Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Naufrage et Société nationale de sauvetage en mer

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, toute la communauté des gens de mer est en deuil. Vendredi, trois sauveteurs bénévoles de la SNSM sont morts noyés pour venir en aide à un marin pêcheur en détresse. La mer était démontée quand ils ont reçu un message du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross). Pourtant, ils n'ont pas hésité. Ils y sont allés, car c'est leur raison d'être - et même de mourir, malheureusement. Depuis que cette terre est battue par la marée sans fin de la vie et de la mort, ceux qui sauvent suivent leur devoir jusqu'à, parfois, l'ultime sacrifice.

Le président de la République a décidé d'honorer ceux qui sont morts. Il faudrait aussi honorer les vivants, c'est le même courage, le même équipage.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes de ces gens de mer si merveilleusement décrits par Marc Elder. Je voudrais que vous vous engagiez devant le Sénat de la République, devant ceux qui ne sont plus et aussi devant ceux qui vivent, à tirer toutes les leçons de ce drame. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe CRCE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je m'associe à vos propos et à ceux du président Larcher pour dire mon émotion, mon admiration, ma solidarité et mes fortes pensées aux familles et aux camarades des victimes. Votre émotion, monsieur Retailleau, est celle d'un responsable politique et d'un citoyen français qui sait reconnaître les héros, qui connaît la mer, la course au large et les difficultés inhérentes au métier de marin pêcheur. Dans votre département, la mer donne beaucoup, mais parfois elle reprend.

Lorsque le gros temps arrive, il est raisonnable de penser qu'on ne saura pas vaincre les éléments - et pourtant, les sauveteurs sortent, sans se poser de question, alors même qu'ils savent que c'est trop dangereux.

L'admiration de tous envers les femmes et les hommes en orange est bien légitime. Oui, la République sait reconnaître les héros. Elle saura distinguer ceux qui ont pris la mer ce jour-là pour sauver un marin.

Par le passé, nous avons considérablement accru nos efforts budgétaires en faveur de la SNSM - même si les sommes en valeur absolue ne sont pas très importantes. Le modèle économique de la SNSM repose en effet sur le bénévolat et les dons. Il faudra s'interroger sur la pérennité de ce modèle. En 2017 et en 2018, j'ai présidé les Comités interministériels de la mer à Brest puis à Dunkerque. J'ai l'intention de présider celui qui se tiendra en 2019 et je propose que nous nous interrogions alors sur le modèle du sauvetage en mer : ce qu'il convient de conserver, de réparer et de développer. Cette question intéresse tous ceux qui savent que rien n'est plus beau que de servir ses concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)

Financement de la Société nationale de sauvetage en mer

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Une émotion vive et sincère s'est emparée de la ville des Sables-d'Olonne, de la Vendée et de la communauté maritime. Vendredi, alors que la tempête Miguel fait rage, sept marins expérimentés, sauveteurs bénévoles de la station SNSM des Sables-d'Olonne, ont fait naufrage à bord du canot tout temps Jack Morisseau.

Animés par la solidarité des gens de mer, ils allaient porter assistance à un bateau de pêche. Des murs d'eau ont eu raison du canot qui s'est retourné, une première fois, une seconde et une troisième, fatale. Trois hommes sont morts. Quatre hommes parviendront à rejoindre la côte dans des conditions invraisemblables.

Hier, 15 000 personnes leur ont rendu un hommage poignant à travers une marche silencieuse.

Ces hommes et ces femmes s'engagent bénévolement pour sauver des vies. Ils méritent notre respect. Ils sont sauveteurs en mer, pompiers, membres de la Protection civile ; ils remplissent des missions de service public.

Le canot Jack Morisseau était le bateau de réserve de la station. Cette embarcation de 1986 est sortie dans des conditions de mer dantesques parce que le canot n°1 est en réparation depuis de nombreux mois, parce que l'association SNSM et ses 8 000 bénévoles, subventionnée à 80 % par des dons, n'a pas les moyens de renouveler tout son matériel navigant.

J'en appelle à une nécessaire et urgente prise de conscience collective afin de doter ces hommes et ces femmes, qui s'engagent pour les autres, de moyens financiers et matériels suffisants, pour que soit préservé et consolidé le statut de bénévole et qu'un accompagnement des familles des victimes soit assuré. Excusez mon émotion. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Nous partageons toutes et tous votre émotion. Comme vous le savez, elle était forte quand nous nous sommes retrouvés aux Sables-d'Olonne, vendredi après-midi, après ce drame. Je suis allé présenter mes condoléances aux familles et aux proches des victimes, parmi lesquelles des enfants, qui ont perdu leur père. J'ai également rencontré trois sauveteurs qui en ont réchappé, le quatrième étant hospitalisé. Ces sauveteurs n'ont écouté que leur courage et leurs sens du devoir, vendredi matin.

Je les ai écoutés longuement évoquer les circonstances du drame. Ils ont tenu à nous dire qu'il n'y a pas eu de débat entre eux avant de sortir en mer. Ils étaient unanimes. Ils ont cependant admis qu'une question se posait, celle de l'interdiction de prendre la mer quand la mer est démontée. Car aucune interdiction n'est actuellement prévue à ce sujet, même lorsqu'une alerte météo est lancée. Ils ont demandé aussi l'organisation d'une table ronde pour tirer tous les enseignements de ce drame.

Leur rendre hommage, c'est être à leurs côtés dans la durée et donner des moyens à la SNSM. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Crise des urgences (I)

M. Michel Amiel .  - La situation aux urgences ne surprend personne. Si les moyens alloués depuis quelques années ont augmenté sensiblement, le recours des patients aux services d'urgence a augmenté encore bien davantage. Bien souvent, il s'agit plus de consultations non programmées que de véritables urgences, ainsi en périodes d'épidémie de grippe. Mais il est vrai que pour bon nombre de Français, le service des urgences est parfois le seul recours possible.

La suppression de la permanence des soins en ambulatoire en 2003 n'a sans doute rien arrangé, mais il est toujours difficile de revenir en arrière. Si le personnel des urgences est au bord du burn-out, les médecins de ville ne sont pas mieux lotis avec 50 à 60 heures de travail hebdomadaire hors permanence des soins.

De grâce, arrêtons de monter les soignants contre les soignants : la ville et l'hôpital rament sur la même galère et vous avez hérité d'une situation catastrophique. (Protestations sur les bancs du groupe SOCR)

Personnellement, je ne crois pas à l'efficacité de la mesure d'un forfait de réorientation, car il faudrait déjà une pré-consultation pour déclarer le caractère non urgent de l'acte à effectuer. De surcroît, il s'agirait d'un manque à gagner pour les urgences. Le coût moyen pour l'assurance maladie s'élève à 150 euros, quelle que soit la gravité de l'affection du patient. Le Sénat n'a d'ailleurs pas voté cette mesure.

Ayons l'humilité d'admettre que nul ne possède la solution miracle, surtout à moyen constant.

Certes les mesures que vous proposez, maisons médicales de soins non programmées, hôpitaux de proximité, apporteront des solutions à moyen et long terme. Mais à court terme, que pouvez-vous proposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La souffrance des personnels aux urgences est une réalité. Les difficultés sont anciennes et se sont aggravées. De dix millions de passages aux urgences fin 1990, nous sommes passés à vingt millions. Les services n'ont pas été redimensionnés pour cela.

Dès cette année, j'ai donné du souffle à l'hôpital en dégelant en une fois les 415 millions d'euros gelés en 2018 auxquels s'ajoutent 300 millions d'euros non utilisés en 2018 et réalloués aux hôpitaux en mars 2019.

J'ai aussi augmenté les tarifs hospitaliers payés par la sécurité sociale, pour la première fois depuis dix ans. Ces mesures démontrent que je suis aux côtés des personnels soignants, en attendant que le projet de loi dont nous discutons soit voté.

Des annonces ont été faites jeudi dernier, à l'occasion du congrès national des urgences : tout d'abord, une mission permettra de repenser les urgences pour répondre aux enjeux du XXIe siècle. Une prime de risque sera versée à tous les personnels des urgences qui sont soumis à beaucoup d'incivilités et de fatigue ; une prime de coopération favorisera les délégations de tâches entre les professionnels de santé afin de fluidifier le traitement des malades. J'ai demandé des moyens supplémentaires aux ARS pour recruter du personnel dans les établissements en tension. Je préciserai d'ici la fin de la semaine ces mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Lignes d'aménagement du territoire

Mme Josiane Costes .  - Les lignes d'aménagement du territoire ne représentent que 0,3 % du trafic des aéroports de Paris mais sont vitales pour certains départements enclavés, difficilement accessibles par le rail ou la route. Les collectivités territoriales les financent au maximum de leurs possibilités.

La hausse des taxes sur le kérosène, au demeurant légitimes au regard du réchauffement climatique, accroîtrait le déficit de ces lignes aériennes et mettrait en danger le maintien de l'activité économique dans nos territoires.

Alors qu'on parle beaucoup de différenciation territoriale, et c'est d'ailleurs l'une des dispositions prévues par le projet de loi de réforme constitutionnelle, le kérosène utilisé pour ces lignes ne pourrait-il pas être détaxé ? À défaut, l'État ne peut-il pas prendre à sa charge ce surcoût ? Sa responsabilité est de protéger les plus faibles pour ne pas aggraver une fracture territoriale que nos concitoyens ne supportent plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement est favorable à ce que le transport aérien contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; cela pourrait passer par une forme de taxation environnementale. Mais cela n'a pas de sens si on le fait seulement au niveau franco-français car les compagnies aériennes iront faire le plein dans les pays voisins lors de leurs rotations européennes.

Il faut le dire clairement : le transport aérien est déjà mis à contribution à travers les taxes d'aéroport. Certains, de façon démagogique, comparent ce qui n'est pas comparable : les taxes d'aéroport représentent 50 % du prix du billet en France, contre 30 % en Suède.

Nous devons mener le combat au niveau européen et nous le ferons. Avec une coalition de pays volontaires, nous travaillons pour que la nouvelle Commission européenne porte ce sujet. Ensuite, il faudra passer à l'échelle internationale.

Certaines destinations, telles qu'Aurillac ou Castres, doivent exister car le train n'est pas une solution compétitive. Le Gouvernement est au rendez-vous, y compris, parfois, pour les subventionner.

M. François Patriat.  - Très bien !

Mme Josiane Costes.  - Sans soutien, ces lignes seront en danger et l'avenir de ces territoires s'assombrira. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Crise des urgences (II)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Depuis trois mois, les urgences sont engagées dans un mouvement pour alerter sur les conditions intolérables d'accueil et de prise en charge des patients. Selon le collectif Inter-Urgences, 95 services sont en grève. Cette mobilisation d'intérêt général est au service de l'humain, pour la dignité.

Madame la ministre de la Santé, vous avez annoncé des mesures pour faire face à une situation exceptionnelle mais les services d'urgences sont confrontés à cette situation toute l'année. Que ferez-vous si les urgences de Lens ferment leurs portes cet été ? Réquisitionner le service de santé des armées, comme l'a suggéré le président de la Fédération hospitalière de France ? Que ferez-vous face à l'urgence sociale et sanitaire de nos hôpitaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Votre question est double. Concernant Lens, comme tous les étés, et comme tous les hivers avant l'épidémie de grippe, des réunions auront lieu autour du 15 juin avec l'ensemble des parties prenantes pour organiser la permanence des soins.

De manière générale, les urgences sont le symptôme d'un système de santé qui dysfonctionne en amont comme en aval.

Au-delà des mesures d'urgence, j'ai souhaité régler le problème au fond par la loi que vous voterez sous peu. Avec les communautés professionnelles territoriales de santé, elle facilitera l'accès aux soins non programmés en ville, qui seront financés ; cela libérera du temps aux urgences en amont. Pour l'aval, j'ai confié une mission de refondation des urgences au professeur Pierre Carli et au député Thomas Mesnier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Dans le bassin lensois, l'inquiétude monte. Pas moins de sept médecins urgentistes sur quinze ont démissionné. Comment le service pourra-t-il fonctionner avec huit médecins alors qu'il était déjà saturé l'an passé quand l'effectif était au complet ? Je vous interroge dès maintenant, pour que vous puissiez anticiper. Sortez de la logique de réduction des dépenses pour ne pas faire de la non-assistance à personnel en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Crise des urgences (III)

M. Jean-Louis Tourenne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Durant l'examen du projet de loi Santé, les sénateurs Jomier et Rossignol ont rappelé combien la situation des urgences était désastreuse. Quelque 90 services sont en grève. Le personnel est dévoué, compétent mais fatigué, usé, souvent au bord des larmes. Les admissions croissent chaque année jusqu'à atteindre 21 millions. Les signaux sont clairs et le décès de Micheline, après quatorze heures passées sur un brancard à l'hôpital Lariboisière n'était pas le moindre.

Pourtant, madame la ministre de la santé, vous renvoyez les grévistes à la culpabilisation : ils surchargeraient leurs collègues. Mais ils sont en grève parce qu'ils sont surchargés toute l'année. À qui la faute ? Vous affirmez votre maîtrise de la situation : les déserts médicaux, c'est du passé ; la suppression du numerus clausus, la panacée.

Face aux incantations, la réalité est celle de la désespérance des urgentistes qui sont dans la rue. Vous me répondrez que le déficit de la sécurité sociale risque d'atteindre les 4,4 milliards d'euros : à qui la faute ? Hors les 700 millions d'euros pris sur les blocages de l'an dernier, quelles mesures prendrez-vous pour les urgentistes que soutiennent majoritairement les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Ma réforme n'est pas une réformette. La dernière réforme, la loi d'organisation du système de santé de 2016, n'a pas laissé les hôpitaux dans un état meilleur qu'il ne l'était cinq ans auparavant. Tout le monde doit faire preuve d'humilité. Il est difficile de trouver des médecins, compte tenu de la démographie médicale catastrophique. Nous payons aujourd'hui des décisions qui ont été prises il y a trente ans.

Avec humilité, donc, j'essaie de trouver des solutions. Ma réforme est ambitieuse : demander aux médecins de ville de mieux s'organiser pour assurer l'accès aux soins non programmés et la prise en charge des patients chroniques afin que les urgentistes aient plus de temps pour les vraies urgences.

Ma réforme est financée. Je viens de dégager 700 millions d'euros pour l'hôpital et de prévoir une revalorisation des tarifs hospitaliers pour 2019. J'ai demandé que ces moyens soient fléchés sur l'amélioration des conditions de travail du personnel et la rénovation des locaux, parfois trop petits pour accueillir les patients, parfois vétustes. Il faudra plus qu'un coup de peinture pour garantir un accueil digne.

De plus, j'ai annoncé, lors du congrès des urgentistes la semaine dernière, des mesures pour les soignants, dont je sais le rythme et les conditions de travail difficiles. La prime de risque sera harmonisée partout sur le territoire. (M. François Patriat applaudit, de même que M. Jean-Claude Requier et Mme Françoise Gatel.)

M. Jean-Louis Tourenne.  - Vous plastronniez de présenter un budget qui était en l'équilibre grâce à la gauche (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) et maintenant vous n'avez plus les moyens de satisfaire les besoins de l'hôpital ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Embargos et extraterritorialité du droit américain

M. Joël Guerriau .  - Le commerce mondial est bridé par des embargos et des sanctions commerciales qui s'appliquent à plus d'une trentaine de pays, à des personnes morales et physiques, à des marchandises ou à des moyens de transport. Cette situation pèse lourdement sur le transport maritime français.

Les sanctions évoluent si vite qu'un bateau peut se trouver immobilisé du jour au lendemain en pleine mer, l'armateur doit se séparer de la cargaison et du navire. Dans cet environnement instable, nos entreprises s'imposent, au quotidien, des règles et des procédures strictes. Elles consacrent des heures à remplir des questionnaires, notamment sur l'historique des navires. Les conditions sont si élevées qu'elles les amènent trop souvent à ne pas pouvoir honorer leurs contrats.

Nos entrepreneurs se sentent pris en otage par les décisions du Trésor américain, qui mène une guerre commerciale qui ne dit pas son nom. Comment les protéger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Vous parlez d'or ; je n'ai rien à redire de vos propos. Les États membres de l'Union européenne ont un rendez-vous majeur, celui de leur souveraineté économique. Nos alliés n'ont pas à nous dicter où les entreprises européennes peuvent ou ne peuvent pas commercer.

Des mesures ont été prises il y a une vingtaine d'années, dont le Règlement de 1996 pour contrer la loi Helms-Burton. Nous avons mis en place un outil pour que les entreprises européennes puissent continuer de commercer avec l'Iran. En tout état de cause, la solution n'est pas dans l'unilatéralisme. Avec la nouvelle Commission européenne et le Parlement européen renouvelé, nous renforcerons le Règlement de 1996 ; nous affirmerons tout simplement la puissance européenne, cet espace de 500 millions d'habitants et de consommateurs doit peser encore et toujours plus.

Bastiat disait il y a plus d'un siècle : là où le commerce passe les frontières, les soldats ne les passent plus. Retenons la belle leçon des alliés de l'été 1944 : la désescalade car les tensions commerciales menacent la stabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe RDSE)

Renault-Nissan-Fiat

Mme Sophie Primas .  - Ma question porte sur le groupe Renault, ébranlé par plusieurs mois de tensions après le départ de Carlos Ghosn. L'alliance est de nouveau éprouvée par la discussion puis le retrait, apparent ou réel, d'une offre de fusion. La proposition de Fiat s'appuyait sur une valorisation au rabais de Renault, donnait les coudées franches à la famille Agnelli dans la gouvernance de l'entité fusionnée et divisait par deux les parts de l'État français.

Au-delà de ce deal enterré aussi soudainement qu'il avait été envisagé, je souhaiterais des éclairages sur les opportunités de cette éventuelle alliance entre ces constructeurs égaux qui chassent sur les mêmes terres. Poursuivez-vous les discussions ? Quelles seraient vos conditions pour un accord ?

Ces allers-retours entre Renault et Fiat pourraient mettre en péril l'alliance entre Renault et Nissan. La tiédeur du groupe japonais devrait nous inciter à la prudence, il s'est abstenu lors du vote sur la fusion. M. Lemaire s'est rendu au Japon, à l'occasion du G20, pour tenter de rassurer. Alors que la prochaine assemblée générale de Nissan aura lieu le 25 juin, Renault vient de s'opposer à la nouvelle gouvernance du groupe japonais. Comment l'Etat compte-t-il apaiser ces tensions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MM. Fabien Gay et Michel Laugier applaudissent également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Lorsque le groupe Fiat-Chrysler a proposé une alliance à Renault, l'État a montré un esprit d'ouverture, soucieux des objectifs stratégiques du groupe. Bruno Lemaire avait posé des conditions : réalisation de l'opération dans le cadre de l'alliance entre Renault et Nissan, préservation des emplois et des sites industriels en France, gouvernance respectueuse des équilibres de Renault et Fiat-Chrysler, préservation des projets de batteries électriques avec l'Allemagne.

Le manque de soutien explicite de Nissan a conduit Fiat-Chrysler à retirer son offre. L'État en prend acte. Bruno Lemaire avec son homologue japonais a pu récemment réaffirmer l'attachement de la France et du Japon à l'alliance entre Renault et Nissan.

M. François Patriat.  - Très bien !

Décentralisation

M. Jean-Marc Gabouty .  - Depuis plus de six mois notre pays est confronté à une crise sociale mais aussi à une crise territoriale, dont témoignent la sociologie des gilets jaunes et les résultats des dernières élections européennes. Les deux ont des racines profondes et parfois anciennes.

Le grand débat a été l'occasion pour le président de la République et le Gouvernement de renouer un dialogue plus direct avec les élus locaux qui a suscité chez beaucoup d'entre eux l'espoir d'être enfin compris.

Le président de la République a annoncé dès janvier et confirmé en avril un nouvel acte de décentralisation accompagné d'une révision ou adaptation de la loi NOTRe et d'une déconcentration des services de l'État. Fin avril, le Premier ministre annonçait une concertation pour juin. Quel sera le périmètre, le calendrier ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. François Grosdidier.  - C'est pas demain !

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Je vous prie d'excuser Mme Gourault, qui est retenue à l'Assemblée nationale.

Ces derniers mois ont mis en avant les inquiétudes sociales et territoriales. En concluant le grand débat, le président de la République s'est engagé à consolider les mandats locaux, en particulier celui de maire, et à ouvrir un nouvel acte de décentralisation.

Concrètement, cela donnera lieu à deux projets de loi. Sébastien Lecornu présentera un projet de loi qui facilitera le travail des élus locaux et témoignera de la reconnaissance de l'État. Présenté en conseil des ministres dans les toutes prochaines semaines, il sera débattu avant les municipales. Il inclura les irritants de la loi NOTRe.

Le deuxième projet de loi, porté par Mme Gourault, ciblera les politiques du quotidien et rapprochera les décisions publiques de nos concitoyens. La politique du logement, par exemple, est trop tenue par des zonages. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Marc Gabouty.  - Il y a quelques mois, nous avons été échaudés par un projet de loi sur l'eau et l'assainissement.

Plusieurs voix à droite et au centre.  - Eh oui !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Il faut davantage tenir compte du principe de subsidiarité. Comme le disait le président de la République, il faut « remettre de la responsabilité au plus près du terrain ». (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Crise des urgences (IV)

M. Jean Sol .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les services d'urgences, en crise depuis de longues années, sont à bout de souffle. Il y a 12 ans déjà, un rapport de notre Haute assemblée les décrivait comme « le miroir grossissant des dysfonctionnements de l'ensemble de notre système de santé ». La situation s'aggrave en raison de l'inadéquation entre le nombre de passages, les moyens alloués et la disponibilité des lits d'aval. Les différents plans mis en oeuvre n'y ont rien changé. Résultat, les grèves se multiplient. Les patients sont exaspérés, les soignants désespérés.

Madame la ministre, vous me répondrez que la loi « Santé » porte la double ambition de réorganiser les soins et d'alléger le poids pesant sur l'hôpital mais elle ne portera ses fruits qu'en 2022. En 2022, ce sera trop tard. Il y a urgence pour nos urgences. Que ferez-vous pour soulager ces services et éviter de nouveaux drames ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Vous avez raison : les urgences sont en tension depuis de nombreuses années et la hausse du nombre de passages a aggravé les choses.

C'est pourquoi j'ai décidé un refinancement de 300 millions d'euros dès le mois de mars et 700 millions d'euros supplémentaires pour l'hôpital que j'ai demandé de cibler vers les urgences. Les situations sont très variables. Dans certains cas, les locaux sont insuffisants, là c'est le personnel - médecins ou paramédicaux - qui manque. Ailleurs, le flux n'est pas excessif. Beaucoup d'hôpitaux n'enregistrent pas plus de 15 000 passages par an, soit 2 par heure. Il faut que les budgets aillent aux services les plus en difficulté.

J'ai demandé aux ARS de les accompagner. Je ne néglige pas les conditions de travail aux urgences - professionnel de santé comme moi, vous les connaissez, y compris les difficultés émotionnelles que ceux qui y travaillent rencontrent. (M. François Patriat applaudit.)

Apprentissage en outre-mer

M. Maurice Antiste .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ma question s'adresse à tout le Gouvernement. La France compte plus de 1,3 million de jeunes qui ne sont ni à l'école, ni à l'université, ni en apprentissage, ni en emploi.

L'apprentissage est rendu plus difficile outre-mer, en particulier en Martinique, en raison du tissu économique principalement constitué de microentreprises. Toutes les semaines, je suis sollicité par des jeunes et leurs familles qui ne trouvent pas d'entreprises et sont contraints de renoncer à leurs études en alternance.

La réforme sur l'apprentissage ne fait pas consensus car la condition requise pour intégrer une préparation à l'apprentissage est la même que pour accéder à l'apprentissage lui-même : trouver une entreprise accueillante. D'ailleurs, si on prend en compte alternance, apprentissage et professionnalisation, on observe une baisse des effectifs de 4,1 % par rapport à février 2018. Selon une enquête Studyrama, 84 % des jeunes entre bac et bac+5 ont trouvé la recherche d'une entreprise difficile. Que fera le Gouvernement pour nos jeunes ultramarins qui se sentent abandonnés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser Mme Pénicaud qui participe, auprès du président de la République au centenaire de l'OIT à Genève.

Je partage votre constat d'un chômage qui frappe plus durement les jeunes d'outre-mer par rapport au reste du pays. Le Livre bleu des outre-mer en 2018 avait fléché 700 millions d'euros pour soutenir la formation professionnelle. En avril 2019, nous avons étendu le dispositif des emplois francs.

Les chiffres de l'apprentissage restent néanmoins insatisfaisants en outre-mer, en Martinique. D'où une ordonnance spécifique aux outre-mer prévue par la loi portant liberté de choisir son avenir professionnel pour bâtir un diagnostic partagé avec les élus et trouver des solutions. Soyez sûr de la volonté du Gouvernement de développer l'apprentissage outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Scandale des faux steaks hachés

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Depuis vendredi dernier, un scandale alimentaire de plus secoue notre pays. Des steaks hachés de mauvaise qualité ont été distribués aux plus démunis. C'est une faute morale intolérable. C'est une fraude, une tromperie sur la qualité du produit acheté.

La chaîne est particulièrement longue impliquant le fonds européen d'aide aux plus démunis, mais aussi l'État qui a confié à AgriMer l'organisation d'un appel d'offres, l'entreprise financière qui a remporté le marché et a recouru à une entreprise polonaise pour s'approvisionner. Le ratio entre prix total d'achat et poids de la viande aurait dû alerter les pouvoirs publics. Alors qu'on parle de plus en plus de circuit court, il faudrait en faire une règle européenne dans l'organisation de la mise en concurrence, au nom du bon sens écologique, économique et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - La DGCCRF a annoncé une tromperie vendredi matin. Cette affaire est celle d'escrocs cyniques qui croyaient agir en toute impunité. C'est raté, il y a eu contrôle et ils encourent deux ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.

C'est un enjeu de tromperie mais pas un enjeu de santé. Nous faisons preuve de la plus grande transparence pour envoyer le message aux entreprises qu'elles ne pourront plus faire de petites marges en trompant.

Les associations ont été très réactives, elles nous ont alertés dès qu'elles se sont rendu compte que la marchandise n'était pas conforme au cahier des charges qui est extrêmement précis. Une enquête a aussitôt été lancée.

Nous travaillons, main dans la main, pour tirer les conséquences de cette affaire, y compris pour le renouvellement des stocks des associations, avec les ministères de l'Agriculture et de la Santé.

La séance est suspendue à 17 h 55.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 18 h 10.