Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Veuillez excuser le ministre Collomb de son absence : il est retenu avec le président de la République à Berlin par un Conseil des ministres franco-allemand à l'agenda duquel est inscrit le défi migratoire.

Le contexte politique, sur notre continent étant instable, voire critique avec le risque que l'Union européenne se disloque autour de la question de l'immigration, sa présence était indispensable. Il sera devant vous dès demain et pour la suite de vos travaux.

Ce texte très important permet à celles et ceux qui fuient la guerre et la persécution d'être mieux accueillis. Il facilite leurs démarches. Il renforce aussi la lutte contre l'immigration illégale, aliment de tous les populismes.

Nous sommes tous d'accord, au sein de cette assemblée, pour refuser les diktats de l'image et de la peur.

Commençons donc par des données objectives : après avoir atteint un sommet historique, avec 1,3 million de demandes en Europe en 2015, et 1,2 million en 2016, les demandes d'asile ont diminué de moitié pour atteindre 600 000 en 2017 ; de même, 205 000 franchissements illégaux de la frontière européenne ont été constatés en 2017 par Frontex, contre 1,8 million en 2015 : le gros de la crise est passé.

Mais soyons vigilants : la route de la Méditerranée occidentale est en forte augmentation et le cas de l'Aquarius nous rappelle que celle de Méditerranée centrale n'est pas tarie.

La France évolue à contre-courant avec 100 000 demandes d'asile en 2017, soit une augmentation de 17 % par rapport à 2016, contre 50 000 en 2010 ; c'est la conséquence de flux secondaires, de migrants qui viennent tenter leur chance en France après avoir été repoussés ailleurs.

Vous en vivez les conséquences dans vos territoires : notre dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile est saturé, malgré l'augmentation du nombre de places d'hébergement d'urgence de 80 000 à 138 000. Les campements de fortune se multiplient au coeur des villes, insalubres sources de nuisances pour les riverains, voire de troubles à l'ordre public.

Telle est la réalité, qu'il faut avoir le courage de regarder en face. Le Gouvernement a pris en compte cette réalité. C'est sur cette base qu'il agit, depuis un an. Le président de la République a lancé des initiatives fortes pour stabiliser le continent africain, notamment à travers l'aide au développement - c'est le sens du discours de Ouagadougou.

Nous sommes en pointe pour lutter contre les réseaux de passeurs. Les migrations ne sont pas toutes spontanées ; elles sont l'objet d'un trafic lucratif alimenté par des réseaux qui souvent dépouillent les migrants de tous leurs biens, puis les parquent dans des camps avant de les lancer sur la Méditerranée.

Nous veillerons aussi à ce que les ressortissants albanais ne profitent pas de l'exemption de visas pour détourner le système. Nous avons obtenu des résultats puisque la demande albanaise a baissé d'un tiers entre les premiers mois de 2018 et ceux de l'an dernier. Si nous travaillons avec nos partenaires afin de développer une vraie solidarité européenne, il convient d'agir au niveau global pour répondre aux flux migratoires.

Au niveau national, cependant, notre système est perfectible. C'est pourquoi des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) ont été créés dans chaque région ; les efforts de financement de l'Office Français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ont fait baisser le délai d'examen des demandes d'asile de 14 à 11 mois. La loi Warsmann a, enfin, sécurisé le dispositif des transferts dits de Dublin.

Il faut aller plus loin. Lors de la campagne présidentielle, le président de la République avait pris l'engagement fort de réduire à six mois en moyenne le délai d'instruction de la demande d'asile. Il a voulu sécuriser le parcours d'intégration tout en éloignant ceux dont la demande d'asile a été rejetée, dans des délais assez courts pour ne pas rompre le lien avec le pays d'origine.

Ce projet de loi a fait l'objet d'une large adoption par les députés le 22 avril dernier. Votre commission a beaucoup amendé ce texte, souvent à bon escient, lors de son examen le 6 juin dernier. Je salue son président et son rapporteur.

Cependant, certains apports remettent en cause l'équilibre du texte. Le Gouvernement a donc déposé des amendements de suppression, que nous ne désespérons pas de vous convaincre d'adopter dans les jours qui viennent. L'allongement d'un à quatre ans de la durée des titres de séjour au titre de la protection subsidiaire, l'extension à la fratrie de la protection accordée aux mineurs réfugiés et reconnus comme tels au titre du droit d'asile, et non pas, soulignons-le, aux mineurs non accompagnés pris en charge par les conseils départementaux au titre de l'aide sociale à l'enfance, ont été remis en cause par votre commission ; le Gouvernement ne peut l'accepter car ces dispositions sont conformes à notre grande tradition d'accueil des personnes les plus vulnérables.

Mme Esther Benbassa.  - Alors là...

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Votre amendement faisant de la décision de refus d'asile l'équivalent d'une obligation à quitter le territoire français (OQTF) introduit, à notre sens, une confusion.

M. Roger Karoutchi.  - Ça ne sert à rien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Autre point de désaccord, les quotas, en contravention avec le droit à une vie familiale normale. Que n'ont-ils été mis en oeuvre plus tôt, lors des précédentes modifications législatives du droit des étrangers ? La limitation du droit au regroupement familial qu'une mesure de quota occasionne est directement contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, en particulier son article 8. La suppression de l'aide médicale d'État remplacée par une aide médicale d'urgence est également malvenue et le Gouvernement s'y opposera fermement.

D'autres amendements allongent les délais d'instruction du droit d'asile. Ainsi le délai de recours devant la CNDA a été rétabli par votre commission à un mois alors que nous l'avions réduit à quinze jours.

Nous nous sommes également opposés à la suppression de la possibilité de demander l'asile au retour pour les personnes en rétention.

Le sujet migratoire est l'une des principales préoccupations des Français. Il y a ceux qui vont jusqu'à nier l'existence des frontières, ce qui n'est pas réaliste. Il y a ceux qui refusent tout accueil, ce qui n'est pas conforme à la tradition européenne. Notre Gouvernement porte, entre ces deux écueils, une ligne de fermeté, d'efficacité et de justice, conforme aux valeurs républicaines, aux valeurs de l'Europe. Tel est l'enjeu de ce débat, dont je ne doute pas qu'il sera à la hauteur de la responsabilité de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, ainsi que sur la majeure partie de ceux du groupe UC)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois .  - Depuis 1980, 29 textes dont 16 majeurs ont été portés devant le Parlement sur cette thématique ; les derniers datent de 2015 et 2016 ; nous n'avons pas même eu le temps de les évaluer.

Ce texte est technique, incomplet, sans ligne politique identifiable. C'est la première fois qu'exil et immigration sont liés ; mais sous la forme d'une litanie d'ajustements techniques et procéduraux, avec quelques adaptations bien vues sur la lutte contre l'immigration, mais le strict minimum sur l'intégration.

Les enjeux européens des politiques migratoires sont ignorés : aucune mesure de pression sur les pays qui trainent des pieds pour accueillir les migrants renvoyés chez eux ; rien sur les outre-mer.

Le nombre d'heures de français attribuées aux primo-arrivants est famélique : 148 heures, contre 242 heures en 2012, contre 600 heures pour les primo-arrivants, voire jusqu'à 900 heures pour les réfugiés en Allemagne. Le nombre de visites médicales pratiqué par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a chuté de 76 % de 2017 à 2016, avec des conséquences graves en matière de santé publique.

Depuis 2016, la vague migratoire s'est tarie grâce à Frontex et aux accords passés avec la Turquie. Les routes de migration se sont reconfigurées : moins 32 % en Méditerranée centrale entre 2016 et 2017, forte baisse en Méditerranée orientale, mais augmentation en Méditerranée occidentale.

La France, exposée aux flux des rebonds internes à l'Union européenne, est à contre-courant avec 100 412 demandeurs d'asile, en forte hausse. Nos structures sont dépassées, elles n'accueillent que 60 % du public ciblé grâce à des dispositifs qui s'empilent. L'OFII n'arrive plus à assurer ses missions historiques d'intégration des primo-arrivants.

L'Ofpra s'en sort, mais la CNDA a besoin de temps pour se mettre à niveau : elle doit faire face à 34 % de recours en plus et à 29 % d'affaires en attente.

Sur l'éloignement, le système est en surchauffe : or le budget est en baisse de 7 %.

La commission des lois a voulu introduire de la fermeté dans le traitement de l'immigration irrégulière, tout en préservant les droits des demandeurs d'asile et en renforçant le volet intégration, presque ignoré.

Elle a aussi introduit des dispositions pour traiter la situation outre-mer, qui est dramatique à Mayotte.

Pour les réfugiés, le délai d'appel a été maintenu à un mois plutôt que quinze jours, car cela n'était pas une mesure efficace.

Nous avons sollicité les collectivités locales dans ce débat.

Il faut mieux accueillir, associer Pôle Emploi au dispositif, insister sur l'acquisition de la langue française, réaffirmer la compétence de l'OFII pour les étudiants étrangers.

En matière d'immigration, nous avons durci le texte.

Mme Esther Benbassa.  - Ah !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Tout refus de demande d'asile à caractère définitif donnera obligation de quitter le territoire national. Il faut réorganiser le séquençage de la rétention administrative. Il convient aussi de sanctionner les étrangers délinquants. Enfin, nous interdisons explicitement le placement en détention des mineurs isolés et réduisons à cinq jours maximum la rétention des mineurs accompagnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Laborde s'en réjouit aussi.) Nous créons aussi un fichier biométrique qui aidera les départements à gérer la situation des mineurs non accompagnés.

Je regrette l'absence de l'Europe dans ce débat. Rien sur les accords bilatéraux en matière de laissez-passer consulaire ; rien sur Mayotte non plus. Enfin, sans moyens financiers, l'efficacité ne sera pas au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - À l'initiative de Catherine Morin-Desailly, la commission de la culture a transmis son avis à la commission des lois sur quatre articles en vertu de ses compétences : l'article 20 relatif au « passeport talent » et à la mobilité des chercheurs étrangers ; l'article 21 relatif à la mobilité des étudiants étrangers et à l'autorisation provisoire de séjour qui leur permet aujourd'hui de rester douze mois supplémentaires sur le territoire après l'obtention de leur diplôme, pour chercher un emploi ou créer une entreprise ; l'article 22 relatif à la mobilité des jeunes au pair ; l'article 33 quater ; qui traite d'une question liée à la scolarisation obligatoire.

En 2015, la commission de la culture avait marqué son attachement au dispositif d'immigration choisie. Avec 73 000 étudiants accueillis chaque année, la France se situe au quatrième rang mondial en matière d'accueil d'étudiants étrangers, le premier parmi les pays non anglophones. La France est au deuxième rang européen après le Royaume-Uni pour l'accueil des chercheurs. Cependant, il ne faudrait pas que l'immigration choisie devienne un « aspirateur à talents ». L'immigration choisie doit se faire avec rigueur et nous devons veiller à ce que le dispositif ne soit pas détourné.

Les huit amendements de la commission de la culture ont été intégrés dans le texte de la commission des lois. Je remercie son rapporteur et son président. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur ceux du groupe UC et sur le banc des commissions)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°2, présentée par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (n° 553, 2018-2019).

Mme Éliane Assassi .  - La migration est un phénomène aussi ancien que l'humanité. L'ordre économique libéral et les bouleversements climatiques, les catastrophes humanitaires, les guerres, font de notre monde, un monde de réfugiés. Quand on fuit la violence, la guerre ou les catastrophes écologiques, quitter son pays, sa famille, ses amis, c'est une vraie souffrance. Et pourtant, rien ne dissuade les migrants. La fonte des neiges fait apparaître les dépouilles, sur les cîmes des Alpes qu'ils tentaient de franchir, de ceux que des extrémistes nationalistes pourchassaient il y a peu à l'hélicoptère sans être poursuivis, ceux que des citoyens, fidèles aux valeurs de la République, voulaient secourir en toute fraternité, qui sont aujourd'hui trainés devant les tribunaux.

M. François Bonhomme.  - En toute responsabilité !

Mme Éliane Assassi.  - La politique migratoire doit s'inscrire dans un projet global. Vous montez les Français les uns contre les autres en cassant les valeurs de la République. Pas moins de 629 hommes et femmes repêchés en mer par l'Aquarius n'ont trouvé accueil ni en Italie, ni en France ; 629 pauvres qui « ne sont rien », et qu'il faudrait peut-être « responsabiliser » ?

En 2015, la France s'était engagée à accueillir 30 000 personnes. Or seules 4 278 personnes ont été relocalisées. L'émotion et la colère sont d'autant plus fortes et légitimes que ce taux enfreint les principes du droit d'asile inscrits dans la Constitution depuis le 24 juin 1793 : « Le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans » ; acte fondateur du droit d'asile, grand principe de la Révolution française et des Lumières.

Faut-il rappeler les mots de Voltaire dans son Traité de la tolérance : « Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères » ? Le droit d'asile fut consacré par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, forgée par la Résistance, selon lequel « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». C'est en se fondant sur ce texte que le Conseil constitutionnel, par sa décision du 13 août 1993, a qualifié le droit d'asile d'« exigence constitutionnelle ». Peu après, la révision constitutionnelle du 25 novembre 1993, nécessaire à la pleine application par la France de la convention de Schengen, a inscrit dans la Constitution un article 53-1 : « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ».

Loin des faux bons sentiments, la logique de pénalisation des demandeurs d'asile enfreint la tradition française. L'article 5 entrave le dépôt de la demande dans un délai raisonnable. L'article 6 réduit le délai de recours devant la CNDA, ce qui favorise une justice exécutoire déjà condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme. L'article 8 met fin au caractère suspensif de certains recours devant la CNDA, alors que le respect du droit d'asile est de valeur constitutionnelle. Il autorise la possibilité d'examiner la demande dans une langue autre que celle du demandeur.

Le Gouvernement ne respecte pas le principe de confidentialité. Le projet de loi supprime le caractère facultatif de la visioconférence alors que le Conseil constitutionnel a jugé que cela devait être subordonné au consentement de l'étranger.

Toutes ces dispositions, contraires à la Convention de Genève et à la Convention internationale des droits de l'enfant, illustrent la dangerosité de ce texte pour notre démocratie.

Ce projet de loi supprime le maintien des mineurs en zone d'attente afin qu'ils soient mis sous la responsabilité de la protection de l'aide sociale à l'enfance. Un mineur quel qu'il soit n'est pas un migrant, c'est un enfant et le Sénat s'honorerait à supprimer l'article 15 quater.

La rétention administrative des « Dublinés » pose également problème, au regard des six condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour ses conditions de rétention.

Autre atteinte excessive, le droit inconditionnel à l'accueil au regard du seul critère de la détresse auquel contrevient l'article 9 qui légalise la circulaire Collomb de décembre 2017 tant décriée. La liste est encore longue. Nous ne nous faisons pas d'illusions sur cette motion qui est d'appel. Nous continuerons à attirer votre attention, et celle du Conseil constitutionnel, sur ces questions, et sur l'interdiction de toute discrimination entre Français et étrangers quand il s'agit de la garantie de leurs droits fondamentaux, au regard du caractère universel du principe constitutionnel d'égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur la plupart de ceux du groupe SOCR)

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous avez déposé une motion d'irrecevabilité en raison des difficultés constitutionnelles qui caractériseraient ce texte. Nous ne partageons pas ce point de vue...

Mme Éliane Assassi.  - C'est étonnant !

M. Jean-François Rapin.  - Selon la commission des lois, au terme de son examen minutieux, ce texte respecte le droit d'asile auquel nous sommes tous attachés et le rapporteur a trouvé un juste équilibre entre l'amélioration du traitement des demandes d'asile et des conditions réalistes du droit de recours devant la Cour nationale du droit d'asile, dont l'activité ne cesse de croitre.

Le Gouvernement a réduit le délai de recours des demandeurs d'asile de trente à quinze jours. Notre rapporteur a supprimé cette diminution drastique et inefficace.

Autre apport de la commission : l'interdiction du placement en rétention des mineurs isolés. C'est une avancée majeure qui me tient à coeur. L'encadrement en rétention des mineurs accompagnés réduit à cinq jours est un autre progrès.

Plus largement, ce texte a donné lieu à de nombreux débats sur les termes de « dignité » et de « respect des droits fondamentaux ». C'est pourtant en fonction de ces critères que nous avons soutenu l'État lors du démantèlement de la Lande de Calais, qui a permis de mettre à l'abri des milliers de personnes dans des hébergements plus dignes.

Comme maire de Merlimont, à 80 kilomètres au sud de Calais, j'ai accueilli à deux reprises des mineurs extraits de camps de fortune où les conditions de vie étaient inacceptables. Comme beaucoup d'élus, je suis sur le terrain, et je salue le travail de François-Noël Buffet, avec qui je suis allé à Calais et à Grande-Synthe. Je connais la situation humanitaire et la situation des associations, celle des communes souvent désemparées, celle des forces de l'ordre qui opèrent un travail remarquable sur le terrain.

Comment ne pas être bouleversé en voyant ces femmes et ces hommes ayant quitté leur famille et leurs attaches pour attendre un passage inespéré vers l'Angleterre, cette terre promise dont on leur a tant vanté les mérites ?

Notre pays doit élaborer une politique migratoire cohérente pour mieux accueillir ces personnes dans un cadre européen apaisé et solidaire. C'est là le but de ce texte.

La commission des lois a adopté des mesures primordiales : organisation d'un débat annuel au Parlement, transformation de l'AME en aide médicale d'urgence centrée sur les maladies graves et la prévention, sollicitations des collectivités locales qui sont de fait impliquées, réduction du nombre de visas accordés aux pays les moins coopératifs pour délivrer les laissez-passer consulaires.

Depuis le démantèlement de la Lande de Calais, la situation a évolué. Une page s'est tournée. En témoigne l'inauguration du site naturel des Deux Mers, en lieu et place.

Cependant, la problématique migratoire est encore là, comme en témoignent la mobilisation des forces de l'ordre et des incidents comme les intrusions dans les sites des entreprises qui voient leur matériel et marchandises dégradés, sans compter les migrants découverts dans les camions français contrôlés par la police britannique.

Les conséquences financières et économiques se font sentir dans les Hauts-de-France. Quelle est la vision à long terme du Gouvernement ? Nous ne pouvons fermer la porte aux demandeurs d'asile mais nous devons redéfinir notre politique migratoire dans le cadre d'une véritable stratégie européenne pour que cette zone géographique ne devienne pas le Mur de la Manche après avoir monté le Mur de l'Atlantique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission a élaboré un contre-projet dans le respect des règles constitutionnelles et des accords internationaux : maintien du délai de recours devant la CNDA à trente jours, protection des mineurs en rétention, garantie des voies de recours.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Cette motion n'est pas très sérieuse...

Mme Éliane Assassi.  - Dites-le aux associations mobilisées !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Conseil d'État a validé la constitutionnalité et la conventionalité du texte. Chaque mesure a été pesée soigneusement, chacune des mesures que vous contestez existe chez nombre de nos voisins européens. (Mme Éliane Assassi n'y voit pas un argument valable.) Justice expéditive ? Il ne faut pas confondre le délai pour saisir la justice et le délai pour juger. (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)

Pour les plus vulnérables, notamment les femmes victimes de violence et les membres de la communauté LGBT, nous créerons sept structures d'hébergement spécialisées en 2018.

Notre action s'étend aussi à la réinstallation des réfugiés en fort besoin de protection, avec pour objectif d'accueillir dix mille réfugiés venant du Darfour ou de Libye.

Le repérage de la vulnérabilité et sa prise en compte à toutes les étapes de la procédure d'asile sont au coeur de notre dispositif. L'orientation des demandes prendra en compte cette vulnérabilité. Nous lancerons un appel à projet pour la prise en charge psychologique et sanitaire. Les agents qui instruisent les dossiers de recours à la CNDA sont spécifiquement formés pour repérer la vulnérabilité psychologique.

La mobilisation du Gouvernement est totale pour une maîtrise de l'immigration respectueuse de la dignité et des droits de chacun.

Mme Éliane Assassi.  - Si vous le dites, c'est vrai ?

M. Éric Bocquet.  - Le rejet de principe de la majorité est inquiétant. Aucune réponse sérieuse, aucun argument constitutionnel n'a été apporté aux associations. Pourtant, du droit au procès équitable au principe d'unité familiale, en passant par la rupture d'égalité de traitement entre citoyens à la justice au rabais à Mayotte, la démocratie ne sortira pas grandie de ce texte qui fait prévaloir la suspicion sur l'accueil.

M. Macron a poursuivi un bien triste chemin depuis le sommet européen d'il y a un an, où il déclarait qu'accueillir les réfugiés était « notre devoir et notre honneur ». L'Aquarius, chassé d'Italie par un ministre de l'intérieur néo-fasciste, passé à 7 kilomètres de nos côtes, n'a pas été accueilli.

Le président de la République fait ce qu'il dit ? Pas dans ce domaine. Rien ne laissait attendre la violence des politiques menées par ce Gouvernement, malgré l'avant-goût amer de la circulaire de décembre sur les recensements administratifs.

Aucun gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale n'avait osé aller jusque-là, rappelle l'historien Patrick Weil, qui craint une régression démocratique. Ce texte est contraire aux traditions et principes républicains fondamentaux, de l'avis de Jacques Toubon, Défenseur des droits, ancien garde des Sceaux de Jacques Chirac.

Un vent mauvais souffle sur le monde et sur l'Europe, la xénophobie se répand. Nous ne devons pas y céder et jouer sur la peur de l'autre, sur l'individualisme. La France doit rester fidèle à ses valeurs fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Je salue votre décision, Monsieur le Président, de présider vous-même cette séance et je regrette l'absence du ministre ; pourtant, notre présence en nombre montre que le Sénat est une institution indispensable à la démocratie. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mutisme du Gouvernement français sur l'Aquarius, images terribles en provenance d'Amérique d'enfants enfermés... Cela nous appelle à la vigilance.

Le groupe socialiste voit trois raisons de voter cette motion. D'abord, l'atteinte manifeste au droit au recours effectif, incompatible avec la Convention européenne des droits de l'homme. À ce titre, le raccourcissement du délai de saisine de la CNDA interroge.

Ensuite, la durée de rétention portée à 90 jours dans le projet de loi initial, le ministre Collomb disant redouter le benchmarking. Enfin, la rétention des enfants. Nous avons été condamnés six fois par la Cour européenne des droits de l'homme sur ce sujet, pour non-respect de la convention de 2012. Pour ces trois raisons, nous voterons cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

présidence de M. David Assouline, vice-président

À la demande du groupe CRCE, la motion 2 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°129 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 92
Contre 253

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1 rectifiée bis, présentée par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi, adopté par l'assemblée nationale, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (n°553, 2017-2018).

M. Jean-Pierre Sueur .  - C'est donc à vous qu'échoit, chère Jacqueline Gourault, cette besogne ! (On s'amuse à gauche.)

Nous eussions compris que vous représentiez la France en Allemagne ; mais c'est le ministre de l'Intérieur qui s'y est rendu ; il est absent pour l'examen d'un texte aussi important devant le Sénat.

Il y a beaucoup de raisons pour retirer purement et simplement ce texte : il ne sera pas efficace ; il est négatif et répressif ; il y aura plus de migrations demain qu'aujourd'hui, car le monde est ainsi. Du Soudan à l'Afghanistan, de nombreux êtres humains sont persécutés ; le défi de la misère est toujours là, avec 1,5 milliard de personnes qui habitent des bidonvilles. Défi climatique aussi, avec des îles, des rivages qui s'enfonceront dans la mer...

La première loi de l'humanité est l'humanité. Christiane Taubira l'a très bien dit (Exclamations ironiques à droite), quand elle évoque les boat people que nous avons accueillis sans compter. Je me réjouis de voir que son texte nous a tous marqués...

M. Bruno Sido.  - C'est tout à fait cela !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le dessin de Plantu est éloquent : un bateau fait naufrage, et un fonctionnaire fait son travail en demandant : « Les affamés, levez le doigt ». La Méditerranée, foyer de la civilisation, est devenue un cimetière à ciel ouvert. (Mouvements à droite)

Michel Rocard a eu raison de dire que la France n'a pas vocation à accueillir toute la misère du monde, mais il a aussi eu raison d'ajouter qu'elle doit en prendre sa part.

Triste silence de la France face à l'odyssée de l'Aquarius, refusant de comprendre que la Corse est plus proche de la Sardaigne que l'Espagne... La seule utilité de ce texte est de tenter de rassurer ce qu'on appelle l'opinion contre l'ancestrale peur de l'étranger.

Vous devriez retirer ce texte, car il ne consacre pas un mot à la question européenne. Or il faut mener un combat commun contre l'Europe de la fermeture, de l'exclusion et de la xénophobie, pour une Europe qui lutte contre les passeurs, maîtrise les frontières, coopère avec les pays d'origine, reconstruit l'Euroméditerranée...

Même au regard de vos objectifs, augmenter la durée de détention, réduire les délais de recours, cela ne changera rien lorsque 13 % seulement des OQTF sont exécutées, que 5 % seulement des déboutés du droit d'asile sont reconduits - ce qui crée un malaise dans les préfectures, qui s'interrogent sur l'utilité de leur travail.

Rien pour financer ce que vous annoncez, pas même pour réduire l'attente dans les préfectures.

Comment ne pas entendre l'avis du Conseil d'État qui vous demande pourquoi n'avoir pas évalué les lois de 2015 et 2016 et qui ne voit pas dans ce texte de stratégie prenant en compte les faits migratoires actuels et à venir ? « Sédimentation des dispositions », « sophistication inefficace », voici ses mots.

Dirons-nous aux étudiants du Maghreb et de l'Afrique qu'ils seront désavantagés parce que les gouvernements ne délivrent pas de visas de retour ?

M. Philippe Dallier.  - Justement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Sur cette terre, on a besoin de tout le monde. Il arrive que des sans-papiers que l'on eût vilipendés et expulsés sauvent des enfants de 5 ans. Cette image, la France entière, le monde, l'a vue.

Retirez ce texte qui manque de souffle, de clarté, d'efficacité. Il manque de perspective, de prospective, de vision.

Qu'aurait dit Victor Hugo, s'il avait vu ce qui se passe aujourd'hui en Méditerranée ? Il suffit de chercher dans ses vers. Cela s'appelle « Aux proscrits » :

« Le sort est un abîme, et ses flots sont amers, (...) « Chacun de nous contient le chêne République ; « Chacun de nous contient le chêne Vérité ; (...) « Nous sommes la poignée obscure des semences « Du sombre champ de l'avenir ».

(Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce texte n'est pas la solution à toutes les problématiques, loin s'en faut. Grâce aux heures de travail de la commission des lois et de notre rapporteur, ce texte, résultat d'un compromis bancal entre la jambe droite et la jambe gauche de la majorité présidentielle est devenu un outil efficace et solide.

Nos compatriotes n'acceptent plus que l'État baisse les bras devant la vague migratoire - deux millions d'entrées dans l'espace Schengen en 2015 et 2016, contre 100 000 en moyenne les années précédentes.

Les flux au niveau européen se réorganisent sans se tarir. Sommes-nous prêts à affronter les défis à venir ? Pour que nos enfants et petits-enfants vivent dans un pays qui maîtrise encore son destin, il faut nous y préparer. (Protestations à gauche) Or le budget consacré à la lutte contre l'immigration illégale a baissé de 7 %, tandis que les fonds consacrés à l'aide médicale d'État augmentaient de 13 % : près d'un milliard d'euros qui profite à 300 000 personnes, contre 150 000 en 2000.

Il y a urgence à agir. Or la montagne gouvernementale a accouché d'une souris. Le texte de l'Assemblée nationale n'offre qu'une faible réponse. Le Gouvernement, sacrifiant fermeté et pragmatisme pour ne pas heurter son aile gauche, propose un texte technique sans solution crédible aux problèmes d'aujourd'hui et de demain.

Hélas, ce texte ne changera rien à la faiblesse des moyens financiers et humains : en 2015, quatre immigrés en situation irrégulière sur cent ont été reconduits à la frontière, alors que des milliers de demandeurs d'asile étaient accueillis par l'État dans les gymnases...

L'extension de la réunification familiale que propose le Gouvernement sème les germes de drames humanitaires à venir : combien de mineurs seront envoyés seuls, livrés aux passeurs, dans l'espoir d'atteindre la France d'où ils pourront faire venir leurs frères et soeurs ?

Que dire du coût pour les départements de l'accueil des mineurs isolés ? Dans le Val-d'Oise, on est passé de 3 millions d'euros pour 80 mineurs isolés en 2010 à 43 millions d'euros pour 640 mineurs en 2018 !

La commission des lois a modifié le texte en profondeur, après de nombreuses auditions. Elle propose ainsi de refuser le statut de réfugié à ceux qui présentent une menace grave pour la sécurité de l'État, de refuser l'extension de la réunification familiale aux frères et soeurs des réfugiés mineurs, de donner à toute décision définitive de rejet d'une demande d'asile valeur d'obligation de quitter le territoire français.

Ces dispositions ne règleront pas tout, mais pallient un certain nombre de défaillances de notre système et appellent à définir une vraie politique migratoire. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera contre cette motion préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission a profondément modifié le texte de l'Assemblée nationale, les groupes ont déposé de nombreux amendements. Ayons le débat.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le groupe socialiste conteste une énième modification du droit des étrangers, sans évaluation préalable des lois antérieures. Le gouvernement que soutenait Jean-Pierre Sueur est à l'origine des deux dernières, en 2015 et 2016. J'avais participé au débat ; il serait bon que le groupe socialiste participe, à son tour, à celui-ci.

La situation migratoire est contrastée : recul au niveau européen mais hausse soutenue en France des demandes d'asile, qui atteignent 100 000 en 2017, en hausse de 17 %.

Notre système, reconnaissons-le, fonctionne assez mal. Procédures trop longues, politique d'éloignement inefficace, mesures d'intégration insuffisantes. On peut considérer que cette situation est née il y a un an ; ou qu'elle s'est lentement dégradée et qu'il faut y remédier. Accueillir mieux tout en renforçant l'efficacité du traitement des demandes et des renvois : c'est l'objectif d'une maîtrise de l'immigration dans le respect des droits des personnes.

Ce texte équilibré est conforme aux valeurs françaises. La loi ne prévoit pas de budget supplémentaire parce que les moyens sont déjà là, avec 150 ETP supplémentaires pour les services des étrangers des préfectures. Je reprends à mon compte la citation de Michel Rocard : « Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, mais nous devons en prendre notre part ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Rossignol.  - Prenons-la, cette part !

Mme Éliane Assassi.  - M. Sueur a raison, l'avis du Conseil d'État n'a pas été suivi par le Gouvernement.

M. Bruno Sido.  - Ce n'est pas une obligation.

Mme Éliane Assassi.  - Depuis 1980, pas moins de 29 lois sur l'immigration ont été votées. Celle-ci est dans le droit fil des précédentes. L'examen des lois de 2015 et 2016 a fait vivre au groupe CRCE de grands moments de solitude... L'état des lieux que dressent les bénévoles est préoccupant. C'est la loi de 2015 qui a donné quinze jours à l'Ofpra pour traiter les demandes. Quant au texte de 2016, il consacre l'interdiction de la rétention des mineurs avec leurs parents, mais prévoit tant de dérogations que, comme l'a noté le Défenseur des droits, cela revient à la légaliser ! Enfin, l'évaluation médicale des étrangers malades a été transférée à l'OFII, sous la tutelle du ministère de l'Intérieur.

Oui, ce texte contrevient aux principes et valeurs de notre démocratie, Monsieur Sueur, mais si vous voulez vous faire les défenseurs de la juste cause des migrants, il aurait fallu porter un jugement plus sévère sur votre action passée ! Notre groupe, pour ces raisons, s'abstiendra. (Murmures sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Claude Requier.  - Le groupe RDSE vote contre les questions préalables, par principe. Nous laissons toute sa place au débat et à la séance ; en cela, nous sommes les héritiers de la tradition radical-socialiste du Sénat ! (Sourires)

Cela ne préjuge en rien de notre vote final. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; MM. Roger Karoutchi et Daniel Chasseing applaudissent également.)

À la demande du groupe SOCR, la motion 1 rectifié bis est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°130 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption 77
Contre 252

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale (Suite)

Mme Esther Benbassa .  - À peine trois ans ont passé depuis la dernière réforme de l'asile. Entretemps, aucun bilan de l'efficacité des mesures votées, aucune politique migratoire ambitieuse et rationnelle. Ce texte est le vingt-neuvième depuis la fin des années 1980. Notre législation tourne à vide. Ce n'est pas en nous alignant sur le RN, ex-FN, que nous ferons reculer ses votes, dixit Jacques Toubon.

Le candidat Macron disait, en janvier 2017, que nous ne pouvions pas revoir nos valeurs à l'aune des risques du monde. Fumée que cela. Ce texte n'a qu'un but : décourager ceux qui cherchent refuge chez nous. M. Collomb et Mme Loiseau parlent de « submersion », de « benchmarking » ou de « shopping de l'asile ». Pour nos dirigeants, les exilés sont des encombrants, un flux à gérer, un chiffre à réduire.

Lisez le rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ou celui d'Oxfam sur ce qui se passe à la frontière franco-italienne, aussi accablants pour la France que pour l'Italie. Heureusement, des délinquants solidaires, des citoyens de bonne volonté portent secours à ces sans-rien que d'aucuns rêveraient de voir disparaître sous leur talon.

Une majorité de Français étaient contre l'accueil de l'Aquarius. Faut-il les en féliciter ?

M. François Bonhomme.  - Faut-il les accabler ?

Mme Esther Benbassa.  - Félicitons plutôt les mille bénévoles espagnols qui se sont dévoués pour accueillir les rescapés !

Notre commission, elle, supprime le petit assouplissement apporté par les députés en limitant à la marge la définition du délit de solidarité.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois  - Un encouragement à la fraude et aux trafics !

Mme Esther Benbassa.  - Décidément, rien ne doit brider l'oeuvre de maltraitance de ce gouvernement ! L'exécutif fait miroiter à l'intention de la droite un durcissement censé favoriser les expulsions mais la loi de finances ne prévoit pas de moyens supplémentaires pour les reconduites à la frontière. Simple affichage !

Je me suis rendue à Calais, à Menton, à Ouistreham, dans les camps parisiens, à la rencontre de ceux qui ne sont plus que des « migrants », ceux que l'on retrouve sans vie sur les rivages ou dans les cols des Alpes. Pourtant, ce sont nos semblables.

Je citerai pour finir Danièle Lochak, professeure émérite de droit public, qui relève des analogies troublantes avec l'attitude des États à l'égard des Juifs dans les années 1930... (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme.  - C'est une insulte !

Mme Esther Benbassa.  - Souvenons-nous du Saint-Louis, du Struma et d'autres. L'histoire se répète, pour le pire. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le sujet brûlant des migrations et du droit d'asile est européen ; il est politique et non technocratique. Il doit être traité sans angélisme ni surenchère. L'Europe est le niveau d'action le plus pertinent, beaucoup plus que le niveau franco-français.

Pourquoi cette appétence française illimitée pour les débats idéologiques ? La question des frontières est européenne. Schengen, Frontex, définition européenne du droit d'asile, dispositif de reconnaissance mutuelle, aide au développement, financements sur le budget propre de l'Union européenne, pré-positionnement des centres d'examen des demandes dans les pays d'origine, négociation des laissez-passer consulaires, révision du règlement de Dublin : tout cela est la clé de notre débat. Notre regard doit se tourner vers le Conseil européen des 26 et 27 juin, tant, en la matière, l'Europe est attaquée dans sa souveraineté, dans sa capacité d'action par des pays adeptes du rapport de force.

Le président de la République a développé, à la Sorbonne, à Strasbourg, à Athènes, à Aix-la-Chapelle, un discours sur le combat européen, un combat que nous partageons : nous ne pouvons pas nous permettre un désaccord de plus sur ce point.

Les 28 textes votés depuis 1980 n'ont pas donné satisfaction. Ni surenchère ni angélisme, ai-je dit, j'ajouterai : ni instrumentalisation. Sur ce point la position du groupe UC est proche de celle du Gouvernement. Notre législation est perfectible, nous en convenons, mais on ne peut pas se contenter d'agir sur les règles procédurales. Le droit des étrangers est par trop complexe. Un exemple : il existe neuf régimes d'OQTF et, pour chacun de ces régimes, des sous-régimes et des exceptions.

Nous partageons les réserves du rapporteur sur le volet intégration, manifestement insuffisant. Nous ne suivrons pas les amendements de surenchère - ceux sur l'aide médicale d'État comme ceux sur le délit de solidarité - pas plus que les amendements qui affaibliraient l'efficacité de la régulation.

Trois sujets seront, selon notre analyse, plus particulièrement débattus. L'extension du délai de rétention de 45 à 90 jours se justifie. Moins d'escortes, plus de temps pour négocier des laissez-passer consulaires ; le tout, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

Autant nous apprécions l'interdiction de rétention pour les mineurs isolés, autant nous jugeons spécifique la question des mineurs accompagnants. Sur ce sujet complexe, nous suivrons le rapporteur et le Gouvernement. On ne peut pas créer une immunité à l'éloignement pour les familles, sous réserve bien entendu que des logements adaptés soient mis à leur disposition.

Enfin, nous serons attentifs au débat sur la réduction de 30 à 15 jours du délai de recours devant la CNDA. Pour nous, le gain de temps n'est pas réellement perceptible.

Enfin, il faudra revenir après la révision constitutionnelle - si, tout du moins, elle aboutit - sur le traitement des migrations en Guyane et à Mayotte ; leur situation impose un dispositif tout à fait spécifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur le banc de la commission ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Nous continuons d'alimenter la frénésie législative alors que le Conseil d'État a dénoncé l'absence d'évaluation des dernières lois. Ce qu'il faut, ce sont des moyens supplémentaires pour l'Ofpra, la CNDA et les préfectures.

Le droit à l'asile est constitutif de l'identité française depuis 1793, il est inscrit dans la Convention de Genève de 1951. Traiter dans un même texte asile et immigration empêche de travailler sereinement sur une politique d'attraction des talents et des étudiants.

Ce texte constitue une tromperie car il s'articule bel et bien autour de la fraude, comme si tous les demandeurs d'asile étaient des fraudeurs. Or, depuis 2011, le nombre de demandes d'asile reconnues légitimes par l'Ofpra et la CNDA a augmenté en valeur relative comme en valeur absolue. La question numéro un n'est pas de lutter contre la fraude, c'est de réussir l'intégration de ceux que nous accueillons.

Cette loi, Madame Assassi, marque une rupture avec la loi Cazeneuve qui faisait le pari qu'on pouvait développer les droits des demandeurs - présence d'un tiers à l'Ofpra, recours suspensif devant la CNDA - pour améliorer l'efficacité de notre politique migratoire.

Enfin, le masque tombe : M. Macron n'est qu'un Viktor Orbán en bas de soie. (Protestations)

M. Roger Karoutchi.  - Allons, allons !

M. Alain Richard.  - Quelle pitrerie !

M. Jean-Yves Leconte.  - L'émigration est aussi vieille que l'humanité. Selon la banque mondiale, plus de 140 millions de personnes se déplaceront par nécessité climatique en 2050. En 2016, plus de 66 millions de personnes ont quitté leur pays pour se rendre à 30 % en Afrique subsaharienne, à 26 % en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, à 11 % en Asie et 16 % en Amérique. Nous ne gérons que 17 % des flux, cela fait relativiser notre situation.

Délai de recours devant la CNDA ramené à quinze jours, un recours qui ne sera plus suspensif, des vidéo audiences et sans garantie de langues ; ce texte marque un recul pour les droits des demandeurs. Le Gouvernement parle de rationalisation ? Se rend-on compte qu'il s'agit de gens qui ont subi des traumatismes et ne connaissent pas nos règles ?

Je salue les modifications apportées par le rapporteur. Nous combattons le délai maximum de cinq jours pour la rétention des mineurs accompagnés mais c'est un mieux ! On retrouve cependant les réflexes habituels de la majorité sénatoriale : politique de quotas, suppression de l'AME, OQTF automatiques...

M. Roger Karoutchi.  - Et alors ?

M. Jean-Yves Leconte.  - ... liaison entre laissez-passer consulaires et visas... Le groupe socialiste proposera de remplacer le délit de solidarité par un délit d'exploitation de la misère humaine et de créer le délit d'entrave au droit d'asile car il faut une tolérance zéro contre les milices privées qui s'approprient la protection de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Nous défendrons une protection de l'enfant plus efficace et le droit à l'autonomie des demandeurs d'asile en affirmant un droit à la formation linguistique et au travail dans les règles européennes.

L'axe anti-migration qui se profile entre Munich et Rome est très dangereux. Cette évolution arrive en même temps que le naufrage moral de l'Europe avec l'Aquarius. La France ne peut pas rester observatrice. Il faut faire respecter le droit d'asile et, en même temps que l'on renforce Frontex, assouplir Dublin. Pour dédramatiser la question du pays de premier accueil, on pourrait donner à toute personne qui a la protection un droit de circulation analogue à celui des citoyens européens.

La France ne peut pas tout à la fois se féliciter de l'extension de la francophonie, grâce à la démographie africaine, et fermer la porte à l'Afrique ; ce serait irresponsable. Favoriser des mobilités responsabilisées, détruire les mythes qui incitent certains migrants à partir, voilà les axes de la politique migratoire à développer.

Ne pas avoir des opinions publiques résilientes acceptant le principe d'un accueil bienveillant est un signe de notre faiblesse. Regardez la Turquie, qui offre un contre-exemple. N'ayons pas peur de la puissance de conviction des valeurs humanistes. J'espère que nous saurons faire vivre l'égalité, la liberté et la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La crise des migrants est un drame européen que ce texte ne résoudra pas. On pourra l'accuser de laxisme ou d'être trop sévère : l'essentiel se joue à Bruxelles.

Notre politique migratoire construite pour des flux faibles n'a pas résisté à une immigration massive. Dublin III a vécu. Le Conseil européen des 28 et 29 juin devra prendre des positions claires pour mettre fin aux populistes de tous bords qui mettent en cause le projet européen ; l'exemple dramatique de l'Aquarius illustre ce cynisme destructeur qui met en péril la cohésion européenne.

Le niveau européen est également le plus pertinent pour définir une politique d'attraction des compétences à l'image de la green card pratiquée aux États-Unis. L'extension du passeport « Talents » dans ce texte est une bonne chose.

Ceux qui réclament en même temps moins d'Europe et le règlement de la crise des migrants doivent regarder la vérité en face : la solution sera politique, européenne et collaborative ou elle ne sera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Arnaud de Belenet applaudit également.)

M. Guillaume Arnell .  - L'actualité fait une fois de plus écho à nos débats. L'intervention de l'Aquarius a sauvé 629 vies en Méditerranée. Le droit des étrangers, bien qu'il ne concerne qu'une partie minoritaire de la population française, a été retouché à vingt-neuf reprises depuis les années quatre-vingt. Comment expliquer cette surreprésentation législative autrement sinon par le fait qu'on le traite comme un problème conjoncturel sans élaborer de démarche prospective ? Une approche plus globale est indispensable si l'on veut que les populistes ne gagnent plus de terrain en ayant conscience que les visions négatives de l'asile se nourrissent du sentiment de déclassement social et du renforcement des inégalités. Nous sommes nombreux à penser que ce débat se serait déroulé dans de meilleures conditions s'il s'était inscrit dans la continuité de mesures destinées à restaurer la justice sociale dans l'ensemble des territoires de la République.

Chaque réforme du droit des étrangers est essentiellement politique, elle ne peut être présentée comme une solution à une crise ou une mise en conformité avec des textes supranationaux. De fait, l'accueil des réfugiés, le droit au séjour, l'attribution de la nationalité appartiennent aux États. Chaque modification de ces droits est un miroir tendu vers une autre société, une invitation à redéfinir ce que nous sommes. Et, dans cette redéfinition, songeons qu'il n'y a pas si longtemps, réfugiés et immigrés étaient considérés comme un vecteur de rayonnement pour la France. La coopération avec l'ensemble des États est une nécessité.

Gardons-nous d'apporter des solutions législatives affectant des libertés fondamentales sans avoir évalué leur efficacité. Je pense par exemple à la solution législative proposée par le rapporteur consistant à lier laissez-passer consulaires et visas : elle me semble intéressante mais trop contraignante pour nos services diplomatiques. Un état des lieux approfondi de nos politiques de co-développement est également nécessaire pour esquisser des solutions durables. L'exemple kenyan est, à ce titre, très intéressant.

Le texte durci par la commission des lois n'obtiendra pas le soutien du RDSE. Il n'apporte aucune réponse et sous-estime la situation des outre-mer qui doivent faire face à un afflux de migrants qui fragilise la situation locale, à Mayotte, en Guyane et à Saint-Martin. Le seul article consacré au schéma national d'orientation ne permettra pas de résoudre les difficultés connues dans les services publics et le manque d'hébergements d'urgence.

L'absence de dispositions contraignantes relatives aux futurs réfugiés climatiques, tout comme le nombre limité des dispositions relatives à l'intégration, est symptomatique de la faiblesse de la démarche prospective.

Nos amendements amélioreront la protection des mineurs, même accompagnés. Ils faciliteront la possibilité du co-développement partout où les États vacillent. Ils garantiront une plus grande qualité d'interprétariat et une meilleure répartition entre les centres de rétention administratifs. Ils confieront un rôle plus important aux élus locaux dans la procédure administrative, avec notamment la création d'un office des migrations à Saint-Martin.

Notre pays, sixième puissance mondiale, a les ressources matérielles et morales pour peser sur ses partenaires européens et dans le monde.

Le groupe RDSE s'opposera unanimement au texte dans sa forme actuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

M. Alain Richard .  - Ce débat nous incitera à échanger des visions politiques. Pour notre part, nous défendrons l'esprit du projet de loi : rester fermement engagé pour l'accueil des réfugiés politiques, renforcer notre capacité à maîtriser l'immigration économique. Un secteur de l'opinion réfute cette distinction, elle est pourtant nécessaire et équitable. Parler « d'exilés », c'est entrer dans le jeu des xénophobes qui les refusent les uns et les autres. C'est le choix des populistes xénophobes, celui qu'expriment parfois avec brutalité plusieurs gouvernements de l'Union européenne.

L'Europe, justement. Tout renvoyer vers l'Union pour s'abstenir de légiférer n'est pas une solution. Les traités ne donnent pas compétence à l'Union européenne pour statuer sur le droit des étrangers, ayons à l'esprit cette réalité déplaisante. Une action harmonisée supposerait un accord qui recueillerait l'adhésion de 27 gouvernements et de 27 parlements dont on sait les différences d'approche. L'Agence européenne de l'asile et du séjour que propose le président Macron exigera un effort que nous devons soutenir sans nous bercer d'illusions : si elle voit le jour, cela aurait été au prix de compromis difficiles, et souvent partiels. Nous ne pouvons pas nous dispenser de débattre et de décider pour notre propre droit.

Oui, il faut légiférer pour accélérer l'attribution du titre de réfugié à toute personne qui le justifie en donnant à chacun toutes les garanties du droit pour plaider sa cause dans un processus équitable - je veux d'ailleurs rendre hommage aux agents de l'Ofpra et aux magistrats de la CNDA.

Ce texte doit aussi donner à l'autorité publique les moyens d'éloigner du territoire les personnes dont il est jugé qu'elles n'ont pas la situation de réfugié politique. Laisser cette question irrésolue, ce qui est la tentation d'une partie des adversaires du texte, reviendrait à dénaturer le droit d'asile qui appartient à notre tradition protectrice venue des Lumières et de la Révolution. L'ouverture de notre sol à l'immigration se manifeste essentiellement par le droit de la réunion des membres de familles déjà sur le sol français, c'est la très nette majorité des entrées régulières sur notre sol et c'est là essentiellement que se déploie l'effort d'intégration. Accepter une immigration économique non maîtrisée, c'est se résigner à des situations de marginalité sociale et d'économie grise qui portent atteinte à notre cohésion sociale, sans parler des filières mafieuses et meurtrières. Cette action de maîtrise suppose un dialogue avec les pays d'origine. Le président de la République et le Gouvernement en ont fait un axe majeur de notre politique de développement. La réussite de cette politique ne dépend pas de la loi mais de l'action internationale de notre pays.

Il faut, en outre, traiter les situations les plus critiques de certains de nos départements d'outre-mer, nous soutiendrons l'amendement de notre collègue Mohamed Soilihi sur le droit de la nationalité spécifique à Mayotte.

Ce débat sera un test de volonté politique face au réel. Adopter un texte d'équilibre en soutenant une politique européenne et internationale de maîtrise des mouvements migratoires, c'est une prise de responsabilité ; le groupe LaREM l'assume avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Que représentons-nous ? Qui sommes-nous ? Nous sommes le Sénat de la République, pour le moment du moins. (Sourires) Nous représentons les collectivités territoriales. Selon les positivistes, le XXe siècle devait être celui de la prospérité de la Terre entière. Il a été le siècle des massacres, le siècle des guerres. Et que dire du XXI? Nous ne pouvons pas, depuis cet hémicycle, faire en sorte que tous vivent en paix dans un pays prospère. Il n'y a pas d'un côté, les généreux ; de l'autre, les égoïstes. Il faut se demander ce que nous sommes et ce que nous sommes capables de faire.

Pendant des années, en tant que rapporteur de ce budget à la commission des finances, j'ai inlassablement rappelé que pour faire ce qu'on disait, il fallait du pognon, comme dirait l'autre... Or il n'y en a pas ! On peut faire des textes merveilleux ; sans budget, les résultats seront nuls. Nous ne sommes plus la France des Trente glorieuses, la France sans déficit ni dette, qui pouvait offrir logement et travail à tous. Depuis trente ans, c'est le déficit, la dette, le chômage de masse... Et on continue à dire : « Nous pouvons accueillir tout le monde. »

Le droit d'asile ne date pas de la Révolution : il existait déjà au temps de la royauté. Sur 100 000 demandeurs, 25 ou 30 000 obtiendront le droit d'asile, seulement. Cela signifie qu'il est détourné par des filières pour faire entrer sur le territoire parce qu'il n'y a pas de reconduite à la frontière, Madame la Ministre. Cela donne cette sensation en France que tout migrant, régulier ou irrégulier, reste en France : que l'on ait fait toutes les étapes du parcours, appris le français, reçu une formation civique ou non.

Le rôle du Parlement, c'est de dire : voilà ce qui est possible. Je ne dis pas que c'est glorieux, que c'est merveilleux mais c'est notre responsabilité de ne pas fracturer encore davantage la société française. Hongrie, Autriche, Slovaquie : voulons-nous être le prochain ?

Il faut un texte mais pas le vôtre, Madame la Ministre, celui de la commission est mieux. On évoque des amendements de surenchère, le spectre des années trente. La comparaison sera recevable si nous montrions des défaillances. Notre responsabilité est d'abord envers le peuple français, dans sa diversité sociale et la diversité de ses origines. Pas d'illusions, les fractures sociales seront d'autant plus fortes que nous ne serons pas maîtres de notre situation et (tapant du poing sur le pupitre de l'orateur) je ne veux pas que la France soit l'Autriche. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC ; M. Daniel Chasseing et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)

M. Alain Marc .  - Au vu des difficultés que notre pays rencontre face aux flux migratoires, nous attendions une vision lucide des défis à relever. Ce ne sont pas de mesures techniques dont la France a besoin. Je salue la réécriture de la commission des lois : remplacement de l'AME par une aide médicale d'urgence, rétablissement de la visite médicale pour les étudiants étrangers, interdiction de la rétention des mineurs isolés, suppression de la circulaire Valls qui avait permis la régularisation de plus de 180 000 étrangers irréguliers.

Je me réjouis que les collectivités territoriales soient soutenues grâce à la création d'un fichier national biométrique des personnes déclarées majeures après leur évaluation par le département et à l'insertion des places d'hébergement des demandeurs d'asile dans le décompte des logements sociaux de la loi SRU. Il est grand temps de voter des mesures à la hauteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Claude Kern applaudit également.)

M. Pierre Charon .  - (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains) L'immigration est un sujet dont on parle beaucoup mais sur lequel on agit peu. L'actualité est là, sous nos yeux : frontières allégrement franchies par des navires traversant la Méditerranée des pays débordés et des opinions publiques inquiètes à qui l'on répond parfois par de la condescendance ou du mépris.

L'immigration recouvre des situations de détresse qui peuvent émouvoir, mais aussi des mafias, des passeurs, des trafiquants. L'immigration sauvage intéresse aussi les profiteurs, voire les terroristes.

Un pays qui maîtrise ses flux migratoires accueillera mieux ceux qui veulent s'intégrer. La France n'est pas une terre à prendre, c'est un pays à aimer. Certains sont même venus pour mourir pour elle - mais on ne les entend guère parce qu'ils ont l'humilité de ne pas prendre nos bonnes consciences en otage.

Mais il y a aussi la cohorte de ceux qui abusent. Mon pays n'est ni un numéro de sécu ni un distributeur de prestations que l'on obtient en cochant les cases d'un formulaire. Le projet de loi soumis au Sénat était inquiétant, car le « en même temps » peut être irresponsable, porteur de solutions boiteuses et floues. Nous refusons l'angélisme et préférons la responsabilité. Je me réjouis que les collectivités soient consultées sur les schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile. Combien de fois, des élus se sont vu imposer des centres d'hébergement ?

M. François Patriat.  - Et ça a bien marché !

M. Pierre Charon.  - La commission des lois a demandé, à raison, que toute décision définitive de rejet d'une demande d'asile soit considérée comme une obligation de quitter le territoire français.

Soyons francs sur les mots et évitons les contorsions de la censure. On dit « migrants » - alors qu'il faut parler de clandestins. « Délit de solidarité » ? Ce n'est qu'une violation de la loi. Aider sur les clandestins, ce serait bien, mais alerter sur la nécessité de frontières fortes, ce serait mal ? Voilà bien le résultat du terrorisme intellectuel qui a beaucoup sévi.

Je voterai le texte modifié par les amendements du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Dans ce texte, il faut rechercher un équilibre entre humanisme et laxisme. Aller d'un côté ou de l'autre, c'est risquer de dénaturer notre modèle d'intégration. Trop de laxisme, c'est méconnaître les réalités de la société française. Trop de répression, c'est méconnaître notre tradition française d'accueil ; se priver de talents, les priver de leurs droits fondamentaux.

Le sujet nécessite une approche mesurée. D'un côté, il faut rendre plus effectives les mesures d'éloignement et prendre en compte la dangerosité des candidats à l'asile. De l'autre, il faut accélérer les procédures et moderniser le droit des étrangers. Sur ce dernier point, nous croyons que le droit au travail est un vecteur particulièrement efficace, nous y reviendrons dans les amendements.

L'enjeu des migrations dépasse ces mesures techniques. Il se trouve en Europe, mais aussi dans les pays d'origine. Nous proposerons un amendement qui conditionne l'aide au développement à la coopération dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

Mme Jacqueline Gourault, ministre .  - Les mineurs non accompagnés sont un sujet de préoccupation pour l'État comme pour les départements. En 2017, 15 000 personnes ont été évaluées comme mineures sur les 54 000 qui ont fait l'objet d'une évaluation. Le chiffre a triplé depuis 2014, cette hausse pose des difficultés matérielles et financières considérables.

Le Gouvernement, après concertation avec l'Association des départements de France, veut que l'aide à l'enfance bénéficie à ceux qui en ont besoin. Ce sujet complexe et délicat n'a pas vocation à être abordé dans ce texte. Les négociations entre l'État et les départements, d'après les informations dont je dispose, aboutiront rapidement.

Le Gouvernement est très engagé dans une stratégie nationale et européenne sur la question des laissez-passer consulaires. Nous dialoguons avec de nombreux pays, en articulant restrictions de visas et projets de coopération. Nous avons renforcé le pilotage sur la délivrance des laissez-passer par la mise en place d'une task force, associant agents de la direction générale des étrangers en France et de la police aux frontières, pour harmoniser la saisine des consulats par nos préfectures. Nous avons signé des accords avec le Maroc, la Tunisie, la Guinée, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Sénégal notamment, dont nous mesurons déjà l'efficacité.

Une réunion des ministres de l'Intérieur à Luxembourg a traité de ces sujets la semaine dernière et du système de Dublin, qui doit être amélioré.

Comme l'a dit excellemment le sénateur Richard, il faut agir à la fois sur les plans national et européen - c'est pourquoi le ministre de l'Intérieur devait être aujourd'hui à Berlin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Joseph Castelli et Mme Michèle Vullien applaudissent également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER A

M. Pierre Laurent .  - Cet article est tout un symbole. D'emblée, au lieu de fixer de grands principes de notre politique d'accueil et de gestion des migrations, ce texte définit un quota d'étrangers, mettant en marche la machine à expulser et à ignorer les vies ainsi brisées. Nous sommes au coeur du problème : ce projet de loi refuse de regarder en face l'enjeu majeur de la migration, qui prend une ampleur inédite à l'heure des dérèglements mondiaux. Les humains ont toujours migré, pour fuir des conditions de vie indignes, pour en chercher de meilleures, pour fuir les persécutions. Le rapport annuel de l'Agence des Nations unies recense 65 millions de personnes déracinées à la fin de 2016 ; la plupart migrent du sud vers le sud.

Vous voulez de la libre circulation des capitaux, de la concurrence à outrance, du dumping social, du pillage économique, de la domination du monde par quelques grandes puissances - mais pas du droit humain à circuler et à vivre dignement, vous ne voulez pas entendre parler des responsabilités singulières de la France pour accueillir dignement et pour changer les règles de ce monde injuste et inégal.

Vous faites peur avec des chiffres, vous parlez d'invasion, d'appel d'air, alors que nous accueillons un peu plus de 200 000 personnes par an dans notre pays - 0,3 % de notre population ! Et vous ne dites pas que seulement 4 278 personnes ont été relocalisées en France selon le mécanisme adopté par le Conseil de l'Union européenne - loin, très loin de ce que nous devrions faire.

Il est indigne d'ouvrir ce projet de loi par un tel article qui contourne les droits humains les plus fondamentaux. C'est de coopération, de justice, de partage dont nous avons besoin : c'est le prix de la paix pour les décennies à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Pierre Ouzoulias .  - Après 1915, notre pays a accueilli 200 000 Arméniens fuyant le génocide perpétré par l'État turc - nombre d'entre eux ont défendu ensuite la France et sont tombés pour elle. Puis 700 000 Polonais sont venus apporter leurs bras à une industrie française saignée par la Première Guerre mondiale ; puis 600 000 Espagnols, chassés par le fascisme, qui défendaient la deuxième République espagnole que nous avions abandonnée, ont traversé les Pyrénées pendant l'hiver 1939, sans parler des Italiens, des Belges, des Portugais et de tous ceux qui ont contribué à faire de notre pays ce qu'il est aujourd'hui : une République de citoyennes et de citoyens unis dans la démocratie par des règles communes qu'ils se sont données.

Je passe sous silence les migrations passées telles qu'elles sont évoquées par le décor de la galerie des Conférences avec les Germains de sainte Geneviève et de Clovis, ou celles qui ont fait presque disparaître les premiers habitants des îles des Antilles ou encore tous ces échanges récents qui font qu'aujourd'hui un Français sur quatre a un parent d'origine étrangère.

L'identité de la France est à chercher ni dans un roman des origines, ni dans un discours historique national qui exclut, mais dans cette dynamique perpétuelle qui mêle les populations et les unit dans la défense des valeurs républicaines qui les dépassent.

« Dès qu'une chose est figée, elle est morte et remplacée », écrivait Hegel. Selon l'historien italien Massimo Montanari, l'identité n'existe pas à l'origine mais au terme du parcours.

Ma conscience républicaine est blessée quand vous présentez, par votre texte, l'immigration comme un mal dont il faudrait se prémunir, une maladie dont il faudrait se prémunir grâce à une politique nationale d'immigration et d'intégration conforme à l'intérêt national. L'intérêt de la nation est dans la recomposition permanente du corps civique, dans cet amalgame infini des différentes cultures. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Richard Yung .  - Cet article, introduit par la commission des lois, recycle une proposition du candidat Fillon : celle des quotas d'immigration. Il est politiquement inopportun, juridiquement contestable et économiquement inefficace. C'est ce que Pierre Mazeaud écrivait en 2008, en estimant que les quotas seraient peu efficaces pour cibler la main-d'oeuvre utile à notre économie, sans effet sur l'immigration clandestine et, s'agissant de l'asile ou du regroupement familial, incompatible avec nos principes constitutionnels et nos engagements internationaux.

À quoi serviraient les quotas ? L'immigration familiale est déjà bordée par notre Constitution. Qui peut dire, ensuite, ce que seront les besoins en matière d'immigration économique dans les trois ans à venir ? Enfin, nous avons intérêt à accueillir le plus d'étudiants possible.

Le véritable problème est celui de l'immigration clandestine, que ce texte refuse de traiter. C'est pourquoi nous ne le voterons pas.

M. Antoine Karam .  - Les flux migratoires ne se limitent pas au continent européen. En Guyane, à Mayotte, le système d'accueil et d'intégration est au bord de l'asphyxie. En trois ans, 11 000 demandes d'asile ont été enregistrées en Guyane, l'équivalent d'un million dans l'Hexagone !

C'est pourquoi nous voulons que le rapport prévu par cet article inclue des données sur les outre-mer. Il y a moins d'une semaine, un réseau de trafic de migrants lié à la République dominicaine était démantelé en Guyane, où l'on a pu voir qu'un même homme pouvait avoir organisé la fraude pour 618 demandes de régularisation.

M. Jean-Pierre Sueur .  - L'application de l'article 45, après les charmes de l'article 40, les beautés de l'article 41, tourne à la loterie. L'article premier A n'a aucun caractère législatif : on peut faire des débats au Parlement, certes ! Nous sommes là pour ça. Pourquoi les foudres de l'article 45 ne se sont-elles pas abattues en commission sur cet article, alors qu'elles ont fait montre de toute leur rigueur en s'appliquant à un amendement introduisant un article de même nature que j'ai déposé avec des collègues socialistes et orienté, lui, sur les principes de notre politique d'accueil ?

Pourquoi tel amendement est hors sujet, quand un autre, tout à fait comparable, est accepté ? C'est tout à fait aléatoire. Il fut un temps où le Parlement ne s'embarrassait pas de cet article 45. Ce n'était pas plus mal...

M. Richard Yung.  - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte .  - Cet article de M. Karoutchi précise que le droit au regroupement familial et que le droit d'asile doivent être respectés et qu'ils ne relèvent donc pas des quotas : encore heureux !

Sur les 240 000 primo-arrivants l'an passé, 87 000 relèvent du regroupement, dont 5 000 conjoints de Français, et 35 000 relèvent du droit humanitaire - le solde étant constitué des migrants économiques et des étudiants. Le Parlement fixerait-il le niveau de migration économique ? C'est idiot. Limiter l'attractivité française, le nombre d'étudiants qui devraient venir en France ? Nous avons délivré 240 000 visas en 2017...

M. Roger Karoutchi.  - 260 000 !

M. Jean-Yves Leconte.  - ... soit trois fois moins que la Pologne. Les quotas sont soit un trompe-l'oeil, soit une volonté de ne plus attirer les étudiants ni les talents.

M. Roger Karoutchi .  - Je suis admiratif. « Vous allez empêcher les talents d'entrer en France. ! » On ne doit pas vivre dans le même pays...

Mme Éliane Assassi.  - Vous n'accueillez pas beaucoup de réfugiés dans les Hauts-de-Seine !

M. Roger Karoutchi.  - En réalité, si ce n'est pas le Parlement qui décide, ce sera le Gouvernement. Et s'il décide de tout fermer, nous n'aurons rien à dire...

M. Charles Revet.  - Bien sûr !

M. Roger Karoutchi.  - Il y a des pays voisins où le Parlement a été très étonné des résultats des élections. Si un Gouvernement populiste venait à prendre le pouvoir, mieux vaut ne pas laisser la main à l'exécutif. Et qui peut dire que le Parlement sera plus restrictif que le Gouvernement ? Nous voulons un Sénat puissant, c'est au Parlement de décider des orientations de la politique des migrations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article premier A a tous les défauts qu'on peut en attendre, en fixant des objectifs improuvables. Vous appelez « étrangers » tous ceux qui demandent à entrer en France... Mais n'oubliez pas que la France associe droit du sol et droit du sang. Le tiers des entrées sur le territoire national concerne des ressortissants nationaux. Entre 2006 et 2016, le solde migratoire est passé de +123 000 à +33 000. Quelque 855 000 Français de 25-34 ans vivent à l'étranger. De fait, nombre d'étudiants sont allés travailler ailleurs, là où l'excellence de notre formation est reconnue...

Défendre cet article au nom des droits du Parlement ? Assumez plutôt vos sous-entendus, Monsieur Karoutchi.

M. Roger Karoutchi.  - Ce sont les vôtres ! Gardez-les pour vous !

M. le président.  - Amendement identique n°502, présenté par le Gouvernement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'article premier A, introduit par la commission des lois, réécrit l'article du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissant le contenu du rapport annuel remis au Parlement.

Plusieurs éléments, dont ceux relatifs à la politique européenne d'immigration et d'intégration, figurent déjà dans ce rapport.

L'introduction de « quotas » votés par le Parlement, pour chacune des catégories de séjour à l'exception de l'asile, ne résiste pas à un examen de sa faisabilité. Elle n'avait d'ailleurs pas été mise en oeuvre entre 2007 et 2012. La commission, présidée par Pierre Mazeaud, pour mener une réflexion sur cette politique, avait conclu, en juillet 2008, que les quotas seraient irréalisables.

Le Gouvernement est défavorable à une telle politique. En effet, l'immigration familiale est garantie par des principes figurant dans la Constitution, comme le droit à mener une vie familiale normale ou la liberté du mariage, et dans les conventions internationales.

Concernant l'immigration professionnelle, notre droit encadre l'emploi de nouveaux immigrés par la délivrance des autorisations de travail en fonction du marché du travail. Pour les talents internationaux et les étudiants étrangers, le Gouvernement a fait le choix de développer l'attractivité du territoire national pour ces publics compte tenu de leur apport à notre économie et au rayonnement de la France.

Enfin, les actions conduites par les collectivités territoriales peuvent être déjà ajoutées au rapport en tant que de besoin sans nécessité d'une modification législative.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression. Le Sénat s'est déjà prononcé en 2006 sur les politiques migratoires. Il faut une vision globale partagée par la représentation nationale et pas seulement issue de l'exécutif. La notion de quota n'est pas forcément rigide, elle peut viser les types de titres et non les pays d'origine. Nous manquons d'informations sur les régularisations. Nous souhaitons avoir des informations sur l'immigration liée au travail : depuis 2008, nous n'avons aucune information sur les métiers tendus.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous ne pouvons pas accepter une politique de quotas quoi qu'en dise M. Karoutchi. Nous privilégions les critères objectifs.

M. Roger Karoutchi.  - Ça n'existe pas !

M. Jean-Yves Leconte.  - Au total, 40 % des primo-arrivants seulement restent sur le territoire - mais la proportion est beaucoup plus faible pour les étudiants et les talents, les deux catégories sur lesquelles pourraient porter les quotas. Les critères objectifs sont la meilleure option.

Mme Michelle Gréaume.  - Quelles sont les intentions de ceux qui demandent des quotas ? En matière d'immigration, l'écart entre la réalité et les discours est très important. Nous avons découvert que notre pays était un pays d'émigration, car nos entreprises ne savent pas tirer parti des qualités de nos jeunes diplômés - elles préfèrent les dividendes. Ne négligeons pas le fait que notre pays reste pourtant un des plus riches du monde, ce qui laisse présumer que nous sommes capables de faire face à l'arrivée d'un flux de migration, surtout venant de pays dont nous avions fait nos colonies.

Au Mali, dont la population a quadruplé depuis l'indépendance et frôle les 20 millions d'habitants, le fait de partir à l'étranger est un passage obligé, le nombre de ceux qui séjournent dans les pays voisins, est bien plus important que ceux qui viennent en France.

La diaspora malienne en France, c'est entre 120 000 titulaires de cartes de séjour et 500 000 Maliens d'origine dont une partie naturalisée française. Regardez l'équipe de France de football... (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Micouleau.  - Et alors ?

M. le président.  - Veuillez conclure !

Mme Michelle Gréaume.  - La diaspora malienne compte aussi dans le BTP, y compris des Maliens sans papiers dont la présence est devenue incontournable, et n'oublions pas les transferts d'argent entre nos deux pays, loin d'être défavorable au nôtre...

M. le président.  - Merci à chacun de respecter le temps imparti.

M. Roger Karoutchi.  - On m'accusait de sous-entendus dans ma liste. Il s'agit de celle du Ceseda - je n'ai pas le sentiment d'avoir inventé quoi que ce soit ici...

Ce débat est surréaliste. Autant on peut définir des critères objectifs sur le droit d'asile, autant en matière d'immigration économique, cela équivaut à des quotas.

M. Michel Savin.  - Cela n'a pas de sens.

Mme Éliane Assassi.  - Ce ne sont pas des quotas !

M. Roger Karoutchi.  - Mieux vaut que le Parlement exerce son pouvoir plutôt que de laisser le Gouvernement définir de nouveaux critères.

M. Charles Revet.  - C'est la démocratie.

M. Roger Karoutchi.  - Pourquoi parler de la politique migratoire au Parlement serait-il attentatoire au pouvoir de l'exécutif ? Il n'y a rien de déshonorant, de réducteur ou d'infâme à cela.

M. André Reichardt.  - Je ne vois pas en quoi il serait interdit au Parlement de se prononcer sur une politique d'immigration sur la base de critères inscrits dans la loi. La réalité actuelle, c'est une politique à vau-l'eau, sans orientation claire, parce qu'on ne débat pas de critères. La seule alternative à l'absence de maîtrise que semble souhaiter M. Leconte, c'est que le Parlement fixe une politique claire.

M. Pierre Laurent.  - M. Karoutchi noie le poisson. Vos quotas seraient une façon de défendre les pouvoirs du Parlement ? Mais si, comme nous, vous voulez défendre le Parlement, prenons date pour la réforme constitutionnelle. Ici, ce n'est pas le sujet, notre différend, d'ordre philosophique, porte sur la politique d'accueil : vous la souhaitez restrictive et encadrée ; nous privilégions une autre vision. Voilà l'objet de ce débat. Assumez votre choix politique.

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Aborder le débat par la question des quotas est symptomatique d'un contexte où domine la peur. Or la peur, mauvaise conseillère, conduit à des renoncements et des reniements. L'incident de l'Aquarius a vu la France renier l'image qui était jusqu'alors la sienne à l'étranger.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos23 rectifié et 502 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°131 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 135
Contre 209

Le Sénat n'a pas adopté.

(M. Charles Revet s'en réjouit.)

M. le président.  - Amendement n°177 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas:

« Art. L. 111-10.  -  Chaque année, avant le 30 juin, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'asile, d'immigration et d'intégration.

« Ce rapport indique et commente les données quantitatives relatives aux cinq années précédentes, à savoir :

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement supprime la mention selon laquelle le rapport du Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration peut faire l'objet d'un débat annuel au Parlement. Cette mention n'a aucune valeur normative. Par ailleurs, cet amendement précise la date de remise de ce rapport et complète son intitulé pour y inclure l'asile.

M. le président.  - Amendement n°153 rectifié, présenté par MM. Meurant et Leroy.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

peuvent faire

par le mot :

font

M. Sébastien Meurant.  - Cet amendement est rédactionnel pour préciser que le Gouvernement fait les choses.

M. le président.  - Amendement n°167, présenté par Mmes Di Folco, Berthet, Deromedi et Eustache-Brinio, MM. Frassa, Karoutchi et Meurant, Mme Morhet-Richaud, M. Morisset, Mme Puissat et MM. Revet et Leroy.

Alinéa 3

Après le mot :

Gouvernement

insérer les mots :

, rendu avant le 1er juin de chaque année,

Mme Catherine Di Folco.  - La commission des lois a prévu l'organisation d'un débat annuel sur la politique migratoire et la remise, au préalable, d'un rapport sur la situation des étrangers en France, que le Gouvernement publie déjà, mais avec un certain retard : le rapport actuellement disponible a été publié en février 2017 et porte sur les données de... 2015. (M. Charles Revet s'en désole.)

Cet amendement impose au Gouvernement de rendre son rapport avant le 1er juin de chaque année.

À l'article 33 bis du projet de loi, l'Assemblée nationale avait prévu la remise d'un rapport avant le 1er octobre, date beaucoup trop tardive pour en prendre en compte lors de la préparation du projet de loi de finances.

M. le président.  - Amendement n°60 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Karam, Patient et Dennemont.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, en métropole et dans les outre-mer

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Les outre-mer, grands oubliés de ce projet de loi, totalisent à eux seuls plus de la moitié des reconduites à la frontière menées depuis le territoire français.

Les chiffres contenus dans le rapport du Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration éclairent le Parlement afin qu'il contrôle que les politiques migratoires conduites sont proportionnées à l'ampleur des entrées illégales dans notre pays. Dans les départements de Mayotte et de Guyane, il est évident que la lutte contre l'immigration clandestine menée jusqu'à présent est loin d'être à la hauteur de l'ampleur des entrées irrégulières qui ont lieu quotidiennement dans ces territoires.

Chaque année, à Mayotte, 20 000 personnes sont renvoyées de l'archipel comorien - contre 26 000 ailleurs en France. Le dernier rapport porte sur les données de l'année 2015. Il faudrait un rapport actualisé pour la préparation du projet de loi de finances.

M. le président.  - Amendement identique n°181 rectifié ter, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il a été excellemment défendu par notre collègue.

M. le président.  - Amendement identique n°515 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold.

M. Guillaume Arnell.  - Cet amendement incite le Gouvernement à se doter des moyens d'estimer le nombre d'étrangers présents dans les territoires d'outre-mer, plus exposés encore à la pression migratoire que le territoire national métropolitain.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°177 rectifié bis, car la commission souhaite ce débat.

Retrait de l'amendement n°153 rectifié, contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel de novembre 2003 sur l'ordre du jour des assemblées parlementaires.

Avis favorable à l'amendement n°167 qui précise la date de remise du rapport. Actuellement, le dernier rapport porte sur l'année 2015.

Quant aux amendements identiques nos60 rectifié, 181 rectifié ter et 515 rectifié : avis favorable, pour que les outre-mer ne soient pas les oubliés de ce rapport.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable à ces amendements puisque nous sommes défavorables à l'article. Chaque année, une publication intitulée « Les étrangers en France », dont la dernière édition date de 2016, inclut un chapitre sur les outre-mer qui décrit la situation dans chaque territoire.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le rapport de 2016 porte sur les chiffres de 2015.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Ce sont bien les chiffres de 2016.

M. Guillaume Arnell.  - Je veux bien vous croire, Madame la Ministre. Cependant, nous aurions préféré avoir ce rapport en amont des discussions. La non-prise en compte des outre-mer en matière d'immigration est un problème récurrent, sur laquelle les autorités françaises ont été alertées à de nombreuses reprises, notamment par l'eurocommissaire aux réfugiés et le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.

L'amendement n°177 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°153 rectifié est retiré.

L'amendement n°167 est adopté.

Les amendements identiques nos60 rectifié, 181 rectifié ter et 515 rectifié sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°168, présenté par Mmes Di Folco, Berthet, Deromedi et Eustache-Brinio, MM. Frassa, Karoutchi et Meurant, Mme Morhet-Richaud, M. Morisset, Mme Puissat et MM. Revet et Leroy.

Alinéa 5

Après le mot :

accordés

insérer les mots :

ou retirés

Mme Catherine Di Folco.  - Le rapport sur la situation des étrangers en France devrait préciser le nombre de titres de séjour retirés par les préfectures, outre le nombre de titres de séjour délivrés.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°168 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°169, présenté par Mmes Di Folco, Berthet, Deromedi et Eustache-Brinio, MM. Frassa, Karoutchi et Meurant, Mme Morhet-Richaud, M. Morisset, Mme Puissat et MM. Revet et Leroy.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Le nombre de mineurs isolés étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, et les conditions de leur prise en charge ;

Mme Catherine Di Folco.  - Le Gouvernement et les députés ont exclu du projet de loi la thématique des mineurs isolés, chère aux départements. À l'inverse, la commission des lois du Sénat a prévu la création d'un fichier national biométrique des étrangers déclarés majeurs à l'issue de leur évaluation par un département.

Notre amendement inclut cette thématique dans le rapport annuel.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable. Le Sénat s'était engagé sur cette question. (Marques d'approbation sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable. Je me suis longuement expliquée sur ce point.

L'amendement n°169 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°179 rectifié ter, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Le nombre d'autorisations de travail accordées ou refusées ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement prévoit que le rapport annuel devra indiquer le nombre d'autorisations de travail demandées par et délivrées aux demandeurs d'asile.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable, d'autant que l'amendement a été rectifié comme nous l'avions demandé.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°179 rectifié ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°180 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Le nombre d'étrangers mineurs ayant fait l'objet d'un placement en rétention et la durée de celui-ci ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous faisons figurer dans le rapport annuel le nombre de mineurs ayant fait l'objet d'un placement en rétention et la durée de ces placements en rétention.

M. le président.  - Amendement n°178 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« k) Le nombre de contrats souscrits en application des articles L. 311-9 et L. 311-9-1 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous faisons figurer dans le rapport le nombre de contrats d'intégration républicaine souscrits.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable à ces amendements. Nous reviendrons sur ces sujets ultérieurement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable à ces amendements qui inscrivent dans la loi des choses qui sont déjà dans les rapports. Quand on parle de lois bavardes...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Bavardes, mais utiles.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - C'est une initiative du Gouvernement !

L'amendement n°180 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°178 rectifié bis est adopté.

Les amendements nos496 et 497 ne sont pas défendus.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

M. le président.  - Amendement n°182 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 22

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Yves Leconte.  - Avec cet amendement, nous vous demandons une dernière fois de renoncer à la politique déraisonnable des quotas. Comment attirer des étudiants étrangers et des talents dans ces conditions ? Est-ce au Parlement, au Gouvernement, de décider des besoins des entreprises ? Si ces personnes veulent venir en France créer de la richesse, pourquoi s'en priver ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

M. Roger Karoutchi.  - Pour m'être longtemps occupé des transferts d'étudiants, je peux vous assurer que le problème est avant tout lié aux conditions d'accueil dans nos universités, au niveau de celles-ci et au coût de la vie à Paris - bref, à notre attractivité. Je suis prêt, si ces quotas sont maintenus, à envisager une hausse pour les étudiants. Il faut faire pièce aux pays anglo-saxons qui font tout pour attirer les meilleurs.

M. Jean-Yves Leconte.  - Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec vous : il faudrait donner les moyens à nos universités d'être attractives. Votez donc cet amendement !

L'amendement n°182 rectifié bis n'est pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article premier A, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°132 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 209
Contre 134

Le Sénat a adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°404 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme de la Gontrie, M. Féraud, Mme Lienemann, M. Jomier, Mmes Préville, Conway-Mouret et Conconne, MM. Cabanel et Antiste, Mme Ghali, MM. Temal et Tourenne, Mme Lubin, M. Vallini, Mme Lepage, MM. Manable, Houllegatte et Daudigny, Mmes Jasmin et Artigalas, M. Tissot, Mme Espagnac, MM. Dagbert, Iacovelli, Magner et Courteau, Mme Meunier, M. Durain et Mme Taillé-Polian.

A.  -  Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- La République garantit à toute personne résidant sur son territoire, quelle que soit sa nationalité et sa situation au regard du droit au séjour, les droits suivants :

1° Le droit à la prise en charge des soins, dans le cadre de l'aide médicale de l'État mentionnée à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles et de la prise en charge des soins urgents prévue par l'article L. 254-1 du même code ;

2° Le droit à l'hébergement d'urgence pour toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, dans les conditions prévues par l'article L. 345-2-2 du même code ;

3° Le droit aux prestations de l'aide sociale à l'enfance prévues par le titre II du livre II du même code, lorsque la situation de l'enfant l'exige ;

4° Le droit à l'éducation, mentionné au titre Ier du livre Ier de la première partie du code de l'éducation ;

5° Le droit à l'aide juridique, dans les conditions prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

6° Le droit de se marier, dans les conditions définies au titre V du livre Ier du code civil.

II. - Les personnes assurant la mise en oeuvre de ces droits ne peuvent être tenues de prêter leur concours à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Les données à caractère personnel relatives aux étrangers en situation irrégulière collectées dans le cadre de la mise en oeuvre de ces droits ne peuvent être traitées ou communiquées dans le but de faciliter l'éloignement de ces étrangers.

III.  -  L'État assure à l'étranger la connaissance de ces droits.

B.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre...

Droits inconditionnels des étrangers résidant sur le territoire

M. David Assouline.  - Chers collègues, je voudrais que vous mesuriez l'état du monde et notre responsabilité. Nous vivons un moment particulier : voyez les politiques menées aux États-Unis, les enfants séparés de leurs parents, enfermés dans des cages, en Italie ou en Europe de l'Est. Cela sent très mauvais. Face à ce danger raciste et populiste qui rappelle des périodes sombres, être plus ferme est-il un rempart ? Cela fait vingt ans que l'on fait la même chose. Depuis trente ans, on durcit la législation au motif qu'il faut faire face au Front national. Et le FN n'a cessé de monter !

Quand l'Espagne fait ce qu'elle a fait, elle allume une bougie, un rayon de soleil dans une Europe menacée par les ténèbres. (Marques d'impatience à droite)

Cet amendement rappelle en un article les droits fondamentaux inaliénables garantis aux réfugiés.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Les bonnes intentions de cet amendement sont manifestes mais les droits visés existent déjà et leur énumération ne saurait être exhaustive. Avis défavorable, faute de caractère normatif. Peut-être pourriez-vous le retirer ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Votre démarche est louable mais l'amendement ne relève pas exclusivement de la politique d'immigration puisque ces droits sont garantis à toute personne résidant en France, quelle que soit sa nationalité. Ainsi, le droit à l'hébergement d'urgence a sa place dans le Code de l'action sociale et des familles, non dans le Ceseda. Avis défavorable. Il serait bon que vous le retiriez.

M. David Assouline.  - Les amendements humanistes devraient être retirés ?

Lors du débat sur la SNCF, le Gouvernement assurait que le caractère public de l'entreprise était garanti ; pourtant, devant le doute, nous l'avons précisé dans la loi.

Il existe un socle de droits inaliénables qu'il est bon de rappeler. Le respect de la dignité de celui qui vit sur notre territoire, quelle que soit sa nationalité, doit être réaffirmé en ce moment particulier. C'est la tradition française quand il s'agit d'enjeux aussi importants pour l'humanité.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Notre groupe partage le constat dramatique de la situation européenne. Nul n'imaginait qu'il y aurait un jour dans notre Europe des pays où les règles démocratiques ne sont pas l'évidence, je pense à la théorie de l'illibéralisme en Hongrie notamment. On ne peut se satisfaire de la fracture naissante entre l'Europe de l'Ouest et de l'Est, entre l'Europe du Sud et l'Europe du Nord. Ma réponse est politique : il faut soutenir l'État de droit - le travail du rapporteur va dans ce sens - et oeuvrer en Europe pour contrer cette évolution. Ce sera l'enjeu du Conseil européen des 26 et 27 juin. Gardons le contact pour arriver à un dénominateur commun, même si ce sera difficile.

L'amendement n°404 rectifié n'est pas adopté.

présidence de M. David Assouline, vice-président

ARTICLE PREMIER (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° L'article L. 313-11 est ainsi modifié :

a) Le 10° est abrogé ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« ...° À l'étranger résidant habituellement en France, dont la décision fixant le pays de renvoi a fait l'objet d'une annulation ou lorsque l'autorité compétente n'a pas exécuté la mesure d'éloignement depuis deux ans à la condition que cette impossibilité ne résulte pas de l'obstruction volontaire de l'étranger. » ;

2° L'article L. 313-13 est abrogé ;

3° À la fin de la première phrase du 2° de l'article L. 313-18, les mots : « ainsi qu'à l'article L. 313-13 » sont supprimés ;

4° La section 3 est complétée par des sous-sections 5 et 6 ainsi rédigées :

« Sous-section 5

« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille

« Art. L. 313-25.  -  Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :

« 1° À l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ;

« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ;

« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;

« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;

« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.

« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire de la protection subsidiaire?. La carte délivrée en application des 2° à 5° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire?.

« Le délai pour la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à compter de la décision d'octroi de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile est fixé par décret en Conseil d'État.

« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

« Sous-section 6

« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires du statut d'apatride et aux membres de leur famille

« Art. L. 313-26.  -  Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :

« 1° À l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application du titre Ier bis du livre VIII ;

« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale en application de l'article L. 812-5 ;

« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande du statut d'apatride, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;

« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;

« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride est un mineur non marié.

« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire du statut d'apatride?. La carte délivrée en application des 2° à 5° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire du statut d'apatride?.

« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. »

M. Pascal Savoldelli.  - Rare avancée du texte, cet article, supprimé par la commission, crée deux nouvelles cartes de séjour pluriannuelles, d'une durée de quatre ans, au profit des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides ainsi que de leurs familles, qui se substituent aux cartes de séjour « vie privée et familiale » d'un an. Cela sécurise le droit au séjour des bénéficiaires en facilitant leur intégration et leurs démarches administratives. Notons que treize pays européens accordent des titres d'une durée de trois à cinq ans. Cela réduira également le nombre de recours contre les décisions de l'Ofpra et de la CNDA.

Nous améliorons le dispositif prévu par le Gouvernement en accordant une carte de séjour d'un an aux étrangers qui sont dans l'impossibilité de quitter le territoire français depuis deux ans.

M. le président.  - Amendement n°184 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le 10° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-13 sont abrogés ;

2° À la fin de la première phrase du 2° de l'article L. 313-18, les mots : « ainsi qu'à l'article L. 313-13 » sont supprimés ;

3° La section 3 est complétée par des sous-sections 5 et 6 ainsi rédigées :

« Sous-section 5

« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille

« Art. L. 313-25.  -  Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :

« 1° À l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ;

« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ;

« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;

« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;

« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.

« 6° À ses collatéraux au deuxième degré dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.

« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire de la protection subsidiaire?. La carte délivrée en application des 2° à 6° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire?.

« La carte de séjour pluriannuelle est délivrée dans un délai d'un mois à compter de la décision d'octroi de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile.

« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

« Sous-section 6

« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires du statut d'apatride et aux membres de leur famille

« Art. L. 313-26.  -  Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :

« 1° À l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application du titre Ier bis du livre VIII ;

« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale en application de l'article L. 812-5 ;

« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande du statut d'apatride, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;

« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;

« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride est un mineur non marié.

« 6° À ses collatéraux au second degré dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3.

« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire du statut d'apatride?. La carte délivrée en application des 2° à 6° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire du statut d'apatride?.

« La carte de séjour pluriannuelle est délivrée dans un délai d'un mois à compter de la décision d'octroi du statut d'apatride par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile

« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. »

M. Didier Marie.  - Nous rétablissons l'article premier, l'une des rares mesures positives de ce projet de loi, d'autant que les arguments pour justifier sa suppression nous semblent infondés. Certes, les titres de séjour en cause ont été réformés il y a moins de trois ans, sans évaluation depuis, mais il en va de même de la plupart des dispositions du texte !

Nous apportons quelques modifications au texte de l'Assemblée nationale : délivrance de la carte pluriannuelle aux frères et soeurs des étrangers mineurs bénéficiaires de la protection subsidiaire et du statut d'apatride, pour éviter qu'ils ne se retrouvent sans titre de séjour à leur majorité - et encadrement du délai de délivrance de la carte.

M. le président.  - Amendement n°416, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le 10° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-13 sont abrogés ;

2° À la fin de la première phrase du 2° de l'article L. 313-18, les mots : « ainsi qu'à l'article L. 313-13 » sont supprimés ;

3° La section 3 est complétée par des sous-sections 5 et 6 ainsi rédigées :

« Sous-section 5

« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille

« Art. L. 313-25. - Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :

« 1° À l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ;

« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ;

« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;

« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;

« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.

« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire de la protection subsidiaire?. La carte délivrée en application des 2° à 5° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire?.

« Le délai pour la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à compter de la décision d'octroi de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile est fixé par décret en Conseil d'État.

« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

« Sous-section 6

« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires du statut d'apatride et aux membres de leur famille

« Art. L. 313-26. - Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :

« 1° À l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application du titre Ier bis du livre VIII ;

« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale en application de l'article L. 812-5 ;

« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande du statut d'apatride, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;

« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;

« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride est un mineur non marié.

« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire du statut d'apatride?. La carte délivrée en application des 2° à 5° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire du statut d'apatride?.

« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. »

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement souhaite rétablir la rédaction initiale. L'amélioration de la situation des personnes qui se voient reconnaître une protection subsidiaire est l'une des mesures phares du texte. C'est une mesure de simplification et une sécurisation de leur droit au séjour.

M. le président.  - Amendement identique n°435 rectifié, présenté par M. Bargeton et les membres du groupe La République En Marche.

M. Julien Bargeton.  - Accorder quatre ans au lieu d'un an est facteur d'intégration. Je ne crois pas à l'appel d'air. Ces deux statuts répondent à des critères précis ; il faut, pour obtenir la protection subsidiaire, être pourchassé et risquer la peine de mort. En général, ces situations ne changent pas au bout d'un an !

Une telle mesure simplifiera le travail des services des préfectures.

M. le président.  - Amendement identique n°516 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, Carrère et Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold.

Mme Maryse Carrère.  - L'article premier, supprimé par la commission des lois, était l'un des seuls à renforcer l'accueil des demandeurs d'asile. La différence de traitement entre réfugiés et personnes admises à la protection subsidiaire place ces derniers en situation d'insécurité juridique. La durée de protection peut s'avérer inférieure à la durée des procédures ! Le maintien de deux régimes administratifs pose problème. En outre, cette mesure désengorgera la CNDA et l'Ofpra.

L'amendement n°172 rectifié est retiré.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement n°5 prévoit de régulariser des étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement non exécutées depuis deux ans. Vu la situation en la matière, il entraînerait de très nombreuses régularisations !

La commission a préféré en rester au droit en vigueur, notamment parce que les titres de séjour ont été réformés il y a moins de trois ans. Le droit en vigueur est conforme à la directive européenne dont l'article 16 prévoit que la protection subsidiaire est conditionnée à l'évolution de la situation personnelle des bénéficiaires. C'est le statut de réfugié qui doit primer.

Enfin, le dispositif prévu par le Gouvernement est paradoxalement moins protecteur pour les 1 500 apatrides, souvent oubliés des politiques publiques. Avis défavorable aux amendements nos5, 184 rectifié, 416, 435 rectifié et 516 rectifié.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable aux amendements nos5 et 184 rectifié. Favorable aux amendements nos435 rectifié et 516 rectifié, identiques à celui du Gouvernement.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. Didier Marie.  - L'amendement n°184 rectifié est plus complet que celui du Gouvernement, avec la délivrance de la carte de séjour sous un mois. En allouant des visas de quatre ans aux bénéficiaires, on facilite leur intégration et leur vie familiale.

L'amendement n°184 rectifié n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos416, 435 rectifié et 516 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article premier demeure supprimé.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°185 rectifié ter, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 10° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « La carte de séjour est délivrée dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision reconnaissant le statut d'apatride par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile. »

M. Didier Marie.  - Amendement de repli qui encadre dans la loi le délai de délivrance de la carte de séjour temporaire pour le bénéficiaire du statut d'apatride.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Fichtre !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable. Cela relève du niveau réglementaire. Vous introduisez des délais dérogatoires au droit commun selon lequel la décision de rejet est implicite au-delà de quatre mois. L'intérêt est d'autant plus limité que, dans l'attente de la délivrance de la carte de séjour, le demandeur reçoit un récépissé qui lui ouvre les mêmes droits que celle-ci.

L'amendement n°185 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°187 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « La carte de séjour est délivrée dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision accordant le bénéfice de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile. »

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement de repli encadre le délai de délivrance de la carte pour le bénéficiaire de la protection subsidiaire. Ce ne sera pas la seule mesure de niveau réglementaire du texte !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°187 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 2

Mme Michelle Meunier .  - Le titre de ce projet de loi sonne comme une incantation. Pour autant, le texte de l'Assemblée nationale, remanié par la commission des lois du Sénat, durcit le dispositif régissant l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers. La Commission nationale des droits de l'homme l'a jugé très dangereux.

L'esprit est loin de la lettre, surtout quand il s'agit des enfants. Leur enfermement choque nos concitoyens, témoignage d'un reliquat d'humanité dans nos civilisations rendues folles par le besoin de réguler les allers et venues des plus faibles.

Le groupe socialiste se mobilisera contre l'enfermement des mineurs et pour la protection des enfants.

M. le président.  - Amendement n°186 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le d du 8°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Ses collatéraux du deuxième degré dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié. » ;

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement étend le bénéfice de la carte de résident aux frères et soeurs de l'étranger mineur qui a obtenu le statut de réfugié, sans quoi ces derniers se trouveraient sans titre de séjour à leur majorité et seraient contraints de quitter la France où ils ont suivi leur scolarité.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission a supprimé les dispositions prévues par le Gouvernement en la matière.

La question est délicate, mais le droit en vigueur est conforme à la directive européenne. Les frères et soeurs ont toujours la possibilité de déposer eux-mêmes une demande d'asile ou de solliciter un visa asile.

Enfin, nous savons, même si c'est difficile à dire, que les réseaux tirent profit de telles dispositions : le mineur deviendrait un objet utilisé pour favoriser l'immigration illégale...

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je suis étonné de cette réponse. Quelle que soit la directive européenne, nous considérons qu'il faut que les frères et soeurs d'un enfant protégé puissent rester sur le territoire après leur majorité. Oui, il y a des risques. Mais on constate que le nombre de personnes bénéficiant légitimement d'une protection a augmenté. Comment les intégrer ?

M. Roger Karoutchi.  - M. Leconte nous demande de respecter les directives européennes, mais quand on le fait, il trouve cela insuffisant ! En trois ou quatre ans, la charge liée aux mineurs isolés a été multipliée par cinq ou dix selon les départements. Nous savons que les passeurs en jouent, c'est la réalité !

Si nous avons davantage accordé le statut de réfugié ces dernières années, c'est que le nombre de demandeurs d'asile provenant de zones de guerre a explosé. C'est bien la preuve que nous ne menons pas une politique restrictive en la matière.

M. Jean-Yves Leconte.  - Ce n'est pas le sujet !

L'amendement n°186 rectifié n'est pas adopté.

Les amendements nos417, 437 et 188 rectifié bis sont retirés.

M. Jean-Yves Leconte.  - La discussion a dévié sur les mineurs isolés mais notre amendement traitait des frères et soeurs de mineurs protégés qui devront quitter le territoire à leur majorité, alors qu'ils y sont entrés de manière régulière. C'est dommage.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. Richard Yung .  - Je déplore la suppression par la commission des lois du dispositif visant à étendre la réunification familiale aux frères, soeurs, demi-frères et demi-soeurs des mineurs protégés.

M. Karoutchi ne m'a pas convaincu. Les enfants qui sont sur notre territoire, nous n'allons pas les mettre dans des cages comme certains pays dits « civilisés »... La directive Qualification n'interdit en rien l'introduction de dispositions plus généreuses dans le droit national.

M. le président.  - Amendement n°452 rectifié, présenté par Mme Eustache-Brinio, M. Bazin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Karoutchi, Mme Lanfranchi Dorgal, M. H. Leroy, Mme Puissat, M. Sol, Mme Gruny, MM. Kennel, Cardoux, Sido, Laménie et Paccaud, Mme Lassarade, M. Meurant et Mme Lamure.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au 3° du I, le mot : « dix-neuf » est remplacé par le mot : « dix-huit » ;

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Un mineur devenu majeur peut déposer une demande d'attribution de la protection subsidiaire ou du statut d'apatride indépendamment de ses parents.

Cet amendement restreint, en conséquence, la réunification aux seuls mineurs, en supprimant la phase intermédiaire entre 18 et 19 ans.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission s'est assuré de l'absence d'impact sur d'autres dispositions du droit des étrangers ; avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement souhaite maintenir les dispositions de la loi de 2015 sur la réunification familiale, qui sont conformes à la directive « Qualification ». Avis défavorable.

Mme Éliane Assassi.  - Oui, on ne peut pas accepter ça !

L'amendement n°452 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 3

Rétablir le a dans la rédaction suivante :

a) L'avant-dernier aline?a du I est comple?te? par les mots : « , accompagne?s le cas e?che?ant par leurs enfants mineurs non marie?s dont ils ont la charge effective » ;

Mme Michelle Gréaume.  - Cet article sur la réunification familiale est la seule avancée de ce projet de loi. Cette procédure est fondée sur le principe de l'unité de la famille. Un amendement du sénateur Karoutchi, adopté en commission des lois, a supprimé la mesure au prétexte d'un « appel d'air ». Les frères et soeurs, dites-vous, peuvent toujours demander l'asile. Quelle ironie quand on parle d'enfants mineurs, vu les difficultés de la procédure !

L'amendement n°128 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°189 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Didier Marie.  - Cet amendement rétablit la disposition qui permettra aux mineurs isolés ayant obtenu le statut de réfugié de faire venir leurs frères et soeurs en France. « Un appel d'air pour des flux migratoires toujours plus importants » ? Voilà une illustration de la confusion qu'entretient la droite sur ce sujet : nous parlons de réunification familiale, et non de regroupement familial, dont ont bénéficié, en 2016, 4 319 personnes. L'appel d'air se chiffre à 0,006 % de la population française...

M. le président.  - Amendement identique n°512 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.

M. Julien Bargeton.  - Cet amendement rétablit l'extension du regroupement familial dont M. Yung regrettait la suppression. Comment peut-on défendre le principe du droit d'asile sans soutenir la réunification familiale ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Pas moins de 2 700 personnes bénéficient de la protection. Il faut tenir compte non seulement du flux, mais des bénéficiaires déjà présents. On peut comprendre les intentions généreuses.

M. Pierre Laurent.  - Ce n'est pas l'invasion !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Prenons en compte le risque de mettre des enfants dans les mains des passeurs.

M. Jean-Yves Leconte.  - Et que fait-on contre les passeurs ?

Mme Éliane Assassi.  - Rien...

M. Jean-Yves Leconte.  - On laisse les enfants seuls face à eux ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Il s'agit de préserver l'unité de la famille pour quelques cas seulement. On ne peut pas placer des parents devant ce dilemme de séparer leur famille, en en laissant une partie au pays. Cette disposition concernera peu de monde : en 2017, 357 mineurs ont reçu la protection de l'Ofpra. Ceux qui brandissent la menace d'un appel d'air la confondent avec les mineurs isolés qui demandent la protection de l'enfance, au nombre de 54 000. En 2017, 2 380 personnes ont bénéficié de la réunification familiale, 83 478 personnes du regroupement familial. Avis favorable à l'ensemble des amendements.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Revenons-en à la sémantique. Nous avons eu droit à la submersion, au raz-de-marée, au déferlement, au tsunami et maintenant à l'appel d'air. Les métaphores météorologiques sont dérisoires au vu des chiffres avancés par la ministre. Il s'agit d'êtres humains, non de substances compactes à caractère liquide ou gazeux. La sémantique, c'est de la politique. Un droit existe. Ne créons pas une autre réalité. M. Gérard Collomb expliquait, devant la commission des lois, que ces pauvres migrants faisaient du benchmarking depuis leurs rafiots en Méditerranée.

Mme Michèle Vullien.  - Ce sont les passeurs qui le font !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est intolérable. C'est en se dotant de moyens plus solides que l'Europe mettra fin à l'activité des passeurs. Mieux vaudrait renforcer Frontex que de déblatérer sur des êtres humains réduits à des éléments météorologiques.

M. Roger Karoutchi.  - Dans un débat, il ne faut pas travestir les propos des uns et des autres. Je n'ai jamais parlé que des êtres humains. En quoi sont-ils traités comme tels quand ils vivent dans des campements à la périphérie de nos villes ? Renforcer Frontex ? Mais cela fait des années que nous l'attendons. (M. Jean-Pierre Sueur le confirme.) Vous rendez-vous compte que le revenu des passeurs est supérieur aux revenus pétroliers de la Libye ? (Mme Esther Benbassa ironise.) Ils gagnent un pognon fou !

M. Pierre Laurent.  - Monsieur Karoutchi, tsunami, raz-de-marée, ces mots ont été largement employés par votre famille politique. Nous nous félicitons que vous ne les ayez pas repris dans ce débat. Le drame de l'Aquarius y est peut-être pour quelque chose.

Pour lutter contre les passeurs, il faudrait créer des voies légales d'immigration internationalement sécurisées. On le dit depuis les ONG jusqu'à l'ONU.

M. Jean-Yves Leconte.  - Monsieur Karoutchi, dans l'objet de l'amendement que vous avez présenté en commission, il était question d'une « explosion de l'immigration » si l'on faisait venir les parents et la fratrie. C'est de la fake news ! Mieux vaut faire en sorte qu'un mineur protégé en France puisse être avec les siens.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Pourquoi dispenser les frères et soeurs de la procédure de reconnaissance de leur statut de réfugié, d'autant qu'ils ont toutes les chances de l'obtenir ? La mesure, introduite à l'Assemblée nationale, que personne ne demandait, n'a pas empêché la France de respecter intégralement ses devoirs jusqu'à présent.

À la demande du groupe SOCR, les amendements identiques nos34, 189 rectifié bis et 512 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°133 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 135
Contre 208

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°58 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski et Cambon, Mme Lavarde, M. Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mme Deseyne, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Boyer, Mmes Chain-Larché et Delmont-Koropoulis, MM. Dominati, Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido, Vogel et Cardoux et Mme Lamure.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Le dernier alinéa du I est ainsi rédigé :

« L'âge de l'enfant demandeur d'asile ou rejoignant le demandeur d'asile est apprécié à la date à laquelle le demandeur d'asile au titre de la réunification familiale obtient une réponse de l'office français de protection des réfugiés et apatrides. » ;

M. Roger Karoutchi.  - Question de date : l'Ofpra préférerait, pour des raisons techniques, qu'on prenne en compte celle où il donne sa réponse à la demande de réunification plutôt que celle à laquelle l'intéressé fait sa demande.

M. le président.  - Amendement identique n°84, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

M. Dany Wattebled.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°190 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au dernier alinéa du I, les mots : « de réunification familiale » sont remplacés par les mots : « d'asile » ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Je propose l'inverse ! Vous êtes incohérents.

M. Charles Revet.  - Parlez pour vous.

M. Jean-Yves Leconte.  - Vous n'avez pas mis à la porte vos enfants du jour au lendemain. Ils ont besoin d'accompagnement, vous le savez bien. Il est inacceptable que l'on puisse apprécier l'âge auquel ces enfants pourront rejoindre leur famille au moment où la réponse de l'Ofpra a été donnée.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Actuellement, la demande de réunification est appréciée à la date de la demande. Les amendements identiques nos58 rectifié bis et 84 proposent de l'apprécier plus tard, au moment de l'autorisation ; celui de M. Leconte avant, à la date de la demande d'asile. Avis favorable aux amendements identiques nos58 rectifié bis et 84. Avis défavorable à l'amendement n°190 rectifié bis.

Mme Esther Benbassa.  - C'est étonnant !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable à tous les amendements.

Les amendements identiques nos58 rectifié bis et 84 sont adoptés.

L'amendement n°190 rectifié bis n'a plus d'objet.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.