Bilan de la politique éducative française

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat visant à dresser un bilan de la politique éducative française, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.) Je remercie mon groupe et son président, Bruno Retailleau, d'avoir inscrit ce débat à notre ordre du jour.

Fait rare, monsieur le ministre, vous êtes titulaire de votre portefeuille depuis cinq ans. Cinq ans qui vous ont permis d'engager de nombreuses réformes : scolarité obligatoire à 3 ans, priorité au primaire, réforme du baccalauréat, revalorisation du métier de professeur.

Votre volonté réformatrice est indéniable. Mais l'école se porte-elle mieux aujourd'hui qu'il y a cinq ans ? C'est la seule question qui vaille...

Je tenterai d'y répondre à travers quatre axes : transmission des savoirs fondamentaux, fluidité des parcours entre les enseignements scolaire et supérieur, regard de la société sur les professeurs et autonomie des établissements.

En 2017, vous aviez annoncé une priorité pour l'école primaire, afin que tous les élèves sachent lire, écrire et compter à l'entrée en sixième. Or, en septembre dernier, 28 % des élèves n'avaient pas une compréhension suffisante en mathématiques...

Plus généralement, la lourde tendance à la chute de notre système éducatif dans les classements internationaux n'a pas été inversée. Pis, vos mesures ont aggravé notre déclassement, notamment en mathématiques.

Certes, 450 000 élèves scolarisés en zones REP ou REP+ bénéficient chaque année du dédoublement. Mais l'effet de cette mesure, faible en français mais conforme aux attentes en mathématiques en cours préparatoire, est non significatif en cours élémentaire, d'après les propres évaluations de votre ministère.

Vous n'avez pas inversé la tendance lourde à une transmission de plus en plus aléatoire des savoirs fondamentaux, en particulier pour les élèves des quartiers les plus défavorisés.

La réforme du baccalauréat était supposée fluidifier les parcours entre l'enseignement scolaire et le supérieur. Mais les modalités d'organisation restent compliquées, et professeurs comme parents dénoncent une course permanente à l'évaluation. Le très grand nombre de spécialités creuse les inégalités entre petits et grands lycées. (M. Jacques-Bernard Magner approuve.) Quant aux élèves, peu ou mal conseillés, ils se perdent dans des appariements sans cohérence avec les attendus du supérieur.

Celui-ci ne s'est que fort peu adapté à la réforme du baccalauréat, suscitant bien des angoisses chez les lycéens. Dans ces conditions, on peut douter qu'une meilleure articulation lycée-licence se dessine vraiment...

Au surplus, le baccalauréat à la carte a mis en difficulté l'enseignement des mathématiques : 31 % des élèves du lycée général ne le suivent plus, avec un écart garçons-filles indigne de notre pays.

Par ailleurs, l'école est moins respectée. D'après le sondage commandé par le Sénat à l'occasion de l'Agora de l'éducation, 65 % des Français et 80 % des enseignants eux-mêmes sont pessimistes sur l'avenir de l'école... Dans le pays où Victor Hugo comparait les maîtres à des « jardiniers en intelligence humaine », les professeurs de collège ne sont plus que 7 % à juger leur profession appréciée !

De fait, la revalorisation salariale s'est perdue dans le saupoudrage, et le professeur-bashing pousse de plus en plus d'enseignants au départ. Les plus jeunes rechignent à exercer dans les quartiers difficiles, où la progression de la violence n'a pas été enrayée et où s'exercent des pressions communautaires croissantes.

Enfin, la verticalité de votre pilotage est contestée par les syndicats et les personnels.

Vous disiez vouloir plus d'autonomie pour les équipes éducatives ? Seulement 2 % des décisions sont prises par les établissements en autonomie totale, d'après la Cour des comptes... Et les discours prescriptifs, circulaires et foires aux questions, dont les réponses sont autant de directives de la rue de Grenelle, n'ont jamais été si nombreux. Vous n'avez pas su ou pas pu desserrer l'étau qui étouffe le dernier système éducatif centralisé et bureaucratisé d'Europe !

Sans conteste, vos réformes partaient d'intentions le plus souvent louables. Mais les résultats sont bien insuffisants au regard de la crise de notre école, dont les modes de fonctionnement inexorablement s'essoufflent.

Sans doute la crise sanitaire a-t-elle largement perturbé votre action.

M. Julien Bargeton.  - C'est certain...

M. Max Brisson.  - Reste qu'il est bien difficile de dire aujourd'hui que l'école se porte mieux qu'il y a cinq ans. Et ce n'est pas l'engagement des professeurs qui est en cause.

Comme d'autres avant vous, vous avez, au nom de l'égalitarisme, privilégié le saupoudrage et bridé les initiatives. Il faut au contraire plus de liberté pour les établissements et une nouvelle conception du métier de professeur et de sa place dans la société. Faute de marges de manoeuvre politiques, vous vous êtes enlisé.

Puisse ce débat nécessaire mettre en lumière les lacunes de notre système éducatif, mais aussi ses atouts et les raisons d'espérer dans l'avenir de l'école ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon et M. Franck Menonville applaudissent également.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Je me félicite de ce débat : il m'offre l'occasion non seulement de répondre point par point au réquisitoire de M. Brisson, mais aussi de dresser le bilan de l'action menée depuis cinq ans, en dégageant des perspectives dans le contexte d'une campagne présidentielle où, je n'en doute pas, des propositions seront avancées.

Merci de l'avoir souligné : cinq ans d'action continue, c'est un record dans l'histoire de la République.

À mon arrivée, le ministère de l'éducation nationale était marqué par l'instabilité. Les politiques menées, que j'assume parfaitement, l'ont été de façon suivie pendant cinq ans. Auparavant, on disait que c'était impossible...

Des sillons ont ainsi été creusés. En matière éducative, il faut semer des graines. Nous ne sommes peut-être pas à l'heure des moissons, mais en tout cas des bourgeons.

Lors d'une récente séance de questions d'actualité, M. Brisson a fait référence aux classements internationaux. Le dernier classement PISA date de 2018.

À mon arrivée, en effet, la situation n'était pas bonne : la réforme du baccalauréat était attendue depuis vingt ans, le niveau en mathématiques faible. Seulement 50 % des élèves de terminale S poursuivaient des études scientifiques : désormais, ils sont 80 % !

À mon arrivée, c'était le règne du « pas de vagues » : on ne parlait pas des atteintes à la laïcité, des violences, du harcèlement. J'ai lancé une révolution copernicienne, avec le signalement systématique.

À mon arrivée, la rémunération des enseignants n'était pas à la hauteur de leurs missions. Certes, beaucoup reste à faire, mais des revalorisations sont intervenues.

La politique d'éducation prioritaire a été lancée dans les années quatre-vingt ; celle de l'école inclusive a été engagée par Jacques Chirac. Je ne fais pas, moi, de procès manichéens. Toujours est-il que, en 2017, la situation était difficile et les changements à mener, nombreux.

Aucune majorité n'a autant agi (murmures sur les travées du groupe Les Républicains), notamment pour réduire les inégalités et élever le niveau général.

Non, monsieur Brisson, le niveau général n'a pas baissé en cinq ans. Les évaluations nationales montrent des progrès. Ce sont des chiffres attestés ! Cherchez-vous à démoraliser le pays avec des données fausses ?

Bien sûr, certains élèves n'ont toujours pas des savoirs fondamentaux consolidés. La route est longue, d'autant que nous avons traversé une crise sanitaire inédite.

À cet égard, nous sommes un des rares pays à avoir amélioré le niveau de ses élèves de primaire pendant la pandémie. L'Unesco a salué l'action menée pendant cette période en matière scolaire. (M. Julien Bargeton s'en félicite.) Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les propos de certains leaders politiques m'invitant à fermer les écoles...

Oui, en dépit de la crise sanitaire, le niveau en primaire a progressé !

Vous avez parlé de verticalité. Il fallait bien, pendant la pandémie, une unité de commandement. Voyez la situation en Allemagne... Soyons collectivement fiers du succès de la politique menée. Je n'ignore pas que nous sommes en campagne (protestations sur les travées du groupe Les Républicains), mais on ne devrait pas, parce qu'on est opposant, s'opposer à cette évidence. (M. Julien Bargeton acquiesce.)

En dépit de la virulence de M. Brisson, nous avons progressé grâce à des réformes structurelles -  qu'il a d'ailleurs souvent saluées.

M. Jacques-Bernard Magner.  - En effet !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - La critique est aisée, mais l'art difficile.

Mme Catherine Belrhiti.  - On ne vous a pas attaqué !

M. Julien Bargeton.  - Si !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je répète que nous avons réalisé des progrès, parfois inédits.

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, il vous faut conclure.

M. Max Brisson.  - Au lieu de vous énerver, vous auriez dû nous répondre...

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je pensais disposer d'un temps supérieur. Je poursuivrai ma réponse dans le débat.

Mme Catherine Belrhiti.  - La discipline vaut pour tous !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Oui, de 2017 à 2022, notre école a progressé ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Tout va bien...

M. Laurent Burgoa.  - Trois minutes de dépassement ! (Assentiment sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Annick Petrus .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) À Saint-Martin, la langue vernaculaire et maternelle, parlée par la très grande majorité de la population, est un créole de base anglophone, l'anglais saint-martinois.

À l'école publique, les cours sont dispensés en français, mais de nombreux élèves ne parlent que le créole haïtien ou l'espagnol. Les classes sont très hétérogènes, ce qui rend l'enseignement compliqué.

Conscients des enjeux, les services de l'éducation nationale autorisent un enseignement bilingue. Dans le premier degré, il bénéficie à 546 élèves, dans 30 classes ; au collège, à 186 jeunes, dans huit classes. Les résultats des évaluations sont encourageants.

Des formations de français en langue étrangère ont été proposées à 200 enseignants via le Centre national d'enseignement à distance en 2016 et 2017.

Ces initiatives portent leurs fruits et doivent être renforcées pour lutter contre l'échec scolaire. Mais il faut aller plus loin en généralisant l'enseignement bilingue sur tout le territoire de Saint-Martin. La collectivité s'est prononcée en ce sens à l'unanimité. Pouvons-nous compter sur le soutien de l'État ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - L'enseignement bilingue en outre-mer est un sujet majeur ; comme ancien recteur de Guyane, j'y suis particulièrement sensible. Il ne s'agit pas d'une difficulté, mais d'une richesse.

Les élèves doivent être fiers de leur langue maternelle, levier pour maîtriser le français. La langue de l'enseignement est le français, ce qui est logique et souhaitable pour l'avenir des enfants.

J'ai évoqué ce sujet à Saint-Martin, où je me suis rendu avec le Président de la République après le passage de l'ouragan Irma. Nous sommes très ouverts à de nouveaux développements du bilinguisme, sur la base de l'évaluation des expériences en cours, nécessaire pour prévenir les mesures contre-productives.

Mme Monique de Marco .  - Je vais me livrer à un exercice peu commun : relayer une alerte du Medef... (Sourires)

Il s'agit de l'évaporation de notre élite d'ingénieurs, notamment féminine. À cet égard, votre réforme du lycée a eu des conséquences fâcheuses. Les mathématiques sont devenues une option suivie par 37 % des élèves seulement, alors que la France est déjà à l'avant-dernière place dans l'OCDE pour le niveau en mathématiques.

M. Julien Bargeton.  - C'est une donnée ancienne !

Mme Monique de Marco.  - Nous risquons une pénurie d'ingénieurs, notamment en informatique.

Après des années d'efforts en faveur de l'équilibre garçons-filles dans les filières scientifiques, le ratio s'est écroulé en deux ans. Les stéréotypes reviennent en force. L'égalité entre les femmes et les hommes était pourtant supposée être la grande cause du quinquennat...

Allez-vous augmenter le nombre des conseillers d'orientation et revenir sur votre réforme qui creuse les inégalités sociales et de genre ?

M. Jacques-Bernard Magner.  - Très bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je vais vous rassurer et, à travers vous, le Medef... (Sourires)

Beaucoup d'inexactitudes sont relayées sur ce sujet, ce qui a suscité l'inquiétude.

Nous devons à la fois élever le niveau général en mathématiques et favoriser l'excellence et l'élargissement de notre élite scientifique.

Les élèves de sixième ont progressé en mathématiques. Nos programmes de lycée sont également plus exigeants. En terminale, les élèves de spécialités suivent neuf heures de cours, contre huit auparavant, et plus de 80 % d'entre eux poursuivent des études scientifiques, soit bien plus qu'auparavant.

Nous sommes passés de 25 % à 26 % de filles dans la voie qu'on appelait autrefois maths sups ; ce n'est pas une augmentation très forte, mais ce n'est certes pas une baisse. Il y a même 60 % de filles en mathématiques complémentaires.

Attention aux fake news sur le sujet. (Mme Monique de Marco proteste.) Le niveau en mathématiques s'améliore au lycée. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) J'ai lancé une concertation pour faire encore mieux.

M. Max Brisson.  - Décidément, c'est un festival d'autosatisfaction !

Mme Céline Brulin .  - Il y aurait beaucoup à dire sur votre bilan, mais je souhaite vous interroger sur la prochaine rentrée.

Hors REP, les dédoublements ont surchargé les classes. Comment allez-vous tenir votre promesse qu'aucune classe ne compte plus de 24 élèves ?

Les suppressions de poste menacent les dispositifs d'inclusion. Une nouvelle offensive est menée pour fusionner les écoles rurales, faisant primer la gestion comptable sur l'exigence de proximité.

Pourquoi ne pas appliquer la règle de non-fermeture d'école sans l'accord du maire dans les petites communes ? Allez-vous entendre tous ceux qui refusent de voir l'école rayée de nos villages ?

Il faut plus de moyens financiers et humains, notamment pour les remplacements. Allez-vous ouvrir davantage de postes au concours ?

Enfin, nous manquons cruellement d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Ces personnels au statut précaire ont été transférés aux collectivités territoriales, mais l'État s'engage-t-il à prendre en charge la totalité de leur rémunération ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Le budget de l'éducation nationale a augmenté de 13 % au cours du quinquennat, ce qui est inédit. Au primaire, 11 000 postes ont été créés, alors que le nombre d'élèves a baissé de 280 000. Le taux d'encadrement s'est amélioré à chaque rentrée dans chaque département.

Nous avons concentré les efforts sur l'enseignement prioritaire, mais pas au détriment des autres zones. L'écart entre les plus défavorisés et le reste de la population s'est réduit de 13 à 7 points. Je défie quiconque de me citer de meilleurs résultats en matière d'éducation prioritaire...

Nous consacrons 3,5 milliards d'euros à l'éducation inclusive, un budget en hausse de 65 %. Beaucoup reste à faire pour les AESH, mais tout de même : nous sommes passés de 70 000 agents en contrat aidé à 125 000 en CDD ou en CDI... C'est le jour et la nuit !

M. Julien Bargeton.  - Tout à fait !

Mme Céline Brulin.  - C'était à craindre : le débat demandé par le groupe Les Républicains offre au ministre l'occasion d'un exercice d'autosatisfaction. C'est à se demander pourquoi toute la communauté éducative se mobilise contre la politique menée. La vérité des prix, monsieur le ministre, c'est le ressenti dans le pays. À situation exceptionnelle, il faut des moyens exceptionnels ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Si vous attendez de moi que je sois d'accord avec chacun d'entre vous... (Protestations sur diverses travées)

Mme Catherine Belrhiti.  - C'est un débat !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - J'entends défendre pied à pied mon bilan face à tous ceux qui, à droite et à gauche, veulent le dévaloriser.

M. Max Brisson.  - C'est inacceptable !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Dans ce cas, vous n'avez qu'à débattre sans moi.

Mme Céline Brulin.  - J'ai posé des questions concrètes. Moins de 24 élèves par classe, nous n'y arriverons pas.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Si !

Mme Céline Brulin.  - Cessez votre autosatisfaction et entendez qu'il faut davantage de moyens ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Annick Billon .  - Je remercie M. Brisson d'avoir suscité ce débat.

La France occupe l'avant-dernière place dans l'OCDE pour les mathématiques, avec un faible taux de féminisation. La réforme de 2019 a entraîné une chute du nombre d'heures de cours de mathématiques en première et en terminale. Le Gouvernement vient de lancer une consultation pour revoir sa copie, mais c'est pour le moins tardif...

Par ailleurs, la Cour des comptes a indiqué il y a un an que 65 % des proviseurs et 85 % des professeurs principaux n'avaient reçu aucune formation spécifique en matière d'orientation.

Quelles garanties concrètes pouvez-vous apporter pour l'avenir de l'enseignement des mathématiques et l'amélioration de l'orientation de nos jeunes ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Sur l'enseignement des mathématiques, des données circulent qui ne sont pas exactes.

Je le répète, nous faisons un meilleur usage des heures de mathématiques, puisque 80 % des élèves ayant choisi cette spécialité au lycée poursuivent des études supérieures scientifiques. Plus de 60 % des lycéens choisissent cette spécialité, dont un grand nombre de filles. Le prétendu effondrement à 10 %, évoqué sur un grand média, est totalement fantaisiste.

Si je ne fais pas de concertation, on me reproche d'être vertical ; si j'en fais une, de reculer... Je lance une concertation pour préparer l'avenir en toute lucidité.

Nous avons beaucoup oeuvré pour l'orientation, avec plus de quarante heures par an, en partenariat avec les régions. L'articulation de la réforme du baccalauréat et de Parcoursup introduit de nouvelles logiques qui revalorisent le baccalauréat et améliorent la réussite dans l'enseignement supérieur.

Mme Annick Billon.  - Il faut donner les mêmes chances aux filles et aux garçons d'accéder aux filières scientifiques. Il faut aussi davantage de moyens pour l'orientation, à tous les niveaux.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Nous avons confié cette compétence aux régions. Nous travaillons en étroite relation avec elles pour les accompagner.

L'informatique est devenue une véritable discipline au lycée, avec 18 % des filles, alors qu'il n'y a que 5 % d'informaticiennes actuellement.

Mme Annick Billon.  - Les moyens doivent être renforcés pour une orientation éclairée des élèves. La réforme du baccalauréat a complexifié l'orientation, alors que le choix des spécialités est déterminant pour la suite des études.

M. Bernard Fialaire .  - Un mois après l'Agora de l'éducation qui s'est tenue au Sénat, ce débat, pour lequel je remercie le groupe Les Républicains, traduit une préoccupation partagée.

L'éducation nationale devrait être une priorité nationale. Mais les classements internationaux montrent nos insuffisances en lecture et en mathématiques, malgré les moyens mis en oeuvre. Les inégalités se creusent, et les enseignants restent insuffisamment rémunérés.

Beaucoup a été entrepris, mais il faut penser les liens entre les trois mondes que sont l'école, la famille et la rue.

Il faut aussi mieux prendre en compte la dimension de la santé, à la fois physique, psychique et sociale. La médecine scolaire doit se rapprocher de la PMI. En particulier, le dépistage des handicaps doit être amélioré.

Les différents acteurs doivent agir de manière coordonnée pour assurer une prise en charge globale des enfants, condition de leur équilibre et de leur réussite.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Vous avez raison de faire le distinguo entre ce qui relève du noyau dur de l'instruction et tous les autres enjeux, plutôt éducatifs. Je n'ai jamais opposé instruction publique et éducation nationale.

Je suis à la tête d'un ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports  - preuve que nous nous sommes intéressés au périscolaire, mais aussi aux facteurs extrascolaires de la réussite, comme avec les cités éducatives.

Nous devons considérer l'angle social. Notre bilan est considérable. Certes, beaucoup reste à faire, notamment sur la santé scolaire ; je pense aux relations entre les assistantes scolaires de l'Éducation nationale et celle des départements.

Mais des progrès importants ont été réalisés, avec le plan Mercredi et les Vacances apprenantes. Oui, nous devons avoir une vision globale, en particulier dans les territoires les plus défavorisés.

M. Jacques-Bernard Magner .  - Le décret Peillon de 2013 sur les rythmes scolaires prévoit neuf demi-journées par semaine, chacune d'entre elle ne devant pas dépasser 3 h 30, avec 1 h 30 de pause méridienne au minimum.

Mais la dérogation est devenue la règle et 88 % des écoles pratiquent quatre journées de six heures, en fonction des contraintes et préférences des adultes, en totale inadéquation avec les besoins des enfants. Les études des chronobiologistes montrent pourtant que cette organisation entraîne une baisse d'attention des enfants, surtout chez les moins favorisés.

Les apprentissages se font mieux en matinée ; en supprimer une par semaine, soit 36 par an, est dommageable.

Nous sommes entre le quinzième et le vingt-et-unième rang au classement PISA. La France a l'un des nombres de jours d'école les plus faibles et l'un des nombres d'heures par jour les plus élevés. Vous étiez brièvement revenus sur la réforme de 2008 en introduisant une neuvième demi-journée, mais l'expérience a été trop brève.

Les égoïsmes autour de l'école et dans l'école auront bientôt raison de la cinquième matinée. Ajoutons à cela la disparition de l'éducation physique et sportive, conséquence d'une concentration excessive sur les apprentissages de base.

N'est-il pas temps de rouvrir le dossier des rythmes scolaires ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Si nos arguments paraissent parfois contradictoires, c'est que la majorité présidentielle est dans la recherche d'équilibre et de sagesse, face à des oppositions qui s'affrontent.

M. Max Brisson.  - Tout va bien, alors !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Nous avons conservé la semaine de cinq jours là où les acteurs la jugeaient pertinente. Certaines communes notamment rurales estimaient qu'imposer une semaine de cinq jours était problématique.

Pour autant, il faut rester humble face à la question des rythmes scolaires, pour laquelle chaque cas d'espèce est particulier.

Il n'y a pas que le temps scolaire, mais aussi le périscolaire et l'extrascolaire. On peut apprendre autrement à l'école, mais aussi en dehors de l'école. Les vacances sont fondamentales pour s'épanouir mais sont aussi l'occasion d'apprendre.

Les grandes vacances sont le moment où les inégalités se creusent. Je ne suis pas certain qu'il faille les réduire pour autant, mais il y a sans doute un champ fertile pour les plus défavorisés, par exemple avec les vacances apprenantes, plus fertiles en tout cas qu'une énième réforme des rythmes scolaires.

M. Julien Bargeton .  - Monsieur le ministre, vous avez dit votre attachement aux 54 internats d'excellence. Quelque 1 500 places doivent être ouvertes dans le cadre du plan de relance. Où en êtes-vous ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Ce sujet est fondamental. Les majorités précédentes ont cherché à développer les internats, qui connaissent une croissance sans précédent. Le premier internat d'excellence, celui de Sourdun, a pleinement atteint ses objectifs initiaux : grâce à lui, de nombreux élèves issus de territoires défavorisés sont devenus ingénieurs ou étudiants en médecine.

Nous consacrons 50 millions d'euros du plan de relance à la construction de 253 internats supplémentaires. Au total, 307 internats, accueillant 30 000 élèves, mailleront le territoire.

L'internat offre un cadre plus rigoureux à l'élève, mais aussi des éléments d'épanouissement, sport ou culture. C'est aussi l'occasion de revitaliser des territoires, notamment ruraux.

C'est l'une des plus grandes politiques sociales que l'Éducation nationale puisse mener.

Notre objectif est dépassé : 307 internats d'excellence seront ouverts à la rentrée prochaine.

M. Julien Bargeton.  - Je me satisfais du doublement des REP et REP+ à Paris, dans les 18e, 19e et 20e arrondissements notamment. Cette année, dans ces quartiers populaires, pour la première fois depuis longtemps, les enfants savaient lire, écrire, compter à Noël. Les enseignants constatent une nette élévation du niveau. J'en suis heureux, particulièrement dans le 20e arrondissement.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Ce sujet est essentiel : si c'est possible dans telle ou telle école, c'est que c'est possible partout.

Le Graal que recherchent tous les pays, c'est d'abolir le différentiel de niveau entre les 20 % les plus défavorisés et le reste de la population. Quand on abolit cet écart, on réussit quelque chose hors du commun.

Le dédoublement n'est pas la seule clé. Il y a aussi un changement de méthode pédagogique, que je constate sur le terrain. L'acquisition des savoirs fondamentaux s'accroît dans notre pays.

M. Max Brisson.  - Mais les écarts continuent de se creuser ! (M. le ministre le conteste.)

M. Franck Menonville .  - L'Éducation nationale est le premier poste budgétaire de l'État, avec 110 milliards d'euros. Or dans les classements PISA et OCDE, nous sommes vingt-troisième en lecture et le niveau s'effondre en histoire-géographie ou en langues vivantes.

La France est en dessous de la moyenne européenne en mathématiques. (M. Max Brisson le confirme.)

Les réformes se sont succédé à un rythme soutenu. Mais leur avons-nous laissé le temps de se déployer ?

Le métier d'enseignant est de moins en moins attractif. Le mauvais rendement des concours, entre manque de candidats et démissions, le révèle.

Octroyer davantage de liberté pédagogique et de flexibilité accroîtrait l'attractivité des métiers. C'est le fondement du système éducatif des pays nordiques, où les classes sont moins nombreuses. Cela a fait ses preuves.

Quelles sont vos marges de manoeuvre ? Pourquoi ne pas s'inspirer du modèle nordique, qui fonctionne ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je salue votre question qui fait souffler un vent d'optimisme sur nos débats.

Oui, notre école a des faiblesses, mais il y a bel et bien eu des progrès. Avoir eu cinq ans devant nous nous a permis d'éviter les zigzags que vous évoquez.

Les plans Français et Mathématiques, le dédoublement des classes, les évaluations de début d'année - qui ont révélé une progression sur 26 des 32 items testés - ont participé d'une politique cohérente.

Nous avons eu une politique de formation ambitieuse des professeurs. Nous nous sommes inspirés du Québec et des pays scandinaves pour éviter la verticalité en partant des besoins exprimés par les professeurs. Nous devons trouver l'équilibre entre unité et liberté des acteurs.

M. Max Brisson.  - La Cour des comptes dit le contraire. Et les Français aussi.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Vous avez la volonté de tout peindre en gris, mais vous n'avez pas toute la vérité.

M. Julien Bargeton.  - Un peu de nuances !

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous assistons à une crise des vocations des enseignants. Comment offrir à nos enfants un enseignement adapté et de qualité si le métier n'attire plus ? Pas moins de 238 postes de Capes externe n'ont pas trouvé preneur et 1 648 enseignants ont rompu leur contrat.

Comment en sommes-nous arrivés là ? La question des salaires est importante. De 1 600 euros nets en début de carrière, le salaire des enseignants est, après quinze ans, inférieur de 15 % à la moyenne de l'OCDE.

Les conditions de travail ne motivent pas les futurs enseignants, qui ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie. Il faut y ajouter le recul du respect des enfants, des parents plus revendicatifs et des protocoles sanitaires ubuesques. Comment le Gouvernement compte-t-il réagir ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Votre discours aurait pu être tenu en 2017. Nous faisons tous partie du problème et de la solution. Mais les discours que nous prononçons ont leur importance. Je ne dis pas que tout va bien, mais si un futur professeur vous entend, cela ne le motive guère à devenir professeur !

Mme Catherine Belrhiti.  - Je vous décris la situation actuelle ! (M. Max Brisson approuve.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je ne dis pas que tout va bien mais nous avons obtenu des progrès. Vous avez fait référence au salaire, problème bien réel. Le salaire des jeunes professeurs a été revalorisé. Le premier salaire est passé à 1 860 euros, sans parler de certaines primes. Vous avez mentionné 1 600 euros : ce montant est obsolète.

Monsieur Brisson parlait de problème d'attractivité dans sa vindicte. (Marques d'ironie à droite et au centre) La promesse du Président de la République était de 3 000 euros de prime annuelle en REP et elle a été tenue. Cela concerne 50 000 personnes.

J'ai commencé à mettre en oeuvre les douze engagements du Grenelle de l'éducation. Il faut continuer à creuser les sillons et, au-delà du salaire, revaloriser les conditions de travail.

M. Max Brisson.  - Plus de 1 600 démissions !

Mme Catherine Belrhiti.  - Ce que je vous fais remonter, ce sont les remarques du terrain. Je ne le fais pas par plaisir, ayant été moi-même enseignante.

Je vous avais demandé d'écrire que les parents ne doivent pas s'immiscer dans la pédagogie des professeurs, vous avez écrit qu'il fallait « respecter les professeurs ». Je ne comprends pas le lien !

Je préside la commission des lycées du Grand Est, et on me parle de parents qui écrivent aux professeurs pour leur dicter ce qu'ils doivent dire en cours. C'est intolérable ! Allez-vous prendre des mesures fortes pour améliorer la vie des professeurs au quotidien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - J'ai toujours eu des propos très clairs pour défendre les professeurs. L'article premier de la loi pour une École de la confiance condamne toute violence des parents à l'encontre des professeurs. Tout fait signalé fait l'objet de poursuites. Je regrette comme vous l'accroissement de l'agressivité. Montrons l'exemple en faisant preuve de nuance, de subtilité et de dialogue dans le débat public.

Le respect des professeurs est global : les textes sont là.

Sur l'immixtion dans la pédagogie, vous avez raison, mais je ne vois pas quelle règle pourrait interdire à quelqu'un de dire quelque chose à quelqu'un d'autre. Le principe de liberté pédagogique du professeur s'applique.

Mme Catherine Belrhiti.  - Je veux que ce soit écrit, pour que ce soit respecté.

Mme Sonia de La Provôté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'expérimentation en cours des contrats locaux d'accompagnement et des territoires éducatifs ruraux a deux objectifs : améliorer les dispositifs existants et prendre davantage en compte les inégalités territoriales.

Depuis la rentrée 2021, 172 écoles, collèges, lycées des académies de Nantes, Lille et Marseille sont concernés. La progressivité dans l'allocation des moyens a été introduite.

Le rapport de nos collègues Lafon et Roux d'octobre 2019, au nom de la mission d'information sur les nouveaux territoires d'éducation, préconisait une meilleure équité territoriale, pour que l'éducation prioritaire ne s'arrête pas à la couronne des villes.

L'objectif est la réussite par des moyens différenciés.

Après six mois, l'expérimentation devait être élargie si elle était concluante. A-t-on des retours d'évaluation ? La question des moyens devait être évaluée, mais par qui ?

Où en est-on dans le déploiement des territoires éducatifs ruraux ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Les territoires ruraux ont pu se sentir les oubliés des politiques d'éducation prioritaire. Nous sommes le premier Gouvernement à avoir mené des politiques d'éducation prioritaire rurales, M. Magner le sait.

Il y avait 23 territoires pilotes dans l'expérimentation, soit 24 000 élèves de primaire et 16 000 lycéens, au sein de 155 écoles, 27 collèges et 20 lycées.

Nous passons de trois à sept académies. Plus de 60 territoires sont engagés dans la contractualisation, pour nouer des alliances éducatives. L'objectif est, comme pour les cités éducatives, d'avoir un impact sur les facteurs extrascolaires de la réussite.

Nous soutenons les territoires éducatifs ruraux, en lien avec les internats d'excellence et l'extension des cordées de la réussite aux territoires ruraux.

Nous voyons donc apparaître les premiers bourgeons de notre politique d'éducation prioritaire rurale.

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La réforme du bac a fait chuter la proportion des lycéens étudiant les mathématiques ; en parallèle, 37 % des élèves les choisissent en spécialité. En d'autres termes, au lycée, l'apprentissage des mathématiques est à double vitesse, accentuant les inégalités sociales et de genre : les filles, qui représentaient 47,7 % des effectifs en filière S en 2021, ne sont plus que 39,8 % à avoir choisi la spécialité maths, moins qu'en 1994.

Les instituts de recherche et les professeurs de mathématiques dénoncent ce décrochage.

L'accès aux filières scientifiques, économiques et numériques de France 2030, qui concentrent la majorité des investissements, pose question. Il manque 5 000 ingénieurs par an.

L'inadéquation de la formation et des besoins est une question politique, tout comme la lutte contre les idées reçues.

Vous avez récemment lancé un comité de consultation, selon lequel certains aménagements sont envisageables dès la rentrée prochaine, quand d'autres doivent attendre 2023. Quels sont-ils ? Comment renforcer les mathématiques ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - La concertation a débuté ; tous les chiffres seront sur la table, mais je vous en donne déjà certains. En 2021, 64,1 % des élèves de première générale, soit 252 233 élèves, ont choisi l'enseignement des mathématiques, dont 55 % de filles : c'est donc tout sauf un effondrement.

L'option mathématiques complémentaires, en terminale, est prise à plus de 60 % par des filles. Certes, le taux n'est que de 39 % pour l'enseignement de spécialité, mais, comme précédemment, il y a plus de garçons en physique-chimie et plus de filles en sciences de la vie et de la terre (SVT).

Comment encourager les filles à se tourner vers les enseignements scientifiques ? C'est la vraie question.

Non, il n'y a pas d'effondrement : le programme est plus exigeant, avec plus d'heures et plus d'élèves poursuivant les mathématiques dans le supérieur. Sur ce plan, notre objectif est tenu. Mais pour les filles, nous partons d'une situation insatisfaisante, surtout s'agissant de la continuité avec le supérieur. Par ailleurs, la discipline numérique et sciences de l'informatique a été choisie par 18 % des filles cette année contre 10 % l'an dernier : c'est un mieux, même si nous devons encore progresser.

Mme Béatrice Gosselin .  - Pour sécuriser le saut vers Parcoursup, les élèves doivent s'appuyer sur les conseils des professeurs principaux. L'accompagnement à l'orientation est devenu une priorité. Sur le papier, 54 heures annuelles en seconde, première et terminale sont prévues pour élaborer le projet de formation, mais elles ne sont pas financées : les établissements doivent puiser dans leurs marges horaires. De plus, l'absence de cadrage conduit à une grande hétérogénéité entre établissements. Les professeurs principaux considèrent qu'ils supportent une lourde responsabilité, d'autant que la réforme du lycée a compliqué la donne en brisant les classes.

En outre, la crise sanitaire a transformé les salons de l'orientation en visites virtuelles.

Que faites-vous pour que les lycéens ne manquent pas d'ambition pour leur avenir ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - La question de l'orientation est importante.

La réforme du lycée change les choses et, comme toujours, soulève des questions. Rien n'a changé en vingt ans et tout le monde jugeait, il y a cinq ans, que le lycée était à bout de souffle. Faisant mentir les prédictions, une majorité des lycéens préfèrent cette réforme, ils me le confirmaient encore hier.

Nous attaquons les difficultés d'orientation à la racine. Auparavant, l'heure de vérité n'arrivait qu'à la fin de la première année d'enseignement supérieur, avec un taux d'échec de 60 %  - le scandale français ! Ce taux baisse pour la première fois cette année, car les élèves sont mieux orientés.

Toute réforme suscite des interrogations. Mais je suis fier de l'innovation ayant consisté à nommer deux professeurs principaux en terminale. Nous comptons sur eux en matière d'orientation, pour aider les élèves et leurs familles. La responsabilisation permet l'orientation ; je pense au rôle des régions en la matière.

Certes, la crise sanitaire a freiné certaines évolutions, mais la base est posée.

M. Jacques-Bernard Magner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En 2021, les salaires des enseignants, malgré un rattrapage amorcé en 2015, restent inférieurs de 15 % à la moyenne des 38 pays de l'OCDE.

Les primes diverses -  d'attractivité, d'équipement informatique, d'éducation prioritaire, les indemnités de directeur d'école  - ne constituent pas une vraie revalorisation, même si ces mesures issues du Grenelle constituent une avancée appréciable. Il faudrait revoir le point d'indice dans un contexte inflationniste, mais le Gouvernement s'y refuse. La conséquence en est la perte d'attractivité du métier.

Alors que les AESH accomplissent des missions essentielles pour l'école inclusive, la rentrée 2021 marque un progrès avec une nouvelle grille et un avancement automatique, mais une grille reconnaissant réellement leur professionnalisation se fait attendre, sans compter qu'un temps partiel leur est souvent imposé.

Que ferez-vous pour une vraie revalorisation de ces métiers ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Merci d'avoir énuméré les primes que nous avons mises en place. Ne vous en déplaise, c'est un progrès ceux qui les touchent, d'autant qu'avant ce rattrapage, les professeurs touchaient moins de primes que les autres fonctionnaires.

Certaines, comme la prime informatique sont universelles, d'autres, comme la prime REP+ sont ciblées. Cette dernière, de 3 000 euros annuels, a stabilisé les enseignants dans ces établissements. Idem pour la prime de directeur d'école, de 600 euros par an.

Par rapport à 2017, un directeur en REP+ gagne désormais 3 000 euros de prime REP+, 600 euros de prime de directeur, sa prime informatique est passée de 150 à 200 euros, il bénéficie des classes dédoublées et de davantage d'AESH : la situation n'est pas idéale mais on ne peut pas dire qu'il ne s'est rien passé.

Il faut faire plus et mieux pour les AESH, mais celle que j'ai rencontrée hier à Marseille a reconnu que sa situation s'était améliorée : elle était en contrat aidé il y a quatre ans, elle est désormais en CDI ; son contrat est passé de vingt à trente heures ; son salaire dépasse les 1 000 euros. Il y a bien des améliorations.

En 2022, 150 millions d'euros sont consacrés à la revalorisation des AESH : 112 millions d'euros pour la grille, 24 millions d'euros pour la protection sociale et 12 millions d'euros pour la prime inflation. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Édouard Courtial .  - L'école de la République est la promesse d'un avenir meilleur, par le savoir et l'égalité des chances.

Ma proposition de loi de 2018 tendait à créer des REP ruraux, car l'école rurale est, elle aussi, confrontée à des défis que les conventions ruralité ne suffisent pas à résoudre. Chaque année, les investissements des communes n'empêchent pas les fermetures de classe. Chaque année, je dialogue avec le rectorat pour le faire revenir sur des décisions parfois incompréhensibles. Comment comprendre qu'en ville, des classes soient dédoublées, et qu'à quelques kilomètres de là, à la campagne, des classes soient fermées ?

L'État manque à sa parole, puisqu'il était entendu qu'aucune classe ne devait fermer sans l'accord du maire.

C'est fondamental pour notre avenir : voulons-nous des centres urbains entourés de déserts ruraux, ou bien préserver nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Depuis cinq ans, près de 12 000 postes ont été créés, malgré 280 000 élèves en moins, souvent en milieu rural. L'école rurale, que je défends, fait souvent mieux réussir ses élèves que l'école urbaine, c'est pourquoi nous nous sommes engagés à ne jamais fermer une école sans l'avis du maire -  s'agissant des fermetures de classes, l'engagement ne valait que pour une rentrée.

Les mesures en faveur des REP ne se font pas au détriment du monde rural, où le taux d'encadrement est très favorable.

Soyons volontaristes, sans opposer rural et urbain. A fortiori dans un contexte de réinstallation dans les territoires ruraux, il faut revaloriser l'image du village. Les contrats départementaux de ruralité concernent 67 départements de France : ils permettent de maintenir des classes et créer une nouvelle attractivité pour une renaissance des villages.

M. Max Brisson.  - Les maires ruraux constatent le contraire !

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En avril 2021, j'interrogeais Nathalie Elimas sur l'avenir de l'école dite du socle.

Elle me répondait que le taux d'élèves ayant une maîtrise insuffisante ou fragile des acquis diminue tant en français qu'en mathématiques, que la difficulté scolaire tout au long du parcours des élèves est bien prise en charge, que les résultats au brevet s'améliorent depuis trois ans, que les élèves semblent mieux comprendre et vivre les transitions inhérentes au parcours scolaire. 

Forte de ce diagnostic optimiste, l'expérimentation menée à Jussey s'est poursuivie et entre dans sa quatrième année. Ses résultats restent prometteurs, avec des chances de réussite optimisées, de la petite section de maternelle à la troisième.

L'heure du bilan est venue. Quand et comment prévoyez-vous de consacrer les écoles du socle ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Ces cinq années n'ont pas été un long fleuve tranquille et tout n'a pas été possible. Nous avons envisagé de consacrer l'école du socle via les établissements publics d'enseignement primaire (EPEP). L'idée de joindre école et collège peut être bonne, a fortiori en milieu rural, pour atteindre une masse critique.

Le cadre juridique actuel permet l'expérimentation. Il y a pourtant eu des oppositions, y compris ici. Peut-être les esprits mûriront-ils ? Faut-il systématiser les dispositifs de ce type ? Pas forcément, mais encourageons-les dès lors qu'il y a un consensus local.

Notre pays réussira sur le plan scolaire en créant des consensus politiques.

Je constate sur le terrain de nombreux liens entre écoles et collèges. Je vois beaucoup de classes et d'écoles qui vont bien, de professeurs investis. Attention aux discours que nous tenons : heureusement, les choses vont bien dans beaucoup d'endroits ! Je vous remercie d'avoir souligné ce succès. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Olivier Rietmann.  - Vous parlez de consensus local. J'étais maire de Jussey quand cette école s'est installée. Nous étions trois à y croire : le principal du collège, la directrice de l'école et moi - c'est tout ! Je suis même devenu la bête noire des syndicats de Haute-Saône en voulant créer cette école. Il a fallu du courage !

Cette école est intéressante pour réduire les écarts scolaires : étendons-la ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Notre rapporteur Max Brisson a résumé la situation : le bilan est sévère. Mais je refuse de voir notre pays condamné au déclin. Il nous manque une stratégie globale et de long terme.

Les travaux du centre de recherche politique de Sciences Po montrent que le manque de confiance des Français s'explique par la faillite de la méritocratie. La moitié des différences de croissance entre pays s'explique par le différentiel d'enseignement en mathématiques et en sciences : Cédric Villani est intarissable sur le sujet, souffrez que je préfère son analyse à la vôtre en ce domaine !

Vous avez mis en place une ou deux réformes iconiques, mais sans grande portée.

M. Julien Bargeton.  - C'est caricatural !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Nous partageons ici cette analyse. Les sénateurs seraient-ils tous fous ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Ils exagèrent souvent !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Quelle est votre stratégie face à ce phénomène ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - L'histoire jugera.

Toute personne de bonne foi sait que j'ai trouvé une situation peu reluisante en 2017 et que j'ai une stratégie cohérente. Les chiffres montrent l'augmentation du niveau à l'école primaire.

M. Max Brisson.  - C'est faux !

M. Julien Bargeton.  - Écoutons-nous !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Voulez-vous un débat ? Si vous continuez de m'interrompre ainsi, j'arrête ici mon intervention. (M. le ministre se rassoit.)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Vous n'êtes pas le pire des ministres.

M. Julien Bargeton.  - Qu'est-ce que ce serait !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Mais vous avez affirmé que nous ne connaissions rien au terrain. C'est faux, un point c'est tout.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Madame la présidente, je souhaite répondre sans être interrompu. Oui, monsieur Hugonet, ma stratégie est claire : élever le niveau et lutter contre les inégalités. Oui, ces chiffres existent.

Oui, le collège connait des limites et la réforme du lycée ne donne pas tous ses fruits, mais on avance. Ne cherchons pas de vaines polémiques.

Je ne dis pas que tout va bien, mais en cinq ans nous avons augmenté le budget de plus de 13 %, avec de premiers résultats constatables en français et en maths. Je le rappelle : 26 items sur 32. Malgré les oppositions, nous n'avons pas fermé les écoles. Je prends rendez-vous avec vous : l'Histoire jugera.

Nous n'allons pas rougir de faire progresser nos écoliers en pleine crise sanitaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Martin Lévrier.  - Bravo !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Vous avez observé, monsieur le ministre, que l'école en musique était un échec. Elle est impraticable : un tambourin et un pipeau dans la cour de récréation ne suffisent pas. Ce qui compte, ce sont les personnels payés par les communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Julien Bargeton proteste.)

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce sujet est fondamental pour l'avenir de notre pays : l'école est en effet le pilier de la République.

Je remercie le groupe Les Républicains d'avoir ouvert ce débat.

Depuis longtemps rapporteur spécial pour l'enseignement scolaire, je ne dispose pour présenter ce budget que de six minutes pour 60 milliards d'euros, soit une minute pour 10 milliards... (Sourires)

Je vous ai connu recteur de Créteil, monsieur le ministre, et j'avais apprécié votre implication. La pratique du suffrage universel vous aurait cependant durci le cuir face à certaines piques... (Sourires)

Ce débat est frustrant car nous ne pouvons aller au bout des chiffres. Voyez l'immense malentendu sur les mathématiques qu'il convient d'éclaircir. Une chose est sûre : le nombre de candidats au concours de professeur des écoles est trop faible et ils sont plus littéraires que scientifiques. On peut se jeter des chiffres à la figure, mais nul ne souhaite transformer le dialogue en affrontement.

Des élections présidentielles, j'en ai traversé cinq ou six ; la France continue d'exister après ! L'éducation nationale est un paquebot de très haute mer dont les corrections de caps sont lentes et difficiles.

Oui, le budget de l'éducation nationale a augmenté de 13 %, mais 60 % de cette hausse est due au glissement vieillissement technicité (GVT) et au parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), qui profite davantage aux anciens professeurs. Vous avez essayé de changer les choses et c'est pourquoi j'ai voté votre budget, mais il faut reconnaître que vous avez hérité d'un ministère pesant.

Monsieur le ministre, vous manquez d'alliés pour mener à bien vos réformes. Appuyez-vous sur vos partenaires naturels, les collectivités locales ! Le budget de Mme Gourault ne consacre que 33 euros par an et par élève pour les cités éducatives. Cela ne va pas renverser la table !

Vous annoncez des orientations qui peinent à se traduire dans les faits, car les changements sont quasi impossibles dans ce grand ministère ; l'école du socle en est un bon exemple.

En réalité, vous avez passé un excellent moment avec nous, (on s'amuse) car nous sommes passionnés d'éducation.

Prenez en considération les partenaires que sont les collectivités locales, les employeurs et les parents - car c'est bien la famille qui est le premier éducateur. Un gouvernement qui les ignore passe à côté des réalités ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.