Adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Ce texte est le fruit d'une navette constructive et d'une CMP réussie, preuve, une fois de plus, de l'intérêt de la co-construction législative.

Il transpose douze directives et quinze règlements européens et a mobilisé trois commissions permanentes - je remercie Hervé Maurey et François Bonneau pour leur travail au nom de leurs commissions respectives.

À la veille de la présidence française de l'Union européenne, il fallait garantir l'exemplarité de la France. Les implications de ces mesures, certes techniques, sur la vie de nos concitoyens sont considérables, notamment dans les domaines des transports et de l'environnement.

Il s'agit de prendre en compte les conséquences du Brexit, de la crise sanitaire et de mieux protéger l'environnement. Un exemple : la limitation de la teneur en soufre des combustibles marins empêchera un cargo de polluer autant que les 38 millions de voitures du parc français.

De nombreux apports du Sénat en première lecture ont été conservés, sur la confidentialité des tests d'alcoolémie pour le personnel navigant des aéronefs, la lutte contre les scrubbers, source de pollution marine, ou les jeunes marins effectuant un stage à bord.

Plusieurs amendements rédactionnels ont amélioré l'intelligibilité de la loi en supprimant redondances et renvois. L'Assemblée nationale a également adopté un amendement du Gouvernement afin de prendre en compte au titre des cotisations vieillesse les périodes d'activité partielle des marins dès janvier 2021, plutôt que mai -  l'article 40 me l'avait interdit. Je regrette que le Gouvernement ne soit pas allé plus loin en neutralisant totalement les effets de crise sanitaire pour les marins concernés.

Nous avons trouvé un compromis sur l'Autorité de régulation des transports (ART), dont le Sénat souhaitait renforcer la transparence et les prérogatives. Afin d'assurer le succès de la CMP, nous avons cédé sur le sujet sensible du calcul des redevances aéroportuaires, sachant que le secteur aérien investit massivement pour la décarbonation.

À l'article 13, relatif aux autoroutes, nous nous sommes conformés à la législation européenne tout en sécurisant le champ d'intervention du régulateur. Les articles 15 et 15 bis consolident les pouvoirs de l'ART en matière de transmission et de collecte d'informations.

L'Assemblée nationale a globalement validé le travail engagé par le Sénat. Au total, nous sommes parvenus à un texte d'équilibre avant la présidence française de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports .  - L'Europe peut être pour la France un amplificateur de puissance. Elle a vocation à nous protéger, nous rendre plus forts.

Régulièrement, la législation européenne enrichit notre droit.

Dans le domaine des transports, ce texte protège d'abord nos professionnels des transports. Des dispositions très attendues intègrent le droit français. Nous protégeons nos routiers des accidents en interdisant que la rémunération soit fonction de la rapidité de la livraison ; nous les protégeons de la fatigue en sanctionnant les entreprises qui ne respecteraient pas le droit au repos ; nous les protégeons de la concurrence déloyale en limitant le cabotage par les transporteurs étrangers.

Ce texte protège également nos marins, s'agissant de leur formation, de leur temps de travail et de leurs droits à pension.

Il protège davantage les personnels navigants des passagers indisciplinés.

La planète, aussi, sera mieux protégée : moindre teneur en soufre des carburants marins, harmonisation du télépéage pour fluidifier le trafic, contrôle renforcé des normes environnementales des produits.

Enfin, ce texte accompagne nos collectivités territoriales en assouplissant les règles de financement participatif de leurs projets.

L'accord trouvé en CMP est équilibré.

Le Sénat s'était inquiété des aménagements liés au Brexit aux abords du tunnel sous la Manche. Ce texte régularise la situation mais la dérogation à la loi Littoral et au code de l'urbanisme ne sera pas pérenne, et ne grèvera pas la capacité de développement de Calais.

Le rôle de l'ART dans l'encadrement des aéroports est précisé, et elle se voit confier une compétence de suivi économique qui participera à la reprise du secteur aérien.

D'aucuns reprochent à l'Europe d'être trop abstraite. Avec ce texte, ils verront son impact concret.

Lors de la présidence française de l'Union européenne, nous ferons des propositions fortes dans le domaine du transport, sur le droit social, le fret, les biocarburants... Nous devons penser et agir en Européens pour être efficaces.

Ce texte est une pierre dans la construction de l'Europe que nous voulons, une Europe qui protège et qui renforce. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Bien que dénué de colonne vertébrale, cet exercice de transposition est indispensable avant la présidence française, qui débutera dans un contexte marqué par le Brexit, la crise sanitaire et l'urgence environnementale.

Ce texte certes technique comporte plusieurs avancées, comme l'amélioration des conditions de travail des routiers et la prise en compte des périodes d'activité partielle pour la validation des droits à pension des marins - même si le Gouvernement aurait pu aller plus loin pour atténuer les effets de la crise sanitaire.

La possibilité pour les collectivités territoriales d'obtenir une délégation pour l'organisation des lignes d'aménagement du territoire en direction d'autres États membres était attendue.

Le Sénat a fait oeuvre utile sur la confidentialité des tests d'alcoolémie et de substances illicites du personnel navigant ou sur l'accès au financement participatif pour les collectivités territoriales.

Je regrette que la législation en matière d'évaluation environnementale n'ait pas évolué, alors que la France a été mise en demeure pour non-respect de la directive. On note une tendance à la régression du droit de l'environnement, illustrée par l'abaissement, dans le décret d'application de la loi ASAP, des seuils de saisine de la Commission nationale du débat public ou du délai dont dispose l'autorité environnementale pour rendre son avis.

Alors que la présidence française de l'Union devra mettre en oeuvre le Green Deal, la conformité de notre législation environnementale est primordiale.

Malgré cette réserve, le groupe RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur le banc de la commission)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Nous abordons la fin du parcours législatif de ce projet de loi qui comporte 49 articles à la portée aléatoire. Plus d'un tiers avait été voté conformes par l'Assemblée nationale. Il restait donc peu de points de friction en CMP.

De fait, ce texte avait surtout pour objectif de faire de la France le bon élève de l'Europe en matière de transposition à la veille de la présidence française de l'Union. Pour nous, il faut aller plus loin en matière de transports et surtout revenir sur le dogme de la concurrence qui menace nos services publics...

Nous regrettons le trop grand nombre d'habilitations et l'absence de concertation sur certains sujets, soulignée par le Conseil d'État.

Sur le fond, la période de repos des jeunes marins est rabotée et l'activité partielle est mal prise en compte dans le calcul du droit à la retraite des marins.

Nous regrettons le passage à un régime déclaratoire pour les activités aériennes.

Certaines dispositions sécuritaires zélées nous paraissent en outre motivées par la volonté de pénaliser les actions citoyennes. Vous n'obtiendrez pas l'adhésion à vos politiques en muselant la parole ! L'article 10, qui ne relève en rien d'une obligation communautaire, a suscité l'opposition légitime des associations de défense de l'environnement, dont Extinction Rébellion et Greenpeace. En première lecture, nous étions les seuls à demander sa suppression.

Sur le détachement et le cabotage, les mesures prises sont beaucoup trop faibles pour permettre un rééquilibrage modal.

Pour toutes ces raisons, nous confirmons notre abstention sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc de la commission) Le groupe UC se félicite de l'accord trouvé sur ce texte d'équilibre. Nous saluons l'expertise complémentaire des trois commissions saisies.

Ce projet de loi transpose douze directives européennes et met notre droit en conformité avec quinze règlements. L'Assemblée nationale a conservé la plupart des apports du Sénat.

À la veille de la présidence française de l'Union européenne, nous avions un devoir d'exemplarité. Lanterne rouge de la transposition il y a vingt ans, la France est devenue championne d'Europe en la matière, mais il faut trouver un équilibre entre sous-transposition et surtransposition, notamment en limitant les habilitations.

Alors que le coût, humain et financier, de la pollution de l'air est établi, je regrette les lacunes de transposition de la directive de 2016 relative à la réduction des émissions nationales. La France a été condamnée en 2019 pour non-respect de cette directive et en août dernier, le Conseil d'État a condamné l'État à une amende de 10 millions d'euros pour son inaction en la matière. Nous devons progresser sur ce point dans les prochains mois.

Sous cette réserve, nous voterons les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc de la commission)

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La crise sanitaire illustre le besoin d'Europe, d'une union solidaire qui tire vers le haut les acquis sociaux. L'Union européenne a bien réagi à la crise, gelant les règles budgétaires et annonçant un plan de relance.

La relance européenne est une chance pour consolider l'Union, sortir plus forts de la pandémie, transformer nos sociétés et répondre aux impératifs environnementaux.

Ce texte marque de réelles avancées en matière d'harmonisation, clé de voûte de la performance.

Dans le domaine des transports, la sécurité du transport de marchandises dangereuses est améliorée, les systèmes de télépéages sont harmonisés.

Sur le plan environnemental, la réglementation sera mieux appliquée en matière d'hydrofluorocarbures, de contrôle des eaux usées ou d'information du public.

La législation sur les minerais de conflits est transposée, le travail détaché des conducteurs routiers est mieux encadré.

Nous déplorons toutefois certains manques, comme l'accès des partenaires sociaux aux données relatives au détachement. Construire une Europe solidaire, socialement inclusive est pourtant nécessaire pour obtenir l'adhésion des citoyens.

Le calendrier prévu pour le calcul de la retraite des marins qui ont été au chômage partiel dès le début de la pandémie ne nous paraît pas juste. Nous aurions voulu que la mesure s'applique au 1er mars 2020. Le Gouvernement aurait pu faire un effort sur ce point.

Dans le domaine aérien, plusieurs amendements du Sénat renforçant les compétences de l'ART n'ont pas été maintenus. Dans ces conditions, l'ART pourra difficilement juger de la pertinence des redevances qui lui sont proposées. Cela pourrait se traduire par des rentes de monopoles... Après le référendum d'initiative populaire, la relance de la privatisation d'ADP serait-elle sur les rails ?

De même, la possibilité pour l'ART de collecter des données économiques a été écartée. Le Gouvernement a mis son véto à tout renforcement significatif de l'ART.

Nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. Pierre Médevielle .  - Le succès de la CMP illustre la capacité des deux chambres à travailler en bonne intelligence. Le groupe Les Indépendants se réjouit de l'accord trouvé en CMP et salue les apports importants issus du Sénat.

En vue de la présidence française de l'Union européenne, nous devions adapter notre droit interne au droit européen, ce qui est une prérogative importante du Parlement. Il faut des priorités claires pour permettre à une Europe souveraine et protectrice de gagner en puissance dans le concert mondial.

L'environnement, en particulier, est un sujet essentiel, tout comme les transports et l'économie, sans oublier l'agriculture, l'alimentation et la politique commerciale.

Il faut trouver le chemin de crête entre sous-transposition et surtransposition -  éviter, aussi, les erreurs de transposition.

Le Brexit n'est pas la seule évolution à prendre en compte. Adapter notre droit, c'est créer des effets positifs pour nos concitoyens.

Nous confirmons notre soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur le banc de la commission ; M. François Patriat applaudit également.)

M. Guillaume Gontard .  - L'accord en CMP, obtenu en vue de la présidence française de l'Union européenne, nous permet de rattraper notre retard de transposition -  sauf en matière de droit de l'environnement, éternelle cinquième roue du carrosse de la transposition. En témoigne le sort de la directive Oiseaux, l'hypocrisie sans limite du président Macron sur les cruelles chasses traditionnelles, au mépris du droit, de l'écologie, et des promesses faites au Congrès de l'UICN... (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Il piétine au passage une récente décision du Conseil d'État qui annulait les autorisations de chasser les alouettes des champs, les vanneaux huppés, et autres espèces menacées.

Mais revenons au texte, dont certaines dispositions sont bienvenues.

Le renforcement des prérogatives de l'ART, la prise en compte du temps de repos des routiers, l'harmonisation des régimes de responsabilité des transporteurs aériens sont autant de bonnes mesures. Nous saluons l'article 12 sur les habitats naturels de la faune et de la flore sauvage. Il était temps car la France avait été mise en demeure par la Commission européenne.

Sur la procédure, notons que l'étude d'impact a été menée très tardivement, ce qui a compliqué le travail du Conseil d'État.

Sur le fond, les mesures sur le repos obligatoire des jeunes marins sont une régression, tout comme l'allègement des informations lors de la création d'instruments financiers.

S'il fallait légiférer sur les minerais de conflit, les avancées sont néanmoins trop timides au vu de la puissance des entreprises visées, soumises uniquement à un devoir de diligence.

La sanction des intrusions sur les pistes est renforcée de manière outrancière -  jusqu'à six mois de prison et 7 500 euros d'amende. C'est une réponse disproportionnée aux actions des manifestants écologistes, alors que le délit d'entrave à la circulation aérienne existe déjà !

Prendre le chemin de la transition écologique serait une bien meilleure idée...

Nous nous abstiendrons pour ne pas faire obstacle aux avancées réelles de ce texte.

Mme Nadège Havet .  - La présidence française de l'Union européenne sera une période clé pour l'avenir du continent. L'objectif d'aucun déficit de transposition est normal. Après avoir été longtemps lanterne rouge, nous sommes aujourd'hui parmi les champions européens en la matière.

Ce texte est utile pour nous mettre en conformité avec le droit européen dans des domaines variés. La CMP a été conclusive, c'est une bonne nouvelle.

Puisse cet état d'esprit constructif irriguer toute notre présidence au premier semestre 2022. Je salue les cinq rapporteurs des deux assemblées.

J'insisterai sur une mesure en particulier : la possibilité pour les collectivités territoriales d'émettre des obligations pour leurs projets de financement participatif. Le financement participatif, s'il est en expansion, reste peu développé par les collectivités, compte tenu des limites réglementaires. Désormais, les collectivités territoriales auront accès, à titre expérimental, aux emprunts obligataires participatifs.

La sécurisation juridique de ce mécanisme était une demande de la Cour des comptes. C'est là une avancée majeure qui permettra de fédérer la population autour de projets locaux d'intérêt général.

M. Guillaume Chevrollier .  - L'examen de ce texte aura été rapide, compte tenu des écueils qui tiennent à sa nature. Nos rapporteurs ont su en identifier les enjeux cardinaux et trouver des réponses appropriées.

S'agissant des intrusions sur les pistes, notre droit sera plus dissuasif ; l'article 10 est conforme à la position du Sénat à cet égard.

L'article 20 marque une avancée sur le repos obligatoire des jeunes marins. Notre commission l'a précisé à l'initiative de Cyril Pellevat, en introduisant un temps de pause -  malencontreusement abrogé par ordonnance en 2010. Nous avons obtenu gain de cause sur ce point aussi.

En ce qui concerne l'ART, note commission s'est montrée favorable à la consolidation de ses compétences, en vue d'une meilleure efficacité.

Nous regrettons que certaines précisions apportées par le Sénat n'aient pas été conservées, par exemple la possibilité pour l'ART de collecter des données économiques et financières ou de rendre un avis sur les projets de textes réglementaires, comme le proposait Didier Mandelli.

La Haute Assemblée a été écoutée, en revanche, sur la possibilité pour l'ART d'effectuer un suivi économique et financier des aérodromes.

Le Sénat était opposé à ce que l'ART soit chargée de l'enregistrement des prestataires du service européen de télépéage, qui ne relève pas de ses missions, mais nous n'avons pas voulu sacrifier l'accord en CMP sur ce point.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Hervé Maurey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le dernier chapitre du projet de loi, qui comportait dix articles, a été délégué à la commission des finances.

À l'initiative du Sénat, ce texte améliore considérablement l'accès des collectivités territoriales au financement participatif, aujourd'hui limité aux services culturels, éducatifs, sociaux ou solidaires. Elles pourront désormais y recourir pour tous projets hormis les missions de police ou de respect de l'ordre public.

Les personnes morales seront par ailleurs en mesure d'accorder des prêts aux collectivités locales, dans la limite d'un prêt par projet de financement participatif.

La CMP est parvenue à un compromis : une expérimentation de trois ans. Je remercie à ce titre la rapporteure de l'Assemblée nationale Aude Bono-Vandorme, pour son ouverture d'esprit.

Des collectivités volontaires pourront se porter candidates auprès des ministères des collectivités locales et des comptes publics. Les critères de sélection tiendront à la nature du projet, à son montant, à son coût de financement et à son impact environnemental. On pourra ainsi mesurer l'intérêt des collectivités pour ce mode de financement et évaluer ses risques, le Gouvernement et les députés ayant quelques craintes à ce sujet.

On voit là tout l'intérêt du travail parlementaire pour enrichir les projets de loi, y compris les plus techniques. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La discussion générale est close.

Le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.