Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Rentrée sociale

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la Première ministre, le 27 juillet dernier, je vous ai fait part de ma vive préoccupation pour la rentrée sociale ; je vous ai proposé une revalorisation du Smic et l'organisation d'une grande conférence salariale. Vous m'avez répondu préférer la voie des accords de branche.

Le désordre s'installe, la colère gronde : une crise sociale généralisée est sur le pas de tir, dont la crise des carburants est le premier étage. Les inégalités se creusent, et ce n'est que le début.

Réquisitionner autoritairement les salariés sans responsabiliser les employeurs ne rétablira pas la paix sociale. Aucune prime, fût-elle Macron, ne remplacera une revalorisation durable des salaires !

Vous n'anticipez plus : vous collez des rustines, coûteuses pour la collectivité, tout en continuant d'exonérer les plus aisés. Pendant que les pompes s'assèchent et que l'inflation siphonne le pouvoir d'achat, les dividendes ruissellent... Certaines entreprises triplent leurs bénéfices en profitant de la crise, mais n'augmentent pas leurs salariés. Aberrant !

Résignation ou combat pour la justice sociale : quel camp choisissez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Laurence Cohen et Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que M. Thomas Dossus, applaudissent également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Je vous remercie pour vos propos équilibrés et modérés...

Dans le cadre du projet de loi de finances, nous vous proposerons de taxer les profits exceptionnels, notamment des compagnies pétrolières. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et des groupes INDEP et UC)

M. David Assouline.  - Très peu...

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Moi aussi, j'échange régulièrement avec des salariés et des fonctionnaires, avec les syndicats et les chefs d'entreprise. Tous me le disent : les Français veulent vivre de leur travail. C'est aussi la conviction de mon gouvernement, car le travail, c'est la dignité et l'émancipation.

M. Rachid Temal.  - C'est le salaire, aussi !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Nous avons pris des mesures fortes pour protéger le pouvoir d'achat. Ainsi du bouclier tarifaire, mesure la plus protectrice d'Europe. (Murmures à gauche et sur certaines travées à droite) Nous agissons pour que le travail paie toujours mieux : nous avons supprimé certaines cotisations sociales et augmenté la prime d'activité.

Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - Les salaires !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Cet été, nous avons pris des mesures supplémentaires : revalorisation de la prime d'activité, prime de partage de la valeur, déblocage facilité de l'épargne salariale. Grâce à ces dispositifs, les salariés bénéficient des richesses qu'ils contribuent à créer.

Vous me parlez des salaires. Notre dispositif de protection du salaire minimal est le plus protecteur : en un an, le Smic a été revalorisé de 8 %, soit plus que l'inflation, qui est de 6 %. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. David Assouline.  - En Espagne, c'est 20 % !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Cette revalorisation doit conduire les branches professionnelles à revoir leurs grilles salariales. Plus de 500 accords de branche ont été signés depuis le début de l'année. La dynamique est là, elle doit se prolonger. Toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires.

Nous croyons profondément au dialogue social : c'est de lui que viendra la réponse. Mais le dialogue social, ce n'est pas bloquer le pays, c'est chercher des compromis et respecter les accords majoritaires ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du RDSE et des groupes INDEP et UC)

M. Patrick Kanner.  - Pour les ménages modestes, l'inflation n'est pas de 6, mais de 13 ou 14 %.

Comment faire comprendre aux salariés de Total, qui demandent une revalorisation de 10 %, que leur patron, M. Pouyanné, ait augmenté son propre salaire de 52 % ? Vous ne combattez pas ces injustices : vous êtes faibles avec les forts et forts avec les faibles ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE et du GEST)

Pénurie de carburant

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Crise sanitaire, crise économique, guerre en Europe, inflation : depuis plus de deux ans, les Français vivent dans un contexte particulièrement anxiogène, avec une résilience remarquable.

Résultat de la grève des raffineries et d'une mauvaise anticipation des effets de la remise à la pompe, la pénurie de carburant donne le coup de grâce à une partie de la population, qui ressent douloureusement la fracture sociale et territoriale : ceux qui n'ont pour se déplacer que leur voiture.

Sans doute, des usagers se sont rués sur les stocks d'essence de manière irresponsable. Mais la réalité est là : stations-service prises d'assaut, professionnels incapables de travailler.

Certes, l'État n'est pas l'acteur principal des négociations en cours ; mais s'agissant d'un bien stratégique et alors que la paralysie menace, il a l'obligation de s'en mêler.

Hier, vous avez annoncé que les préfets pourraient réquisitionner les salariés de certaines raffineries. Comment comptez-vous faire ? Ne craignez-vous pas que la justice vous oppose la liberté fondamentale de faire grève ? Quelles autres pistes envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Depuis le début de cette crise sociale, le Gouvernement doit face à des tensions pénalisantes pour des millions de nos concitoyens. Nous importons des carburants, notamment depuis la Belgique, puisons dans nos réserves stratégiques et organisons des norias de camions-citernes.

Cela ne suffit pas, nous en avons conscience. Nous souhaitons que le dialogue social aboutisse, pour que les blocages cessent.

Il faut distinguer deux situations. Chez Exxon, un accord majoritaire a été signé, mais il n'a pas été respecté par la CGT : l'État a pris ses responsabilités, et les arrêtés de réquisition devraient être opérationnels aujourd'hui. Chez Total, des négociations ont été ouvertes, auxquelles la CGT...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - La CGT et FO !

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - ... la CGT et FO, en effet, semblent avoir décidé de participer.

Nous sommes très attentifs à l'évolution des discussions et aux déblocages que nous appelons de nos voeux. L'État se tient prêt, là aussi, à prendre ses responsabilités.

Le retour à la normale peut prendre un peu de temps, mais la situation s'améliorera de façon visible dans les jours à venir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Coupe du monde de football au Qatar

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La 22e Coupe du monde de football est sur le point de s'ouvrir, au Qatar. La fête aurait dû être belle pour la France, car nous avons une équipe de très haut niveau.

Pourtant, le malaise, voire le dégoût, grandit. Une troisième étoile sur le maillot bleu vaut-elle toutes les compromissions ?

En 2010, Mbappé n'avait que 12 ans quand Nicolas Sarkozy oeuvrait avec succès pour que la monarchie qatarie remporte l'organisation de l'événement.

Douze ans plus tard, la plus grande compétition de football va s'ouvrir sur les cadavres de 6 500 travailleurs morts en construisant des stades climatisés. Douze ans plus tard, les minorités sexuelles sont toujours persécutées au Qatar, les femmes n'y sont pas libres et l'esclavage y perdure. Douze ans plus tard, on s'obstine dans le déni climatique, en dépit des alertes et des catastrophes.

La France va mettre son savoir-faire en matière de sécurité au service de la dictature qatarie en envoyant 220 gendarmes et agents de sécurité civile - des hommes, pour ne pas heurter le rigorisme des émirs.

Je vous pose la question que j'avais posée à votre prédécesseur au moment des jeux Olympiques au pays du génocide ouïghour : si nos joueurs n'ont pas à assumer les choix politiques de la France, allez-vous, sur le plan diplomatique, boycotter cette Coupe du monde de la honte ? Ferez-vous enfin du sport français le vecteur d'une diplomatie au service du climat et des droits humains ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Joël Bigot et Yannick Vaugrenard applaudissent également.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - L'attribution de la Coupe du monde au Qatar a été décidée par la Fifa voilà douze ans.

Alors que l'urgence écologique est plus prégnante que jamais, le Qatar doit tout faire pour atteindre son objectif de neutralité carbone. (M. Thomas Dossus se gausse ; on ironise sur de nombreuses travées à gauche.) Il peut s'appuyer sur un système de transports ambitieux, bâti avec l'expertise française, et des investissements dans les énergies renouvelables.

Nous encourageons le Qatar à mettre en oeuvre pleinement l'accord de Paris. Nous sommes engagés avec ce pays dans des coopérations techniques pour accélérer ses efforts et nous espérons qu'il présentera, dans la perspective de la COP27, une contribution nationale rehaussée et une stratégie plus ambitieuse en matière de limitation du réchauffement climatique.

La France se bat en faveur des droits humains sur les plans bilatéral et multilatéral, à l'Organisation internationale du travail et avec des ONG comme Human Rights Watch et Amnesty International. La législation du Qatar a commencé à évoluer, mais c'est insuffisant. Nous promouvons le respect des droits humains dans toutes nos relations avec ce pays.

Vous avez raison : la question se pose du modèle que nous voulons pour les futurs grands événements internationaux.

M. le président.  - Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - La Fifa souhaite un renforcement des critères environnementaux.

M. le président.  - Il faut conclure !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - En ce qui nous concerne, nous serons au rendez-vous en 2024, avec les jeux Olympiques et Paralympiques les plus écologiques de l'histoire. (Son micro ayant été coupé, la ministre poursuit quelques instants sans être entendue.)

M. le président.  - Votre temps de parole est épuisé.

Pénurie de médicaments

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Une autre pénurie menace la France : celle des médicaments.

Une alerte récente de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) porte sur les traitements les plus courants du diabète de type 2. C'est l'arbre qui cache la forêt : les ruptures d'approvisionnement dans les officines ont quasiment doublé depuis le début de l'année ; les médicaments contre l'hypertension et le cancer sont aussi concernés. Les témoignages de terrain sont clairs : il manque de plus en plus de molécules chez les pharmaciens.

En 2018, dans le cadre d'une mission d'information demandée par notre groupe, Jean-Pierre Decool avançait des pistes d'amélioration. Depuis lors, la situation s'est aggravée sous l'effet des tensions liées à la pandémie et à la guerre en Ukraine.

Nombre de médicaments viennent d'Asie, et les matières premières se trouvent quasiment toutes en dehors de l'Europe. Nous devons produire nos propres médicaments et améliorer les chaînes de distribution. Il y va de notre souveraineté.

Quelles mesures conjoncturelles et structurelles comptez-vous prendre pour éviter des drames humains ? L'échelon européen n'est-il pas incontournable ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Le médicament est un secteur stratégique. Nous devons renforcer notre capacité d'innovation et produire davantage en attirant des industries étrangères, afin d'éviter les pénuries et garantir notre souveraineté.

Comme s'y était engagé le Président de la République, nous consacrons 10 milliards d'euros à l'innovation, notamment dans le cadre du plan France 2030, et nous favorisons l'accès de nos concitoyens aux médicaments très innovants.

Ce secteur est en forte croissance. L'an prochain, la sécurité sociale y consacrera 800 millions d'euros supplémentaires. Ce n'est pas incompatible avec les efforts, justes et proportionnés, que nous demandons à cette industrie, financée par l'argent des Français. Nous travaillons avec elle à une restructuration de l'ensemble du secteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe RDPI)

Hausse des prix de l'énergie pour les entreprises

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec Serge Babary, je me fais la porte-parole de tous les chefs d'entreprise qui nous saisissent sur nos territoires. Tétanisés par l'explosion des coûts de l'énergie, beaucoup jugent préférable de réduire leur production, voire de fermer leurs usines plusieurs mois. À nouveau, notre souveraineté industrielle, économique et alimentaire est en danger.

Tous les secteurs sont frappés, toutes les tailles d'entreprise. Les chefs d'entreprise sont dans une impasse : soit ils signent des contrats à des conditions insoutenables, soit ils ne signent rien avant la fin octobre, comme le Président de la République le leur a suggéré, et prennent le risque d'être sans énergie au 1er janvier.

Le marché est sans repères, et personne ne semble vouloir prendre par la bride ce cheval devenu fou. Les chefs d'entreprise sont seuls. L'un d'eux m'a écrit hier : « nous mourons de mort subite, qu'attendent-ils ? »

Le bouclier mis en place pour les entreprises électro-intensives et les TPE est sous-dimensionné, les critères d'éligibilité trop stricts. Des boulangers ferment parce qu'ils n'ont pas le bon compteur ou parce que leur four est trop puissant...

Quel soutien simple, massif et rapide comptez-vous apporter à nos entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - J'entends les mêmes alertes sur le terrain. Oui, des entreprises recourent à l'activité partielle ou l'envisagent.

Avec Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, je m'efforce de trouver des solutions. De nouvelles mesures seront prises dans les prochains jours.

Au niveau européen, nous travaillons à découpler les prix du gaz et de l'énergie.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. - Enfin !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Nous entendons aussi amplifier et simplifier le dispositif d'aide dit Ukraine.

Au niveau local, j'ai demandé aux commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises de les aider à négocier avec leurs fournisseurs. Nous avons signé une charte avec ces derniers, par laquelle ils s'engagent à fournir des offres compétitives.

Enfin, j'en appelle à la solidarité des filières, pour que notre industrie ne soit pas la victime collatérale de la guerre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Crise énergétique dans la filière agricole

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Après Mme Primas, voici le deuxième clou du cercueil...

La filière agricole est lourdement frappée par la crise énergétique, or les agriculteurs ont le sentiment d'être injustement oubliés.

Si rien n'est fait, la coopérative Biocer, présente dans l'Eure et dans l'Orne, verra sa facture énergétique passer de 285 000 à plus de 1 million d'euros. C'est insoutenable.

Je songe aussi à la filière équine, chère au président Larcher. Les agriculteurs récemment installés sont particulièrement exposés, car les dispositifs sont mal adaptés à leur situation. De nouveaux drames personnels sont à craindre.

Notre souveraineté alimentaire est en péril : comment comptez-vous soutenir nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat et M. André Reichardt applaudissent également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le secteur agricole se caractérise par sa saisonnalité et l'impossibilité de rompre la chaîne de production.

Nous cherchons avec vous des solutions pour Biocer.

À court terme, les fournisseurs ont signé une charte qui les oblige à fournir une offre et à conseiller leurs clients. Au niveau européen, nous attendons une réponse dans les prochains jours sur la décorrélation qu'a évoquée Roland Lescure ; ce sera un levier puissant. L'aide aux entreprises énergo-intensives est simplifiée, ce qui bénéficiera par exemple au secteur de la betterave, et ses montants doublés.

À moyen et long terme, nous devons réduire notre dépendance, notamment aux intrants azotés.

Telle est notre action au service de l'ensemble des filières agricoles et agroalimentaires. Nous sommes mobilisés au quotidien pour répondre à leurs besoins. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Nathalie Goulet.  - Il faut un guichet unique pour les entreprises au niveau régional, intégrant BPI France, la Banque des territoires et la Mutualité sociale agricole.

Mme la Première ministre a annoncé une taxe bienvenue sur les superprofits : celle-ci pourra servir aussi à améliorer le soutien aux filières agricoles.

Il y a urgence, notamment pour les jeunes agriculteurs, qui, faute d'ancienneté, sont exclus des boucliers. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Revendications des salariés des raffineries pétrolières

M. Éric Bocquet .  - Pendant que nos compatriotes voient avec effarement tourner le compteur des pompes à essence, les actionnaires voient avec ravissement grimper les chiffres des dividendes.

TotalEnergies n'en finit plus de s'enrichir, y compris grâce à l'argent public du bouclier tarifaire : le mois dernier, ses actionnaires ont perçu un dividende exceptionnel de 2,6 milliards d'euros. Demain, ce sera TotalBénéfices...

Les salariés demandent légitimement leur part. Satisfaire leurs revendications coûterait 140 millions d'euros, soit 1,4 % des profits du groupe au premier semestre 2022...

À l'évidence, compter sur la bonne volonté ne suffit pas. D'autant que le Gouvernement menace de réquisitionner les salariés. Il est temps de faire pression sur les directions de TotalEnergies et d'ExxonMobil ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous sais, de par votre appartenance politique, plus attaché que quiconque à la qualité du dialogue social. (Murmures à droite)

Dans la situation actuelle, un accord majoritaire a été conclu pour une hausse de salaires, mais un syndicat minoritaire...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Deux syndicats !

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Deux syndicats, certes, mais minoritaires.

M. Pascal Savoldelli.  - Et vous alors ? Vous êtes minoritaires partout !

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Non-signataires, ces syndicats bloquent l'outil de travail. Vous percevez bien ce que cette situation a d'inhabituel et de non conforme au droit social. Pour le Gouvernement, cela justifie le recours à des réquisitions.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Nous distinguons cette situation de celle d'un autre groupe, où un accord n'a pas encore été trouvé.

J'insiste : nous parlons, dans le premier cas, d'un accord signé en bonne et due forme par des syndicats majoritaires.

M. Éric Bocquet.  - Les salariés concernés ne demandent pas une augmentation de 52 % - celle que le PDG de TotalEnergies s'est octroyée. Leur demande est légitime en cette période de forte inflation.

Les 200 millions d'euros que rapportera votre taxe sur les superprofits sont très loin du compte. Il faut une taxation supérieure pour aider salariés, retraités, entreprises et collectivités territoriales.

Bruno Le Maire a dit préférer le ciblage au saupoudrage. Nous, nous préférons le partage au bricolage ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur des travées du GEST et du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Santé à Wallis-et-Futuna

M. le président.  - Je salue les élus de Polynésie présents dans la tribune d'honneur. (Applaudissements)

M. Mikaele Kulimoetoke .  - Je salue l'action du Gouvernement, en particulier du ministre Carenco, qui a reçu avec bienveillance les élus de Wallis-et-Futuna. Je me félicite aussi de l'impulsion donnée à la reprise des travaux du quai de Leava.

J'attire l'attention sur la situation sanitaire dans l'archipel. Depuis 2005, l'agence de santé n'a lancé aucune politique de prévention. Résultat : le diabète et les maladies cardiovasculaires se sont développés. Dans un rapport de 2019, l'Igas a pourtant recommandé le renforcement de la prévention.

La conférence de santé associant les instances locales et la population aura-t-elle bien lieu au premier semestre 2023 ?

Par ailleurs, le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation doit permettre de restaurer la confiance entre la population et l'agence de santé, alors que nos sensibilités locales ne sont pas entendues et que les professionnels fuient le territoire.

En particulier, les dialysés ont besoin du renouvellement de huit générateurs d'hémodialyse et d'un véhicule adapté pour leurs déplacements. Et qu'en est-il du projet d'Ehpad ?

Nous avons besoin d'une organisation des soins adaptée aux besoins de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - J'ai marqué, dès mon entrée en fonction, mon attachement aux territoires ultramarins. Wallis-et-Futuna ne sera pas laissée pour compte.

Les problèmes sont sur le terrain, les solutions aussi. Le Conseil national de la refondation Santé jouera pleinement son rôle à Wallis-et-Futuna en associant élus, citoyens et professionnels, sous l'égide de l'agence de santé. La conférence de santé se tiendra dans ce cadre.

La prévention est essentielle : quatre cancers et huit maladies cardio-vasculaires sur dix pourraient être évités par de bons comportements. À la suite du rapport de l'Igas, nous allons créer un pôle de santé publique au sein de l'agence.

Je vais examiner la question des générateurs d'hémodialyse. Les travaux du centre d'hémodialyse de Futuna seront achevés à la fin de l'année prochaine. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Compétitivité de notre agriculture

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Production de pommes divisée par deux, explosion des importations de poulets polonais et de tomates marocaines, recul des surfaces de blé et du cheptel laitier... La ferme France produit de moins en moins. Depuis 2017, vous misez tout sur la montée en gamme, avec plus de contraintes et de charges, quitte à importer davantage.

Vous mettez en danger notre souveraineté alimentaire en condamnant nos concitoyens à acheter étranger. On marche sur la tête !

Manque de compétitivité, coût de la main-d'oeuvre, surtranspositions, suradministration, accords de libre-échange néfastes, climat politico-médiatique délétère : voilà le mal français !

Il faut agir, monsieur le ministre. Qu'allez-vous faire pour inverser la tendance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je salue la qualité de votre récent rapport ; avec honnêteté, il pose un diagnostic sur une période de plus de trente ans, qui a vu passer six Présidents de la République et dix-sept ministres de l'agriculture. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Le sujet de la souveraineté n'est donc pas nouveau.

Depuis 2017, nous nous sommes d'abord attachés à la question de la rémunération. Grâce aux lois EGalim I et II, nous avions obtenu une augmentation des rémunérations agricoles, qui est la clé du maintien du monde agricole.

Nous investissons massivement : 1,5 milliard d'euros du plan France Relance, intégralement consommés, pour moderniser l'outil de production, 3 milliards d'euros du plan France 2030 pour l'innovation et la recherche.

La souveraineté passe aussi par l'eau. Le Varenne de l'eau a solidifié le système assurantiel, l'adaptation des pratiques et l'accès à l'eau. Sans eau, pas d'agriculture !

Enfin, il faut travailler sur l'adaptation au dérèglement climatique des modèles de production et donner des perspectives aux nouvelles générations. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sophie Primas.  - Et la compétitivité ?

M. Laurent Duplomb.  - Beaucoup de mots, peu d'action. Je ne suis pas énarque, juste paysan et comme beaucoup, j'en ai marre de la technocratie abrutissante. Plutôt que la décroissance, il faut un choc de compétitivité.

Après la comédie du col roulé et de la doudoune, enfilez donc vos bottes, madame la Première ministre, pour comprendre la situation de l'agriculture ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

Réforme de la police judiciaire

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La commission des lois du Sénat a créé une mission d'information sur l'opportunité de la réorganisation de la police judiciaire.

La mobilisation de la police judiciaire (PJ) ne faiblit pas. Fâché par une vidéo, le directeur général de la police nationale a limogé le patron de la PJ marseillaise. Résultat, la contestation s'étend ; même la PJ parisienne, non concernée, soutient le mouvement. Le ministre de l'intérieur impute ces tensions à la proximité des élections syndicales et dit être soutenu par les syndicats. Pourtant, hier, même les très discrets procureurs généraux ont condamné une réforme qu'ils considèrent comme une remise en cause de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle dans un État de droit.

N'est-ce pas le moment de revoir votre copie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Le Sénat examine en ce moment même la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dans un esprit constructif.

La réforme de la police nationale est attendue depuis trente-cinq ans, elle a été demandée par au moins sept rapports sénatoriaux, et initiée par le ministre Joxe. Celui-ci précisait devant le Sénat, le 26 novembre 1990, que le rattachement à un directeur départemental de la police nationale ne portait en rien atteinte au principe selon lequel la PJ est à la disposition de la justice et travaille sous le contrôle du parquet. Je vous renvoie au compte rendu !

Le préfet aura autorité sur les services de la PJ, comme sur les autres fonctionnaires, jusqu'au moment où ces derniers se trouvent placés sous l'autorité de la justice. À cet égard, rien ne change.

Il est vrai que M. Pasqua a mis fin à cette excellente réforme... (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jérôme Durain.  - Vous parlez d'il y a trente ans, je vous parle d'aujourd'hui. Il y a un problème de méthode, à tout le moins. Les policiers redoutent que ce rattachement au préfet ne conduise à abandonner les enquêtes complexes, relatives à la criminalité organisée, face au flux des affaires quotidiennes.

À part le ministre de l'intérieur, personne ne soutient cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Propos du ministre de l'éducation nationale

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'éducation nationale, trois mois après votre nomination, mes inquiétudes restent vives.

Le Président de la République a lancé lui-même l'année scolaire en réunissant les recteurs. Est-ce le rôle du chef de l'État ? Cette verticalité interroge sur votre rôle et vos marges de manoeuvre. Rupture ou continuité avec votre prédécesseur ?

Les faits vous rattrapent : à la rentrée, il n'y avait pas un enseignant devant chaque classe, ou alors parfois formé en quatre jours.

Face au désenchantement général des enseignants, à la hausse des atteintes à la laïcité, votre communication prudente est insuffisante. La communauté éducative a besoin de directives claires, de soutien ferme.

Vous avez récemment fait, aux États-Unis, des déclarations polémiques sur la France. Non, monsieur le ministre, la France n'est pas raciste. N'abîmez pas notre image à l'étranger. Cessez de vous positionner en universitaire militant : soyez ministre ! Votre wokisme de salon (murmures à gauche) est incompatible avec vos responsabilités politiques. Quelle est votre vision de l'école ? Où voulez-vous emmener nos enfants et les professeurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je veux bien répondre à nouveau, mais en deux minutes il est difficile de développer une réflexion. Mieux vaut éviter les citations approximatives.

J'ai déjà dit que, enfant de la République, je devais tout à l'école publique. Je suis de ceux qui estiment que la lutte contre les discriminations, le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, n'affaiblit pas la République mais la renforce. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et du groupe SER ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Esther Benbassa et Nassimah Dindar applaudissent également.)

Il s'agit d'exprimer concrètement notre attachement aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - La laïcité n'est pas une « valeur » !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - La loi de 2004 sera respectée.

Je suis attaché à une République fidèle à ses valeurs, celles des droits humains, qui les affiche au frontispice de ses édifices et surtout, qui les met en oeuvre. (Mme Esther Benbassa applaudit.) En tant que ministre, je tiens à la mise en oeuvre concrète des politiques de cohésion sociale, de réussite pour tous les élèves et d'égalité des chances. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST, du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mmes Esther Benbassa et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)

M. Max Brisson.  - Des actes !

M. Jacques Grosperrin.  - Ici, monsieur le ministre, nous sommes tous des enfants de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous n'avez pas répondu sur votre vision de l'école. Vous ne répondez pas à l'effondrement des connaissances, à la crise de la transmission, aux immenses défis posés à l'école. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Médecins extracommunautaires

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La fin du numerus clausus ne produira pas tout de suite ses effets. Confrontés au fléau des déserts médicaux, les maires cherchent à faire venir des médecins extracommunautaires mais se heurtent à des difficultés administratives insurmontables, au point parfois d'abandonner les démarches...

Un exemple : la commune de Latour-de-France, dans les Pyrénées-Orientales, n'a plus de généraliste depuis octobre 2021. Le maire a trouvé un médecin libanais, expérimenté et formé en France, prêt à s'installer. Mais le ministère de la santé bloque le dossier !

Face à la pénurie, ne peut-on simplifier les procédures administratives, multiplier les concours d'évaluation des compétences ? Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé prévoit la reconnaissance des Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne) via deux procédures distinctes : une régularisation pour le « stock » de médecins présents avant 2019 ; un examen de vérification des connaissances et un parcours de consolidation de la pratique pour le « flux ».

La crise sanitaire a hélas empêché la tenue des commissions d'autorisation. Au 1er octobre 2022, il reste 2 400 dossiers en souffrance. Nous allons renforcer les effectifs pour traiter ces dossiers avant la date butoir -  qui sera reportée au 31 mars 2023 par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En lien avec les ARS, le Conseil national de l'Ordre, le Centre national de gestion et le syndicat des Padhue, nous travaillons à améliorer cette gestion du flux. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Ministres cumulards

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cohérence et bon sens n'ont jamais nui à un Gouvernement.

Alors que nos concitoyens exigent une République exemplaire, je m'étonne que, au mépris d'une règle certes informelle mais ancienne, plusieurs ministres de votre Gouvernement n'aient pas encore abandonné leurs mandats exécutifs locaux pour se consacrer entièrement à leur mission. Pour les parlementaires, le non-cumul est inscrit dans la loi -  que vous avez refusé d'assouplir.

Pourtant, il reste des ministres récalcitrants : un maire, un président d'assemblée ultramarine, un président d'agglomération et même un président de département -  le ministre des armées.

Fortes têtes, problème d'autorité ? Madame la Première ministre, allez-vous faire démissionner de leurs mandats locaux les ministres concernés ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - (« Ah ! » à droite) Les braconniers étant les meilleurs gardes-chasse, la Première ministre m'a chargé de vous répondre. (Rires)

Les règles sont respectées. (On le conteste à droite.) Les ministres qui n'ont pas encore abandonné leurs fonctions exécutives ont encore quelques semaines pour convoquer leur assemblée délibérante et démissionner -  tout en restant conseiller municipal, départemental ou régional, ce qui n'est pas une tare.

Cette règle informelle a toujours connu des exceptions : Jean-Yves Le Drian a été ministre de la défense et président de la Région Bretagne, Nicolas Sarkozy a été ministre de l'intérieur, maire de Neuilly, et président des Hauts-de-Seine (protestations à droite), François Baroin a été ministre et maire de Troyes. M. Paccaud oublie vite ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Paccaud.  - Je félicite le bon élève, ancien maire de Tourcoing ! Les ministres rebelles vont démissionner, dont acte.

L'autorité et l'exemplarité sont clé. Comment être entendu des Français quand un ministre bafoue éhontément la règle, qui plus est le ministre des armées, où la discipline est une vertu cardinale ? L'exemplarité ne se proclame pas, elle se pratique. (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Soutien de la France à l'Ukraine

Mme Gisèle Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Face à l'internationalisation et à l'intensification du conflit en Ukraine, allons-nous continuer à rechercher une issue diplomatique ? Augmenter notre aide humanitaire, financière ou militaire ? Que peut décider le G7, sinon afficher sa solidarité ? Allons-nous plaider pour de nouvelles sanctions ?

Nous assistons en effet à un changement profond de la nature de cette guerre, car le Bélarus va devenir la base arrière armée de la Russie dans ce conflit. Minsk est la capitale d'un pays martyr où se joue la vie de centaines de prisonniers politiques, dont je salue le courage.

Comment apprécier le fléchissement de la politique du Bélarus ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST ; M. Julien Bargeton applaudit également.)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Depuis lundi, en effet, la Russie frappe des infrastructures civiles en Ukraine, sans doute aussi pour atteindre le moral de la population.

Le soutien de la France se poursuit et s'intensifie ; nous aidons l'Ukraine dans sa résistance militaire et sa résilience civile, à l'approche de l'hiver. L'aide humanitaire s'élève à 2 milliards d'euros, dont 200 millions d'euros pour la France ; nous apportons bien sûr une aide militaire ainsi qu'un soutien politique et diplomatique.

Hier, les dirigeants du G7 ont qualifié les attaques russes de crimes de guerre. Ce soir, l'assemblée générale des Nations unies se prononcera sans ambiguïté sur l'annexion illégale des territoires ukrainiens, soulignant l'isolement de la Russie.

Le Bélarus ne doit pas s'engager davantage dans son soutien à l'opération illégale menée par la Russie.

L'Union européenne a mobilisé plus de 9 milliards d'euros et a adopté huit séries de sanctions pour peser sur l'effort de guerre russe. Si nécessaire, il y aura d'autres sanctions. Nous soutiendrons l'Ukraine jusqu'à ce qu'elle recouvre sa souveraineté. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Gisèle Jourda.  - Il faut stopper cette guerre, mais aussi retrouver des perspectives de paix. Pour cela, il faut continuer à se parler. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

École inclusive

M. Cédric Vial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'inclusion des élèves en situation de handicap à l'école est une priorité et un défi. Depuis septembre, après une décision de justice obtenue par votre prédécesseur, l'État se désengage du suivi et de la prise en charge de ces enfants sur le temps périscolaire et celui de la cantine.

C'est un nouveau transfert de charge, non compensé, vers les collectivités, mais surtout une étrange vision du suivi de ces enfants, dont le nombre a quadruplé ces vingt dernières années pour atteindre 430 000, soit 3,5 % des effectifs totaux.

Le ministère est-il prêt à signer avec les maires des conventions de mise à disposition d'AESH sur le temps de midi, ce qui favoriserait leur recrutement, leur formation et un suivi de qualité ? Le Conseil d'État le recommande, la loi le permet, les maires le réclament. Jean-Marie Blanquer l'avait promis, votre administration s'y refuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Résultat, les enfants ne sont pas accompagnés, les équipes déstabilisées.

Le plus grand des handicaps, c'est d'être absent là où notre présence est utile. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - L'école inclusive est une grande réussite : plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés ; une augmentation de 25 % depuis 2005. Nous avons recruté 130 000 AESH, avec 4 000 recrutements par an, si vous approuvez le projet de loi de finances pour 2023.

Les difficultés tiennent surtout à l'arrivée parfois très tardive de la notification par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), parfois à la veille de la rentrée...

Le 20 novembre 2020, le Conseil d'État a enjoint l'État de rémunérer les AESH sur le temps scolaire et non périscolaire. Il est juridiquement complexe d'assurer la continuité du suivi, particulièrement nécessaire aux enfants autistes. Mais je m'engage à trouver la meilleure solution, en collaboration avec les collectivités et les services juridiques.

M. Max Brisson.  - Cela dure depuis des mois !

Investissements dans le rail

Mme Daphné Ract-Madoux .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les aiguilleurs du rail des Hauts-de-France sont en grève - après ceux d'Occitanie au printemps - pour réclamer des embauches. Notre système est obsolète. Il faut toujours des personnes physiques pour l'aiguillage : nous avons quarante ans de retard ! Il faut mettre en place de nouveaux systèmes de signalisation, regrouper la gestion des 2 200 aiguillages dans seize postes de commande centralisés, numériser le système de gestion des transports.

Cela représente un énorme effort d'investissement, au moment où la flambée des prix de l'électricité plombe les comptes des autorités organisatrices de transport. En Île-de-France, le surcoût s'élève à 950 millions d'euros, d'où la menace de porter le pass Navigo à 100 euros.

Il est légitime de craindre que le coût du fonctionnement ne vienne obérer l'investissement. Avec un moindre report modal vers le ferroviaire, va-t-on remettre en cause notre trajectoire vers la neutralité carbone ? Avez-vous identifié la menace et quelle réponse budgétaire y apportez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Nous donnons la priorité à la modernisation et la régénération du réseau ferroviaire, l'un des plus anciens d'Europe. Nous y consacrons 2,9 milliards d'euros par an sur dix ans dans le nouveau contrat de performance, contre moins de 2,5 milliards d'euros avant 2017. Nous regardons, avec le Conseil d'orientation des infrastructures, s'il faut aller plus loin.

S'agissant de l'impact des coûts de l'énergie sur l'offre de transport, soyons très clairs sur les responsabilités : c'est la région qui est autorité organisatrice de transport, à travers Île-de-France mobilités. L'État a aidé la région à hauteur de plus de 2 milliards d'euros, sous forme de subventions et d'avances remboursables, depuis le début de la crise covid - c'était indispensable, sans doute, mais mérite d'être rappelé. Concrètement, le prix du pass Navigo n'est pas fixé par l'État.

Néanmoins, le fonctionnement des réseaux franciliens est de la responsabilité de tous. Il y aura un contrat de plan État-région. L'État sera au rendez-vous, dans la clarté. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.