Lutte contre la manipulation de l'information (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information et la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information.

Discussion générale commune

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - Ces deux propositions de loi sont d'une importance cruciale pour notre démocratie. Face aux manipulations croissantes de l'information, l'attentisme n'est pas une option. Je salue donc l'initiative des députés, qui ont enrichi les textes en commission et en première lecture. Les discussions ont été riches. Sur un tel sujet, un débat nourri est le signe d'un bon fonctionnement de nos institutions.

J'aurais souhaité qu'il en soit de même au Sénat. Je regrette que votre hostilité au référé ait fait obstacle à l'examen du reste des mesures : régulation des plateformes, transparence dans l'espace numérique, éducation aux médias. L'expertise du Sénat aurait été précieuse sur ces sujets.

La prudence ne peut pas être l'alibi de l'inaction. Refuser d'agir pour endiguer la désinformation, refuser d'actionner les leviers qui sont à notre portée, serait manquer à notre responsabilité.

Le Gouvernement soutient ces deux propositions avec conviction. Elles sont nécessaires, efficaces et équilibrées.

Certes, la loi ne va pas tout résoudre : le premier rempart de la démocratie contre la désinformation est le travail des journalistes. J'entends les critiques, mais la réalité est tout autre. Cherchons-nous à faire taire les oppositions quand nous sanctuarisons les aides à l'indépendance et au pluralisme de la presse ? Non.

Cherchons-nous à museler qui que ce soit quand nous soutenons les titres les moins complaisants pour notre Gouvernement ? Non. Affaiblissons-nous les médias quand nous nous battons dans l'arène européenne pour un droit voisin pour les éditeurs de presse ? Quand nous préparons l'avenir du système de distribution ?

Le premier engagement du Gouvernement contre la désinformation est là, dans le soutien à ceux qui délivrent une information de référence et nourrissent le débat d'idées.

L'arsenal juridique en vigueur est insuffisant. La loi de 1881 sur la presse est un socle fondamental, mais doit être complétée. Le monde a changé en un siècle. La grande nouveauté, avec le numérique, c'est la viralité. Elle est souvent orchestrée à des fins politiques, par du sponsoring ou l'achat de like. Ces campagnes d'endoctrinement déstabilisent nos démocraties.

Il peut se passer des mois avant que le juge puisse ordonner le retrait d'un contenu sur les réseaux sociaux. Nous soutenons donc la procédure de référé en période électorale pour stopper la propagation de contenus susceptibles d'altérer la sincérité du scrutin.

Le CSA est insuffisamment armé pour lutter contre les fausses informations sur les radios et télévisions soutenues par des États étrangers. C'est un enjeu de souveraineté, un impératif démocratique.

Ce texte est absolument nécessaire.

Ce texte a trouvé un équilibre entre fermeté et protection des libertés. Il ne vise pas les auteurs de contenus mais les diffuseurs et prévoit des conditions cumulatives très précises. L'information devra être manifestement fausse, diffusée de manière délibérée, massive, et artificielle. Ces critères excluent les articles de journalistes professionnels fondés sur un travail d'investigation.

On a parlé de délit d'opinion, de police de la vérité. Mais ce texte vient du Parlement, coeur de la démocratie ; il n'accorde pas de nouveaux pouvoirs au Gouvernement ; il a fait l'objet d'un avis positif du Conseil d'État. La vraie menace qui pèse sur la liberté, c'est la passivité.

Ce texte propose des leviers d'action. D'abord, un nouvel instrument de régulation des plateformes qui vise non la production mais la propagation de ces fausses informations.

Les plateformes tirent en effet profit de cette gigantesque économie de la manipulation.

Pour 40 euros, on peut acheter 5 000 abonnés sur Twitter. Ce texte renforce aussi la responsabilité des plateformes. Elles ont d'abord une obligation de transparence : en période d'élection, les plateformes devront indiquer si quelqu'un a payé pour qu'un contenu soit mis en valeur, qui et combien.

Les plateformes auront aussi une responsabilité sur les contenus qu'elles diffusent, à travers un devoir de coopération et de co-régulation : les plateformes devront mettre en place des outils de signalement pour les utilisateurs, de décryptage et de sensibilisation.

L'efficacité de la lutte contre la manipulation repose aussi sur l'éducation, mère de toutes les batailles. Ce texte, grâce aux apports de l'Assemblée nationale, fait de l'éducation aux médias et à l'information une obligation à chaque niveau de la scolarité.

Le budget de l'éducation et de la formation et médias a été porté de 3 milliards à 6 milliards d'euros afin d'aider ceux, associations et journalistes, qui les assument - et à qui j'adresse un chaleureux salut républicain.

J'ai aussi lancé un programme de service civique dans les bibliothèques sur ce thème prévu pour l'automne.

Ce texte est d'une ambition, d'une richesse, d'une pertinence et d'une précision bien éloignées des caricatures...

M. François Bonhomme.  - Carrément !

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Loin des logiques partisanes, des jeux de posture, c'est du modèle démocratique qu'il est question, et le Gouvernement le soutient pleinement. (M. André Gattolin applaudit.)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, rapporteure sur la proposition de loi .  - La commission de la culture a délégué au fond les titres Ier et IV de la proposition de loi ordinaire à la commission des lois, qui rapporte aussi la proposition de loi organique. Je salue le travail de son rapporteur, Christophe-André Frassa et l'écoute de son président, Philippe Bas.

Fallait-il légiférer, ainsi, qui plus est dans l'urgence ? Les « fausses informations » sont un fléau, j'ai choisi ce terme à dessein mais leur définition n'est pas même stabilisée, comme le remarque excellemment le Conseil d'État. Elles ont gangrené, avec une ampleur inédite, les récentes campagnes électorales en Europe et aux États-Unis. Tous les pays européens s'en préoccupent désormais, telle la Belgique qui, la semaine dernière, a décidé, néanmoins, de ne pas légiférer sur le sujet alors que des élections générales s'y dérouleront en 2019.

Internet est un terrain d'affrontement mondial où les Européens sont démunis. C'est pourquoi une initiative en la matière ne pouvait que rencontrer un écho favorable au Sénat. Le référé introduit par l'article premier a provoqué une réaction presque épidermique ; les autres dispositions sont mal calibrées, irréfléchies, insuffisantes.

Pourquoi, face à un problème bien identifié, est-il si difficile de trouver une solution adaptée ? L'avis du Conseil d'État du 19 avril le dit bien : aller trop loin, comme en Allemagne, c'est instaurer une censure privée et préventive ; ne rien faire, c'est s'en remettre aux plateformes, « catégorie juridique nouvelle et hétérogène », à mi-chemin entre hébergeurs et éditeurs, responsables de rien mais dont l'action n'est absolument pas neutre.

La voie est étroite. Or selon la commission de la culture, la commission des lois et les trois groupes ayant déposé une motion visant à opposer la question préalable, cette proposition de loi n'est pas la bonne solution.

Le modèle économique de l'Internet repose sur une fausse gratuité. L'affaire Cambridge Analytica l'a montré : les manipulateurs s'engouffrent dans la brèche avec leurs buzz, bots, followers et autres formes de contenus. Un ancien ingénieur de Google, Tristan Harris, l'a bien définie, c'est une économie de l'attention.

Un certain Paul Horner a gagné plus de 18 000 dollars par mois en diffusant des fausses informations sur la candidate démocrate Hillary Clinton.

Le titre III montre toute l'impuissance de l'État face à la directive e-commerce de juin 2000, très laxiste. Le niveau national est impuissant face aux Gafam ; c'est le cadre européen qui doit être adapté. La commission des lois tranchera en décembre.

Le Conseil d'État a préconisé en 2014 de revoir le cadre juridique des plateformes. Plutôt que de perdre six mois avec ce texte, il aurait fallu engager cette réflexion.

Point positif cependant, les mesures sur l'éducation à l'information, à travers l'utilisation des outils interactifs. Nous devons renforcer cette éducation aux médias et au numérique, essentielle. Il faut à cette fin un plan d'action stratégique et global, incluant la formation des formateurs ; pas besoin pour cela de nouvelle législation.

La compétence numérique de tous doit être déclarée grande cause nationale. Enfin, il est indispensable d'accompagner la transition vers le numérique, sans se contenter de l'aumône fiscale versée par Google.

Madame la Ministre, je vous sais sincère ; engageons ce travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, Les Indépendants, SOCR et CRCE)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois sur la proposition de loi organique et rapporteur pour avis sur la proposition de loi .  - Madame la Ministre, que diable êtes-vous allée faire dans cette galère ? (Sourires) Comment qualifier autrement cette entreprise périlleuse lancée par la majorité de l'Assemblée nationale et le Gouvernement ?

La commission des lois a reçu, de la part de la commission de la culture, une délégation au fond concernant le titre Ier, relatif aux dispositions modifiant le code électoral, et le titre IV, relatif à l'application outre-mer.

La principale mesure consiste en la création d'un référé ad hoc, inspiré du référé créé par la loi du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l'économie numérique (LCEN), afin de faire cesser, en période électorale, la diffusion « des fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir » lorsque celles-ci sont diffusées sur Internet « de manière délibérée, de manière artificielle ou automatisée et massive ».

La commission des lois est également saisie au fond, de l'examen de la proposition de loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l'information, qui vise à appliquer à l'élection présidentielle les dispositions du titre Ier de la proposition de loi ordinaire.

La commission des lois a présenté une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique. En effet, pourquoi légiférer, alors qu'il n'y a pas eu d'évaluation préalable des dispositifs existants ? L'article L. 97 du code électoral réprime déjà la diffusion d'informations diffamatoires. Pourquoi légiférer, alors que la loi du 29 juillet 1881, dans son article 27, réprime la diffusion de nouvelles fausses ou mensongères ?

En matière de diffamation, il existe une présomption réfragable de mauvaise foi : les imputations diffamatoires sont réputées de droit alléguées avec l'intention de nuire. C'est ensuite au prévenu de prouver soit sa bonne foi soit la véracité des allégations. Le champ d'application de ce délit est particulièrement vaste. Ainsi, l'allégation qu'une personnalité politique détiendrait un compte illégal offshore est susceptible d'être qualifiée de diffamatoire.

Pourquoi légiférer, alors que l'action en référé sur le fondement de l'article 9 du code civil est toujours possible en cas de « fausses informations », d'informations falsifiées ou même biaisées portant sur la vie privée d'une personne physique ?

Enfin, pourquoi légiférer alors que plusieurs dispositions pénales répriment les fausses informations qui causent un trouble particulièrement grave à un particulier ou à la société, par exemple, la publication d'un photomontage ?

Pourquoi légiférer, de plus, alors que des procédures rapides, en référé ou sur requête, sont déjà possibles ? La commission des lois reconnaît les difficultés d'application de la loi du 29 juillet 1881 à l'ère d'Internet.

Néanmoins, l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont pas fait le choix de préserver l'équilibre de cette loi, quitte à l'adapter. Comme le préconisait le rapport de nos collègues François Pillet et Thani Mohamed Soilihi sur l'équilibre de la loi du 29 juillet 1881 à l'heure d'Internet, il convient sans doute de les adapter.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Excellent rapport !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Au contraire, ils se sont inscrits dans le mouvement dénoncé dans ce rapport, consistant à intégrer des dispositions relatives à l'encadrement des abus de la liberté d'expression dans d'autres textes que la loi précitée, au risque de remettre en cause l'équilibre actuel.

L'efficacité du référé est douteuse, contre une propagation presqu'instantanée. Inefficaces, ces deux textes sont aussi dangereux.

Quelle légitimité pour le juge des référés, juge de l'évidence, à se prononcer sur le caractère inexact ou trompeur d'une information ? Comment, dans ce cadre juridique, protéger la satire ou la parodie ? Plus inquiétant encore, le texte vise toutes les allégations inexactes ou trompeuses, même si elles ne sont pas diffusées de manière malintentionnée.

La proposition de loi rompt aussi avec la tradition française de plus grande protection de la liberté d'expression en matière électorale. Ces propositions de loi permettront aux partis de bloquer toute information susceptible de leur nuire. La rapidité de la décision à prendre facilite les instrumentalisations.

La commission des lois a considéré qu'il valait mieux s'abstenir de légiférer ; c'est pourquoi, elle a déposé une motion préalable sur la proposition de loi organique et soutiendra la motion de la commission de la culture sur la proposition de loi ordinaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. David Assouline et Mme Sylvie Robert applaudissent également.)

Exception d'irrecevabilité sur la proposition de loi

M. le président.  - Motion n°2, présentée par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n° 623, 2017-2018).

Mme Sylvie Robert .  - « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » : c'est par ces mots que la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 proclame solennellement la liberté d'opinion et d'expression, en concrétisant l'essence même des Lumières, fruit d'un combat philosophique et politique pour le droit de penser de manière indépendante et d'agir selon sa propre conscience. Mais, dès l'origine, la liberté d'expression n'est pas définie comme un droit absolu. C'est un droit assorti de la nécessité de répondre de ses propos lorsqu'ils portent atteinte à un tiers. La tradition française repose sur cet équilibre, au contraire de la tradition américaine par exemple.

Cette proposition de loi porte des atteintes disproportionnées à la liberté d'expression et d'information, ce droit premier qui détermine tous les autres comme la liberté de la presse.

La définition de la fausse information de l'article premier est peu aboutie. Elle ne prend nullement l'intention et elle est trop large, pouvant concerner des satires - je pense au Canard enchaîné ou à Charlie Hebdo.

Faisons preuve de prudence !

Ce texte semble en outre porter atteinte à la liberté de commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre. L'absence de définition de la notion d'information éclairée, combinée à celle de fausses informations pour le moins contestables, ne motive aucunement l'application de cette obligation, que la Cour de justice des Communautés européennes a déjà jugée à plusieurs reprises, due à la concurrence déloyale induite dès lors que certains médias peuvent se retrouver privés d'une exposition juste et équitable : ce pourrait être le cas pour des sites supprimés par le juge des référés ou pour des services audiovisuels suspendus par le CSA. Les services conventionnés, inclus dans la proposition de loi, seraient discriminés à l'égard des contenus diffusés par voie hertzienne.

L'article 6 suscite nos interrogations. Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2009, a censuré une disposition de la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, donnant à une autorité administrative indépendante un droit disproportionné à l'égard d'une liberté fondamentale, car « le législateur ne pouvait confier de tels pouvoirs à une autorité administrative ».

D'autres points sont douteux et laissent penser que le législateur ferait preuve d'incompétence négative. Grâce à un amendement socialiste introduit à l'article 34 de la Constitution lors de la réforme constitutionnelle de 2008, le législateur a compétence pour garantir la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias.

De nombreux contentieux risqueraient d'éclore. Comment le juge des référés, juge de l'évidence, pourrait-il se prononcer valablement quant à l'influence de faits incertains sur un scrutin non encore advenu ?

En conclusion, j'insisterai sur le danger que nous encourons à légiférer sur un sujet aussi complexe.

« Pour agir avec prudence, il faut savoir écouter », disait Sophocle. J'espère, Madame la Ministre, que vous saurez nous écouter. Nous avons besoin que les principes démocratiques soient strictement respectés - c'est notre meilleur rempart contre tous les dangers. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure.  - Les auteurs de cette motion considèrent que le texte viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Pour la commission de la culture, certains articles présentent en effet des risques d'anticonstitutionnalité.

Il est cependant apparu que les groupes qui doivent s'exprimer lors de la discussion générale souhaitaient mettre l'accent sur l'inopportunité de légiférer.

Cette nouvelle motion semble donc superfétatoire et nous avons préféré la question préalable. En effet l'article 44-2 du Règlement nous priverait d'une discussion générale. D'où notre avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Vous balayez beaucoup de critiques qui ne résistent pas à une analyse sérieuse. Les propositions de loi ont été soumises pour avis au Conseil d'État, qui a confirmé leur constitutionnalité et leur validité. Ce sont précisément les grandes libertés que vous évoquez dans votre propos que nous cherchons à défendre au moyen de ce texte.

Si on laisse libre cours aux fausses informations, il n'y a plus de liberté.

Je m'étonne enfin que vous citiez la liberté d'entreprendre des GAFA pour vous opposer à la transparence du sponsoring. (M. André Gattolin applaudit.)

La motion n°2 n'est pas adoptée.

Exception d'irrecevabilité sur la proposition de loi organique

M. le président.  - Motion n°2 présentée par MM. Kanner, Durain et Assouline, Mmes Sylvie Robert, de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n°629, 2017-2018)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - C'est un exercice étrange que de défendre ici une exception d'irrecevabilité dont les fondements sont partagés par la présidente de la commission de la culture, qui a déposé par ailleurs une autre motion, tendant à opposer la question préalable, pour ce motif.

J'ai bien compris que l'organisation des débats requiert qu'on préfère une autre motion. Je défendrai toutefois celle-ci.

Nous législateurs devons toujours protéger les libertés constitutionnelles, protéger la presse contre tous ceux qui veulent mettre en cause ses enquêtes et la véracité de leurs conclusions.

Les textes qui nous sont soumis aujourd'hui menacent ces libertés.

Nous pouvons sourire de l'origine parlementaire de ces deux textes. Nous nous souvenons des prises de position en la matière du président de la République. Ces textes n'ont en réalité qu'un seul objectif : protéger l'élection présidentielle !

Concernant ce texte, je ne constate pas l'autonomie de nos collègues députés.

L'actualité récente nous rappelle qu'un homme se réclamant de la présidence de la République a pu prendre les initiatives que l'on connaît et qu'une presse qui enquête ensuite a été qualifiée de « pouvoir médiatique qui veut devenir un pouvoir judiciaire », racontant des « bobards pour salir la vie politique et la démocratie » qui « sortirait de son lit ».

La dangerosité passe par les mots. Il est si facile de définir les fausses informations que l'Assemblée nationale a dû s'y reprendre à trois fois ! La proposition de loi a été, « enrichie », selon votre propos, Madame la Ministre, c'est-à-dire entièrement réécrite en commission, puis à nouveau réécrite en séance, pour aboutir à des formules alambiquées, floues et donc dangereuses juridiquement.

Il faudrait m'expliquer comment un juge pourra établir en 48 heures qu'une information inexacte menace la sincérité d'un scrutin non advenu.

Dans ce cas, le juge des référés, qui est le juge de l'évidence, se déclarera incompétent et renverra naturellement au juge de l'élection.

Un scrutin seul ne peut être annulé posteriori : l'élection présidentielle. C'est pourquoi je crois que ce texte vise à effacer le souvenir cuisant que celle-ci avait laissé au président de la République.

Les fake news sont un vrai sujet. Mais nous, groupe socialiste, ne pouvons pas prendre le risque de voter un texte inconstitutionnel.

Le risque d'une vérité officielle n'est pas acceptable. Les médias font des révélations qui sont capitales pour la démocratie.

Les médias doivent rester libres d'investiguer, d'écrire et de publier, car c'est là la base de la liberté d'expression et, comme nous avons pu le voir ces derniers jours, les médias font parfois des révélations qu'aucun de nous n'aurait pu imaginer. Oui, la presse est par là un contrepouvoir à part entière et comme le disait Montesquieu, si souvent cité ces derniers jours : « pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Sur le fond, on est peut-être d'accord, mais sur la forme, la commission des lois a préféré la motion tendant à opposer la question préalable.

Il est probable que, si ce texte était voté, une saisine du Conseil constitutionnel soit souhaitable.

Il y a avant tout une opposition à l'esprit même de ces textes. Adoptons donc la motion opposant la question préalable, examinée après la discussion générale - laquelle est nécessaire pour que chaque groupe politique puisse s'exprimer. Avis défavorable.

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Vous critiquez cette proposition de loi mais vous regrettez, dans le même temps, que les rapporteurs de l'Assemblée nationale aient fait leur travail... alors que vous proposez, vous, de ne pas l'examiner !

Les cas d'atteinte à la sincérité d'un scrutin sont irréversibles. Il est habituel d'établir des règles spécifiques à ces périodes sensibles que sont les périodes électorales.

La motion n°2 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°226 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption   75
Contre 253

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale commune (Suite)

Mme Mireille Jouve .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le président de la République, lors de ses voeux à la presse le 3 janvier dernier, avait annoncé une évolution du cadre juridique visant à lutter contre la diffusion de fausses informations.

Si la rumeur est souvent qualifiée de « plus vieux média du monde », elle s'épanouit à l'ère d'Internet et des réseaux sociaux sur lesquels il faut, pour être audible, s'exprimer « court et fort » ; l'excès appelle l'excès...

Laissez-moi, puisque je suis autorisée à m'exprimer en plus de 280 caractères dans cet hémicycle (Sourires), vous faire part du sentiment nuancé qui est celui de mon groupe à l'égard de ces deux textes. La multiplication des fausses informations pollue le débat public, loin de nous l'idée de minimiser la menace. L'on ne peut laisser faire en comptant sur la mithridatisation. En revanche, comme l'ont souligné nos rapporteurs, la réponse juridique qu'apportent ces textes est insatisfaisante. Au Sénat, fidèle à sa tradition, de défendre les libertés publiques.

En quoi est-il utile de créer un référé visant à lutter contre les fausses informations en période électorale quand notre arsenal est pléthorique ? Appliquons plutôt la loi sur la liberté de la presse, le code électoral, la loi pour la confiance dans l'économie numérique et utilisons le référé de droit commun du code de procédure civile. MM. Pillet et Mohamed Soilihi nous ont livrés, dans leur rapport, une réflexion pertinente sur l'adaptation à l'Internet de la loi sur la liberté de la presse. Le Conseil d'État a relevé la difficulté, pour le juge, de qualifier des faits de « fausse information » de nature à altérer la sincérité du scrutin dans un délai aussi court.

Encore faudrait-il définir précisément ce qu'est la « fausse information ». À l'Assemblée nationale, la rapporteure a dû s'y reprendre à deux fois : en commission puis dans l'hémicycle. Si l'on ne doit toucher aux lois que d'une main tremblante, la main ne doit pas trembler pour écrire la loi ! En pratique, le juge repoussera la démarche plutôt que de commettre un impair là où une procédure classique aurait abouti.

Les risques d'atteinte à la liberté d'expression ne peuvent pas être ignorés non plus. Le juge ne disposera pas de suffisamment d'informations au moment où il sera saisi, la véracité d'allégations apparaît souvent dans un second temps.

La diffusion des fausses informations s'affranchit des frontières, elle appelle une réponse commune. Si l'angle de l'autorégulation des réseaux sociaux ne pourra pas donner pleinement satisfaction, gardons à l'esprit que la bonne solution sera concertée à l'échelle européenne. Certes, il faudra adapter la loi sur la liberté de la presse aux nouvelles technologies, mais dans un climat serein ce qui n'est pas le cas présentement. Le recours à la procédure accélérée était-il justifié quand bien même un scrutin européen se tiendra l'an prochain ? Le temps parlementaire méritait d'être mieux utilisé.

M. Bruno Retailleau.  - Très bien !

Mme Mireille Jouve.  - Vous connaissez l'attachement du RDSE au débat parlementaire et son refus des motions mais la sagesse nous commande aujourd'hui de ne pas aller plus avant dans l'examen de ces textes. Nous nous associerons aux motions par l'abstention. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)

M. André Gattolin .  - « Les fausses nouvelles ne datent pas d'hier. » « La France s'est depuis longtemps dotée d'instruments pour lutter contre. » « Il n'y a pas de raison de légiférer à nouveau en la matière. » Trois assertions répétées à l'envi pour interrompre ce débat ; si les deux premières sont exactes, on peut légitimement douter de la troisième au regard des profonds bouleversements de notre société en ce début de XXIe siècle.

Oui, les fausses nouvelles ne datent pas d'hier. Pour l'anecdote, nous devons au grand écrivain anglais Jonathan Swift le premier canular de l'ère médiatique. En 1708, il publie un vrai-faux almanach astrologique pour dénoncer les fausses informations que faisaient circuler ces supports distribués à des centaines de milliers d'exemplaires. Au XIXe siècle, les fausses nouvelles connaissent un développement exponentiel avec l'apparition des quotidiens à très grand tirage au point de déstabiliser parfois le bon fonctionnement des jeunes démocraties que sont l'Angleterre, les États-Unis et la France. C'était le dark age of journalism.

Face à ce phénomène, nos pays se sont dotés de législations pour garantir la liberté d'expression et lutter contre les fausses informations ; ils ont aidé le métier de journaliste à se professionnaliser, à se doter d'une déontologie forte et lui ont donné un statut exigeant et protecteur. La fameuse loi de 1881 sur la presse n'a cependant pas empêché les fausses nouvelles de proliférer au début du XXe siècle. Le syndicat national des journalistes fut d'ailleurs créé en 1918 en réaction à l'explosion des fausses informations durant la Der des Ders. Puis vient la loi Brachard de 1935 qui a entériné le statut des journalistes avec ces droits et aussi ses responsabilités.

Pourquoi légiférer au risque d'attenter à la sacro-sainte liberté de la presse ? Parce que de nouveaux acteurs refusent de respecter les règles que nous nous sommes données, parce que la numérisation à marche forcée des médias les expose à des attaques qui peuvent les réduire au silence ou altérer leurs contenus. Certains géants d'Internet se sont érigés en quasi-puissances souveraines sur des centaines de millions d'âmes, des États voyous n'hésitent pas à faire usage d'armes non-conventionnelles d'influence pour déstabiliser des démocraties. Depuis deux ans, à chaque élection majeure au sein d'un de ses États membres, l'Union européenne est systématiquement la cible d'une propagande new look. Renforcer l'éducation aux médias, soutenir la profession journalistique, cela ne suffit pas. Notre cadre normatif n'est pas en soi obsolète, c'est son application nationale qui l'est !

Après avoir entendu les critiques, parfois pertinentes, formulées en commission,....

M. Bruno Retailleau.  - Merci !

M. André Gattolin.  - ...je ne comprends vraiment pas le sens des motions qui renvoient à l'Assemblée nationale un texte que la majorité sénatoriale ou plutôt les majorités sénatoriales auraient pu réécrire à leur guise.

Le groupe LaREM votera contre les motions.

M. David Assouline.  - C'est étonnant !

M. Pierre Ouzoulias .  - Le groupe CRCE votera la motion déposée par la commission de la culture avec une extrême gravité, en ayant pleinement conscience du caractère tout à fait exceptionnel de cette démarche à considérer les annales de notre Haute assemblée.

L'objet initial de ces textes était de lutter contre la diffusion des fausses informations, de responsabiliser les plateformes et les diffuseurs, conformément à la volonté qu'avait exprimée le président de la République lors de ses voeux à la presse le 3 janvier dernier. De l'aveu même du président de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, Bruno Studer, l'arsenal juridique actuel suffisait. L'intention était louable et nous sommes à nombreux penser que la directive du 8 juin 2000 bloque toute évolution du droit national. Nos deux chambres pouvaient s'accorder sur une stratégie pour obtenir une évolution du droit européen. Las ! Ce texte n'apporte aucune solution ; pire, son article premier porte atteinte à l'équilibre de la loi de 1881. En tentant de définir ce qu'est la fausse nouvelle, ce texte, nolens volens, appréhende juridiquement la vérité. L'exercice est potentiellement liberticide car la vérité n'existe pas en dehors de la démarche critique qui consiste à établir des faits, à les vérifier et à les confronter pour en tirer des interprétations vraisemblables. En cela, la mission du journaliste ne diffère pas de celle de l'historien.

Le président de la République vient de dénoncer le pouvoir médiatique en se plaignant de ce que la presse ne recherchait plus la vérité. À l'appui de cette affirmation, il a énuméré des « bobards de cuisine », dont certains ouvertement satiriques sont entremêlés avec des accusations sérieuses. Mettre sur le même plan des informations issues de nos commissions d'enquête et des posts sur les réseaux sociaux montre l'usage pernicieux qui pourrait être fait de ce texte.

Espérons que nos collègues députés entendront notre message et que nous travaillerons ensemble pour obtenir de l'Union européenne des outils de contrôle des contenus et du Gouvernement des politiques qui favorisent le pluralisme de la presse, l'esprit critique et l'éducation à l'information.

Je citerai en conclusion, Le Nom de la Rose d'Umberto Eco : « Le devoir qui anime les hommes est peut-être de faire rire de la vérité, faire rire la vérité, car l'unique vérité est d'apprendre à nous libérer de la passion insensée pour la vérité. » (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure, applaudit également.)

M. David Assouline .  - Le Gouvernement nous demande fin juillet, à la veille de la fin d'une session extraordinaire particulièrement chargée, de lutter contre la manipulation de l'information. Comment relever ce gigantesque défi pour nos démocraties à l'ère d'Internet dans de telles conditions ?

Oui, l'enjeu est planétaire et vital, la guerre de l'information est la continuation de la guerre par d'autres moyens. Petits et grands ennemis de la démocratie ont toujours utilisé la fausse information. Rien n'a changé sur le fond, même si les moyens d'information et de diffusion de masse ont changé la donne.

Selon le directeur du Monde, « le problème de nos sociétés ne réside pas tant dans les fausses nouvelles que dans le fait que nombre de nos citoyens ont choisi de les croire ». Une loi symbolique ne donnera pas vie à l'article 34 de la Constitution. Éduquer encore et encore au décryptage de l'information, réguler encore et encore les plateformes, aider encore et encore la presse à se donner les moyens d'une déontologie à toute épreuve, c'est cela qu'il faut faire.

Cette loi pourrait être utilisée pour empêcher la liberté de la pression. Le président de la République semble en avoir la tentation, voire l'intention à l'entendre dénoncer une presse qui ne cherche plus la vérité, un pouvoir médiatique qui s'érige en pouvoir judiciaire. Car dans l'affaire qui occupe l'actualité, outre les actes de M. Benalla, ce dont il est question, c'est d'abord de la place de l'Elysée, de la présidence de la République, hors contrôle et institutionnellement irresponsable devant le Parlement et la justice. À lieu de remercier la pression pour son rôle irremplaçable de contre-pouvoir, il la fustige.

Pour ne pas risquer l'inconstitutionnalité, cette proposition de loi sera réduite à la période électorale ; cela n'a pas de sens. L'action des lobbies anti-UE a commencé deux ans avant le Brexit, en 2010.

Juridiquement, le juge des référés est celui de l'évidence. Il cantonnera son travail à des informations grossièrement fausses : « Ali Juppé » et non « Alain Juppé ». Si bien que, effet inverse à celui recherché, cette loi aboutira à rendre juridiquement vraies les informations qui n'auront pas été condamnées. Ce texte est inefficace sur les plateformes car les contenus ne peuvent être supprimés que lien après lien, infaisable quand l'information sur la dangerosité des pommes industrielles a été partagée 211 484 sur Facebook. Que dire de la nouvelle prérogative du CSA ? Nous y reviendrons dans la loi sur l'audiovisuel.

Cette loi est dangereuse, inutile et inefficace, elle n'est pas amendable. Le groupe socialiste est prêt à se mettre à la tâche pour lutter contre ce fléau qu'est la désinformation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la ministre, vous êtes un bon soldat. Je salue la présidente de cette belle et grande commission de la culture ainsi que le président de la commission des lois et son rapporteur.

De mémoire, il est très rare que les deux commissions saisies d'un texte aient décidé à la quasi-unanimité de présenter une question préalable. Ce n'est pas la logique habituelle du Sénat ; la Haute Assemblée aime à entrer dans un texte, quel qu'il soit, pour en examiner les rouages ; celui-ci est un bloc, il n'est pas réparable.

Les fausses nouvelles n'ont rien de nouveau. Nous avons en mémoire les « canards » de la Révolution française, le Great Moon Hoax publié dans un grand quotidien new-yorkais en 1835. Ce qui est nouveau, ce ne sont pas les rumeurs, c'est la rapidité de leur propagation grâce l'extension planétaire du web. Nous avons tous en tête le scandale Cambridge Analytica : ce n'est pas un changement d'échelle auquel nous sommes confrontés, c'est un changement de nature.

Ce constat étant posé, les dispositifs de ces deux textes sont-ils des remèdes ? Non, ils sont un poison pour les libertés publiques. Beaucoup l'ont dit avant moi, nous disposons, en France, d'un arsenal législatif reposant sur la grande loi de 1881. L'article L. 97 du code électoral pourrait également être cité. Pourquoi ne pas adapter la loi de 1881 au lieu de créer un monstre juridique qui ne changera rien ? À mon sens, ces textes procèdent d'une profonde méconnaissance d'Internet. Dire que c'est une zone de non-droit est inexact. La grande loi sur le numérique oblige les fournisseurs d'accès à coopérer dès lors qu'un de leurs contenus est déclaré illicite. Par son caractère viral, massif, instantané, extraterritorial, Internet fragilise les ripostes juridiques.

Le juge des référés est le juge de l'évidence et de l'urgence. Prendra-t-il le risque d'interrompre le débat public en ce moment démocratique si particulier des élections ? Je ne le crois pas. Quant au CSA, comment pourrait-il se lancer dans des opérations qui nécessiteraient des centaines de milliers de requêtes quotidiennes ?

Inefficaces, ces textes pourraient devenir des poisons pour les libertés publiques. Le risque naît de la définition de la fausse nouvelle. L'Assemblée nationale a procédé par tâtonnements, qui ont abouti à une tautologie. Du reste, on n'aura jamais vu parcours d'un texte aussi heurté : il est le seul, avec la révision constitutionnelle, à avoir vu son examen interrompu. Relisons l'avis du Conseil d'État ; entre les lignes, transparaît ce problème de l'imprécision. Vous avez mis en doute, Madame la Ministre, le discernement de nos concitoyens mais rien n'est pire qu'une vérité officielle, une vérité d'État.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Il n'est pas possible que des textes de cette ampleur soient votés par le seul parti majoritaire à l'Assemblée nationale. Le groupe Les Républicains votera les questions préalables. Aucun pays d'Europe, sinon l'Allemagne où les critiques sont de plus en plus vives, n'a adopté ce type de législation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

M. Michel Laugier .  - À l'heure d'Internet, la manipulation de l'information est un sujet majeur mais ces deux textes n'apportent pas une réponse satisfaisante. Ils sont inutiles et dangereux. Le chapitre 4 de la loi de 1881 prévoit déjà la suppression de la diffusion d'informations diffamatoires. La loi existe, elle doit être appliquée.

Ce texte confie au juge et au CSA des missions qu'ils ne pourront pas remplir. Que vaut le retrait d'un contenu par une plateforme s'il a été dupliqué à des milliers ou des millions d'exemplaires en quelques secondes ?

Ce texte est aussi dangereux pour la liberté d'expression : certaines affaires, comme celle qui s'est déclenchée ces derniers jours, ne seraient-elles pas étouffées ?

Ce texte pourrait aussi apparaître comme une réponse corporatiste, un texte de protection des élus voté par des élus. Quid de la manipulation de l'information dont sont victimes nos concitoyens ? Il établit une distinction injustifiée entre les journalistes : ceux qui travaillent pour des médias ayant une édition print et les journalistes dont les médias sont des pure players.

Ce texte est donc une réponse épidermique et de circonstance. Il est certain que nous avançons à petits pas face aux GAFA mais la réponse ne peut qu'être européenne.

La meilleure des choses pour lutter contre les fausses informations serait d'améliorer la diffusion de la véritable information. Il est temps de faire évoluer la loi Bichet. Le groupe UC votera les questions préalables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Olivier Paccaud .  - « La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j'ai vu les plus honnêtes gens prêts d'en être accablés. Croyez qu'il n'y a pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville, en s'y prenant bien : et nous avons ici des gens d'une adresse ! ».

Vous connaissez tous cette tirade de Beaumarchais. Oui, la calomnie est un poison dont le venin peut éroder le marbre des statues de la République et de la démocratie. Vous prétendez, avec ces textes, y apporter un remède.

Mais cette proposition de loi n'apporte pas la bonne réponse. Les journalistes, les professionnels concernés sonnent le tocsin ; cette loi est liberticide. Au pays de Voltaire et des Lumières, la liberté d'expression est un bien sur lequel on ne transige pas. Il n'y a pas de place pour la censure.

Ce texte se concentre sur la période électorale, comme si les fake news n'étaient pas un problème en d'autres moments. Et les fausses promesses ? (Sourires) Celle d'un nouveau monde, par exemple ? (Même mouvement)

Le premier exemple de manipulation politique remonte bien au-delà du XVIIIe siècle, Monsieur Gattolin, c'est La Guerre des Gaules de César.

M. André Gattolin.  - Elle n'était pas médiatique !

M. Olivier Paccaud.  - Contre les fake news, la seule façon de faire est d'éduquer, de transmettre la culture générale et la connaissance du numérique. Pour lutter contre la manipulation de l'information, il faut informer, non censurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Claude Malhuret .  - Cette loi est mauvaise, il faut donc à tout prix s'abstenir de la modifier : c'est le raisonnement surréaliste que le Sénat tient. D'habitude, dans cet hémicycle, j'entends nos collègues affirmer, à juste titre, le rôle clef de notre assemblée dans l'élaboration de la loi.

Il n'y a donc pas lieu de délibérer ? Depuis deux ans, on ne parle que des fake news, de l'élection de Trump orchestrée par Poutine avec la complicité des Facebook, Twitter et autres Google, prêts à tout accepter pourvu que ça leur ramène du « fric ». On disait hier que les capitalistes vendraient la corde pour les pendre, aux dictateurs d'aujourd'hui nous vendons le câble. Chaque jour, nous en découvrons un peu plus sur la gangrène de l'Internet par le harcèlement en ligne, les discours de haine et de radicalisation, la propagande djihadiste et la désinformation politique, les vols massifs de données.

Il a été dit que cette loi est inutile parce qu'il existe une loi de 1881. Il faut être farceur ou inconscient pour avancer cet argument. Il y a plus d'un siècle, il n'existait ni Internet ni les réseaux sociaux... Le vrai sujet de cette loi, c'est la transparence et la vigilance des plateformes ; pas un mot là-dessus dans les questions préalables...

Ne pas légiférer sur ce sujet, c'est céder aux monstres monopolistiques hostiles à toute forme de régulation. Je fais observer, du reste, que, menacés de cette régulation, ils ont enfin réagi. Mark Zuckerberg s'est précipité en Europe pour négocier enfin l'autorégulation. Cela n'a pas suffi. L'Allemagne a obligé les réseaux sociaux à supprimer les contenus haineux en moins de 24 heures. Les GAFA ont bien compris le message et que ce qui était impossible il y a trois mois est en train d'être mis en place au triple galop. Cela ira plus vite encore le jour où la France et d'autres pays auront pris des mesures identiques.

Certains s'insurgent contre une atteinte à la liberté de la presse. Encore un contresens : le Conseil d'État, gardien des libertés, ne l'a pas fait. Le discours haineux des djihadistes qui nous ont déclaré la guerre, est-ce la liberté de la presse ? Le lynchage numérique, est-ce la liberté de la presse ?

La loi n'est pas parfaite ? Soit, étudions-la, modifions-la ; faisons notre travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Françoise Nyssen, ministre .  - Merci à MM. Gattolin et Malhuret pour leur soutien. Des années à lutter pour la liberté d'expression m'ont forgé une conviction forte dans ce domaine. Le pessimisme de la lucidité nous oblige à l'optimisme de la détermination. (Sourires amusés à droite)

On ne peut nous reprocher un défaut de concertation : journalistes, représentants des plateformes, experts, société civile, tous ont été entendus, soit dans le cadre de la concertation organisée par mon ministère, soit par le rapporteur de l'Assemblée nationale.

Ce texte n'a pas été élaboré dans la précipitation. Il a fait l'objet d'un travail technique, dense et approfondi. Le Conseil d'État a été saisi et a validé les orientations tout en proposant des clarifications et des précisions techniques, largement reprises.

Le choix de la procédure accélérée se justifie pour que le texte s'applique aux élections européennes de mai 2019. Il est paradoxal de le dénoncer tout en refusant tout examen du texte dès la première lecture !

Je regrette que le Sénat n'apporte pas sa pierre à l'édifice. Face au défi immense, alors que nous sommes d'accord sur le constat, l'absence de réponse est coupable. On peut réclamer, de manière incantatoire, une réponse européenne ; mais alors que l'Union européenne tergiverse et opte pour une simple autorégulation, il est légitime que la représentation nationale se saisisse du sujet.

Le référé n'est ni inutile, ni dangereux - reproches d'ailleurs quelque peu contradictoires. En période électorale, nous avons besoin d'une réponse rapide pour endiguer la propagation d'informations manifestement fausses ; la sanction a posteriori ne saurait suffire.

Le référé ne porte en rien atteinte à la liberté d'expression et au droit à l'information, sans quoi le Conseil d'État l'aurait relevé ! Il ne frapperait que les informations manifestement fausses diffusées artificiellement et cherchant à nuire. Par construction, des révélations reposant sur un travail d'investigation ne sauraient être concernées.

Le travail du Sénat aurait pu améliorer encore des dispositions de bon sens, sur la transparence des plateformes ou le devoir de coopération. Il faut éviter la passivité des plateformes autant que l'autorégulation pure. Vous critiquez la censure privée de Facebook mais permettez qu'elle continue !

Certains d'entre vous sont d'accord avec l'intention, mais attendent une réponse européenne ; d'autres ne veulent pas du tout réguler. Aux premiers, je dis : nous n'avons plus le temps d'attendre, soyons pionniers. Aux seconds, je dis que la régulation est source de liberté.

Ce texte renforce les actions volontaristes lancées en matière d'éducation aux médias et à l'information, meilleur antidote contre la désinformation. Dommage que le Sénat se prive de participer à cette mobilisation.

Vous évoquez le contexte actuel ? Tout le monde fait son travail : le Parlement, le Gouvernement, les juges, la presse. Tout cela témoigne de la réalité de la séparation des pouvoirs dans notre pays. C'est le fonctionnement normal et sain de la démocratie. Chacun pourra continuer à critiquer publiquement le Gouvernement !

M. François Bonhomme.  - Nous voilà rassurés !

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Ce texte ne s'attaque qu'aux manipulations, aux désinformations massives qui visent à tromper. Rien n'entravera le débat démocratique normal. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La discussion générale commune est close.

Question préalable sur la proposition de loi

M. le président.  - Motion n°1 présentée par Mme Morin-Desailly au nom de la commission de la culture

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n° 623, 2017-2018).

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure .  - Il n'est pas dans l'habitude de la commission de la culture de recourir à des motions de procédure ; elle préfère rechercher le compromis. Mais ce texte le justifie : le choix de la proposition de loi, en procédure accélérée, nous prive d'une étude d'impact sérieuse et d'un travail en amont du Conseil d'État, dont l'avis, sévère, du 19 avril a contraint les députés à une profonde refonte de leur texte.

Allions-nous le réécrire à notre tour ? Tous nos interlocuteurs ont jugé impossible d'éradiquer les fausses nouvelles avec les mesures que propose l'Assemblée nationale. Pour le Conseil d'État, l'intervention institutionnelle ne peut rien contre les bulles informationnelles créées par les réseaux sociaux, qui confortent les internautes dans leurs convictions sans les confronter à des points de vue divergents.

Fallait-il voter un texte laissant croire qu'informer deviendrait un délit ?

Les mesures en trompe l'oeil sur les plateformes sont d'autant plus décevantes que cette supra-régulation a le goût d'une autorégulation.

La responsabilité des GAFA n'est pas reconnue à sa juste mesure - cela montre l'urgence d'une réponse européenne. Légiférons au niveau pertinent !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Absolument !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure.  - Un excès de zèle des plateformes mettrait en danger la liberté d'expression et d'information. La proposition de loi se heurte au verrou de la directive e-commerce de juin 2000.

Sur le titre premier, je salue le travail rigoureux de la commission des lois. Notre commission partage le point de vue des groupes Les Républicains, socialiste et Union centriste qui jugent que la difficulté à caractériser l'infraction rendra ces mesures au mieux inefficaces, au pire dangereuses pour la liberté d'expression, liberté essentielle affirmée dès 1789 et dont la liberté de la presse est le corollaire. Lisez les comptes rendus de nos nombreuses auditions ! Les professionnels de l'information ne disent pas autre chose.

Votre définition des fausses informations permettra d'étouffer certaines affaires. Le référé est à la fois trop court pour que le juge puisse prendre sa décision et trop long, comparé à la vitesse de la diffusion des nouvelles. Notre arsenal législatif est déjà fourni : code électoral et code pénal sanctionnent les fausses nouvelles comme les informations malveillantes...

Sur le régulateur, les professionnels s'inquiètent de voir confier au CSA de nouvelles responsabilités sans concertation : la régulation des contenus sur Internet suppose une coopération avec d'autres autorités administratives. La mise en demeure de Russia Today par le CSA prouve que le régulateur dispose déjà d'outils. Dès le lendemain, le régulateur russe menaçait d'interdire la diffusion de France 24 en Russie.

Le président du CSA nous a déclaré qu'il n'avait jamais demandé ces nouveaux pouvoirs et que le collège n'en avait jamais débattu.

Il n'est pas fréquent qu'un texte cristallise l'opposition des professionnels, des juristes, du régulateur, de deux commissions et de trois groupes politiques !

Il fallait au contraire rechercher un consensus, profiter du lancement des états généraux des nouvelles régulations numériques pour chercher des solutions ambitieuses au niveau européen.

Le numérique est à traiter de manière globale. Ne fragmentons pas le débat alors que tout renvoie aux problèmes que posent les GAFA - fiscalité, abus de position dominante, etc. - liés à leur position monopolistique.

La commission de la culture estime qu'une lecture détaillée ne permettra pas de lever des réserves sérieuses. Je vous propose donc d'adopter la motion. Le Sénat, dans sa sagesse, ne peut prendre le risque de toucher à la liberté d'expression et à la liberté d'informer. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - J'ai lu avec intérêt votre rapport ; je partage vos constats, pas vos conclusions. Pour en avoir parlé avec deux commissaires européens, les perspectives d'un texte européen sont très éloignées, hélas. D'ici là, dotons-nous des moyens pour lutter efficacement contre les fausses informations. Peut-être ce texte servira d'inspiration à des évolutions ultérieures...

M. François Bonhomme.  - Avec un droit d'auteur présidentiel ?

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Oui, la régulation des plateformes sera plus efficace au niveau européen, c'est pourquoi je suis favorable à la réouverture de la directive e-commerce. Mais il faut être réaliste, la Commission européenne en est loin. Avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, la motion 1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°227 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption 288
Contre   31

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Question préalable sur la proposition de loi organique

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Frassa, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (n° 629, 2017-2018)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur .  - Portalis, qui nous regarde sans doute d'un oeil désespéré, disait : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Proposer dans la précipitation un tel dispositif ad hoc sans avoir essayé d'améliorer le droit existant est regrettable. Il est irresponsable de légiférer sur les libertés publiques sans étude d'impact. Heureusement que le président de l'Assemblée nationale a au moins saisi le Conseil d'État !

Cette motion est justifiée par les risques d'atteintes disproportionnées à la liberté d'expression. Comment le juge des référés pourrait-il établir a priori l'altération d'un scrutin qui n'a pas encore eu lieu ? Pourquoi limiter la liberté d'expression seulement pendant les périodes électorales ? Le juge judiciaire et le juge électoral ont traditionnellement laissé une large place à la polémique politique. Pourquoi encadrer le débat électoral davantage que le débat sur la santé ou l'économie ? Faut-il interdire le droit d'imaginer, d'alléguer ou de supposer en période électorale ?

Selon le Conseil constitutionnel, la liberté d'expression est fondamentale dont l'exercice garantit le respect des autres droits et libertés. La loi ne peut en réglementer l'exercice que pour la rendre plus effective. Je ne suis pas sûr que l'article premier respecte les exigences constitutionnelles.

Le risque d'instrumentalisation à des fins dilatoires me semble trop grand. La commission des lois préfère s'abstenir de légiférer plutôt que d'adopter de telles dispositions.

En 1784, Beaumarchais, dans Le Mariage de Figaro, face à un pouvoir qui entendait brider la liberté d'expression, disait : « il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Claudine Lepage applaudissent également.)

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - Face à un constat alarmant, il est urgent d'agir ; la navette devait permettre d'enrichir le texte mais vous préférez passer votre tour. Quel dommage ! Le Gouvernement ne prendra pas le risque de l'attentisme. Nous irons jusqu'au bout, le texte poursuivra son parcours législatif.

Explications de vote sur la proposition de loi organique

M. François Bonhomme .  - Après des mois d'attente, ce projet de loi a suscité beaucoup de scepticisme ; pas un juriste, pas un professeur de droit, pas une association de journalistes qui n'ait dénoncé ce texte d'inspiration jupitérienne, sans doute contre-productif : entorse au principe de liberté d'expression avec une labellisation de la vérité d'État ou, plus ironique, valorisation d'une information estampillée « faux officiel ».

Selon le Conseil d'État, la réponse du juge des référés risque d'être trop tardive. Dans une crise d'optimisme, on pourrait soutenir que cette loi ne fera pas trop de mal... C'est un hebdomadaire à forme de palmipède qui a le mieux résumé ce texte : Les députés ont foncé la tête dans le bidon. Mal leur en a pris, et cette question préalable est là pour le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. David Assouline .  - Le groupe socialiste votera cette motion et s'y associe. La désinformation est un fléau dont on a vu les effets sur des piliers de la démocratie comme les États-Unis et la Grande-Bretagne. Mais la France, grâce à son arsenal et sa tradition en matière de liberté de la presse et d'expression, a résisté, lors des dernières élections, aux attaques visant à répandre des informations malveillantes.

Avec l'intelligence artificielle, on pourra fabriquer de fausses informations, des vidéos, des mises en scène, montrer le président de la République disant des choses qu'il n'a jamais dites ! Même la riposte sera difficile. Ne laissons pas croire qu'avec cette petite loi inutile, dangereuse et inefficace, nous y ferons face...

M. Pierre Ouzoulias .  - Madame la Ministre, je n'ai pas aimé votre ton. Le président de la République a voulu ce texte que vous tentez de nous imposer. Nous proposons un dialogue, vous le refusez en répondant qu'il sera de toute façon adopté par l'Assemblée nationale. Cela montre que nous avons raison de voter cette motion, pour dénoncer cette forme d'arbitraire.

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°228 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 287
Contre   31

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi organique est rejetée.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président