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Table des matières



Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Conforter l'économie du livre (Deuxième lecture)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Mme Céline Boulay-Espéronnier, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Jean-Pierre Decool

Mme Laure Darcos

M. Thomas Dossus

M. Pierre Ouzoulias

M. Pierre-Antoine Levi

M. Bernard Fialaire

Mme Sylvie Robert

Mme Samantha Cazebonne

Bibliothèques et développement de la lecture publique (Deuxième lecture)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Mme Elsa Schalck

Mme Monique de Marco

M. Pierre Ouzoulias

M. Pierre-Antoine Levi

M. Bernard Fialaire

M. David Assouline

Mme Samantha Cazebonne

M. Jean-Pierre Decool

Accélérer l'égalité économique et professionnelle (Deuxième lecture)

Mme Laurence Garnier, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Mme Pascale Gruny

Mme Laurence Cohen

Mme Brigitte Devésa

M. Jean-Claude Requier

Mme Laurence Rossignol

M. Xavier Iacovelli

Mme Colette Mélot

Mme Raymonde Poncet Monge

Commissions (Nominations)

Indemnisation des catastrophes naturelles (Conclusions de la CMP)

Mme Christine Lavarde, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et des petites et moyennes entreprises

M. Gérard Lahellec

M. Pascal Martin

M. Jean-Pierre Corbisez

Mme Isabelle Briquet

M. Didier Rambaud

M. Claude Malhuret

M. Didier Mandelli

M. Ronan Dantec

Responsabilité pénale et sécurité intérieure(Conclusions de la CMP)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 3

ARTICLE 3 BIS A

ARTICLE 3 QUATER

Explications de vote

Mme Nathalie Goulet

M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Pierre Sueur

M. Dany Wattebled

Mme Catherine Di Folco

M. Guy Benarroche

Mme Éliane Assassi

M. Thani Mohamed Soilihi

Ordre du jour du mardi 4 janvier 2022




SÉANCE

du jeudi 16 décembre 2021

37e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan sur les services aériens est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne, est adopté.

Conforter l'économie du livre (Deuxième lecture)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Nous achevons ce matin le processus législatif de cette proposition de loi. Ce n'était pas gagné d'avance, certains acteurs y étant opposés.

Ce texte soutient nos librairies, rétablit une juste concurrence sur le marché du livre, améliore la relation contractuelle entre auteurs et éditeurs et adapte la collecte des oeuvres numériques.

Très attendu, il complète utilement la politique volontariste menée par le Gouvernement depuis 2017 : crédits d'intervention en faveur de la politique du livre et de la lecture ; modernisation des librairies et des bibliothèques grâce aux 53 millions d'euros du plan de relance ; généralisation du dispositif « Jeunes en librairie » ; renforcement des achats publics de livres ; sans oublier le succès formidable du pass Culture, véritable aubaine pour les librairies. La décision du Président de la République de faire de la lecture une grande cause nationale illustre ce soutien.

Il était nécessaire d'adapter notre arsenal législatif, d'où cette proposition de loi de Laure Darcos - dont j'imagine l'émotion ce matin.

Le Gouvernement l'a tout de suite soutenue, pour concrétiser l'engagement pris par le Président de la République le 21 avril dernier à Nevers de retrouver un prix unique du livre.

Un opérateur propose la livraison quasi gratuite des livres : c'est une nouvelle forme de concurrence par les prix qui ne permet plus à la loi sur le prix unique du livre de 1981 de produire son plein effet. L'article premier y remédie. Il améliore également l'information du consommateur et encadre la pratique des soldes.

Le principe d'équité doit présider aux relations entre auteurs et éditeurs. Le texte offre une base législative à l'accord interprofessionnel intervenu entre les représentants des écrivains et le syndicat national de l'édition. L'équilibre et la transparence s'en trouveront améliorés.

Enfin, cette proposition de loi apporte un complément très attendu au cadre légal du dépôt légal des oeuvres à l'ère numérique.

Je souhaite remercier chaleureusement Laure Darcos et Céline Boulay-Espéronnier pour le travail mené ensemble. Bravo pour le consensus obtenu. (Applaudissements)

Mme Céline Boulay-Espéronnier, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - C'est avec une pointe de nostalgie mâtinée du sentiment du devoir accompli que je vous présente pour la dernière fois ce texte. À chacune de ses étapes, j'ai ressenti l'enthousiasme communicatif de Laure Darcos, mais aussi le soutien puissant du monde de l'édition.

Cette proposition de loi, sous des dehors techniques, est une révolution, qui porte la marque du Sénat. Nos concitoyens en ressentiront rapidement les effets.

Conforter l'économie du livre, c'est autoriser les collectivités territoriales à soutenir les librairies, dont la fragilité ne doit pas être sous-estimée.

Renforcer l'équité entre les acteurs supposait de bouleverser le modèle des plateformes, destructeur - j'ose le mot - pour le commerce de proximité. Nous avons eu des échanges constructifs avec la commission des affaires économiques, notamment avec Martine Berthet et la présidente Sophie Primas, et ma position a évolué sur le sujet.

Enfin, la confiance entre les acteurs, expression ajoutée par Laure Darcos en première lecture, rend compte de la troisième partie du texte qui instaure un dialogue plus équilibré entre éditeurs et auteurs.

L'Assemblée nationale a enrichi cette proposition de loi sans revenir sur ses dispositions essentielles. Que sa rapporteure Géraldine Bannier en soit remerciée.

Par notre vote, marquons notre confiance envers l'ensemble des acteurs de la chaîne pour se saisir rapidement de ces dispositions audacieuses et novatrices.

Je vous remercie, madame la ministre, pour votre implication. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Decool .  - Ce texte soutient le réseau fragile des 3 300 librairies indépendantes. Avec leur politique tarifaire agressive, les plateformes de vente en ligne distordent la concurrence. Il en résulte un risque inacceptable d'uniformisation des choix de lecture.

Avec les bibliothèques, les librairies sont les premiers lieux d'accès à la culture et au savoir. Qui n'est pas entré dans une librairie à la recherche d'un ouvrage précis, pour en sortir les bras chargés de livres ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Decool.  - Notre diversité culturelle et la richesse de notre production littéraire dépendent de la préservation de ce réseau.

Ce texte soutient l'ensemble de la chaîne du livre : création, édition, fabrication commercialisation, autant d'étapes qui font intervenir de multiples acteurs.

Merci à l'auteure de ce texte consistant et ambitieux, notre excellente collègue Laure Darcos. Je me réjouis de la position de l'Assemblée nationale et de celle de Mme la ministre. Les convergences de vue ont conduit le Sénat à opter pour la procédure de législation en commission afin de permettre une entrée en vigueur avant la fin de l'année.

Le tarif minimal pour l'expédition des livres est de bon aloi ; le Gouvernement en estimera les effets sous deux ans. Nous serons particulièrement attentifs aux conclusions de ce rapport.

Le soutien aux petites librairies indépendantes par nos collectivités territoriales est attendu tant des libraires que des élus locaux.

Tout éditeur en cessation d'activité devra adresser un état des comptes à tous ses auteurs : une mesure de bon sens que nous soutenons sans réserve. Idem pour la possibilité ouverte aux auteurs de saisir le Médiateur du livre.

Dans nos territoires, nos libraires tissent un précieux maillage culturel et social et assurent un rôle de conseil auquel les Français sont attachés. C'est crucial pour la diversité éditoriale, l'aménagement du territoire et l'animation culturelle.

Cette proposition de loi est un signal positif pour toute la filière. Le groupe INDEP la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Robert applaudit également.) Il y a un an presque jour pour jour, je déposais sur le bureau du Sénat cette proposition de loi qui me tient particulièrement à coeur. Vous comprendrez mon émotion ce matin.

Merci au président Retailleau, ainsi qu'au président Larcher et au président Lafon qui ont accepté qu'elle soit soumise à l'examen du Conseil d'État. Je remercie aussi les rapporteures, Mmes Boulay-Espéronnier, Berthet et Bannier, pour leur regard bienveillant et les améliorations qu'elles ont apportées à mon texte.

Votre rôle a été décisif, madame la ministre. Sans votre soutien, la proposition de loi n'aurait pu être inscrite à l'ordre du jour.

Ce texte est le fruit d'une longue maturation. Il s'est nourri des attentes des professionnels du livre.

Dans le livre, il ne peut y avoir de création sans confiance. Je pense à ce que Voltaire écrivait à Mme du Deffand : « pour faire un bon livre, il faut un temps prodigieux et la patience d'un saint.»

Ma proposition de loi se veut régulatrice et non répressive, car l'économie du livre est fragile. Ce texte la conforte. Notre réseau - 20 000 points de vente, dont 3 300 librairies, qui emploient 15 000 collaborateurs - est unique au monde. Or cet écosystème est menacé par la prédation d'Amazon, qui propose une livraison à un centime d'euro... Aucune librairie n'est en mesure de s'aligner.

Certains ont brandi la menace d'une hausse du prix du livre : c'est impossible depuis la loi Lang de 1981.

L'Assemblée nationale a apporté deux améliorations : la gratuité des frais de port lorsque la livraison se fait en librairie et un point d'étape d'ici deux ans.

La proposition de loi encadre également les pratiques contractuelles dans l'édition littéraire et musicale et prévoit des dispositions plus favorables aux auteurs sur les provisions pour exemplaires invendus, la compensation des droits issus de l'exploitation de plusieurs livres, les conséquences d'une cessation volontaire d'activité et de liquidation judiciaire de l'éditeur, ou encore l'instauration d'un mécanisme de référé judiciaire.

L'adaptation des modalités du dépôt légal numérique permettra d'enrichir notre patrimoine documentaire.

Ce texte trace l'avenir du livre et donc celui de la création, de la diffusion de la culture et de l'accès à la pensée. Ensemble, nous aurons fait oeuvre utile pour lutter contre la dictature de l'algorithme et l'uniformisation des contenus

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme Laure Darcos.  - « La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert », disait Malraux dans son hommage à la Grèce. Donnons à tous les moyens de cette conquête. (Vifs applaudissements)

M. Thomas Dossus .  - Le livre n'est pas un bien de consommation comme les autres. Ce texte actualise la politique du prix unique en tenant compte de l'apparition de géants de l'internet comme Amazon. Je rends hommage à Laure Darcos qui a tenu bon face aux pressions du géant américain, dont elle a fait état en commission.

En 2020, Amazon, c'est 60 millions de tonnes de CO2 émises, 19 % d'émissions de gaz à effet de serre de plus qu'en 2019, un niveau équivalent à celui d'Israël, de l'Autriche ou de la Grèce. Dans un seul entrepôt, la firme peut détruire jusqu'à 6 millions de produits neufs par an. Enfin, 98 % des vendeurs sur Amazon ne sont pas immatriculés à la TVA en France. Voilà la réalité des prix cassés...

Pour un emploi créé par Amazon, précaire et mal rémunéré, 2,2 emplois sont détruits dans le commerce de proximité.

Avec ses livraisons à un centime d'euro, Amazon instaure une distorsion de concurrence qui met à mal le réseau des 4 000 librairies qui maillent notre territoire. L'article premier y remédie en créant un tarif réglementé de livraison. Merci à Laure Darcos pour sa transparence sur la négociation commerciale tentée par Amazon. Nous voterons cet article, nécessaire caillou dans la chaussure du géant.

L'article 2 autorise les collectivités territoriales à soutenir leurs librairies, c'est heureux. Le livre est un secteur essentiel : les libraires ont fait la preuve de leur résilience et les Français leur ont prouvé leur amour. Les pertes du secteur n'ont été finalement « que » de 3 % en 2020, loin des 15 ou 20 % attendus.

Cette proposition de loi fait obstacle à l'appétit sans frein d'une entreprise qui ne respecte rien ni personne, pas même la démocratie parlementaire. (MMBernard Fialaire et Pierre Ouzoulias applaudissent.)

M. Pierre Ouzoulias .  - Madame la ministre de la culture - et des archives (sourires) - ce texte prolonge la loi sur le prix unique du livre, déjà actualisée par celle du 8 juillet 2014 sur l'interdiction de la gratuité des frais de port, hélas rapidement contournée par le géant du secteur. Il aura fallu attendre sept ans pour que le législateur réagisse !

Analysons avec lucidité ce conflit dialectique du sabre et du bouclier : l'objectif idéologique d'Amazon, Goliath de Seattle, est d'abolir le prix unique du livre. L'enjeu de ce texte, c'est donc notre souveraineté nationale face à une entité monopolistique supranationale qui souhaite reléguer l'État à ses seules prérogatives régaliennes. La liberté défendue par Amazon est celle du renard dans le poulailler...

La commission des affaires économiques du Sénat voudrait que les poules aient des dents : selon elle, il faudrait aider les librairies indépendantes à lutter contre Amazon sur son terrain. Je crois avec Mme la ministre, l'auteure de la proposition de loi et la commission de la culture qu'il est préférable d'empêcher Goupil d'occire les pauvres gallinacées... (Marques d'amusement)

Tant que nous n'empêcherons pas Amazon de se soustraire à l'impôt, nous ne pourrons défendre efficacement les libraires indépendantes.

La fixation d'un tarif de port minimal conduirait à l'augmentation du prix du livre et éloignerait les populations rurales de la lecture ? Mais près de 45 % des achats de livres se font en grande surface. L'achat sur Amazon est surtout le fait de catégories aisées et urbaines, comme l'a justement souligné la rapporteure.

La librairie indépendante est un établissement culturel d'intermédiation, complémentaire des bibliothèques dont nous débattrons tout à l'heure grâce à la proposition de loi de Sylvie Robert.

Les collectivités territoriales pourront désormais aider leurs librairies, comme la loi Sueur l'a permis pour les salles de cinéma.

Le Conseil d'État a été judicieusement consulté par le Sénat sur ce texte. Il explique bien les enjeux de défense de la diversité culturelle et de résistance à l'uniformisation. Les libraires jouent un rôle essentiel d'éveil et de conseil à cet égard.

L'objectif est de faire de ces 4 000 librairies un réseau culturel de proximité. À Bourg-la-Reine, le libraire ajoute aux livres qui lui ont plu une petite note manuscrite, un supplément d'âme que tous les algorithmes d''Amazon ne remplaceront jamais.

Votons ce texte qui conforte notre exception culturelle. (Applaudissements)

M. Pierre-Antoine Levi .  - Julien Green disait que le livre est une fenêtre par laquelle on s'évade. C'est aussi une porte par laquelle on fait entrer le savoir. Le livre n'est pas un produit comme les autres, il est le socle de notre civilisation. D'où notre consensus, dont le groupe UC se félicite. L'Assemblée nationale n'a apporté à notre texte que de menues modifications.

L'interdiction de la gratuité de la livraison contrera la concurrence déloyale d'Amazon. Les plateformes sont des acteurs importants, inhérents à la modernité, et ce texte n'est pas une loi anti Amazon. Il s'agit de rétablir les conditions de la concurrence, dans la droite ligne des lois de 2011 sur le prix du livre numérique et de 2014 sur l'interdiction des rabais pour les livres vendus à distance.

Le rééquilibrage des relations entre auteurs et éditeurs est également à saluer. La possibilité de saisine du Médiateur du livre apaisera les conflits.

La disposition qui me tient le plus à coeur est la possibilité pour les collectivités territoriales de subventionner les librairies indépendantes. Les élus locaux le savent : dans un bourg, lorsque la librairie ferme, c'est une part essentielle de la vitalité locale qui s'en va. C'était déjà possible pour les théâtres et, grâce à la loi Sueur, pour les cinémas de quartier.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Pierre-Antoine Levi. - Je félicite notre collègue Darcos pour sa détermination. La rapporteure et le président de la commission ont permis à ce texte d'aboutir rapidement. Le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement a été fécond. (Applaudissements)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.  - . Très juste!

M. Bernard Fialaire .  - En 1872, dans La réforme intellectuelle et morale, Renan écrivait : « il faut rappeler l'idée tenant à ce qu'il y a de profond dans l'esprit français, que les sciences, les lettres et les arts sont une chose d'État, une chose que chaque Nation produit en son corps, que la patrie est chargée de provoquer, d'encourager et de récompenser. » C'est la singularité française de faire des livres une exception, exonérée de la loi du marché.

Libres sont ceux qui s'émancipent par le savoir que renferment les livres, égaux sont ceux qui, par le même instrument, accèdent à la même connaissance, et fraternels deviennent ceux qui ont dans leur poche une fenêtre sur le monde, fenêtre sur l'autre qui n'est plus alors un inconnu !

M. Pierre Ouzoulias.  - Bravo !

M. Bernard Fialaire.  - Depuis quarante ans, l'État soutient le secteur à travers le prix unique et l'interdiction des rabais de plus de 5 %. La révolution numérique a bouleversé ce modèle. L'économie du livre demeure fragile malgré le regain d'intérêt pour la lecture. La rentabilité nette des librairies est l'une des plus faibles du secteur commercial.

Interdire la gratuité de la livraison était indispensable pour enrayer la concurrence déloyale, qui a un coût social et environnemental insoutenable.

Les 4 000 librairies indépendantes de nos territoires voient leur part de marché décroître depuis le milieu des années 2000. Les collectivités territoriales pourront les subventionner et le pass Culture constitue un coup de pouce utile.

En consacrant l'accord intervenu entre auteurs et éditeurs, ce texte rééquilibre leurs relations : la compensation intertitres est interdite, les provisions pour invendus sont régulées. Le constat de la précarisation des auteurs, dont seuls 8 % perçoivent plus que le SMIC, nous obligeait à agir pour préserver le paysage culturel français. La saisine du Médiateur du livre est étendue aux auteurs, c'est heureux.

Enfin, la modernisation du dépôt légal - créé en 1537 ! - est essentielle pour que vive notre mémoire collective.

Ce texte répondait à un besoin profond. Je remercie Mme Darcos d'en avoir été à l'initiative. Le RDSE le votera. (Applaudissements)

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissement sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi portée avec énergie par Mme Darcos a fait l'objet d'un consensus des deux chambres qui témoigne de l'importance du livre pour la protection de la diversité culturelle. Elle a fait l'objet d'un travail en amont avec les professionnels et s'inscrit dans la lignée des textes fondateurs de protection de la diversité culturelle.

Les pratiques des plateformes, qui ajoutent à la remise autorisée la gratuité de la livraison, menacent notre réseau de librairies.

Le Sénat a souvent été moteur en matière de régulation des plateformes numériques, comme lors de la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse.

Grâce au rapport d'évaluation prévu par l'Assemblée nationale, nous pourrons nous assurer que les plateformes ne contournent pas le texte.

La réduction des livraisons est aussi une bonne nouvelle pour l'environnement.

Le Sénat ne peut que souscrire à l'autorisation donnée aux collectivités territoriales de subventionner les librairies. Ce sera un levier pour dynamiser nos centres-bourgs et centres-villes, en écho à la loi Sueur de 1992 pour les cinémas de proximité. Les librairies sont des commerces structurants auxquels les Français sont profondément attachés, la pandémie l'a bien montré. Le numérique n'a pas été l'alpha et l'oméga de la consommation culturelle pendant cette période. Le désir de lecture reste vivace.

Nous devons continuer à avancer sur la protection des artistes auteurs en nous interrogeant notamment sur les carences du modèle de rémunération, le non-respect de leurs droits par les plateformes et la captation par les intermédiaires numériques d'une part excessive de la valeur créée.

Le groupe SER votera cette proposition de loi. À titre personnel, je félicite et remercie Mme Darcos pour cet excellent texte. (Applaudissements)

Mme Samantha Cazebonne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La crise sanitaire a révélé l'extraordinaire attachement des Français aux librairies indépendantes. Mieux que les cinémas et le spectacle vivant, elles ont résisté, sans doute parce qu'elles matérialisent l'identité profondément littéraire de notre pays. D'où le consensus politique autour de ce texte. Cette forme d'union sacrée autour du livre est une bonne nouvelle. Elle nous a permis de recourir à la procédure de législation en commission et à la procédure accélérée pour aboutir plus rapidement.

L'instauration d'un tarif d'expédition minimal rééquilibrera la concurrence, alors que certains acteurs profitent de leur position dominante pour asseoir leur hégémonie. Ils ne pourront plus contourner la loi de 2014 en proposant une livraison à un centime.

Les élus locaux étaient demandeurs de pouvoir subventionner les librairies indépendantes afin d'assurer la diversité culturelle et l'égalité d'accès à la culture.

La protection des auteurs est améliorée en cas de cessation d'activité des maisons d'édition.

Le tarif minimal de livraison s'inscrit dans l'esprit de la loi sur le prix unique du livre : il est plus que jamais nécessaire de le défendre.

Le RDPI votera cette proposition de loi et félicite Mme Darcos. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Laure Darcos et M. Laurent Lafon, président de la commission, applaudissent également.)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°67 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 342
Contre...     0

Le Sénat a adopté.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements prolongés)

Bibliothèques et développement de la lecture publique (Deuxième lecture)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous arrivons au terme du processus législatif sur la proposition de loi sur les bibliothèques et le développement de la lecture publique : c'est un bonheur. Je salue l'engagement de long terme de Mme Robert sur ce sujet crucial.

Nos 16 500 bibliothèques sont le premier équipement culturel de proximité. Elles touchent un public très large de douze millions d'usagers. Ce sont des lieux où l'on s'instruit, on s'informe, on dialogue : des lieux de culture à part entière.

Le Président de la République avait fait de leur soutien un axe fort de son programme et ce quinquennat aura permis des avancées majeures en leur faveur. Dans le prolongement du rapport de 2018 d'Erik Orsenna et Noël Corbin, l'État et les collectivités territoriales ont renforcé leur collaboration pour étendre les horaires d'ouverture, diversifier leurs missions et renforcer la formation de leurs personnels, dans le cadre d'un plan pour les bibliothèques.

Les crédits de la dotation globale de décentralisation et du plan de relance, associés à une politique de contractualisation renforcée, ont fait naître une vraie dynamique.

Et les résultats sont là : plus de 500 projets ont été soutenus depuis 2016 ; les bibliothèques ouvrent huit heures trente de plus par semaine par rapport à 2016.

Cette proposition de loi consacre leur rôle essentiel dans le code du patrimoine. Leurs missions s'inscrivent dans le respect des principes de pluralisme des courants d'opinion et de neutralité du service public. Ce sont des lieux de respiration démocratique qu'il faut préserver de la censure et des pressions idéologiques ou religieuses.

Leur accès doit rester libre et gratuit : il était également important d'entériner ce principe.

La loi accompagne en outre la montée en puissance des collaborations entre collectivités territoriales, tout en respectant leur libre administration et en réaffirmant le rôle des bibliothèques départementales.

L'Assemblée nationale a enrichi le texte sur la revente de livres à des entreprises de l'économie sociale et solidaire, l'interdiction aux départements qui ont bénéficié du transfert d'une bibliothèque centrale de prêt de supprimer leur bibliothèque départementale ou l'accessibilité aux personnes handicapées.

Madame Robert, j'ai toujours exprimé le soutien sans faille du Gouvernement à ce texte attendu et qui rassemble toutes les travées. Mon but est de rassembler et se rassembler pour faire vivre la culture. C'est chose faite : les bibliothèques vous remercient, madame la sénatrice ! (Applaudissements)

Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - . (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous complétons le diptyque littéraire de ce matin, après l'adoption de la proposition de loi de Laure Darcos.

Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité en première lecture, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, puis de nouveau dans le cadre de la procédure de législation en commission le 23 novembre. Je suis, moi aussi, émue de voir cette aventure arriver à son terme. C'est une preuve d'amour pour les professionnels des bibliothèques et une reconnaissance pour le premier équipement culturel de notre pays, fort de 16 500 implantations.

Merci au président Kanner, au président Lafon, mais aussi à la rapporteure de l'Assemblée nationale, Florence Provendier.

Les bibliothèques disposent enfin d'un statut de référence. Cette proposition de loi est le premier grand texte sur le fonctionnement mais aussi sur les valeurs des bibliothèques. Il est étonnant que ces premiers établissements culturels n'aient fait l'objet jusqu'à présent que de quelques dispositions éparses.

Ce texte s'adresse aussi à l'ensemble des élus locaux. Je suis fière de voir aboutir un combat qui me tenait à coeur en faveur des bibliothèques départementales. Les départements ne pourront plus cesser d'entretenir et de financer les bibliothèques dont ils ont la charge.

Je souhaite une promulgation rapide de ce texte, après une adoption que j'espère unanime.

Merci, madame la ministre pour votre soutien indéfectible. (Applaudissements)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette seconde lecture est une nouvelle occasion de saluer l'engagement de Sylvie Robert et de souligner l'importance de la lecture publique. Il n'y avait jamais eu de loi-cadre sur les bibliothèques. C'est une première.

La richesse des livres est inestimable et je salue le vote unanime de la proposition de loi de Laure Darcos.

Lieux de savoir, de partage, de liberté, de créativité et d'émancipation, les bibliothèques sont utiles à tous - 76 % des Français le reconnaissent.

Il fallait leur donner un cadre législatif précis, s'appuyant sur la liberté d'accès, la gratuité de la consultation, le pluralisme des collections. Cette loi reconnaît le travail de l'ensemble des personnes, professionnels et bénévoles, qui s'en occupent et les protègent.

L'Assemblée nationale a complété la liste des missions des bibliothèques territoriales : réduction de l'illettrisme, mais aussi promotion du patrimoine linguistique. Les bibliothèques sont protéiformes et offrent des services à toute la population. Elles ont su se transformer. Lieux d'étude, elles ont aussi une vocation sociale et permettent la rencontre de toutes les générations et milieux sociaux.

Pas moins de 70 % des communes de plus de 2 000 habitants ont une bibliothèque. Souvent seul équipement culturel de la commune, les bibliothèques sont précieuses aux yeux des usagers.

Sénatrice du Bas-Rhin, je veux citer la bibliothèque d'Alsace, forte de 700 000 ouvrages, 288 bibliothèques et 300 bénévoles.

La commission a enrichi le texte en donnant aux bibliothèques de l'État et aux collectivités territoriales la possibilité de revendre des livres et en interdisant aux départements de céder ou fermer les bibliothèques dont ils ont la charge.

Je me réjouis de cet aboutissement. Merci encore à Sylvie Robert pour ce texte que le groupe Les Républicains votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission)

Mme Monique de Marco .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Quel plaisir de terminer 2021 avec ces deux textes sur la lecture, indispensable non seulement à l'acquisition des savoirs, mais aussi à l'ouverture sur le monde dont nous avons tant besoin. Merci à Mmes Darcos et Robert pour leurs initiatives.

J'espère une large unanimité pour cette proposition de loi très attendue par la profession. Les bibliothèques se sont renouvelées et jouent un rôle social important.

La décentralisation a développé le réseau de lecture public, mais le cadre juridique était insuffisant. Le présent texte comble cette lacune en posant trois principes : liberté d'accès, gratuité et pluralisme des collections.

Nous espérons qu'il participera au développement de la culture.

Je regrette toutefois que le Gouvernement ait rendu le passe sanitaire obligatoire dans les bibliothèques pour les jeunes de 12 à 17 ans, alors qu'il n'est pas demandé à l'école. Cela risque d'aggraver les inégalités d'accès à la culture.

L'Assemblée nationale a apporté des améliorations, sur le patrimoine linguistique ou l'accès des personnes en situation de handicap.

Je suis heureuse que les députés aient amendé l'article 2 dans le sens proposé  par le GEST : les bibliothèques peuvent donner des livres non seulement aux associations, mais aussi aux fondations et aux entreprises de l'économie sociale et solidaire. Ces dons sont déjà importants pour tout un secteur.

C'est avec enthousiasme que le GEST votera ce texte qui ouvre la voie à une bibliothèque inclusive. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre Ouzoulias .  - Madame la ministre de la Culture... et des archives (sourires), ce texte fonde la reconnaissance législative de la bibliothèque comme institution du service public de la culture, non seulement pour la promotion du livre mais aussi comme relais territorial de l'action culturelle.

« Des lieux du livre, mais aussi, et tellement, des lieux du vivre », disaient Erik Orsenna et Noël Corbin dans leur rapport de 2018.

Sylvie Robert, auteure et rapporteure de la proposition de loi, dont je salue le travail fulgurant, fait sienne cette définition : « garantir l'égal accès de tous à la culture, à l'information, à l'éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ». Vaste programme, aurait dit un certain général. Les bibliothèques se verront peut-être confier certaines missions que son ministre de la Culture, André Malraux, entendait confier aux maisons de la culture.

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - Ce n'est pas faux.

M. Pierre Ouzoulias.  - Toute forme de censure est proscrite. La pérennité des bibliothèques est assurée, indépendamment de l'évolution des techniques, selon le principe de mutabilité du service public.

Cette reconnaissance législative profite aussi aux personnels. Des adaptations de leur cadre seront nécessaires. Les bibliothécaires rejoignent les hussards noirs de la République pour « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui vient de la naissance, l'inégalité d'éducation », ainsi que le proclamait Jules Ferry en 1870.

Face à l'impérialisme abêtissant des plateformes, réjouissons-nous de la grande santé des bibliothèques, souvent victimes de leur succès. Nous avons constaté combien la crise sanitaire avait renforcé leur capacité à offrir un espace de socialité. C'est un service public du vivre-ensemble.

Aux collectivités de développer toutes leurs missions, à l'État de les aider dans leur mutation. Ses responsabilités sont encore bien plus grandes pour les bibliothèques scolaires et universitaires, objets d'un rapport accablant de la Cour des comptes. Les collectivités ne pourront plus longtemps accueillir les étudiants qui ont renoncé à se rendre dans la bibliothèque de leur université...

En attendant ce nouveau chantier, nous voterons ce texte sans réserve. (Applaudissements)

M. Pierre-Antoine Levi .  - Nous avons parfois besoin que les choses nous manquent pour en mesurer la valeur. Les Français ont ressenti le manque de culture pendant la crise sanitaire, celui des théâtres, des cinémas, mais aussi des bibliothèques. Celles-ci seront bientôt dotées d'une de loi-cadre. J'en remercie Sylvie Robert, le président Lafon et Mme la ministre.

Rurales ou urbaines, populaires ou bobos, les bibliothèques se fondent dans tous les territoires, les irriguant de culture.

Leurs principes fondamentaux sont désormais gravés dans le marbre, à commencer par l'accès libre et la gratuité. Sans doute est-il plus sûr de l'écrire noir sur blanc...

J'approuve aussi la proclamation de la diversité. Peut-être éviterons-nous les autodafés idéologiques comme ceux qui se sont récemment produits au Canada : des milliers de livres éliminés, notamment des Tintin et Astérix ! Je m'interroge toutefois sur l'article 7 qui pourrait faire entrer l'idéologie dans un domaine qui devrait en être exempt.

L'article 8 offre une belle reconnaissance aux bibliothécaires. Ce métier ne s'invente pas. Pour toutes les missions de la bibliothèque, il faut un chef d'orchestre. Alors que le livre ne fait plus toujours recette chez les jeunes, il est d'autant plus important de mener ce travail d'éducation, d'information contre les fake news.

C'est avec enthousiasme et conviction que le groupe UC votera ce texte. La lecture est un formidable outil d'émancipation pour tous. (Applaudissements)

M. Bernard Fialaire .  - Le RDSE se réjouit du consensus sur ce texte, qui témoigne de l'intérêt que nous portons à nos bibliothèques.

Celles-ci prennent peu de place dans notre corpus législatif, malgré leur rôle fondamental sur nos territoires. Cette proposition de loi y remédie. Grâce à Sylvie Robert, le code du patrimoine se voit enrichi d'une définition des missions des bibliothèques, qui dépassent depuis longtemps la seule conservation des livres.

« La marée montante des écrits mais aussi la richesse des archives orales, le bouleversement et l'interdépendance des techniques de communication et d'information, la multiplication des supports que l'on dit éphémères parce qu'ils n'ont plus la pérennité du papier, tout cela oblige à redéfinir les perspectives et les moyens d'une mémoire organisée pour la postérité. » C'est ainsi que François Mitterrand définissait, en 1988, les nouvelles missions des bibliothèques.

Les collectivités territoriales s'emploient, comme l'État, à développer les bibliothèques. Cet effort doit être poursuivi, comme l'a préconisé le rapport Orsenna-Corbin.

Je profite de ce débat pour saluer le travail de notre ancien collègue Raymond Vall sur l'illectronisme. Certains n'osent pas se rendre dans les bibliothèques, ce qui atténue la portée de l'égal accès de tous à la culture. L'article premier et l'article 2 le montrent, les bibliothèques ont une mission humaniste au service de l'inclusion sociale et de l'accès au savoir. Les collectivités territoriales l'ont bien compris lorsqu'elles déploient leurs nombreuses initiatives sur la lecture publique.

Les articles 9 et 9 A participeront au développement du maillage fin de l'offre culturelle.

Les bibliothécaires ne doivent pas être oubliés. Songeons à Marcel Proust à la Mazarine, ou à Anatole France et Leconte de Lisle ici même, au Sénat. Les milliers de bibliothécaires anonymes méritent toute notre attention.

Il était temps de consacrer dans la loi les bibliothèques, lieux de savoir, de travail, de rencontres intergénérationnelles. Le RDSE se réjouit de cette matinée consacrée au livre, principale porte d'entrée dans la culture. (Applaudissements)

M. David Assouline .  - C'est un bonheur d'aborder ce sujet, qui est au coeur des réponses à apporter aux crises que notre pays traverse.

La culture est un rempart contre tous les délires de ceux qui fracturent notre pays, misant sur la bêtise et le manichéisme. Les fascistes commencent toujours par brûler des livres. (Mme la ministre le confirme.) Je me souviens qu'une des mesures prises par un certain parti politique dans des communes qu'il venait de conquérir fut de censurer des livres dans les bibliothèques...

Alors que la mode est à la dérégulation, c'est une fierté qu'à rebours de cette tendance, nous votions une loi-cadre dont l'absence était étonnante au pays de Voltaire, de Zola et de tant d'autres.

Quelque 16 000 bibliothèques maillent tout notre territoire. La crise sanitaire a montré qu'elles étaient irremplaçables. Je pense notamment à ceux qui sont six, sept ou huit dans de petits appartements, sans espace pour étudier, s'évader, être accompagné.

Cette loi sanctuarise les bibliothèques et le développement de pratiques qui doivent absolument rester gratuites.

Le pluralisme est inscrit dans la loi. C'est essentiel, car il ne va plus de soi.

La revalorisation des agents est bienvenue. N'oublions pas qu'à chaque fois que la République est présente, ce sont des agents qui l'incarnent au quotidien. Nous devons les défendre et les préserver.

Je conclurai en rendant hommage à Sylvie Robert qui s'est battue inlassablement pour que cette loi aboutisse. C'est un honneur pour mon groupe de la compter dans ses rangs. (Applaudissements)

M. Pierre Ouzoulias.  - Sylvie présidente !

Mme Samantha Cazebonne .  - On recense plus de 16 000 bibliothèques pour 12 millions d'usagers, un nombre que la crise sanitaire n'a pas empêché de croître, puisqu'ils étaient 250 000 de plus en 2020 par rapport à 2019.

Le rapport Orsenna-Corbin a révélé que si 40 % des Français se rendent en bibliothèque au moins une fois par an, la moitié d'entre eux n'y empruntent jamais de livres. Les bibliothèques publiques deviennent des tiers lieux où l'on se rend pour profiter du wifi ou écouter des lectures.

L'absence de loi-cadre posait problème. Le rôle de chaque acteur devait être clarifié. Sur cette base, demain, d'autres questions pourront être examinées, comme une inscription parmi les compétences obligatoires des départements.

Le consensus autour de cette proposition de loi montre combien le livre est capable de rassembler. Notre groupe votera naturellement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. le président de la commission applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool .  - Je salue le travail et la ténacité de Sylvie Robert.

Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat en première lecture, renforce notre politique de lecture publique et dote les bibliothèques d'un cadre juridique à part entière, inscrit dans le code du patrimoine. L'article premier donne ainsi une définition claire des bibliothèques.

Relais de culture et de lien social, les 16 500 bibliothèques accueillent 27 millions de lecteurs très divers.

La liberté d'accès est consacrée. Cela ne fait pas obstacle aux jauges de fréquentation en temps d'épidémie. Le principe de gratuité de la consultation étant posé, les abonnements payants sont possibles pour les emprunts.

Les bibliothèques contribuent à lutter contre l'illettrisme, qui touche encore deux millions de Français, et l'illectronisme, qui affecte 20 % de la population. Elles animent la vie locale, et je salue les agents et les bénévoles qui les font vivre.

Lieux de culture, les bibliothèques sont aussi des lieux d'intégration et de lien social - je pense aux partenariats avec le monde pénitentiaire ou la protection judiciaire de la jeunesse.

Ce sont aussi des espaces de transmission intergénérationnelle, propices aux partenariats entre écoles et associations de retraités.

Les travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat ont sécurisé et précisé ces dispositions. Le cadre proposé reste souple, adapté aux réalités locales et facile à appliquer. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements)

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - Je n'ai pas un mot à ajouter ou à retrancher aux propos qui ont été tenus sur les deux textes que nous venons d'examiner, qui traduisent notre attachement unanime au livre.

La commission de la culture est fière que ces deux textes soient nés en son sein, illustrant la qualité d'un travail parlementaire qui associe les professionnels en amont et est marqué par le souci de rassembler le plus grand nombre.

Je me réjouis de cette belle unanimité.

Notre reconnaissance va aux deux auteurs des textes, Mmes Darcos et Robert, dont nous connaissons la qualité du travail comme la détermination. La culture est une affaire de convictions, elles l'ont bien montré.

Nous remercions la ministre de la culture... et des archives (sourires), sans laquelle l'aboutissement de ces deux textes n'aurait pas été aussi rapide. (Applaudissements)

À la demande du groupe SER, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°68 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 342
Contre     0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements)

La séance, suspendue à 12 h 20, reprend à 12 h 25.

Accélérer l'égalité économique et professionnelle (Deuxième lecture)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle.

Mme Laurence Garnier, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La commission mixte paritaire du 7 décembre est parvenue à un accord, fruit d'échanges nourris et constructifs avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, auteure du texte, dont je salue la conviction et le pragmatisme.

Le résultat répond globalement aux attentes de notre assemblée.

Ce texte ambitieux vise un partage équilibré des responsabilités au sein des entreprises à l'horizon 2030.

Restait à s'entendre sur le périmètre des quotas. La CMP a choisi la voie la plus ambitieuse en posant des exigences distinctes, à la fois pour les cadres dirigeants et pour les membres des instances dirigeantes, et en prévoyant une appréciation au niveau de chaque entreprise de plus de mille salariés plutôt qu'au niveau du groupe.

Sur la publicité des écarts de représentation, la CMP a retenu une position intermédiaire : cette publicité interviendra deux ans après la promulgation de la loi.

S'agissant de l'entrepreneuriat des femmes, notre objectif a été retenu : 40 % de chaque sexe d'ici 2027 au sein des comités d'investissement de Bpifrance. Et les aides seront conditionnées à la publication de l'index par les entreprises. Bpifrance publiera les données sur l'accès des femmes aux prêts.

Les sociétés de gestion de portefeuille devront atteindre un objectif de représentation équilibrée dans les comités d'investissement.

En revanche, il n'a pas été possible de retenir des mesures comme la limitation du mandat d'administrateurs, qui aurait constitué une ingérence dans la gouvernance des sociétés.

La conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle est fondamentale. La CMP a considéré qu'il n'était pas forcément dans l'intérêt des femmes de figer les règles dans la loi en ce qui concerne le télétravail des femmes enceintes.

Nos deux assemblées avaient adopté les mesures relatives au monde éducatif. Des apports du Sénat, la CMP n'a conservé que la prise en compte de l'égalité par la commission des titres d'ingénieurs.

Enfin, les articles insérés en séance sur la fonction publique n'ont pas été retenus : il faudrait auparavant consulter les collectivités territoriales et évaluer les dispositions récentes.

Dans ce texte recentré sur ses principaux objectifs et ses mesures les plus opérationnelles, les avancées sont réelles. Je vous invite donc à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Je me réjouis d'évoquer devant vous une proposition de loi qui, une fois gravée dans le marbre de la loi, laissera une empreinte indélébile.

Au pays de l'égalité, il est insupportable que les femmes, la moitié de l'humanité, restent victimes de discriminations, de violences, de préjugés qui les empêchent de s'élever.

Nous, politiques, devons faire de l'égalité professionnelle une réalité concrète. En 1983, Yvette Roudy a fait voter la première loi sur le sujet ; il y a dix ans, la loi Copé-Zimmermann a suscité une spectaculaire féminisation des conseils d'administration : de 10 % en 2009 à 45 % de femmes aujourd'hui. La France est en tête en Europe, et au deuxième rang mondial après l'Islande.

Mais ces progrès spectaculaires ne doivent pas nous éblouir. Les enjeux restent importants. L'effet ricochet n'a pas eu lieu. Le plafond de verre entre les instances dirigeantes et les conseils d'administration demeure étanche ; les écarts de rémunération persistent, quarante ans après la loi Roudy. Nous devons y remédier sur toute la chaîne managériale.

Cette proposition de loi s'y emploie. Elle s'est enrichie, passant de 9 à 15 articles. Les consultations constructives entre les rapporteures ainsi que le travail en CMP ont permis de s'accorder sur un texte équilibré, réaliste mais exigeant.

L'article 7, le plus discuté, impose aux entreprises de plus de mille salariés de publier l'écart de représentation entre hommes et femmes parmi les cadres dirigeants. C'est une avancée significative. La transparence peut vraiment faire bouger les lignes. Les quotas s'appliquent aux cadres dirigeants comme aux membres des instances, avec une proportion minimale à 30 % en 2027 et 40 % en 2030 pour chaque sexe.

Nous traitons également à la racine les sources de l'inégalité avant même l'entrée dans le monde professionnel, en exigeant la publication de statistiques sur l'égalité dans l'enseignement supérieur ou en veillant à la participation des femmes aux jurys de concours.

Je sais que l'obstacle majeur à la progression des carrières des mères est l'absence d'un mode de garde pour les enfants. L'article 4 réserve des places en crèche aux familles monoparentales. L'article 3 améliore l'accès à la formation professionnelle pour accompagner les nouvelles mères à se réinsérer dans l'emploi.

La lutte contre les violences économiques subies par les femmes au sein du couple est également importante. L'obligation de verser les salaires et aides sociales sur le compte du titulaire des droits aura un impact concret.

J'attache beaucoup d'importance à l'entrepreneuriat des femmes. Celles-ci méritent toute leur place dans la relance économique du pays. Celles qui veulent entreprendre ne doivent pas être victimes de préjugés d'un autre temps. Or les femmes entrepreneures ont 30 % de chances de moins que les hommes d'obtenir un financement...

L'objectif de mixité s'inscrira dans la politique de Bpifrance, dans le soutien à la création et au développement d'entreprise. Les comités d'évaluation des projets seront féminisés. L'éga-conditionnalité est également introduite dans les prêts de Bpifrance.

Il est des combats qui rehaussent une Nation et doivent être un horizon... Celui pour l'égalité économique et professionnelle entre les hommes et les femmes est de ceux-là. L'égalité, ce n'est pas une faveur, une charité ; c'est la réparation d'une injustice intolérable.

Il n'y a plus ni excuse, ni prétexte. Les nouvelles générations sont tout à fait sensibles à ces questions.

Ce texte est un grand texte pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Il sera une source d'inspiration pour de nombreux autres pays. L'égalité est une passion française, et notre pays peut en être fier. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Mme Pascale Gruny .  - La CMP est parvenue sans difficulté à un accord. Ce texte marque une nouvelle étape vers l'égalité des femmes et des hommes, grâce à des mesures concrètes.

Assurant la protection de la femme au sein du couple, elle prévoit le versement des aides et revenus sur le compte de la titulaire des droits et facilite le retour à l'emploi des jeunes mères.

Elle instaure divers quotas pour plus de femmes dans les jurys d'admission aux établissements d'enseignement supérieur, comme dans les instances dirigeantes des grandes entreprises, dix ans après la loi Copé-Zimmermann.

Ce texte vise plusieurs enjeux décisifs dans la vie des femmes. La CMP a conservé de nombreux accords du Sénat. Je félicite Laurence Garnier pour son sens de l'écoute et du dialogue, dans ce premier exercice très réussi de rapporteure.

Comme nous l'avions souhaité, c'est au niveau de l'entreprise et non du groupe que l'obligation de transparence sera appliquée.

Le réalisme a guidé nos choix, comme le fait de confier à la négociation collective le soin de déterminer les modalités du télétravail des femmes enceintes.

Le choix de recruter une femme doit se fonder sur ses compétences et non sur un quota. N'imposons pas aux entreprises des règles trop lourdes dans un environnement déjà très administré.

Les femmes entrepreneures de Boulogne-sur-Mer que j'avais rencontrées m'avaient dit : les femmes auxquelles on propose des responsabilités doutent toujours d'être à la hauteur ; les hommes se posent rarement la question...

J'ai trois filles et je leur répète : quand on veut, on peut ! Au surplus, messieurs, n'oubliez pas que, sans mère, vous ne seriez pas ici... (Sourires ; applaudissements à droite et sur les travées du groupe INDEP)

Mme Laurence Cohen .  - Déclarée grande cause du quinquennat, l'égalité entre les femmes et les hommes concerne toute la société, y compris le monde des entreprises.

Cette proposition de loi LREM ouvrait des perspectives pour l'égalité salariale, mais son titre est trompeur. Elle se contente en réalité de fixer des quotas de femmes dans les instances dirigeantes des grandes entreprises. En cas de non-respect, les sanctions ne sont pas automatiques et n'interviendront qu'après un délai... Comme si les femmes n'avaient pas déjà assez attendu !

Les entreprises de moins de dix salariés représentent 96 % du nombre total ; celles de plus de mille salariés, moins de 1 %.

Il y a dix ans, la loi Copé-Zimmermann a permis une première avancée. Cette proposition de loi est une nouvelle étape. Mais l'observatoire de la féminisation des entreprises dénombre douze femmes présidentes de directoire sur les 120 entreprises des bourses françaises.

Les préjugés de genre restent une réalité.

Seuls 31 % des hauts cadres de la fonction publique sont des femmes. Mais le texte reste muet sur ce point, sauf pour demander un rapport du Gouvernement.

Autre déception, l'index sur l'égalité est flou, peu contraignant. Toutes les entreprises obtiendront de bonnes notes !

Je regrette la rédaction retenue sur le télétravail des femmes enceintes. Il fallait inscrire ce principe dans la loi, pour éviter des déplacements épuisants.

Pour nous, l'égalité professionnelle va bien plus loin. Il faut lutter contre la précarité, les contrats courts et les stéréotypes. Avec la suppression - par ce gouvernement - du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les représentants du personnel ne disposent plus des outils pour mesurer les inégalités. Ce fut une grave erreur.

Ce texte est un tout petit pas, principalement au profit des classes très favorisées - à l'image de ce quinquennat...

Pourtant la crise a entraîné un recul dans la lutte pour l'égalité femme-homme. En un an de pandémie, on a perdu trente ans, surtout pour les premières de corvée, toujours les plus exposées.

Le groupe CRCE s'abstiendra.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Mme Brigitte Devésa .  - L'Assemblée nationale a pris en compte les positions du Sénat. Nous nous en réjouissons, comme à chaque accord en CMP. Je salue les rapporteures de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que mes collègues Olivier Henno et Annick Billon, présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes.

L'accord en CMP permettra d'endiguer les déséquilibres injustes et infondés dans les carrières des femmes et des hommes. Il est regrettable que dix ans après la loi Copé-Zimmermann, il faille de nouvelles béquilles législatives.

Cette proposition de loi comporte des mesures réellement contraignantes. D'ici 2027, les entreprises devront respecter une proportion minimale de 30 %, on l'a dit. Commencer par les cadres dirigeants, ce n'est pas croire au ruissellement, c'est s'attaquer courageusement au plus difficile, en estimant que cela apportera une parité dans toute l'entreprise : qui peut le plus peut le moins.

La proposition de Laurence Garnier de publier les écarts sur le site du ministère du Travail ne s'appliquera que dans deux ans. Il ne s'agit pas de s'immiscer dans la vie des entreprises mais de s'assurer que les principes républicains d'égalité et de méritocratie s'y appliquent.

Faciliter l'entrée en crèche des enfants de familles monoparentales est une nécessité, pour la mère et pour l'enfant. Et les entreprises devront rédiger une charte ou trouver un accord pour que les femmes enceintes puissent télétravailler.

Le groupe UC votera ce texte. (Mme la rapporteure applaudit.)

M. Jean-Claude Requier .  - Tout au long du XXe siècle, les femmes se sont battues pour leur place dans la société. Sous l'impulsion des mouvements féministes, des progrès ont été réalisés. En 1983, Yvette Roudy faisait adopter la première loi pour corriger les inégalités dans le milieu professionnel.

Mais, comme le disait Édouard Herriot, il est plus facile de proclamer l'égalité que de la réaliser... Les femmes occupent plus souvent que les hommes des emplois à temps partiel. À poste égal, elles sont moins payées. Et elles se heurtent encore trop souvent au fameux plafond de verre.

Les femmes, occupant plus souvent des emplois précaires, ont aussi été plus fortement touchées par les conséquences de la pandémie.

Les chiffres de vos services rappellent combien les inégalités subsistent à tous les étages de la société.

Ce texte poursuit l'un des objectifs les plus nobles qui soient. Les travaux des deux chambres l'ont enrichi. Je me réjouis en particulier de l'article 3 sur l'insertion ou la réinsertion des femmes à l'issue de leur maternité. Mais aussi de l'article 4 : faire garder son enfant peut souvent être un parcours du combattant.

L'article 7 est emblématique ; il permettra, je l'espère, de briser le plafond de verre qui empêche des femmes brillantes d'accéder aux plus hautes responsabilités.

Les mesures de soutien à l'entrepreneuriat féminin sont aussi à saluer de même que les objectifs de mixité dans la politique de soutien.

Il faut bousculer les mentalités, extirper les stéréotypes. La tendance aux nouveaux pères va dans ce sens, mais les tâches domestiques sont encore inégalement réparties.

Le combat pour les droits des femmes n'est pas terminé. Nous voterons cette loi de progrès. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous avions autant de raisons de nous abstenir que de voter pour.

Ce texte est lacunaire et ses mesures ont une portée limitée, nous l'avons abondamment souligné. Mais parmi les raisons de voter pour, il y a la détermination qui fut nécessaire pour contrer le lobbying mené contre ce texte, malgré les efforts des réseaux féministes du CAC 40. Je rends hommage à cet égard au cercle InterElles.

En matière d'égalité et de droits des femmes, il faut prendre toute avancée nouvelle, chaque fois qu'il s'en présente une. Nous ne gâcherons pas la fête, mais nous sommes conscients du chemin qui reste à parcourir et des résistances qui se manifesteront.

Il faut avancer groupé. Nous voterons donc ce texte, mais il n'est qu'une étape. Il faut lutter contre la précarité des femmes, leur concentration dans les secteurs les moins bien payés.

Puissent les futures femmes dirigeantes ne pas oublier ce qu'elles doivent aux quotas, à la parité, à l'action des féministes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Xavier Iacovelli .  - Grande cause du quinquennat, l'égalité femmes-hommes est un combat de chaque instant.

La loi Copé-Zimmermann a porté ses fruits, mais les inégalités perdurent, en termes de revenus, de formation, de sécurité au travail ou d'entreprenariat. À compétence égale, les femmes gagnent encore 9 % de moins que les hommes.

Ce texte comporte des mesures fortes et concrètes. Je pense à la fin de la dépendance financière à l'égard d'un conjoint violent, au soutien financier aux femmes entrepreneures, avec les objectifs paritaires fixés à Bpifrance.

Nous nous réjouissons de l'accord trouvé et félicitons Mme Garnier pour son travail. Le RDPI votera bien sûr ce texte ambitieux et concret, qui ouvre la voie à des avancées réelles.

Mme Colette Mélot .  - Ces dernières années, de nombreux progrès ont été réalisés pour faire reculer les inégalités. Les Françaises ne sont pas à plaindre par rapport aux femmes d'autres pays. Songeons aux femmes afghanes et rendons hommage à celles qui se dressent pour leurs libertés, telles Fatimah Hossaini, photographe, ou Zarifa Adiba, indomptable chef d'orchestre. En quelques mois, leur monde s'est effondré.

Rien n'est jamais acquis et il faut toujours renforcer les droits des femmes. Cet engagement, nous devons l'honorer sur notre territoire comme par-delà les frontières.

Lors du forum Génération Égalité, le Président de la République a annoncé la création de la première génération de défenseures des droits des femmes. Nous saluons cette initiative.

Les violences conjugales ont augmenté avec les confinements, les inégalités salariales persistent, de manière encore plus marquée chez les cadres. Les choix d'orientation et de formation restent peu paritaires. Seul un élève ingénieur sur quatre est une femme !

Il faut lutter contre les biais cognitifs et l'autocensure des femmes.

Le quota de 40 % aux postes dirigeants est une avancée majeure, en complément de la loi Copé-Zimmermann.

L'article 3 bis porte sur le droit au télétravail des femmes enceintes. La commission des affaires sociales est revenue sur cette disposition. En séance, j'avais proposé d'étendre ce droit aux femmes durant les six premiers mois après l'accouchement, pour ne pas les forcer à choisir entre reprise du travail et allaitement.

Continuons à travailler sur l'amélioration de la conciliation entre le travail et la parentalité. Il faut continuer le plan Rebond.

Ce texte est une étape supplémentaire indéniable. Le groupe INDEP soutient pleinement le Gouvernement dans sa démarche. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Les inégalités professionnelles entre femmes et hommes se réduisent si lentement que la crise sanitaire a suffi pour revenir en arrière. L'écart de rémunération représente presque deux mois de salaire : les femmes travaillent gratuitement à partir de début novembre !

Le tempo est trop modeste, car la société n'accepte plus cette situation. D'autres indicateurs doivent être prévus, enrichis. Il faut accélérer l'application des mesures.

La définition du périmètre des fonctions visées pour les quotas distingue cadres et dirigeants, les deux groupes n'étant pas fongibles. C'est une bonne chose, mais le seuil de mille salariés est trop élevé. Il est bon en revanche d'avoir retenu le niveau de l'entreprise, plutôt que celui du groupe.

Les mesures sur les comités d'investissement de Bpifrance et la conditionnalité des aides sont positives. Notre amendement sur des objectifs de mixité assignés Bpifrance a été conservé, tant mieux.

Il faut veiller au versement des salaires et aides sur le compte de la personne titulaire des droits, et surtout lever les obstacles à l'accès au compte bancaire pour les femmes en grande précarité.

Les collectivités territoriales doivent s'obliger à l'exemplarité.

Les avancées sont indéniables, malgré les quelques reculs intervenus en CMP. Nous voterons cette proposition de loi, en réaffirmant qu'il faudrait avancer dans ce domaine d'un pas plus assuré et plus rapide. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°69 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 328
Contre     0

Le Sénat a adopté. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 13 h 20.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 50.

Commissions (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires sociales et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Indemnisation des catastrophes naturelles (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à définir les dispositions préalables à une réforme de l'indemnisation des catastrophes naturelles.

Mme Christine Lavarde, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.) Je suis heureuse de vous présenter les conclusions positives de la CMP sur un texte que le Sénat attendait depuis bien longtemps -  trop longtemps. Une mission d'information sénatoriale de 2019 s'était penchée sur le sujet, puis un texte a été adopté début 2020 par notre assemblée. Il a fallu, hélas, attendre un autre texte, déposé par les députés Modem, plusieurs mois plus tard. Un texte qui n'est pas très éloigné du nôtre...

La CMP a été conclusive, grâce au travail collaboratif mené avec les députés. Nous avons réussi à y intégrer les attentes de la commission des finances et de la commission du développement durable du Sénat.

Ce texte permettra de renforcer l'information et l'accompagnement des communes, la protection et l'indemnisation des sinistrés.

Le texte de la commission départementale des risques naturels majeurs doit être ciblé ; ce sera le rôle du référent départemental.

Je n'ai qu'un regret, mais d'importance : l'absence de la question du retrait-gonflement des argiles (RGA) dans le texte. Ce phénomène emporte des risques importants pour nos finances publiques, comme pour les particuliers. Le Gouvernement avait déposé un amendement prévoyant une habilitation à légiférer par ordonnance, procédé auquel le Sénat s'est opposé, d'autant que le Gouvernement dispose déjà d'un rapport de l'inspection générale des finances sur le sujet, qui nourrira certainement celui que nous demandons à l'article 7.

Le Gouvernement a néanmoins déposé un nouvel amendement en ce sens dans le cadre du projet de loi 3DS, que les députés ont adopté nuitamment.

À terme, l'ensemble du territoire pourrait être touché par le RGA. La commission des finances continuera à travailler sur le sujet et sera attentive au texte du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Jean-Pierre Corbisez et Ronan Dantec applaudissent également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et des petites et moyennes entreprises .  - Permettez-moi une pensée pour les sinistrés des Landes et des Pyrénées Atlantiques, récemment touchés par les inondations ; pour certains, c'est une vie qui s'écroule. Je salue les services de secours qui leur sont venus en aide. Le ministre de l'Intérieur sera à nouveau à leurs côtés lundi.

Ces inondations font suite à d'autres catastrophes naturelles - Irma, Alex, inondations dans le Var - qui rendent nécessaires la réforme du régime d'indemnisation.

Le Sénat, avec le rapport de Nicole Bonnefoy, a balisé le terrain.

Ce texte apporte une première réponse. Il ne met pas un point final au débat, mais, en quelque sorte, un point-virgule.

Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles a montré sa solidité. Depuis sa création en 1982, environ 10 % des communes françaises en bénéficient chaque année, pour 1 milliard d'euros d'indemnisations versées.

Unique au monde, il est fondé sur un système de solidarité, avec un taux de surprime identique pour tous.

Avec le réchauffement climatique et la demande de transparence, il devait évoluer. Après la sécheresse de 2003, la question de la transparence s'était en partie posée. À cet égard, le référent départemental constitue une avancée ; la commission nationale permettra un vrai débat public sur le fonctionnement du régime.

À l'initiative du Sénat, les politiques de prévention seront renforcées grâce à l'appui de la caisse nationale de réassurance.

Enfin, j'ai entendu vos inquiétudes sur le RGA. L'amendement du Gouvernement est une bonne nouvelle : enfin, une mesure dédiée au RGA ! La contrepartie du recours à l'ordonnance, c'est l'association du Parlement en amont, pour puiser à bonne source. Le chantier se poursuivra ainsi avec les élus.

Ce texte apportera de meilleures réponses aux sinistrés. Je m'en réjouis. (M. Didier Rambaud applaudit.)

M. Gérard Lahellec .  - Je regrette pour ma part le passage de ce texte en procédure accélérée et la mise à l'écart du texte de Nicole Bonnefoy, qui a mené un travail exemplaire.

Face aux risques liés au réchauffement climatique, l'État doit prendre ses responsabilités en termes d'indemnisation comme d'accompagnement et d'adaptation des territoires. Il était urgent d'agir.

Nous nous réjouissons du prolongement à cinq ans du délai de prescription pour les assurés, de la prise en charge des frais de relogement et de l'extension de l'indemnisation à l'arrêt des désordres existants.

L'article premier sur la motivation de l'avis remis aux collectivités territoriales représente également une avancée pour les élus.

Nous regrettons en revanche la suppression, à l'article 2, de la mention de l'accompagnement des communes par le référent, du portail national des risques naturels et de la cellule de soutien.

De même, nous regrettons les reculs sur la commission nationale consultative des catastrophes naturelles, ou encore la suppression de la couverture obligatoire des dégâts causés par la grêle.

Les dispositions de l'article 7 du Sénat sur le RGA auraient aussi été fort utiles...

Bref, ces conclusions ne font pas le compte. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. Pascal Martin .  - (M. Jean-François Longeot applaudit.) Ce texte représente une première étape de la réforme du régime des catastrophes naturelles.

Le sujet a fait l'objet d'un important travail du Sénat, entamé avec la mission d'information Vaspart-Bonnefoy, et ce texte aura mobilisé trois commissions permanentes.

Ce texte apporte des améliorations louables, mais beaucoup reste à faire. (Mme la rapporteure approuve.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué.  - C'est une première pierre.

M. Pascal Martin.  - De fait, le réchauffement climatique va accroître l'intensité et la fréquence des évènements climatiques exceptionnels.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'était vu déléguer au fond les articles 2, 4 et 7.

Parmi les évolutions positives, citons le renforcement de la transparence de la procédure, l'accompagnement des communes et la prise en charge des dommages.

Je regrette néanmoins que l'Assemblée nationale n'ait pas repris la proposition de loi Bonnefoy - quitte à la modifier - pour gagner du temps.

Nous ne pouvons nous satisfaire de l'absence de mesures concernant le RGA, phénomène qui touche tout le territoire.

Si la prescription quinquennale est bienvenue, il est dommage, en revanche, d'avoir supprimé la cellule de soutien pour les maires et le portail national sur les risques naturels.

Il est bon d'avoir étoffé le rôle du référent départemental. M. Pelletier, préfet à la reconstruction dans la vallée de la Roya, joue un rôle primordial ; la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a pu s'en rendre compte sur place.

Toutes les communes doivent pouvoir bénéficier d'un soutien de cette qualité.

Le groupe UC votera ce texte, malgré ses insuffisances. (M. Jean-François Longeot applaudit.)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Nous achevons nos travaux sur la réforme du régime de catastrophes naturelles. Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP, malgré le bilan en demi-teinte du parcours législatif de ce texte.

Je regrette que certains apports du Sénat n'aient pas été conservés ; nous aurions pu aller plus loin.

Sur la transparence de la procédure, le renvoi à un décret ne nous rassure guère.

L'allongement des délais est en revanche un signe fort pour les sinistrés et les élus locaux.

Il est dommage en revanche de ne pas avoir maintenu la cellule de soutien aux maires et l'obligation d'un schéma de prévention des risques naturels majeurs pour les territoires exposés au phénomène du RGA.

Ces reculs représentent une véritable déception malgré les apports du texte.

Je regrette enfin que nous ayons cédé au lobby des assureurs s'agissant du délai maximum d'indemnisation.

Il faut désormais engager un travail de fond sur la prévention.

Nous sommes au milieu du gué, mais résolus à le traverser. Le groupe RDSE votera ce texte.

Puisse le voeu de Mme Lavarde être exaucé rapidement.

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les victimes des aléas climatiques ont attendu deux ans pour obtenir des avancées après la mission commune d'information du Sénat et la proposition de loi Bonnefoy, adoptée à l'unanimité en janvier 2020.

Le Gouvernement a préféré le texte de l'Assemblée nationale... Si la méthode est contestable, le texte n'en demeure pas moins attendu. Le temps presse, car le réchauffement climatique n'est plus un concept abstrait. Les conséquences s'en font lourdement sentir et bien peu de communes ignorent encore ce qu'est une déclaration de catastrophe naturelle.

Le délai de prescription est porté à cinq ans en cas de sécheresse ; les obligations des assureurs sont renforcées, avec une meilleure information ; la qualité des experts fait l'objet d'un suivi ; le rapport annuel de la commission nationale consultative des catastrophes naturelles nous sera transmis, comme celui de la commission interministérielle.

De même, l'accompagnement des collectivités territoriales est amélioré.

Les députés, hélas, sont revenus sur des apports du Sénat comme la prise en charge des orages de grêles et de l'échouage des sargasses, ou le crédit d'impôt de prévention des aléas climatiques - le préventif est pourtant moins coûteux que l'indemnisation.

Il est dommage que le phénomène de RGA ne soit pas traité au fond.

Nous prenons acte de la volonté du Gouvernement de créer un régime spécifique pour les sinistres liés à la sécheresse. Mais le recours à une ordonnance ne nous convient pas. La proposition de loi Bonnefoy aurait pu et dû prospérer. Jusqu'au bout, le traitement par le Gouvernement des travaux de la mission d'information Bonnefoy-Vaspart aura été particulier...

Compte tenu des avancées, nous voterons néanmoins le texte.

M. Didier Rambaud .  - Je salue tout le travail réalisé en amont qui a permis d'aboutir à cette CMP conclusive, qui comporte des avancées attendues. Trois mots les résument : transparence, prévention et célérité.

L'opacité de la procédure de déclaration de catastrophe naturelle était dénoncée de longue date. Il y aura désormais un référent départemental pour répondre aux attentes des maires et des sinistrés.

Les délais pour obtenir réparation du préjudice sont raccourcis. L'assureur aura un mois ou 21 jours maximum pour verser l'indemnisation, selon les cas.

Le délai pour déposer une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle passe de 18 à 24 mois, ce qui n'est pas négligeable pour les communes.

Nous continuons à travailler sur les risques liés à la sécheresse-réhydratation des sols.

Les conséquences du dérèglement climatique sont visibles. Depuis 2000, il y a eu 7 348 désastres naturels dans le monde, deux fois plus que pendant les vingt années précédentes.

Oui, il reste du travail à accomplir, sur la prévention, les régimes juridiques, la protection des biens.

Les avancées sont toutefois bien réelles : le RDPI votera donc les conclusions de la CMP.

M. Claude Malhuret .  - Le législateur légifère souvent avec un temps de retard. Il est vrai qu'il peut difficilement en être autrement : les remontées du terrain nous aident à bien décider.

Le réchauffement climatique est à l'oeuvre et bouleverse déjà le métier d'assureur. La sinistralité climatique évolue ; les agriculteurs et viticulteurs l'ont, eux aussi, bien compris : pour eux, le dérèglement climatique est une épée de Damoclès.

La fréquence et l'intensité des épisodes climatiques graves vont continuer d'augmenter, et les indemnisations avec elles.

Les lenteurs et écueils des procédures actuelles ne sont plus tolérables.

Je me réjouis donc de cet accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous soutenons ce texte, qui rejoint assez largement l'initiative sénatoriale issue de la mission d'information Vaspart-Bonnefoy.

Nous n'avons pas de temps à perdre : il est urgent d'améliorer le système.

Ce texte de compromis issu de la CMP améliore substantiellement le régime assurantiel, ce qui est une bonne nouvelle pour les sinistrés comme pour les maires.

Actuellement, les décisions manquent parfois de motivation et de lisibilité. Le référent ad hoc nommé dans chaque département aidera les élus à mieux jouer leur rôle de courroie de transmission.

Je regrette que le crédit d'impôt pour la prévention des aléas climatiques, proposé par le Sénat, ne figure pas dans le texte final. C'est une piste à explorer.

Le groupe INDEP votera néanmoins ce texte, qui améliorera significativement le régime des catastrophes naturelles.

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pas une semaine ne se passe sans que nous évoquions le sujet des catastrophes naturelles. Après le nord de la France, les inondations ont frappé les Pyrénées-Atlantiques et les Landes.

Le coût des catastrophes naturelles pourrait croître de 50 % d'ici à 2050. Le régime de 1982 est dépassé ; il manque de fluidité et de transparence.

Nous avions adopté une proposition de loi à l'unanimité il y a deux ans, fruit du travail remarquable de Michel Vaspart et Nicole Bonnefoy. Un temps précieux a été perdu.

Je remercie Mme Lavarde et M. Martin pour leur travail comme rapporteurs.

Le référent départemental est une réponse concrète qui permettra un soutien de proximité aux élus, qui sont en première ligne.

Cette proposition de loi, enrichie par le Sénat, simplifie les démarches, renforce la transparence et élargit les droits des sinistrés.

Il y a pourtant des lacunes, notamment le mode de financement. La sinistralité avoisine désormais 2 milliards d'euros par an dans notre pays - contre 1,1 milliard d'euros entre 2006 et 2020. Au niveau mondial, cela représente 228 milliards d'euros.

Une réflexion doit être engagée sur de nouveaux modes de financement.

D'autre part, les phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols argileux doivent être mieux pris en compte.

Le groupe Les Républicains votera ce texte de compromis et restera mobilisé sur ce sujet central. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Ronan Dantec .  - Inondations, sécheresses, tempêtes : les catastrophes naturelles ont doublé en vingt ans sous l'effet du réchauffement climatique, et les situations de détresse se multiplient.

Les défis sont nombreux : critères de reconnaissance des communes, rôle respectif de l'assurance et de l'indemnisation solidaire, causalité, limites de la garantie décennale, comparaison entre coûts de réparation ou de démolition-reconstruction, prévention.

Les conclusions de la CMP ne résolvent pas tout. Elles ont toutefois le mérite de permettre certaines avancées en faveur des sinistrés.

Nous sommes donc heureux de l'accord trouvé.

Le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet et plusieurs de ses apports ont été conservés. S'appuyer sur le travail de Mme Bonnefoy aurait permis de gagner du temps - en plus d'être plus élégant...

Certaines mesures sont bienvenues, notamment en matière d'accélération des procédures et d'accélération des délais.

L'indemnisation des sinistrés sera améliorée, notamment pour ceux dont la commune n'a pas adopté de plan de prévention des risques naturels.

Les élus demandent à être accompagnés. Le référent départemental leur apportera un soutien utile.

La suppression de la publicité des débats de la commission interministérielle est regrettable. Le rapport sur le RGA devra être très précis. Un premier rapport existe, qui devrait être rendu public.

La prise en compte de l'adaptation dans la stratégie énergie-climat est une bonne chose.

Ce texte est donc la première pierre d'une réforme plus globale. Il faut cesser de baisser les moyens, notamment humains, pour l'accompagnement des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Les conclusions de la CMP sont définitivement adoptées.

(Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Responsabilité pénale et sécurité intérieure(Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Nous connaissons tous la genèse de ce texte quelque peu baroque. Malgré des divergences de fond, la CMP est néanmoins parvenue à un accord le 18 novembre dernier.

La possibilité de sanctionner le fait de s'être intoxiqué avant de commettre une atteinte aux personnes n'allait pas de soi, mais était souhaitable pour combler une lacune de notre droit.

La consommation de drogue ou d'alcool sera une circonstance aggravante en cas de meurtre, de torture, d'acte de barbarie ou de violence ayant entraîné la mort ou une mutilation.

Les mesures relatives aux mineurs délinquants, aux violences contre les forces de l'ordre, aux amendes forfaitaires ou aux rodéos urbains n'ont pas posé de difficulté.

Nous avons trouvé un accord sur le champ de l'irresponsabilité pénale en combinant les rédactions de l'Assemblée nationale et du Sénat : une abolition temporaire du discernement, suite à une intoxication volontaire pour commettre une infraction, entraînera la responsabilité de l'auteur. En outre, en prévoyant une audience à huis clos, le Sénat a été soucieux d'éviter le risque d'une justice-spectacle.

Les dispositions relatives au contrôle des armes renforceront l'effectivité des interdictions d'acquisition et de détention et amélioreront le contrôle de l'accès aux métiers de l'armurerie et de l'armement. Cela relève du bon sens.

Plusieurs articles reprennent des dispositions de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, censurées par le Conseil constitutionnel.

La montée en puissance de la réserve civile de la police n'a pas posé de difficultés.

Les policiers et gendarmes pourront tirer un meilleur parti des techniques de captation d'images et les polices municipales pourront recourir aux drones. Nous avons veillé à trouver un équilibre entre opérationnalité et protection du droit au respect de la vie privée.

Sur la durée de conservation de l'enregistrement des gardes à vue et des modalités de consultation des images captées par des caméras aéroportées, nous avons entendu les arguments des rapporteurs de l'Assemblée nationale.

Au total, l'accord trouvé est équilibré et nous nous en réjouissons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Je suis heureuse de vous retrouver après cet accord en CMP.

Le 14 avril dernier, la Cour de cassation confirmait l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi tout en reconnaissant le caractère antisémite de son acte. Cette décision a créé un profond et légitime émoi. Elle respectait pourtant l'état de notre droit.

Cette impossibilité d'identifier l'origine de l'abolition du discernement, entre trouble psychiatrique et consommation volontaire de psychotropes, n'était plus tolérable, comme l'a admis le Président de la République en avril dernier.

Le texte de la CMP y remédie : il modifie le régime de l'irresponsabilité pénale dans le respect de nos exigences constitutionnelles.

La déclaration d'irresponsabilité pénale incombera au juge du fond et non plus seulement au magistrat instructeur.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Ces dispositions respectent notre ligne rouge : on ne juge pas, on ne jugera jamais les fous.

En outre, de nouveaux délits créés puniront non pas l'acte commis en état d'abolition temporaire du discernement, mais la consommation fautive et volontaire de psychotropes.

La CMP a également validé l'aggravation des sanctions pénales pour violences contre toutes les professions - des soldats de Sentinelle aux pompiers, en passant par les douaniers - qui assurent notre sécurité au quotidien : nous protégeons ceux qui nous protègent.

Désormais, les enquêteurs pourront prendre les empreintes sous contrainte. Le cadre de l'identification des délinquants s'en trouvera renforcé.

La juridiction improprement saisie sur le fondement de l'âge de l'auteur pourra le placer en détention afin de le présenter devant la juridiction compétente dans des délais très courts.

Les mesures conservatoires et les peines seront renforcées en cas de refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter sur la route. Et la même fermeté s'appliquera aux rodéos motorisés, l'article 18 y contribue.

Le Président de la République l'avait annoncé en clôture du Beauvau de la sécurité : la réserve nationale permettra à la police de démultiplier son action.

La captation d'images est au coeur de l'action des forces de sécurité. Il faut pourtant veiller à un équilibre avec la protection des droits et libertés. Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi Sécurité globale et en tire les conséquences dans le présent texte, qui offre ainsi les garanties nécessaires à la captation d'images à partir d'aéronefs.

Le Sénat a également introduit dans ce projet de loi une expérimentation permettant aux policiers municipaux d'utiliser des drones.

Le 12 octobre dernier, le Conseil d'État a confirmé la nécessité de légiférer dans le domaine de la captation d'images à des fins judiciaires : ce sera chose faite grâce à ce texte. Les captations devront avoir été autorisées par le procureur ou le juge d'instruction.

La captation d'images à partir des véhicules des forces de l'ordre et dans les cellules de garde à vue sera également autorisée, sous conditions. Le texte prévu est équilibré et proportionné.

Enfin, le périmètre du Fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (Finiada) a été étendu.

Le Gouvernement est favorable à l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc de la commission)

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 1 à 3

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

I.  -  Après l'article 706-139 du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre IV intitulé : « Dispositions applicables aux infractions d'atteintes à la personne résultant d'une intoxication volontaire » et comprenant l'article 706-140.

II.  -  Au début du chapitre IV du titre XXVIII du livre IV du même code, sont ajoutés des articles 706-139-1 et 706-139-2 ainsi rédigés :

II.  -  Alinéa 4

Remplacer la référence : 

706-140-1

par la référence : 

706-139-1

III.  -  Alinéa 5

Remplacer la référence : 

706-140-2

par la référence :

706-139-2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Cet amendement et les suivants sont de cohérence ou de précision rédactionnelle.

ARTICLE 3 BIS A

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer les mots : 

222-18-4 et 222-18-5

par les mots :

et 222-18-4

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Défendu.

ARTICLE 3 QUATER

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

parties

par les mots :

avocats des parties ou aux parties si celles-ci ne sont pas assistées d'un avocat

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

II.  - Au premier alinéa de l'article 186, à la première phrase du premier alinéa de l'article 187, au deuxième alinéa de l'article 194, à la première phrase du deuxième alinéa de l'article 207 et à la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article 570 du même code, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Défendu.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Avis favorable à ces quatre amendements qui n'affectent pas le fond du texte.

Explications de vote

Mme Nathalie Goulet .  - Le pire n'est jamais certain, puisque nous sommes arrivés à cet accord ! Mais je regrette néanmoins le mariage de la carpe et du lapin -  ici comme dans le projet de loi 3DS  - qui aurait pu faire échouer notre CMP...

Sur la turpitude du fou, je reste sur ma faim. Ce texte ne fait que codifier la jurisprudence. La question des circonstances aggravantes rejoint une préoccupation du Sénat et l'ouverture de la procédure, même à huis clos, va dans le bon sens, puisque les victimes auront droit à un procès.

Nous avons identifié des failles dans le suivi des patients dont le consentement a été aboli. Le rapport Houillon déplore l'insuffisance des mesures de sûreté. Nous devrons travailler à une judiciarisation du contrôle de l'effectivité des soins.

Les bénéficiaires d'un classement sans suite ou d'un non-lieu pour cause d'irresponsabilité - 15 000 par an - sont dans la nature, sans suivi ; or ils peuvent être dangereux. Les États généraux de la justice ne constitueraient-ils pas le bon moment d'y réfléchir ?

Sous ces réserves, le groupe UC votera avec enthousiasme les conclusions de la CMP. Avoir raison une fois de temps en temps, ce n'est jamais une fois de trop ! (Sourires ; M. Loïc Hervé applaudit.)

M. Jean-Claude Requier .  - Le texte est dense, ses dispositions ont toutes le même objectif : garantir à chacun sûreté, sécurité, sérénité et l'exercice paisible de sa liberté.

Notre assemblée s'est très tôt inquiétée de la question de l'irresponsabilité pénale avant même que la cour d'appel de Paris ne statue sur l'affaire Halimi. Dès 2019, le Sénat a constitué un groupe de travail sur l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale, à l'initiative de nos collègues Nathalie Delattre et Jean Sol.

Ce texte corrige également les écarts de la loi Sécurité globale. Espérons que le Conseil constitutionnel ne le censure pas à nouveau...

Nous saluons l'esprit de compromis qui a permis un accord en CMP, mais regrettons que certains apports du Sénat n'aient pas été retenus.

L'article 3 ter B correspondait à une attente de professionnels : que le juge puisse ordonner des soins psychiatriques sans hospitalisation complète. Le juge n'est pas médecin, a-t-on dit ? Il peut pourtant ordonner une hospitalisation...

L'article 4 bis était relatif à l'anonymisation des témoins d'agressions de sapeurs-pompiers. Le sujet est gravissime : ne craignons pas de l'inscrire dans la loi, même symboliquement. C'est dommage d'y avoir renoncé, surtout en ce jour de Sainte-Barbe.

M. Loïc Hervé.  - Tout à fait !

M. Jean-Claude Requier.  - La demande de rapport sur la réhabilitation des cellules de garde à vue figurant à l'article 7 bis aurait pu être conservée.

Mais ces regrets ne nous empêcheront pas de voter cette proposition de loi. (Applaudissements au banc de la commission ; Mme Catherine Di Folco applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Pour le début de l'examen de ce texte, le garde des Sceaux était à Poitiers (sourires), où il devait entendre l'ouverture par le Président de la République - en fin de mandat  - des États généraux de la justice. Pour la fin de cet examen, madame la ministre, nous sommes ravis de votre présence - il est encore absent...

Nous étions hier avec les magistrats, qui ont témoigné d'un profond malaise. Sans triomphalisme politicien, le budget de la justice n'est pas à la hauteur des besoins, même s'il a augmenté de 8 % cette année et l'année précédente ; c'est encore insuffisant.

Le prochain gouvernement devra s'engager dans une loi de programmation pour redonner à la France sa place en Europe, notamment en nombre de magistrats et de greffiers. Le malaise s'exprime, des plus petits tribunaux à la Cour de cassation.

Sur l'irresponsabilité pénale, notre groupe aurait préféré d'autres formulations. Mais si le maintien de l'irresponsabilité pénale dans le code pénal était une question de principe, il était nécessaire de distinguer le cas où la personne organise elle-même sa perte de discernement. L'article 2 risque d'engendrer une certaine confusion et une définition du discernement eût été utile. Néanmoins, globalement, ces dispositions auraient pu nous convenir.

S'agissant des dispositifs de sécurité intérieure, nous validons le renforcement de la lutte contre le trafic d'armes et l'aggravation des sanctions en cas de violences contre les forces de l'ordre - la proposition de loi de notre président Patrick Kanner aurait pu être adoptée.

Mais nous regrettons, en revanche, que nos amendements, inspirés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le Conseil national des barreaux (CNB) et la Cour de cassation, n'aient pas été retenus s'agissant de la captation d'images. Nous ne pouvons voter cette seconde partie.

C'est donc logiquement que nous nous abstiendrons sur l'ensemble du texte.

M. Dany Wattebled .  - Toucher à la loi pénale est délicat. De nombreux Français n'ont pas compris la décision de la justice dans l'affaire Sarah Halimi. Les juges n'ont pourtant fait qu'appliquer la loi.

Nous nous satisfaisons de l'équilibre qui a été trouvé : ceux qui s'intoxiquent volontairement pour abolir leur discernement puis commettre des crimes seront punis. L'intoxication volontaire ne doit pas les conduire à l'irresponsabilité pénale. Au contraire, le texte en fait une circonstance aggravante. Chacun doit répondre de ses actes et de ses consommations.

La lutte contre les rodéos urbains est renforcée par la confiscation et la destruction des véhicules ; ce sera un progrès pour les riverains.

Nous nous félicitons également de l'extension de l'amende forfaitaire aux vols de faible valeur. La faible valeur ne rend pas ces faits anecdotiques. Ils empoisonnent le quotidien des Français.

La protection des forces de l'ordre sera renforcée par l'aggravation des sanctions en cas de violences. Nous devons protéger ceux qui nous protègent, parfois au péril de leur vie.

Les forces de l'ordre pourront plus aisément utiliser les caméras embarquées et les drones. Ceux-ci facilitent notamment la lutte contre l'immigration clandestine, dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Jean-Pierre Decool le sait bien.

La CMP a abouti à un texte équilibré, que le groupe INDEP votera. (MJean-Claude Requier et M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudissent.)

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après une CMP conclusive, je salue le consensus obtenu.

Le premier volet du texte répond à l'émotion suscitée par la décision de la Cour de cassation sur l'affaire Halimi. Le débat agite la communauté juridique et l'opinion publique : doit-on juger les fous ? Désormais, celui qui organise volontairement la perte de son discernement pourra être jugé.

La déclaration d'irresponsabilité sera prise par la juridiction de jugement - tribunal correctionnel ou cour d'assises -, dans le cadre d'un procès. Cette avancée est symbolique pour les victimes, souvent indignées par l'absence de jugement.

Le renforcement du contrôle des armes, le développement de la réserve civile et un meilleur encadrement de la captation d'images vont également dans le bon sens.

Nous regrettons cependant l'abandon des mesures sur les pompiers issues de la proposition de loi Kanner, pourtant adoptée à l'unanimité au Sénat voici deux ans.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - C'est vrai !

Mme Catherine Di Folco.  - Je salue enfin le travail des rapporteurs.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE ; M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - Au lendemain d'une grève historique des magistrats, nous nous opposerons une fois de plus à ce texte. Il procède d'une vision sécuritaire et repose sur l'idée d'un supposé laxisme judiciaire et d'un besoin accru de surveillance et d'armement.

Il remet en cause les principes cardinaux de notre République et les règles fondamentales de notre justice pénale. Il traduit une dérive sécuritaire sans fin, une vision liberticide de l'amélioration de la sécurité et une dérive vers la criminalisation des mineurs.

La loi ne distingue pas l'origine de l'abolition du discernement. Pourtant ce texte revient sur ce principe en définissant une forme de folie volontaire. C'est une vision trop réductrice. Soyons prudents.

Pourquoi, en outre, avoir limité l'exception à la prise volontaire de substances psychoactives ? Cela n'a pas de sens.

Il est difficile d'établir l'existence d'une volonté d'abolition du discernement, tout autant que d'établir la connaissance des conséquences de la prise de substances psychoactives sur le discernement.

Notre groupe regrette le manque de moyens des experts psychiatres.

Le deuxième volet du texte est aussi sécuritaire qu'électoraliste.

Bien sûr, nous condamnons les violences contre les forces de l'ordre, mais le texte n'apporte rien au droit en vigueur. Il le complexifie inutilement. Vous qui fustigez régulièrement les positions « victimaires » et la « concurrence des douleurs », je vous trouve bien réceptifs aux revendications de certains syndicats... Ce ne sont que réponses législatives à des évènements particuliers, comme le souligne à juste titre le Conseil d'État.

Le Conseil constitutionnel avait déjà censuré les dispositions sur la captation d'images. Ces dispositions nous reviennent dans une version qui se veut mieux cadrée. La Défenseure des droits alerte pourtant sur une éventuelle systématisation de ces pratiques de vidéosurveillance et Amnesty International rappelle qu'aucune évaluation de l'utilisation d'images par les polices municipales n'a été réalisée. Nous nous opposons à ces dispositions liberticides.

Gardiens de nos valeurs républicaines et constitutionnelles, nous ne voterons pas ce texte et appelons le Conseil constitutionnel à l'expertiser.

Mme Éliane Assassi .  - Nous voilà arrivés au vote des conclusions de la CMP sur ce texte disparate, qui compte deux volets majeurs : le premier, sur la responsabilité pénale, après l'émotion suscitée par le meurtre sordide de Sarah Halimi ; le second, sur des mesures que l'on pourrait qualifier de « loi pour une sécurité globale 2 ».

Dans les deux cas, le compromis auquel les deux assemblées sont parvenues est plus que préoccupant. D'abord, il assouplit le principe de l'irresponsabilité pénale en cas d'abolition du discernement, en créant la notion d'abolition temporaire liée à un fait fautif. Or, ces comportements peuvent être non pas la cause, mais la conséquence de l'abolition du discernement.

Le Conseil d'État souligne que la preuve de l'élément intentionnel sera difficile à apporter.

Selon le rapport Houillon-Raimbourg, « l'abolition du discernement au moment de l'acte est exclusive de l'intention au sens du droit pénal (...) et (...) il ne peut pas être transigé avec ce principe sans remettre en cause notre édifice pénal ».

Ensuite, le texte reprend plusieurs dispositions de la loi pour une sécurité globale censurées par le Conseil constitutionnel, sur la captation d'images par exemple, qui ne sont pas acceptables. À l'exception de quelques-unes, comme celles qui renforcent le contrôle de la détention d'armes, ces mesures renvoient à un modèle dont nous ne voulons pas, celui d'une société du contrôle de tous par tous tout le temps !

Nous nous opposons à ce texte sécuritaire, en particulier à son article 16 qui stigmatise un peu plus les jeunes migrants, dans un climat nauséabond de suspicion constante où ils sont, de plus, considérés comme des étrangers et non d'abord comme des enfants. L'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours - je dis bien toujours - primer sur toute autre considération. Le fichage ne va pas dans ce sens.

Vous l'aurez compris, le CRCE ne votera pas ce texte.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Nous arrivons au terme de l'examen de ce texte, aboutissement de plusieurs travaux approfondis de notre assemblée. Nous avions notamment débattu de l'irresponsabilité pénale à l'initiative de Nathalie Goulet.

Ce texte reprend une partie des mesures de la loi pour une sécurité globale censurées par le Conseil constitutionnel, qui avaient fait l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Il marque l'engagement de l'exécutif à la suite des décisions de justice prises dans l'affaire Sarah Halimi d'une part, et de violences à l'encontre des forces de sécurité d'autre part. L'impossibilité, jusqu'à présent, de distinguer l'irresponsabilité selon l'origine de la perte de discernement posait, dans notre société de liberté et de responsabilité, une difficulté de cohérence tant légale que morale. Il fallait faire évoluer notre droit, au regard de la sidération provoquée par l'affaire Halimi. Cette évolution majeure de notre droit ne remet pas en cause le principe selon lequel on ne juge pas les fous.

L'article 2 permet de poursuivre la consommation volontaire de substances psychoactives ayant aboli le discernement et sous l'emprise desquelles des atteintes ont été commises. Le renvoi au juge du fond est limité à l'existence d'expertises divergentes et soumis à huis clos.

Nous sommes également favorables aux mesures relatives à la captation d'images, notamment aux garanties apportées en matière d'usage des drones. Grâce à Alain Richard, les polices municipales pourront en utiliser.

Je salue aussi le renforcement de la lutte contre les violences faites aux forces de l'ordre, la détention d'armes ou les rodéos motorisés.

Le RDPI votera ce texte. (M. le rapporteur applaudit.)

Le projet de loi, modifié, est adopté.

Prochaine séance, mardi 4 janvier 2022, à 14 h 30.

La séance est levée à 16 h 40.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 4 janvier 2022

Séance publique

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président

Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

1. Débat sur la crise du logement que connaît notre pays et le manque d'ambition de la politique de la ville (demande du groupe Les Républicains)

2. Débat sur le thème : « Trois ans après la loi "Asile et Immigration", quel est le niveau réel de maîtrise de l'immigration par les pouvoirs publics ? » (demande du groupe Les Républicains)

3. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour une meilleure prise en compte de la qualité de la vie étudiante, pour renforcer l'accompagnement des étudiants à toutes les étapes de leur parcours et pour dynamiser l'ancrage territorial de l'enseignement supérieur, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (n°6, 2021-2022) (demande du groupe UC)

4. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant au développement de l'agrivoltaïsme en France, présentée par MM. Jean-François Longeot, Jean-Pierre Moga et plusieurs de leurs collègues (n°30 rect., 2021-2022) (demande du groupe UC)