SÉANCE

du mercredi 16 octobre 2019

8e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Chacun veillera au respect du temps de parole - j'espère que ce ne sera pas une incantation rituelle - et au respect des uns et des autres.

Intervention turque en Syrie (I)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Depuis une semaine, les regards sont tournés vers la Syrie où les Turcs ont lancé l'offensive contre les forces kurdes du YPG. Ankara veut une zone de sécurité, avec un million de réfugiés, et veut construire villes et infrastructures. Des milliers de civils sont pris en étau d'une guerre civile depuis 2011 avec des conséquences humanitaires terribles : 150 000 déplacés, de nombreuses exactions et des règlements de compte...

Michel Duclos, notre ambassadeur, l'appelle « la géopolitique des nouveaux autoritaires ». La Syrie est devenue un terrain de jeu mortifère entre dirigeants turcs, russes et iraniens, au risque de la sécurité régionale et internationale.

Bachar el-Assad revient en force et le spectre de Daech resurgit, l'hydre n'a pas disparu, tandis que l'Europe reste impuissante.

La France entretient des liens anciens avec le peuple turc, mais le chantage des dirigeants turcs est insupportable. Que compte faire la France pour faire cesser cette offensive et le drame humanitaire qui s'annonce ? Comment agira-t-elle pour empêcher la fuite des djihadistes français aujourd'hui détenus ? Quelles sont nos marges de manoeuvre pour tenter de stabiliser cette région ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Le 9 octobre, la Turquie a lancé, unilatéralement, une offensive contre les forces démocratiques syriennes, en s'adjoignant des supplétifs syriens. Cette attaque est massive, par l'ampleur de l'incursion terrestre et des frappes aériennes.

Le 13 octobre, les États-Unis ont décidé, unilatéralement, de retirer leurs forces militaires du Nord-Est syrien. Les conséquences sont considérables pour les Kurdes, qui ont été nos partenaires, hommes et femmes confondus, dans la lutte contre Daech et auxquels je rends hommage. (Applaudissements prolongés sur toutes les travées) Les conséquences sont également lourdes pour notre sécurité. Le risque de résurgence de Daech est, en effet, quasiment avéré en Syrie et au Nord-Ouest irakien, ce qui pose un problème sécuritaire bien au-delà de la région.

Les conséquences humanitaires sont également terribles. Il y a 700 000 civils dans la zone et l'on compte déjà 150 000 déplacés et des victimes civiles. La situation ne facilitera pas non plus l'avènement d'une solution de paix dans la région.

La France a fermement condamné cette opération. Le président de la République l'a dit au président Erdogan. Nous avons mobilisé nos partenaires au sein de l'ONU, de l'Union européenne et de la coalition contre Daech.

Face à l'impact de l'attaque turque sur la sécurité européenne, nous avons décidé, avec l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Finlande, le Royaume-Uni, le Canada, de suspendre nos exportations d'armes vers la Turquie.

Mais nous ne nous voilons pas la face : ce sera difficile d'obtenir un arrêt des combats de la part de la Turquie, qui agit de façon parfaitement unilatérale. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Intervention turque en Syrie (II)

M. Pierre Laurent .  - L'offensive turque contre les Forces démocratiques syriennes (FDS) soulève l'indignation. C'est un crime contre la paix, contre les combattants kurdes et le Rojava démocratique - et l'occasion inespérée pour Daech de reconstruire ses forces.

Nous avions alerté de nombreuses fois sur le jeu trouble de la Turquie. Les masques tombent ; la Turquie fait la guerre aux seuls Kurdes, au mépris de la sécurité du monde et avec l'autorisation du président des États-Unis.

La France doit parler clair et fort. Elle doit agir. À quelles mesures économiques, financières et politiques est-elle prête ? La Turquie est un important partenaire commercial, nous avons donc des leviers d'action.

La France obtiendra-t-elle la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne ? La France répondra-t-elle à l'appel de quinze organisations humanitaires pour obtenir un cessez-le-feu qui leur permette de continuer leur travail sur place, qui protège les populations civiles contre les armes et qui permette de rapatrier les enfants français détenus dans les camps de prisonniers ?

La Turquie et les États-Unis appartiennent à l'OTAN. N'est-il pas temps de convoquer un débat parlementaire d'urgence interrogeant sur le rôle de l'OTAN et de la France en son sein ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La semaine dernière, Mme Prunaud m'alertait déjà sur la question. Depuis, la pression militaire s'est accrue, mais aussi l'émotion et la mobilisation.

La France s'est fortement mobilisée dans les différentes enceintes, demandant une réunion urgente du Conseil de sécurité ; au sein du conseil des ministres des Affaires étrangères, lundi, Jean-Yves Le Drian a obtenu une condamnation unanime de l'offensive. Nous avons aussi annulé une commission mixte économique franco-turque prévue en décembre.

La France continuera à se mobiliser pour faire cesser l'offensive ; chaque heure, chaque jour, chaque semaine. (M. François Patriat applaudit.)

Intervention turque en Syrie (III)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Ce que demande chacun des groupes de cet hémicycle, c'est une réaction plus forte et plus rapide contre l'opération turque en Syrie. Il en va de notre fidélité aux Kurdes et de notre sécurité. Chacun sait le rôle des combattants kurdes contre Daech et le risque que l'attaque turque précède une résurgence du terrorisme islamiste.

Faisons bloc contre le terrorisme, a dit le président de la République mais ce sera illusoire si nous laissons les djihadistes reprendre pied dans le Nord-Est syrien. La France agit, c'est vrai, mais trop tard et insuffisamment. Cessons d'intérioriser un sentiment d'impuissance et d'isolement largement intériorisé.

L'invasion par la Turquie du canton d'Afrin, livré ensuite aux milices djihadistes et où les Kurdes ont été victimes d'un véritable nettoyage ethnique, était un avertissement auquel la communauté internationale n'a pas su réagir.

La France sera-t-elle à la hauteur ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR . MM. Bruno Retailleau et Michel Savin applaudissent également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le rôle des FDS a été déterminant, avec l'appui de la coalition internationale, dans la défaite territoriale de Daech. Notre reconnaissance doit continuer à s'exprimer dans les faits.

Notre engagement est total, sans dosage, pour mobiliser la communauté internationale. Nous avons immédiatement appelé à la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. Cette agression est très grave. Ses auteurs ont une responsabilité devant l'Histoire.

Votre commission des affaires étrangères a auditionné ce matin l'ambassadeur de Turquie en France. Je salue la proposition de résolution qui demande un engagement de la France. Ce sujet est débattu lors du Conseil des ministres franco-allemand et bientôt au niveau européen.

Le centre de crise et de secours se prépare à une crise humanitaire avec un afflux de réfugiés massifs au Kurdistan irakien. Nous devons aider nos frères d'armes kurdes. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Rémi Féraud.  - La France doit sortir de sa posture défensive « contre le cynisme et la mort, il a aujourd'hui le peuple kurde » disait Charb. Soyons aux côtés du peuple kurde ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

Brexit

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Malgré l'annonce de l'imminence d'un possible accord sur le Brexit, la pression demeure sur le Conseil européen de demain. Où en sont les négociations ? Que peut-on attendre des prochains jours ?

Les inquiétudes demeurent. Le président Trump tweetait, le 3 juin dernier, « un grand accord commercial est possible une fois que le Royaume-Uni se sera débarrassé de ses chaînes », appelant à une relation privilégiée entre les États-Unis et le Royaume-Uni. Un accord bilatéral a déjà été conclu, le 3 octobre dernier, dans le cadre du Cloud Act américain. La Commission européenne s'en est saisie, pour examiner la compatibilité d'un tel accord avec le droit communautaire.

Les entreprises sont inquiètes. Quelles mesures mettrez-vous concrètement en place pour préparer le Brexit ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France et l'Union européenne se préparent au Brexit depuis plusieurs mois, qu'il y ait ou non un accord. Le Premier ministre réunit régulièrement les ministres sur le sujet, grâce aux ordonnances prises pour préparer l'avenir. Nous travaillons également avec les entreprises qui exportent vers le Royaume-Uni, nous les avons contactées individuellement.

Michel Barnier estime que des garanties suffisantes sont réunies pour une reprise de négociation, mais l'heure tourne et les incertitudes demeurent, notamment sur l'Irlande du Nord, l'intégrité de l'union douanière ou le maintien de conditions de concurrence loyale.

L'Union européenne reste ouverte aux négociations constructives, mais le Premier ministre anglais doit avancer des propositions. Nous sommes prêts pour tous les scénarios y compris un Brexit sans accord.

Après le 31 octobre, il reste à bâtir nos relations futures. Notre relation avec le Royaume-Uni devra rester proche, compte tenu de nos liens, entre Européens. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM)

M. Ladislas Poniatowski.  - Pas très convaincant.

Intervention turque en Syrie (IV)

M. Christian Cambon .  - Le Levant est à nouveau en feu. L'offensive de la Turquie anéantit les efforts de la coalition, dont la France est le deuxième contributeur. Daech n'en attendait pas tant... Près de 1 000 morts, 160 000 civils sur les routes, un retour de Daech, l'évasion de djihadistes : les conséquences sont déjà terribles.

Enfin, les Kurdes, nos amis, nos alliés, ce peuple sans patrie, trahi une fois de plus, est contraint d'en appeler au secours l'ennemi d'hier.

Que vaut désormais la parole des États-Unis ? Comment l'OTAN peut-elle rester sans réagir ? À l'assemblée parlementaire de l'OTAN hier, le secrétaire général Jens Stoltenberg n'a pas répondu à nos questions.

Qu'espère obtenir le ministre Le Drian en se rendant en Irak ?

Que comptez-vous faire, ici, pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je n'ai rien à retrancher ni à ajouter dans vos propos, ni à votre constat sur le risque sécuritaire et la difficulté à trouver une solution politique.

Vous évoquez deux questions distinctes. L'OTAN d'abord : un grand nombre de partenaires dans la coalition en sont membres. L'absence de réponse du secrétaire général Stoltenberg traduit un très grand trouble, qu'il nous faut regarder en face. Si le principe de l'alliance est de pouvoir travailler ensemble, les décisions unilatérales ne relèvent pas d'un bon fonctionnement. Travaillons avec nos partenaires, sans nous voiler la face.

Le second point concerne le risque sécuritaire sur le territoire national, avec le risque de voir se reconstituer un espace géographique contrôlé par Daech. Nous n'en sommes pas encore là ; les prisons et les camps sont loin de la zone de combats et de nombreux combattants de Daech restent emprisonnés. Cependant, la résurgence de Daech redevient une possibilité, qu'il faudra aborder avec nos partenaires. Dans ces conditions, pourrons-nous compter demain sur les Kurdes ?

S'agissant enfin du retour possible des djihadistes, nous sommes prêts à les judiciariser s'ils reviennent. Jean-Yves Le Drian s'apprête à se rendre en Irak pour envisager la coopération judiciaire : certains djihadistes ont commis leurs crimes en Irak. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Décision du Conseil constitutionnel sur la gratuité dans l'enseignement supérieur public (I)

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vendredi dernier, le Conseil constitutionnel a jugé que les droits d'inscription à l'université seraient contraires au préambule de la Constitution de 1946 d'après lequel « l'enseignement public gratuit à tous les degrés est un devoir de l'État ». Cette décision répond à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le plan « Bienvenue en France » qui prévoit l'augmentation des droits d'inscription pour les étudiants étrangers et dont la commission de la culture du Sénat avait demandé un moratoire.

Cependant, ce jugement « inédit » crée des incertitudes juridiques car il s'applique à l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur. Quelles sont ses conséquences sur le financement des établissements et ne constitue-t-il pas une atteinte à leur autonomie ?

La gratuité est-elle un moyen efficace pour rendre accessible l'enseignement supérieur, ou bien est-ce un leurre ?

Enfin, est-il légitime de financer par l'impôt des étudiants étrangers qui repartent ensuite le plus souvent dans leur pays ?

Quelle est votre lecture de ce jugement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Frédérique Vidal qui assiste au Conseil des ministres franco-allemand.

Par sa décision du 11 octobre dernier, le Conseil constitutionnel précise que le principe de gratuité de l'enseignement supérieur n'interdit pas des différences de droits d'inscription, dès lors que le financement de l'enseignement supérieur est financé principalement - et non exclusivement - par l'impôt et que la situation individuelle de chaque étudiant est prise en compte. Le Conseil d'État statuera sur le fond.

Le plan Bienvenue en France a fait l'objet d'une concertation pour mieux accueillir les étudiants internationaux. C'est un outil de rayonnement de la France. Les droits d'inscription sont plafonnés au tiers du coût réel de la formation ; le nombre de bourses sera triplé et les universités pourront accorder des exonérations, selon le principe d'autonomie des établissements.

Le plan Bienvenue en France respecte donc les deux principes fixés par le Conseil constitutionnel d'un financement principal par l'impôt et d'une prise en compte de la situation individuelle. Nous espérons passer, avec ce plan, de 324 000 à 500 000 étudiants étrangers en 2027. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Pacte productif

M. Julien Bargeton .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Le président de la République a annoncé en avril un pacte productif, un new deal économique, technologique et écologique. Des obstacles sont identifiés : le chômage diminue à 8,5 % certes, l'investissement repart avec 30 milliards d'euros en deux ans (Exclamations sur de nombreuses travées), mais la bataille de la compétitivité est loin d'être gagnée.

Le pacte ne minimise pas les enjeux auxquels nous devons faire face. Quels sont les leviers pour atteindre nos objectifs ? (Exclamations sur les travées du groupe SOCR)

Les impôts de production ont été montrés du doigt, quelque 70 milliards d'euros sont en jeu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Quelles sont les mesures envisagées et le calendrier pour atteindre le plein-emploi en 2025 ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - J'excuse l'absence de Bruno Le Maire, retenu au Conseil des ministres franco-allemand.

L'économie française se porte mieux, avec 500 000 chômeurs de moins. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Notre croissance est supérieure à celle de nos voisins. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains)

L'investissement est au plus haut. Nous recréons des emplois industriels. Est-ce suffisant ? Non. C'est le sens du pacte productif que d'aller plus loin. Nous sommes dans une révolution technologique et industrielle. Toute révolution technologique fait des gagnants et des perdants.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Et les perdants de l'intérieur, vous en faites quoi ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'objectif est que la France se situe à côté des gagnants. L'enjeu et de faire travailler ensemble collectivités territoriales, assemblées, organisations syndicales et patronales. Le pacte posera la question des impôts, des technologies clés - intelligence artificielle, ordinateur quantique - et de la formation, pour que l'industrie française soit au rendez-vous de la compétition mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Port du voile

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, je suis une élue qui a vu progresser le communautarisme (Exclamations sur les travées du groupe CRCE) ; des jeunes femmes mettent désormais le voile sous la pression alors que leurs mères s'en étaient libérées. Ce n'est pas l'expression d'une pratique religieuse - beaucoup de femmes musulmanes dans notre pays ne le portent pas - mais le symbole d'un islam politique, qui considère la femme plus comme un objet que comme un individu émancipé, pour reprendre le vocable du président de la République. Nous aurions tort de fermer les yeux.

Le port d'un signe religieux ostentatoire dans les sorties scolaires relève du prosélytisme et de la provocation. L'école ne doit pas transiger avec la laïcité.

Mais la majorité et le Gouvernement se divisent sur la question et vous baissez les bras. Vous prétendez lutter contre le communautarisme, mais vous n'agissez pas. Votre ambiguïté ne contribue pas au réarmement moral de notre pays, ni au respect des principes qui font la France et qui unissent les Français. (Vives exclamations sur les travées du groupe CRCE)

Allez-vous faire respecter les principes de notre République laïque et indivisible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi.  - Attendez le débat sur votre proposition de loi !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous avons tous en commun l'héritage républicain et celui de la laïcité, qui nous vient de la IIIe République et qui nous est si précieux.

La laïcité est moderne ; elle garantit une République une, de citoyens égaux, au contraire du Royaume-Uni par exemple, devenu une société communautariste. Le voile n'est pas le seul sujet de la laïcité, loin de là, et ce n'est peut-être pas le principal. (Mme Patricia Schillinger applaudit.) Il faut éviter la confusion avec la radicalisation, question très importante sur laquelle le président de la République s'est exprimé.

Il faut ensuite lutter contre le communautarisme, avec la perspective de l'égalité républicaine, en particulier entre les sexes.

Enfin, il y a la laïcité, la neutralité politique et religieuse, dont l'école est la matrice. Nous la devons à chaque enfant et elle vise toutes les religions. Dans ce cadre, les sorties scolaires ont un statut hybride. Il faut évidemment éviter tout prosélytisme.

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas ça le prosélytisme !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Le port du voile pour les parents accompagnant des sorties scolaires n'est pas souhaitable, mais l'adoption d'une loi sur ce sujet serait contre-productive. In medio stat virtus : le terme latin virtus désigne la vertu mais aussi le courage.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Rien de concret dans votre propos. Deux Français sur trois soutiendraient une loi contre le voile dans les sorties scolaires, vous manquez de courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Attaques contre le vivre-ensemble

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, il règne dans ce pays une atmosphère irrespirable. Vendredi, au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, le président d'un groupe qui n'a rien de républicain a accusé les agents de la région d'être radicalisés, tweeté sur le dégoût que lui inspire une exposition sur Martin Luther King, et enfin insulté une mère voilée. Des enfants venus découvrir les institutions républicaines sont repartis dans le tumulte, sous la menace « de l'arrivée des Russes ».

Interrogation sur la laïcité ? J'y vois surtout la triste expression du racisme. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Nous avons la responsabilité de dénoncer ce climat. Les musulmans sont pointés du doigt tandis qu'Éric Zemmour, fraîchement condamné, truste les plateaux de télévision... (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Nous ne tomberons pas dans les pièges tendus par des provocateurs de tous bords. Notre boussole, c'est la concorde républicaine. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Le Premier ministre a rappelé l'état du droit en matière de laïcité. Hier, 90 personnalités ont lancé un appel au président pour condamner les évènements de vendredi. Que ferez-vous pour endiguer la libération de la parole raciste ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes SOCR et CRCE ; M. Richard Yung et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Une nouvelle fois, notre pays se passionne et se divise autour de la question du voile. Face aux passions, je vous réponds que ma boussole, c'est le droit, mon cap, la lutte contre le communautarisme et la radicalisation.

Le droit, c'est l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, c'est la loi de 1905 qui pose le double principe de neutralité des agents publics et de liberté pour chacun de croire ou de ne pas croire et d'exercer son culte dans le respect de la loi.

Ces principes, nous y sommes attachés, malgré des différences d'appréciation. Le cadre juridique a déjà évolué : en 2004, le Parlement a interdit le port de signes religieux distinctifs, dont le voile, dans l'enceinte scolaire. La loi a été jugée constitutionnelle, elle nous oblige. Elle n'a pas interdit le voile à l'université, ni pour les accompagnatrices de sorties scolaires... (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Pemezec.  - Dommage !

M. Olivier Paccaud.  - Il faut changer la loi !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Rappeler la loi dans l'hémicycle du Sénat n'est pas inutile. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE, SOCR et CRCE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC) Ce que la loi a fait, elle peut le modifier, dans le respect de la Constitution.

Mme Catherine Troendlé.  - Bien sûr !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Le Parlement aura à en débattre, mais je le redis, mon cap, c'est la lutte contre la radicalisation et le communautarisme.

M. Victorin Lurel.  - Et contre le racisme ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Il y a plus efficace et plus porteur que de légiférer sur des sorties scolaires. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes LaREM, SOCR et CRCE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC) Je pense au contrôle des écoles hors contrat et des enfants déscolarisés, à la suite de la proposition de loi Gatel. (Approbation sur les travées du groupe SOCR)

Le Gouvernement a pour boussole le droit et pour cap la lutte contre la radicalisation et le communautarisme. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE, SOCR et sur quelques travées des groupes CRCE et UC)

M. Jérôme Durain.  - Il faut dissiper les vents mauvais pour apaiser les tensions et ramener tous les citoyens vers la République. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Malaise des pompiers

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - C'était hier au tour des pompiers professionnels de manifester. Ils n'en peuvent plus d'assurer des missions qui ne sont pas dans leur coeur de métier. Policiers, directeurs d'école, soignants, toutes les professions au coeur des grandes missions de l'État sont en crise. La colère généralisée traduit une crise de l'autorité de l'État. Ils en ont assez des discours alors que leurs conditions de travail se dégradent et que les violences à leur encontre se multiplient. Quand on les attaque, c'est la République qu'on défie, c'est l'autorité de l'État qui se délite. Quelque 1 272 pompiers ont été agressés, 312 ont été blessés. L'État régalien n'assure plus correctement ses grandes missions de service public.

Que répondez-vous à ces professionnels en colère ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Les pompiers ont exprimé hier leurs difficultés en manifestant. Nous travaillons avec leurs syndicats. Ils sont effectivement victimes d'agressions, souvent de la part des personnes qu'ils secourent, sous l'emprise de l'alcool ou de problèmes psychologiques.

Nous encadrons mieux leurs interventions pour réduire les agressions, grâce à une convention de coordination avec la police et la gendarmerie et l'utilisation de caméras-piétons. La concertation se poursuit avec les syndicats de pompiers et les collectivités employeurs sur les questions comme celle de la prime de feu ou du recrutement. Ils ont été entendus en marge du congrès de Vannes, hier au cabinet du ministre de l'Intérieur et seront reçus les 6 et 14 novembre par le ministre.

Le Gouvernement met tout en oeuvre pour que les services régaliens agissent dans les meilleures conditions, avec un effort en matière de recrutement et d'équipement mais aussi budgétaire et indemnitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Isabelle Raimond-Pavero.  - Il y a urgence à agir efficacement pour garantir l'unité de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Coopération antiterroriste avec la Grande-Bretagne

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Brexit, avec ou sans accord, se traduira par un recul de la coopération policière et judiciaire avec la Grande-Bretagne.

Une faille majeure dans la sécurité européenne, d'autant que le Royaume-Uni est l'un des pays européens le plus frappé par le terrorisme. Après la France, il est le deuxième pays le plus touché par le phénomène des filières syriennes. Or il ne pourra plus utiliser le système d'information Schengen, ni le PNR qui recense les voyageurs, ni encore la base de données des demandeurs d'asile et immigrés illégaux. Le mandat d'arrêt européen n'y sera plus appliqué.

Quelles dispositions avez-vous prévues pour endiguer les failles sécuritaires provoquées par le Brexit ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La coopération en matière de lutte antiterroriste est aussi une coopération des services de renseignements intérieurs. Accentuée depuis les attentats de 2015, cette coopération productive et quotidienne se poursuivra dans un cadre bilatéral ou multilatéral, de manière informelle, hors cadre de l'Union européenne.

PNR, système d'information Schengen, fichier des personnes recherchées : le Brexit aura effectivement un effet sur l'utilisation de ces outils européens. S'il y a accord, il prévoira un volet sur la sécurité intérieure. À défaut d'accord, nous ouvririons des discussions...

Pour l'heure, nous ne pouvons nous prononcer sur une éventuelle absence d'accord qui nous serait imposée par les Britanniques. (M. Olivier Cadic applaudit.)

Mme Nathalie Goulet.  - La délégation parlementaire au renseignement a rendu un rapport alarmiste. N'attendons pas qu'il soit trop tard pour agir. Le problème du mandat européen est très sérieux : nous risquons de ne plus pouvoir poursuivre certaines personnes indésirables faute d'outils partagés.

Impact de la réforme des retraites sur les femmes

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réforme des retraites proposée dans le rapport Delevoye inquiète les mères de famille. Actuellement, elles valident huit trimestres par enfant dans le privé, quatre dans le public. Ce système serait remplacé par une majoration de retraite de 5 % par enfant dès le premier enfant, pouvant être transférée au père ou partagée.

La retraite des femmes est inférieure de 38 % à celle des hommes car elles sont nombreuses à avoir pris un temps partiel ou un congé parental pour s'occuper de leurs enfants, ou renoncé à une promotion. Le nouveau système, fondé sur une bonification proportionnelle, défavorisera les mères de famille qui ont eu une carrière incomplète ainsi que les femmes ayant de petits salaires.

La majoration de 5 % se substituera-t-elle à la majoration de durée d'assurance ? Sera-t-elle rétroactive ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux Retraites, délégué auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé. Notre cap est clair : l'équité et l'universalité. Actuellement, les mamans ne bénéficient pas de la même majoration de durée dans le public et dans le privé : c'est injuste. Tout comme l'absence de majoration pour le premier, le deuxième, le quatrième et le cinquième enfant.

Le dispositif a été créé pour compenser les préjudices de carrière. Selon l'Insee, les femmes perdent 25 % des revenus salariaux.

Le taux d'activité des hommes et des femmes au troisième enfant avant ses 3 ans est de 70 % pour les hommes et de 30 % pour les femmes. Ce dispositif bénéficie à deux tiers des hommes. Nous le compensons par une majoration proportionnelle dès le premier enfant, de façon à ce que l'écart de 40 % des pensions entre hommes et femmes - qui tombe à 25 % avec la réversion - puisse, dans nos simulations sur les générations 80-90, augmenter les pensions des femmes de 5 % à 10 %.

M. Ladislas Poniatowski.  - Je n'ai rien compris ! (Rires)

M. Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux Retraites.  - Nous nous appuyons sur des simulations, pas sur des slogans.

Nous augmentons le minimum contributif à 1 000 euros ce qui améliorera la situation des femmes à temps partiel. Le Conseil d'orientation des retraites a indiqué que notre dispositif était favorable aux carrières heurtées et courtes. Le système universel permettra une redistribution en faveur des femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Bruno Retailleau.  - Et les huit trimestres ?

Quotidien France-Antilles

M. Dominique Théophile .  - En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, le groupe qui détient l'unique quotidien régional, France-Antilles, est en cessation de paiement, peut-être bientôt en liquidation. Ces territoires doivent pouvoir conserver une presse vivante et pluraliste, gage de démocratie.

La disparition du journal signifierait la perte de 253 emplois à haut niveau de qualification, tenus par des originaires. Leur reclassement sera difficile, voire impossible.

France-Antilles rythme notre vie quotidienne depuis 53 ans. Ce patrimoine doit être préservé. Il faut mobiliser les aides au pluralisme. La presse d'information politique et générale mérite un soutien public accru, au titre du principe constitutionnel du pluralisme de la presse écrite.

Que compte faire le Gouvernement pour préserver une presse quotidienne régionale vivante ainsi que les emplois attachés ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Vous avez malheureusement raison, la presse quotidienne ultramarine connaît des difficultés aux Antilles, en Guyane et à la Réunion. Cela nous impose de repenser le modèle économique du secteur et de renouveler l'offre de presse, car les pratiques évoluent.

Le groupe France-Antilles, éditeur du premier quotidien régional, a été placé en redressement judiciaire le 25 juin. Le tribunal de commerce de Fort-de-France se prononcera fin novembre. Des offres de reprise ont déjà été déposées.

Le Gouvernement est mobilisé. L'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des affaires culturelles, saisies par le Gouvernement, formuleront des recommandations sur un soutien au secteur. Pour faciliter la trésorerie, nous avons autorisé que les dettes sociales et fiscales soient échelonnées. Enfin, j'ai demandé que le comité interministériel de restructuration industrielle puisse agir ; le Premier ministre l'a acté.

Le dynamisme de la presse quotidienne régionale est essentiel dans les territoires d'outre-mer comme ailleurs. Il nous faut défendre le droit à l'information et le pluralisme démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Fermeture de l'usine Michelin à La Roche-sur-Yon

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 10 octobre, le groupe Michelin annonçait la fermeture du site de La Roche-sur-Yon. Après les 730 licenciements à Joué-lès-Tours, ce sont 619 hommes et femmes qualifiés qui vont perdre leur emploi. Beaucoup ont été recrutés dans le cadre du plan Skipper. Ils ont consenti des efforts importants pour la productivité du site, en vain.

Michelin propose 120 millions d'euros pour accompagner la reconversion de l'usine et prône la mobilité interne. Pour ces personnes qui ont bâti leur vie en Vendée, c'est une vue de l'esprit.

La présidente de région Christelle Morançais et Bruno Retailleau ont obtenu le remboursement des aides régionales accordées à Michelin. L'État compte-t-il faire de même pour le CICE ? Plus largement, comment l'État entend-il oeuvrer pour développer l'industrie en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Martial Bourquin applaudit également.)

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - Votre question illustre l'urgence d'un pacte productif. Michelin a souffert de l'émergence de concurrents chinois dans le secteur du pneu, où nous étions pourtant leader. Face à cette concurrence, il nous faut développer des actions défensives mais aussi offensives.

Le président de Michelin a dit qu'il accompagnerait l'ensemble des salariés du site de La Roche-sur-Yon. Avec Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud, nous veillerons à ce que chacun de 619 salariés soit accompagné jusqu'à ce qu'il retrouve un emploi.

M. Philippe Bas.  - C'est la moindre des choses !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement sera vigilant. Le bassin d'emplois de la Roche-sur-Yon est dynamique, je le sais.

Il est préoccupant de voir des pneus moins chers et moins durables évincer des technologies françaises plus écologiques. Le Gouvernement a demandé un contrôle express à la DGCCRF et portera le sujet au niveau européen. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Didier Mandelli.  - Nous avons intégré dans le projet de loi Économie circulaire l'obligation pour la commande publique de choisir des pneus issus des filières qualitatives. Monsieur le ministre, j'espère que les salariés seront convaincus par votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Décision du Conseil constitutionnel sur la gratuité dans l'enseignement supérieur public (II)

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Par sa décision du 11 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a tiré du treizième alinéa du Préambule de 1946 le principe de gratuité de l'enseignement supérieur public. Des frais d'inscription « modiques » peuvent néanmoins être perçus, en tenant compte des capacités financières des étudiants.

Alors que le Gouvernement augmente brutalement les droits d'inscription pour les étudiants extracommunautaires, il est rappelé que l'égal accès à l'instruction ne s'arrête pas aux portes du supérieur et que ce principe ne peut être entravé pour des motifs pécuniaires.

En attendant la décision du Conseil d'État, Mme Vidal dit vouloir garder la stabilité du système. Mais comme le dit le poète « être patient, ce n'est pas attendre, c'est agir en attendant ». Allez-vous revenir sur l'arrêté ministériel relatif aux frais d'inscription différenciés ? Comment comptez-vous pérenniser le financement de l'enseignement supérieur public ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - J'ai été professeur de droit constitutionnel, je ne vois pas de contradiction entre l'action du Gouvernement et la décision du Conseil constitutionnel, car les deux principes d'individualisation et de financement par l'impôt de l'enseignement supérieur public sont respectés. Par contre, il y a un besoin de précision. Nous attendons la jurisprudence du Conseil d'État avec sérénité.

Le Conseil constitutionnel utilise le mot « modique ». Nous avons plafonné à un tiers des frais la somme payée par un étudiant étranger. Ce qu'il ne paye pas, c'est le contribuable français qui le paye. Le conseil d'État appréciera de manière précise la modicité de la somme.

Sur le plan social, le plan Bienvenue en France de Mme Vidal vise à accueillir davantage d'étudiants, dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme Sylvie Robert.  - Vous estimez la modicité au regard du prix de la formation et non de l'exigence de gratuité et d'égalité. Pas sûr que des droits d'inscription à 2 000 euros soient perçus comme modiques par l'étudiant et sa famille ! Nous souhaitons un vrai débat parlementaire. Il en va du financement de l'enseignement supérieur public. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

Montée du communautarisme

M. Jean Louis Masson .  - (« Ah ! » sur diverses travées) Par le passé, les immigrés qui venaient en France souhaitaient s'intégrer à la société. Tel n'est plus le cas. (Exclamations à gauche)

Les terroristes musulmans trouvent leur vivier dans le communautarisme radicalisé, qui recrute lui-même dans le communautarisme ordinaire.

J'approuve la ministre des Collectivités territoriales quand elle suggère d'interdire le port du voile dans les assemblées locales ; j'approuve le ministre de l'Éducation nationale quand il prône l'interdiction du voile lors des sorties scolaires.

Cependant, d'autres ministres disent le contraire et soutiennent le communautarisme islamique, au risque de nourrir le terrorisme. (Exclamations) Le président de la République se complaît dans l'ambiguïté.

Monsieur le Premier ministre, oui ou non, êtes-vous favorable au port du voile dans les assemblées locales et lors des sorties scolaires ? (Mme Christine Herzog applaudit.)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - M. Masson est un habitué des propos outranciers. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Il faut rappeler les fondements de notre République. La loi de 1905 fixe un cadre : l'État est laïc, pas la société. Les agents de la fonction publique ont un devoir de neutralité ; un professeur ne peut porter la kippa ou le voile.

La loi de 2004 a fait de l'école un espace sacré, protégé, en interdisant le port de signes religieux ostentatoires par les élèves mineurs. Le port du voile est en revanche autorisé pour les parents accompagnateurs, dès lors qu'il n'y a pas prosélytisme.

Le Gouvernement lutte résolument contre le communautarisme religieux et la radicalisation. Il lutte aussi contre la discrimination et la stigmatisation en raison de l'appartenance à la religion musulmane. Nous sommes une nation ouverte mais ferme dans ses principes. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et SOCR ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. Jean Louis Masson.  - C'est aux gens qui viennent dans notre pays de respecter nos règles. (Huées à gauche)

M. Rachid Temal.  - On parle de Français !

M. Jean Louis Masson.  - Je trouve scandaleux que nos petits-enfants puissent être encadrés, lors des sorties scolaires, par des femmes entièrement voilées. (Mêmes mouvements) C'est la négation de la laïcité ! Le conseiller régional RN qui s'est indigné récemment mériterait une décoration ! (Vives exclamations)

La séance est suspendue à 16 h 25.

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.