans les systèmes de traitement automatisée des données, l'atteinte au secret des correspondances ou encore les dispositions pénales sanctionnant les atteintes au droit de la propriété intellectuelle et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. Enfin, la rédaction ne respecte pas le principe de légalité des délits et des peines.

M. le président.  - Amendement identique n°84 rectifié, présenté par MM. Requier, Gabouty, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Cet article crée un nouveau délit alors que l'arsenal juridique existant suffit à poursuivre l'espionnage industriel. Il introduit une distorsion dans la compréhension de la présente proposition de loi. Enfin, les procédures civiles ont l'avantage d'être beaucoup plus rapides.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Une surtransposition ? Si la directive est muette sur ce point, c'est parce que le droit pénal ne relève pas de la compétence européenne : les États membres sont libres de faire comme ils l'entendent - l'Italie a déclaré envisager un volet pénal ; c'est le seul État membre, en effet. La notion de secret des affaires serait trop générale ? C'est vrai ; d'où la précision de l'infraction reposant sur des éléments factuels et un élément intentionnel. Le fait que les mesures de protection sont mises en place par des personnes privées est sans effet ; c'est également le cas dans les affaires de vol simple. Du reste, le Gouvernement ne nous oppose pas l'argument de l'inconstitutionnalité.

Pour les atteintes les plus graves, une infraction autonome comme il en existe une pour la contrefaçon est nécessaire. L'espionnage économique frappe les entreprises françaises, des intérêts économiques étrangers ne reculent devant rien pour piller leur patrimoine informationnel. La question n'a rien à voir avec les lanceurs d'alerte ou les journalistes. Elle n'est pas technique : nous débattons de ce que nous voulons dans une guerre économique, où Chinois et Américains disposent d'un arsenal pénal particulièrement agressif.

Une résolution européenne du Sénat du 11 juillet 2014 recommandait à chaque État membre de constituer un délit spécifique. L'amende civile, comme l'a dit une personne auditionnée, c'est partir dans une guerre économique avec une épée de bois. À vous de choisir !

M. Philippe Bonnecarrère.  - J'écarterai l'argument de la surtransposition : le texte de la directive laisse effectivement les États membres libres. En revanche, faire reposer une infraction pénale sur le secret des affaires me semble difficile. L'utilisation par un journaliste d'une information divulguée par un M. X qui y aurait intérêt pourrait devenir un élément pénalement répréhensible, ce serait une atteinte à la liberté de la presse. Les milieux économiques se méfient généralement de toute forme de pénalisation : les procédures civiles sont habituellement considérées plus efficaces.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je veux vous livrer les réflexions que mène la délégation parlementaire au renseignement depuis un an. L'agressivité de nos concurrents redouble en matière d'espionnage. Aux vols de données, aux intrusions, s'ajoutent désormais des cyber-attaques toujours plus nombreuses, visant à la captation, au sabotage ou au chantage, qui déstabilisent nos entreprises, dont la culture de protection informatique est faible. Ne restons pas désarmés alors que nos concurrents n'ont pas hésité à créer un délit pénal pour se protéger. La commission des lois a voulu doter notre pays des moyens de faire face à ce fléau.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous sommes tous bien conscients des enjeux économiques qui viennent d'être décrits. Il s'agit ici de protéger le secret des affaires : c'est la responsabilité de l'entreprise qui le détient, pas celle de la puissance publique...

M. Jacques Bigot.  - Cet article sera source de complexités, il doit être retravaillé. La notion de « contournement des mesures de protection » est trop imprécise. Donnons-nous du temps pour trouver la bonne rédaction avec des spécialistes. Trop souvent, nous adoptons des mesures pénales qui, parce qu'elles sont trop compliquées, sont peu appliquées.

À la demande du groupe RDSE, les amendements identiques nos38, 55, 65 et 84 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°96 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 294
Pour l'adoption 137
Contre 157

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°85 rectifié est retiré.

L'article premier quater est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Amendement de coordination consistant à déplacer à la fin de la proposition de loi l'article relatif à son application outre-mer.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable car je donnerai un avis défavorable à l'amendement n°90.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'amendement n°90 a été rectifié !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je ne l'ai pas...

L'amendement n°89 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

L'amendement n°66 n'a plus d'objet.

L'amendement n°35 est retiré.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par le Gouvernement.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du V de l'article L. 440-1, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° Au troisième alinéa de l'article L. 441-8, les mots : « du secret en matière industrielle et commerciale et » sont supprimés.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Dans un souci de lisibilité, cet amendement harmonise les terminologies utilisées dans le code de commerce afin de faire référence à la notion de secret des affaires.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement corrige un oubli de l'Assemblée nationale. Avis favorable.

L'amendement n°64 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 950-1 du code du commerce est ainsi modifié :

  Le 1° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 151-1 à L. 154-1 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n°       du       relative à la protection du secret des affaires ; »

?2° Le tableau constituant le second alinéa du 4° est ainsi modifié :

- la douzième ligne est ainsi rédigée :

« 

Article L. 440-1

la loi n°     du   relative à la protection du secret des affaires

» ;

- la dix-septième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

Article L. 441-8

la loi n°     du   relative à la protection du secret des affaires

Article L. 441-9

l'ordonnance n° 2014-487 du 15 mai 2014

 » ;

- la quarante-sixième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

Article L. 483-1

l'ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017

Articles L. 483-4 à L. 483-11

l'ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017

».

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement déplace à la fin de la proposition de loi l'article relatif à son application outre-mer. Il apporte des précisions et des compléments concernant l'application du texte à Wallis-et-Futuna.

L'amendement n°90 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative à la protection du secret des affaires des entreprises

M. Fabien Gay.  - Ce texte n'est pas une bonne nouvelle pour notre droit. Porté par le consortium des grandes entreprises européennes qui s'inquiètent de la progression de la transparence, il est signé par un avocat fondateur d'un cabinet spécialisé dans le droit des affaires. On risque de rendre impossible les nouveaux LuxLeaks. Il s'agissait de renforcer l'attractivité de notre droit et de s'aligner sur le droit anglo-saxon mais notre droit n'est pas dépourvu de règles pour lutter contre la contrefaçon et protéger la propriété intellectuelle. Notre droit du travail protège même les salariés, détenteurs du patrimoine qu'est le savoir-faire. La régulation économique doit se faire à égalité entre les parties et la transparence des règles.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Je sais bien qu'on ne prête qu'aux riches mais le titre de la proposition de loi est de moi, et non de son auteur. J'ai cru entendre M. Bocquet parler de « secret des enfers » au lieu de « secret des affaires ». Ce lapsus savoureux aurait peut-être mérité un sous-amendement. L'avis est défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Idem.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - L'amendement n°8 que nous avons voté est incompatible avec la définition du secret des affaires que nous avons également adoptée. C'est pourquoi, en application de l'article 44-4 du Règlement, je demande une seconde délibération sur l'article premier et, à cette fin, une très brève suspension de séance.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je n'y vois pas d'objection.

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue quelques instants.

ARTICLE PREMIER (Seconde délibération)

M. le président.  - Amendement n°A-1, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Alinéa 21

Supprimer les mots :

à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations de tirer un profit de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts de l'entreprise victime,

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement supprime une disposition contraire à la directive. En effet, la directive ne limite pas les cas d'obtention illicite aux seuls cas d'obtention à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations d'en retirer un profit. La protection du secret des affaires n'est pas restreinte aux champs des relations entre entreprises, elle vise toutes les captations illicites d'informations protégées, quel qu'en soit l'auteur, sous réserve des exceptions concernant les autorités administratives et juridictionnelles, les journalistes, les lanceurs d'alerte et les représentants des salariés.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

M. Jacques Bigot.  - Monsieur le président de la commission, j'ai demandé un renvoi en commission au début de la discussion générale que vous avez refusé pour demander finalement une seconde délibération... Cela montre bien la précipitation de ce débat. Le groupe socialiste ne votera pas cet amendement.

L'amendement n°A-1 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Explications de vote

M. Fabien Gay .  - On vient d'adopter à marche forcée un texte contesté ; le Gouvernement a utilisé une proposition de loi pour transposer une directive européenne ; nous avons examiné 90 amendements dans l'après-midi... Le sujet méritait mieux. ONG, lanceurs d'alerte, chercheurs, journalistes, représentants syndicaux, tous ceux qui se battent pour l'intérêt général verront leur combat compliqué.

Il ne faudra pas s'étonner si, dans quelques années, on entend dire quand un scandale éclate : « on le savait, mais à cause du secret des affaires, on n'a rien pu dire. »

M. Jérôme Durain .  - Marche forcée, absence d'étude d'impact... Les griefs sont nombreux. Le groupe socialiste ne votera pas ce texte qui n'atteint pas l'équilibre entre protection du secret des affaires et liberté d'expression.

À la demande du groupe socialiste, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°97 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 248
Contre 95

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Prochaine aujourd'hui, jeudi 19 avril 2018, à 10 h 35.

La séance est levée à 1 h 35.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du jeudi 19 avril 2018

Séance publique

À 10 h 35 :

Présidence : Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente

Secrétaires : M. Daniel Dubois  -  M. Michel Raison

1. Trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié.

- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Nigéria relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n°468, 2016-2017)

Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°413, 2016-2017)

Texte de la commission (n°414, 2017-2018)

- Projet de loi autorisant la ratification de la convention n°184 de l'Organisation internationale du travail relative à la sécurité et la santé dans l'agriculture (n°597, 2016-2017)

Rapport de M. Joël Guerriau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°415, 2017-2018)

Texte de la commission (n°416, 2017-2018)

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant l'amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco-andorrane (n°303, 2017-2018)

Rapport de M. Olivier Cadic, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°417, 2017-2018)

Texte de la commission (n°418, 2017-2018)

2Projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (n°227, 2017-2018).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n°410, 2017-2018).

Texte de la commission (n°411, 2017-2018).

3. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la protection des données personnelles (n°425, 2017-2018)

Rapport de Mme Sophie Joissains, fait au nom de la commission des lois (n°441, 2017-2018).

Texte de la commission (n°442, 2017-2018).

À 15 heures :

Présidence : M. Gérard Larcher, président

4. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 16 h 15 et le soir :

Présidence : Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

M. Philippe Dallier, vice-président

5. Suite de l'ordre du jour du matin.

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°93 sur la motion n°1, présentée par M. Éric Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :338

Suffrages exprimés :338

Pour :95

Contre :243

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Contre : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (78)

Pour : 78

Groupe UC (50)

Contre : 50

Groupe LaREM (21)

Contre : 21

Groupe RDSE (21)

Pour : 2 - MM. Ronan Dantec, Joël Labbé

Contre : 19

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Contre : 5

N'ont pas pris part au vote : 6 - MM. Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Alain Fouché, Claude Malhuret, Alain Marc, Mme Colette Mélot

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 4

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier.

Scrutin n°94 sur la motion n°37 rectifiée, présentée par M. Jacques Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain, tendant au renvoi en commission de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :330

Suffrages exprimés :329

Pour :95

Contre :234

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Contre : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (78)

Pour : 78

Groupe UC (50)

Contre : 50

Groupe LaREM (21)

Contre : 21

Groupe RDSE (21)

Pour : 2 - MM. Ronan Dantec, Joël Labbé

Contre : 19

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

N'ont pas pris part au vote : 11 - MM. Jérôme Bignon, Emmanuel Capus, Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Alain Fouché, Joël Guerriau, Jean-Louis Lagourgue, Claude Malhuret, Alain Marc, Mme Colette Mélot, M. Dany Wattebled

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 4

Abstention : 1

N'ont pas pris part au vote : 5 - Mmes Christine Herzog, Claudine Kauffmann, M. Jean Louis Masson, Mme Évelyne Perrot, M. Stéphane Ravier

Scrutin n°95 sur les amendements n°39 rectifié, présenté par M. Jacques Bigot et les membres du groupe SOCR, n°52, présenté par M. Thani Mohamed Soilihi et les membres du groupe LaREM, et n°56, présenté par le Gouvernement, à l'article premier de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :333

Suffrages exprimés :332

Pour :135

Contre :197

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Contre : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe SOCR (78)

Pour : 78

Groupe UC (50)

Contre : 50

Groupe LaREM (21)

Pour : 21

Groupe RDSE (21)

Pour : 21

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

N'ont pas pris part au vote : 11 - MM. Jérôme Bignon, Emmanuel Capus, Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Alain Fouché, Joël Guerriau, Jean-Louis Lagourgue, Claude Malhuret, Alain Marc, Mme Colette Mélot, M. Dany Wattebled

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

Abstention : 1 - M. Philippe Adnot

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

Scrutin n°96 sur l'amendement n° 38, présenté par M. Jacques Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain, l'amendement n°55, présenté par M. Thani Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, l'amendement n°65, présenté par le Gouvernement et l'amendement n° 84 rectifié, présenté par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article 1er quater de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :294

Pour :137

Contre :157

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Contre : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe SOCR (78)

Pour : 78

Groupe UC (50)

Pour : 1 - M. Philippe Bonnecarrère

Abstentions : 48

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Vincent Delahaye, Président de séance

Groupe LaREM (21)

Pour : 21

Groupe RDSE (21)

Pour : 21

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 1 - M. Emmanuel Capus

Contre : 9

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jérôme Bignon

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 4

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

Scrutin n°97 sur l'ensemble de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :343

Pour :248

Contre :95

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (78)

Contre : 78

Groupe UC (50)

Pour : 49

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Vincent Delahaye, Président de séance

Groupe LaREM (21)

Pour : 21

Groupe RDSE (21)

Pour : 19

Contre : 2 - MM. Ronan Dantec, Joël Labbé

Groupe CRCE (15)

Contre : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 11

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 4

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

Composition de deux éventuelles CMP

1. Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération sont :

Titulaires : MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Mathieu Darnaud, Hervé Marseille, Mme Laurence Harribey, MM. Jean-Pierre Sueur, Arnaud de Belenet

Suppléants : M. Philippe Bonnecarrère, Mme Maryse Carrère, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Catherine Di Folco, MM. Laurent Duplomb, François Grosdidier, Didier Marie

2. Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur la proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites sont :

Titulaires : MM. Philippe Bas, Christophe-André Frassa, François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Jean-Yves Leconte, Jérôme Durain, Thani Mohamed Soilihi

Suppléants : M. Éric Bocquet, Mme Maryse Carrère, M. Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de la Gontrie, Muriel Jourda, M. Hervé Marseille

Nominations à deux organismes extraparlementaires

Mme Marie-Pierre Monier est membre titulaire de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.

Mme Vivette Lopez est membre titulaire et M. Max Brisson est membre suppléant du conseil d'administration du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.