SÉANCE

du mardi 19 juin 2018

97e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Mireille Jouve.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.

Accessibilité du métro parisien pour les Jeux de 2024

M. Bernard Jomier .  - En 2024, la France aura l'honneur d'accueillir les Jeux olympiques et paralympiques. Chacun doit pouvoir participer à ce moment de joie collective. Or seules 3 % des stations du métro parisien sont équipées de dispositifs à destination des personnes à mobilité réduite et rien ne semble prévu pour y remédier. Des progrès ont été accomplis, par la RATP notamment, qui sont à saluer. La quasi-totalité des stations de RER sont accessibles, ainsi que le réseau de surface (bus et tramways). Chaque nouvelle station du Grand Paris Express sera accessible. Sans réclamer l'impossible, nous ne pouvons pas exclure une partie de la population de cet évènement à cause des défaillances de notre réseau métropolitain qui fait notre fierté. Inspirons-nous de l'exemple londonien, plus de 200 millions de livres d'investissements ; profitons de l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques pour accélérer le mouvement et développer la cohérence de nos transports.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour rendre le métro parisien accessible, notamment aux personnes en situation de handicap, dans le cadre de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024 ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Le réseau de transports en commun francilien est heureusement d'ores et déjà accessible aux personnes à mobilité réduite : la majorité des bus parisiens, l'ensemble des tramways, 70 % des lignes de bus de banlieue, 63 gares RER et la moitié des 375 gares SNCF franciliennes.

Pour autant, hormis les plus récentes, les stations de métro historiques ne le sont pas : les travaux seraient d'une complexité rédhibitoire. Des transports de substitution sont mis en place. C'est sur cette base que le Conseil de Paris s'appuie pour programmer une plus grande accessibilité du réseau en 2024. L'article 23 de la loi du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 prévoit que les autorités organisatrices de transport (AOT) concernées, dont Ile-de-France Mobilités, devront élaborer un rapport pour présenter « de nouvelles propositions afin de développer l'accessibilité universelle des modes de transport nécessaires pour accéder aux Jeux ». Les services de l'État sont à la disposition de la présidente d'Ile-de-France Mobilités pour avancer sur ce rapport.

Toute proposition d'évolution du cadre réglementaire doit être explorée pour faciliter l'accessibilité des stations stratégiques du métro parisien. C'est un enjeu essentiel pour la réussite des Jeux et la participation de tous.

M. Bernard Jomier.  - Je prends acte du programme volontaire que vous avez décliné. L'accessibilité des fauteuils roulants est un domaine dans lequel nous pourrions aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin, si nous disposions d'engagements financiers plus importants.

Réforme de la tarification des établissements médico-sociaux

Mme Laure Darcos .  - Pas moins de 158 000 enfants et 332 000 adultes handicapés sont accompagnés par 15 000 établissements et services médico-sociaux. Le Gouvernement précédent avait lancé une réforme de la tarification de ces établissements et services, dont la feuille de route a été validée pour 2018. Cette réforme inquiète la population concernée. Je songe à l'Essonne où des établissements sont menacés de fermeture. Ces établissements sont indispensables pour offrir aux enfants handicapés une sociabilisation nécessaire à leur épanouissement.

L'élaboration du référentiel tarifaire pour l'allocation des ressources aux établissements et services constitue à cet égard l'une des principales sources d'inquiétude des familles et des équipes pluridisciplinaires accompagnant les enfants handicapés, car elle transforme les structures en simples plateformes d'évaluation et de coordination, dans une démarche fondée sur la seule baisse des charges structurelles, au détriment des besoins réels des personnes handicapées et des projets éducatifs personnalisés.

Dans ce contexte anxiogène, pouvez-vous m'assurer que la prise en charge des personnes handicapées et la qualité de leur accompagnement ne seront pas remises en cause ? Et que les établissements disposeront des moyens nécessaires pour accomplir leur mission ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Près de 15 000 services et établissements médico-sociaux accompagnent les enfants et adultes handicapés. La transformation de leur financement est indispensable. Le constat sans concession dressé par le rapport remis par Mme Jeannet et M. Vachey en octobre 2012, reste entier. Le niveau des dotations des établissements et services - qui représentent au total un peu plus de 16,5 milliards d'euros - est le fruit de l'histoire et se traduit par de fortes iniquités entre établissements similaires.

Il est impératif de le revoir dans une refonte de la tarification favorisant l'adéquation entre les besoins des personnes et les réponses apportées. Mieux soutenir leur parcours de vie et garantir des solutions pour tous, tels sont les mots d'ordre de cette réforme.

Le projet Serafin-PH est un chantier de long terme. J'ai présidé son comité de pilotage le 27 avril dernier. Nous prendrons le temps de ces travaux et nous privilégierons une méthode concertée et co-construite qui prendra d'abord en compte les besoins des personnes et la qualité de leur accompagnement, qu'il n'est nullement question de faire régresser, puisque c'est l'ADN de notre mission, le socle de notre politique.

Mme Laure Darcos.  - Je sais que votre action reçoit des échos favorables et je ne doute pas de votre bonne volonté. Les familles redoutent un traitement global. Je vous invite à venir à l'Institut médico-éducatif de Saint-Germain-lès-Arpajon : le sourire de ces enfants vous éclairera sur l'action de ces structures.

Développement des pôles universitaires délocalisés

Mme Josiane Costes .  - La présence de campus universitaires délocalisés dans les villes moyennes est vitale pour contribuer au dynamisme de ces territoires, particulièrement de ceux qui se trouvent éloignés des métropoles régionales.

La qualité des formations universitaires proposées est indispensable pour maintenir et surtout attirer les jeunes talents et la matière grise dans des villes ou des départements fragilisés par le vieillissement de la population et la déprise démographique.

Les cursus proposés peuvent aussi répondre aux besoins exprimés par des entreprises locales, ce qui assure aux jeunes diplômés de trouver rapidement un emploi.

Dans le Cantal, les 1 300 étudiants post-bac présents à Aurillac constituent une véritable bouffée d'oxygène. Les collectivités concernées souhaitent développer l'offre de formations proposées afin d'ancrer davantage la présence universitaire dans leur territoire.

Consciente des budgets contraints des universités, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement dans ce domaine, et notamment savoir quelles sont les mesures envisagées pour développer ces antennes universitaires hors des métropoles régionales et accompagner les collectivités territoriales concernées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Je vous prie d'excuser ma collègue Frédérique Vidal. L'enseignement supérieur n'est pas déconnecté de la vie locale. Le ministère soutient le rayonnement des universités dans le territoire : ainsi l'université de Clermont Auvergne a six sites dans la région, qui contribuent à la vie économique, sociale et culturelle locale. À Vichy, par exemple, le ministère soutient le développement d'un département information-communication, option journalisme, doté de neuf postes. À Clermont-Ferrand, le lycée Ambroise Brugière va se doter dès la rentrée 2018 d'une classe préparatoire B/L. J'espère que cela vous rassurera.

Mme Josiane Costes.  - La question est vitale dans mon territoire qui a besoin de ce pôle universitaire, car il est éloigné des métropoles.

Études de médecine en milieu rural

Mme Nadia Sollogoub .  - Je suis élue de la Nièvre, département particulièrement et dramatiquement concerné par la baisse de démographie médicale, où les patients rencontrent désormais les plus grandes difficultés pour se faire soigner.

Pour mémoire, la densité de médecins généralistes y est de 82 pour 100 000 habitants alors qu'elle est de 96 en Bourgogne-Franche-Comté et de 104 en France. La perte de chance des patients en situation d'urgence vitale y est la plus élevée de la région, alors que parallèlement, l'avenir de certains services est menacé faute, semble-t-il, de personnel soignant. L'absence d'urgentiste est la raison invoquée pour l'éventualité de la fermeture des urgences de nuit à l'hôpital de Clamecy et l'absence de pédiatre pour la fermeture de la maternité de Cosne-Cours-sur-Loire.

Les habitants et les élus de la Nièvre ne pourront pas se contenter de prendre leur mal en patience et serrer les dents en croisant les doigts, en attendant l'arrivée promise en 2025 de médecins, en nombre suffisant, d'autant que l'accroissement du nombre n'offre aucune garantie sur la répartition territoriale. Il est indispensable d'ouvrir des stages de médecine générale dans la Nièvre à des étudiants des facultés de médecine de Clermont-Ferrand et de Paris, qui ne sont qu'à 200 kilomètres chacune et qui sont très fréquentées par les étudiants nivernais pour d'évidentes raisons d'accès, en train notamment ; il faut aussi que des étudiants de la faculté de Dijon puissent faire une partie de leur cursus à l'hôpital de Nevers, selon l'ancien modèle des hôpitaux périphériques, afin de « s'ancrer » dans le territoire rural où ils resteront. Il faut, enfin, faciliter la labellisation de deux à trois sites pluridisciplinaires comme « Maison de santé universitaire » dans le département, ce qui faciliterait grandement la réalisation de stages en médecine ambulatoire en milieu rural profond. Entendez-vous faire explorer ces pistes d'évolution concrètes ou, à défaut, pouvez-vous préciser les orientations que vous entendez privilégier ?

présidence de M. David Assouline, vice-président

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Il n'existe pas de dispositif univoque permettant de fixer les professionnels de santé dans le territoire où ils ont fait leurs études. Si une antenne délocalisée de la Paces - première année commune aux études de santé - de Dijon à Nevers est difficilement envisageable, car elle rendrait difficile le tutorat qui est indispensable à l'égalité des chances de réussite aux études de médecine, nous veillerons à ce qu'une offre de proximité soit proposée à tous les lycéens afin qu'ils accèdent à ces études quel que soit leur territoire d'origine.

Les élus de plusieurs territoires ont fait part de la difficulté à développer des stages de médecine générale, dès lors qu'aucune université n'est présente dans leur territoire. Un travail est en cours avec le ministère des Solidarités et de la santé, pour voir comment assouplir sans compliquer.

Nous souhaitons que la formation des professionnels de santé se développe hors CHU, le modèle des hôpitaux périphériques existant toujours pour les stages d'internes. Le dispositif Ambition Paces en région Centre est une des mesures qui favorisera ce mouvement. Les antennes délocalisées de Pau et du Havre, les internats ruraux en Aveyron, le recrutement de maîtres de stage en Mayenne montrent que c'est possible.

Les services du ministère de l'Enseignement supérieur et ceux du ministère des Solidarités et de la santé sont à la disposition des élus pour évaluer les projets en gestation dans votre territoire.

Mme Nadia Sollogoub.  - La Nièvre est séparée de la faculté de Dijon par la barrière physique du Morvan. Il est difficile pour les étudiants de s'y rendre. D'où notre insistance sur la délocalisation de la Paces dans la Nièvre. Nos étudiants finissent par aller étudier à Paris, Clermont ou Tours sans retour dans la Nièvre. Pourtant, face à la pénurie de ressources en santé, nous sommes force de proposition : c'est dans la Nièvre qu'a été implantée la première maison de santé pluridisciplinaire.

Rôle de l'État face à la délocalisation d'Engie

M. Fabien Gay .  - Vous avez devant vous un élu en colère. Les plans de licenciement se succèdent, les scandales financiers se multiplient avec le président de Carrefour qui part avec 16 millions d'euros. Je voudrais mentionner le cas d'Engie, anciennement GDF-Suez, recordman du taux de profit, n°2 derrière Arcelor Mittal. 27,55 milliards d'euros de dividendes ont été distribués à ses actionnaires ! On est passé d'un service public répondant à un souci d'humanité à une entreprise privée au service du seul profit.

L'intersyndicale, que nous devrions davantage écouter, comme l'ensemble des syndicats et des corps intermédiaires dans notre pays, d'une manière générale, m'alerte sur la délocalisation offshore de l'entreprise à l'extérieur du territoire français : après le Portugal et le Maroc aujourd'hui, le Sénégal et le Cameroun font l'objet d'un nouvel appel d'offres.

M. Roland Courteau.  - Hélas !

M. Fabien Gay.  - Oui, 3 000 emplois sont menacés, 1 200 ont déjà été sacrifiés. C'est une course au dumping social ! L'État continuera-t-il à poursuivre cette course au profit et au rendement ou s'engagera-t-il enfin pour sa propre entreprise, puisqu'il en est l'actionnaire ? Donc il peut agir !

M. Roland Courteau.  - Bonne question !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Veuillez excuser Bruno Le Maire. L'État, actionnaire de référence du groupe Engie, est attentif à la dimension sociale de la transformation en cours de l'entreprise.

Le groupe a signé en avril 2016 avec trois fédérations syndicales européennes un accord impliquant qu'une offre d'emploi au sein du groupe soit proposée à tout salarié concerné par des réorganisations. Cet accord prévoit aussi un effort de formation à destination du personnel afin d'adapter les compétences des salariés aux besoins de l'entreprise. La perception du CICE en 2014-2015 ne doit pas faire oublier la situation difficile traversée par le groupe en 2016. L'évolution technologique a accru la pression concurrentielle, notamment sur les centres d'appel, confrontés à des exigences de plus en plus élevées de la part de la clientèle.

Dans ce contexte, le Gouvernement travaille au renforcement des atouts de l'entreprise en déployant de nouveaux réseaux d'appel dans le territoire.

Quant à l'externalisation des centres d'appel au Sénégal, le dialogue se poursuit, afin que l'accord précité soit respecté et que des propositions de reclassement soient proposées aux salariés concernés.

M. Fabien Gay.  - Je vous remercie de votre réponse mais elle est technocratique, quand je parle de la vie des gens : 3 000 resteront sur le carreau. L'État ne doit pas « veiller », il est actionnaire du groupe et peut encore agir. La loi Pacte n'est pas encore passée et vous allez liquider tous les actifs, tout vendre !

Lorsque GDF est devenue une société anonyme, M. Sarkozy, alors ministre de l'économie, avait juré, « les yeux dans les yeux », selon l'expression consacrée, à l'Assemblée nationale, que jamais on ne privatiserait le groupe...

M. Roland Courteau.  - Exact !

M. Fabien Gay.  - Nous y voilà ! Pensons-y au sujet de SNCF, dont nous continuerons à débattre. L'entreprise a traversé des difficultés, certes, mais surtout aux dépens des salariés. C'est un véritable dumping social.

Si la relation clientèle par téléphone est l'avenir, pourquoi la délocaliser, sinon au nom du profit ? Tout de même, 333 % de réversion des profits aux actionnaires, 1 % aux salariés ! On ne leur laisse même pas les miettes. Voilà ce dont l'État se fait complice.

M. Roland Courteau. - Très bien !

Taxes sur le carburant et services départementaux d'incendie et de secours

Mme Catherine Troendlé .  - La taxe de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le carburant consommé par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) dans le cadre de leurs missions est en voie d'être supprimée ou diminuée.

Le 6 mars 2018, vous m'aviez dit qu'il n'était « pas possible au Gouvernement de répondre favorablement à cette demande d'exonération », car cette mesure serait prévue par une directive européenne.

Vous n'avez pas répondu sur le fond, alors qu'il suffirait d'une volonté gouvernementale pour faire évoluer le droit européen, en demandant à Bruxelles de permettre cette exonération pour les SDIS, comme c'est le cas pour certaines catégories, tels les transports publics locaux de passagers - y compris les taxis -, la collecte des déchets, les forces armées, l'administration publique, les personnes handicapées et les ambulances.

En effet, l'article 5 de la directive européenne restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité prévoit ces dispositions.

Si cela est possible pour les forces armées et l'administration publique, pourquoi une demande, justifiée, pour les sapeurs-pompiers, dans le cadre de leurs interventions, serait-elle refusée ?

L'article 19 de la directive autorise un État membre à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons de politique spécifiques.

Le Gouvernement entend-il demander à Bruxelles d'introduire une exonération de la TICPE sur le carburant consommé par les sapeurs-pompiers dans le cadre de leurs missions ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le Gouvernement souhaite alléger autant que possible les charges qui pèsent sur les SDIS. La TICPE reste dans la marge de manoeuvre des États.

L'article 5 de la directive du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques ne permet qu'une réduction de cette taxe pour les administrations publiques et les forces armées et non pas une exonération ; l'article 19 conditionne une demande particulière visant à abaisser une accise, dans le cadre d'une politique spécifique engagée par un État, à une proposition de la Commission européenne, au Conseil, dont les décisions doivent être prises à l'unanimité, ce que vous avez omis de rappeler - d'où une procédure très longue pour une dérogation temporaire.

D'où la volonté de la France de ne pas transposer l'article 5 et de ne pas activer la procédure prévue à l'article 19. Ce que vous proposez serait dérogatoire à un régime déjà spécifique.

De plus, une partie de la TICPE revient déjà aux départements. Nous souhaitons que le financement des SDIS soit évalué en fonction des besoins de chaque département. C'est le sens des discussions que mène en ce moment le Gouvernement avec l'assemblée des départements de France.

Mme Catherine Troendlé.  - Le courage politique, c'est de tenter l'impossible. En dépit de toutes les difficultés que vous avez énoncées, rien n'indique priori que la Commission européenne ne suivra pas. Quant à la part de financement des conseils départementaux, elle est menacée par la réduction des droits de mutation.

Si le Gouvernement veut faire avancer le dossier, il peut le faire. Qu'il s'en donne les moyens.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Travaux de réfection du commissariat de Narbonne

M. Roland Courteau .  - Il y a un an, j'attirais l'attention du Gouvernement sur l'urgence de procéder à des travaux de réfection, de réaménagement et de mise en sécurité des locaux du commissariat de Narbonne dans l'Aude. Je soulignais que les effectifs étaient insuffisants. Le ministre m'avait indiqué qu'il avait été demandé « à la Direction générale de la police nationale de faire un point précis sur la situation signalée ». Depuis, plus rien.

En 2016, il y avait 96 membres du corps d'encadrement et d'application actifs (CEA) et 16 adjoints de sécurité. En 2018, avec 91 membres du CEA et 11 adjoints de sécurité, les effectifs ont baissé de 10 unités, alors que le ressort du commissariat est élargi à des quartiers dont la population est en hausse et la délinquance, de plus en plus violente, s'accroît, à Malvési, à Crabit notamment. À cela s'ajoutent l'exiguïté et l'insalubrité des locaux. En avril dernier, à la fin de sa garde à vue, un Narbonnais s'est défénestré du troisième étage ; il est mort sur le coup.

Sous quels délais, les 900 000 euros promis par le préfet en 2016 seront débloqués et les travaux de réaménagement et de mise en sécurité réalisés ? De quels moyens et effectifs supplémentaires sera doté ce commissariat pour que les Narbonnais n'en aient plus honte ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Les policiers travaillent avec courage au service de l'intérêt général, pour appliquer la loi dans des conditions de plus en plus difficiles, qui retiennent toute l'attention du ministre de l'Intérieur que je vous prie d'excuser, et qui s'emploie à leur garantir les moyens d'accomplir leurs missions dans les meilleures conditions d'efficacité et de sécurité.

Le 24 janvier dernier, a été présentée une programmation immobilière ambitieuse pour la police nationale et la gendarmerie, pour un budget de 196 millions d'euros par an pour le triennat, soit 5 % de plus qu'en 2017 ainsi que 45 millions d'euros de crédits déconcentrés pour les travaux d'aménagement et d'entretien, contre 45 millions d'euros en 2016.

Les besoins restent importants. Au commissariat de Narbonne, des avancées ont été enregistrées : en 2018, extension de l'immeuble de 800 mètres carrés et divers travaux, dont l'acquisition de films de protection visuelle. Il reste encore beaucoup de travaux et notamment la réfection du rez-de-chaussée à accomplir.

Une optimisation des locaux sera conduite pour régler les problèmes de confidentialité et de sécurité. Des études doivent être rendues dans les prochaines semaines, sur la base desquelles un financement sera prévu.

Le commissariat de Narbonne dispose de 128 agents contre 121 en 2016.

M. Roland Courteau.  - Nous n'avons pas les mêmes chiffres !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État.  - Cet effectif devrait rester stable avec un nombre de gradés et de gardiens de la paix conforme voire légèrement supérieur à l'effectif de référence.

M. Roland Courteau.  - Votre réponse me laisse sur ma faim. Que sont devenus les 900 000 euros annoncés en 2016 ? La situation ne cesse d'empirer. Quant aux effectifs, les syndicats m'annoncent 91 agents, dont 4 ou 5 absents pour raisons de santé, loin des 128 que vous comptabilisez. La mise en place d'un système de vacation forte, proposée par les syndicats, s'appliquerait avec profit. Il fonctionne à Perpignan, à Toulouse et à Nîmes notamment.

Départ de l'Onera du site de Meudon

M. Hervé Marseille .  - L'Office national d'études et de recherches aéronautiques (Onera) est une grande entreprise qui constitue un pôle d'excellence pour la recherche française. Or elle dispose de douze hectares dans les Hauts-de-Seine, à Meudon et Châtillon.

Voilà plus de vingt ans que son déménagement est annoncé sans qu'aucune décision ne soit prise, à cause d'une réinvention du mouvement perpétuel, agitant depuis lors le ministère de la Défense, la délégation générale pour l'armement et la direction départementale des finances publiques.

Toutes les conditions semblent à présent réunies pour qu'une décision soit prise. Il ne reste plus qu'à la prendre. Pouvez-vous le confirmer et si oui, préciser en conséquence le calendrier envisagé par le ministère de la Défense dans le cadre du transfert des activités du site de l'Onera et ainsi mettre un terme aux inquiétudes ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - L'optimisation de son implantation géographique est l'une des orientations stratégiques du contrat d'objectifs et de performance de l'Onera signé le 14 décembre 2016. Elles prévoient le regroupement des sites de l'Office à Palaiseau. Les trois sites de Meudon, Châtillon et Palaiseau regroupent 1 500 personnes, soit plus de 60 % des effectifs de l'organisme. Un regroupement sur un site unique réduira les dépenses de fonctionnement et renforcera les liens avec les grandes écoles présentes à proximité de Palaiseau, mais aussi avec les institutions scientifiques du plateau de Saclay avec lesquelles la complémentarité est forte.

Le regroupement sera financé pour l'essentiel par les produits de cession des sites de Châtillon et Meudon. Un plan de financement est à l'étude pour lancer le projet sans faire appel à une mobilisation budgétaire externe, donc financée par le produit de cession des terrains de Meudon et Châtillon, avec l'aide d'un prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI). Il doit être validé par les instances compétentes après quoi il faut compter cinq ans pour la réalisation. C'est une estimation : le projet prendra du temps. Patience !

M. Hervé Marseille.  - Vos analyses n'apportent rien de nouveau. L'emprunt de la BEI devait être discuté au conseil d'administration de l'Onera en juin prochain. Le prix prévisible de cession des terrains est connu, en fonction de leur constructibilité et de la part de logements sociaux qui sera voulue par le préfet. Mais Bercy a choisi de reporter le dossier. Nous manquons d'une vraie décision de l'État ; les antennes de Meudon et Châtillon s'adapteront. Pour l'instant, les administrations ne font que tergiverser. Il faut y mettre un terme pour prendre enfin une décision.

Encouragement du flamand occidental

M. Jean-Pierre Decool .  - Dans une lettre adressée le 31 mars 2017 à certaines associations, notamment de défense du flamand occidental, le candidat Macron s'était engagé à relancer l'adoption de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires.

La décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999 considère que ce texte porte atteinte aux articles premier et 2 de la Constitution, disposant que la République est indivisible et que sa langue est le français. Ces principes interdisent qu'il soit reconnu des droits, par exemple linguistiques, à un groupe humain identifié et distinct du corps national indivisible. Il ne peut exister des droits propres à certaines communautés. Toutefois, l'enseignement bilingue existe au Pays Basque, en Bretagne, en Corse, en Occitanie, en Alsace, dans le pays catalan.

En 2007, une expérience d'enseignement du flamand occidental a été lancée dans six communes des Hauts-de-France, mais n'a pas été étendue : selon le Code de l'éducation, la durée maximale d'une telle initiative est de cinq ans.

Or le flamand occidental n'a pas le statut de langue régionale car on l'assimile au néerlandais. C'est contestable et un institut régional du flamand occidental a été créé au même titre que l'alsacien ; il est doté de 70 000 euros pour financer des actions économiques et culturelles. Le président de cet institut régional de la langue flamande entend lancer des propositions afin de déclencher, de la part des pouvoirs publics, un certain nombre d'initiatives.

S'il ne s'agit pas de revendiquer une langue co-officielle, à l'instar des Corses, ne faudrait-il pas encourager l'apprentissage d'une langue locale qui ne constitue en rien une menace à l'unité de la République, mais représente une démarche culturelle régionale sans être une revendication régionaliste ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Je vous prie d'excuser le ministre de l'Éducation nationale. La préservation et la transmission du patrimoine culturel français sont importantes. Les enseignants du premier et du second degré peuvent faire appel aux langues régionales, dès lors qu'ils en tirent profit pour leur enseignement. L'inscription du néerlandais, proche du flamand occidental, est une priorité de l'académie de Lille, car la connaissance de cette langue permet aux habitants de la zone frontalière de trouver des emplois de l'autre côté de la frontière.

Un travail sur les nuances dialectales et les réalités culturelles du franco-flamand pourrait trouver place dans ce cadre. Les services de l'académie de Lille attendent les conclusions d'une évaluation de cet enseignement. Nous restons attentifs à l'apprentissage du flamand occidental dans les Hauts-de-France.

M. Jean-Pierre Decool.  - Votre réponse ne peut satisfaire les défenseurs du flamand occidental, qui est antérieur au néerlandais.

Je me consolerai des propos de Stéphane Bern, dans son émission, « Le village préféré des Français » au sujet de Cassel : il y déclare, en raison de son tropisme belgo-luxembourgeois, une tendresse toute particulière pour les traditions flamandes, notamment les danses des Géants, les Reuze, sur cet air entraînant et cette rythmique si cadencée que l'on ne peut s'empêcher d'y entrer.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Si Stéphane Bern le dit...

Financement du sport

M. Philippe Madrelle .  - Je salue d'abord les exploits passés de la ministre.

Je me ferai le porte-parole de l'incompréhension des responsables de clubs sportifs et de fédérations de Nouvelle-Aquitaine qui doivent faire face à une baisse de 50 % de leurs ressources, à la suite de celle de 22 % des crédits du Centre national pour le développement du sport (CNDS) - baisses annoncées sans concertation et qui s'ajoutent à la réduction des contrats aidés.

Comment pouvez-vous mener une politique ambitieuse - passer d'une nation de sportifs à une nation sportive - alors que de nombreux territoires risquent d'être exclus, entre injuste sélectivité des projets locaux et absence de reconnaissance du bénévolat ? Comment maintenir la mobilisation du mouvement sportif ? La récente décision de dégager 5,6 millions d'euros pour les clubs en difficulté ne suffit pas.

Madame la Ministre, rassurez les responsables des Comités olympiques de Nouvelle-Aquitaine et de Gironde !

Mme Laura Flessel, ministre des sports .  - Nous avions besoin de cohérence et de lisibilité. C'est pourquoi le CNDS a été recentré sur son coeur de métier : l'appui aux collectivités territoriales et au mouvement sportif pour le développement du sport pour tous, l'innovation sociale grâce au sport. La part territoriale doit être plus sélective pour éviter le saupoudrage et réduire les inégalités territoriales, sachant que certains territoires n'ont aucune infrastructure sportive.

J'ai entendu les inquiétudes et une enveloppe exceptionnelle de 5,6 millions d'euros sera allouée dès juin par le CNDS ; les clubs en difficulté seront identifiés par les délégués territoriaux des CNDS dans le cadre des commissions territoriales.

Je compte bien atteindre les objectifs qui m'ont été fixés - 3 millions de nouveaux pratiquants - main dans la main avec les collectivités et les acteurs du mouvement sportif. J'ai lancé en janvier un plan de gouvernance du sport associant les acteurs économiques pour résorber les inégalités.

M. Philippe Madrelle.  - Les propos de Mme la ministre sont encourageants ; je lui fais confiance.

Statut des psychologues

Mme Laurence Cohen .  - Deux expérimentations relatives à la prise en charge par l'assurance maladie de suivis psychologiques sont en cours : l'une, Écout'Émoi, sur la prise en charge des consultations psychologiques des jeunes de 11 à 21 ans ; l'autre, sur la prise en charge des thérapies non médicamenteuses des troubles d'intensité légère à modérée chez l'adulte de 18 à 60 ans.

Les psychologues ne sont pas associés à ces démarches malgré la lettre ouverte qui vous a été adressée en janvier dernier. Pourquoi les soumettre à un pilotage médical qui détermine, prescrit et contrôle les actes des psychologues ? La profession y voit une marque de mépris, un manque de reconnaissance, une mise sous tutelle. Les psychologues, pourtant reconnus par la loi de modernisation de notre système de santé, ne seraient-ils pas légitimes pour évaluer la souffrance psychique et proposer des solutions ? De plus, le taux de remboursement des consultations, entre 22 et 32 euros, est bien trop faible.

Comment allez-vous associer les psychologues aux expérimentations pour sortir de la vision médico-centrée de la prise en charge ? Allez-vous prendre en compte la pétition signée par 9 000 personnes ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Actuellement, l'assurance maladie ne rembourse que les consultations chez un psychiatre, sur prescription médicale.

L'expérimentation Écout'Émoi vise à développer l'information en santé mentale des jeunes, à évaluer la souffrance psychique pour prescrire si besoin des consultations chez des psychologues cliniciens en libéral, prises en charge par l'assurance maladie. Pour des troubles plus importants, les psychiatres resteront en première ligne. Tous les professionnels au contact des jeunes seront impliqués. L'expérimentation concerne l'Ile-de-France, le Grand-Est et les Pays-de-la-Loire.

Une seconde expérimentation, en Haute Garonne, dans le Morbihan et les Bouches du Rhône, porte sur la prise en charge des thérapies non médicamenteuses pour les adultes souffrant de troubles dépressifs ou anxieux. Une évaluation scientifique permettra d'élaborer des recommandations en cas de généralisation.

L'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 permet d'intégrer les actes des psychologues dans le parcours de santé des patients, dans un cadre expérimental, avec une tarification adaptée.

Mme Laurence Cohen.  - Les psychologues ne se sentent pas associés à ces démarches. Madame la Ministre, recevez-les et associez-les aux évaluations scientifiques dans les comités d'experts.

La profession - 36 000 personnes, surtout des femmes, avec une grande précarité des statuts - n'est pas reconnue à sa juste valeur. Sa revalorisation doit être salariale et statutaire.

Situation dans les Ehpad du Puy-de-Dôme

M. Jacques-Bernard Magner .  - Les Ehpad publics du Puy-de-Dôme accueillent des personnes qui, auparavant, étaient en long séjour ou en secteur gériatrie de l'hôpital public. L'âge moyen d'entrée recule : il est de 87,16 ans, ce qui correspond à une dépendance marquée. Pour garantir la bientraitance de nos aînés, il faut des moyens en personnel et en équipement.

Or, malheureusement, les budgets des établissements sont sans cesse impactés par les baisses de dotations venant de l'Agence régionale de santé (ARS), du fait de la nouvelle réforme de la tarification, et la diminution du nombre des contrats aidés par l'État n'a fait qu'accroître les difficultés dans les établissements.

Il est de plus en plus difficile de recruter des directeurs formés : ceux-ci préfèrent les postes importants en zone urbaine et les établissements de taille modeste en zone rurale sont délaissés. Face à l'absence de moyens, les personnels se sont mis en grève les 30 janvier et 15 mars. Vous avez annoncé une neutralisation pour 2018 et 2019 des effets des baisses de recettes. Madame la Ministre, qu'allez-vous faire pour qu'aucun Ehpad ne soit perdant ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La réforme des tarifs soins et dépendance a été engagée avant mon arrivée. Je me suis engagée au maintien des ressources financières pour 2018-2019 et j'ai nommé un médiateur, M. Ricordeau.

Des travaux vont s'engager avec les fédérations d'Ehpad et l'Assemblée des départements de France pour que les départements fixent un tarif dépendance plus adapté aux besoins de leur territoire.

La montée en charge de la réforme de la tarification des soins, issue de la loi du 28 décembre 2015, était prévue jusqu'en 2023. J'ai demandé que l'ensemble des établissements atteignent leur tarif cible d'ici à 2021. Cela implique un effort supplémentaire de 143 millions d'euros, qui s'ajoute aux moyens prévus pour le recrutement de personnel soignant.

Dans le Puy-de-Dôme, l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes aura une enveloppe de 128 millions d'euros pour opérer une double neutralisation des convergences négatives : onze établissements sont concernés sur la part soins, 32 sur la part dépendance.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Merci de votre réponse encourageante. Reste que les responsables d'Ehpad formés, à l'image des grands footballeurs, sont incités à exercer leurs compétences dans les établissements les plus rémunérateurs. Les établissements publics ruraux en souffrent. (M. Roland Courteau approuve.)

Société commerciale MédecinDirect

Mme Florence Lassarade .  - La société commerciale MédecinDirect revendique 1 600 téléconsultations par mois. Des médecins y sont joignables par mail ou par téléphone vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept pour diagnostiquer et rédiger une ordonnance. Or l'article R. 4127-19 du code de la santé publique dispose que « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce ». La téléconsultation médicale est inscrite à l'article R. 6316-1 du même code, qui lui donne « pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. » La loi dit qu'une téléconsultation est une consultation à distance qui permet au professionnel de santé de réaliser une évaluation globale du patient. Or, avec MédecinDirect, le patient et le médecin s'écrivent ou se parlent mais ne se voient jamais.

Cette société commerciale est-elle un établissement de santé soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé (ARS) ? Le cas échéant, une ARS est-elle en mesure d'autoriser une société commerciale relevant du code du commerce à prodiguer des actes médicaux ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La société MédecinDirect a signé un contrat de télémédecine avec l'ARS Île-de-France le 14 décembre 2015, renouvelé le 14 décembre dernier. Elle a débuté ses activités de télémédecine en septembre 2016, après autorisation de la CNIL.

Ses principaux clients sont des assureurs complémentaires santé et mutuelles pour le compte de leurs adhérents. Il n'y a donc aucun reste à charge pour le patient.

La délivrance d'un conseil ou d'une information, même assortie d'une prescription, n'entre pas dans le champ d'application de la télémédecine. Le contrat décline les orientations régionales du projet régional de santé, notamment l'accessibilité des soins et le développement des téléconsultations.

L'article 54 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 précise que les actes de téléconsultations remboursés par l'assurance maladie sont effectués par vidéotransmission. A contrario, la vidéotransmission n'est pas une obligation dans les téléconsultations non prises en charge par l'assurance-maladie. Enfin, ces téléconsultations sont soumises aux règles de l'exercice de la médecine en France.

Mme Florence Lassarade.  - Je vous remercie. Attention à ne pas marchandiser la santé...

Dépistage néonatal de la drépanocytose

M. Georges Patient .  - C'est aujourd'hui la journée mondiale de la drépanocytose. Reconnue quatrième priorité de santé publique par l'ONU depuis 2008, cette maladie génétique touche 50 millions de personnes dans le monde. En France, elle concerne 26 000 malades et plus de 150 000 porteurs sains et constitue la première maladie génétique. Difficile de parler de maladie rare.

Longtemps appelée « maladie des noirs », la drépanocytose est également présente sur le pourtour méditerranéen ou en Inde mais également, héritage du commerce triangulaire, sur le continent américain. Les outre-mer sont particulièrement touchés : 2 000 malades en Guyane, autant en Martinique, 1 500 en Guadeloupe, 40 000 porteurs sains dans chacun des départements et régions d'outre-mer.

II n'existe à ce jour pas de traitement curatif. Le dépistage néonatal est indispensable. En 2000, la France instaurait un dépistage à la naissance, systématique dans les outre-mer, ciblé dans l'Hexagone en fonction de l'origine des parents.

Comment pouvons-nous encore laisser des enfants en souffrance ? En 2009, le plan Santé outre-mer de Mme Bachelot reconnaissait que cette maladie n'avait pas reçu l'attention qu'elle méritait. Madame la Ministre, vous qui êtes hématologue, faites de cette maladie une grande cause nationale. Systématisez le dépistage néonatal sur tout le territoire !

J'attire votre attention, enfin, sur la situation de l'hôpital de Cayenne, et toute particulièrement des urgences. Demain se tiendra une importante réunion de sortie de crise.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La drépanocytose est la maladie génétique la plus fréquente en France. Malgré les progrès de la prise en charge, avec la vaccination et les transfusions sanguines, ses conséquences sont très lourdes.

La lutte contre la maladie passe par un dépistage aussi précoce que possible. En France, le dépistage de la drépanocytose est généralisé chez tous les nouveau-nés depuis 1989 dans les départements et régions d'outre-mer ; en métropole, il est réalisé depuis 1995 en fonction de l'origine des parents.

La direction générale de la santé a envisagé en 2014 une généralisation sans considération d'origine. La Haute Autorité de santé estimait alors que le dispositif existant était suffisant. Depuis, des études ont été réalisées à Necker et le Défenseur des droits a préconisé ce dépistage généralisé à titre expérimental en Île-de-France, où la prévalence est élevée. J'ai saisi à nouveau la HAS pour savoir si elle pouvait réviser son avis de 2014.

Quant à l'hôpital de Cayenne, nous suivons attentivement le dossier.

M. Georges Patient.  - Je vous remercie. Il importe de trouver une sortie de crise à l'hôpital de Cayenne.

Pénurie de médicaments (I)

M. Dominique Watrin .  - On constate des difficultés croissantes dans l'approvisionnement des pharmacies, y compris à l'hôpital, quand il ne s'agit pas tout simplement de ruptures de stocks, pendant parfois plusieurs mois : 391 cas de rupture de stocks de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur en 2015, 530 en 2017.

La demande mondiale explose dans un contexte de fusion des laboratoires et de baisse des capacités de production. La dépendance au marché mondial a également des effets sur la fourniture en matières premières. Le laboratoire Mylan qui produit l'antibiotique Augmentin a ainsi annoncé sa volonté de se consacrer à l'export, plus rémunérateur. Il y a aussi des pénuries de médicaments dérivés du sang entraînant des retards de cure et une hiérarchisation des priorités. Cette situation incite les instances à avoir recours à des spécialités équivalentes destinées à d'autres marchés, avec des notices qui ne sont pas en français. Les vaccins également sont concernés.

C'est toute la chaîne du médicament qu'il faut repenser, pour faire respecter leurs engagements aux laboratoires et limiter les surcoûts pour nos hôpitaux. Ne peut-on confier la production des médicaments stratégiques au secteur public, dans un premier temps autour du laboratoire de Nanterre et, à plus long terme, en constituant un vrai service public du médicament ? Réfléchissons à notre indépendance sanitaire !

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - L'approvisionnement en médicaments est un objectif de santé publique. Dans certains cas, je pense aux anticancéreux, l'indisponibilité entraine une mise en jeu du pronostic vital et une perte de chance.

Le pôle Établissements pharmaceutiques-APHP de l'Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) joue un rôle clé dans la recherche, le développement, la production et la mise à disposition de médicaments indispensables répondant à des situations rares, non prises en charge par l'industrie pharmaceutique, ou de médicaments nécessitant une adaptation galénique. Mais l'AGEPS n'a pas pour mission de couvrir le marché français et ne peut fabriquer de médicaments qui disposent d'une autorisation de mise sur le marché exploitée dans le secteur concurrentiel.

Par ailleurs, la production par un établissement public ne garantirait pas contre des pénuries qui sont souvent mondiales - ainsi d'un anti-coagulant produit à partir de saumon pêché dans la zone de Fukushima -, ou d'un problème dans la chaîne de production.

M. Dominique Watrin.  - Il faudrait revenir aux règles élémentaires du code des marchés publics et prévoir qu'un laboratoire assume lui-même les surcoûts correspondants à la non-prise en charge de la production d'un médicament considéré comme indispensable.

Ne faudrait-il pas imposer une relocalisation de la fabrication en France ou en Europe ? L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ne pourrait-elle imposer aux laboratoires étrangers les mêmes normes drastiques qu'elle impose en France ?

Dans le Quotidien du médecin, un médecin dénonce une véritable gabegie, des laboratoires qui interrompent leur production sans informer les médecins qui se retrouvent désarmés face à la colère des patients...

Pénurie de médicaments (II)

Mme Corinne Imbert .  - La hausse des ruptures d'approvisionnement et de stock dans les pharmacies d'officine et dans les établissements de santé a de graves conséquences en matière de santé publique, au point de provoquer la mise en jeu du pronostic vital du patient. En 2015, 391 traitements étaient indisponibles, ce chiffre s'élève à 530 pour 2017.

La moitié des Français a déjà été confrontée à une rupture de stock ou d'approvisionnement. Dans un cas sur cinq, ces pénuries concernent un vaccin ; des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur sont également concernés.

Dès 2015, L'ANSM lançait l'alerte ; en Charente-Maritime, 4 % des médicaments sont en rupture de stock. La France est dépendante de l'approvisionnement en matière première et de la production de nombreux médicaments en Asie, et victime de la production en flux tendu. Ce problème est accru en France car le prix des médicaments y est faible et les laboratoires privilégient les autres pays. Que va faire le Gouvernement pour endiguer ce phénomène ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Le nombre de ruptures et de risques de rupture de médicaments s'est accru en France depuis 2008 : c'était alors 44 médicaments qui étaient touchés, 530 aujourd'hui. En cause, l'approvisionnement en matière première, les défauts de qualité lorsqu'une seule chaîne de production existe dans le monde ou les changements concernant les autorisations de mise sur le marché. Ces difficultés ne sont pas propres à la France, le prix des médicaments n'est donc pas en cause.

En réponse à ces difficultés, la France a mis en oeuvre des mesures de prévention. Depuis 2016, les exploitants ont notamment pour obligation de se doter de plans de gestion de la pénurie pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur et de les soumettre à l'ANSM. Deux arrêtés des 26 et 27 juillet 2016 ont respectivement fixé la liste des vaccins et celle des classes thérapeutiques concernées.

Mme Corinne Imbert.  - Je sais que vous ne prenez pas le sujet à la légère. Mais dans les faits, les pharmacies ont du mal à obtenir des informations auprès des laboratoires. Aujourd'hui les ruptures relèvent du quotidien pour les répartiteurs et les pharmacies d'officine.

Conditions d'accueil dans les Ehpad

Mme Christine Herzog .  - Les conditions d'accueil des personnes âgées dans les Ehpad se dégradent de jour en jour, conséquence de l'insuffisance des moyens financiers, matériels et en personnel, et du nombre croissant de personnes très âgées, souvent grabataires, qui y sont accueillies. Or si la France est aujourd'hui un pays développé, c'est grâce au travail des générations qui nous ont précédés - sans 35 heures, ni RTT, ni cinq semaines de congés payés. Que les personnes âgées soient accueillies et accompagnées dans des conditions satisfaisantes est une obligation morale.

Hélas, les gouvernements successifs n'ont pas débloqué les moyens nécessaires. En Moselle, s'ajoute une insuffisance de places disponibles. En effet, à l'époque de la sidérurgie et des houillères, le département avait une population jeune, aujourd'hui entrée dans le troisième âge ; il faut désormais un effort de rattrapage. Comment répondre aux besoins qualitatifs sur tout le territoire et aux besoins quantitatifs particuliers à certains départements comme la Moselle ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - C'est vrai, les gouvernements successifs n'ont pas déployé les moyens nécessaires... Notre pays n'a pas encore trouvé un vrai modèle de prise en charge de la perte d'autonomie. Le vieillissement doit pourtant être anticipé. J'ai annoncé des moyens supplémentaires : 15 millions d'euros seront alloués en 2018 pour le financement de plans de prévention en Ehpad, 30 millions d'euros à partir de 2019 ; 100 millions d'euros seront débloqués pour la refonte du financement de l'aide à domicile. Mille places d'hébergement temporaire pour les personnes sortant d'hospitalisation seront financées par l'assurance maladie à hauteur de 15 millions d'euros dès 2019. S'y ajoute un effort de 40 millions pour généraliser la télémédecine en Ehpad et le recrutement d'infirmières de nuit dans tous les établissements à compter de 2020.

En Moselle, le plan de rattrapage engagé par l'ARS prévoit 455 places supplémentaires dans le bassin houiller, dont 163 en Ehpad et 69 en soins infirmiers à domicile. À Thionville, 275 places seront ouvertes d'ici 2021. L'effort se poursuit, ainsi que la transformation de l'offre via les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.

Mme Christine Herzog.  - En septembre, un rapport parlementaire suggérait des évolutions de tarifs et une revalorisation du métier d'aide-soignant. Il convient de prendre en compte ces propositions.

Compteurs Linky et maîtrise de la consommation d'énergie

Mme Frédérique Espagnac .  - Dans son rapport, la Cour des Comptes souligne que le coût du déploiement des compteurs Linky est couvert dans « des conditions avantageuses pour Enedis » par les consommateurs, tout en relevant les insuffisances techniques du compteur. La Cour rejoint les conclusions de UFC-Que choisir : les informations auxquelles auront accès les utilisateurs sont insuffisantes pour faire de Linky un véritable outil de maîtrise de la consommation. L'affichage déporté est limité aux seuls ménages précaires et les portails Internet n'offrent pas une information détaillée et circonstanciée. La connaissance par l'usager de sa consommation électrique est pourtant le préalable à toute action de maîtrise de celle-ci.

Dès 2010, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) demandait un afficheur déporté, solution d'informations en temps réel en kilowattheure et en euros, sur le modèle britannique. Le Médiateur national de l'énergie a également plaidé pour la généralisation d'un tel dispositif, réclamé par plus de 150 000 pétitionnaires.

Que compte faire le Gouvernement pour faciliter l'accès des consommateurs au suivi en temps réel de leur consommation d'énergie ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Les compteurs Linky sont un outil au service de la transition énergétique. Fin avril, Enedis en avait installé 10,6 millions. Le compteur communicant évite les facturations estimées, favorise le développement des énergies renouvelables, l'autoconsommation et améliore la gestion du réseau.

Chaque consommateur a accès à ses historiques de consommation électrique sur le site internet d'Enedis. Il est vrai que les données sont fournies en termes d'énergie consommée, et non en euros. Les afficheurs déportés méritent d'être développés.

Plusieurs fournisseurs proposent déjà des offres associant de tels dispositifs et des entreprises indépendantes commencent également à commercialiser de tels produits. Nous allons dans la bonne direction.

Mme Frédérique Espagnac.  - Pas moins de 35 millions de compteurs vont être installés, pour le plus grand bénéfice du principal opérateur. Cela implique des devoirs envers les consommateurs. J'ai soutenu, et je l'assume, certains maires opposés à l'installation de ces compteurs. Certaines installations ont été opérées de force ou en l'absence de l'utilisateur.

Les dangers pour la santé sont encore mal évalués, notamment pour les personnes équipées d'un pacemaker, comme mon père. Le Gouvernement doit s'assurer qu'Enedis respecte ses engagements.

Chômeurs seniors

M. Yves Détraigne .  - Le Gouvernement actuel, comme le précédent, veut favoriser le retour à l'emploi des seniors ; le « plan senior » lancé à l'occasion de la grande conférence sociale de juillet 2014 doit le permettre.

Or j'ai reçu de nombreux témoignages de seniors qui, sortis de l'emploi et malgré une recherche active, ne trouvent pas d'employeurs prêts à les embaucher à un an ou deux ans de la retraite. Ils deviennent la « cible » de Pôle Emploi qui leur demande de prospecter dans d'autres domaines que celui de leurs compétences, de baisser leurs prétentions salariales ou encore de suivre des formations pour ne pas être radiés des fichiers.

À quelques mois de la retraite, il n'est ni réaliste ni socialement justifié de leur imposer des actions de recherche active d'emploi ou la participation à une formation inutile et souvent coûteuse.

Le Gouvernement entend-il, à l'occasion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, rétablir la dispense de recherche d'emploi dont bénéficiaient certains demandeurs d'emploi âgés de 57 ans et plus jusqu'au 1er janvier 2012 ou, tout du moins, étudier un aménagement ? Pôle Emploi pourrait ainsi concentrer ses forces sur d'autres catégories de chômeurs.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Muriel Pénicaud, retenue. L'accès à l'emploi, le maintien dans l'emploi et le retour à l'emploi sont un axe majeur de la politique du Gouvernement. La croissance doit être non seulement riche en emploi mais aussi inclusive.

C'est le sens de la rénovation profonde de notre modèle social que Mme Muriel Pénicaud a engagée avec les ordonnances pour le renforcement du dialogue social et poursuit avec le projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel qui sera voté à l'Assemblée nationale cet après-midi. Nous souhaitions mettre en place une protection universelle, simple et efficace dans un contexte où 50 % des emplois se transformeront dans les dix ans à venir. Cela passe par un accès facilité aux compétences. C'est pourquoi, en complément de l'effort sans précédent des 15 milliards d'euros du plan d'investissement dans les compétences, nous transformons le système de la formation professionnelle pour le rendre plus réactif, plus lisible et plus juste.

Quant à l'assurance chômage, nous expérimentons un journal de bord qui permettra à nos concitoyens de mieux préparer leurs entretiens avec les conseillers. Rétablir une dispense de recherche d'emploi accélérerait le retrait des seniors du marché du travail.

M. Yves Détraigne.  - Vous avez la foi... Il n'est pas interdit d'espérer ; et encore moins, de réussir. Je crains, cependant, qu'on dépense beaucoup d'énergie pour des personnes à deux ans de la retraite avec des résultats minces.

Pollution dans le golfe de Fos-sur-Mer

Mme Mireille Jouve .  - Depuis de nombreuses années, élus et habitants attirent l'attention du Gouvernement sur les conséquences sanitaires de la forte concentration d'industries lourdes dans le golfe de Fos. Le bassin industrialo-portuaire de Fos s'étend sur 10 000 hectares et regroupe près de 40 000 salariés au sein de 200 entreprises. On y recense pas moins d'une trentaine de sites classés Seveso. Depuis quatre décennies, 100 000 habitants sont exposés aux dangers sanitaires qu'une telle activité est susceptible de faire courir. L'ARS a reconnu que les populations étaient surexposées quotidiennement aux dioxines, au benzène et au plomb.

Élus locaux et parlementaires sont conviés la semaine prochaine à Istres pour la restitution du rapport réalisé par le Conseil général de l'environnement et du développement durable. Que compte faire le Gouvernement pour faire face à cette inégalité environnementale et sanitaire et en limiter les effets ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - M. Hulot, en Allemagne, m'a chargée de vous répondre. Je tiens à vous assurer de la grande vigilance du Gouvernement sur cette question, sur laquelle j'ai échangé plusieurs fois avec le préfet. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable a été saisi, il rendra son rapport cet été. Il faut poursuivre l'effort de réduction des émissions industrielles engagé ces dix dernières années. Nous avons demandé au préfet d'établir, en lien avec les industriels, un plan à cette fin.

L'Association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos a réalisé une étude sur les produits AOC du département à partir de prélèvements effectués entre 2009 et 2015. La conclusion est que les polluants détectés dans les denrées alimentaires d'origine animale sont imputables à l'activité industrielle. Sur l'ensemble des échantillons prélevés et analysés, seuls deux résultats dépassent les seuils. Sur les 40 prélèvements effectués par les services de l'Agriculture sur des denrées alimentaires en 2017, tous les résultats obtenus sont conformes aux teneurs maximales.

Pour autant, aucun risque vis-à-vis des populations ne doit être négligé. Une campagne de prélèvements et d'analyses sera réalisée à proximité des installations industrielles du golfe de Fos. Nous avons saisi l'Anses pour définir la méthodologie de prélèvement de cette campagne.

Mme Mireille Jouve.  - Merci pour ces précisions. Je serai bien évidemment à Istres la semaine prochaine pour entendre les conclusions du rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Nous devons redoubler de vigilance et ne pas attendre que les seuils soient dépassés.

Restructuration de Météo-France

Mme Élisabeth Lamure .  - Dans le cadre du programme « Action publique 2022 », il est envisagé la fermeture de plusieurs centres de Météo-France, la suppression de 500 postes et une baisse du budget de l'opérateur de 2 %. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, cela ne sera pas sans conséquence sur la station de Lyon-Bron : elle devra assumer les activités des centres fermés avec moins de personnel et de budget.

Agriculteurs, entreprises, collectivités utilisent les analyses de Météo-France quotidiennement. On peut craindre une baisse de leur qualité. À la lumière de l'exemple lyonnais, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant le devenir de Météo-France et, plus largement, sur le programme « Action publique 2022 » ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement, très attentif à la qualité du service public que rend Météo-France, souhaite l'améliorer en y incorporant les progrès technologiques et scientifiques accomplis ces dernières années. Parallèlement, il convient de maîtriser la dépense publique en rationalisant les moyens de l'État et de ses opérateurs. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé au directeur de Météo-France de réaliser un plan global. Il est prévu de conforter les moyens de calcul de haute performance de l'établissement, ce qui se traduit budgétairement, pour une anticipation plus fine des risques en montagne. Le contrat d'objectifs et de performance 2017-2021 confirme cette orientation, il propose une structuration du réseau territorial autour de sept centres météorologiques interrégionaux - Lyon-Bron pour les prévisions sur le Cantal, la Drôme et le Puy-de-Dôme. Le Gouvernement veillera à la conduite de cette évolution par Météo-France ; en même temps, il sera attentif à l'évolution des effectifs, des besoins et des moyens technologiques de l'opérateur.

Mme Élisabeth Lamure.  - Je ne sais pas si votre réponse rassurera en Auvergne-Rhône-Alpes. Le Sénat n'a cessé d'alerter sur la dégradation de la cohésion des territoires, espérons qu'il sera entendu quand sera mis en place le plan « Action publique 2022 ».

Réglementation relative au travail en hauteur

M. Cédric Perrin .  - Me voici obligé de poser une question très technique sur la réglementation du travail en hauteur faute d'avoir obtenu une réponse : aucune au courrier que j'avais envoyé avec le sénateur Brisson, aucune à ma question écrite non plus.

La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) de Bourgogne Franche-Comté impose, lors de la construction d'un bâtiment, des dispositifs de sécurité antichute permanents, normalisés et non rabattables au niveau des accès et des périphéries des toitures planes des bâtiments. Or l'article R. 4323-59 du code du travail prévoit que la prévention des chutes de hauteur est assurée : « soit par des garde-corps intégrés ou fixés de manière sûre, rigides et d'une résistance appropriée, soit par tout autre moyen assurant une sécurité équivalente ». Il n'existe donc aucune obligation d'installer des garde-corps permanents et non rabattables, la Cour de cassation l'a rappelé récemment.

Un agent, sans doute zélé, de la Carsat de Bourgogne Franche-Comté en a décidé autrement ; il applique, à ceux qui ne se conforment pas à sa décision, des majorations de cotisations pouvant aller jusqu'à 200 % et des sanctions qui sont souvent insupportables pour les collectivités. Le Gouvernement peut-il rappeler quelle est la règle à cette Carsat ? Nous, nous n'y parvenons pas.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je vous réponds à la place de Muriel Pénicaud qui ne pouvait être présente.

Les chutes liées au travail en hauteur sont la troisième cause de mortalité au travail : 13 % des décès sur les accidents du travail recensés en 2016. Elles ont été classées parmi les risques prioritaires à prévenir dans le troisième plan « santé au travail ». Selon le code de la sécurité sociale, les Carsat peuvent inviter les employeurs à prendre toutes les mesures de prévention qu'elles estiment utiles. Le Conseil d'État a confirmé leur large pouvoir de recommandation et de sanction, utile pour adapter les moyens de prévention au terrain.

M. Cédric Perrin.  - La Carsat aurait donc toute latitude pour interpréter les textes que nous votons ? Les interprétations varient selon les départements et selon le zèle des agents, ce qui renforce le risque d'insécurité juridique. Si le travail en hauteur doit être réglementé et le risque de chute prévenu, est-il justifié de forcer les architectes à installer une seconde barrière non rabattable en plus de la première déjà installée ? J'espère que nous trouverons une solution, sinon nous irons devant les tribunaux.

Désengorgement de l'axe autoroutier entre Bordeaux et Biriatou

M. Max Brisson .  - Sur l'A63, de Bordeaux à la frontière espagnole, circule près de 40 000 véhicules par jour, dont 9 000 poids lourds avec un risque accidentogène très élevé. D'autres solutions doivent être proposées : l'autoroute de la mer entre Gijón et Nantes labellisée en 2015 mais il n'est effectué que deux à trois liaisons par semaine ; le ferroutage - quelles sont les suites de l'appel à manifestation d'intérêt ? ; et, enfin, la réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc-Saragosse, cheval de bataille du président Alain Rousset.

Cela étant, ces solutions, aussi pertinentes soient-elles, ne délesteront l'A63 que d'une partie réduite de son trafic. Le réseau espagnol qui relie Saragosse à son port débouche malheureusement, côté français, sur la route nationale 134, une infrastructure qui n'est pas à la hauteur du trafic routier. Il y a urgence à la moderniser et la sécuriser, cela délesterait à terme le trafic de l'axe entre Hendaye et Bordeaux. Le Gouvernement entend-il développer ces axes, par quelles mesures et selon quel calendrier ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Mme Élisabeth Borne, qui a été retenue. L'État, conscient des enjeux de sécurité et d'environnement liés au trafic routier, veut moderniser et adapter le réseau au sud de Bordeaux. La section de l'A63 entre Ondres et Biarritz a été réaménagée en deux fois trois voies ; le tronçon jusqu'à Biriatou, en travaux, sera mis en service au second semestre de 2018.

La modulation des tarifs de péage en fonction de la norme Euro des véhicules appliquée sur la section centrale de l'A63 constitue une incitation supplémentaire à la modernisation des flottes de poids lourds.

Au-delà, la France est engagée aux côtés de l'Espagne pour limiter la circulation des poids lourds sur les axes routiers pyrénéens. Un accord a été conclu en 2009 pour développer une autoroute de la mer sur la façade atlantique. La France et l'Espagne collaborent aussi depuis 2015 sur la création d'autoroutes ferroviaires sur la façade atlantique et la façade méditerranéenne des Pyrénées. Enfin, un appel à manifestation d'intérêt a été effectivement lancé ; des réponses sont attendues pour la fin du mois de juillet.

M. Max Brisson.  - Je crains que l'aménagement de l'A63 ne suffise pas. Le ferroutage, c'est bien mais je suis dubitatif sur votre volonté de ne pas développer d'autres axes routiers ; il n'y aura pas de solution durable si l'on ne met pas aux normes la RN 134.

Lignes à grande vitesse en Occitanie

Mme Marie-Thérèse Bruguière .  - Le Conseil d'orientation des infrastructures, le COI, a publié un rapport en février 2018 qui confirme l'utilité et la nécessité des lignes LGV Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Béziers-Perpignan.

À présent, l'enjeu est leur réalisation dans des délais qui répondent aux besoins de nos concitoyens. Les pistes de financements nouveaux portées par les collectivités sont en grande partie reprises dans les préconisations du COI. L'équation n'est plus technique ou financière mais bien politique, ce qui renvoie aux choix qui seront faits dans la future loi d'orientation des mobilités. La ligne LGV Bordeaux-Toulouse comme la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan doivent s'inscrire dans le scénario n°3, le plus volontariste, du rapport. Il faut répondre aux difficultés de déplacement des six millions d'habitants de l'Occitanie. Ce problème date de trente ans.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Borne, retenue. La LGV Bordeaux-Toulouse est essentielle. Priorité doit être donnée aux aménagements des noeuds ferroviaires de Bordeaux et Toulouse, qui constituent un préalable à la réalisation de la ligne nouvelle ; cela permettra aussi de redonner de la régularité aux transports du quotidien.

Le projet de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan doit répondre à la demande croissante de mobilité et aux problèmes de congestion qui en découlent, sur l'axe ferroviaire du Languedoc-Roussillon. Il permettra aussi de créer un service à haute fréquence et d'assurer, à terme, la continuité de la grande vitesse ferroviaire entre la France et l'Espagne. Le principe d'une réalisation phasée a été acté ; la première étape sera la liaison mixte, fret et voyageurs, entre Montpellier et Béziers.

Le total représente un investissement de près de 8 milliards d'euros. Le calendrier sera mis en regard des ressources qui pourront être mobilisées, en tenant compte des besoins de régénération du réseau existant. Vous aurez l'occasion d'en débattre bientôt, lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur les mobilités.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Je veux rappeler que la métropole de Montpellier voit sa population croître de 1 500 habitants par mois. La nouvelle ligne est indispensable d'autant qu'elle reliera Barcelone.

Désenclavement du Grand Ouest

M. Guillaume Chevrollier .  - La mobilité est essentielle pour développer un territoire. Dans les Pays de la Loire, beaucoup de projets structurants ont été mis au tapis, à commencer par Notre-Dame-des-Landes, et nous devons repenser notre stratégie : le parc de développement économique Laval-Mayenne est un projet majeur. Il suppose des aménagements pour une liaison directe avec l'A81 et un embranchement ferroviaire. L'échangeur a été retenu par le Gouvernement en 2016. L'Arafer a rendu un avis réservé le 14 juin 2017. Depuis un an, les élus attendent une décision de l'État. Où en est-on ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Dans le projet de loi sur les mobilités, le Gouvernement présentera des pistes adaptées à tous les territoires, et en particulier aux territoires qui ont besoin d'être désenclavés.

S'agissant du réseau routier national, les moyens consacrés dans les contrats de plan État-région aux axes desservant les villes moyennes et les territoires ruraux doivent être maintenus. Le montant exact de ces programmes sera proposé dans le projet de loi d'orientation des mobilités.

S'agissant du ferroviaire, le COI a érigé en priorité la mise à niveau du réseau existant. Le Gouvernement s'est engagé à ne pas suivre le rapport Spinetta et à ne pas fermer les petites lignes.

À la suite de l'abandon de Notre-Dame-des-Landes, une consultation avec les élus locaux, menée par Francis Rol-Tanguy, a été lancée. Les conclusions seront connues dans quelques jours. Sur leur base, Mme Borne proposera des mesures pour le Grand Ouest.

M. Guillaume Chevrollier.  - Vous apportez une réponse générale à une question qui était précise : un embranchement ferroviaire et une liaison directe avec l'A81 pour le parc Laval-Mayenne. La Mayenne, département rural, a besoin d'être connectée. La mise à niveau de la RN 162 n'est peut-être pas une priorité pour le Gouvernement mais elle l'est pour le département ; il y a un enjeu de départementalisation, nous attendons la réponse du Gouvernement. La desserte ferroviaire de Laval doit être évidemment maintenue mais manque un aéroport de proximité. C'est en répondant à ces questions que l'on développera l'attractivité du territoire.

Équipement des lieutenants de louveterie

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Alors que les troupeaux gagnent les alpages, je souhaiterais avoir des précisions sur le plan national d'action 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage, qui prévoit la mise en place d'une série de mesures visant à contenir la population lupine dans le but de préserver l'activité d'élevage.

Dans ce cadre, les départements concernés par les dommages de loups doivent être dotés d'une équipe de louvetiers. Ces lieutenants de louveterie, nommés par le préfet, concourent sous son autorité à la réalisation de missions d'ordre public en matière de gestion de la faune sauvage et leur rôle est essentiel dans la mise en oeuvre des tirs de défense renforcée et des tirs de prélèvement.

Pourtant, l'efficacité des interventions de ces bénévoles dépend des moyens concédés. En effet, pour que les tirs soient efficaces, ils doivent être effectués la nuit avec du matériel adapté tel que les caméras thermiques. Des crédits seront-ils mis à la disposition des préfets ? Sur quelle dotation seront-ils mobilisés ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le nouveau plan loup et activités d'élevage, décidé en février dernier, vise à concilier maintien du pastoralisme et protection de l'espèce. L'équilibre est difficile. Les mesures de protection sont financées à 80 % et un observatoire a été créé. Des expérimentations seront mises en place dans les territoires volontaires et un réseau technique de chiens de protection va être déployé. Le Gouvernement vient d'ouvrir les crédits nécessaires aux premières expérimentations de bergers mobiles dans les parcs nationaux face à la persistance de la prédation dans certaines zones.

Les tirs de prélèvement sont réalisés par une brigade nationale composée de louvetiers bénévoles qui interviennent auprès des éleveurs. Le Gouvernement a prévu une enveloppe de 142 000 euros pour leurs indemnités kilométriques et l'acquisition de caméras thermiques.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Merci mais vous n'avez pas indiqué sur quelle enveloppe ces crédits seront financés.

La séance est suspendue à 12 h 15.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.