Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Cette séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook. J'appelle chacun au respect du temps et de la courtoisie.

Rachat de terres agricoles

M. Joël Guerriau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) En 2016, l'acquisition par une société chinoise de 1 700 hectares de terres agricoles nous faisait prendre conscience des enjeux alimentaires de la mondialisation. Cette année encore, un conglomérat chinois a racheté 3 000 hectares pour cultiver du blé. Ces pratiques posent problème : les fonds de gestion chinois créent des sociétés pour contourner le contrôle par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), les terres sont achetées à des exploitants endettés, à des prix inabordables pour les jeunes agriculteurs repreneurs, et la production est destinée à l'export.

Le législateur a élargi le contrôle des Safer sur la cession des parts, mais uniquement lorsque la cession concerne 100 % de celles-ci. C'est aisé à contourner, en cédant 98 %.

Le président de la République a annoncé des verrous réglementaires pour limiter ce phénomène qui met en jeu notre souveraineté. Que compte faire le Gouvernement pour protéger notre indépendance alimentaire et faciliter la reprise des terres agricoles par de jeunes agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs des groupes UC et RDSE)

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Ces récentes acquisitions de terres agricoles françaises par des étrangers ont suscité émoi et interrogations. En réalité, les investissements étrangers représentent moins de 1 % des transactions. Difficile donc de parler d'accaparement... Cela relève d'une stratégie d'investissement, qui est aussi celle de nos opérateurs à l'étranger.

Néanmoins, la vigilance et la transparence sont de mise. Les stratégies de contournement observées démontrent que nos outils de régulation sont inadaptés. Le droit de préemption des Safer a été renforcé pour l'acquisition de la totalité des parts d'une société, mais cela est contourné par le biais de cessions partielles.

Nous comptons bien avancer sur ce sujet, en nous appuyant sur la mission d'information de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Joël Guerriau.  - Comme le dit un proverbe chinois, il est trop tard pour se boucher les oreilles quand le tonnerre éclate. Il faut sanctuariser nos terres pour éviter le pire demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

Gabegie des mutuelles

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Au cours du précédent quinquennat, plusieurs mesures ont complexifié l'univers merveilleux des complémentaires santé, comme la loi Le Roux qui a généralisé les réseaux de soins, l'obligation des contrats collectifs qui a dégradé la couverture des retraités et accru la pression fiscale de 1 milliard d'euros par an pour les salariés, ou encore le plafonnement du remboursement des soins médicaux des contrats responsables.

Selon l'UFC-Que Choisir, les frais de complémentaire santé ont augmenté trois fois plus vite que l'inflation sur la dernière décennie. Selon la Cour des comptes, les frais de gestion s'élevaient en 2016 à 7,2 milliards d'euros, dont 3 milliards pour la publicité...

La réforme du reste à charge zéro et la remise à plat des complémentaires santé sont les deux facettes d'une même médaille : elles ne peuvent être traitées séparément, sauf à alourdir la part des cotisations dans le budget des ménages.

Comment comptez-vous encadrer la lisibilité des offres de complémentaire santé et exiger plus de transparence sur les frais de gestion ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Les complémentaires santé couvrent 95 % de nos concitoyens. L'enquête UFC-Que Choisir rapporte une hausse de 47 % de leurs prix en onze ans ; un tiers de cette hausse s'explique par l'évolution de la fiscalité, une part par l'augmentation des dépenses de santé, de 2 % par an, mais les frais de gestion augmentent plus vite que les remboursements.

Le Gouvernement est favorable à plus de transparence et de concurrence. Depuis 2012, les complémentaires ont obligation de communiquer aux assurés le montant et la composition de leurs frais de gestion.

Dans le cadre de la réforme du reste à charge zéro, nous avons prévu de faciliter la comparaison entre tableaux de remboursement. L'objectif est qu'il n'y ait aucune augmentation des tarifs. Un comité de suivi de la réforme suivra l'évolution des comportements et des coûts et nous apporterons des ajustements si nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Alain Milon.  - Les assurés ne récupèrent que 66 % des primes, parfois moins. Je propose que le tarif du panier de soins dans le reste à charge zéro soit défini par le Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Privatisations (I)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le Gouvernement propose de vendre des parts de Engie, de la Française des Jeux et d'Aéroports de Paris pour 10 à 15 milliards, soit près de 10 % des participations de l'État, et de placer les recettes dans un fonds destiné à financer l'innovation.

Si nous souscrivons à l'objectif, la méthode interroge : ces entreprises prospèrent et versent plus d'un milliard d'euros de dividendes par an. Dans des domaines stratégiques en forte croissance, un pilotage étatique se justifie. Quel intérêt à vendre des actifs rentables, d'autant plus que le fonds pourrait être financé par l'emprunt, les dividendes finançant les annuités. Les Français seraient toujours les heureux propriétaires d'ADP, FDJ et Engie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Le projet de loi Pacte propose en effet que l'État cède des participations dans ces trois grandes entreprises. L'objectif : investir dans l'avenir, via un fonds doté de 10 milliards d'euros qui génèrera 200 à 300 millions d'euros par an. L'État est dans son rôle de stratège : il s'agit, loin des exigences court-termistes des marchés, d'investir non dans l'innovation incrémentale mais bien dans l'innovation de rupture.

Nous priverions les Français de dividendes, dites-vous ? Mais les Français ne sont pas actionnaires. Les actionnaires de nos grandes entreprises sont bien souvent des fonds d'investissement étrangers. Nous voulons l'émergence d'un actionnariat populaire. (Bronca à gauche, vives exclamations à droite qui couvrent la voix de l'orateur)

L'État joue aussi son rôle de stratège en renforçant les mécanismes de régulation, notamment pour les jeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Anne-Catherine Loisier.  - À force de nationaliser les déficits et de privatiser les bénéfices, on appauvrit l'État. Pour favoriser l'innovation, il faudrait inventer des partenariats gagnant-gagnant et non brader le patrimoine économique des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs des groupes SOCR et RDSE)

Contractualisation entre l'État et les collectivités (I)

M. Alain Richard .  - La période de négociation entre l'État et les 322 grandes collectivités territoriales sur les contrats régissant l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement s'achève. Rappelons que ce mécanisme a été approuvé par la majorité du Sénat sur suggestion de sa commission des finances et déclaré conforme au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Où en est-on ? Quels sont les points encore en discussion ? Je pense aux collectivités en forte croissance démographique ou de dépenses spécifiques imposées par l'État, comme l'accueil des mineurs étrangers isolés ou les activités du mercredi.

Un comité de suivi de la contractualisation a été mis en place. Quelles perspectives pour la période de vérification des comptes en 2019 pour améliorer le dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Les contrats sont en cours d'élaboration. Avec cet outil, nous inventons une nouvelle façon de travailler avec les collectivités territoriales pour maîtriser la hausse de la dépense publique locale. Les précédents gouvernements avaient procédé par gel général puis réduction générale des dotations.

Nous avons préféré une autre démarche : proposer aux principaux acteurs de la dépense publique locale - 322 communes et EPCI - d'encadrer par contrat la hausse de leurs dépenses de fonctionnement au taux moyen de 1,1 %. Cet exercice nouveau, difficile, a donné lieu à des échanges nourris dans le cadre de la Conférence nationale des territoires et été acté lors du conseil des ministres de Cahors ; certains les appellent d'ailleurs « contrats de Cahors ». (M. Jean-Claude Requier s'en réjouit.)

Nous avons entendu les associations d'élus et introduit des critères de modulation, proposé de geler certaines dépenses consenties dans le cadre des fonds structurels ou du plan d'investissement compétences. Nous restons dans l'épure de la contractualisation.

Au 14 juin, 171 communes ou EPCI avaient signé ou étaient sur le point de le faire. Nous avons jusqu'au 30 juin, les négociations s'intensifient. Certaines collectivités signent avec solennité, d'autres plus discrètement.

M. Roland Courteau.  - D'autres ne veulent pas signer !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Certaines ont choisi de ne pas signer, en effet, elles sont tout aussi respectables  - mais s'exposent à une contribution plus élevée l'année prochaine.

M. Olivier Paccaud.  - Chantage !

M. Hugues Saury.  - Il n'y a aucune contrepartie !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Ce n'est pas vrai. Le dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel. L'engagement de maintenir les dotations n'est pas sans valeur. Ceux qui signent le savent. (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Cécile Cukierman.  - C'est un marché de dupes.

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - La relation contractuelle est délicate mais avance. Le comité de suivi fera le bilan dans un an. Je pense que ce mécanisme perdurera car il résulte d'une demande des collectivités territoriales, comme France Urbaine ou l'Assemblée des communautés de France. (Protestations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur certains bancs du groupe RDSE)

Crise migratoire en Europe

M. Guillaume Arnell .  - Alors que le Sénat examine le projet de loi Asile et Immigration, une crise européenne s'est ouverte à la suite du refus du gouvernement italien d'accueillir les 629 migrants de l'Aquarius et de l'ultimatum adressé à la chancelière allemande par son ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer : réduire le nombre de migrants accueillis en Allemagne, sous peine de les refouler aux frontières.

M. Stéphane Ravier.  - Bravo !

M. Guillaume Arnell.  - Monsieur le ministre de l'Intérieur, vous avez participé mardi, avec le président de la République, à un sommet franco-allemand pour arrêter une position commune. Sur l'invitation de M. Juncker, le président Macron participera à une réunion informelle en fin de semaine sur le sujet en amont du Conseil européen des 27 et 28 juin, qui s'annonce difficile. La Commission européenne propose de réformer le règlement de Dublin en instaurant une répartition automatique des demandeurs d'asile dans l'Union.

Les réponses à apporter à la question migratoire ne peuvent être qu'européennes. Pouvez-vous nous assurer que la France fera tout pour parvenir à un accord acceptable ? Il en va de la construction européenne que nous avons mis tant de temps à construire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Oui, l'Europe connaît une grave crise. Pourtant, alors que l'on recensait 1,8 million d'entrées irrégulières sur le territoire de l'Union en 2015, il n'y en a plus que 205 000 en 2017. L'accord passé avec la Turquie a réduit considérablement les entrées via la route orientale, et la Turquie accueille 3,5 millions de réfugiés. Grâce à l'accord passé avec le Niger, la route d'Agadez a été progressivement fermée aux passeurs. Les accords passés par l'ancien ministre de l'Intérieur italien, Marco Minniti, avec les autorités libyennes ont produit aussi leurs effets.

Aujourd'hui, pour la première fois depuis dix-huit mois, les bateaux chargés de migrants reviennent. Oui, la solution est européenne. Le président de la République travaillera dimanche prochain à trouver un accord européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Contractualisation entre l'État et les collectivités (II)

M. Pascal Savoldelli .  - Pour amplifier la contribution des collectivités territoriales à la réduction du déficit public, le Gouvernement a changé de méthode. Après 11 milliards d'euros de baisses de dotations sous le précédent quinquennat, il réduit les dépenses publiques locales de 13 milliards d'euros.

Pour cela, vous utilisez un instrument redoutable, pour le moins abusif : des contrats décidés par une seule des parties, l'État, qui n'engagent que l'autre, les collectivités. (On le confirme bruyamment sur les bancs du groupe Les Républicains.) Outil punitif pour les récalcitrants, et en cela contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités.

Les collectivités territoriales assurent une grande partie de l'investissement public ; elles ne votent pas de budget en déficit ; les services locaux sont souvent les derniers présents dans nos quartiers et nos campagnes désertées par l'État.

L'État doit 1,3 milliard d'euros au Val-de-Marne depuis 2002 au titre des transferts des compétences non financés. Quel bénéfice attendre de ces contrats entre État et collectivités ? (Vifs applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Entre ce qui s'est passé dans les dernières années et aujourd'hui... (Les protestations et huées, à gauche comme à droite, couvrent la voix de l'orateur.) l'ancien gestionnaire de collectivité territoriale que je suis....

M. Roger Karoutchi.  - Défroqué !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - ...vous dit qu'il y a une grande différence. (Mêmes mouvements)

La baisse de 11 milliards d'euros des dotations de fonctionnement aux collectivités s'est traduite par une baisse de l'investissement de 8 % en 2014, de 8 % en 2015. (Même brouhaha)

Aujourd'hui, l'investissement reprend : nous sommes à plus 6 %. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Ce n'est pas une baisse des dépenses que nous proposons, c'est une moindre hausse. (Marques d'ironie sur les bancs à gauche et à droite)

C'est pourquoi 60 % des collectivités territoriales signeront le pacte que nous leur proposons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; huées sur les bancs des groupes Les Républicains, CRCE et SOCR)

M. Olivier Paccaud.  - C'est de la mise sous tutelle !

Expérimentation du revenu de base et pauvreté

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - Le président de la République s'est insurgé contre « le pognon de dingue » versé aux pauvres et appelle à leur responsabilisation. On la connaît, cette musique droitière, au moment même où le Gouvernement multiplie les avantages fiscaux aux plus riches.

Une autre approche existe, celle de treize départements socialistes qui expérimentent la mise en place d'un revenu de base afin de remplacer le RSA, la prime d'activité et peut-être les aides au logement.

Le Gouvernement est-il prêt à cette mutation ? Allez-vous soutenir cette expérimentation dans la prochaine loi de finances ? Avez-vous pris la mesure de l'urgence à agir contre la pauvreté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - J'ai suivi avec attention cette expérimentation du revenu de base dans treize départements. Mais elles ne posent pas les bonnes questions : vous voulez allouer à toutes les personnes en situation de pauvreté une allocation unique pour solde de tout compte ; nous préférons travailler sur les causes de la pauvreté, l'emploi, sur l'école avec le plan Blanquer, la formation professionnelle, mettre un terme aux déterminismes sociaux et aux politiques publiques qui les confortent - partant du constat que seuls 10 % des bénéficiaires du RSA accèdent à l'activité. Bref, notre projet, c'est l'investissement humain au service de l'émancipation de tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Mme Nadine Grelet-Certenais.  - Sans les transferts sociaux, on compterait 5 millions de pauvres en plus. Vous plaidez pour l'émancipation mais baissez en catimini les allocations logement. Le revenu de base est un outil d'émancipation : saisissez-vous en ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Impact du calendrier du Grand Paris express sur la construction de logements en Île-de-France

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En 2010, l'objectif ambitieux du Grand Paris de construire 70 000 logements par an en Ile-de-France, était au coeur du contrat de confiance entre l'État et les collectivités territoriales, lequel prévoyait également de grandes infrastructures de transports et un soutien au développement économique. Les collectivités ont rempli leur part du contrat : 12 000 logements par an construits dans les Yvelines. Mais que sont devenues les promesses de l'État ? Les infrastructures de transport sont tellement saturées qu'un léger incident, ce qui arrive fréquemment, transforme le réseau en enfer. Une portion d'autoroutes inondée ou un accident sur le RER et c'est la thrombose généralisée !

Monsieur le Premier ministre, vous avez retardé la construction de gares de mobilité. Ajouter la thrombose à la thrombose conduira nos concitoyens à la révolte. Comment demander aux maires de continuer à construire dans ces conditions, si les gens ne peuvent se déplacer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - (On s'exclame sur les bancs du groupe Les Républicains.) Le Gouvernement s'est donné les moyens financiers et opérationnels de construire le futur grand métro. C'est cela la confiance : des moyens mobilisés, dans un calendrier réaliste et sincère. (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Avec 200 kilomètres de lignes automatisées supplémentaires et 60 gares nouvelles, on complétera le réseau de la région parisienne.

Le Gouvernement a assuré le financement, stabilisé les recettes, fait preuve de réalisme en tenant compte des retards inéluctables de tels travaux.

Le Grand Paris Express doit s'accompagner de la construction de nouveaux logements : 600 000 mètres carrés de bâti sont prévus autour des gares. Huit projets ont déjà été attribués. Le recalage du calendrier n'affiche pas la construction du nouveau métro.

M. François Bonhomme.  - Arrêtez de lire votre fiche !

Mme Sophie Primas.  - Madame le Premier ministre, votre réponse, complètement à côté de la question, témoigne de votre mépris envers les élus locaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes CRCE, SOCR et RDSE)

Représentation des territoires d'outre-mer

Mme Lana Tetuanui .  - Consultée le 7 juin, l'Assemblée de Polynésie française a voté à l'unanimité un avis défavorable à la réduction du nombre de parlementaires et à la limitation de l'exercice des fonctions exécutives locales. Ces mesures sont des entraves à l'exercice de notre démocratie locale, une régression, un muselage démocratique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains et sur plusieurs bancs des groupes SOCR et CRCE)

Votre réforme des institutions passe mal, parce que nos collectivités ont des particularités qu'on ne retrouve ni en métropole, ni dans les DOM. La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ne peuvent se réduire à des considérations démographiques.

Le président de la République a qualifié la France de « grande puissance de l'Indo-Pacifique », appelant à la consolidation des liens avec les territoires du Pacifique.

Pouvez-vous me rassurer sur la prise en compte de nos spécificités géographiques, pour représenter au mieux les intérêts de la République française dans notre région du Pacifique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains, SOCR et CRCE)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - La prise en compte des particularités de chaque territoire d'outre-mer est une priorité pour le Gouvernement. (Marques d'ironie) C'est le sens du droit à la différenciation énoncé par le président de la République -  et de la réforme statutaire voulue par certains territoires d'outre-mer, que nous accompagnons dans cet exercice. Mais certains principes ne peuvent pas faire l'objet de dérogations territoriales.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous y voilà !

Mme Annick Girardin, ministre.  - Les contraintes de la Polynésie sont prises en compte. Le Premier ministre l'a rappelé il y a quelques jours en confirmant l'engagement fort du Gouvernement pour la santé des Polynésiens, pour le numérique. (Exclamations sur de nombreux bancs)

Le nombre de parlementaires diminuera de 30 %...

M. Roger Karoutchi.  - Attendez, le texte n'est pas voté !

Mme Annick Girardin, ministre.  - Le projet de loi assure un socle minimal d'un sénateur et d'un député par département ou territoire...

M. Philippe Dallier.  - Génial ! (Marques d'ironie à gauche et à droite)

Mme Annick Girardin, ministre.  - La modernisation des institutions et des pratiques politiques aura lieu sur tout le territoire, conformément au voeu des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Suppression de l'exit tax

Mme Mireille Jouve .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le 1er mai, le président de la République a annoncé la suppression de l'exit tax, qui vise les contribuables quittant la France avec leur société avant de la vendre pour ne pas s'acquitter d'un impôt sur la plus-value.

Cet impôt taxe les ventes de parts dans les quinze années qui suivent. Le président de la République a mis en avant le faible rendement de l'impôt. Mais cet impôt étant dissuasif, il est bien normal que son rendement soit faible ! En réalité, la suppression de l'exit tax coûterait 6 milliards au budget, selon le directeur de la législation fiscale et créerait un appel d'air pour les entrepreneurs désireux de quitter la France.

Comptez-vous toujours supprimer l'exit tax ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - L'exit tax est l'illustration du génie français pour créer des taxes, des barrières fiscales qui pèsent en réalité sur l'attractivité de notre économie. Comment la suppression d'une taxe qui a rapporté 25 millions d'euros par an pourrait-elle en faire perdre 6 milliards ? Elle n'a pas empêché les entreprises qui le souhaitaient de partir : leur nombre a même triplé depuis que la taxe existe... L'évaluation de 6 milliards est fantaisiste. Surtout, combien coûte-t-elle en dissuadant les entrepreneurs qui voudraient venir en France ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Vous donnez de l'argent aux riches, mais ils ne viennent pas !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - L'attractivité de la France a progressé, avec une hausse de 31 % des implantations étrangères en France, contre 8 % en Allemagne et au Royaume-Uni. Nous avons attiré 1 019 installations, dont 323 industrielles, 59 nouveaux sièges sociaux et le nombre de centres de recherche-développement qui se sont installés en France, a progressé de 53 %.

Alors pourquoi supprimer l'exit tax ? Il faut tout faire pour conforter l'attractivité de notre pays. C'est ainsi que nous créerons des emplois et alimenterons les caisses de l'État. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Privatisations (II)

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Je n'ai pas d'opposition dogmatique contre les privatisations. Mais comment justifier les cessions d'actifs prévues dans le cadre de la loi Pacte, notamment celle des autoroutes, qui sont des entreprises rentables ?

On avance l'argument d'une meilleure efficacité du privé. Mais en Allemagne, puisque ce pays est souvent cité en exemple, l'aéroport de Francfort, le plus grand du pays, est détenu majoritairement par la ville et la région. Les privatisations renforceront-elles le rôle de l'État régulateur ? Il parait incongru de vouloir renforcer la régulation de l'État dans une entreprise en vendant ses parts. Vous évoquez le maintien de garanties. Mais quelle meilleure garantie que d'être actionnaire majoritaire ? S'agit-il, alors, de financer l'innovation ? C'est une priorité, mais pourquoi ne pas privilégier un investissement direct ?

Quel intérêt à créer un fonds qui rapportera moins de dividendes que les entreprises actuelles ? Dites-nous quel est le réel intérêt qui se cache derrière ces privatisations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Un bon actionnaire doit savoir se départir de ses habitudes. Par paresse ou fainéantise, l'État n'a guère remis en question son actionnariat. Il est temps de redéfinir les secteurs et participations stratégiques. Je vous rassure, on peut réguler sans être actionnaire.

Avec le fonds pour les innovations de rupture, le placement de 10 milliards d'euros rapportera 200 à 300 millions d'euros par an, qui iront pour un tiers au financement de start-up via Bpifrance et pour deux-tiers au financement de projets thématiques, en particulier à l'intelligence artificielle et aux nanotechnologies. Alors que les entreprises se renouvellent sans cesse, je ne me satisfais guère que la composition du CAC 40 ne bouge pas - contrairement à ce qui se passe aux États-Unis par exemple, où des entreprises au tout premier plan ont moins de vingt ou trente ans. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Je ne comprends pas la création d'un fonds qui rapportera 200 à 300 millions d'euros par an alors que les entreprises destinées à la privatisation rapportent actuellement 700 millions d'euros de dividendes. Ne s'agit-il pas plutôt de renflouer le déficit de l'État et de financer des promesses non financées ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

Pensions de réversion

M. René-Paul Savary .  - À La Mutualité, le président de la République a donné sa vision sur la solidarité, mais il n'a rien dit sur la politique familiale. Toutes les générations sont concernées : enfants, parents, personnes âgées.

La pension de réversion a été remise en cause en Suède. Symbole de la solidarité familiale, elle serait dénaturée par un régime par points, plus contributif que distributif.

Que fera le Gouvernement pour les sauvegarder ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La réversion est un sujet de débat parmi tant d'autres dans la concertation préalable, telle qu'elle figure sur la plateforme en ligne que nous avons lancée fin mai et qui compte déjà 17 000 contributions.

Les paramètres de réversion ne sont pas les mêmes selon les 42 régimes actuels de retraite. Il faut mettre à plat cet ensemble pour mettre fin aux injustices, harmoniser et simplifier en particulier pour les cas où la personne décédée avait cotisé à plusieurs régimes au cours de sa vie professionnelle.

L'objectif de la concertation menée par Jean-Paul Delevoye n'est pas de supprimer, mais d'harmoniser. Les pensions déjà liquidées ne seront pas touchées. La part de la solidarité restera la même.

M. René-Paul Savary.  - Vous n'avez pas tout à fait répondu à la question. La réversion est un marqueur de la politique familiale, trop souvent considérée comme une variable d'ajustement de la politique fiscale.

N'oublions pas l'avertissement du Général de Gaulle : « Sans renouvellement des générations, la France ne serait plus qu'une lumière qui s'éteint ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Perspectives de croissance

M. Michel Vaspart .  - En 2017, le PIB a crû de 2,3 %, la plus forte croissance depuis des années. Ce chiffre fait pourtant pâle figure en Europe. La France est à la traîne à cause de l'incapacité de l'État à se réformer, de la réforme des collectivités territoriales, des déficits...

Vous tablez sur une croissance de 2 % mais l'Insee parle plutôt de 1,7 %. La consommation est faible. Les réformes se font attendre. Que comptez-vous faire pour créer une croissance durable en France ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons déjà renforcé l'attractivité de la France.

Bruno Le Maire, qui défend les positions de la France à Bruxelles, dans le cadre de l'Eurogroupe, a quatre ambitions : ambition, équité, stabilité, réalisme.

L'ambition : nous voulons débloquer les verrous, sans nous préoccuper de plaire à la droite ou à la gauche. Il faut libérer le travail et l'embauche. L'équité ensuite : l'exit tax, la réforme de l'ISF. Nous voulons aussi faire bénéficier les salariés. La stabilité et la persévérance, pour conforter l'environnement économique des entreprises. Enfin, le réalisme : l'objectif de 2 % de croissance est réaliste. L'Insee l'année dernière était déjà très prudent.

M. Philippe Dallier.  - Vous feriez bien de faire de même !

M. Michel Vaspart.  - Les entreprises attendent depuis longtemps de libérer les énergies. Il est temps, Monsieur le Ministre, de changer de braquet, mais j'ai peur d'un nouveau rendez-vous manqué !

La séance est suspendue à 16 h 05.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 16 h 15.