Modification de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en procédure accélérée, du projet de loi organique modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et projet de loi modifiant la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet.

Discussion générale commune

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - Ce projet de loi et ce projet de loi organique tirent les conséquences de textes de loi adoptés récemment. En vertu du cinquième alinéa de l'article 13, le président de la République nomme à des emplois et fonctions importantes, après avis public des commissions compétentes du Parlement, depuis la réforme constitutionnelle de 2008 et les lois organiques de 2010. Ce droit de véto est une avancée démocratique majeure. Si trois cinquièmes des suffrages exprimés sont défavorables, la nomination est rejetée. Cela concerne 52 Autorités administratives indépendantes (AAI), établissements publics ou entreprises publiques.

Même si le droit de veto n'a jamais été exercé, ces auditions sont un moment démocratique important.

Aujourd'hui, nous travaillons sur les conséquences de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire de juin 2018, dont l'ambition était de normaliser la gouvernance du groupe SNCF. Il n'est pas certain qu'une nomination par décret de trois ou quatre dirigeants de la SNCF participe de la normalisation souhaitée. L'ajout du Sénat voté en commission ne semble en outre pas légal.

Les ordonnances prévues par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoient la nomination du directeur général de SNCF Réseau après avis conforme de l'Autorité de régulation des transports (ART). De plus, le président du directoire du Réseau de transport de l'électricité (RTE) n'est pas auditionné par les assemblées, mais sa candidature est validée en amont par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Cela devrait vous satisfaire.

Nous tirons également les conséquences de la privatisation de la Française des jeux (FDJ) prévue par la loi Pacte de mai 2019, qui a été un grand succès populaire. En outre, une nouvelle AAI, l'Autorité nationale des jeux remplacera l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) aux termes de l'ordonnance du 2 octobre 2019 : il fallait aussi l'intégrer dans ce texte.

L'ordonnance du 24 juillet 2019 remplace l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) par l'Autorité de régulation des transports.

Le projet de loi prolonge enfin le mandat des six membres de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) pour anticiper la fusion du CSA avec la Hadopi d'ici janvier 2021.

Ce projet de loi et ce projet de loi organique sont principalement techniques et d'application pratique.

L'ajout du président de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ne nous semble pas justifié, non plus que l'ajout du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Tous deux ont un rôle principalement consultatif.

Je me réjouis de la discussion que nous allons avoir.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois .  - La commission des lois a examiné ce projet de loi et ce projet de loi organique le 11 décembre. Le Gouvernement présentait ces textes comme de coordination, mais le diable se cache dans les détails. La commission a adopté treize amendements afin de corriger certaines maladresses et elle a rappelé son attachement à son pouvoir de contrôle sur les nominations du président de la République.

Le Gouvernement souhaite prolonger le mandat de six membres de la Hadopi en prévision de sa fusion avec le CSA. La commission ne s'y oppose pas.

Créée par la révision constitutionnelle de 2008, la procédure de l'article 13 prévoit la possibilité pour le Parlement de s'opposer à une nomination en cas d'avis défavorable des trois cinquièmes des votants des commissions compétentes. Cette procédure concerne 54 emplois.

Comme l'avait souligné en son temps notre ancien président Jean-Jacques Hyest, cette procédure permet d'écarter des candidatures de complaisance et de renforcer la transparence des nominations, notamment grâce à l'audition des candidats pressentis.

Depuis 2011, le Parlement s'est exprimé à 110 reprises sur des nominations envisagées par le Président de la République. Il n'a jamais mis en oeuvre son pouvoir de veto, ce qui a d'ailleurs conduit le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle à proposer une modification des règles de blocage. À six reprises, l'une des commissions compétentes a toutefois formulé un avis négatif, marquant son désaccord sur le projet de nomination.

Ainsi en fut-il de l'opposition du Sénat à la nomination d'un membre du CSM, qui souhaitait, à titre temporaire, cumuler cette fonction avec celle d'ambassadeur de France à Madrid...

La commission des affaires économiques s'est aussi opposée à la nomination du directeur général de l'ONF la semaine dernière ; à un vote près, elle était bloquée.

Le projet de loi prévoit d'actualiser la liste des nominations soumises à l'approbation du Parlement. La commission des lois ne s'est pas opposée aux coordinations, qu'elle a d'ailleurs enrichies. Le Sénat s'était opposé à la privatisation de la Française des Jeux. Son PDG ne peut plus être nommé par le président de la République, le capital de la FDJ étant majoritairement privé.

Derrière ses aspects techniques, le texte du Gouvernement soulève des problèmes de méthode et de fond : l'exercice dépasse le simple toilettage. Sur le plan de la méthode, nous sommes invités à tirer les conséquences de trois ordonnances non encore ratifiées. La police des jeux ou l'organisation des réseaux de transports sont ainsi concernées, même si l'ordonnance sur ce dernier texte n'a toujours pas été ratifiée six mois après sa publication.

Je remercie la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable pour son attention sur la gouvernance de la SNCF. Pour la première fois depuis 2010, le Parlement aurait perdu tout contrôle sur la gouvernance de SNCF Réseau, ce qui n'était pas acceptable.

La commission des lois a ajouté deux postes à la liste : le président de la CADA et le directeur général de l'OFII. La mission de ce dernier d'accueil des demandeurs d'asile et des immigrés s'est fortement affirmée, avec 109 783 demandeurs d'asile traités et 97 400 contrats d'intégration républicaine signés l'an dernier.

Le Sénat a toujours été très attentif au fonctionnement de la CADA. Cette autorité administrative indépendante ne parvient plus à faire face aux demandes. En 2018, elle a été saisie de 5 867 demandes d'avis, traitées en 128 jours en moyenne au lieu des 30 jours théoriques. De l'aveu même de son président, la CADA ne peut plus continuer ainsi. Elle a un stock d'affaires de 1 800 dossiers, soit quatre mois d'activité, et les citoyens la sollicitent de plus en plus. Même des élus n'ont pu avoir de réponse à leurs demandes. Comment mettre fin à cette situation ?

Nous regrettons l'attitude du Gouvernement qui a déposé sept amendements pour revenir sur les apports de la commission des lois. Toutefois, je vous propose d'adopter le projet de loi et le projet de loi organique amendés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées des groupes RDSE et SOCR)

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réforme ferroviaire, votée il y a un an et demi, prévoyait une évolution profonde de la gouvernance de la SNCF, qui passera au 1er janvier 2020 du statut de groupe public ferroviaire constitué d'EPIC à celui de groupe public unifié constitué de sociétés anonymes.

Cette évolution devait être précisée par ordonnance. Mais celle-ci, publiée en juin, n'a pas été ratifiée par le Parlement et aucun calendrier de ratification ne m'a été communiqué. Pourriez-vous nous dire quel sera le calendrier retenu par le Gouvernement ? En outre, l'Autorité de régulation des transports a émis de sérieuses réserves sur son contenu, en particulier sur l'indépendance de SNCF Réseau.

Ces projets de lois organique et ordinaire entendent tirer les conséquences des dispositions de cette ordonnance. Au-delà de cette méthode discutable, ces projets de loi affaibliraient le contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants de la SNCF.

La commission de l'aménagement du territoire entend conforter le contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants de la SNCF, selon trois axes. D'abord, il convient de maintenir la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution pour la nomination du dirigeant de SNCF Réseau, qui est prévue depuis 2010 et que le projet de loi organique tendait pourtant à supprimer, alors que l'ouverture à la concurrence va devenir effective.

L'exposé des motifs du projet de loi portant réforme ferroviaire de 2014 est toujours d'actualité : « Il est impératif que les processus de nomination des dirigeants du futur groupe public ferroviaire continuent de se dérouler sous le regard des parlementaires. Nul ne comprendrait ni n'admettrait que la réforme soit l'occasion de soustraire ces personnalités à un contrôle qui constitue une avancée unanimement reconnue de la démocratie ».

Enfin, un amendement au projet de loi ordinaire vise à soumettre la nomination du président du conseil d'administration de la société SNCF Réseau à l'avis conforme de l'ART, alors que l'ordonnance ne réserve cette procédure qu'au directeur général ou au PDG.

L'indépendance des nominations au sein du gestionnaire d'infrastructures doit être garantie. (Applaudissements sur diverses travées des groupeUC, Les Républicains et RDSE)

M. Bernard Buis .  - La procédure de l'article 13 concerne 54 postes aujourd'hui. Le projet de loi et le projet de loi organique procèdent à des ajustements après des fusions, ainsi que la prolongation du mandat des membres de la Hadopi.

La commission des lois a validé la plupart des modifications proposées mais a ajouté le président de la CADA et le directeur général de l'OFII à la liste des désignations soumises au contrôle du Parlement, mais il faudrait que l'OFII s'inscrive dans le champ de l'article 13, ce dont nous doutons.

La gouvernance de SNCF Réseau ne semble pas non plus concernée. La logique juridique de la commission nous échappe. Ce projet de loi et ce projet de loi organique ne sont que de coordination. Il ne faut donc y voir aucune négation du contrôle parlementaire. Le champ normatif est très limité et n'appelle pas d'observation de notre part.

A priori, le groupe LaREM s'abstiendra sur ces textes modifiés, mais attend la fin des débats pour adopter une position définitive. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi .  - Le groupe CRCE est opposé à l'article 13 de la Constitution, issu de la révision de 2008. Pas moins de 54 postes sont concernés, mais il convient de parler de non-contrôle : ce nouveau droit, tout comme le référendum d'initiative populaire, est une chausse-trappe très difficile à mettre en oeuvre.

Le projet de loi constitutionnelle originel de 2008 prévoyait l'avis d'une commission commune aux deux assemblées. C'est devenu un avis public de la commission compétente dans chaque assemblée. Le président de la République ne pourra pas procéder à une nomination quand l'addition des votes négatifs sera supérieure aux trois cinquièmes des votants.

Cette obligation d'une majorité très qualifiée des trois cinquièmes rend un vote contre quasi impossible, car il faudrait un accord entre majorité et opposition. Mieux aurait valu prévoir une majorité positive des trois cinquièmes pour valider une nomination, ce qui aurait signifié un vrai consensus.

D'où la vacuité de l'exercice législatif que le Gouvernement nous propose aujourd'hui, puisque le président de la République a, de fait, les mains libres.

Il faut de la transparence, comme nous pouvons le noter à l'occasion de la désastreuse affaire Delevoye. Or la légèreté du Gouvernement va dans le sens contraire, puisqu'il organise par ordonnances la nouvelle gouvernance de la SNCF, non encore ratifiées, et on nous demande d'en tirer les conséquences et d'entériner des choix dont nous n'avons pu débattre, comme l'a souligné M. Mandelli lui-même. Mais le groupe CRCE est souvent bien seul à s'opposer au recours systématique aux ordonnances.

La virtualité devient une composante de notre travail de législateur, comme en témoigne également le prolongement du mandat de six administrateurs, alors que le projet de loi n'est pas encore écrit.

Quant à la FDJ, ne convenait-il pas de conserver un contrôle ? Est-ce le marché qui régulera le secteur des jeux ? Tout cela s'inscrit dans un climat général assez mauvais...

Le groupe CRCE votera, par principe, contre ce projet de loi, malgré certaines dispositions positives proposées par les commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Alain Marc .  - (M. Jean-Pierre Decool applaudit.) Les deux textes que nous examinons actualisent la liste des nominations soumises à appréciation du Parlement et prolongent le mandat de six administrateurs de la Hadopi.

Depuis 2008, le Parlement dispose d'un pouvoir de veto sur ces nominations listées au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Il faut trois cinquièmes des suffrages exprimés négatifs pour bloquer une nomination.

L'avis préalable des commissions parlementaires renforce le contrôle des nominations du président de la République et garantit, via les auditions des candidats pressentis, leur transparence.

La liste d'origine a été modifiée treize fois depuis 2009, mais n'a jamais fait l'objet d'un toilettage complet par le législateur. Ce texte prévoit la prolongation de six mois du mandat de membres de la Hadopi, qui doit fusionner avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Ces mesures, présentées comme de coordination, conduisent en réalité à un léger recul du contrôle parlementaire : 51 emplois resteraient soumis à l'avis préalable du Parlement contre 54 aujourd'hui. C'est aller à rebours des efforts conduits depuis 2009 pour renforcer et élargir le contrôle.

Je me félicite que la commission des lois ait précisé que la prolongation des mandats concernerait les membres titulaires et suppléants de la Hadopi ; que la commission de l'aménagement du territoire ait prévu d'intégrer les nominations de quatre dirigeants de la SNCF. Le président de la CADA et le directeur général de l'OFII ont eux aussi été ajoutés : je m'en réjouis.

Le groupe Les Indépendants votera ces deux textes enrichis en commission.

M. Jean-Yves Leconte .  - Le contrôle parlementaire sur certaines nominations du président de la République introduit en 2008 a, malgré les réserves de Mme Assassi, constitué un progrès. Difficile de parler de veto puisqu'aucun n'a été exercé à ce jour ; néanmoins, c'est une évolution positive pour la vie démocratique.

La pratique des commissions mérite d'évoluer, car les auditions ressemblent davantage à une conversation sympathique qu'à un véritable exercice de contrôle. Une personnalité dont la nomination avait été validée par la commission des lois a dû renoncer après des révélations d'un hebdomadaire du mercredi...

Je me félicite de notre convergence, en commission des lois, sur l'ajout de la CADA et de l'OFII à la liste des organismes concernés. La CADA est indispensable au lien de confiance entre les citoyens et l'administration ; il faudrait des échanges nourris au moment de la nomination de son président pour connaître les orientations qu'il souhaite donner à l'institution.

L'OFII, monsieur le ministre, est bien davantage qu'un organisme consultatif, c'est un outil essentiel de notre politique d'intégration.

Logiquement, et malheureusement, ce texte retire la FDJ de la liste des organismes concernés. Sur ce point, je n'ai rien à ajouter aux propos de Mme Assassi. Le Loto a été créé au bénéfice des invalides de guerre... Nous en sommes loin aujourd'hui !

De même, tout a été dit sur la gouvernance de la SNCF. Le groupe socialiste soutiendra la position de nos deux commissions.

Enfin, pourquoi ce texte vient-il maintenant ? Il tire les conséquences d'ordonnances non ratifiées et d'un projet de loi qui n'a pas été examiné. Préjuger des résultats d'un vote du Parlement sur un projet de loi, même de transposition de directive européenne, n'est pas correct. Il aurait fallu présenter le texte proposant la fusion du CSA et de la Hadopi avant de prolonger le mandat des membres de cette dernière.

Le Parlement est traité en chambre d'enregistrement. On fait comme si une présentation en Conseil des ministres valait adoption définitive... (MM. Pierre Ouzoulias et Bruno Sido approuvent.)

Compte tenu des apports du rapporteur, le groupe socialiste votera ce texte, en espérant que le Sénat votera nos amendements qui rendent le contrôle parlementaire sur les nominations plus incisif et exigeant. Encore une fois, le Gouvernement n'a pas à préjuger des votes parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Maryse Carrère .  - La révision de 2008 a « reparlementarisé » nos institutions, selon l'expression du constitutionnaliste Jean Gicquel, en s'inspirant de l'exemple américain.

Les autorités de régulation économique se multiplient au niveau européen ; en France les pouvoirs autrefois confiés à des services dépendant des ministres reviennent désormais à des autorités administratives ou à des agences avec un degré d'indépendance par rapport au politique pour le moins variable. Cela pose un problème de responsabilité, comme Jacques Mézard l'a souligné dans un rapport qui fait toujours référence.

Ces deux textes actualisent la liste de l'alinéa 5 de l'article 13 de la Constitution, mais ils anticipent l'entrée en vigueur de certains textes. Ne réduisons pas la ratification d'ordonnances à une simple formalité.

Ainsi le contrôle sur les nominations au sein de la SNCF recule après la réorganisation de celle-ci. Les amendements proposés par les commissions vont dans le bon sens. De même pour la CADA.

Le groupe RDSE a déposé un amendement ajoutant l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) à la liste, car elle garantit les droits et libertés en ligne de nos concitoyens, de nos entreprises et nous préserve des ingérences extérieures. Cela implique de faire nommer son directeur général par le président de la République et non plus le Premier ministre.

La question du contrôle parlementaire a mobilisé le Conseil d'État qui a rejeté, en 2017, l'annulation d'une nomination en imposant un délai de huit jours aux chambres pour se prononcer.

Il convient que le projet de loi organique insiste sur la lutte contre les cumuls et les conflits d'intérêts. Il convient que notre contrôle se rapproche de celui qui est en vigueur dans des pays comme les États-Unis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le débat qui nous réunit est principalement technique, ce qui souligne le décalage entre notre ordre du jour et les préoccupations actuelles de la société française.

Le groupe UC apprécie les évolutions permises par l'alinéa 5 de l'article 13 de notre Constitution. L'enjeu est la transparence du processus de désignation. C'est un élément important du contrôle du Parlement.

Il convient de vérifier les compétences des personnes désignées, mais aussi réfléchir à leurs objectifs et à leurs missions.

Le local et le national ne sauraient être dissociés : ainsi, la certification des comptes des collectivités territoriales est souhaitable.

Le projet de loi et le projet de loi organique effectuent un toilettage. Le nombre d'emplois concernés ne me semble pas essentiel, peu importe que ce soit 54, 56 ou 51. En revanche, la commission des lois a pertinemment étendu la liste à la CADA et à l'OFII, dont les missions ne se limitent pas à la technique mais revêtent une dimension éminemment politique. Il est rationnel de les ajouter.

Je ne partage pas l'enthousiasme de mes collègues sur l'ajout de l'Anssi qui n'est pas une autorité administrative mais un service dépendant du Premier ministre.

L'enjeu véritable est celui de l'inflation des AAI et du processus d'« agencification » du fonctionnement de l'État.

Le Parlement y perd une partie de ses compétences, mais notre propos n'est pas corporatif car cela nuit surtout au sentiment que le citoyen éprouve d'exercer une influence sur les processus de décision dans notre pays. Nous allons examiner tout à l'heure un autre texte sur les contenus haineux sur internet et nous proposerons d'étendre les fonctions d'une AAI dans ce cadre. Le processus est donc à double tranchant, mais c'est avant tout une question d'équilibre, entre l'extension des missions de certaines agences et la réduction de leur nombre.

La confiance dans la parole publique, qu'il s'agisse des retraites ou d'autres sujets, reste essentielle. Le Gouvernement devrait se saisir du sujet des AAI. Le Parlement a plusieurs fois attiré son attention sur la nécessité d'une rationalisation en la matière, d'une réduction de leur nombre, et pourquoi ne pas le dire en toute franchise, de leurs moyens de fonctionnement. Cela dit, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique du projet de loi organique

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article unique

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 1er de la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, il est inséré un article 1... ainsi rédigé :

« Art. 1...  -  Ces emplois et fonctions s'exercent à temps plein. La liste exhaustive des emplois et fonctions préalablement occupés par la personne nominée est transmise aux commissions permanentes au moment de leur saisine pour avis. »

Mme Maryse Carrère.  - L'article 13 se contente d'édicter des règles de majorité. L'article 5 de l'ordonnance prévoit que le scrutin doit être dépouillé simultanément dans les deux assemblées. En cas de contentieux, le Conseil d'État décide, comme ce fut le cas en 2017, dans le contentieux entre le président du Sénat et le Gouvernement, à propos du redécoupage des circonscriptions électorales.

Nous sommes favorables à une codification des règles. Nous souhaitons inscrire dans la loi organique que l'audition dans les chambres lève les risques de cumul, de sorte que les candidats puissent exercer leurs nouvelles fonctions sans conflit d'intérêts.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait. Les emplois relevant de l'article 13 sont trop divers pour que l'on puisse légiférer de manière générale à leur sujet. Certains organes, tels que le Haut Conseil des nouvelles technologies ou la commission chargée du découpage électoral, se réunissent peu ou pas du tout, pas depuis 2009 pour la seconde. De sorte qu'il n'est pas réaliste d'y créer des emplois à temps plein.

Enfin, cet amendement relève de la loi ordinaire et non pas de la loi organique et il est partiellement satisfait par le statut général des AAI.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il serait en effet excessif de prévoir systématiquement des emplois à temps plein. Les commissions ont à leur disposition le CV des candidats. Le texte actuel prévoit le renouvellement des fonctions figurant à l'article 13. Avis défavorable.

Mme Maryse Carrère.  - Cet amendement est d'appel. Nous voulons attirer l'attention sur le fait que le Parlement n'est pas qu'une chambre d'enregistrement.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier et Roux.

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la huitième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information

Direction générale

 » ;

Mme Josiane Costes.  - La cybersécurité nous concerne tous, particuliers y compris, sauf peut-être ceux qui résident dans les zones blanches : La Poste aurait laissé 23 millions de données d'entreprises en accès libre, les failles des iPhone permettent à des hackers d'accéder aux photos et aux données personnelles de leurs utilisateurs. L'État est également touché, puisque des milliers de comptes fiscaux auraient été piratés. Nous proposons que le directeur de l'Anssi soit nommé selon les modalités de l'alinéa 5 de l'article 13.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'amendement reste fragile sur le plan constitutionnel. L'Anssi est en effet un service national rattaché aux services du Premier ministre, via le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales.

L'amendement soulève aussi un problème de principe dans la mesure où le président de la République nommerait un agent placé hiérarchiquement directement sous l'autorité du Premier ministre. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'Anssi est rattachée au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Il ne s'agit pas d'une autorité administrative. Son directeur général a le rang d'un directeur d'administration centrale et relève donc de l'alinéa 3 de l'article 13. Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La CADA rend presque exclusivement des avis, certes incitatifs, mais ne dispose pas de pouvoir coercitif. Seul le juge administratif est compétent pour enjoindre à l'administration de communiquer un document Le pouvoir de sanction dont elle a récemment été investie n'est qu'accessoire. Son président ne relève pas de l'alinéa 5 de l'article 13, qui fait référence à la cohérence des emplois et des fonctions. Aucune circonstance nouvelle ne justifie d'y revenir. D'où cet amendement de suppression.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission n'a pas pu se prononcer sur cet amendement qui n'a été déposé qu'en fin de matinée. Cependant, pourquoi minimiser le rôle de la CADA ? L'article 13 de la commission n'exclut pas les organes consultatifs comme en témoigne la présence dans la liste de la commission de découpage électoral. Retrait ou avis défavorable. (M. Philipe Bas, président de la commission des lois, approuve.)

M. Jean-Yves Leconte.  - Toute AAI travaille sous le contrôle du juge. En outre, monsieur le ministre, vous minimisez le rôle de la CADA, voire vous incitez les administrations à ne pas suivre ses avis, ce qui est pour le moins inquiétant. La CADA fait un travail sérieux et essentiel pour la transparence de l'administration vis-à-vis du citoyen.

M. Philippe Bonnecarrère.  - L'article 13 de la Constitution indique que sont concernés les postes susceptibles de concourir à la protection des libertés publiques. La CADA entre parfaitement dans cette catégorie. Depuis plus de trente ans que la CADA existe, le nombre de demandes qui lui sont soumises ne diminue pas. La transparence des données publiques reste un enjeu d'actualité.

Enfin, la CADA a très clairement un rôle précontentieux, plus que consultatif. Elle a aussi un pouvoir de sanction directe, depuis une quinzaine d'années, dans le cas d'une réutilisation frauduleuse des données.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le rôle du Parlement est de contrôler les politiques publiques. Nous devons recourir à la CADA, dès lors que le Gouvernement refuse de nous transmettre des documents nécessaires à notre contrôle. Je l'ai fait récemment. La CADA m'a répondu qu'elle m'aurait transmis les documents si j'avais été un simple citoyen mais qu'elle ne le faisait pas car je suis parlementaire et qu'elle ne voulait pas trancher un conflit entre le Parlement et le Gouvernement. On voit bien que vous considérez déjà la CADA comme un organe absolument consultatif, ce qui est regrettable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement inclut la nomination de la présidence-direction générale de la Française des jeux dans les garanties prévues par l'article 13 de la Constitution.

Vous me direz que la FDJ est désormais une société à caractère privé. Le 12 octobre 2019, Bruno Le Maire indiquait pourtant dans une interview que l'État continuerait d'agréer les dirigeants de la FDJ, entreprise particulière donc.

La FDJ, au départ Loterie nationale, a été créée après la guerre de 1914-1918. Ceux qui achetaient des billets n'étaient pas les plus fortunés, et ne le sont toujours pas. Les revenus de la Loterie nationale allaient à des finalités sociales, dont les fameuses Gueules cassées.

Dans une époque où prévaut la logique capitalistique et où il paraît communément admis que les actionnaires font la loi, il est nécessaire de maintenir l'application de l'article 13.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Depuis son entrée en bourse, la FDJ est une entreprise privée. L'article 13 ne concerne que les entreprises publiques. L'État conservera un droit de regard sur le fonctionnement de la FDJ mais n'ira pas plus loin. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - M. Sueur a devancé mes objections dans une belle prolepse.

Votre amendement est plutôt de coordination avec votre opposition à la privatisation de la FDJ que normatif. On ne peut pas faire relever la FDJ de l'article 13 sans en faire autant pour d'autres entreprises où l'État est actionnaire minoritaire.

Les Français ont approuvé la privatisation de la FDJ qui a été un succès.

Les associations d'anciens combattants qui détiennent, me semble-t-il, une dizaine de pour cent du capital de la FDJ ont fait une belle opération lors de sa privatisation...

M. Martial Bourquin.  - C'est incroyable ! Vive la privatisation ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est chargé de l'accueil des étrangers. C'est un acteur essentiel en matière d'asile. Cependant, il ne formule que des avis destinés aux préfets et ne répond pas aux critères d'application de l'alinéa 5 de l'article 13.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Comment le Gouvernement peut-il soutenir que l'OFII ne joue qu'un rôle consultatif, dans le contexte de pression migratoire que nous connaissons ? Avec 110 000 demandeurs d'asile, 97 000 contrats d'intégration républicaine, l'hébergement des demandeurs d'asile, le versement d'allocations, le regroupement familial, la gestion des retours volontaires, les visites médicales des étrangers demandant un titre de séjour, l'OFII joue un rôle majeur, au même titre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Je remercie le groupe socialiste d'avoir mentionné la question en commission. Avis défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 14, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

 4° La cinquante-deuxième ligne est remplacée par une ligne ainsi rédigée :

« 

  Société nationale SNCF   

  Direction générale    

 » ;

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Seule la nomination du directeur général de la SNCF doit être soumise à l'alinéa 5 de l'article 13. Ce projet de loi organique a été soumis au Conseil d'État qui n'a pas vu de danger en matière d'indépendance de SNCF Réseau par rapport à SNCF et a considéré que le projet était compatible avec la directive européenne.

Il est important de ne pas déroger au décret de 2014. La SNCF reste une société à la gouvernance particulière : évitons de créer une double légitimité en son sein.

L'indépendance du directeur général de SNCF Réseau au sein de la SNCF est garantie par l'avis conforme de l'Autorité de régulation des transports (ART) à sa nomination.

EDF et RTE sont exactement dans une situation analogue : le directeur général de RTE n'est pas nommé par le président de la République, mais après avis conforme de la Commission de régulation de l'électricité (CRE).

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission de l'aménagement du territoire, qui a beaucoup oeuvré pour conserver le contrôle parlementaire sur la SNCF, partage notre position.

Cet amendement constituerait un recul pour le contrôle parlementaire. SNCF Réseau doit bénéficier de garanties d'indépendance suffisantes. Le président du conseil d'administration de la SNCF et celui de SNCF Réseau ont une voix prépondérante en cas d'égalité des votes. Nous souhaitons un contrôle du Parlement sur la gouvernance de SNCF et SNCF Réseau.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis.  - Cet amendement supprime les apports de la commission de l'aménagement du territoire. Il remplace les trois auditions prévues par une seule audition. La SNCF et SNCF Réseau ne sont pas des entreprises comme les autres. Avec l'entrée dans la concurrence, le regard du Parlement est plus que jamais nécessaire. Avis défavorable.

M. Hervé Maurey.  - J'irai dans le sens de MM. Mandelli et Détraigne. Cet amendement est extrêmement choquant et je pèse mes mots. D'abord, on légifère en fonction d'une ordonnance qui n'a toujours pas été ratifiée. Or elle pose un problème vis-à-vis de l'indépendance de SNCF Réseau, comme l'a souligné l'Arafer, devenue ART.

On voudrait de surcroît réduire le nombre d'auditions : seul le directeur général de la structure de tête serait désormais entendu, et non plus les dirigeants de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités. L'Arafer a encore émis, la semaine dernière, plus que des réserves sur les projets de décrets qui « menacent l'indépendance du gestionnaire de l'infrastructure et compromettent l'indépendance du système ferroviaire ».

Or les parlementaires, qui siègent encore dans les instances de la SNCF, verront leurs sièges disparaître, aux termes de l'ordonnance prise en juin, et qui n'est toujours pas ratifiée, contrairement aux assurances données ici en séance par la ministre au nom du Gouvernement.

Nous avons été favorables à l'ouverture à la concurrence mais cet amendement, venant réduire encore le rôle de contrôle du Parlement, donne de l'eau au moulin de ceux qui y étaient défavorables. Je voterai contre, évidemment.

M. Ladislas Poniatowski.  - C'est plié, monsieur le ministre ! (Sourires et marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article unique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°61 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 302
Contre   16

Le Sénat a adopté.

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les mots : « du secret professionnel ou » sont supprimés.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement interdit toute remise en cause au titre du secret professionnel du caractère public des auditions organisées en application de l'article 13 de la Constitution.

L'article premier de la loi de juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution prévoit que ces auditions sont publiques, sauf deux hypothèses : la préservation du secret de la défense nationale et la préservation du secret professionnel. Si la première exception est totalement légitime, la seconde n'est pas fondée. Elle est inopportune pour une audition relevant de l'article 13. Que le secret professionnel puisse justifier le refus de répondre à une question est légitime, mais suffisant. Point n'est besoin de demander le huis clos sur ce fondement.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le secret professionnel est déjà opposable aux commissions d'enquête et protégé par l'article 29-1 du Règlement de l'Assemblée nationale. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - Y a-t-il un malentendu ? Je ne propose pas d'obliger les personnes auditionnées à ne pas respecter le secret professionnel mais de ne pas mener l'audition entière à huis clos. La personne peut refuser de répondre, mais en toute transparence et devant les citoyens.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La personne dont la nomination est envisagée ne peut invoquer, lors de son audition, son obligation de discrétion professionnelle qu'en application de l'article 26 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. »

M. Jean-Yves Leconte.  - Souvent, lors de nos auditions qui devraient constituer un élément important du contrôle parlementaire, il devrait être normal que la personne auditionnée réponde à nos questions. Or souvent, elle se retranche derrière un droit de réserve, promettant d'y répondre une fois nommée. Comment accepter cela ? Nous encadrons ce droit. Le Parlement doit améliorer son propre contrôle.

Cet amendement est un test de notre volonté. Voulons-nous rester dans des discussions sympathiques ou voulons-nous aller plus loin et exercer un contrôle parlementaire complet ? Il y va de la crédibilité du processus. Ne limitons pas trop nos compétences.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'avis du Parlement constitue une garantie d'indépendance pour le candidat mais le contraindre à répondre pourrait mener dans une impasse. Cela suggérerait une forme de mandat impératif qui n'est pas conforme à l'esprit de l'article 13.

À chaque parlementaire de se positionner en fonction des réponses qui lui sont données. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je ne suis pas d'accord. Il y a un principe de confiance lors de ces auditions. Il n'y a pas de mandat impératif. La personne peut ensuite changer d'avis.

Lorsque nous nous présentons à une élection, nous prenons des engagements mais n'avons pas de mandat impératif. À nous de gérer cela.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission est libre de définir sa position en fonction de l'ouverture dans l'attitude du candidat.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Amendement de coordination. Nous supprimons le président de la CADA de la liste.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Nous souhaitons un droit de regard sur la nomination du président de la CADA.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est un amendement de coordination avec l'amendement sur la Française des jeux, déposé sur le projet de loi organique.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Amendement de coordination.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 8 à 13

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

3° La première colonne de la cinquante-deuxième ligne est ainsi rédigée : « Direction générale de la société nationale SNCF » ;

4° Les cinquante-troisième et avant-dernière lignes sont supprimées.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Défendu.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 2321-3 du code de la défense est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le directeur général de l'autorité est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du Premier ministre. »

M. Éric Gold.  - Cet amendement modifie le code de défense, afin de pouvoir soumettre la nomination au poste de direction générale de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) à la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. L'Anssi est un service de compétence nationale, rattaché au Premier ministre. La nomination de son directeur général par le président de la République ne serait pas constitutionnelle. Les seules personnes nommées par le président de la République sur proposition du Premier ministre sont les membres du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 6° du I de l'article 11 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots : « l'Autorité de régulation des jeux en ligne » sont remplacés par les mots : « l'Autorité nationale des jeux ».

L'amendement de coordination n°6, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 2

M. David Assouline .  - Quand le projet de loi de fusion Hadopi-CSA arrivera enfin, je serai pour. J'ai toujours été pour, parce qu'il faut réguler les images qui circulent sur le Net.

Mais proroger le mandat des membres de l'Hadopi dès à présent en fonction du projet de loi, alors que celui-ci en est encore au stade du passage en conseil des ministres, que son calendrier d'examen par l'Assemblée nationale n'est même pas fixé, que l'on ne sait même pas s'il va être adopté, c'est nous défaire de nos prérogatives de parlementaires. Aucun sénateur ne peut l'approuver.

L'exécutif ne peut pas nous demander de suivre son agenda ainsi, à un moment où nous avons à coeur de réaffirmer notre rôle de parlementaires.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. David Assouline.  - Cet amendement supprime en conséquence l'article 2.

Le moment venu, nous aurons le débat sur la fusion Hadopi-CSA et sur la régulation des vidéos sur internet.

Je le répète, accepter de légiférer en amont d'une loi pas encore débattue que l'on nous annonce pour mars 2020 à l'Assemblée nationale, mais qui ne sera peut-être examinée ici qu'au printemps 2021, c'est plus que grave. Nous cédons devant l'exécutif !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission partage le constat sur le calendrier. Toutefois, avis défavorable car la prolongation du mandat des membres de la Hadopi est limitée à un an ou six mois, ce qui est raisonnable. Il s'agit de préserver le travail de préfiguration de la fusion.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Que se passera-t-il si nous ne prolongeons pas le mandat des membres de la Hadopi ? Trois mandats expirent en juin, celui de sa présidente en janvier 2020. Qui accepterait d'être nommé pour quelques mois ? Ne nommer personne compromettrait la préparation de la fusion avec le CSA.

Le Conseil d'État n'a émis aucune réserve sur cette mesure de coordination, qu'il considère justifiée par un intérêt général suffisant. Ce n'est pas un blanc-seing ad vitam æternam que vous nous donnez, mais sur quelques mois. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Je ne peux rester insensible à l'argumentation de M. Assouline : ce texte anticipe effectivement sur une fusion qui n'est pas encore actée.

Depuis sa création, la Hadopi a connu des turbulences ; le Sénat a toujours défendu son action contre le piratage. Le président de la Hadopi et son collège ont une expérience indispensable au processus de rapprochement avec le CSA. Ce serait une erreur de les remplacer dans la phase actuelle. Si l'examen de la loi est reporté, il n'y a pas de risque à proroger les mandats.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je comprends l'inquiétude de David Assouline. Cela dit, l'échéance de transposition de la directive Services de médias audiovisuels (SMA), fixée en septembre, est impérative.

Lors de nos auditions, nous avons pu constater que le CSA et la Hadopi étaient engagés dans une fusion très technique et complexe. Faisons preuve de pragmatisme et de sagesse sans aller pour autant au-delà de la fin de 2020.

En outre, il n'est pas aisé de trouver des hommes et femmes pour occuper les fonctions de conseiller dans une AAI, a fortiori pour quelques mois seulement. Laissons-nous cette respiration.

M. David Assouline.  - Pouvons-nous nous satisfaire « d'accommodement » raisonnable, comme dit le ministre, avec les prérogatives du Parlement ? Le report du texte ne fait qu'aggraver les choses : c'est sur le principe que je plaide. Comment un parlementaire peut-il légiférer en anticipant une loi, c'est-à-dire en préjugeant de son propre vote, avant tout débat ? Autant dire que notre vote ne sert à rien !

Le Gouvernement pourra toujours renommer les mêmes membres de la Hadopi, s'il le juge opportun.

Quand nous examinerons le projet de loi audiovisuel, les parlementaires auront le droit de se dire en désaccord avec la fusion entre le CSA et la Hadopi. Leur répondra-t-on qu'elle est déjà actée ?

À chaque fois que le Parlement cède un pouce de ses prérogatives, c'est la démocratie qui recule. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Nous ne pouvons être insensibles aux propos de M. Assouline. Il est exceptionnel de prolonger le mandat de membres d'une AAI dans l'attente d'un texte de loi. On ne peut en effet tenir pour acquis le vote de celle-ci : le Parlement a toute souveraineté pour la modifier ou la rejeter.

Cependant, les membres du collège de la Hadopi n'étant pas renouvelables - contrairement à ce qu'affirme M. Assouline - on serait contraint de nommer de nouveaux membres, sans expérience, pour un mandat qui n'ira vraisemblablement pas à son terme, ce qui pose un problème de bonne administration.

Il est désagréable pour le Parlement que l'on tienne pour acquis le vote d'une loi qui ne lui a pas encore été soumise. Cependant, l'argument de l'accommodement raisonnable peut s'entendre. Nous avons surmonté nos réticences, ce qui n'est pas un encouragement au Gouvernement...

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Amendement de coordination.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Mieux encadrer la procédure de nomination du président du conseil d'administration de SNCF Réseau n'est pas superflu.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis.  - Le maintien d'une structure de la SNCF verticalement intégrée justifie l'avis conforme. Les modalités de nomination reflètent le degré d'indépendance du gestionnaire de réseau. Il s'agit d'envoyer un signal fort aux nouveaux entrants et non de les dissuader d'entrer sur le marché. Avis défavorable.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Le projet de loi, modifié, est adopté.