SÉANCE

du mardi 2 août 2022

12e séance de la session extraordinaire 2021-2022

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Secrétaires : Mme Martine Filleul, Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

La séance est ouverte à 11 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 24 questions orales.

Questions orales

Régularisation des étrangers en situation irrégulière

M. Bernard Fialaire .  - Les articles L. 435-1 à L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoient la régularisation des étrangers par le travail. Cependant, les articles L. 8251-1 et L. 8256-8 du code du travail prévoient, pour le recrutement d'étrangers en situation irrégulière, des peines de cinq ans de prison et de 100 000 euros d'amende.

Alors que plusieurs secteurs, dont le bâtiment ou l'hôtellerie, sont en tension sur l'emploi, ne faut-il pas faciliter le recrutement de ces personnes pour répondre aux besoins et mieux contrôler les personnes en situation irrégulière ? Cela participerait aussi de la lutte contre la délinquance de survie.

Selon les chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur en novembre 2021, entre 600 000 et 700 000 personnes seraient concernées.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - L'embauche de salariés étrangers emporte des obligations pour l'employeur. Le décret du 31 mars 2021 prévoit ainsi le dépôt d'une demande sur une plateforme spécifique, avec l'acquittement d'une taxe dans les trois mois qui suivent la délivrance de l'autorisation. Les employeurs acceptent des risques s'ils contournent la réglementation.

Toutefois, une entreprise peut découvrir qu'elle emploie un travailleur étranger ou muni de faux documents. Dans ce cas, elle peut le licencier ou aider à sa régularisation, qui nécessite une ancienneté de travail de huit mois sur les deux dernières années, ou bien d'avoir travaillé trente mois sur cinq ans ou vingt-quatre mois sur trois ans.

La circulaire du 28 novembre 2012 dite Valls ne crée pas de droit opposable, mais autorise le préfet à régulariser selon son pouvoir d'appréciation.

M. Bernard Fialaire.  - Attendre cinq ans pour être recruté crée des situations compliquées. Les recommandations de M. Attali à votre Gouvernement vont dans ce sens.

Recrutement d'agents de collectivité comme pompiers à temps partiel

M. Patrice Joly .  - Avec le réchauffement climatique, le risque d'incendie s'intensifie, notamment dans la Nièvre : le Morvan est couvert de forêts à 48 %.

Les insuffisances du système sanitaire mobilisent les sapeurs-pompiers. Si le nombre de sapeurs-pompiers professionnels augmente, celui des volontaires est stable avec une baisse des disponibilités.

Il faut améliorer leur capacité opérationnelle, par exemple par le volontariat d'agents de collectivité à temps partiel. Cette solution, qui renforcerait le maillage territorial, reçoit selon les échanges que j'ai eus l'aval des sapeurs-pompiers et des élus locaux. Êtes-vous favorable à la création d'un régime juridique de partage d'activité ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - Je rends hommage au courage et au professionnalisme des soldats du feu, que j'ai constatés lors de deux déplacements.

Les SDIS doivent avoir les ressources humaines nécessaires alors que leurs missions sont plus nombreuses et plus périlleuses. Le Gouvernement est en lien avec les départements et les communes.

Un agent public consacre toute son activité professionnelle à ses tâches et ne peut exercer d'autre activité lucrative. Le cumul de deux emplois publics à temps complet est interdit. Toutefois, le cumul avec un emploi à temps non complet est possible dès lors que le temps de travail total ne dépasse pas de plus de 15 % celui d'un temps complet unique.

Toutefois, le temps partiel n'est pas le temps non complet : c'est une durée de travail réduite, à la demande de l'agent et sous réserve des nécessités de service, pour une période limitée et renouvelable. Ce n'est pas approprié au regard des exigences d'urgence et de formation inhérentes à l'activité des SDIS.

Le volontariat, encouragé par loi Matras, est plus prometteur.

M. Patrice Joly.  - Sortons des cadres habituels pour renforcer le maillage, en partageant le temps entre les collectivités et les SDIS. C'est urgent : il y a des déserts de sécurité civile.

Saturation de la délivrance de titres d'identité

Mme Elsa Schalck .  - La délivrance du passeport ou de la carte nationale d'identité (CNI) est devenue un casse-tête : 6 mois d'attente, sans compter le délai de fabrication. En 2017, vous avez réduit le nombre de communes établissant des titres d'identité, compétence de l'État : le système est saturé.

C'est perdant perdant : pour les citoyens, pour les communes qui établissent les titres, qui assument des coûts non compensés, et pour celles qui ne le font plus, dans un nouveau coup dur pour la ruralité. Votre plan d'urgence annoncé en mai est insuffisant et révèle un manque d'anticipation.

Je salue le travail des élus locaux et des agents, qui font au mieux. Il faut plus de lieux d'enregistrement et équiper de nouvelles communes.

Les maires doivent avoir les moyens financiers et humains à la hauteur. Entendez les élus et les citoyens. Comment soutiendrez-vous de manière pérenne mairies et élus pour assurer cette mission de service public ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - Le 4 mai dernier, le ministre de l'intérieur a en effet décidé d'un plan d'urgence : les délais baissent. De plus, les communes sont accompagnées par l'État, avec la dotation titres sécurisés de 10 millions d'euros votée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR).

Il y a une part forfaitaire de 4?000 euros pour chaque nouveau dispositif de recueil et une autre pour ceux déjà installés : leur taux d'utilisation progresse de 40 % du 1er avril au 31 juillet 2022.

L'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) versera une prime forfaitaire de 4 000 euros pour l'ouverture d'un centre temporaire, et du même montant pour tout nouveau dispositif fixe pérenne sur un nouveau site. Les 350 nouveaux dispositifs de recueil d'ici à octobre, les 150 collaborateurs supplémentaires en préfecture depuis le début de l'année et le développement de la prédemande en ligne, ce sont 40 000 demandes supplémentaires traitées chaque semaine.

Cumul des mandats

Mme Cécile Cukierman .  - La loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur limite à deux le nombre de mandats non exécutifs, départemental ou municipal, que peut exercer un élu.

Si l'article L.O. 141 du code électoral prévoit l'incompatibilité du mandat de député avec une longue liste d'autres mandats tels que celui de conseiller départemental ou de conseiller de Paris, il ne comporte aucune mention de la métropole de Lyon.

C'est une double incohérence : un député ou un sénateur peut ainsi être conseiller métropolitain et détenir un autre mandat local et, alors qu'un parlementaire peut aussi être conseiller métropolitain et municipal, d'autres élus comme les conseillers régionaux doivent choisir entre le conseil municipal et celui de la métropole.

Quelles mesures prendrez-vous pour assurer l'égalité entre tous les élus ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - En effet, l'article L.O. 141 ne comprend pas de mention de conseiller de la métropole de Lyon. Les travaux parlementaires préparatoires à la loi de ratification de l'ordonnance du 19 décembre 2014 ont montré qu'une législation ultérieure serait nécessaire. Cette ordonnance précise les modalités de l'élection des conseillers en application de la loi Maptam.

En particulier, le rapport législatif du 10 juin 2015 sur le projet de loi ratifiant ladite ordonnance précise que ce mandat de conseiller n'a pu être ajouté à l'article L.O. 141 du code électoral, car cela relève de la loi organique. Une prochaine loi organique portant dispositions électorales ou institutionnelles devra rectifier ce problème.

Mme Cécile Cukierman.  - Les députés européens ne peuvent pas être dans la même situation que les parlementaires nationaux. Faisons revenir la métropole de Lyon dans le droit commun.

Hausse des prix et bouclier qualité-prix aux Antilles

M. Dominique Théophile .  - L'élargissement de la liste des produits concernés par le bouclier qualité-prix est nécessaire pour lutter contre la vie chère. Ce dispositif mis en place sous le quinquennat du Président Hollande doit évoluer, car les prix des produits de consommation, notamment des denrées alimentaires, augmentent plus fortement dans les outre-mer que dans l'Hexagone.

Lors de votre déplacement à la Réunion en juillet dernier, vous avez indiqué vouloir étendre le bouclier qualité-prix, et bloquer ou limiter certains prix. Vous avez annoncé réunir prochainement à Paris, lors d'un « Oudinot contre la vie chère », les différents acteurs ultramarins pour trouver de nouvelles solutions.

Sans préjuger de ces échanges, à quoi pourraient ressembler les prochains paniers du bouclier qualité-prix ? M. Darmanin a précisé que les collectivités territoriales seraient concernées. Quelles sont les pistes à l'étude ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - La lutte contre la vie chère est l'une des priorités du Gouvernement. L'inflation mondiale, inédite, pèse encore plus sur la population des outre-mer, dont le niveau de vie est inférieur à celui de la population hexagonale.

Le Gouvernement a prévu de prendre des mesures d'urgence nationales : remise de 15 centimes par litre de carburant, augmentation de 4 % des prestations sociales et des retraites, plafonnement des loyers, aide exceptionnelle versée aux ménages les plus modestes.

Une subvention spécifique a été décidée concernant le fioul à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Gouvernement propose la limitation des loyers à 2,5 % dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), et non à 3,5 % comme dans l'Hexagone, ainsi qu'une aide supplémentaire de 15 millions d'euros destinée aux Ultramarins modestes ne bénéficiant pas des minima sociaux. Pour le Pacifique, 4 millions d'euros ont été réservés.

Avec M. Darmanin, nous avons prévu un « Oudinot du pouvoir d'achat » - terme que je préfère à « vie chère ». L'extension du bouclier qualité-prix est prévue : les paniers, spécifiques à chaque territoire, comprendront 250 à 300 produits. Pour au moins un an, il faudra bloquer les prix, voire les diminuer. Des négociations seront menées avec les préfets de chaque territoire. Nous recevrons l'ensemble des acteurs en septembre prochain à Paris, y compris les représentants des collectivités, pour lutter contre la vie chère.

Indemnisation des artistes lors de l'annulation d'un spectacle

M. Yves Détraigne .  - Lorsqu'une commune a passé commande pour un spectacle, une alerte météo orange ou rouge peut la conduire à annuler l'événement pour des raisons de sécurité.

Si la tempête annoncée a bien lieu, le groupe peut-il demander des indemnités à la commune, qui différeront selon que l'événement est qualifié ou non de « force majeure » ? Peut-il également demander à être indemnisé si l'événement ne se produit pas ? Existe-t-il un fonds gouvernemental pour indemniser les artistes ?

La seule alerte météo suffit-elle? Est-ce à la commune ou aux artistes de contracter une assurance ? Lorsque la commune interdit un événement sans en être l'organisatrice, comment les choses se passent-elles ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - Lorsque le spectacle est organisé par la commune, seule celle-ci est engagée, non l'État. Les conséquences de l'annulation sont régies par le contrat, qui prévoit les indemnisations.

Si l'événement météorologique annoncé n'a pas lieu, la commune peut toujours, après avoir indemnisé les prestataires, envisager de poursuivre l'État. Mais je ne vois pas comment sa responsabilité serait engagée, à moins d'une faute commise dans la diffusion des bulletins météorologiques.

Un événement de force majeure est imprévisible et irrésistible, et justifie la résiliation du contrat, selon l'article L. 2195-2 du code de la commande publique. Pour la jurisprudence, il en est ainsi d'une tempête d'intensité exceptionnelle, mais pas d'événements d'intensité modérée.

En revanche, si l'événement n'est pas organisé par la commune qui l'interdit, l'artiste pourra chercher à poursuivre la commune, dont la responsabilité n'est engagée que si une faute a été commise dans l'évaluation du risque. Les indemnités sont quant à elles déterminées par les clauses du contrat, ainsi que par une éventuelle assurance souscrite par l'organisateur et le prestataire.

Quotas de débits de boissons licence IV

M. Antoine Lefèvre .  - La réglementation en vigueur limite le nombre de débits de boissons alcoolisées de licence III ou IV à un seuil de 450 habitants par commune.

Sans remettre en cause l'objectif de santé publique, notons que ces quotas sont hérités de mesures prises en 1955, à une époque où la consommation d'alcool était bien supérieure à aujourd'hui - nous sommes passés de 200 litres de boissons alcoolisées par personne et par an à 80 litres.

Ce dispositif doit être modernisé. En France, 17 000 petites communes représentent 30 % du territoire. Un assouplissement serait bienvenu pour créer de nouveaux lieux de convivialité, à la suite de l'initiative « 1 000 cafés » défendue par le ministère de la cohésion des territoires. Pour l'autorisation des licences IV, serait-il envisageable de créer des quotas fondés sur la superficie des communes, et non sur leur population ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales .  - La limitation du nombre d'ouvertures tient à des raisons de santé publique. Mais le Gouvernement a assoupli la réglementation pour faciliter la réimplantation de cafés dans les petites communes, notamment par la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019.

Dans les communes de moins de 3 500 habitants, de nouvelles licences IV pourront être déposées jusqu'en 2022, sans être toutefois transférables au-delà d'une même intercommunalité.

La loi prévoit que les licences sont gérées à l'échelon départemental : le passage à l'échelon régional en 2015 avait conduit à préférer les zones plus attractives aux zones fragiles. En outre, ce seuil démographique ne s'applique pas aux licences de restaurants ou aux licences de vente à emporter.

La lutte contre les fractures territoriales dépasse le simple cadre des débits de boissons. C'est l'objectif du plan national Action coeur de ville, qui depuis 2017 permet des investissements d'ampleur, ainsi que du plan Petites villes de demain, qui vise à dynamiser les centres-bourgs.

M. Antoine Lefèvre.  - Dans un décret du 10 mai 2017, le Conseil d'État a permis de déroger aux règles d'attribution des licences IV pour les communes touristiques, en se fondant sur un ratio entre population et capacité d'accueil. Cette règle pourrait sans difficulté être appliquée aux communes rurales.

Pauvreté et territoires d'outre-mer

Mme Victoire Jasmin .  - La crise sociale de la fin 2021 touche encore les outre-mer : précarité, isolement social, pauvreté, loyers impayés, surendettement, inflation... Malgré la stratégie de lutte contre la pauvreté présentée le 13 septembre 2018 par le Gouvernement et son budget de 8,7 milliards d'euros, selon l'Insee, la pauvreté en outre-mer est cinq à quinze fois supérieure à celle de l'Hexagone.

Les problèmes sont structurels, et les aides ponctuelles ne constituent pas la solution. Quelles mesures pérennes et différenciées comptez-vous prendre pour les territoires d'outre-mer ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Les territoires d'outre-mer, et notamment la Guadeloupe, connaissent un taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale. La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté déployée depuis 2018 par le Gouvernement comporte un volet dédié aux outre-mer, concernant notamment l'accueil des jeunes enfants, le projet mené avec le régiment de Service militaire adapté de Guadeloupe, la subvention des petits-déjeuners à l'école - dont 20 % des bénéficiaires sont ultramarins -, ou encore le volet mobilité solidaire en faveur des demandeurs d'emploi.

Les contrats entre l'État et les collectivités ultramarines ont financé des actions pour plus de 70 millions d'euros entre 2019 et 2022, comme l'extension du SAMU social à toute la Guadeloupe en 2023, l'amélioration de l'accès au logement, à la culture, à la santé ou à l'emploi. Les difficultés ont été aggravées par la crise sanitaire, mais les mesures d'urgence du Gouvernement ont évité une détérioration à long terme. Un premier plan d'urgence mobilisera 4 millions d'euros supplémentaires pour lutter contre la précarité alimentaire. Nous devons accentuer nos efforts et mieux les adapter à la spécificité des outre-mer.

Mme Victoire Jasmin.  - Malgré ces mesures, les gens ne peuvent pas faire valoir leurs droits en raison des carences d'accès aux services publics : les agents ne peuvent accueillir tous les demandeurs, en présentiel ou au téléphone.

Centre hospitalier départemental La Candélie

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - La situation de l'hôpital La Candélie en Lot-et-Garonne est représentative de l'état de la psychiatrie française. La suppression de lits d'hospitalisation dégrade la qualité du service rendu. Plus de cinquante lits ont fermé depuis 2015, dix-huit sont en cours de fermeture et plusieurs unités devraient fermer prochainement. Le personnel est inquiet pour la prise en charge des patients. La restructuration affaiblit l'offre de soins et l'accès aux soins. Au lendemain de la crise sanitaire, quelles mesures comptez-vous prendre pour maintenir la qualité des soins psychiatriques ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La Candélie est le seul établissement psychiatrique du Lot-et-Garonne. Il accueille de nombreux patients chroniques qui relèvent plutôt d'un accompagnement médico-social. C'est pourquoi une mutation vers ce type de prise en charge a été engagée. Parallèlement, les moyens de l'hôpital ont été redéployés vers des structures externes telles que centres médico-psychologiques (CMP), hôpitaux de jour et équipes mobiles. En 2015, l'unité des Acacias a été fermée ; en 2016, dix lits ont été ouverts dans l'unité clinique, puis huit en hospitalisation à domicile (HAD) ; un hôpital de jour pour adolescents, doté de dix places, a été créé ; en 2018, dix-neuf lits ont été fermés ; en 2020, l'unité de géronto-psychiatrie a été fermée ; en 2021, de nouvelles chambres à un lit ont été ouvertes ; en 2022, quinze lits ont été fermés.

Les fermetures d'unités ont donc permis d'ouvrir de nouveaux lits en soins de suite et de réadaptation, en HAD et en hôpital de jour, et de constituer des équipes mobiles. Les CMP pivots et les unités restantes ont également été renforcés. Il s'agit d'une réorganisation générale. Il n'est pas envisagé de nouvelles réductions de capacités.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Vos informations sont manifestement différentes des miennes. J'y suis allée et je vous invite à vous rendre sur place.

Labellisation des hôpitaux de proximité

M. Olivier Rietmann .  - Le Ségur de la Santé ambitionne de fédérer les acteurs de territoire autour de projets communs. Les hôpitaux de proximité doivent être les laboratoires de ces nouvelles coopérations territoriales. Le 21 décembre dernier, vingt-cinq établissements ont ainsi été labellisés par l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté, dont ceux de Gray, Lure et Luxeuil-les-Bains en Haute-Saône. Ces établissements bénéficieront d'un financement sécurisé et certains, d'un service d'urgence.

Envisagez-vous de rouvrir le site de consultations non programmées de l'hôpital de Luxeuil-les-Bains ? Si non, la labellisation n'est qu'un écran de fumée qui prive les habitants de l'accès à un service d'urgence.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Trois sites du groupement hospitalier de Haute-Saône ont été labellisés fin 2021, dans un objectif d'amélioration de l'accès aux soins. D'importants projets immobiliers seront financés dans le cadre du Ségur pour créer de nouvelles unités sur chacun de ces sites.

À Luxeuil-les-Bains, il est prévu de développer l'hôpital de jour en médecine, de déployer un SSR et de renforcer les consultations avancées. La réouverture du service de consultations non programmées est prévue fin 2022 ou début 2023, en étroite collaboration avec la médecine de ville. Un protocole de coopération est en cours de rédaction, avec le soutien de l'ARS, de même qu'un partenariat entre le groupement hospitalier de Haute-Saône et les thermes de Luxeuil-les-Bains en vue de la création d'un SSR et d'un hôpital de jour spécialisés dans l'après-cancer.

M. Olivier Rietmann.  - Il faut agir vite ! Une partie de la Haute-Saône très rurale n'a plus accès au service d'urgence.

Labellisation de l'hôpital Jules Doitteau

M. Guillaume Chevrollier .  - En Mayenne comme ailleurs, on connaît la crise des urgences, le manque de médecins et les inégalités territoriales d'accès aux soins. Quelque 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins. Élus locaux et parlementaires sont très mobilisés sur la santé.

Dans le cadre de Ma Santé 2022, l'accès à des soins de qualité dans les territoires ruraux est maintenu grâce aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et aux hôpitaux de proximité. L'hôpital Jules Doitteau de Villaines-la-Juhel demande cette labellisation, mais ne dispose pas de l'autorisation de médecine requise. Ni centre hospitalier ni hôpital de proximité, cet établissement est en quête d'identité dans le paysage sanitaire mayennais où il joue pourtant un rôle majeur. En outre, la labellisation lui permettrait de prétendre à des moyens financiers supplémentaires. Allez-vous élargir la labellisation à de tels établissements ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'organisation des soins de proximité est un chantier prioritaire. L'hôpital de proximité est un trait d'union entre les acteurs qui permet de fluidifier le parcours des usagers. La labellisation est une démarche volontaire des établissements de santé qui deviennent alors des laboratoires de coopération territoriale. Le périmètre des activités obligatoires des établissements labellisés a été défini par la loi de santé de 2019. Or les établissements de soins de suite et de réadaptation (SRR) monovalents ne réalisent qu'une partie de ces missions.

L'hôpital local de Villaines-la-Juhel joue un rôle pivot en gériatrie sur son territoire, en coopération avec les Ehpad voisins, mais il n'a pas d'autorisation pour une activité de médecine. La prochaine campagne de labellisation de 2023 sera l'occasion de réexaminer les besoins de la population et les ressources médicales disponibles. Si les conditions sont réunies pour autoriser une activité de médecine, une évolution est possible.

M. Guillaume Chevrollier.  - Les professionnels sont dans l'attente et vous nous renvoyez à plus tard. Cet hôpital est ancré dans un territoire très rural.

Pollution de la clue du Riolan

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - En 2021, une inquiétante mousse blanche est apparue dans la clue du Riolan. L'analyse commandée par le maire d'Aiglun a mis en évidence une grave pollution par des bactéries et des produits chimiques. Un arrêté municipal interdit désormais l'accès de la clue à tous les usagers. Un travail de concertation est en cours entre les communes et l'ARS, mais il y a un vide juridique s'agissant du contrôle sanitaire de l'eau pour les sports en eaux vives. Une évolution de la réglementation est-elle envisagée pour protéger les populations ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Effectivement, ces sites de loisir aquatique sans activité de baignade n'entrent pas dans le champ de la réglementation sur les eaux de baignade, issue d'une directive européenne de 2006. Des travaux de révision de cette directive sont en cours et une proposition est attendue pour 2023. Dans l'attente, les ARS ne sont certes pas compétentes pour assurer le contrôle sanitaire de ces sites, mais elles peuvent accompagner les acteurs locaux dans l'évaluation des risques et les mesures de gestion à prendre. En cas de risque pour la santé des personnes, des mesures de police municipale et préfectorale doivent être prises. Les communes doivent également assurer le recensement annuel des eaux de baignade.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Il y a encore longtemps à attendre ! Les maires sont désemparés, car le soutien de l'ARS est insuffisant et la saison estivale déjà bien entamée.

Épisodes de grêle dans le nord de la Vienne

M. Bruno Belin .  - Des événements climatiques exceptionnels ont frappé le nord de la Vienne et le Saumurois. Au-delà de la déclaration de catastrophe naturelle et de calamité agricole, les conséquences sont dramatiques d'un point de vue professionnel, mais aussi personnel, avec de nombreux biens touchés ou perdus.

Quelles mesures concrètes prenez-vous en faveur des agriculteurs et viticulteurs du nord de la Vienne ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Des épisodes de grêle se sont en effet succédés en mai et juin, dans la Vienne et ailleurs. Nous proposons plusieurs mesures dans le cadre du PLFR : exonération de charges sociales et de taxe foncière sur le foncier non bâti, prolongation des prêts garantis par l'État arrivés à échéance jusqu'au 31 décembre.

J'ai également demandé qu'une mission flash identifie les éventuelles lacunes dans les dispositifs, car, derrière les réalités météorologiques, il y a des réalités humaines. Demain, j'annoncerai la création d'un fonds d'urgence pour répondre aux situations de détresse non couvertes. Je pense aussi aux agriculteurs, notamment dans la grande culture, qui n'ont pu honorer leurs contrats avec des coopératives.

M. Bruno Belin.  - Nous avons besoin de vous et des services de l'État. Je remercie le préfet Girier et le sous-préfet Pecate pour leur action. Dans les trois communes, Morton, Saix et Roiffé, dont les cultures ont été entièrement détruites, la déclaration de calamité agricole est essentielle. Les vignes détruites ne donneront rien en 2023 ni en 2024. Les agriculteurs ont besoin d'une grande écoute, car leur situation est dramatique, s'agissant aussi de leur accès à l'eau.

Évolution des populations lupines en France

M. Cyril Pellevat .  - D'après la nouvelle estimation pour l'hiver 2021-2022 annoncée récemment en groupe national, la France compterait 921 loups, soit 47 % de plus que l'estimation de l'année précédente. Ce chiffre ayant été ensuite porté à 783, on peut se demander si le chiffre de cette année ne serait pas, lui aussi, sous-évalué.

Ce chiffre fait sortir le loup du champ légal des espèces en voie d'extinction : dans le plan loup 2018-2023, le seuil de viabilité était fixé à 500. Il reflète des attaques en constante augmentation.

Pour y remédier, nous avons adopté en août 2020 une résolution européenne appelant à modifier son classement dans la Convention de Berne, sans que le Gouvernement donne suite. J'avais déposé un amendement à la loi 3DS permettant, dans les zones où les attaques causent des dommages importants, de déroger aux prélèvements définis nationalement, mais le Gouvernement s'y était opposé et il n'avait pas été retenu en CMP.

Est-il possible de relancer des discussions sur la modification du classement dans la Convention de Berne et la directive Habitats ? Le Gouvernement compte-t-il revoir sa position sur des zones de protection renforcée ? Ne faudrait-il pas augmenter les moyens alloués à l'Office français de la biodiversité pour un comptage exhaustif des loups ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le front de colonisation du loup s'est effectivement étendu pour atteindre une population totale de 921, ce qui excède avec beaucoup avance le seuil de 500 prévu par le plan loup, lequel doit être revu. En 2021, 45 départements étaient touchés, c'est historique.

Il en résulte une détresse qui n'est pas seulement économique : les éleveurs se sentent incompris. Vous connaissez les mesures qui ont été prises : protection des troupeaux, prélèvements, expérimentation dans la protection des bovins, mise en place d'un groupe référent dans chaque pays cynégétique. Nous devons aussi améliorer la détection du nombre de loups et planifier les tirs de prélèvement, qui doivent toucher en priorité les zones les plus prédatées.

Nous devons aussi améliorer le statut des chiens de protection et simplifier les démarches. Le Président de la République a annoncé la création d'une deuxième brigade d'intervention pour les Pyrénées et le Massif central. Enfin, j'entame un travail avec nos partenaires européens pour entériner le fait que le loup ne soit plus en danger d'extinction.

Remplacement des enseignants

Mme Martine Filleul .  - Au lycée Dinah Derycke de Villeneuve d'Ascq, un enfant n'a pu suivre que 66 % des enseignements prévus, soit 10 heures d'absence par semaine. Ce problème est loin d'être isolé : le constat est partagé dans le Nord à tous les niveaux de l'enseignement.

Les écoles ne parviennent pas à combler des absences nombreuses par manque de moyens humains, avec des conséquences immédiates sur les élèves, chez qui le décrochage scolaire gagne du terrain. C'est très alarmant : aucun enfant de la République ne doit être privé d'école.

Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour corriger le remplacement insuffisant des enseignants à l'école ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Vous faites état d'un enjeu particulièrement crucial : le recrutement des enseignants en lycée professionnel dans le Nord, tout particulièrement à Villeneuve-d'Ascq.

Pour y répondre, nous avons déployé des entretiens de recrutement ciblant une population diplômée dans les établissements de l'académie, comme le lycée Valentine Labbé pour la santé, la faculté de droit et le Lycée Gaston Berger pour l'économie-gestion ou l'Université polytechnique des Hauts-de-France pour les filières industrielles et scientifiques.

Nous avons également noué un partenariat spécifique avec Pôle Emploi pour diversifier les sources de recrutement, nous faisons accompagner les nouveaux contractuels par les corps d'inspection et allongeons les contrats pour fidéliser les contractuels.

Nous sommes engagés sur la question des remplacements : il est évident que chaque élève doit avoir un professeur en face de lui pour l'ensemble des heures d'enseignement.

Mme Martine Filleul.  - Merci de votre réponse, mais face à cette crise de recrutement et au sentiment de déclassement des professeurs, il faut un électrochoc d'attractivité. La rémunération n'est pas à la hauteur : la France est au 21e rang de l'OCDE ! La mobilisation de contractuels et d'étudiants ne fait que repousser le problème : il faut une réponse structurelle.

Enseignement civique et moral

M. Jean-Marie Mizzon .  - Connaître les textes fondateurs de notre République et comprendre le fonctionnement de nos institutions est un droit et un devoir citoyens. L'école tente d'y pourvoir, en proposant un éveil à la citoyenneté à travers l'enseignement moral et civique (EMC), censé former les citoyens responsables de demain.

Mais il n'en est rien. D'après le rapport de la mission d'information du Sénat sur la culture citoyenne présidée par Stéphane Piednoir, la matière occupe une place trop réduite dans les programmes. Quelles sont vos propositions concrètes pour y remédier ? Il y va de l'avenir de la démocratie représentative.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - La formation démocratique et civique du futur citoyen est une mission fondamentale de l'école. De là la place prépondérante de l'EMC, avec des volumes horaires fixes et obligatoires du CP à la terminale.

Récemment, la réforme du lycée a établi cette thématique transversale à travers l'histoire, la géographie, le français, la philosophie, les sciences économiques et sociales, ou encore l'éducation aux médias et à l'information.

Le fonctionnement des institutions de la République est enseigné dès le CP, les savoirs fondamentaux étant approfondis jusqu'au lycée, notamment le droit de suffrage, la séparation des pouvoirs, l'État de droit et les institutions judiciaires et européennes. Des actions éducatives sont organisées par l'Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil constitutionnel, telles que « Découvrons notre Constitution » ou le Parlement des enfants.

La capacité des enseignants à accompagner les valeurs et principes de la République est évaluée lors de leur recrutement. Enfin, le service national universel (SNU) forme des jeunes, autour de la valeur essentielle de l'engagement, à leurs droits et devoirs de futurs citoyens.

Financement de l'Association d'étude et de suivi de l'aménagement du temps de travail (Adesatt)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Les entreprises de l'informatique et de l'ingénierie paient une contribution obligatoire à l'Adesatt, créée lors des négociations sur les 35 heures. Cet organisme de branche avait vocation à travailler à leur application. Cette tâche ayant disparu, il n'a plus d'objet, mais la contribution des entreprises du secteur subsiste.

J'ai interrogé quatre fois le ministère du travail à ce sujet. On m'a répondu qu'il appartenait aux signataires de l'accord de branche de le dénoncer et de le modifier.

J'ai posé deux questions écrites, restées sans réponse, car, s'il y a contribution obligatoire, c'est parce que le ministre a pris un arrêté d'agrément en ce sens, alors qu'elle n'a plus aucun fondement. Il est de la responsabilité de l'État de la faire cesser.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - La branche professionnelle concernée paie cette contribution de 0,02 %, mise en place par les partenaires sociaux en 1999 et étendue par arrêté la même année.

Son maintien a été confirmé à plusieurs reprises, encore dernièrement par un accord du 28 avril 2021, étendu par arrêté le 4 février 2022. Le ministre du travail a examiné la légalité de cette contribution et du fonctionnement de cette association, mais il ne lui appartient aucunement de se prononcer sur une décision des partenaires sociaux.

Seul un nouvel accord de branche pourrait décider de l'éventuelle suppression de cette contribution, qui finance les actions liées au paritarisme, afin de favoriser l'appropriation par les entreprises et les salariés des accords signés.

Je le répète, le ministre du travail n'est pas décisionnaire. C'est la branche qui négocie ces dispositions.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Le financement de la vie paritaire doit se faire de façon transparente, et non par des contributions qui ont perdu leur objet !

Pouvoir disciplinaire de l'ambassadeur

M. Jean-Yves Leconte .  - Ma question porte sur l'application de l'article 9 du décret du 1er juin 1979, relatif aux pouvoirs des ambassadeurs. Il dispose que « l'ambassadeur peut demander le rappel de tout agent affecté à sa mission et, en cas d'urgence, lui donner l'ordre de partir immédiatement ».

Les agents ne dépendant pas hiérarchiquement de l'ambassadeur ne devraient pas être concernés. Or cet article a servi de fondement à un ambassadeur pour ordonner à un directeur d'établissement homologué d'enseignement français de quitter le poste et le pays où il exerçait.

Cet établissement est géré par une association de droit local. Le directeur était un fonctionnaire détaché du ministère de l'éducation nationale, non un agent du poste diplomatique ou d'un établissement géré directement par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

La demande de l'ambassadeur a eu pour conséquence directe le licenciement du directeur. Pouvez-vous préciser l'application de cette disposition et m'indiquer si l'ambassadeur était fondé à en faire usage ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Catherine Colonna.

En vertu du décret du 1er juin 1979, l'ambassadeur représente le Gouvernement et chacun des ministres. Les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 9 de ce décret ne le sont pas en vertu du pouvoir disciplinaire propre de l'ambassadeur, mais de sa qualité de représentant du Gouvernement à l'étranger. À ce titre, il peut ordonner le rappel de tout fonctionnaire.

Des faits de harcèlement ayant été reprochés au chef d'établissement dont vous parlez, l'ambassadeur a engagé une procédure dite « article 40 », c'est-à-dire le signalement de crimes et délits. L'établissement scolaire que cette personne dirigeait figurait dans la liste des établissements homologués pour 2020-2021 dont le personnel, ayant la qualité de fonctionnaire, reste placé sous l'autorité du ministère et peut donc faire l'objet d'un rappel au titre de l'article 9.

Déploiement de la fibre dans les poches de basse densité des zones très denses

Mme Patricia Demas .  - Contrairement aux zones d'appel à manifestations d'intention d'investissement, ou AMII, les zones très denses ne s'accompagnent d'aucune obligation pour les opérateurs d'infrastructures. La Commission européenne retient néanmoins un horizon de trois ans pour déterminer la probabilité d'une carence de l'offre privée et la possibilité d'une intervention publique à la place de l'opérateur défaillant.

Concrètement, cette carence est difficile à constater, et la réponse de la collectivité a peu de chances de satisfaire les usagers concernés, compte tenu de la durée et du coût du déploiement des prises manquantes.

Aujourd'hui, 830 000 logements et locaux professionnels sont non raccordables à la fibre dans les 106 communes classées en zone très dense.

Comment l'État compte-t-il parvenir à 100 % de fibre optique d'ici à 2025 ? Allez-vous faire évoluer le cadre réglementaire ? Interdirez-vous la fermeture du cuivre en attendant la complétude des déploiements, et quelle serait l'échelle pertinente de la fermeture ? Révisera-t-on les règles d'utilisation des appuis communs d'Enedis ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - La France est le leader européen du déploiement de la fibre, grâce à un important travail collectif. En moins de dix ans, nous sommes parvenus à 72 % de locaux éligibles à une offre de fibre, et plus de 80 % éligibles au très haut débit via une technologie filaire.

Le plan France Très Haut Débit, lancé en 2013, vise l'équipement de tous nos concitoyens. Conformément aux règles d'attribution des aides d'État, les subventions sont mobilisées seulement sur les zones moins denses du territoire. Sur 20 milliards d'euros d'investissements en dix ans, plus de 3,3 milliards d'euros sont du ressort de l'État.

Il peut être économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leur propre réseau à proximité des logements situés dans les zones de forte densité. Une évolution législative telle que vous la suggérez pourrait soulever des questions sur la stabilité du cadre législatif et réglementaire dans lequel les acteurs privés ont pris leurs décisions d'investissement. Ce serait un changement des règles du jeu alors que la partie a déjà commencé. De plus, ce serait contraire au droit européen sur les aides d'État.

Toutefois, sachez que le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce sujet et y travaille avec l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).

Révision du plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) du bassin Rhin-Meuse

Mme Sabine Drexler .  - Plus de 200 collectivités territoriales ont délibéré contre le PGRI du bassin versant Rhin-Meuse ; 130 ont engagé un recours, afin qu'il soit tenu compte des spécificités de notre territoire.

Le Haut-Rhin est pionnier dans la reconquête des zones inondables et de la biodiversité, ainsi que dans la rétention des crues, avec plus de 200 kilomètres de digues et près d'une centaine d'ouvrages de protection.

Malheureusement, le PGRI va à l'encontre des objectifs de la réglementation nationale et empêchera la construction de nouveaux bassins de stockage, ce qui laissera de nombreuses communes exposées aux coulées de boue et aux inondations.

Évitons de geler certains territoires en créant des espaces de précaution en aval des ouvrages, alors que ces zones sont déjà urbanisées, et que les ouvrages ont été conçus et validés par l'État. À ce titre, ces zones devraient être classées en zone jaune.

Les élus haut-rhinois regrettent, en outre, qu'une nouvelle compétence de l'État leur échoie sans compensation.

Le Gouvernement reviendra-t-il sur ce PGRI, qui va à l'encontre des objectifs visés et du travail déjà réalisé ?

Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité .  - Veuillez excuser l'absence de M. Christophe Béchu.

Les PGRI sont élaborés dans chaque bassin afin de nous préparer aux risques d'inondation, renforcés par le changement climatique. Leurs orientations sont les mêmes sur tout le territoire.

Les digues et ouvrages ralentisseurs de crues ne sont pas infaillibles. Rappelons-nous la rupture d'une digue sur la Garonne, l'hiver dernier. Les ouvrages s'affaiblissent au fil des ans. Avec le changement climatique, certains, pensés pour un type de crue, s'avèrent dépassés. On trouve des ouvrages dégradés sur tout le territoire.

Or toute implantation d'habitation nous engage pour des décennies, et ces terres sont très rarement rendues à la nature. Aussi, depuis les années 1990, une bande de sécurité est prévue pour tenir compte de la défaillance éventuelle des digues et ouvrages. Cette orientation a pris une valeur réglementaire en 2019, dans le décret encadrant les PGRI. Ce décret avait été élaboré en association étroite avec les collectivités territoriales, qui avaient rendu un avis favorable unanime lors de son examen par le Conseil national d'évaluation des normes.

Subventions accordées à l'association NégaWatt

Mme Anne-Catherine Loisier .  - L'association NégaWatt, qui milite depuis des années pour la sortie du nucléaire, reçoit des subventions de Valorem, opérateur éolien, et de GRDF, ce qui se conçoit aisément.

Elle bénéficie aussi du soutien de RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité, et de l'Agence de la transition écologique (Ademe). Quels motifs d'intérêt général justifient le versement de ces subventions par un établissement public et un organisme investi d'une mission de service public ?

Par ailleurs, êtes-vous en mesure de garantir l'absence de conflit d'intérêts s'agissant de professionnels qui passeraient de postes de direction dans les énergies renouvelables à des postes-clés au sein de RTE ou de l'Ademe, singulièrement à la commission des aides ?

Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité .  - Au cours des dernières années, l'Ademe a attribué des marchés et des subventions à NégaWatt, dans le cadre de conventions de financement prévoyant la production de livrables - réalisation d'une étude prospective ou mise en place d'une application web, par exemple.

Les aides sont attribuées selon des règles fixées en conseil d'administration, et une comitologie assure la transparence des décisions. Une personne intéressée à un projet ne prend pas part à une décision qui s'y rapporte. Lors des recrutements, les éventuels conflits d'intérêts sont attentivement examinés.

Comme entreprise, RTE est libre de sa politique de mécénat et de partenariat. Des partenariats ciblés et limités dans le temps sont noués avec des ONG ; ils ne portent pas sur les filières de production d'énergie et sont conclus avec des organisations diverses, parfois favorables et parfois opposées au nucléaire.

Enfin, la politique de recrutement de RTE est fondée sur les besoins opérationnels. De nombreux salariés ont une expérience antérieure dans le secteur des énergies renouvelables, du nucléaire ou de la production thermique.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Alors que l'inquiétude grandit sur notre approvisionnement énergétique pour l'hiver prochain, on peut s'interroger. Nous payons la légèreté des orientations antinucléaires de la politique menée ces dernières années, en témoigne la réouverture de centrales à charbon.

Stationnement des véhicules électriques

M. Bernard Buis .  - Les utilisateurs de véhicules électriques sont parfois confrontés au stationnement abusif sur certaines bornes de personnes qui les monopolisent bien au-delà du temps nécessaire à la recharge de leur batterie. Ce stationnement prolongé limite la rotation sur les places et décourage les automobilistes d'opter pour un véhicule électrique. Ce phénomène de voiture ventouse est inadmissible.

Les articles L. 417-1 du code de la route et L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales offrent au maire des moyens d'action, mais s'appliquent-ils aux véhicules électriques ? Sur quels dispositifs les maires peuvent-ils s'appuyer ?

Le délai de sept jours prévu pour qualifier un stationnement d'abusif n'est pas adapté. Ne faudrait-il pas légiférer ? Ce domaine est encore peu réglementé, alors qu'il est crucial pour la transition écologique.

Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité .  - Ce problème relève de la police de la circulation et du stationnement, qui est du ressort des collectivités territoriales.

Des possibilités de verbalisation sont prévues. Le maire peut réglementer le stationnement des véhicules, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement. Il peut réserver des emplacements aux véhicules à très faible émission et limiter la durée du stationnement à l'intérieur de tout ou partie de l'agglomération. Si le code de la route définit comme abusif un stationnement ininterrompu de sept jours, le maire peut fixer par arrêté une durée inférieure.

Les maires disposent donc des pouvoirs pour favoriser la rotation des véhicules. Par ailleurs, les opérateurs d'infrastructures de recharge peuvent adopter une politique tarifaire favorable à la rotation ; certains l'ont déjà fait, avec une certaine efficacité.

M. Bernard Buis.  - Je vous remercie pour ces explications, que je transmettrai aux maires qui m'ont sollicité.

Gestion des boues des stations d'épuration

M. Jean-Claude Anglars .  - Les collectivités territoriales gestionnaires de la compétence assainissement sont confrontées à la problématique de la gestion des boues des stations d'épuration, en particulier de leur hygiénisation.

Une évolution réglementaire en préparation sur le stockage et l'épandage des effluents des unités de méthanisation et installations classées au titre de la protection de l'environnement (ICPE) suscite des inquiétudes.

Plusieurs arrêtés pris pendant la crise sanitaire ont créé de nouvelles contraintes pour les services d'assainissement, comme l'impossibilité d'épandage agricole pour les boues liquides non hygiénisées.

Les collectivités territoriales ont besoin de visibilité pour s'adapter aux futurs critères d'innocuité et évoluer vers la siccité qui pourrait être requise.

Dans les départements ruraux comme l'Aveyron, où l'épandage agricole, procédé le plus vertueux, est très majoritaire, l'inquiétude est forte sur les surcoûts qui pourraient résulter des modifications à venir.

Quelles sont les évolutions réglementaires envisagées ? Quelles mesures le Gouvernement va-t-il prendre, et selon quel calendrier, pour accompagner les collectivités territoriales ?

Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité .  - Monsieur le sénateur - et cher voisin... -, Mme Cayeux me charge de vous répondre que la gestion durable des boues est essentielle au bon fonctionnement des stations d'épuration et à la protection des milieux aquatiques ou encore de la conchyliculture.

La réglementation encadrant l'épandage remonte à 1998 ; au vu des connaissances scientifiques acquises depuis lors, il convient de renforcer les exigences de qualité des boues destinées à une valorisation agronomique, afin de mieux protéger les sols et la ressource en eau et de maintenir la confiance entre producteurs de boue, agriculteurs et consommateurs.

Le Gouvernement entend pérenniser cette filière vertueuse et conforme aux ambitions dont la loi anti-gaspillage est porteuse. Durement touchée par la pandémie, la filière doit voir sa résilience renforcée.

Dans le cadre de France Relance, une aide spécifique est ciblée vers l'hygiénisation des boues, donc leur valorisation. Par ailleurs, le Gouvernement a demandé au Haut Conseil de la santé publique une analyse du risque sanitaire en lien avec les restrictions actuelles.

Les discussions sur les projets de texte fixant le socle commun d'innocuité se poursuivent, pilotées par le ministère de l'agriculture. Je ne doute pas que Marc Fesneau saura prendre en considération les préoccupations des acteurs.

Pour améliorer la qualité des boues, la priorité est de diminuer certaines pollutions. Les agences de l'eau seront un partenaire essentiel pour les collectivités territoriales.

M. Jean-Claude Anglars.  - Je me réjouis que le dialogue soit engagé. J'espère que, entre voisins, l'écoute et le bon sens paysan prévaudront...

Crise de l'hébergement d'urgence et inconditionnalité de l'accueil

M. Guillaume Gontard .  - À Grenoble, l'association Droit au logement - Isère a installé pendant cinq semaines un campement pour dénoncer, à juste titre, l'absence de solution d'hébergement pour une centaine de familles, à la rue ou mal logées. Ces familles, qui comptent parfois de très jeunes enfants, certains handicapés, sont en grande précarité.

Alors que la chaleur rend la vie à la rue encore plus rude, les appels au 115 sont souvent infructueux. Lorsque des hébergements sont proposés, ils sont très souvent inadaptés et éloignés des écoles.

Pourtant, l'inconditionnalité de l'accueil est inscrite dans le code de l'action sociale et des familles. Nombre de ces personnes remplissent les critères d'un dossier prioritaire au titre du droit à l'hébergement ou au logement opposable.

Depuis des années, associations, citoyens et collectivités territoriales pallient les défaillances de l'État. La Ville de Grenoble a trouvé à ces familles un hébergement pour le mois d'août et travaille à la réquisition de logements vacants - il y en a plus de 17 000 en Isère.

Avec d'autres parlementaires du département, j'ai demandé à la préfecture d'intervenir rapidement, en liaison avec les collectivités territoriales, pour assurer l'accueil inconditionnel de ces familles, sans tri selon leur situation. Comment le Gouvernement entend-il répondre à l'insuffisance actuelle des solutions de mise à l'abri ? Quels moyens seront-ils mobilisés pour répondre à la situation particulière de ces dizaines de familles ?

Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité .  - Jamais la mobilisation du Gouvernement en faveur de l'hébergement et de l'accès au logement des plus précaires n'a été aussi intense qu'aujourd'hui. Malheureusement, il reste encore de nombreuses situations préoccupantes, qui nécessitent l'engagement de tous.

La politique d'hébergement est avant tout humaine, centrée sur les personnes. Elle est d'abord préventive, destinée à limiter les discontinuités dans les trajectoires de vie. Ainsi, des consignes ont été données aux préfets pour reloger toute personne qui ferait l'objet d'un concours de la force publique à l'issue de la trêve hivernale.

C'est aussi une politique d'action, dans le cadre du plan Logement d'abord. Il s'agit de permettre aux personnes hébergées d'accéder le plus rapidement possible à un logement. Cette politique porte ses fruits, plus de 330 000 personnes sans domicile ayant accédé à un logement depuis 2018. En Isère, 1 269 personnes ont accédé à un logement social l'année dernière.

Un parc d'hébergement est financé pour assurer l'accueil inconditionnel, principe fondamental de notre droit. Ce parc compte aujourd'hui plus de 190 000 places, un niveau historiquement élevé. L'État veille également à la qualité de l'accompagnement, notamment en matière de scolarisation ou de santé.

Le Gouvernement agit en liaison étroite avec les associations, particulièrement dans votre département. Il est également indispensable que les collectivités territoriales prennent toute leur part de responsabilité.

M. Guillaume Gontard.  - À Grenoble, ce sont justement les collectivités territoriales qui pallient les défaillances de l'État. Cent familles sont à la rue : quelle réponse précise leur apportez-vous ?

La séance, suspendue à 12 h 45, reprend à 14 h 30.