Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Attaque survenue à la préfecture de police de Paris

M. François Patriat

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Malaise des agriculteurs

M. Henri Cabanel

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Situation des Kurdes dans le nord-est syrien

Mme Christine Prunaud

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Situation des trésoreries et proximité des services publics

M. Hervé Gillé

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Qualification politique des candidatures

M. Dany Wattebled

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Sécurité et lutte contre le terrorisme

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Injonctions gouvernementales contradictoires en matière de ressources en eau

Mme Nadia Sollogoub

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Lutte contre le radicalisme

M. Cédric Perrin

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Services d'urgence (I)

Mme Nadine Grelet-Certenais

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Services d'urgence (II)

M. Jean Pierre Vogel

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Forêts et changement climatique

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Malaise dans l'Éducation nationale

M. Olivier Paccaud

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Situation en Algérie

M. Olivier Léonhardt

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Sécheresse

M. Franck Montaugé

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol pour les agriculteurs

Mme Pascale Gruny

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Hommage à une délégation de Macédoine du Nord

Politique migratoire

M. Édouard Philippe, Premier ministre

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

M. Jean-Yves Leconte

M. Jean-Claude Requier

M. Alain Richard

M. Stéphane Ravier

Mme Éliane Assassi

M. Claude Malhuret

M. Philippe Bonnecarrère

M. Bruno Retailleau

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Engagement et proximité (Procédure accélérée - Suite)

Mises au point au sujet de votes

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE PREMIER BIS

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE PREMIER TER

Annexes

Ordre du jour du jeudi 10 octobre 2019

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mercredi 9 octobre 2019

5e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Annie Guillemot.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est naturellement retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

J'appelle au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Attaque survenue à la préfecture de police de Paris

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Sept minutes, sept minutes ont suffi pour plonger la préfecture de police de Paris dans l'un des drames les plus douloureux de son histoire et la France dans l'incompréhension et la stupeur. Les mots du président de la République ont été forts et justes. Au nom du groupe LaREM et du Sénat tout entier, je souhaite redire notre solidarité aux familles et aux forces de l'ordre. Le 3 octobre, la France a été frappée au coeur de l'ordre républicain.

L'heure est à la douleur et à la peine. L'enquête juridique fera la lumière sur ces actes. Nous devons faire bloc, comme l'a dit le président de la République, et je salue le travail des services de renseignement qui ont déjoué 59 attentats depuis 2013.

Nous devons partout lutter contre la radicalisation.

Monsieur le Premier ministre, vous avez saisi l'inspection des services de renseignement avec deux missions : faire la lumière sur les faits de la préfecture de police de Paris et évaluer l'action de tous les services de renseignement impliqués dans la lutte contre le terrorisme. Quelles pistes de travail sont envisagées ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - « Faire bloc » : ce sont les termes utilisés hier par le président de la République dans la cour de la préfecture de police de Paris pour dire l'attitude de la France face à cette attaque.

Faire bloc, c'est d'abord faire bloc avec ceux qui restent, les familles de ceux qui ont été tués, leurs amis, leurs collègues qui doivent continuer à vivre au-delà de cette violence.

Faire bloc, cela signifie aussi que l'État et la Nation tout entière sont unanimement soudés dans le long combat contre l'islamisme radical et le terrorisme.

Voix à droite.  - Il serait temps !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Voilà pourquoi le Gouvernement ne se placera jamais dans la position de désigner tel ou tel en l'accusant de ne pas avoir été à la hauteur des enjeux.

Depuis 2015, les gouvernements qui se sont succédé ont fait de leur mieux pour parer dans l'urgence à la menace terroriste et éviter de nouveaux attentats. La critique politique est légitime mais il faut dire que les décisions de ces gouvernements sont toutes allées dans le bon sens.

Faire bloc, c'est aussi ne pas aller chercher telle ou telle responsabilité dans tel ou tel bureau. Lorsque des signaux faibles sont émis, il est parfois difficile de les traiter - et cela est vrai partout, que ce soit dans un service de renseignement, dans une administration ou dans une collectivité territoriale, chacun de vous le sait. Je ne veux pas pointer du doigt ceux qui s'étaient posé des questions et qui n'ont pas fait de signalement.

Les actions du service de renseignement sont toujours discrètes ; leurs échecs toujours dramatiques.

Faire bloc, c'est soutenir les forces de l'ordre et les services de renseignement, pas seulement quand ça va bien, mais quand c'est difficile.

J'ai demandé qu'une inspection des services de renseignement soit mise en place pour déterminer comment la chaîne de signalement des signaux faibles a été mise en oeuvre.

J'ai souhaité également que soit conduite, parallèlement, une révision de l'ensemble des services de renseignement, pour que l'encadrement intermédiaire identifie la totalité des signaux faibles qui n'auraient pas été signalés.

Nous éviterons ainsi de répéter cette situation dramatique. Il revient au Gouvernement de mettre en oeuvre les mots forts du président de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE et sur plusieurs travées du groupe UC)

Malaise des agriculteurs

M. Henri Cabanel .  - Non-partage de la valeur, aléas climatiques et sanitaires, zones de non-traitement, CETA. Hier, les agriculteurs ont crié leur détresse. Arrêtons de tirer sur l'ambulance. Un agriculteur se suicide chaque jour.

Souhaitons-nous faire disparaître notre agriculture ? Voulons-nous nous nourrir de produits importés, qui ne respectent pas nos exigences sanitaires ? Nos agriculteurs utilisent des produits homologués par l'Agence nationale de sécurité sanitaire. Il n'y aura pas de transition écologique sans agriculteurs. Pourquoi parler toujours du mauvais et jamais du bon ? Pourquoi ne pas parler, par exemple, de VitiREV, le projet lancé en Gironde par la région Nouvelle-Aquitaine dans le cadre de l'appel à projets Territoires ? Il faut une ligne unifiée et partagée.

Monsieur le ministre, nul ne conteste votre soutien aux agriculteurs, votre combat contre l'agribashing, mais où est la cohérence quand on vide les chambres d'agriculture de leurs moyens alors que se développe une concurrence déloyale ? Comment comptez-vous faire appliquer l'article 44 de la loi EGalim sur l'étiquetage ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous avez raison de faire ce constat de la coupure entre une partie de la population et les agriculteurs. Je lance ce cri d'alarme : il faut que nos concitoyens aiment leurs agriculteurs et notre agriculture (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Pour la troisième année consécutive, l'agriculture française a été nommée comme l'agriculture la plus durable du monde. Nous avons l'alimentation la plus sûre, la plus saine et la plus durable d'Europe ! Nous devons combattre l'agribashing insupportable. Il est inadmissible que des gens viennent dans des exploitations ou y mettent feu.

Les manifestations d'agriculteurs contre l'agribashing se passent de façon respectable. Le Gouvernement mène une lutte constante contre le dénigrement. Aimons notre agriculture car si ce n'est pas nos agriculteurs qui fournissent notre alimentation, elle viendra d'ailleurs et sera moins bonne ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

Situation des Kurdes dans le nord-est syrien

Mme Christine Prunaud .  - Après avoir donné l'autorisation à la Turquie de pénétrer dans le nord-est de la Syrie pour y créer une « zone de sécurité », le président des États-Unis a semblé rétropédaler. Pour autant, des chars et les véhicules blindés turcs se dirigent vers la frontière. L'offensive est imminente. Pour les Kurdes, la zone de sécurité est une zone de péril et de mort certaine.

États-Unis ou pas, Erdogan se moque totalement du droit international et s'allie sans vergogne avec des mouvements islamistes contre les Kurdes ; pourquoi se priverait-il puisqu'il n'y a pas de réaction ? Aucune sanction n'est prise par la communauté internationale.

L'abandon programmé des Kurdes syriens est une faute morale mais aussi stratégique. Si l'État islamique n'existe plus, c'est grâce aux combattantes et combattants kurdes. Faut-il désespérer de l'influence de notre Gouvernement dans ce conflit ? Le groupe CRCE attend une protection immédiate de nos amis et amies kurdes, symboles d'une future démocratie laïque au Moyen-Orient ; ils doivent être protégés, au besoin par des sanctions lourdes et un blocus contre la Turquie. Ne rien faire, c'est le déshonneur pour la France, c'est être complice du terrorisme islamiste.

Comment, monsieur le ministre, allez-vous enfin agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; MM. Michel Amiel, André Gattolin, Simon Sutour et Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Veuillez excuser M. Le Drian qui est à la Conférence de reconstitution du Fonds mondial.

Nous partageons un immense respect pour les combattants et combattantes des Forces démocratiques syriennes (FDS), dont les Kurdes, qui ont eu un rôle déterminant contre Daech.

Hier encore le président de la République a reçu le porte-parole des FDS, Jihane Ahmed. Il est important de les protéger, nous le disons clairement aux Américains et aux Turcs. Le courage et le sacrifice des Kurdes nous obligent, hier, aujourd'hui et demain. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

Situation des trésoreries et proximité des services publics

M. Hervé Gillé .  - (Applaudissements sur de nombreuses travées, après que M. le président a signalé que l'orateur pose sa première question et que c'est son anniversaire.) Il y a quelques jours plus de 20 000 policiers manifestaient pour exprimer leur malaise. Médecins, infirmiers, pompiers, mais aussi enseignants sont tous confrontés à la précarité et à l'absence de reconnaissance.

Dans ce contexte de défiance, la réforme territoriale de la direction des finances publiques (DGFiP), menée au pas de charge, vise en réalité à supprimer plus de 2000 postes dès l'an prochain et 15 000 à terme... Personne n'est dupe : c'est un nouveau transfert de charges aux collectivités territoriales. Car les moyens alloués aux Maisons France Service seront insuffisants. Elles seront tenues par des animateurs généralistes dont on ne sait rien. Avec cette privatisation déguisée du service public, vous ne nous offrez aucune garantie, en particulier celle de la confidentialité, surtout quand le service sera confié à des buralistes de moins en moins nombreux dans la ruralité.

Comment ne pas mentionner le risque d'aggravation de la fracture sociale, cumulée à la fracture numérique ? Le Défenseur des droits s'alarme de ce que 20 % de nos concitoyens sont des décrochés du numérique. Comment repenser l'action des communes et des EPCI face aux difficultés d'accessibilité numérique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - La DGFiP est la fusion de la comptabilité publique et de la direction des impôts. Depuis dix ans, pas moins de 200 trésoreries ont été fermées chaque année, quel que soit le Gouvernement, dans un véritable supplice chinois territorial. La baisse des effectifs est moins un moteur qu'une conséquence de certaines transformations, comme le prélèvement à la source, que vous avez souhaité, la déclaration implicite des revenus, ou encore la suppression de la taxe d'habitation qui occupe quelque 4 000 agents à temps plein. Le problème va bien au-delà de la question de l'accès au numérique. Les Maisons France Service ont leur utilité. Dans votre département, les trésoreries rurales ne sont ouvertes que deux après-midi par semaine jusqu'à 16 h 30 : ce n'est pas un service au public efficace.

D'ici 2020, aucune trésorerie ne sera fermée. (Exclamations sur de nombreuses travées, où l'on fait remarquer que le Gouvernement ménage les territoires l'année des élections municipales.) Vous n'en avez pas l'habitude, ce n'est pas arrivé depuis 21 ans ! J'en prends l'engagement.

M. le président.  - Monsieur Gillé, cher collègue, je vous laisse trois secondes supplémentaires pour votre réponse, en guise de cadeau d'anniversaire. (Sourires)

M. Hervé Gillé.  - Ces mesures continueront à creuser la fracture sociale, à revers des attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Qualification politique des candidatures

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Les 15 et 22 mars prochains, les Français auront à renouveler les conseils municipaux. Nombre de maires indépendants m'ont interpellé sur la nuance politique qui leur sera attribuée par le ministère de l'Intérieur.

La CNIL a prévu dans un décret la création d'un fichier des élus. Lors du dépôt de candidature, le candidat peut se déclarer sans étiquette ou indépendant. C'est alors le préfet qui attribue la nuance en fonction de plusieurs critères dont le programme du candidat, son investiture ou les soutiens reçus. Pour les communes de plus de 1 000 habitants, cette attribution est faite avant le scrutin - et elle l'est après pour les plus petites communes.

Allez-vous accepter la nuance « sans étiquette » ou « indépendant » ? Cela figurera-t-il dans le mémento qui, à six mois des élections, n'est toujours pas disponible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur quelques travées du groupe UC)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Comme c'est l'usage, les services du ministère affinent le memento pour qu'il soit mis à disposition dans les semaines à venir.

L'attribution politique remonte à la IIIe République pour assurer un suivi du mouvement politique du pays. Ce n'est pas forcément simple car beaucoup de citoyens s'engagent en politique sans appartenance partisane. Vouloir entrer dans le cadre d'une étiquette n'est pas toujours facile.

La CNIL a prévu que l'on interroge le candidat sur la catégorie politique dans laquelle il s'inscrit. S'il ne le souhaite pas, le préfet peut en attribuer une en s'appuyant sur les éléments que vous avez cités. Ce n'est pas toujours pertinent.

Nous y travaillons et sommes à l'écoute du Sénat pour fixer, dans la loi Engagement et proximité, un seuil - par exemple 3 000 habitants - en deçà duquel l'appartenance politique ne sera pas nécessaire.

M. Dany Wattebled.  - La définition d'un seuil ne résoudra pas le problème, des candidats peuvent ne pas vouloir être étiquetés quelle que soit la taille de la commune, c'est le fait de ranger des individus dans des cases politiques qui posent problème... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Sécurité et lutte contre le terrorisme

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Bouloux applaudit également.) J'aurais aimé ne pas avoir à reprendre la parole sur ce thème, mais l'histoire bégaie. Après Paris, Nice, Magnanville, Saint-Étienne-du-Rouvray, Marseille, Strasbourg, Toulouse, Carcassonne, Trèbes, c'est en plein coeur d'un service anti-terroriste qu'un islamiste a tué. Quatre policiers ont été lâchement assassinés, nous pensons à leurs familles et à leurs collègues endeuillés.

Le président de la République veut bâtir une « société de vigilance » : veut-il s'exonérer de sa propre responsabilité et la faire peser sur les Français ? Cet attentat est le résultat d'une longue dégradation, de compromis, et de la chape de plomb que fait peser dans l'espace public le politiquement correct. Ce n'est pas en jetant le qualificatif d'islamophobe à la figure de ceux qui s'inquiètent du désarmement moral de notre société et de sa communautarisation, que nous gagnerons cette guerre. Mais c'est en ne tolérant plus aucune manifestation, aucun signe de ce qui conduit et annonce la radicalisation des esprits que nous nous protégerons ! Vos mots ne suffisent plus ; vos actes seront jugés.

Allez-vous, Monsieur le Premier ministre, vous attaquer au terreau de l'islamisme et du communautarisme ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Vous évoquez un drame. Chacun songe aux victimes, sur notre territoire et plus largement, hors de nos frontières - nous venons d'apprendre qu'en Allemagne, deux personnes sont tombées aujourd'hui devant une synagogue sous les coups d'un terroriste.

Nous nous armons de moyens. Quelque 1 900 emplois seront créés dans les services de renseignement contre le terrorisme. Les agents engagés dans cette lutte seront ciblés.

Le Premier ministre a rappelé les 59 attentats neutralisés ; il ne faut rien laisser passer.

Depuis 2018, 362 personnes inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ont été éloignées ; depuis 2017, 4 prédicateurs ont été expulsés, 129 débits de boisson fermés, 9 établissements scolaires ont été fermés.

Nous allons lutter, mètre carré par mètre carré, contre la radicalisation islamiste. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Il y a une naïveté coupable de l'État. Celui-ci doit prendre ses responsabilités pour lutter contre la radicalisation des esprits qui gangrène nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Injonctions gouvernementales contradictoires en matière de ressources en eau

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les paysans étaient hier dans la rue. Ils sont coincés entre une exigence de qualité et les contraintes qu'on leur impose. La loi EGalim devrait leur donner plus de revenus ; ils voient les cours s'effondrer ; on leur demande d'être exemplaires face à une concurrence qui l'est moins. On leur demande de nous nourrir et on les soupçonne de nous empoisonner. Sans compter la terrible sécheresse qui les accable.

Monsieur le ministre, les paysans vont très mal. Vous avez dit : « On ne peut pas regarder l'eau tomber pendant six mois et la chercher pendant les six autres mois » ; mais la ministre de la transition écologique interdit les retenues d'eau ! Pour se préparer à la prochaine sécheresse, faut-il retenir l'eau ou la laisser s'écouler ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Nous sommes tous d'accord sur le constat et il n'y a aucun problème, aucune divergence entre le ministre de la transition écologique et de la solidarité et le ministre de l'agriculture. (On se récrie sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Bizet.  - Ce n'est pas clair !

M. Didier Guillaume, ministre.  - Le Premier ministre a arbitré et les services de l'État n'ont qu'à mettre en oeuvre ces décisions. Oui, je le redis : on ne peut pas regarder l'eau tomber du ciel pendant six mois et la chercher les six autres mois. Le réchauffement climatique va continuer ; nous avons besoin d'une agriculture résiliente donc irriguée mais sans faire tout et n'importe quoi. Je salue les agriculteurs qui, en dix ans, ont économisé 30 % d'eau dans l'irrigation. Voilà l'innovation !

Après vingt ans d'interdiction, nous avons prévu d'autoriser 60 nouvelles retenues d'eau l'an prochain - pour pouvoir la restituer en cas de sécheresse. Si une telle décision avait été prise ces dernières années, les troupeaux du Massif Central auraient de quoi s'alimenter ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Nadia Sollogoub.  - Monsieur le ministre, 60 retenues d'eau, ce n'est pas même une par département : c'est une goutte d'eau. Sans doute faudra-t-il que je pose à nouveau cette question à la ministre de la transition écologique. Il faut nous laisser avancer, au lieu de tuer l'agriculture à coups de paperasse ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Lutte contre le radicalisme

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'inimaginable s'est produit le 3 octobre : la préfecture de police a été touchée par un ennemi de l'intérieur. Je salue la mémoire des victimes : Aurélia Trifiro, Damien Ernest, Anthony Lancelot, Brice Le Mesca. J'ai moi aussi une pensée pour nos amis allemands victimes de l'attaque d'une synagogue.

Depuis 2015, des dizaines d'attentats ont été déjoués par les services de renseignement. Mais comment un terroriste a-t-il pu travailler dans un lieu dont la mission est précisément d'identifier les individus dangereux ?

À quels fichiers sensibles cet informaticien avait-il accès ? Quelles mesures ont été prises pour les policiers potentiellement en danger ? Je salue le travail de la délégation parlementaire au renseignement et le président Cambon.

Monsieur le ministre, répéter le mantra « il n'y a ni faute ni dysfonctionnement ni angle mort » n'a rendu service à personne. Aviez-vous interrogé le service central du renseignement territorial (SCRT) ou la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour savoir si l'auteur des faits était connu ?

Nous devons être capables d'écarter les personnes dangereuses. Quel phénomène de cécité, de crainte a pu mener à cette inaction ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Merci d'avoir rendu hommage aux victimes de l'attentat de jeudi dernier. Tout est fait en matière humaine, technique, budgétaire, en matière de personnel, avec énormément d'effectifs mobilisés, pour lutter contre le terrorisme.

Je ne peux pas répondre à toutes vos questions précises, mais seulement à certaines d'entre elles. Jeudi dernier avec Christophe Castaner, nous avons interrogé nos services spécialisés, et avons constaté que l'individu n'était pas connu du renseignement territorial. Il n'est pas connu de la DGSI, que j'ai dirigée, car les signaux de radicalisation ne se sont pas transformés en signalement. C'est bien pourquoi une enquête judiciaire est en cours, ainsi qu'une inspection du service de renseignement.

Je le concède, cela peut paraître aberrant, au sein d'un service chargé de la lutte antiterroriste. Nous souhaitons, avec Christophe Castaner, que l'enquête judiciaire aille le plus vite possible pour déterminer ce qu'il a pu transmettre, pour la protection de nos fonctionnaires de police. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Services d'urgence (I)

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) « L'offre de soins se renforce et les Français le voient », disait la ministre de la Santé il y a un mois. Or dans la Sarthe, à l'hôpital du Bailleul, je vous signalais l'année dernière que les médecins manquaient pour l'IVG ; et maintenant, c'est au tour du SMUR d'être touché. Les réorganisations de personnel ne suffiront pas.

Le personnel demande en effet depuis des mois des mesures très concrètes, en termes de lits, de recrutement, de revalorisations salariales, des moyens. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne répond ni à leurs exigences ni au principe de l'égalité d'accès aux soins, ni à l'anxiété de la population qui croît à mesure qu'elle voit les services d'urgence fermer les uns après les autres.

L'hôpital de Saint-Calais a récemment fermé, provisoirement, comme d'autres. N'est-il pas temps d'investir massivement pour résoudre cette crise, voire de tenir des états généraux de l'hôpital ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Céline Brulin applaudit également.)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - (Murmures sur diverses travées à droite) Veuillez excuser l'absence de Mme Buzyn. Nous comprenons la colère de nos concitoyens. La situation de votre territoire résulte d'un manque structurel de médecins que l'on retrouve en France et en Europe. (Marques de désapprobation sur diverses travées à gauche et à droite) Dans la Sarthe, en particulier, depuis le 24 septembre, l'hôpital, malgré ses efforts, n'est plus en mesure d'assumer la présence d'un médecin aux urgences entre 20 h 30 et 8 h 30. Dans l'attente, la nuit, une infirmière et une aide-soignante orienteront les patients, en lien avec la plateforme du 15. La ministre a présenté un plan de 750 millions d'euros pour les urgences, afin de recruter en nombre.

M. Rachid Temal.  - Ce n'est pas assez ! (On renchérit sur plusieurs travées des groupes CRCE et SOCR.)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État.  - Les trois quarts seront alloués aux ressources humaines. Nous allons continuer. (M. François Patriat applaudit.)

Services d'urgence (II)

M. Jean Pierre Vogel .  - Nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse faite à notre collègue. Ploërmel, Sisteron, Lons-le-Saulnier, Lens, Toulouse, Mulhouse Sud-Alsace, Sarthe : la liste est longue, des services du SMUR successivement fragilisés par des fermetures ponctuelles ou temporaires. Dans la Sarthe, précisément, le pôle Santé Sarthe et Loir qui reçoit 25 000 personnes par an aux urgences, il manque neuf médecins infantiles.

Les territoires ruraux connaissent la double peine avec le manque de médecins. Là où les urgences ne ferment pas, elles sont en grève. La réponse de l'État est insuffisante. Le personnel est épuisé. Que comptez-vous faire face à la pénurie des médecins urgentistes dans nos hôpitaux et à l'amplification du mouvement ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC, SOCR et CRCE)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Depuis dix ans, nous sommes le premier Gouvernement à avoir augmenté les tarifs hospitaliers, (Protestations) à restituer aux hôpitaux les crédits en réserve. (Brouhaha) L'Ondam qui variait auparavant entre 1,1 % et 1,5 % est à 2,5 % et 3,3 % pour 2020. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE, où l'on crie au mensonge.)

Nous avons alloué des crédits nouveaux pour soulager les services d'urgence : pas moins de 750 millions d'euros seront dégagés pour revaloriser et soulager le personnel des urgences. Une prime de risque de 100 euros sera versée au personnel sans compter la prime de coopération (Huées ; Mme Céline Brulin et M. Fabien Gay tapent vigoureusement sur leur pupitre.)

La difficulté, c'est aussi celle du recrutement. Nous supprimerons le numerus clausus.

Mme Céline Brulin.  - Ce n'est pas vrai ! (On renchérit sur plusieurs travées des groupes CRCE et SOCR.)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est attentif au problème que vous soulevez. (Protestations redoublées sur les travées des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur plusieurs travées au centre et à droite)

M. Jean Pierre Vogel.  - La présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale dévoile un plan d'économie de plus de 4 milliards d'euros. Le personnel hospitalier et les patients devront supporter le poids de ces économies. Vous leur faites prendre des risques inconsidérés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Forêts et changement climatique

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À Biarritz comme aux Nations unies, le président Macron n'a pas manqué de souligner le rôle de la forêt dans la lutte contre le changement climatique - la forêt en danger, subissant les effets conjugués des sécheresses à répétition, des attaques de parasites, des dégâts de gibiers, touchant au total environ 2 millions de m3 par an.

À la catastrophe écologique s'ajoute le désastre économique. Des marchés saturés, des communes privées de recettes, la catastrophe est à la fois écologique et économique. Nous devons adapter nos forêts.

L'Allemagne consacre 800 millions d'euros à ses forêts, la Pologne 1 milliard d'euros, alors que la France ne prévoit que 70 millions d'euros. Ces pays ont compris l'intérêt d'une forêt renouvelée.

C'est une course contre la montre pour endiguer la propagation des parasites. La forêt joue un rôle crucial dans l'environnement, mais n'est pas reconnue pour cela.

À quand un plan d'adaptation de la forêt au changement climatique et un Office national des forêts (ONF) restructuré pour tracer la voie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Merci de votre question. Nous étions hier ensemble pour trouver les pistes d'avenir de la forêt française. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

Il y a deux problèmes. D'abord les scolytes. Nous venons de mettre 16 millions d'euros sur la table pour y remédier. Puis, la dégénérescence à cause du changement climatique ; ensuite, il faut se demander quelles essences, quelle organisation de la filière pourront la rendre plus résiliente.

Une nouvelle organisation de l'ONF sera annoncée bientôt, dans les jours qui viennent. Mais la filière française ne pourra pas rester aussi déstructurée, au plus grand bénéfice des importations notamment de Slovénie. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs travées du groupe RDSE ; M. Jean Bizet approuve.)

Malaise dans l'Éducation nationale

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 21 septembre, dans le huis clos d'une école maternelle de Pantin, sa directrice, Christine Renon, 58 ans, se donnait la mort. Le même jour, un professeur de biologie, du même âge, Frédéric Boulé, se suicidait à Nice.

Mal payés, insultés, agressés, stigmatisés, les enseignants, comme d'autres fonctionnaires, sont à bout. Si tout suicide garde sa part de mystère, Christine Renon n'est pas partie sans lancer un appel à ses collègues et avouer : « je dois dire aussi que je n'ai pas confiance au soutien et à la protection que devrait nous apporter notre institution.» (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.) La confiance qu'elle évoque dans ses lettres et qui ornait le titre de votre loi, monsieur le ministre de l'Éducation nationale, est rompue. Que dites-vous aux directeurs et enseignants en souffrance, face à des réformes élaborées sans leur accord et à une école devenue le réceptacle de tous les maux de la société ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC, CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR)

M. Ladislas Poniatowski.   - Excellent !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je me suis exprimé sur le suicide de la directrice d'école. C'est toute la société qui doit être derrière son école dans de telles circonstances. Il n'y a pas d'augmentation du nombre de suicides dans l'Éducation nationale (Protestations sur les travées du groupe CRCE) ; il faut donc se garder de généralisations hâtives ; (même mouvement, redoublé sur les travées du groupe SOCR) le comité technique établira ensuite la réalité des chiffres. Mais ne généralisons pas. Vous avez voté ici même à l'unanimité l'instruction obligatoire à 3 ans : est-ce une pression intolérable ?

M. Bruno Retailleau.  - C'est une réforme pour rien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Pas d'amalgames. Le rapport Brisson-Laborde sera pour nous une base de travail pour faire évoluer le statut des directeurs d'école. Nous le ferons avec humilité, humanité et le sens de l'intérêt général. Soyons solidaires ! (M. François Patriat applaudit.)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Quel baratin !

M. Olivier Paccaud.  - Les enseignants veulent être mieux soutenus, mieux payés, transmettre un savoir et non des statistiques à une hiérarchie qui les harcèle. S'ils n'en sont plus les hussards noirs, ils demeurent les piliers de la République. Quand ils vacillent, c'est la France qui est en danger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC, SOCR et CRCE)

Situation en Algérie

M. Olivier Léonhardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Monsieur le Premier ministre, j'associe à ma question Mme Rossignol.

Le peuple algérien se mobilise depuis plusieurs mois pacifiquement dans les villes et les campagnes pour conquérir sa liberté. Le silence de la France devient gênant. La junte au pouvoir procède à des incarcérations arbitraires d'Algériens qui expriment leur opinion, des militants et de membres de la ligue contre les droits de l'Homme. On connaît les liens étroits entre la France et l'Algérie, notamment dans la lutte contre le terrorisme. Ne laissons pas le cynisme l'emporter sur l'honneur.

Condamnons ces agissements, n'ajoutons pas une faute morale. Il faut tendre la main au peuple algérien, notre partenaire, notre avenir. Ne passons pas d'un silence gêné à un silence coupable. Le Gouvernement condamne-t-il ces arrestations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Henri Cabanel et Mme Christine Prunaud applaudissent également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La situation est en effet complexe depuis la démission du président Bouteflika et la décision du Congrès de désigner un président par intérim. L'organisation d'une élection présidentielle était prévue à partir du 9 juillet, fin de la période d'intérim. Deux voies parallèles se présentent. Celles des manifestants, qui souhaitent ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire de l'Algérie.

Il y a celle des autorités qui veulent que la Constitution s'applique en l'état...

Mme Laurence Rossignol.  - Parallèles ? Donc l'une vaut l'autre ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - La France souhaite que les Algériens trouvent ensemble le chemin qui les conduira à la démocratie. Jean-Yves Le Drian l'a récemment redit à son homologue Sabri Boukadoum. Nous sommes attentifs à ce que l'esprit pacifique des manifestations soit préservé ; dans le respect de l'amitié qui nous lie à ce pays. (M. François Patriat applaudit ; marques d'insatisfaction sur plusieurs travées à gauche et au centre.)

M. Olivier Léonhardt.  - Qu'allez-vous faire pour que les citoyens algériens, emprisonnés arbitrairement soient libérés ? Soyez plus précis ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Henri Cabanel et Mme Christine Prunaud applaudissent également.)

Sécheresse

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Depuis des siècles, l'agriculture était au centre de la vie humaine, mais elle est de plus en plus stigmatisée et dévalorisée. Le malaise des agriculteurs s'inscrit dans une crise de civilisation. Nous devons changer de paradigme dans les domaines des transports, de la consommation, comme dans l'agriculture. Mais les agriculteurs ne doivent pas devenir les boucs émissaires d'un problème plus large. Les paysans ne sont pas le problème, mais une des solutions à un problème que nous devons résoudre collectivement.

Où en êtes-vous de la compensation des prestations de services environnementaux ? Quand avancerez-vous sur les ouvrages hydrauliques ? Le constat étant fait que le « ruissellement » ne fonctionne pas non plus en agriculture, que ferez-vous pour la revalorisation du revenu agricole, pour lequel la loi EGalim n'a eu aucun effet. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées des groupes CRCE et Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je ne peux qu'être d'accord avec votre constat. La transition écologique devra se faire dans tous les domaines. Cela avance : 6 000 agriculteurs sont passés au bio l'an dernier ; ils sont désormais 10 % du total !

Pas moins de 7,5 % de notre surface agricole est en bio et nous avons bon espoir d'atteindre notre objectif de 20 %. Mais pour les accompagner, il faut des moyens. La France se bat bec et ongles pour que le montant de la PAC ne baisse pas.

Je porterai lundi au conseil des ministres du Luxembourg un mémorandum signé par vingt pays européens. Il faut un premier pilier important, dans lequel nous intégrerons la transition agro-écologique et l'agri-scheme, en patois...

M. Franck Montaugé.  - Il faut avancer dans ce sens, pour l'ensemble des agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol pour les agriculteurs

Mme Pascale Gruny .  - Depuis quinze jours, les agriculteurs subissent de plein fouet les conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol. Ainsi, 700 000 litres de lait sont détruits chaque jour, pour un coût de 3 millions d'euros aujourd'hui. Les résultats des analyses des suies sont prévus pour la fin de semaine, mais chaque jour qui passe est un jour de trop.

Malgré leurs efforts, ils subissent un agribashing insupportable. EGalim n'a rien changé ; vous tergiversez à Bruxelles ; vous négociez le CETA. Y a-t-il encore, dans ce Gouvernement, quelqu'un qui défend l'agriculture française ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat, MMYves Bouloux et Yves Détraigne applaudissent également.)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Ce n'est pas en hurlant avec les loups qu'on règle le problème.

M. Jean-Paul Émorine.  - Il y a une réalité !

M. Didier Guillaume, ministre.  - Le Gouvernement a été transparent ; il s'est engagé à indemniser les agriculteurs à 100 %. Ce sont des victimes. Hier, les dirigeants de Lubrizol ont annoncé à mon ministère qu'ils verseraient des avances. Sur la filière lait, l'interprofession prendra le relais des avances. Avec 400 000 euros par jours de lait détruit, nous voulons tous aller vite.

Sur l'arboriculture, une cellule de crise se réunit chaque jour. Tout sera fait pour indemniser les agriculteurs ; aucun agriculteur ne mettra la clé sous la porte faute de trésorerie. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme Pascale Gruny.  - Nous ne crions pas avec les loups. Sur tous les bancs vous êtes interpellés. Il y a le feu. Vous dites que l'usine va payer ; mais si le nuage n'est pas toxique ? Qui paiera ? L'État ? Oui, il y a des réunions, mais les agriculteurs ne vous font pas confiance : ils veulent des actes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean Bizet.  - Très bien.

Hommage à une délégation de Macédoine du Nord

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) J'ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d'honneur, d'une délégation du groupe d'amitié de l'Assemblée de la République de Macédoine du Nord, conduite par le président du groupe d'amitié M. Panche Ivanov.

La délégation est reçue au Sénat par le groupe interparlementaire d'amitié France-Balkans occidentaux, présidé par notre collègue Marta de Cidrac, et dont le président délégué pour la Macédoine du Nord est notre collègue André Bazin.

Au cours de sa visite, la délégation aura l'occasion d'échanger sur les relations bilatérales avec le groupe d'amitié, mais aussi d'évoquer les enjeux européens avec le président de la commission des affaires européennes, notre collègue Jean Bizet, ainsi que sur les questions de politique étrangère et de défense avec le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notre collègue Christian Cambon.

Mes chers collègues, en votre nom à tous et au nom du Sénat, permettez-moi de souhaiter aux membres de la délégation, la plus cordiale bienvenue.

Je forme le voeu que cette visite en France contribue à renforcer encore les liens qui unissent nos deux assemblées et nos deux pays, et, plus largement, l'attention que la France porte à la région des Balkans occidentaux, à laquelle je porte également une attention personnelle. (Applaudissements)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 30.

Politique migratoire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sur la politique migratoire de la France et de l'Europe, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Le président de la République a souhaité un débat parlementaire annuel sur la politique migratoire de notre pays. L'exercice est difficile ; il a ses limites, mais il est profondément utile.

Les questions migratoires suscitent en effet davantage l'affrontement - angélisme d'une part, postures clivantes de l'autre - que le consensus. Je me retrouve dans les propos de Michel Rocard, qui voulait « assurer le triomphe de la conception républicaine ouverte de la Nation, celle qui assure des droits pour chacun et fait accepter des devoirs pour tous ».

Certains observateurs regrettent que le calendrier des actions n'ait pas été annoncé dans les moindres détails. Mais on nous aurait dit que le débat était faussé. J'assume que pendant 72 heures, ce débat ait lieu, avant d'en venir, rapidement, au temps des décisions.

Nous pouvons ainsi partager un diagnostic documenté et construire ensemble des réponses ; débattre du sujet dans sa globalité, depuis la relation avec les pays d'origine jusqu'à l'intégration sur le territoire ou l'éloignement.

Nos concitoyens parlent de ces sujets. Parfois, ils n'en parlent plus - et ce n'est pas plus réjouissant. J'ai le souvenir, lors du grand débat, qu'une simple phrase pouvait être immédiatement partagée par tous comme un non-dit qui faisait consensus. Je ne suis pas sûr que ce soit préférable à la tenue d'un débat public devant la représentation nationale.

Nos concitoyens nous écoutent, ils écoutent aussi ceux qui disent les peurs ou les chances : fantasme du grand remplacement ou appel généreux et général à ouvrir grand les frontières. Il est plus difficile d'agir avec équilibre et bon sens. C'est pourtant l'unique manière de bâtir une Europe forte et solidaire, attractive sans être débordée ni repliée sur elle-même.

Notre politique migratoire doit s'inscrire dans le contexte mondial et européen. Depuis deux ans, nous mettons cette question au coeur de nos relations diplomatiques avec les pays d'origine et de transit, avec quelques succès. Ainsi, le nombre de laissez-passer consulaires a augmenté de 60 %. Nous en demandions peu et en obtenions moins encore, ce qui décourageait les demandes. Nous revenons sur cette mauvaise mécanique.

L'aide publique au développement doit être mobilisée au service de notre stratégie migratoire, avec des engagements réciproques. Cette approche sera déclinée dans le projet de loi de finances et dans un projet de loi de programmation et d'orientation qui viendra en 2020.

Nous assumons de faire de l'aide publique au développement l'un des éléments de notre politique migratoire globale.

La situation de l'Europe est particulière. Nous ne sommes plus au coeur de la crise des réfugiés de 2015-2016, mais le problème demeure.

Après l'Europe de la libre-circulation, nous devons construire l'Europe de la protection des frontières extérieures et traiter le problème des mouvements secondaires, symptôme d'une gestion insuffisamment coordonnée.

Dès que la nouvelle Commission européenne sera installée, nous plaiderons pour un renforcement de la protection des frontières extérieures et une réforme du régime d'asile européen. Nous veillerons à un bon équilibre entre responsabilité et solidarité.

Nous devons aussi mieux accueillir et mieux intégrer. Cela suppose d'abord de réduire les délais d'instruction des demandes d'asile. Aussi 150 nouveaux officiers de protection ont-ils été recrutés à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ainsi que les agents nécessaires à l'ouverture d'une 23e chambre de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Les délais sont stabilisés mais pas raccourcis car si l'instruction est plus rapide, le contentieux s'allonge, à cause d'une grève mais aussi de la contestation massive des décisions.

La loi du 10 septembre 2018 a fixé comme objectif un délai moyen de six mois pour l'ensemble de la procédure.

Mieux accueillir, c'est surtout mieux intégrer ceux qui ont vocation à rester. Nous avons donné une nouvelle ambition au contrat d'intégration républicaine, qui repose sur trois piliers : langue française, travail et valeurs républicaines. Le nombre d'heures d'enseignement de la langue française a doublé.

Quant à nos valeurs, elles ne sont pas négociables, qu'il s'agisse de laïcité ou de droit des femmes. Si elles sont universelles, elles ne sont pas toujours connues. Cela demande, pour certains, une forme d'éducation républicaine. Tous les étrangers qui arrivent en France ne sont pas comme Albert Cohen débarquant à Marseille de Corfou, qui vouait un amour inconditionnel à la France à laquelle il avait élevé un petit autel, rassemblant Victor Hugo, Jeanne d'Arc ou Napoléon. On ne demande pas à ceux qui arrivent d'apprendre par coeur Les Contemplations sans pour autant les en dissuader ; nous leur demandons néanmoins d'adhérer aux valeurs qui ont fait la France.

Point d'intégration durable et réussie sans accès au monde du travail. Nous avons ajouté un volet insertion professionnelle au contrat d'intégration républicaine, réduit de neuf à six mois le délai pour accéder au marché du travail. Il faut faire plus et mieux. Les procédures d'accès des étrangers au monde du travail doivent être repensées. Je propose que nous réinventions le système d'autorisation de travail pour les métiers en tension.

Assumons un pilotage par objectifs de l'admission au séjour. La logique des quotas ne saurait s'appliquer en matière d'asile ou d'immigration familiale mais nous devons pouvoir dynamiser les procédures en fonction des filières professionnelles et fixer des objectifs, en nombre d'étudiants accueillis, de « passeports talents » délivrés, ou sur la part de l'immigration qualifiée au sein de l'immigration professionnelle.

L'accès à la nationalité ne doit pas être un angle mort. J'ai dit mon opposition à la suppression du droit du sol mais je suis favorable à ce que nous élevions les critères de naturalisation par décret, notamment sur la maîtrise de la langue. Il n'y a pas de tabou non plus sur l'immigration familiale : nous lutterons contre les fraudes et les abus et resserrerons les critères là où cela s'avère nécessaire.

Pour bien accueillir, il faut mieux maîtriser les flux migratoires. Les mouvements migratoires secondaires contribuent à saturer notre système d'asile : en 2018, 30 % des demandeurs d'asile avaient déjà déposé une demande dans un autre État membre et ne relevaient donc pas de la responsabilité de la France. Beaucoup viennent de pays que l'Ofpra considère comme sûrs.

Nous devons assurer une plus grande convergence européenne des conditions d'accueil des étrangers. Nous voulons que la France ne soit ni moins accueillante, ni moins attractive que ses voisins. Christelle Dubos évoquera l'accès au système de santé, et nous débattrons en loi de finances des pistes envisagées.

Maîtriser les flux migratoires, c'est aussi améliorer l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Nous avons renforcé nos outils juridiques avec la loi du 10 septembre 2018 et les éloignements contraints ont augmenté de 20 % en deux ans ; la tendance se poursuit en 2019. Nous augmentons le nombre de places de rétention administrative.

Nous devons répondre à la problématique des MNA (mineurs non accompagnés). « Tous les crimes de l'homme commencent au vagabondage de l'enfant », écrivait Victor Hugo. Nous avons créé un outil technique d'appui à l'évaluation de la minorité pour lutter contre la fraude et avons renforcé notre solidarité financière vis-à-vis des départements. Il faut aller plus loin, déployer cet outil sur tout le territoire, redéfinir les critères de la répartition des mineurs entre départements. Nous échangeons avec l'ADF et présenterons bientôt des solutions.

Il faut aussi répondre aux problèmes des territoires d'outre-mer. Pour Mayotte, nous avons mobilisé les forces armées, engagé une coopération renforcée avec l'Union des Comores et adapté les modalités d'accès à la nationalité pour les étrangers nés à Mayotte - je salue ici le travail mené par Thani Mohamed Soilihi.

Nous travaillons aussi avec le Sri Lanka pour limiter les départs de migrants en direction de La Réunion. Je n'oublie pas non plus la Guyane où nous avons expérimenté l'instruction des demandes d'asile en deux mois : le signal a été clair et les demandes ont diminué sensiblement. Nous étendrons ce dispositif aux départements des Antilles.

Je ne sais si les échanges ici seront aussi vifs qu'à l'Assemblée nationale, mais j'espère qu'ils seront féconds en solutions.

Je suis sûr que la Haute Assemblée a une contribution originale à apporter au débat, en exprimant le ressenti des territoires et des élus locaux. L'équilibre et l'efficacité de notre politique dépendront de la qualité de nos échanges. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Notre politique migratoire est une question globale. Elle ne concerne pas un seul ministère ni une seule politique publique mais demande une approche globale.

Le sujet appelle à la sérénité et au sérieux. Parler d'immigration, c'est souvent parler de sa propre histoire. Abordons la question par les faits, loin des a priori et des idées reçues.

La question est internationale, et d'abord européenne. Schengen s'est construit sur deux piliers : la libre circulation à l'intérieur de l'Union et la protection des frontières extérieures. Or certaines, que nous appelons frontières « vertes », sont insuffisamment contrôlées. Le président de la République s'est donc engagé très tôt pour la réforme de Schengen : centres contrôlés aux frontières extérieures, création d'une agence européenne de l'asile, prise en charge financière.

En corollaire, nous devons revoir nos règles sur l'asile. Le règlement de Dublin, simple en principe, s'est avéré très difficile à appliquer dès lors que les arrivées sont massives, on l'a vu en Italie et en Grèce.

Le principe de solidarité entre États membres est compromis. À La Valette, nous avons esquissé quelques solutions ; au conseil JAI, hier, nous avons plaidé pour une réforme globale sur deux fondements : solidarité et responsabilité.

Dès l'installation de la nouvelle Commission, la France sera au rendez-vous et proposera des solutions. Des règles effectives doivent déterminer les compétences respectives des États membres pour l'examen des demandes. Pour réduire les mouvements secondaires, nous proposerons par exemple qu'un demandeur d'asile ne puisse bénéficier des conditions matérielles d'accueil que dans le pays responsable de sa demande.

Nous ne pouvons pas débattre de la politique migratoire sans partir des faits. Le premier, ce sont les entrées régulières sur le territoire. En 2018, 256 000 personnes sont arrivées, dont 90 000 au titre de l'immigration familiale, un chiffre stable, 83 000 étudiants et 33 000 personnes pour motifs économiques ; ces deux derniers chiffres sont en nette hausse, reflet des choix que nous avons faits.

Ces 256 000, c'est deux fois la demande d'asile. Avec 123 000 demandes, celle-ci a augmenté de 20 % en France l'an dernier, alors qu'elle baissait en Allemagne de 18 %. Autre singularité, un quart de la demande d'asile en France provient de pays qualifiés de « sûrs » par l'Ofpra et la jurisprudence du Conseil d'État, notamment d'Albanie et de Géorgie, pays depuis lesquels la demande est en forte augmentation.

Ajoutons que 30 % des demandeurs ont déjà fait une demande dans un autre État membre de Schengen. C'est la défaillance de Dublin. Il est possible que notre système d'asile soit en partie dévoyé, et nos préfectures comme notre système de santé sont sous pression.

Nous nous sommes emparés de ces questions dès le début du mandat en augmentant les capacités d'hébergement. La loi Asile et Immigration est désormais pleinement entrée en vigueur, les moyens ont été au rendez-vous. L'allongement de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours a permis des éloignements ; près de 3 000 OQTF ont été prises. Les lois de finances ont concrétisé l'effort : 480 nouvelles places en CRA, 229 millions d'euros supplémentaires pour l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), 3 000 places en centre d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) et 5 000 d'hébergement pour les réfugiés.

Avec Laurent Nunez, nous multiplions les déplacements pour renforcer la coopération avec les pays d'origine. Nous utilisons toutes les options pour lutter contre l'immigration irrégulière : aide au retour volontaire, contrôle des frontières intérieures, éloignements forcés, dont le nombre a augmenté de 10 % en 2018.

Nous pensons notre politique d'immigration pour réussir notre politique d'intégration, dont les crédits budgétaires ont crû de 75 % depuis 2017. Les heures de français et d'instruction civique ont été doublées. Nous avons renforcé les programmes d'insertion professionnelle et comptons aller plus loin encore, notamment pour les femmes et les réfugiés qualifiés. Nous allons simplifier les procédures et revoir la liste des métiers en tension.

Il faut aussi prendre en compte le souhait de nombreux réfugiés de résider dans des grands centres urbains. Nous recevrons les maires, avec Julien Denormandie.

La politique migratoire est une clé pour notre pacte républicain, pour notre intégration, pour la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants. Nous ne transigerons pas sur nos valeurs. Regardons la question en face, sans passions ni fantasmes. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La question de l'immigration est un sujet de préoccupation pour les citoyens et les élus que vous représentez. Il est donc important d'en revenir aux faits. Nous avons besoin de clarté.

Quelle est la situation réelle ? Les mouvements migratoires vers l'Europe sont passés de 1,82 million en 2015 à 180 000 en 2018 - dix fois moins ! Et la baisse est actuellement de 29 % pour 2019. Mais cela peut changer, d'autant que la situation n'est pas stabilisée en Syrie. Je condamne à ce propos l'offensive turque au nord de ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Ronan Dantec applaudit également.)

En France, les demandes d'asile augmentent de 22 %, alors qu'elles baissent de 10 % en Europe. Un quart de ces demandes émanent de ressortissants de pays d'origine sûrs, Albanie, Géorgie en particulier.

Clarté sur nos valeurs et nos principes. Nous devons toujours rappeler ce que nous sommes et y rester fidèles. N'oublions pas nos valeurs humanistes, les principes auxquels la France a adhéré au niveau international et européen, et qui nous obligent. Ceux qui pensent que la nation française s'est construite dans le repli et le rejet de l'autre se trompent : son identité a été forgée par la contribution irremplaçable de femmes et d'hommes venus d'ailleurs.

Clarté enfin sur nos grandes orientations. Notre système d'accueil et d'intégration est mis à l'épreuve. Il nous faut agir, maintenant, pour conserver notre capacité à accueillir ceux qui ont droit à l'asile, à intégrer ceux qui ont obtenu la nationalité française ou un titre de séjour. Agir surtout en Europe, sous peine de voir Schengen imploser et l'Union européenne se défaire. Ni indifférence ni résignation. Il faut à la fois de l'humanité envers ceux que nous accueillons et de la fermeté envers les passeurs et trafiquants.

M. Philippe Bas.  - En même temps !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État.  - Nous devons être à la fois efficaces et justes (M. Philippe Bas le confirme.) et prendre en compte les géographies : il n'y aura de vraie solution que si les Européens agissent ensemble.

En amont d'abord : l'aide publique au développement, qui a un effet sur les migrations. La France s'est engagée à réinstaller 10 000 réfugiés en 2018 et 2019, nous aidons nos partenaires du Sud à maîtriser les migrations, en agissant sur les causes premières des flux et en redonnant aux populations des perspectives dans leur pays. C'est pourquoi l'APD sera portée à 0,55 % du PIB d'ici la fin du quinquennat. (M. Yvon Collin s'en réjouit.)

Nous plaidons pour que le prochain cadre financier pluriannuel prévoie des instruments de financement dotés de moyens à la hauteur des enjeux et qui intègrent les questions migratoires.

Agir ensemble ensuite face aux situations d'urgences. Les morts en Méditerranée - encore 2 000 en 2018 - sont insupportables. Il convient de mettre en place un mécanisme de sauvetage et de débarquement efficace et pérenne. Le 23 septembre, des avancées ont été proposées à La Valette, confirmées par une dynamique positive au conseil JAI : une dizaine de pays se déclarent prêts à participer au prochain débarquement.

M. Bruno Retailleau.  - Sur 27 ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État.  - Il s'agit d'un mécanisme temporaire et volontaire. Cela concerne 600 personnes en France, 300 en Allemagne, 60 au Luxembourg. Il n'y a pas de submersion, n'en déplaise à certains, mais un enjeu humanitaire.

Nous devons mieux contrôler les frontières européennes. Frontex pourra mobiliser dix mille garde-frontières. Schengen est boiteux : la jambe de la liberté de circulation intérieure est forte, la jambe de la protection des frontières extérieures est faible. Il faut refonder le système pour préserver la liberté de circulation. (M. André Gattolin approuve.)

L'Italie, la Grèce, l'Espagne qui ne peuvent tout gérer : il faut de la solidarité. Les demandes dans plusieurs pays ne sont plus acceptables. C'est l'enjeu de la révision du règlement de Dublin, pour harmoniser nos systèmes nationaux et lutter contre les mouvements secondaires.

Ursula von der Leyen a annoncé un pacte sur l'immigration, nous la soutiendrons. Il y a unanimité en Europe sur la nécessité de réformer asile et immigration.

Notre modèle d'accueil et d'intégration est l'honneur de la République. Nous devons tout faire pour en préserver la viabilité. Nous avons besoin de vous, élus des territoires, qui portez un regard que je sais sérieux et informé sur ces questions. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, UC ; Mme Catherine Di Folco applaudit également.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Travailleuse sociale pendant vingt ans, j'ai vu ce que l'incompréhension peut provoquer comme rejet de l'autre et comme dégâts pour notre cohésion sociale. Nous ne devons pas laisser la question de l'immigration à une famille politique qui dupe les Français.

Le président de la République n'a pas éludé le sujet, affirmant que la question migratoire est l'autre grand combat européen, avec le climat.

L'enjeu dépasse nos frontières ; l'Europe doit maîtriser les flux migratoires pour mieux accueillir.

En France, nous pouvons en être fiers, chacun peut accéder aux soins ; la couverture maladie ne dépend pas de l'emploi ou du statut. La protection est assurée, quelle que soit la nationalité, aux titulaires d'un titre de séjour, aux réfugiés ou aux demandeurs d'asile. Pour les migrants en situation irrégulière, nous avons l'AME. Elle nécessite une présence de trois mois sur le territoire et est délivrée sous condition de ressources, faute de quoi seuls les soins urgents sont pris en charge.

En France, on ne laisse pas des gens périr parce qu'il leur manque le bon tampon, Mme Buzyn l'a dit. L'AME répond à des impératifs de santé publique mais aussi d'économies : la prise en charge tardive d'une maladie est toujours plus coûteuse.

Pourtant, les caricatures circulent encore. Le niveau de prise en charge par l'AME est moins important que celui des assurés en situation régulière, qui bénéficient de la CMU-C. La PMA, les médicaments remboursés à 15 %, les cures thermales, les frais dentaires et d'optiques, les soins à visée esthétique ne sont pas pris en charge.

Mme Françoise Férat.  - Encore heureux !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  -  Certains prétendent que les étrangers en situation irrégulière auraient un large accès aux prestations sociales. C'est faux : ils n'ont droit à aucune prestation hormis la prise en charge de leurs soins.

Pour les personnes en situation régulière, nous appliquons les principes constitutionnels et les règles internationales. Reste que la plupart des minimas sociaux sont soumis à des conditions de résidence plus restrictives que pour les Français. Ainsi, il faut cinq ans de résidence sur le territoire pour percevoir le RSA.

Les personnes migrantes sont souvent les plus vulnérables ; il faut aller vers elles pour qu'elles puissent accéder aux soins et aux droits. Nous avons structuré un parcours de santé des primo-arrivants et augmenté les moyens des permanences d'accès aux soins de santé, les PASS, qui accueillent de manière inconditionnelle. Je salue le travail des travailleurs sociaux qui, sur le terrain, trouvent des solutions pour que la cohésion sociale soit autre chose qu'un mot.

Pour autant, nous n'excluons pas d'identifier certains abus. C'est une question d'efficience et de confiance dans notre système.

L'AME représente 848 millions d'euros, c'est beaucoup - même si la dépense par bénéficiaire est équivalente à celle d'un assuré dont la santé est pourtant bien moins dégradée.

Une mission a été confiée aux inspections générales. Nous refuserons toute solution basée sur la participation financière des bénéficiaires, qui ne ferait que reporter les coûts de prise en charge sur les soins urgents, comme l'a montré l'introduction d'un droit de timbre en 2011. La mission étudie d'autres pistes, comme l'ajustement du panier de soins pris en charge.

Nous attendons ses conclusions mais renforçons d'ores et déjà les contrôles car l'AME et les soins urgents ne doivent pas être détournés. Les contrôles a priori sur les ressources ou a posteriori sur ceux qui la sollicitent le plus permettront de lutter contre la fraude, comme le regroupement dans trois caisses primaires d'assurance maladie. Il faut éviter que des étrangers bénéficiant d'une assurance privée dans le cadre d'un visa Schengen ne le dissimulent pour bénéficier de l'AME en France. Voilà comment nous voulons redonner confiance dans un système auquel nous sommes attachés.

Le nombre de demandes d'asile émanant de pays sûrs - donc voués à être repoussés - conduit à s'interroger sur l'affiliation directe à l'assurance maladie dès la demande d'asile déposée. Une étude approfondie est en cours.

Lutter contre les fraudes, c'est lever une suspicion qui nuit à tous les autres ; ce n'est pas remettre en question l'accès à la santé pour tous.

Faire vivre les grands principes sans être naïf, c'est être fidèle à nos valeurs sans céder aux discours de peur. Notre exigence doit être celle de la justice envers les plus vulnérables, pour les accueillir conformément à l'image que nous nous faisons de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Le président de la République s'est livré à une action de populisme d'État qui a étonné et choqué ; heureusement le débat à l'Assemblée nationale a été mesuré.

N'ayons pas l'accueil honteux : assumons nos valeurs. Pourquoi ne pas attendre l'évaluation de la loi Collomb de 2018, et ses mesures controversées sur l'allongement des durées dans les centres de rétention ?

Les associations, les collectivités territoriales, les citoyens qui accueillent devraient être accompagnés par l'État. La France ne doit pas être ni plus ni moins attractive que ses voisins, avez-vous dit à l'Assemblée nationale. Certes, mais sur tous les aspects, renforçons son attractivité.

Monsieur le Premier ministre, vous avez donné mission au Conseil d'État de simplifier le droit des étrangers. Est-ce une marque de votre humour bien connu ? La loi Collomb a créé une usine à gaz pour contourner les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

L'asile qui protège le combattant de la liberté est un droit et un devoir. Toutes les migrations ne peuvent être mises sur le même plan, mais l'asile est un droit relevant de la Convention de Genève et l'immigration est une politique.

L'immigration, ce fut aussi une richesse pour notre pays dans les années de croissance. C'est encore le cas au Canada, où elle est source de prospérité.

La loi Cazeneuve a parié sur le fait que plus de droits, c'était plus d'efficacité dans le traitement des demandes d'asile ; mais vous avez réduit les moyens, compliqué les conditions de rétention des personnes.

Que la Géorgie et l'Albanie soient dans le trio de tête des demandes d'asile est problématique, certes. Mais il faut développer la coopération avec ces pays et plus largement avec l'Europe de l'Est et des Balkans. Il faut aussi signer avec ces pays des accords de sécurité sociale pour répondre aux difficultés actuelles.

Le système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) permettra bientôt de vérifier le droit d'accès à l'espace Schengen. Frontex a été renforcé depuis 2016.

L'Europe n'est pas un problème pour mener notre politique d'immigration mais une solution. La Turquie n'a plus la capacité de porter seule les flux migratoires ; l'Espagne doit accueillir beaucoup d'immigrants, notamment du Venezuela et du Nicaragua.

Dublin a mis les pays du sud de l'Europe en première ligne ; ceux-ci n'imaginaient pas devoir un jour mettre en place des hotspots et enregistrer les arrivées. En outre, il y a des mouvements secondaires, mais il faut distinguer ceux qui présentent des demandes dans deux pays de ceux qui passent simplement d'un pays à l'autre, lorsqu'ils ont été déboutés du premier. Or, Dublin ne fait pas la différence. Il faut donc revoir le dispositif.

Il ne faut pas non plus stigmatiser des pays européens qui n'ont pas la même histoire que nous. C'est pourquoi une coopération renforcée est possible. Certains pays qui ne peuvent traiter correctement les demandes d'asile doivent y échapper. Une cour européenne du droit d'asile devrait être créée pour humaniser le traitement des demandeurs.

Il faut aussi garantir au demandeur d'asile la même liberté d'installation en Europe qu'à un citoyen européen. Enfin, il faut développer les visas pour l'asile dans le cadre de cette coopération renforcée. Il n'est pas logique que ceux qui se trouvent dans nos rues soient des dublinés qui ne savent pas où aller.

Quelques rappels : l'AME est essentielle. 50 % des pathologies du sida touchent des étrangers. C'est donc une question de santé publique. Moins de 30 000 personnes obtiennent un premier titre de séjour pour raisons économiques chaque année. Pourquoi des quotas ? La Pologne en a vingt fois plus.

Le nombre d'étudiants brésiliens s'est réduit de 40 % cette année... voilà les effets de votre politique d'attractivité ! Les conditions du regroupement familial sont très défavorables.

Arrêtons aussi de dire que le droit du sol s'applique en France : c'est le double droit du sol. Il ne suffit pas de naître en France pour devenir Français.

Je mentionnerai aussi les conditions terribles dans les campements : il a fallu un mort récemment à Saint-Herblain pour que la préfecture décide de procéder au recensement des besoins. Espérons que le Gouvernement ne fait pas qu'exploiter la situation avant les municipales. M. Griveaux n'a pas échappé à ce travers hier...

Pour réussir l'intégration, il faut arrêter de faire « bienvenue chez Kafka » : les mineurs isolés accompagnés par les départements sont, à 18 ans, laissés à eux-mêmes, les difficultés d'accès au travail favorisent l'émergence de réseaux et de l'esclavage moderne. Il n'y a pas d'intégration sans égalité de droits. C'est important pour les personnes qui naissent en France et n'ont pas connu leur pays d'origine.

Que dire des files d'attente, qui conduisent beaucoup à se retourner contre l'État ?

Il est essentiel de faire preuve de courage : l'asile n'est pas une charge, mais un devoir.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Ce n'est pas le problème !

M. Jean-Yves Leconte.  - Chacun doit se sentir citoyen du monde. N'ayons pas peur, donnons-nous les moyens pour faire en sorte que l'asile soit assumé, que l'immigration soit une chance.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Yves Leconte.  - J'ai noté, monsieur le Premier ministre, que votre discours avait évolué par rapport à celui du président de la République. L'État doit s'attacher, dans un cadre européen, à ce que l'immigration soit un vecteur de progrès (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) En juin dernier, vous vous êtes engagé, monsieur le Premier ministre, à tenir un débat annuel sur la politique migratoire. Nous nous félicitons de cette discussion, alors qu'il faut réaffirmer et appliquer les valeurs républicaines.

La question migratoire nourrit le populisme en France et chez nos voisins et engendre même des fractures au sein de l'Union européenne. Le groupe RDSE aborde ce débat sans angélisme ni aveuglement.

Depuis le pic migratoire de 2015, les arrivées aux frontières de l'Europe ont beaucoup faibli mais les drames continuent : récemment, 18 noyades au large de Casablanca.

Le premier facteur de l'immigration est économique, ou pour tout dire la volonté de vivre dignement. Dans le monde, 800 millions de personnes vivent encore dans un dénuement total. Il y a trop d'États faillis ou en conflit pour constater une baisse du nombre d'immigrés, d'autant que le nombre de réfugiés climatiques va augmenter.

Avant ce débat, il eut été utile de dresser un bilan de la loi de 2018.

La politique d'immigration a pour premier axe la coopération pour réduire les flux : accords avec la Turquie, hotspots, création du centre européen de lutte contre le trafic des migrants, relocalisations. Mais qu'en est-il de la lutte contre les trafiquants, du déploiement de garde-frontières ?

Quant à l'accueil, sommes-nous en mesure de le faire dignement ? Comment pouvons-nous intégrer ? Tout peut être discuté, dans le cadre des valeurs républicaines. Je songe notamment à l'AME, qui doit être préservée mais réformée et mieux calibrée. Nous attendons les conclusions de la mission d'inspection mandatée par Mme la ministre de la santé.

Le regroupement familial est stable depuis 2013 : environ 90 000 admissions par an, sur un total de 256 000 titres de séjours délivrés en 2018. Durcir les conditions de regroupement familial n'est pas la bonne solution pour réguler l'immigration légale.

Peut-être pourrions-nous introduire, comme l'Allemagne, le critère d'une maîtrise minimale du français et du respect des valeurs de notre République.

Il n'est pas illégitime de fixer des priorités en fonction des besoins de notre économie, comme le font d'autres pays.

Quant au droit d'asile, des marges d'amélioration existent, même si nous nous félicitons de l'amélioration du traitement des dossiers et de l'augmentation des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile.

Le règlement de Dublin n'est pas digne de la solidarité européenne. Espérons que l'accord de répartition, signé fin septembre à La Valette, portera ses fruits.

L'Aide publique au développement (APD) est une priorité, notamment en Afrique subsaharienne. Avec 0,44 % du revenu national brut, nous sommes loin de l'objectif de 0,7 % fixé par l'OCDE. Le Gouvernement a néanmoins fait un effort.

Dans un monde de plus en plus ouvert, les migrations ne cesseront jamais ; l'intégration doit trouver un nouveau souffle.

Ni angélisme ni catastrophisme, mais un humanisme réaliste. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; Mmes Martine Filleul et Françoise Férat applaudissent également.)

M. Alain Richard .  - Tenons ce débat à la bonne hauteur. Un État démocratique doit pouvoir décider quelles personnes il accueillera et quel accès aux droits il leur accordera. La limitation et la régulation des entrées sont dans la nature même d'un État souverain. (M. Bruno Retailleau approuve.)

Tous les pays neufs qui se sont peuplés par l'immigration, sur le modèle des États-Unis dès le XVIIIe siècle, ont fixé des limites aux droits d'entrée en les adaptant selon les périodes.

Nous-mêmes avons conscience de la nécessité de faire respecter de telles limites pour l'accès à notre sol.

Seules les doctrines extrémistes réclament l'abandon de toute frontière et de tout contrôle territorial. Ceux qui les défendent ne sont d'ailleurs pas les plus pacifistes lorsqu'ils défilent dans nos rues. La régulation est la condition pour que la France assure avec succès l'intégration républicaine.

Il y a environ 250 000 à 320 000 immigrants par an en France, en prenant en compte les estimations des entrées irrégulières. C'est un facteur de tensions, notamment sur le logement et les services publics de l'enseignement et de la santé.

Réguler les entrées est la condition première d'une intégration accomplie. La convergence est facile sur le principe ; les divergences commencent quand il faut fixer le nombre souhaitable et les moyens concrets de reconduite.

Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué des quotas ; ils ne sont pas souhaitables pour les rapprochements familiaux, les accès aux études supérieures et les demandes d'asile. Quant à l'immigration professionnelle, elle représente à peine plus de 10 % des entrées.

L'asile politique est une obligation pour protéger les personnes menacées dans leur vie par la violence régnant dans leur pays. En revanche, la lucidité oblige à constater que les deux tiers des demandes sont jugées, après enquête de l'Ofpra, injustifiées. L'abus du droit d'asile est un défi à notre système de droit. Il faut réexaminer rigoureusement le traitement des demandes, les modalités de contrôle et l'efficacité des renvois : 50 000 à 70 000 de déboutés du droit d'asile restent, chaque année, sur notre territoire. Il faut que la loi soit appliquée, comme le font nos voisins qui ne connaissent pas ce phénomène.

Autre préoccupation, les arrivées massives et organisées par des filières de mineurs isolés, qui détruisent leur passeport dès la frontière franchie et se rendent directement vers le service d'aide à l'enfance à leur arrivée. Pas moins de 15 000 à 20 000 jeunes par an seraient concernées. La situation est-elle analogue chez nos voisins ? Je ne le crois pas. Il n'est pas concevable que nous échouions à mettre en oeuvre des mesures dont la nécessité est partagée.

Enfin, la politique européenne de l'immigration. Schengen, Dublin sont des traités, laborieusement négociés entre États souverains.

Le groupe LaREM ne peut qu'encourager les efforts du Gouvernement au niveau européen pour trouver des accords, mais que fera-t-on tant que les pays membres ne voudront pas signer ? En attendant, il faut renforcer la coopération bilatérale pour renforcer un contrôle qui nous échappe.

Fixer des principes clairs, combattre les contournements, dialoguer lucidement avec l'exécutif, voilà notre devoir. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Bruno Retailleau et Gérard Longuet applaudissent également ; quelques applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. le président.  - M. Ravier s'exprimera en son nom personnel.

M. Stéphane Ravier .  - L'immigration est une chance pour la France ! Telle est la devise d'une classe politique qui a tout renié jusqu'à laisser mourir l'identité du peuple français et créé les conditions, notamment avec l'assistanat social et le droit d'asile, d'une véritable submersion migratoire. L'immigration n'est pas une chance pour nos compatriotes mais pour une caste politique, en lui permettant de sauver quelques élections avec ces nouveaux Français, pour d'autres elle a permis de recevoir des subventions publiques. En 2016, seuls 7 % des étrangers qui se sont installés chez nous étaient munis d'un contrat d'embauche. C'est une immigration de peuplement pour assistés sociaux, et non plus de travail (Exclamations sur diverses travées à gauche). Pour nos compatriotes, la facture est exorbitante. Je ne crois pas à la théorie du grand remplacement, je suis convaincu de sa réalité. (Huées sur toutes les travées) Je ne parlerai pas du bruit et des odeurs, si chers au président disparu, mais des centaines de zones qui sont devenues des enclaves étrangères où la haine de tout ce qui est français se répand comme une traînée de poudre.

Nos lois, notre culture, nos libertés, celles des femmes en particulier, sont rejetées et remplacées sous les coups d'un communautarisme islamiste militant. Notre unité nationale et républicaine est mise à mal.

Seuls ceux qui en ont les moyens en réchappent, et parmi ceux-là, vous tous, ou presque, mes chers collègues ! Seuls ceux qui en sont proches en souffrent. Si la classe politique est favorable au vivre ensemble, elle ne s'inflige pas le vivre avec. L'immigration, c'est comme les éoliennes : ceux qui les défendent refusent d'en avoir près de chez eux. (Huées)

M. Jean-Pierre Grand.  - Scandaleux.

M. Stéphane Ravier.  - Votre politique d'immigration, mes chers collègues, a aussi le coût du sang : du Bataclan à Nice, de Laura et Mauranne à Thimothy ou à Théo, c'est notre jeunesse qui est sacrifiée sur l'autel d'une idéologie destructrice. (Nouvelles exclamations scandalisées)

Sur le plan social, la politique d'immigration relève de la provocation. Alors que chaque jour de nouveaux sacrifices sont exigés des Français, l'immigration continue d'être un gouffre financier.

En quinze ans, le coût de l'AME est passé de 400 millions il y a quinze ans à 1 milliard d'euros aujourd'hui. Les Français ne s'y trompent plus, ou plutôt, vous ne les trompez plus ! Ils refusent ce suicide national. Voilà 40 ans qu'ils accueillent l'autre et ils se retrouvent menacés, en bute à un insupportable racisme anti Français, anti blanc, anti chrétien ! Nos compatriotes refusent de devenir des étrangers dans leur propre pays. Alors vous menacez, vous censurez et vous traînez devant les tribunaux ces résistants qui refusent de collaborer.

Comment pouvez-vous avoir les yeux aussi grands fermés devant ce phénomène unique dans l'histoire de l'humanité et des nations : celui de l'explosion démographique mondiale ! Loin d'en prendre conscience, et fidèle à son « en même temps » Emmanuel Macron parcourt l'Europe pour sanctionner les pays qui n'accueillent pas les migrants et il s'apprête à faire de Marseille un port d'accueil pour les clandestins de la Méditerranée. (Huées) Je continuerai à dénoncer cette provocation, même si cela doit me coûter une mise en examen comme c'est le cas aujourd'hui.

Face à ce danger mortel qui menace notre France de Charlemagne, de Charles Martel et de Charles Quint, personne ne nous fera taire. Avons-nous encore le droit de demeurer Français, selon nos traditions et notre identité ? Avons-nous le droit de transmettre à nos enfants ce que nous avons reçu de nos parents ? Nous connaissons la réponse et le sursaut national ne peut venir de vous.

Aussi, pour toutes les victimes de votre folle politique d'immigration, pour les victimes sociales, économiques, identitaires, pour toutes ces familles dont la vie a été détruite sous les coups de l'immigration sauvage, je vous demande, mes chers collègues, de gauche comme de droite car vous êtes tous responsables de ce désastre, je vous demande de vous excuser ! (Exclamations indignées sur toutes les travées)

Excusez-vous pour avoir menti ! Excusez-vous pour avoir trahi !

Rétablissez les frontières et mettez en place des quotas d'expulsion. Si vous ne renoncez pas à votre idéologie mortifère, la France vous maudira. (Mêmes mouvements ; Mme Claudine Kauffmann applaudit.)

Mme Éliane Assassi .  - L'immigration n'est pas un tabou, mais votre totem. Alors que la loi Collomb a été promulguée l'an dernier, nous voici à nouveau à débattre.

Pourquoi un débat ? Est-ce pour revenir sur les mesures provocantes de la loi Collomb ou pour améliorer les conditions d'accueil dans les préfectures ?

Monsieur le ministre, je vous ai écouté : ce n'est pas votre cap. Les visées politiciennes et électoralistes que porte ce débat sont dangereuses : elles ouvrent les vannes d'une logorrhée haineuse et vulgaire.

La crise économique, sociale et environnementale que traverse notre pays est grave, à l'origine en particulier du mouvement des gilets jaunes Pourtant le débat national a montré que la question de l'immigration est loin d'être la première préoccupation des Français. Ces Français que le président essaie d'opposer aux immigrés, bien sûr responsables de tous les maux des classes populaires qui en seraient les victimes, les bourgeois étant exonérés de tout soupçon raciste... Au-delà du mépris indécent que révèlent de tels propos, ce discours est pour le moins simpliste, les immigrés constituant aussi le tissu social des classes populaires. Mieux vaudrait les aider en développant les services publics, les logements, les transports. En Seine-Saint-Denis, par exemple, le vivre-ensemble y subsiste. Il faut regarder les choses en face : l'immigration est un vrai sujet, mais pas un problème.

François Héran, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Migrations et sociétés, considère que s'il y a problème c'est parce que le diagnostic initial est faux : la France est loin d'être le premier pays d'Europe pour la demande d'asile : « Raisonner en chiffres absolus n'a aucun sens quand il s'agit de comparer des pays de taille inégale et de richesse variable ». Ainsi en passant des chiffres bruts aux chiffres relatifs, les 400 000 demandes enregistrées sur notre sol depuis janvier 2015 ne représentent que 10 % du total européen, et ils n'ont accru notre population que de 0,6 %, contre 2 % en Allemagne et 0,8 % dans l'Union européenne.

On nous dit que des facteurs exceptionnels mettraient notre pays en danger comme l'AME ou le regroupement familial. Ils servent surtout à stigmatiser encore et toujours l'étranger, jusqu'à la caricature. Le Gouvernement nous parle de « tourisme médical ». Mais réduire l'accès à la santé porte atteinte à la dignité individuelle. Mme Buzyn se veut rassurante, mais les conclusions des rapports demandés aux inspections interviendront juste au moment de l'examen du PLFSS, comme par hasard.

Tous ces reculs proposés au niveau national ne sont bien sûr que le reflet de la politique migratoire européenne en vigueur. L'approche uniquement sécuritaire de l'immigration par l'Union européenne est parfaitement assumée depuis la création de l'agence Frontex. La définition des pays d'origine sûrs devrait être revue. L'asile n'a été accordé qu'à 8 % des Albanais et 5 % de Géorgiens. Or ils sont victimes de vendetta, de discrimination à cause de leur orientation sexuelle ou leur engagement politique. D'autres pays, comme le Bénin, figurent pourtant sur cette liste, alors qu'ils sont bien moins sûrs.

Quant au règlement de Dublin, il est obsolète. En effet, il existe plusieurs centaines de milliers de personnes qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays, mais qui ne trouveront jamais d'issue juridique et humaine à leur situation. Or, en 2017, la France a été la championne européenne des refus d'entrée aux frontières terrestres renvoyant massivement des personnes en quête de protection vers l'Italie.

Une interprétation plus large de la Convention de Genève serait bienvenue pour prendre en compte les nouveaux migrants climatiques. Plutôt que d'instaurer des quotas, suivons les principes que défend M. Régis Debray.

M. Bruno Retailleau.  - C'est l'éloge des frontières !

Mme Éliane Assassi.  - Pour lui, « La frontière rend égales, tant soit peu, les puissances inégales : les riches vont où ils veulent à tire-d'aile, les plus pauvres vont où ils peuvent en ramant, ceux qui ont la maîtrise des stocks peuvent jouer avec les flux en devenant encore plus riches, ceux qui n'ont rien en stock sont les jouets des flux ».

La France s'honorerait à faire des propositions pour accueillir efficacement ceux qui nous demandent asile, aide, respect et dignité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Fallait-il ouvrir ce débat ? Pour les professionnels de l'indignation, c'est non. Le seul mot d'immigration, tel le marteau du médecin sur le tendon rotulien, déclenche la phrase réflexe : « Vous faites le jeu du Front national ». Les donneurs de leçons, qui aiment les mots pompeux, en ont trouvé un qui fait florès depuis quinze jours : Il paraît qu'Emmanuel Macron triangule. Ils veulent dire par là qu'il braconne sur les terres des autres. Quand les détenteurs du monopole du coeur comprendront ce qui les a entraînés en salle de réanimation idéologique : l'angélisme et le victimisme qui mettent les faits en fuite et qui ont conduit, en déclarant tabous l'immigration et d'autres sujets, à ce que les classes populaires leur tournent les talons. Le réel ne cessant pas d'exister parce qu'on l'ignore, on laisse à l'extrême droite le champ libre pour propager, avec une fixité de poteau indicateur, ses absurdités montées sur des échasses et ses pulsions xénophobes. Nous en avons eu un exemple tout à l'heure.

M. Loïc Hervé.  - Absolument !

M. Claude Malhuret.  - C'est ainsi que les populistes sont désormais aux portes du pouvoir. Je ne vois donc pas de raison de me mêler au choeur des pleureuses.

Bien sûr, ce débat n'est pas sans risques. Premier danger, les deux bouts de l'omelette comme disait Alain Juppé sont en embuscade. « Ouvrez les frontières ! » contre « Immigration zéro ! », les fonds de commerce du gauchisme irresponsable et de l'extrême droite intolérante - deux rhinocéros au cuir épais, à la vue basse et toujours prêts à charger - vont ressurgir. Et l'opposition républicaine, à gauche comme à droite, sera tentée de pimenter ses discours d'un peu de cette radicalité. Je voudrais inviter à y renoncer.

Voici quarante ans que l'immigration est l'exemple même de l'impuissance publique. Quarante ans que nous faisons ce que dénonçait Richelieu, qui disait : « Faire des lois et ne pas les faire exécuter, c'est autoriser ce qu'on veut interdire ».

Le deuxième danger c'est le risque Dalida : « Paroles, paroles » (Sourires).

M. Ladislas Poniatowski.  - Avec l'accent !

M. Claude Malhuret.  - Les Français veulent des actes. Ils ne veulent plus voir à la télévision des réfugiés noyés et échoués sur les plages. Ils ne veulent plus voir les pays européens se livrer à des querelles de cour d'école chaque fois qu'arrive un bateau de migrants. Ils ne veulent plus voir Calais et Vintimille. Ils ne veulent plus voir les centaines de tentes alignées le long des boulevards et des quais. Ils ne veulent plus voir les prostituées albanaises ou africaines, esclaves tragiques de mafias dont on avait cru notre pays débarrassé à jamais.

Ce que veulent les Français, c'est comprendre. Ils voient bien que le maintien des illégaux sur le territoire est un fléau pour les sans-papiers eux-mêmes, forcés à la précarité et à la clandestinité, et une épreuve pour la population, contrainte de voisiner avec les squats ou les ghettos. Ils souhaitent donc que les reconduites à la frontière soient effectives. Les Français ont compris que le sujet n'est pas seulement national mais européen, mais ils ne comprennent pas que l'Europe n'ait ni le mandat ni les moyens de le traiter. Frontex va passer de 2 000 à 10 000 agents. Très bonne nouvelle, mais moins bonne quand on apprend que ce chiffre sera atteint en 2027.

Les Français veulent qu'on trouve des solutions pour faire cesser le détournement des procédures d'asile. Quand les deuxième et troisième nationalités par le nombre sont les Albanais et les Géorgiens, pays considérés comme « sûrs », c'est le signe que les mafias et les passeurs ont mis la main sur le système.

Mais l'essentiel est ailleurs. Le président de la République l'a parfaitement compris, mais le sujet est tellement inflammable qu'il a dû l'aborder, comme dirait Nietzsche, avec des pattes de colombe. Il l'appelle l'insécurité culturelle. En langage direct, cela signifie la crise de l'intégration. Au début des années 1980 sont apparus deux mouvements de jeunes antiracistes. Leurs buts étaient les mêmes, mais les méthodes les opposaient. La première, France Plus d'Arezki Dahmani, avait pour mot d'ordre l'intégration républicaine. Son slogan : « Nous voulons le droit à la ressemblance ». La seconde, SOS Racisme, proposait le multiculturalisme. Abreuvée de subventions, surmédiatisée par tous les relais du jacklanguisme triomphant, elle fit une entrée fracassante dans le paysage politico-intellectuel. France Plus, privée de tous moyens, disparut. Au début des années 2000 un nouveau président d'SOS Racisme, Malek Boutih, homme de gauche responsable, propose un virage à 180 degrés, s'oppose à ce qui était devenu le politiquement correct multiculturel, condamne le différentialisme et fait l'éloge de l'intégration républicaine. Mais le mal était fait et Malek Boutih sera vite congédié. Le victimisme et le dolorisme sont devenus l'alpha et l'oméga du discours d'une certaine intelligentsia sur l'immigration. Un discours qui aboutit, au prétexte d'atténuer le déracinement des immigrés, à les laisser à la discrétion de leur communauté. Un discours qui, au nom de la tolérance, renonce à les protéger contre les abus de la tradition dont ils relèvent. C'est ainsi que la France est devenue un pays où montent chaque jour un peu plus le communautarisme.

Le défi de l'intégration, est immense, comme l'indiquent les sondages récents selon lesquels 27 % des musulmans pensent que la charia est supérieure aux lois de la République française. Mais ce chiffre montre aussi que la grande majorité d'entre eux pense le contraire. Et les très nombreux exemples chez les enfants et les petits-enfants d'immigrés de parcours scolaires et professionnels réussis apportent un démenti aux victimocrates qui expliquent l'échec de l'intégration par les obstacles rencontrés. Démenti encore plus éclatant, celui des centaines de milliers de boat-people asiatiques, arrivés eux aussi dans les années 1980 sans connaître un mot de notre langue. Dès la deuxième génération ils ont atteint le niveau d'études et de revenus des Français. Leur chance, c'est qu'ils avaient rêvé de notre modèle depuis des années contre la tyrannie qu'ils fuyaient par tous les moyens.

Voilà les défis qui vous attendent, monsieur le Premier ministre. Et l'on ne peut que vous souhaiter de les relever, parce que si, au bout de quarante ans, vous échouiez à votre tour, alors demain ce pourrait bien être aux rhinocéros à la vue basse que les Français s'en remettent pour les régler.

Les vagues précédentes d'immigration du début du XXe siècle concernaient des arrivants aux cultures proches des nôtres. Mais s'ils ont été à l'époque assimilés rapidement, c'est aussi parce que la France était sûre de son modèle républicain, de sa conception de la laïcité, de sa façon de vivre ensemble et de sa place dans le monde. Le plus grand défi aujourd'hui n'est-il pas de réussir l'intégration dans un pays qui voit ses valeurs s'estomper ? Le plus grand défi n'est-il pas celui de convaincre Français comme immigrés que ces valeurs ne sont pas seulement celles du passé, mais aussi celles de l'avenir ? Cette question est posée à chacun d'entre nous, à notre démocratie. (Vifs applaudissements des travées du groupe LaREM jusqu'à celles du groupe Les Républicains)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Comment convaincre nos concitoyens que notre pays a la volonté d'appliquer les règles qu'il a définies ? Notre groupe écarte tout déni et se veut force de propositions pour combattre le sentiment d'impuissance de l'État en matière de droit d'asile et de migrations. Le sujet de l'immigration touche à la Nation. Nous refusons l'alternative qui voudrait que l'immigration soit une chance ou un mal.

La modération des idées n'écarte pas la fermeté de l'action. En matière de droit d'asile, un « non » doit être un « non », un « oui » doit être un « oui ».

Vous travaillez à la construction d'un droit européen de l'immigration convergent. Entre le niveau le plus bas, celui d'un soutien logistique et financier, et le niveau le plus haut, avec l'agence européenne de l'asile et un droit 100 % européen, une coopération renforcée avec neuf pays permettrait de créer un premier cercle du droit d'asile fort de référentiels communs.

Une solution plus modeste serait de définir des critères communs des référentiels d'asile. En résumé, la convergence, faute d'unification.

Nous suggérons aussi un travail particulier avec les Allemands qui ont accueilli 1,6 million d'étrangers mais en ont débouté 700 000.

Dans une décision du 14 mai 1996, la Cour constitutionnelle fédérale a élargi considérablement la notion de pays tiers sûr, ce qui n'est pas permis dans notre droit constitutionnel. Peut-être devrions-nous rapprocher nos positions dans le cadre du travail réalisé au sein de la Conférence européenne des cours constitutionnelles.

Vous travaillez à la renégociation de l'espace Schengen. Il faudrait donner plus de moyens à Frontex à condition que la politique migratoire à appliquer soit clairement définie.

Une maîtrise d'ouvrage robuste dédiée à la mission d'interopérabilité est souhaitable.

Le droit d'éloignement est complexe et mobilise beaucoup de moyens. Nous saluons la mission de simplification que vous avez confiée au Conseil d'État.

La non-coopération des pays d'origine pose un problème majeur. Ce peut être traité en bilatéral en s'appuyant sur la conditionnalité des aides au développement. Cette conditionnalité serait efficace si elle était couplée à un haut niveau d'ambition sur le plan du développement à l'égard du Maghreb ou de l'Afrique, une sorte de « Routes de la soie à l'Européenne ».

Le groupe UC est plutôt favorable aux quotas même si nous en connaissons le caractère limité depuis la mission confiée à Pierre Mazeaud par Nicolas Sarkozy : ils ne seront opposables ni aux demandeurs d'asile ni aux demandeurs du regroupement familial. Nous sommes favorables à un débat annuel au Parlement.

Nous sommes ouverts à un statut de migrant temporaire avec permis de séjour et de travail à la manière d'une green card européenne.

Le regroupement familial, l'AME et la naturalisation sont des symboles. Le groupe UC est favorable à une analyse ciblée des conditions, sans remettre en cause le principe.

Nous sommes pour une simplification des différents régimes d'hébergement, bien trop complexe, avec des intitulés, des coûts, des prestations différentes. Nous suggérons de travailler bien plus en local sur l'intégration, par exemple sous la forme de contrats locaux d'intégration républicaine, selon les termes du ministre de l'Intérieur.

Un demandeur d'asile ne peut actuellement envisager de travailler avant un délai de six mois. Nous sommes favorables à la suppression pure et simple de ce délai qui a plus d'inconvénients que d'avantages. Quel intérêt de les priver de revenus ?

Enfin, nous sommes pour la transversalité. Nous faisons face à l'éternelle difficulté française des silos de décisions, chaque ministère (Affaires étrangères, Intérieur, Justice) ayant « ses » propres sujets. Le groupe UC insiste sur la nécessaire prise en charge transversale comme ce qui est fait pour l'Union européenne avec le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE).

Recentrons et harmonisons le droit d'asile. Régulons l'immigration. Notre groupe est disponible pour y travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants ; M. Jean-François Husson applaudit aussi.)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un débat sans vote nous laisse sans voix...

M. Julien Bargeton.  - Vous avez seize minutes !

M. Bruno Retailleau.  - C'est une commande du président de la République. Parfois la complexité de la pensée présidentielle nous laisse perplexes...

La loi Asile et Immigration a été promulguée il y a tout juste un an.

Elle a été qualifiée de « solide », mais d'une solidité telle qu'il faut la consolider et que le président de la République a reconnu devant la conférence des ambassadeurs, en votre présence, monsieur le Premier ministre, que c'est un échec. Oui, la France est le premier pays de rebond des déboutés du droit d'asile.

Amélie de Montchalin a évoqué le ciseau entre le flux européen qui baisse et le flux français qui augmente : plus 22 % de demandes en France, contre moins 17 % en Allemagne et moins 10 % en moyenne en Europe.

En politique, on est toujours comptable de ses décisions. Lors de l'examen du projet de loi, vous avez systématiquement refusé les propositions du Sénat sur l'expulsion ou le resserrement du regroupement familial que vous avez au contraire élargi - au même moment où les pays européens, non pas l'Italie de Salvini, mais la Suède, l'Allemagne, le resserraient. Quant à l'AME, nous votons chaque année, avec une régularité métronomique, sa transformation en aide médicale d'urgence et chaque année, avec la même régularité, vous la rejetez.

J'ai cru comprendre, selon leurs dernières déclarations, que le président de la République était plutôt pour, Mme Buzyn, plutôt contre. Bref, c'est ni oui ni non, bien au contraire ! (Sourires) Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas la majorité pour une politique de fermeté. Vous n'êtes pas dans une logique de rupture mais de posture. Vous semblez faire mais vous faites semblant. (Sourires)

Le sujet est mille fois explosif. Le choc de 2018 n'est rien à côté de ce qui viendra quand, à la fin du siècle, la population européenne aura perdu 100 millions d'habitants et l'Afrique en aura gagné 2 milliards... (Marques d'approbation sur certaines travées à droite) Auguste Comte dit que la démographie c'est le destin. Eh bien, l'honneur de la politique, c'est de traiter les causes, et non de s'attarder aux conséquences... (M. Bruno Sido approuve.) Où est notre politique familiale ? Elle est détricotée avec constance et vous avez continué le détricotage commencé par vos prédécesseurs. Oui, le phénomène migratoire est explosif, démographiquement, mais aussi politiquement : Chacun projetant dans le migrant ce en quoi il croit - qu'il soit érigé en bouc émissaire idéal, en figure de remplacement d'un prolétaire devenu introuvable ou en une ressource économique abondante et bon marché, taillable et corvéable à merci...

L'immigration de masse est le phénomène qui a le plus transformé notre société. Ce n'est pas moi qui le dis, mais Marcel Gauchet. Or cela s'est fait sans délibération du peuple français, sans doute pense-t-il mal...

Christophe Guilluy évoque dans son dernier livre l'un de ces grands sondages réalisés dans 25 pays par Ipsos. Seuls 20 % des sondés en Europe voient un impact positif de l'immigration. Mais seulement 11 % des Français !

Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! Je comprends le point de vue du président de la République sur l'embourgeoisement de la société française, coupée en deux, entre les catégories supérieures éduquées qui se protègent de l'immigration par des stratégies d'évitement, résidentielles ou scolaires, quand les catégories populaires n'ont pas le moyen de financer des frontières invisibles. Le monde d'en-haut ne pourra pas éternellement prétendre rééduquer le monde d'en-bas ! Ce n'est plus possible : il faut réagir ! D'où les plafonds, votés au Parlement, que nous avons proposés avec François-Noël Buffet.

Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas peur de réfléchir aux quotas. Fichtre ! (Sourires) Oui, on doit réintroduire le sujet de l'immigration dans le débat démocratique au Parlement, sinon c'est dans la rue qu'il sera évidemment instrumentalisé.

La démagogie cessera quand la démocratie reprendra ses droits, quand sera mis fin à l'impuissance publique, au fiasco de la politique migratoire française. Il faut parler de l'immigration droit dans les yeux. Qu'est-ce que la bonne politique migratoire ? Elle ne peut être qu'humanitaire. Un Gouvernement n'est ni une ONG ni une église. Nous répondrons tous la même chose à la question : va-t-on laisser se noyer les pauvres gens ?

Or la politique, je le répète, ne traite pas seulement les effets, mais surtout les causes. Je vous accorde un satisfecit quand vous liez immigration et plan de développement des pays sources. Nous devons exiger une réciprocité. Pas de laisser-passer consulaire, pas d'aide au développement !

En quoi consiste une politique migratoire ? Des frontières claires, des lois qui sont appliquées et des valeurs républicaines.

Quant aux frontières, il faut des contrôles qui commencent dans les profondeurs des territoires de transit ou d'origine. C'est pourquoi on doit généraliser les hotspots. Plus le contrôle est lointain, moins nous exposons les migrants aux périls auxquels les réduisent ces esclavagistes modernes, les trafiquants de marchandise humaine.

Dans quelques semaines, nous saurons si la nouvelle Commission européenne consacrera de vrais moyens à Frontex.

Assumons des opérations policières et militaires si besoin. Personne ou presque ne sait que l'opération Sophia a été lancée en juin 2015 par l'Union européenne ; elle prévoyait d'utiliser tous les moyens, y compris militaires, pour détruire les installations des esclavagistes. Elle a dû s'arrêter, il faut la relancer. On devrait d'ailleurs pouvoir saisir le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution pour lutter contre ces filières. Enfin, trois protections valant mieux qu'une seule, outre les hotspots et Schengen, il faut défendre nos propres frontières et revoir de toute urgence, à cette fin, notre arsenal législatif, monsieur le Premier ministre.

Migrations, la France singulière publié par Didier Leschi, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), pour la Fondapol, vous donnera de nombreuses pistes sur ce qu'ont fait d'autres pays comme l'Allemagne ou la Suède. (L'orateur montre ce document à la tribune.) En Allemagne, depuis l'accord de la grande coalition du 1er août 2018, ce sont 1 000 regroupements pour les réfugiés, pas plus. L'Allemagne le peut, pourquoi pas nous ?

L'impuissance est de notre propre faute. Ne nous défaussons pas sur l'Union européenne !

MM. Bruno Sido et Philippe Pemezec.  - Mais oui !

M. Bruno Retailleau.  - Deuxième point, il faut des lois et qu'elles soient appliquées. Il faut expulser les étrangers qui commettent des actes de délinquance grave, ainsi qu'une peine complémentaire et des moyens pour les expulsions : nous avons fait des propositions.

Aujourd'hui, le sentiment des Français est que l'immigration non maîtrisée fragilise notre société. L'étude Fractures françaises le montre : quelque 64 % des Français trouvent qu'on ne se sent plus chez soi comme avant. On peut le déplorer ou s'en indigner mais le chiffre est là ! Nous avons renoncé à assimiler et ne parvenons donc plus à intégrer. C'est un échec. Nous devons le regarder en face.

Nous devons aussi agir sans que notre bras tremble.

Il y a deux modèles. Le modèle du multiculturalisme est centrifuge et dresse les communautés les unes contre les autres.

Et il y a le modèle républicain, la citoyenneté. Nous avons trop renoncé. Nous devons tenir coûte que coûte et l'attentat à la préfecture de police nous appelle à cette Résistance.

Dominique Schnapper, que personne n'accusera d'extrémisme, l'a dit, l'assimilation pourrait être parfois une contrainte, mais c'est surtout une promesse généreuse, celle de devenir complètement Français. Oui, la générosité est une valeur française ; mais encore faut-il avoir quelque chose à donner, un patrimoine à partager, une histoire à transmettre. Rien ne serait plus inhumain, qu'un monde sans frontières, sans racines, qui dresserait les populations les unes contre les autres.

Alors, monsieur le Premier ministre, si vous souhaitez que ce débat ne soit pas qu'une habileté politique, agissez, décidez ! D'autres pays européens l'ont fait. N'ajoutez pas la défiance à la désespérance ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants ; quelques applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Pas de consensus, mais des convergences. La définition d'une politique migratoire dans notre pays n'est pas consensuelle et personne n'est surpris qu'il n'y ait pas de consensus entre les positions de Mme Assassi et celles M. Ravier.

Mme Éliane Assassi.  - Il y a même un grand fossé !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Certes. Ce dernier a cité Charles Martel, Charlemagne et Charles Quint... Il me semblait que ce dernier était en conflit avec la France, et même, si mes souvenirs sont exacts - je n'y étais pas... - (Sourires) François Ier avait plutôt cherché ses alliances vers l'Orient, vers la Turquie d'aujourd'hui... Le sujet est donc plus complexe qu'il n'est parfois présenté...

Je remercie l'ensemble des orateurs pour la qualité des propos tenus. C'est la meilleure façon de montrer que ce débat est utile. J'ai aimé entendre vos propositions.

Ce débat est utile et opportun, et pas seulement car c'était l'occasion d'entendre le président Malhuret citer Dalida... (Rires)

M. Loïc Hervé.  - Avec l'accent !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - ... Mais surtout on a dit beaucoup de choses. Ce n'est pas parce que l'on en a tant parlé, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, que ce débat serait inutile. C'est que l'immigration est au coeur des interrogations françaises, d'un processus législatif massif, et de longue date.

Il serait extravagant de ne pas l'aborder. Beaucoup d'entre nous avons évoqué son impact sur la citoyenneté et la volonté de conjuguer d'un côté humanisme, fidélité à nos valeurs et de l'autre fermeté, capacité à agir et à ne pas nous voir imposer un droit de résider dans notre pays, en concevant la politique migratoire de la France dans cet équilibre, dans cette tension, difficiles à mettre en oeuvre, mais rappelés sur tous les bancs.

Cette convergence est réjouissante, prometteuse. MM. Richard et Bonnecarrère ont appelé de leurs voeux, comme le président Requier, le nécessaire rapprochement des politiques migratoires en Europe.

Beaucoup ont évoqué l'asile comme une question centrale. Nous devons utiliser les pistes à notre disposition et oeuvrer diplomatiquement en Europe à une harmonisation des procédures. Nous pourrions par exemple utiliser les instructions d'autres pays pour prendre les décisions qui nous reviennent.

Plusieurs intervenants ont posé la question de l'intégration, du creuset culturel, du partage effectif des valeurs au coeur de notre société.

L'intégration des étrangers en France a toujours été difficile. On croit parfois qu'elle était plus simple lorsqu'elle venait d'une zone géographique plus proche et de convictions religieuses plus proches, voire identiques aux nôtres.

Mais le modèle républicain n'était pas encore stabilisé lorsque les Italiens et les Polonais sont arrivés en France et leur pratique religieuse était différente ; cela a pu provoquer des réactions, des discriminations, des violences.

Quelles suites à donner à ce débat ? D'abord une logique de travail et non de posture - la posture, c'est toujours la position de l'autre. Nous cherchons des instruments efficaces qui prennent en compte des contraintes juridiques qui restent très fortes, car ancrées dans le passé, et dont il faut parfois se défaire. La décision de dispenser de visa les ressortissants de pays aspirant à entrer dans l'Union européenne comme l'Albanie en 2010, ce n'est pas ce Gouvernement qui l'a prise.

J'ai du mal à saisir, face à cette donnée - le grand nombre de demandeurs d'asile - comment l'on peut considérer qu'elle est compatible avec l'entrée dans l'Union européenne...

M. Bruno Retailleau.  - C'est ni l'un ni l'autre !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Il faut choisir, là aussi, non pas des postures, mais un travail sérieux... Les dix pistes de Philippe Bonnecarrère sont très intéressantes et le Gouvernement est disponible pour travailler sur ces pistes et sur d'autres.

Nous avons déclaré être disposés à dialoguer avec les maires - car les procédures existantes ne sont pas satisfaisantes, je l'ai vécu en tant que maire : on leur demande parfois leur avis, mais souvent le retour d'information, le suivi ne sont pas là.

Quels textes pour notre action future ? Nous ne sommes pas là pour annoncer un grand texte qui constituerait un « grand soir » législatif. Mais l'année prochaine, la loi de programmation sur l'aide publique au développement (APD) permettra de mettre en oeuvre une articulation entre la politique migratoire et l'APD. Nous accompagnerons mieux les États dans la mise en place d'instruments qui leur seront utiles, ainsi qu'à la France - je pense à l'état civil et à la numérisation.

Des mesures sont de niveau réglementaire, du ressort du Gouvernement, d'autres pourront s'intégrer dans des instruments législatifs, après avoir été discutées à l'Assemblée nationale et au Sénat bien sûr.

Je vous remercie pour la qualité de ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 19 h 10.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 19 h 20.

Engagement et proximité (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (procédure accélérée).

Mises au point au sujet de votes

Mme Nathalie Delattre.  - Hier, au scrutin n°2, sur l'amendement n°384 rectifié, mes collègues Gabouty, Guérini, Castelli, Labbé, Laborde, Jouve et Requier voulaient voter pour.

Au scrutin n°3 sur l'amendement n°172 rectifié ter, ces mêmes collègues souhaitaient également voter pour. Ce sont les aléas de l'apprentissage du vote électronique !

M. Didier Mandelli.  - À ce même scrutin n°3, MM. Brisson, Darnaud et Genest souhaitaient voter pour.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin. 

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°515 rectifié bis, présenté par Mme Noël, M. D. Laurent, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Charon, Mmes Duranton et Morhet-Richaud et MM. Reichardt, Laménie, Danesi, Bonne, Houpert, Cuypers et Poniatowski.

Après l'alinéa 14

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Le pacte peut également préciser que :

« 1° Sur décision du maire qualifié de représentant de sa commune de la conférence des maires selon les modalités fixées au 2° du II du présent article, un conseiller municipal de sa commune peut être désigné pour le remplacer. À ce titre, il est doté des mêmes prérogatives tout au long de la période où il siège au sein de ce conseil ;

« 2° Chaque membre de la conférence des maires est doté d'un droit de véto suspensif. Si au moins un membre exprime son refus à une délibération proposée, l'avis commun devient de fait défavorable. Ceci pendant une période donnée et jusqu'à la réalisation d'une condition.

Mme Sylviane Noël.  - Cet amendement autorise le maire à avoir un remplaçant à la conférence des maires - je pense aux congés maternité. La conférence des maires deviendrait un vrai organe de délibération avec un veto suspensif.

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois.  - La désignation d'un remplaçant relève du conseil municipal. Ce veto n'a pas lieu d'être : la conférence des maires doit rester un organe consultatif. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°515 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°638 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Laménie, Meurant et Frassa, Mme Deromedi, M. Guerriau et Mmes Bruguière et Sittler.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La conférence des maires émet un avis consultatif préalable sur les orientations budgétaires de l'établissement public de coopération intercommunale.

M. Marc Laménie.  - Cet amendement met la conférence des maires au coeur des orientations stratégiques.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Cet avis obligatoire de la conférence des maires est contradictoire avec le rôle consultatif de cet organe. Cela devrait relever de la liberté de chaque EPCI. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Ces amendements ajoutent des obligations là où il faudrait favoriser la liberté. Tout cela devrait relever du pacte de gouvernance. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Kerrouche.  - Eh bien, je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre. (Mme Sophie Primas rit de bon coeur, tandis que M. le ministre se montre surpris.) Nous voterons contre cet amendement qui pourrait entraîner des blocages.

L'amendement n°638 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°752 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias.

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II.  -  Le conseil des maires est co-présidé par le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et un maire des communes membres de manière alternée et comprend, en outre, les maires des communes membres.

Mme Michelle Gréaume.  - Avec cet amendement, le conseil des maires serait coprésidé par le président de l'EPCI et par les maires de communes membres de façon alternée, et non uniquement par le premier comme le propose le texte actuel.

Mme la présidente.  - Amendement n°21, présenté par M. Grand.

Alinéa 19

Après la seconde occurrence du mot :

maires

insérer les mots :

et maires délégués

M. Jean-Pierre Grand.  - La conférence des maires pourrait intégrer les maires délégués au sein de communes nouvelles. Seules 22 communes sur les 239 communes nouvelles créées n'ont pas gardé de communes déléguées.

Je profite de cette occasion pour demander que les maires délégués aient la même écharpe que les autres maires... avec des glands dorés. (Rires) Eh oui, on y tient ! Et cela ne mange pas de pain ! (Sourires)

Mme la présidente.  - Amendement n°553 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Malhuret, Menonville et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled, Fouché, Capus, Gabouty, de Nicolaÿ, Canevet, Nougein, Longuet et Bonhomme, Mme Billon et MM. Laménie, Longeot et Moga.

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle comprend également les vice-présidents de l'établissement public de coopération intercommunale ainsi que les présidents de commission le cas échéant.

M. Daniel Chasseing.  - L'amendement prévoit la présence dans la conférence des maires des vice-présidents et des présidents de commission de l'EPCI, qui peuvent parfois ne pas être le maire d'une des communes membres.

Mme la présidente.  - Amendement n°554 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Malhuret, Menonville et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled, Fouché, Capus, Gabouty, de Nicolaÿ, Canevet, Nougein, Longuet et Bonhomme, Mme Billon et MM. Laménie et Longeot.

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle comprend également les vice-présidents de l'établissement public de coopération intercommunale ainsi que les présidents de commission le cas échéant, lorsque l'ordre du jour concerne une thématique de leurs attributions.

M. Daniel Chasseing.  - C'est un amendement de repli qui prévoit la présence dans cette instance des vice-présidents et des présidents de commission de l'EPCI dès lors que l'ordre du jour de la réunion du conseil des maires concerne une thématique entrant dans leurs attributions.

Mme la présidente.  - Amendement n°640 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Laménie, Meurant et Frassa, Mme Deromedi, M. Guerriau et Mmes Bruguière et Sittler.

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans l'hypothèse où le président de l'établissement public de coopération intercommunale est également maire d'une des communes membres, il désigne un membre de son conseil municipal pour le représenter au nom de sa commune.

M. Marc Laménie.  - Cet amendement évite le mélange des fonctions exercées au sein du conseil des maires, le président de l'EPCI agissant en tant que président de ce conseil et un conseiller municipal représentant le maire au sein de ce conseil.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La conférence des maires est une instance de dialogue et de consensus. Une présidence assurée par le seul président de l'EPCI me semble suffire. Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°752 rectifié.

Acceptons que la commune nouvelle est une nouvelle commune : retrait ou avis défavorable à l'amendement n°21 qui associe les maires délégués.

La conférence des maires a vocation à faciliter un dialogue fluide et constructif entre les maires et l'EPCI, avec une égalité de statut selon le principe « une commune, une voix ». Le pacte de gouvernance pourra préciser les choses. Avis défavorable aux amendements n°s553 rectifié et 554 rectifié qui vont à l'encontre de cette logique.

L'amendement n° 640 rectifié concerne les présidents d'EPCI qui seraient aussi maires. Certes, un président d'intercommunalité doit être au-dessus de la mêlée, mais là encore le sujet relève de la libre administration des EPCI et pourra être traité dans le pacte de gouvernance. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Je marche dans les pas du rapporteur : même avis sur les cinq amendements.

Mme Cécile Cukierman.  - J'entends vos arguments, mais il existe des EPCI qui ne sont pas présidés par un maire. Prévoir une co-présidence par un maire me paraît dès lors souhaitable.

Je ne suis pas favorable aux communes nouvelles mais dès lors qu'elles existent, on ne peut prétendre conserver aux communes anciennes leurs prérogatives ! Nous ne voterons pas ces amendements, qui sont en contradiction avec les propos tenus hier.

M. Didier Marie.  - Nous avons obtenu hier la création obligatoire de la conférence des maires, ne la complexifions pas. Un maire président ? Mais lequel ? Faut-il l'élire ? Associer les vice-présidents ? N'allons pas refaire le bureau de l'EPCI ! Laissons les collectivités territoriales libres de s'organiser.

L'amendement n°752 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°21 est retiré de même que l'amendement n°553 rectifié.

M. Daniel Chasseing.  - La conférence des maires est un progrès, mais il me paraît utile d'associer vice-président de la communauté de communes et un président de commission si l'ordre du jour le justifie.

L'amendement n°554 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°640 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°77 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Roux et Vall.

Alinéa 20

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La conférence des maires se réunit préalablement à la réunion de l'assemblée délibérante de l'établissement public à fiscalité propre, pour avis sur les projets de délibération inscrits à l'ordre du jour, à l'initiative du président de l'établissement public à fiscalité propre, sur un ordre du jour déterminé, ou à l'initiative d'un tiers des maires.

M. Henri Cabanel.  - Cet amendement vise à mieux associer le maire aux travaux de l'intercommunalité, à mieux prendre en compte son avis pour recentrer la politique d'EPCI sur les besoins des communes.

Mme la présidente.  - Amendement n°753 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias.

Alinéa 20

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Il se réunit au minimum deux fois par an et à chaque fois que cela est nécessaire, sur un ordre du jour déterminé, à l'initiative du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou à la demande de 20 % des maires.

Mme Cécile Cukierman.  - Pour éviter que la conférence des maires ne soit une coquille vide, nous fixons un minimum de deux réunions par an et abaissons à 20 % la proportion de maires requise pour la convoquer. Cela fluidifiera les relations et évitera les blocages.

Mme la présidente.  - Amendement n°920 rectifié, présenté par M. Kern.

Alinéa 20

Après les mots :

Elle se réunit,

insérer les mots :

au moins une fois par trimestre,

M. Claude Kern.  - Beaucoup de maires de petites communes m'ont signalé que la conférence des maires ne se réunissait qu'une fois par an. Il serait souhaitable d'exercer quelques pressions sur les présidents d'EPCI.

Mme la présidente.  - Amendement n°23, présenté par M. Grand.

Alinéa 20

Après le mot :

déterminé

insérer les mots :

et accompagné d'une note explicative de synthèse

M. Jean-Pierre Grand.  - Cet amendement prévoit que l'ordre du jour de la conférence des maires est accompagné d'une note explicative de synthèse, comme cela se fait pour les conseils municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus. Nous l'avions prévu dans la proposition de loi relative à l'équilibre territorial.

Mme la présidente.  - Amendement n°22, présenté par M. Grand.

Alinéa 20

Remplacer les mots :

d'un tiers

par les mots :

d'au moins 30 %

M. Jean-Pierre Grand.  - Par cohérence, cet amendement aligne le seuil requis pour demander une réunion de la conférence des maires sur celui nécessaire pour obtenir sa création, à savoir 30 %.

Mme la présidente.  - Amendement n°445, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par les mots :

au moins une fois par trimestre

Mme Françoise Cartron.  - Le texte ne fixe aucune périodicité pour les réunions de la conférence des maires. Nous proposons au minimum une fois par trimestre, soit quatre fois par an, pour l'aligner sur celle des conseils municipaux et communautaires.

Mme la présidente.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, M. Brisson, Mme Lavarde, MM. Houpert, Courtial, Karoutchi, Lefèvre, Vaspart, Savary, Panunzi, Piednoir et Dallier, Mme Lopez, MM. Grosdidier et Cardoux, Mme Deromedi, M. Charon, Mme Chain-Larché, MM. Mouiller, Sol, Pemezec, Bascher et Grosperrin, Mmes Lassarade et Berthet, MM. Savin, Husson et Milon, Mme Bruguière, MM. Dufaut, Laménie, Bazin, Perrin et Mandelli, Mmes Boulay-Espéronnier, Noël, Lherbier, Garriaud-Maylam, Imbert, Lamure et Deroche, MM. Poniatowski et B. Fournier, Mme A.M. Bertrand et M. Rapin.

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le maire peut se faire représenter par l'un de ses adjoints.

Mme Sylviane Noël.  - Cet amendement permet à un maire de se faire représenter par un adjoint à la conférence des maires.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°632 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Sido et H. Leroy, Mme Deromedi et MM. Mandelli, Laménie, Pointereau, Saury et de Nicolaÿ.

M. François Bonhomme.  - Il s'agit d'assurer la fluidité et la continuité dans l'exercice du mandat municipal.

Mme la présidente.  - Amendement n°258 rectifié, présenté par M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Cambon et Courtial, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Bascher, Panunzi, Charon et Dallier, Mme Bruguière, MM. Milon, Bonhomme et Pellevat, Mme Raimond-Pavero, MM. de Nicolaÿ et Mandelli, Mme Boulay-Espéronnier, M. Chaize, Mme Lherbier, M. Laménie, Mme Duranton, MM. B. Fournier, Husson et Savin, Mme Lamure et MM. Rapin, Cuypers et Gremillet.

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

À la demande d'un tiers des maires, son organisation peut être territorialisée.

M. François Bonhomme.  - Défendu.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La diversité de ces amendements montre l'appétence pour la conférence des maires ! (Sourires) J'ai compris, hier, que rien n'était obligatoire hors la liberté. (Sourires) Dès lors, il convient que la loi, qui rend obligatoire une conférence des maires, laisse les EPCI libres d'en fixer le rythme de réunion et la composition dans le pacte de gouvernance. Retrait ou défavorable aux amendements identiques nos35 rectifié et 632 rectifié qui fixent une périodicité.

Prévoir une note de synthèse accompagnant l'ordre du jour de la conférence des maires alourdirait les obligations des EPCI, notamment les plus petits. Avis défavorable à l'amendement n°23.

L'amendement n°77 rectifié prévoit une réunion de la conférence des maires avant chaque séance du conseil communautaire ; les amendements nos753 rectifié, 920 rectifié et 445 fixent la périodicité des réunions. Cette diversité montre l'hétérogénéité des demandes des élus. Faisons confiance aux élus locaux pour faire du sur-mesure. Avis défavorable à ces amendements.

L'amendement n°22 aligne le pourcentage sur celui qui est exigé pour demander la création d'une conférence des maires - or nous avons rendu celle-ci obligatoire. Retrait ou avis défavorable.

Enfin, l'amendement n°258 rectifié est satisfait puisqu'il est déjà possible de créer des conférences territoriales rassemblant les maires. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Voilà la liberté qui revient à l'honneur dans nos débats... On ne peut contraindre le contenu des réunions qui relève de la liberté des élus, mais il demeure le risque que ces réunions ne soient jamais convoquées par le président de l'intercommunalité.

L'amendement n°77 rectifié est trop rigide : retrait ou avis défavorable.

D'accord pour une périodicité semestrielle, mais pas pour les 20 % ; dès lors, avis défavorable à l'amendement n° 753 rectifié.

Sagesse sur l'amendement n°920 rectifié, qui s'aligne sur ce que prévoit le CGCT pour le conseil municipal.

Je sais les amendements de M. Grand guidés par son expérience locale, mais l'ordre du jour de la conférence des maires relève du pacte de gouvernance, co-construit par les maires d'EPCI : retrait de l'amendement n°23.

Sagesse favorable sur l'amendement n°22, qui est de bon sens.

Idem sur l'amendement n°445, c'est un compromis.

La conférence des maires est faite pour les maires. S'il y a autant d'adjoints que de maires, l'intérêt d'un huis clos entre pairs disparaît. L'idée est celle d'une instance intermédiaire entre le bureau et le conseil communautaire, où les maires se retrouveraient entre eux, sans leur opposant. Avis défavorable aux amendements identiques nos35 rectifié et 632 rectifié ainsi qu'à l'amendement n°258 rectifié.

L'amendement n°23 est retiré.

Mme Cécile Cukierman.  - J'entends le besoin de liberté, je l'ai moi-même défendu hier ; mais attention à ne pas créer des machines à bulles qui éclateraient sans rien donner.

Si l'on rend obligatoire une conférence des maires, il faut lui donner corps. Or dans certains EPCI, elle pourrait ne pas se réunir. D'où notre amendement n°753 rectifié qui impose deux réunions par an - évitons la réunionite. En cas d'urgence, il serait possible de convoquer la conférence des maires à la demande de 20 % d'entre eux.

M. Bernard Delcros.  - Il y a des intercommunalités où tout se passe bien, d'autres - notamment celles dont le périmètre a été élargi à la suite de la loi NOTRe - où les maires de petites communes se sentent exclus et ne participent plus à la vie de la communauté.

C'est la raison d'être de la conférence des maires ; donnons-lui toutes les chances de réussir avec des réunions au moins trimestrielles. Je voterai l'amendement n°920 rectifié.

M. Jacques Bigot.  - J'ai présidé la communauté urbaine de Strasbourg de 2008 à 2014. Nous réunissions tous les mois la conférence des maires pour anticiper les orientations futures et permettre à l'administration de préparer les délibérations dans un sens qui convienne aux maires. Naturellement, quand nous traitions de son sujet de compétence, le vice-président concerné était convié ; naturellement, quand un maire était empêché, il envoyait un adjoint. Il me semble qu'il incombe plutôt à l'AMF, qui regroupe maires et présidents d'intercommunalité, d'éditer un guide des bonnes pratiques. Trop de règles tuent la règle ! La loi fixe le cadre général, le reste relève des bonnes pratiques. (MM. Pierre Louault et Jackie Pierre applaudissent.)

M. Didier Marie.  - Notre amendement initial assortissait la création d'une conférence des maires de l'obligation de la réunir au moins deux fois par an. Les bonnes pratiques ne sont pas nécessairement partagées partout. Nous soutiendrons l'amendement n°920 rectifié.

M. Dominique de Legge.  - Si vous revenez sur la loi NOTRe, nous disent les maires de mon département, évitez d'en faire trop ! Les meilleures réunions sont celles où l'on a quelque chose à se dire.

Il y a une clause de sécurité pour le cas où le président d'EPCI se montrerait récalcitrant puisque la conférence des maires peut se réunir à la demande d'un tiers des maires. N'en rajoutons pas, laissons de la souplesse. Je m'étonne que le Sénat passe autant de temps à expliquer aux élus comment faire leur boulot. Avons-nous oublié qu'avant la loi contre le cumul des mandats, nous avons tous été maires ou présidents d'EPCI ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants et RDSE.)

M. Arnaud de Belenet.  - Je propose de rectifier mon amendement n°445 pour le rendre identique à l'amendement n°920 rectifié.

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°445 rectifié.

M. Henri Cabanel.  - Nous retirons l'amendement n°77 rectifié au profit de l'amendement n°920 rectifié.

L'amendement n°77 rectifié est retiré.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Ce texte nous donne l'occasion d'apprécier la richesse de nos diversités. La création obligatoire d'une conférence des maires ne donnerait pas lieu à réunion ? Je ne le crois pas. Même si le président de l'EPCI oubliait ses devoirs, il suffit qu'un tiers des élus demande la réunion. Cela dit, je n'ai pas de religion sur le sujet et l'avis de sagesse du ministre sera peut-être entendu...

Mme Sophie Primas.  - Ces amendements semblent traduire des expériences territoriales mitigées. On ne peut rien faire contre un président d'EPCI qui dirige mal son EPCI. Évitons de punir les intercommunalités qui fonctionnent pour quelques-unes qui fonctionnent mal ! C'est écraser une mouche avec un marteau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°753 rectifié n'est pas adopté.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos920 rectifié et 445 rectifié, mis aux voix par assis et debout, sont adoptés.

(Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants ; Mme Annie Guillemot applaudit également.)

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos35 rectifié et 632 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°258 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°24, présenté par M. Grand.

Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les métropoles, elle se réunit obligatoirement cinq jours francs au moins avant l'envoi de la convocation aux conseillers communautaires.

M. Jean-Pierre Grand.  - Amendement motivé par mon expérience à Montpellier...

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - C'est fort rigide. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - J'entends avec humilité et respect ce qui se passe sur votre territoire, monsieur Grand. Cependant, évitons de rigidifier. Retrait ?

L'amendement n°24 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°888 rectifié, présenté par Mme Loisier et M. Longeot.

Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La conférence des maires inscrit obligatoirement à son ordre du jour un point relatif aux mesures visant à favoriser la cohésion de l'ensemble des communes au sein de l'intercommunalité.

M. Jean-François Longeot.  - Les maires des petites communes ont le sentiment que leurs problématiques ne sont pas prises en compte par l'intercommunalité. Il en va pourtant de la cohésion de l'ensemble intercommunal et du projet de développement. Donnons-leur la parole et les moyens d'agir afin que l'intercommunalité ne se résume pas à la juxtaposition des projets de quelques maires influents.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je suis très sensible à la voix des communes y compris les plus petites. Le pacte de gouvernance et la conférence des maires sont là pour faire entendre les maires de toutes les communes puisque le principe est celui d'une commune, une voix. Votre voeu est sain, mais guère normatif...

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - J'y vois un amendement d'appel, peu générateur de droit. La cohésion des communes demeure le fil conducteur. Retrait ?

L'amendement n°888 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°491 rectifié ter, présenté par M. Lafon et les membres du groupe Union Centriste.

Après l'alinéa 22

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  L'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé? :

« Dans chaque établissement public territorial, est créée une conférence des maires régie par l'article L. 5211-11-2. »

M. Michel Canevet.  - Les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris ont une situation juridique particulière, n'étant pas EPCI. La conférence des maires doit pouvoir s'y tenir.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Laurent Lafon a évoqué le sujet hier. C'est une bonne idée, avis favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - J'aurai un avis de principe, qui vaudra pour d'autres amendements. Ce projet de loi ne traite pas des métropoles, sujet qui nous occupera largement l'année prochaine. Dès lors, sagesse, même si l'amendement est de bon sens. Le cas de Lyon est particulier puisque la métropole n'est pas un EPCI mais une collectivité territoriale.

L'amendement n°491 rectifié ter est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

La séance est suspendue à 20 h 20.

présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 50.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°390 rectifié, présenté par M. Devinaz et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3633-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la troisième phrase du premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;

2° À la deuxième phrase du second alinéa, le mot : « une » est remplacé par le mot : « trois ».

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - La métropole de Lyon constitue depuis le 1er janvier 2015 une collectivité territoriale à part entière avec les compétences du département et de l'intercommunalité.

Or, à compter de 2020, avec le nouveau mode d'élection, certains de ses 59 maires n'auront plus de siège dans son conseil métropolitain.

Cet amendement renforce la fréquence de réunion des conférences territoriales des maires afin que les communes puissent être associées de manière régulière à l'exécution des politiques métropolitaines sur leurs territoires.

Les maires auront ainsi un lieu d'échanges pour permettre une bonne adaptation des politiques métropolitaines à l'échelle de leur bassin de vie.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Les communes souhaitent avoir plus de visibilité dans l'action communautaire. Votre amendement rendrait obligatoire la consultation des conférences territoriales des maires lors de l'élaboration des politiques de la métropole. Il est source d'insécurité juridique, car les sujets sur lesquels les conférences des maires devraient être consultées restent vagues. Et l'absence de consultation serait un motif d'irrégularité des décisions de la métropole de Lyon. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous ne sommes pas de ceux qui changent d'avis en une nuit. Nous voterons cet amendement. Lors de l'examen de la loi Maptam, nous avions dénoncé le fait que la création de la métropole de Lyon fragiliserait inévitablement les communes. Cet amendement va dans le bon sens. Insécurité juridique ? L'insécurité pour les élus vient davantage de la création de la métropole de Lyon...

Mme Annie Guillemot.  - Celle-ci a un statut unique, elle est la seule collectivité de ce type. Les communes n'ont plus que les compétences des écoles primaires et maternelles, des élections et de l'état civil ; les autres ont été transférées à la métropole. La commission permanente de la métropole n'est constituée pour l'instant que par ses présidents et vice-présidents. L'opposition n'y est pas représentée ! On ne peut pas réunir une seule fois par an une telle conférence quand on gère 3 milliards d'euros de budget chaque année. Nous ne pouvons pas ne pas avoir les mêmes prérogatives qu'un département ! Le Conseil constitutionnel s'y opposerait et je songe à le solliciter sur ce point.

Mme Michèle Vullien.  - J'abonde dans le sens de mes collègues. Cette loi concerne les intercommunalités. La métropole de Lyon est un peu comme le Canada Dry. Depuis le 1er janvier 2015, nous ne sommes plus en intercommunalité et pourtant on a toujours le sentiment d'y être.

Qui seront les élus en mars prochain à Lyon ? Des maires, des chefs d'opposition mais aussi des élus sans aucune assise, car les circonscriptions Maptam n'ont pas les mêmes contours que les circonscriptions législatives.

Dans ma circonscription, il y a 25 communes et il y aura 14 élus, qui ne seront pas tous des maires. Nous sommes bien obligés de prendre en compte ces spécificités.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Dans l'absolu, à l'issue d'une élection municipale, on pourra très bien se retrouver sans aucun élu municipal. Mon amendement est essentiel si l'on veut remettre les maires au centre de la vie politique.

L'amendement n°390 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°747, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3633-3, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le pacte de cohérence métropolitain définit la liste des compétences partagées entre la métropole de Lyon et des communes membres. » ;

2° L'article L. 3642-1 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Toute délibération concernant une seule commune membre de la métropole de Lyon ne peut être soumise à un vote du conseil de la métropole si la commune susmentionnée émet un avis défavorable. 

« Toute délibération concernant l'exercice partagé de compétences entre la métropole de Lyon et ses communes doit être précédée d'une sollicitation de l'avis des conseils municipaux concernés. Cet avis est formulé par les conseils municipaux au minimum un mois avant la délibération du conseil de la métropole ou, sur demande des conseils municipaux deux mois avant. L'absence de réponse vaut avis favorable.

« La délibération soumise au conseil de la métropole doit tenir compte des avis des conseils municipaux et peut être différente du projet de délibération soumis aux communes. La délibération rend compte des avis exprimés par les communes. »

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement recentre la place des communes dans la métropole de Lyon en leur permettant notamment d'émettre des avis contraignants lorsqu'elles sont concernées par des délibérations du conseil métropolitain.

Le conseil métropolitain ne permet pas d'assurer une représentation démocratique, ni celle de l'ensemble des maires, du fait de son mode d'élection. En effet, des représentants des communes issues d'une opposition parfois ultra-minoritaire pourront siéger au conseil communautaire alors même que les maires n'y siègeront pas. L'objectif est de redonner du pouvoir aux communes et du poids dans les décisions métropolitaines.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La métropole de Lyon est particulière. Son statut est celui d'une collectivité. Sa création a été débattue et votée. La métropole de Lyon relève d'autres irritants que ceux de la loi NOTRe. C'est un objet de curiosité difficilement réparable par le biais d'amendements. Nous avons renforcé la conférence métropolitaine des maires : c'est ce que nous pouvions faire à ce niveau. Peut-être jugez-vous cela décevant.

Cependant cet amendement porte sur les prérogatives des communes situées dans la métropole de Lyon. Il prévoit qu'elles pourront en certaines circonstances exercer un droit de veto sur les politiques de la métropole.

Mme la présidente.  - Il faut aller plus vite.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je tiens à expliquer les choses. Cet amendement en instaurant une tutelle d'une collectivité sur une autre est inconstitutionnel. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Certains amendements sur ce thème pourront recevoir un avis favorable. Cependant, pour celui-ci, même avis que le rapporteur. Il n'est pas constitutionnel qu'une collectivité territoriale exerce une tutelle sur une autre.

Mme Cécile Cukierman.  - Sans doute avez-vous fait une lecture trop rapide de notre amendement, dont la rédaction est très nuancée. Il n'est nulle part question d'un veto mais d'une délibération qui doit rendre compte des avis exprimés par les communes. Il n'est aucunement dit que la délibération finale du conseil métropolitain doit être similaire à celle des communes. Je maintiens cet amendement qui n'a rien d'inconstitutionnel. La loi Maptam contient effectivement beaucoup d'irritants et plus que cela ; nous aurions pu déposer un amendement la supprimant...

Cet amendement n'est pas hors-sol. Il a été travaillé avec des élus de la métropole de Lyon. Se moquer de ce qui pourrait advenir pour les communes concernées n'est pas un bon signal, à quelques mois des élections municipales.

Mme Annie Guillemot.  - Le deuxième alinéa du 2° de l'amendement, relatif aux compétences partagées, ne pose pas problème ; en revanche son premier alinéa me trouble, compte tenu des compétences de la métropole, par exemple en matière de logement. C'est pourquoi je ne pourrai voter l'amendement. Que l'avis de la commune soit porté au conseil métropolitain, bien sûr, mais exercice partagé ne signifie pas avis conforme...

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Je tiens à vous convaincre que le Gouvernement ne se moque pas du tout de ce qui se passe dans les communes. La délibération du conseil municipal doit tenir compte des avis des communes. Cependant, vous parlez d'avis contraignants. On ne peut pas abîmer ainsi le principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre.

L'amendement n°747 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°67, présenté par M. Grand.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 5211-39-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 5211-39-1. - Afin d'assurer une meilleure organisation des services, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale peut mettre en place des mutualisations de services entre les services de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ceux des communes membres.

« Les mutualisations font l'objet d'un vote de l'organe délibérant par service.

« Chaque année, lors du débat d'orientation budgétaire ou, à défaut, lors du vote du budget, l'état des mutualisations en cours fait l'objet d'une communication du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à son organe délibérant. »

M. Jean-Pierre Grand.  - Afin d'assurer une meilleure organisation des services, dans l'année qui suit chaque renouvellement général des conseils municipaux, le président de l'EPCI établit un rapport relatif aux mutualisations de services entre les services de l'EPCI et ceux des communes membres, avec un projet de schéma de mutualisation des services à mettre en oeuvre pendant la durée du mandat.

La commission des lois a supprimé ce rapport et transféré les modalités de mutualisation au pacte de gouvernance.

La mutualisation de services doit être transparente afin de permettre aux communes membres de la contrôler. Monsieur le ministre, prenons l'exemple de Montpellier. (Sourires) La mutualisation du service des finances et des marchés publics s'est opérée sans que les élus le sachent. Un contrôle de légalité a posteriori doit demeurer possible ! Or aucun des 30 maires de l'intercommunalité n'a plus accès à l'hôtel de ville, donc aux services des finances et des marchés publics. Ils n'ont pas de carte pour entrer. C'est inacceptable. Voilà pourquoi le combat des municipales sera aussi celui de la démocratie locale.

L'absence d'obligation d'adopter un pacte de gouvernance risque de priver les conseillers communautaires des informations nécessaires sur les mutualisations en cours ou à venir.

Nous proposons de rétablir le principe d'un vote par service et d'un point annuel sur les mutualisations en cours.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La mutualisation est au coeur de la vocation de l'intercommunalité. Sénateurs, nous avons tous été élus locaux, et nous savons bien qu'un rapport de mutualisation peut faire 4 ou 30 pages. Nous avons souhaité que la mutualisation soit l'objet d'une vraie réflexion, c'est pourquoi nous l'avons inscrite au coeur du pacte de gouvernance. Elle sera ainsi obligatoirement discutée au conseil communautaire, avec la possibilité de discussions au préalable dans les conférences des maires ; le pacte de gouvernance sera en outre soumis aux conseils municipaux. On resserre la chaîne !

Le pacte de gouvernance ne serait pas obligatoire ? Certes. Pour autant, je ne crois pas que les élus aient une telle absence de conscience qu'ils ne mettraient pas cette discussion à l'ordre du jour du conseil communautaire. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Une mutualisation de services exige une délibération initiale des communes et de la métropole. Vous m'alertez sur une situation locale : je prendrai l'attache de votre préfecture... En l'état, retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Pierre Grand.  - Que les contrôles de légalité s'exercent ! Un vote de principe, ce n'est pas un vote par service.

Quant aux maires, soit ils ferment les yeux, soit ils perdent leur siège -et par là-même 2 000 euros par mois - au prochain conseil de métropole ! Monsieur le ministre, faites passer le message à vos services.

L'amendement n°67 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°754, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l'article L. 5211-46 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5211-46... ainsi rédigé : 

« Art. L. 5211-46....  -  L'assemblée délibérante d'un établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre peut soumettre à référendum local tout projet de délibération tendant à régler une affaire de la compétence de cet établissement. »

Mme Michelle Gréaume.  - Cet amendement étend aux EPCI à fiscalité propre le référendum local qui n'est prévu que pour les collectivités territoriales. Cela rapprocherait les citoyens des politiques débattues au sein de l'intercommunalité et encouragerait la démocratie participative dans la vie locale. Le mouvement des gilets jaunes revendique la participation à la décision publique ; c'est un moyen de faire revivre l'engagement pour la chose publique.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je comprends, mais la Constitution n'autorise pas les collectivités territoriales à recourir à un référendum local. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Avis favorable sur le fond, mais l'amendement exige une révision constitutionnelle ! L'article 72-1 n'autorise en effet pas les collectivités territoriales à organiser un référendum local.

L'amendement n°754 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°215 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Jeansannetas et Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 5214-1, après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 5215-1 et après la sixième phrase du premier alinéa de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Le projet de territoire est adopté par l'organe délibérant dans les six mois qui suivent le renouvellement général des conseils municipaux. Il établit les enjeux du territoire et la stratégie de l'établissement public de coopération intercommunale pour y répondre, déclinée par type de compétence transférée à l'établissement public de coopération intercommunale. »

M. Henri Cabanel.  - Cet amendement rend obligatoire les projets de territoire dans les intercommunalités, dans les six mois suivant le renouvellement des conseils municipaux.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Un projet de territoire justifie la réunion des communes ; je comprends donc l'intention. Mais l'obligation que vous instituez risque d'être redondante avec le pacte de gouvernance, qui sera soumis à l'avis des communes et portera le projet des territoires. Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°215 rectifié est retiré.

ARTICLE PREMIER BIS

L'amendement n°334 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°492 rectifié bis, présenté par Mme Vullien, MM. Louault et Détraigne, Mme C. Fournier, MM. Kern, Prince, Henno, Capo-Canellas et Bonnecarrère, Mme Sollogoub et M. Moga.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 3633-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après la première phrase sont insérés neuf alinéas ainsi rédigés :

« Préalablement à leur adoption par le conseil de la métropole, la conférence métropolitaine est saisie, pour avis, des actes suivants :

« - le plan local d'urbanisme et de l'habitat ;

« - le plan climat air énergie territorial ;

« - le programme local d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées ;

« - le programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés ;

« - le schéma métropolitain des enseignements artistiques ;

« - les schémas d'organisation sociale et médico-sociale.

« La conférence métropolitaine est également amenée à rendre un avis, préalablement à celui rendu par le conseil de la métropole, sur le projet de schéma de cohérence territorial et sur le projet de plan de déplacements urbains.

« Les projets de délibérations du budget primitif de la métropole de Lyon et ceux ayant trait aux dotations financières aux communes situées sur son territoire sont présentés pour information à la conférence métropolitaine préalablement à leur adoption par le conseil de la métropole. »

2° La dernière phrase est ainsi rédigée : « Elle se réunit au moins quatre fois par an, à l'initiative du président du conseil de la métropole ou dans la limite de deux réunions par an, à la demande d'un tiers des maires, sur un ordre du jour déterminé. »

3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les avis de la conférence métropolitaine sont adoptés à la majorité simple des maires représentant la moitié de la population totale des communes situées sur le territoires de la métropole de Lyon.

« Les modalités de fonctionnement de la conférence métropolitaine sont déterminées par le règlement intérieur du conseil de la métropole. »

Mme Michèle Vullien.  - Cet amendement inscrit dans la loi la contribution des maires des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon aux documents stratégiques de la métropole requis par la loi.

À cette fin, la conférence métropolitaine serait obligatoirement sollicitée pour avis en amont des délibérations du conseil de la métropole sur plusieurs programmes ou schémas directeurs qui fixent les orientations générales dans les politiques publiques.

Le SCOT et le PDU sont élaborés et adoptés respectivement par le Sepal et le Sytral, la métropole de Lyon étant tenue de rendre un avis avant leur adoption par ces syndicats. Il est prévu que la conférence métropolitaine émette un avis avant celui du conseil métropolitain.

L'amendement inscrit dans la loi l'information des maires sur les choix budgétaires de la métropole de Lyon, tel que précisés dans les projets de délibération du budget primitif et ceux ayant trait aux dotations financières aux communes situées sur le territoire de la métropole.

L'amendement prévoit quatre réunions par an de la conférence métropolitaine au moins et abaisse à 123 la proportion de maires pouvant en demander la convocation. Ce que nous souhaitons, c'est que, puisque toutes les communes n'y seront plus représentées, cette instance devienne une sorte de Sénat des maires.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La rédaction de l'article premier bis vous donne satisfaction, grâce à l'amendement Buffet, qui prévoit une consultation préalable des communes à certaines délibérations du conseil métropolitain. Votre amendement élargit simplement la liste des projets concernés par les délibérations. Or, s'il est légitime que les communes soient consultées sur les compétences qu'elles exerçaient auparavant, il faudrait, pour les compétences issues des départements, consulter tous les départements de France sur les projets les concernant... Nous sommes allés le plus loin possible. Retrait ?

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Je veux écarter tout ce qui présente un risque constitutionnel. Mais certains sénateurs du Rhône ont interpellé le Gouvernement afin qu'il améliore la circulation de l'information au sein de la métropole. Si vos amendements correspondent aux attentes locales sans compromettre le projet de loi, je ne m'y opposerai pas.

Madame le rapporteur, je ne crois pas que les autres conseils départementaux seront touchés : la métropole est sui generis, elle est un département mais surtout une métropole. Par conséquent, sagesse avec un regard favorable.

Mme Michèle Vullien.  - Les départements figurent dans la troisième partie du code général des collectivités territoriales, la métropole de Lyon fait l'objet du livre 6. Ces modifications seront sans incidence sur les autres collectivités.

Mme Annie Guillemot.  - L'amendement reprend des propositions formulées par les maires, en conférence métropolitaine, toutes tendances confondues. La communauté de communes Val de Saône qui compte 25 communes n'aura que 11 conseillers métropolitains. C'est pourquoi l'amendement de M. Buffet allait dans le bon sens. Celui-ci va encore plus loin, et je remercie le ministre de son avis.

Mme Cécile Cukierman.  - Il n'y a plus de département du Rhône, mais une métropole avec un fonctionnement particulier. Il y a une attente des élus. Le groupe CRCE votera l'amendement.

L'amendement n°492 rectifié bis est adopté et l'article premier bis est ainsi rédigé.

Les amendements nos388 rectifié bis, 389 rectifié et 494 rectifié ter n'ont plus d'objet.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°493 rectifié bis, présenté par Mme Vullien, M. Louault, Mmes C. Fournier et Guillemot, MM. Mizzon, Prince, Henno, Capo-Canellas et Bonnecarrère, Mmes Saint-Pé et Sollogoub et MM. Moga et Devinaz.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3633-3 du code général des collectivités territoriales, le mot : « six » est remplacé par le mot : « neuf ».

Mme Michèle Vullien.  - Cet amendement porte à neuf mois le délai laissé à la conférence métropolitaine pour adopter le pacte de cohérence métropolitain, pour tenir compte du délai nécessaire pour adopter le premier pacte en 2015 et l'aligner sur celui dont disposeront les EPCI.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Avis favorable. Je crois savoir que cet amendement reprend là aussi une proposition des maires de l'agglomération lyonnaise.

L'amendement n°493 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°717 rectifié bis, présenté par M. Devinaz et Mme Guillemot.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les trois derniers alinéas de l'article L. 3631-5 du code général des collectivités territoriales sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 3122-5 à L. 3122-7 sont applicables à la commission permanente de la métropole de Lyon. »

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Le président et les vice-présidents de la métropole de Lyon forment une commission permanente dotée de pouvoirs significatifs, où les oppositions ne sont pas représentées.

Il conviendrait qu'elle soit élue au scrutin proportionnel, ce qui la rendrait plus démocratique. On a tout à gagner d'une gouvernance plus ouverte.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Avis favorable : les modalités de désignation accusent en effet un déficit de démocratie...

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Sagesse. Il y aura peut-être lieu de revenir sur la rédaction dans la navette.

Mme Annie Guillemot.  - J'ai toujours siégé, au département notamment, dans des commissions où les groupes étaient représentés de façon proportionnelle. Il serait normal que la commission permanente de la métropole de Lyon, qui voit passer un tiers des dossiers, soit constituée selon les mêmes modalités.

Mme Cécile Cukierman.  - L'objectif n'est pas de représenter les groupes en tant que tels. Chaque élu ou rassemblement d'élus peut déposer une liste. Chacun doit pouvoir voter par lui-même également, il n'y a pas de vote bloqué par le groupe. La navette permettra d'affiner la rédaction ; en attendant nous voterons l'amendement.

L'amendement n°717 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE PREMIER TER

Mme la présidente.  - Amendement n°755 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article me gêne, non parce qu'il met fin au folklore des réunions se terminant tard dans la nuit, mais parce que nous craignons, comme défenseurs de la liberté des collectivités locales, que les parlementaires, par des amendements innombrables, ne prétendent régenter ce que doivent être ou non les listes déposées. Pour nous, le souhait de limiter le temps de l'élection est louable, l'important restant cependant d'assurer la représentation des communes, y compris des plus petites, et de veiller à la parité.

Nous n'avons pas trouvé de solution définitive, autre que de supprimer cet article qui prévoit l'élection des présidents d'EPCI au scrutin de liste.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°834, présenté par le Gouvernement.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Nous savons comment se constituent les bureaux communautaires : élection de président, puis du vice-président, du deuxième, du troisième dans l'ordre du tableau. Chaque conseiller communautaire peut se porter candidat à une vice-présidence, sans qu'il connaisse à ce stade les attributions de celle-ci.

Il est dans l'intérêt de la démocratie qu'il n'y ait pas de liste bloquée. C'est ce qui permet aux maires des communes rurales d'accéder à des vice-présidences.

Mais cela peut durer des heures ; cet article a pour objectif de rationaliser l'élection. Mais constituer des listes bloquées, c'est toucher à l'esprit même de la démocratie intercommunale.

Avec une liste bloquée, les autres communes notamment rurales, n'auront d'autres solutions que de constituer leur propre liste face à celle des principales communes. Cela changera le déroulement du vote.

De plus, un élu peut obtenir le vote à bulletin secret. À la rigueur, on peut permettre, par un sous-amendement, au président d'EPCI de proposer une liste bloquée, s'il y a consensus, sauf si un conseiller communautaire s'y refuse. Mais en l'état, c'est un signal très curieux adressé aux communes rurales de notre pays. (M. Jacques Genest proteste.)

Il s'agit d'un moment de démocratie. Les élections ne sont jamais gagnées d'avance, particulièrement lorsqu'elles ont lieu entre élus, et qu'elles sont de ce fait toujours originales. (M. Antoine Lefèvre approuve.) Celui qui gagne une telle élection dans ces conditions a une vraie légitimité. Je ne dis pas que celui qui gagne un scrutin de liste n'en a pas, mais je tiens à attirer votre attention sur le changement de pratique de l'intercommunalité qu'il représente, et sur ses conséquences sur la défense des communes rurales. (Marques de protestation sur plusieurs travées à droite)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - M. le ministre nous réserve des surprises par cet amendement de suppression à une heure tardive. C'est une faute technique. Vos arguments ne me convainquent pas. J'ai moi aussi été maire et présidente d'une intercommunalité. Si le conseil communautaire qui doit composer le bureau se réunit un mardi à 20 heures, les discussions auront eu lieu en amont et des pré-organisations auront été présentées, des candidatures pressenties. Rien d'absurde à cela puisqu'une intercommunalité est un espace de coopération.

En quoi le scrutin uninominal parvient-il à autre chose que ce que nous proposons ? Dans une intercommunalité, il peut y avoir deux listes : qu'est-ce qui l'empêche ? (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) La proposition que vous nous faites ne garantit en rien les promesses que vous nous faites. Avis défavorable aux deux amendements identiques.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Monsieur le ministre, je déplore votre argumentation. La commission des lois ne porte pas atteinte aux intérêts du monde rural, comme vous le suggérez dans un propos assez déplaisant. Votre grille d'analyse est inadaptée.

Quand nous discutons du mode de scrutin pour le bureau, nous pensons d'abord à la cohésion de l'intercommunalité. Aucun des deux modes de scrutin ne garantit par lui-même la représentation des communes rurales. Cependant, l'intérêt de l'exécutif est de protéger les communes rurales des communes urbaines dans l'intercommunalité. Le dispositif ne peut pas fonctionner si l'on ne prend pas en compte toutes les communes de l'intercommunalité.

Dans une communauté de communes, on ne peut pas fonctionner avec un logiciel de majorité et d'opposition politique.

Par conséquent, si vous refoulez un certain nombre de communes hors de l'exécutif, vous irez à l'échec de l'intercommunalité. Nous voulons le succès de l'intercommunalité. C'est pourquoi nos rapporteurs nous conseillent d'adopter un texte assurant la cohésion de l'exécutif et garantissant grâce à la liste la protection des petites communes. Monsieur le ministre, je vous fais le crédit de vouloir défendre sincèrement, vous aussi, les communes rurales ; mais notre texte les défend, en réalité, mieux que vous. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois.  - Je fais miens les propos brillants du président Bas et je veux battre en brèche ceux de Mme Cukierman et du ministre.

Soit la construction intercommunale doit être régie et encadrée pour trancher systématiquement les conflits, soit elle se construit sur une forme d'intelligence territoriale, associant les communes rurales aux plus densément peuplées et plus centrales.

Chacun ici pourra donner des exemples qui contrediront ceux de son voisin...

MM. Jacques Bigot et Jérôme Durain.  - Oui !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - La communauté de communes de la montagne ardéchoise que connaît bien Jacques Genest n'a rien à voir avec une communauté d'agglomération urbaine. L'intercommunalité peut être un outil de mutualisation dans l'intérêt des territoires.

Monsieur le ministre, vous semblez oublier que beaucoup d'intercommunalités n'ont pas à proprement parler de centralité. Les élus doivent s'entendre pour créer un projet.

Nous touchons là au coeur de notre débat. Considérer la ruralité et les communes urbaines comme des ensembles parfaitement définis qui s'opposeraient l'une aux autres est une hérésie. Mieux vaut faire confiance aux élus plutôt que de chercher à les opposer ou à les encadrer. Le débat se posera dans les mêmes termes à chaque article de ce texte.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Monsieur le président, le Gouvernement ne s'oppose en rien à la commission des lois. Ce n'est pas de ce soir que j'essaie de co-construire ce texte avec vous ! Madame Gatel, je me suis toujours opposé à la modification du mode de scrutin pour les vice-présidents d'intercommunalités. Vous ne le découvrez pas à l'instant.

Là, nous passons d'une situation où chacun peut se porter candidat à la cooptation sur une liste, que vous semblez assumer mais qui me chagrine, car elle change le fonctionnement même de l'intercommunalité. (M. Mathieu Darnaud, rapporteur, marque sa désapprobation.) Que vous le vouliez ou non, il se rapprochera de celui d'un conseil départemental où il fait être choisi par le président pour figurer sur sa liste afin d'être élu vice-président.

Dans votre système, et je peux le comprendre - ne riez pas monsieur Darnaud - le président de l'intercommunalité, pour garantir la stabilité du bureau, doit trouver des accords avec ceux qui souhaitent figurer sur sa liste ou bien même sur la liste opposée. Si le maire, qui veut être vice-président, n'est pas sur la liste du président d'intercommunalité, il devra être sur une liste opposée.

Avec une liste, on crée un pré-filtre. La commission des lois l'assume car sa priorité est que le bureau fonctionne.

Cependant, hier, en discussion générale, vous paraissiez tous vouloir redonner de la noblesse aux communes, et voilà que l'on s'oriente petit à petit, vers une intercommunalité qui désigne son président, comme un maire désignerait ses adjoints, ou comme un président de conseil départemental ou régional ses vice-présidents. Prenez en acte avant de le voter, car cela changera la vie dans les intercommunalités !

M. Éric Kerrouche.  - Sans facétie, laissez-moi vous renvoyer au guide du candidat LREM pour les municipales 2020, cosigné par MM. Stanislas Guerini et Pierre Pierson : « réfléchissez également au 3e tour de l'élection, donc à vos objectifs intercommunaux. Les intercommunalités représentent un acteur crucial de la vie politique locale. C'est à ce niveau que se situent les leviers politiques les plus efficaces. » Votre majorité, monsieur le ministre, recommande donc aux candidats de s'intéresser particulièrement aux intercommunalités, car l'enjeu politique est là.

Or, vous semblez considérer qu'il y a une différence de nature entre les deux modes d'élection. Je ne partage pas ce point de vue.

Nous avons une préférence pour le scrutin de liste, d'abord pour des questions de parité. Mais c'est aussi un moyen pour le président de l'intercommunalité de représenter au mieux le territoire de cette intercommunalité.

Vous me dites que si les listes sont bloquées, les candidats ne pourront pas se présenter. Pourquoi ne pas les débloquer ?

Le scrutin de liste aura un effet rassembleur et paritaire.

M. Jacques Genest.  - Je ne puis laisser dire ici le ministre qu'il défend les communes rurales. Je suis président des maires ruraux de l'Ardèche et je défends les communes rurales. Pour cela, il aurait fallu déjà accepter le conseil des maires, cet outil démocratique...

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Il figure dans la loi !

M. Jacques Genest.  - Liste ou pas liste ? Un président d'intercommunalité désireux de bien gérer son intercommunalité essaiera d'intégrer les communes rurales dans sa liste. Dans le cas du scrutin uninominal, les communes rurales seront toujours battues parce que les grandes villes voteront contre elles.

La représentation des territoires sera mieux assurée par le scrutin de liste (Mme Cécile Cukierman le conteste.), auquel je suis habituellement peu favorable.

M. Charles Guené.  - Le président Bas a défendu la position selon laquelle on pourra faire le bonheur des gens malgré eux.

Ce texte pour les territoires entend rétablir la prééminence des communes sur les intercommunalités et le scrutin de liste ne répond absolument pas à cet objectif. Les élus des territoires que je connais seront viscéralement contre le scrutin de liste parce qu'il assure la prépondérance du président de l'intercommunalité et de son équipe. Ne l'introduisons pas dans nos territoires. Ce serait, aux yeux des citoyens, politiser les élections. (Mme Catherine Morin-Desailly approuve.) Cela sera rejeté dans la plupart de nos territoires. Je soutiendrai les deux amendements. (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Indépendants)

Mme Cécile Cukierman.  - Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Ce n'est pas la liste en soi qui pose problème, mais les conséquences qui en découlent. Cet article sera inévitablement modifié au vu du nombre d'amendements déposés.

Madame le rapporteur, on ne fait pas la loi en partant des exemples qui fonctionnent. Tant mieux si tout va bien en Ardèche. Cependant, oui, constituer une liste envoie un message différent d'un mode de scrutin où on élirait les présidents et vice-présidents les uns après les autres. Oui, il faudra faire partie de la liste des élus. Il est vrai - pardonnez ce côté « ancien monde » ! - que l'on risque d'avoir des conseils communautaires avec une liste de gauche face à une liste de droite...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Ce n'est pas ce que nous disons ni ce que nous voulons !

Mme Cécile Cukierman.  - ...ce qui n'est pas leur objet. Si l'objectif de faire une liste et de l'encadrer doit tuer toute liberté dans sa constitution, mieux vaut simplement, faute de meilleure solution à ce stade, supprimer l'article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec M. Guené et le Gouvernement. Avec le scrutin de liste, les vice-présidents d'intercommunalités n'auront pas d'autonomie. (On se récrie sur le banc de la commission.) Dans l'intercommunalité, les gens ne sont pas élus sur des listes politiques, mais représentent la diversité des communes.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Merci de le préciser.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Avec le scrutin de liste, on risque de se priver de personnalités compétentes pour inscrire des personnes dont on sait qu'ils seront inféodés au président de l'intercommunalité (M. Mathieu Darnaud, rapporteur, proteste.)

L'intercommunalité n'est pas une collectivité locale, mais une coopération entre collectivités. Vous parlez de consensus ? Qu'en sera-t-il si l'on commence avec deux listes qui s'opposent ? Pour construire un consensus, il faut éviter la domination d'un groupe sur un autre.

M. Emmanuel Capus.  - Tout à fait d'accord !

M. Hervé Maurey.  - Bien entendu, je comprends la position de la commission. Il est vrai qu'il est fastidieux d'élire un à un les vice-présidents les uns après les autres, mais après tout cela n'a lieu qu'une fois tous les six ans. Le président d'intercommunalité est le seul qui n'a pas la possibilité de choisir les membres du bureau, contrairement aux présidents de région ou de département, ou aux maires de communes de plus de 1 000 habitants. Mais j'entends aussi le Gouvernement : faire des scrutins de liste, c'est faire prévaloir le pouvoir de l'intercommunalité sur celui des communes. Tel quel, le texte mécontentera les maires, qui auront le sentiment de se voir encore écartés de certaines responsabilités auxquelles ils ne pourront pas postuler en toute liberté.

Je pourrais me rallier à la solution du Gouvernement : scrutin de liste sauf opposition d'un membre du conseil. En l'état, je ne suis pas favorable aux listes bloquées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Paul Prince.  - Très bien !

M. Jérôme Durain.  - Où sont les femmes ? La parité est la victime de ce débat. On a peut-être toujours fait ainsi, mais on peut faire autrement ! On parle de la capacité de chacun à se présenter, comme s'il n'y avait pas d'ententes, d'organisations préalables.

Il y a 34 % de femmes dans les conseils municipaux, 20 % dans les exécutifs et 92 % de présidents d'intercommunalité hommes ! Ce n'est pas une question secondaire.

M. Jean-François Husson.  - Non, mais c'est faux !

M. Jérôme Durain.  - Il n'y a pas de système idéal, mais le scrutin uninominal est désolant et contraire à la parité. (Mme Annie Guillemot applaudit.)

M. Jacques Bigot.  - Dans l'intercommunalité, c'est le conseil et non le bureau qui a le pouvoir. Le président ou la présidente n'est pas élu(e) au suffrage universel ; il y a des discussions, des négociations.

Dans les grandes villes, une majorité et une opposition se structurent. J'en fis l'expérience en 2014. Dans le monde rural, il y a une négociation ; et même parfois dans les grandes villes. Or le scrutin de liste facilite les négociations, condition de réussite de l'intercommunalité. Je voterai contre les amendements de suppression.

Mme Françoise Cartron.  - J'ai fait le tour des élus de mon département. La réalité de l'intercommunalité n'est pas aussi souriante que vous le prétendez. Les petites communes, les petits maires...

M. Jacques Genest.  - Les maires de petites communes !

Mme Françoise Cartron.  - Oui, ceux qui ont un moindre poids électoral, se sentent frustrés, exclus. Le président de l'intercommunalité, maire de la plus grosse commune, s'adjoint des vice-présidents de sa commune...

Mme Sophie Primas.  - Mais non !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Vous parlez de scrutin uninominal ?

Mme Françoise Cartron.  - Oui. Je suis défavorable aux listes bloquées cependant. Cela rigidifiera les choses.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Vous avez montré ce qui ne marchait pas !

M. Marc Laménie.  - D'une intercommunalité à l'autre, la situation varie : nombre d'habitants, milieu urbain, rural, règlement intérieur, statuts...

Je ne suis pas, moi non plus, favorable au système des listes bloquées, mais plutôt à l'élection de chaque vice-président, dans l'ordre du tableau en quelque sorte, sans panachage. Il est important d'avoir de la cohérence en même temps que de la souplesse. Je me rallierai néanmoins à l'avis de la commission.

M. Joël Guerriau.  - L'intercommunalité procède de la volonté des communes de travailler ensemble. Le risque d'un vote de liste est de créer des clivages.

Notre système n'est pas parfait. Dans mon intercommunalité, la présidente a exclu de son exécutif les communes qui ne sont pas de sa majorité, ce qui est dommageable. Mais évitons tout ce qui peut renforcer les clivages, et la liste risque de le faire, sauf décision en ce sens de la conférence des maires. C'est, à mon avis, cette voie d'une négociation en amont qu'il faut explorer.

Il arrive même aux communes intermédiaires d'être exclues de l'exécutif.

Quant au bureau, il est faux de prétendre qu'il n'a pas de pouvoir, puisque le conseil communautaire peut lui déléguer des compétences. (M. Jacques Bigot le conteste.)

M. Olivier Paccaud.  - Le mode de désignation des vice-présidents est tout sauf anodin. Une solution est moins mauvaise que l'autre : le vote par vice-président, car au moins il réserve des choix.

M. Genest souligne à juste titre qu'un bon bureau reflète le territoire et que l'intercommunalité est l'école de la diplomatie. Dans beaucoup d'intercommunalités, le président est le maire de la ville-centre. Il profite de sa position pour placer ceux qu'il n'a pu prendre comme adjoints.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Il peut déjà le faire !

M. Olivier Paccaud.  - La liste bloquée le facilite. Je voterai l'amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)

Mme Marie Mercier.  - L'intercommunalité est un outil au service des communes et de leurs habitants, autour d'un projet.

Après les élections municipales, le président fait campagne en composant une liste d'hommes, de femmes, de ruraux, d'urbains.

Ce qui compte, c'est la volonté d'un homme qui sache fédérer autour de lui.

Mmes Catherine Morin-Desailly et Françoise Laborde.  - Et d'une femme !

Mme Marie Mercier.  - Cette volonté, on ne peut l'écrire dans la loi.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Nous sommes en train de modifier la nature de l'intercommunalité. Les élus ruraux craignent la politisation des équipes, l'installation de clans - que facilitent les listes. Restons-en au sens profond de l'intercommunalité, qui est de permettre à chacun de se présenter.

M. Didier Marie.  - La logique de l'intercommunalité est la recherche de consensus, et à défaut de compromis. Pour cela, le président doit rassembler le plus largement possible.

Chacun peut citer des intercommunalités où certains maires de communes - parfois les plus importantes de l'EPCI - sont écartés de l'EPCI et nous en connaissons, avec Mme Morin-Dessailly, une ou deux en Seine-Maritime.

Le scrutin de liste doit permettre le consensus, mais il y a parfois des obstacles. C'est pourquoi à la liste bloquée je préfère le scrutin de liste avec prime majoritaire...

M. Alain Houpert.  - Allons bon !

M. Jacques Genest.  - Ne compliquons pas tout !

M. Didier Marie.  - Enfin, le scrutin de liste est le seul à même de faire avancer la parité.

M. Guillaume Gontard.  - On touche à la gouvernance insatisfaisante des intercommunalités. Je crains la perte d'autonomie des communes au profit d'une super-commune. L'étape suivante est le suffrage universel direct qui tuerait les communes.

Le seul élément positif du scrutin de liste est la parité, mais il faut y travailler dès l'échelon communal.

Le rapporteur l'a dit, le scrutin uninominal permet déjà ce que nous appelons de nos voeux.

M. Maurice Antiste.  - La Martinique compte trois intercommunalités. Dans celle dont j'ai fait partie, il y avait douze communes, la plus petite a vu son maire élu président de l'intercommunalité. Dans la plus grande - la mienne - la majorité s'est vu refuser une vice-présidence, au profit d'un membre de mon opposition.

Comment remédier à de telles pratiques, qui n'ont rien d'illégal bien qu'elles soient contraires à l'éthique et à la morale ?

M. Alain Houpert.  - Après le consensus, je veux évoquer l'équilibre, qui est si difficile à trouver. Mon département, que je sillonne souvent avec François Patriat, compte de très grandes intercommunalités avec de toutes petites communes. Le mot que nous entendons le plus souvent est « frustration ». Les maires de celles-là ont en effet le sentiment de ne pas avoir voix au chapitre. La liste bloquée risque de l'aggraver.

M. Emmanuel Capus.  - Nous sommes bien d'accord.

M. Alain Houpert.  - Ce système est imparfait mais il marche.

Mme Sophie Primas.  - Nous ne disons pas qu'il ne marche pas !

M. Alain Houpert.  - Avec cet article, nous faisons un saut dans l'inconnu. (Applaudissements sur plusieurs travées à droite)

M. Jean-Marie Bockel.  - Au fond, quelle solution présente le plus d'avantages ou le moins d'inconvénients ? Culturellement, ayant connu les débats au sein de l'association France urbaine, je serais plutôt favorable au vote bloqué.

Mais tout cela a besoin d'être mûri. On ne pourra basculer que lorsque l'architecture aura évolué, que l'on aura répondu aux frustrations des petites communes, qu'elles ne percevront plus la liste bloquée comme un frein au consensus. Tout bien pesé, à ce stade, il paraît plus raisonnable d'en rester au système existant. Il faut savoir être modestes et se donner le temps.

Mme Nicole Duranton.  - Au vu de mon expérience dans l'Eure, je voterai l'amendement du Gouvernement. Certaines intercommunalités ne fonctionnent pas parce que le futur président a voulu constituer une liste bloquée, entraînant polémiques et problèmes de gouvernance.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Nous avons le choix entre deux systèmes qui fonctionnent bien. (Sourires) Celui qui prévaut dans les collectivités territoriales fonctionne bien car il va dans leur intérêt. Celui qui s'applique aux EPCI, qui sont des constructions au service des communes, fonctionne bien également. Pourquoi ne pas laisser les choses en l'état ?

Le système de liste a tendance à caporaliser, à vassaliser ceux qui y figurent, les rendant redevables envers celui qui les a choisis.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Exactement !

M. Jean-Marie Mizzon.  - Conservons les deux systèmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Angèle Préville.  - Les listes bloquées favorisent la parité. Privées du droit de vote, les femmes ont longtemps été maintenues à l'écart de la politique. Elles doivent enfin avoir la place qui leur revient dans les exécutifs. Pourquoi y a-t-il un terrain de foot dans chaque commune alors que la piscine est laissée à l'abandon ? (On se récrie sur les travées du groupe Les Républicains.) C'est un constat, messieurs : on a privilégié les infrastructures destinées aux garçons. Les choix politiques auraient été différents s'il y avait eu plus de femmes dans les exécutifs. Elles apportent plein d'idées ! (M. Jacques Genest s'exclame.)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Mettons-nous à la place d'un élu intercommunal qui verrait dans cet amendement le moyen d'éviter sept à huit heures de discussion stérile.

Madame Cartron, messieurs Paccaud et Houpert, la situation que vous évoquez ne tient pas à la liste bloquée mais à l'accord local.

M. Olivier Paccaud.  - Cela facilitera...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Soyons honnêtes. Dans le scrutin de liste, le poids des maires des différentes communes reste prépondérant, on le sait. Quelle que soit la diversité des situations, ce qui permet à un baron local de désigner un, deux ou trois vice-présidents, c'est le poids qu'il pèse dans la gouvernance de l'intercommunalité.

La construction intercommunale continuera à se faire sur l'intelligence collective et le consensus.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - La proposition de loi Sueur permettra d'avancer sur les accords locaux mais il reste à traiter l'arrêt Salbris si l'on veut éviter un déséquilibre durable entre communes rurales et urbaines.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - M. Darnaud et moi-même exprimons le point de vue de la commission des lois, sans dogmatisme. Tous ces échanges sont pertinents. Cependant, il y a autant de vérités que d'intercommunalités.

Monsieur le ministre, je ne peux laisser croire à nos collègues que nous n'aimerions pas la ruralité, comme vos propos le laissent entendre. On nous accuse de détricoter l'intercommunalité, alors que nous prônons une intercommunalité positive, constructive. Vous ne pouvez pas dire à la chambre des territoires qu'elle ignore les communes rurales !

Votre solution n'est pas plus géniale que la nôtre et ne garantit nullement le succès. Nous sommes nombreux à avoir présidé des intercommunalités. Comment leurs bureaux ont-ils été élus ? Ils sont issus d'un travail collectif en amont, bien sûr ! Scrutin de liste ou uninominal, si certains barons ne veulent pas qu'un maire soit élu au bureau, il ne le sera pas.

Mme la présidente.  - Il faudrait conclure...

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Nous souhaitons tous faciliter l'action publique des élus. Inutile de nous jeter des anathèmes à la tête. Nous pouvons trouver ensemble une solution, mais il faut mesurer les conséquences invisibles de ce que nous voterons.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Monsieur le président Bas, vous voyez maintenant qu'il n'y avait aucune malice dans mon intervention initiale. Ce long débat montre que les réalités sont complexes. L'enjeu du mode de scrutin est révélateur de l'approche que l'on a de l'intercommunalité, entre stabilité de l'exécutif intercommunal et liberté pour chacun de candidater. Ce n'est pas anecdotique !

Madame Gatel, en aucun cas, je n'ai sous-entendu que le Sénat n'aimait pas la ruralité.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je vous aurai mal compris.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Pas plus que le Sénat ne laisse jamais entendre que le Gouvernement n'aime pas la ruralité... (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Vous voyez combien les procès d'intention font mal ! (M. Jacques Grosperrin grimace.) Oui, monsieur le sénateur, j'ai présidé un département rural, je ne suis pas un ennemi de la ruralité ! (M. Jacques Grosperrin s'exclame.)

Je vous propose une mesure de bon sens : là où les choses se passent bien, scrutin de liste ; sinon, possibilité de retour au mode de scrutin antérieur. Je propose donc un amendement n°975 en remplacement de l'amendement n°834.

Mme la présidente.  - Amendement n°975, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si un conseiller communautaire s'oppose, à l'ouverture du scrutin, à cette modalité d'élection, il est recouru à l'élection des vice-présidents selon les règles prévues à l'article L. 2122-7.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Cet amendement n'aura pas d'effet miracle. Mais il est plein de bon sens - je dirais même, rural !

Mme Cécile Cukierman.  - Il n'y a pas de solution miracle, en effet. Nous retirons notre amendement n°755 rectifié, même si la solution proposée par le Gouvernement mérite d'être travaillée au cours de la navette.

L'amendement n°755 rectifié est retiré.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je demande une courte suspension de séance, le temps de réunir la commission : dix minutes tout au plus, salle des Conférences.

La séance, suspendue à minuit dix, reprend à minuit vingt-cinq.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°976 à l'amendement n°975 du Gouvernement, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission.

Amendement 975, alinéa 3

Remplacer les mots :

un conseiller communautaire s'oppose

par les mots :

20 % des conseillers communautaires s'opposent

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je demande le vote par priorité sur l'amendement n°975 du Gouvernement et le sous-amendement n°976 que la commission des lois vient d'adopter.

Mme la présidente.  - Selon l'article 44 alinéa 6 de notre Règlement, la priorité est de droit lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Je reste persuadé que la liste bloquée est une mauvaise chose. Qu'un conseiller communautaire puisse s'y opposer est une soupape de sécurité ; c'est l'objet de mon amendement n°975. La commission n'y est pas favorable puisqu'elle propose un minimum de 20 % de conseillers communautaires.

M. Emmanuel Capus.  - Une usine à gaz !

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Que chacun prenne ses responsabilités. Dans un conseil municipal, un seul conseiller peut demander un scrutin secret : c'est le droit commun, le bon sens, c'est la liberté, la confiance envers les élus !

Quant à la parité, elle doit s'exercer dès l'élection municipale, pour remonter ensuite au niveau intercommunal. (Marques d'approbation.) Mais ne mélangeons pas les sujets.

Avec un minimum de 20 % de conseillers, il faudra s'organiser pour bloquer la liste, ce sera complexe. Dans ces conditions, je préfère maintenir mon amendement de suppression n°834 et je m'oppose à la priorité.

Mme la présidente.  - Lorsque le Gouvernement repousse la demande de priorité, le Sénat statue sans débat. Je suis saisie d'une demande de scrutin public sur la demande de priorité...

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Pour que les choses soient claires, je retire mon amendement n°975. (On s'amuse sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission.)

L'amendement n°975 est retiré.

Le sous-amendement n°976 n'a plus d'objet.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je retire donc ma demande de priorité sur l'amendement n°975. (Rires)

Mme la présidente.  - Nous revenons à l'amendement n°834.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Il est défendu ! (Sourires)

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°834 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°4 :

Nombre de votants 303
Nombre de suffrages exprimés 300
Pour l'adoption 101
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Nous avons examiné 33 amendements aujourd'hui, il en reste 618.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 10 octobre 2019, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du jeudi 10 octobre 2019

Séance publique

À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

Présidence : M. David Assouline, vice-président

M. Vincent Delahaye, vice-président

M. Philippe Dallier, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Deroche et M. Daniel Dubois

1. Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête afin d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, de recueillir des éléments d'information sur les conditions dans lesquelles les services de l'État contrôlent l'application des règles applicables aux installations classées et prennent en charge les accidents qui y surviennent ainsi que leurs conséquences et afin de tirer les enseignements sur la prévention des risques technologiques, présentée par MM. Bruno Retailleau, Patrick Kanner, Hervé Marseille, François Patriat, Jean-Claude Requier, Mme Éliane Assassi, MM. Claude Malhuret, Philippe Adnot, Mme Sophie Primas, MM. Christian Cambon, Alain Milon, Hervé Maurey, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Vincent Éblé, Philippe Bas et Jean Bizet (texte de la commission n°31, 2019-2020)

2. Suite du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (procédure accélérée ; texte de la commission n°13, 2019-2020).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°4 sur l'amendement n°834, présenté par le Gouvernement, tendant à supprimer l'article premier ter du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :303

Suffrages exprimés :300

Pour :101

Contre :199

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 15 - M. Serge Babary, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Guillaume Chevrollier, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Pierre Grand, Daniel Gremillet, Charles Guené, Alain Houpert, Jean-Raymond Hugonet, Jean-François Husson, Louis-Jean de Nicolaÿ, Olivier Paccaud, Jackie Pierre, Mme Françoise Ramond, M. Michel Vaspart

Contre : 126

Abstentions : 2 - MM. Patrick Chaize, René-Paul Savary

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe SOCR (72)

Contre : 71

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Hélène Conway-Mouret, présidente de séance

Groupe UC (51)

Pour : 12

Contre : 2 - Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé

N'ont pas pris part au vote : 37 - Mme Annick Billon, MM. Philippe Bonnecarrère, Olivier Cadic, Vincent Capo-Canellas, Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Yves Détraigne, Mme Nassimah Dindar, Élisabeth Doineau, M Daniel Dubois, Mme Françoise Férat, Nathalie Goulet, Jocelyne Guidez, MM Olivier Henno, Jean-Marie Janssens, Mm Sophie Joissains, MM Laurent Lafon, Michel Laugier, Nuihau Laurey, Jacques Le Nay, Mme Valérie Létard, Anne-Catherine Loisier, MM Jean-Claude Luche, Hervé Marseille, Pascal Martin, Pierre Médevielle, Jean-Pierre Moga, Mm Évelyne Perrot, M Gérard Poadja, Mme Sonia de la Provôté, Denise Saint-Pé, Lana Tetuanui, M Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Dominique Vérien, Sylvie Vermeillet

Groupe du RDSE (23)

Pour : 22

Abstention : 1 - Mme Nathalie Delattre

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Pour : 16

Groupe Les Indépendants (13)

Pour : 13

Sénateurs non inscrits (6)

N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier