SÉANCE

du mardi 18 octobre 2022

7e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue le travail des deux rapporteurs qui se sont toujours exprimés avec une clarté certaine, au-delà de nos désaccords. Nous sommes également sensibles au fait que le ministre, avec qui les désaccords sont encore plus fréquents, ait pris le temps de nous répondre.

Je soulignerai plusieurs manques de ce projet de loi : d'abord, les préfectures et la présence de l'État sur le terrain, alors que le Gouvernement communique sur la réouverture bienvenue de sous-préfectures ; ensuite, la réforme de la police judiciaire. Les mentions qui en sont faites dans le rapport annexé sont succinctes. Le destin de la réforme ne se joue pas ici. La balle est donc dans votre camp, monsieur le ministre, pour réconcilier votre ministère avec ses propres troupes et avec les représentants du monde judiciaire.

Vous revendiquez une certaine fibre sociale. Ne la cultivez pas au point d'ajouter des manifestations des policiers à celles des salariés ! (Sourires) Pour faire rentrer la police judiciaire dans les commissariats, comme pour faire cesser les blocages dans les dépôts, il faudra négocier.

Je regrette que nous n'abordions pas les problèmes de justice et de sécurité dans un même élan. La stéréophonie chère au rapporteur Marc-Philippe Daubresse nous manque.

Le silence sur le continuum de sécurité, c'est-à-dire la coopération entre les collectivités territoriales et l'État central, nous inquiète. Ce continuum de sécurité, prôné par la loi Sécurité globale de mai 2021, peut rapidement virer au marché de dupes. Ainsi, une mairie qui n'engagerait pas assez vite des moyens, pour des raisons budgétaires ou démographiques, pourra être pointée du doigt... La sécurité doit rester la prérogative de l'État central.

Le rapport annexé, issu du Livre blanc de la sécurité et du Beauvau de la sécurité, présente une certaine cohérence. Des améliorations portées par le groupe SER ont été prises en compte : l'accessibilité des locaux et les démarches pour les personnes en situation de handicap, une meilleure projection des moyens sur le territoire et notamment la localisation des nouvelles brigades, l'étude d'une seconde base pour les Canadair.

Sur le plan budgétaire, nous nous félicitons de l'augmentation des crédits consacrés au ministère de l'intérieur. Les 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur cinq ans sont bienvenus, même si nous serons vigilants sur leur application, dans un contexte incertain. Je m'étonne que la droite de l'hémicycle soit discrète sur ces questions de sécurité...

Mme Laurence Rossignol.  - Elle est attentive ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe SER)

M. Jérôme Durain.  - Les articles normatifs ont peu évolué malgré l'adoption de certains de nos amendements. Le dépôt de plainte par visioconférence me semble peu encadré, le projet de radio du futur sera mieux assuré sans ordonnance tout comme l'adaptation aux collectivités ultramarines. Nous approuvons l'alignement des peines encourues pour les agressions sur les élus sur le régime des autres personnes dépositaires de l'autorité publique.

Nous déplorons le rejet des propositions de Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie contre les violences intrafamiliales et conjugales. Sur le refus d'obtempérer, nous regrettons que notre proposition de revenir au dispositif gouvernemental initial de 2016 ait été rejetée.

Nous ne soutenons pas l'extension des amendes forfaitaires délictuelles, malgré les limites apportées par les rapporteurs. Nous n'approuvons pas les nouvelles modalités d'accès à l'examen d'officier de police judiciaire (OPJ) ni l'article nouveau sur les violences dites gratuites.

Nous nous sommes vivement opposés sur la loi anticasseurs et sur la loi Sécurité globale. Après avoir envisagé l'abstention, notre groupe a choisi de prendre ses responsabilités ; l'exigence de sécurité exprimée par nos concitoyens nous a convaincus de voter en faveur de ce texte et des moyens supplémentaires alloués à nos forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Éliane Assassi .  - Être policier, c'est être au coeur de la société. Comme le disait Albert Camus dans Les Justes, c'est « être au centre des choses ». Le policier doit être le garant de la confiance des citoyens envers les pouvoirs publics, grâce à une police de proximité, concept défendu par le groupe CRCE mais pas par ce projet de Lopmi.

La Lopmi traduit une conception de la sécurité intérieure bien éloignée de la nôtre.

Au cours de ce débat, nous avons été cohérents avec nos positions sur la loi Sécurité globale. Une autre voie est possible : une police des vocations, une police de proximité, exemplaire et digne comme nous le soulignions dans notre proposition de loi du 11 septembre 2017, reposant sur le triptyque prévention, dissuasion et répression.

Le numérique est un faux ami : la modernité ne doit pas être synonyme d'éloignement. Le temps passé sur la voie publique sera la règle, le temps passé au commissariat ou à la brigade sera l'exception.

Vous avez maintenu votre proposition de simplification de la procédure pénale, qui n'améliorera pas la qualité des enquêtes. Le groupe CRCE a, lui, défendu la procédure pénale comme garantie indispensable des libertés et droits fondamentaux.

L'amende forfaitaire délictuelle présente un risque d'arbitraire et de disparités de traitement contraires au principe d'égalité devant la justice. Son maintien fait fi du principe d'opportunité de la peine. C'est une procédure de masse, systématisée et qui ne fonctionne pas pour régulariser les délits.

Nous regrettons également que la formation des policiers et gendarmes à la procédure pénale n'ait pas été une priorité de ce texte. La responsabilité nécessite la formation, l'expérience et le recul. Une prise de poste immédiate à la sortie de l'école ne répond pas cette exigence. Il est déjà difficile d'être jugé par un juge de 25 ans, il en sera de même pour un prévenu perquisitionné par un OPJ novice...

Ce projet de loi ne se penche pas suffisamment sur l'humain. Il comporte un risque de déshumanisation de la police. Le ministère impose sa vision, sans prendre en compte l'impopularité de la police dans les quartiers populaires ou la défiance de la jeunesse. C'est une évidence : le tout répressif ne fonctionne pas et n'a jamais porté ses fruits.

Il faut repenser l'action de la police et de la justice.

Autre problème, la lutte contre ce que le rapport annexe appelle la subversion. Nous défendons une doctrine privilégiant la négociation, le dialogue et la pédagogie, à l'instar de notre proposition de loi du 22 janvier 2019 visant à interdire les lanceurs de balles de défense (LBD).

Nous devons tirer les leçons de l'escalade de la violence et de l'usage disproportionné de la force, notamment contre les manifestants. Pour cela, il convient d'étudier en détail les avantages et les inconvénients de chaque technique de maintien de l'ordre.

C'est justement parce que le groupe CRCE est soucieux des conditions de travail de nos policiers que nous voterons contre ce projet de loi. La fuite en avant sécuritaire n'est pas une solution.

C'est dans le cadre d'un projet de société qui met le service public au coeur de l'épanouissement collectif que nous concevons une action de la police renouvelée, restaurée et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Retailleau applaudit également.) Ce texte franchit une nouvelle étape devant le Sénat. S'il a été réduit entre son premier et son second dépôt, les échanges au Sénat auront permis des échanges qualitatifs - dont notre Haute Assemblée a le secret et désormais l'exclusivité - ainsi que des améliorations. Les propositions sont venues de tous les bancs de l'hémicycle.

À l'article premier, l'économie générale du rapport annexé n'a pas été bouleversée, mais confortée et enrichie par la connaissance empirique des sénateurs. Je pense ainsi à la création des 200 nouvelles brigades de gendarmerie, mais aussi à leurs modalités de construction - notamment au rôle des collectivités territoriales aux côtés de l'État. Je salue ainsi l'amendement de Mme Vérien sur les maisons de la confiance.

La cybersécurité a été longuement débattue, et c'est nécessaire, tant les attaques et demandes de rançons sont devenues fréquentes. Il est impératif de permettre à nos policiers et gendarmes d'intervenir au plus vite.

Nous avons également inscrit dans la loi le réseau radio du futur (RRF). Les industriels retenus sont déjà à l'oeuvre pour donner aux services de sécurité et de secours des moyens de communication modernes et résilients.

Sur proposition de mon co-rapporteur M. Daubresse, le Sénat a renforcé l'arsenal pénal contre les violences envers les élus, les refus d'obtempérer et les rodéos urbains.

Le texte contient plusieurs simplifications de la procédure pénale. Nous avons ainsi permis le recours facultatif à la visioconférence pour la prise de plainte et la déposition.

La création de 5 500 postes d'assistants d'enquête auprès des OPJ soulagera les enquêteurs de leur charge administrative.

Le Sénat a choisi de déjudiciariser les peines, au travers des amendes forfaitaires délictuelles. En revanche, nous n'avons pas suivi le Gouvernement qui voulait élargir à l'excès le nombre d'infractions concernées : 4 000 cas de figure auraient été concernés. Actuellement, l'amende forfaitaire délictuelle est possible sur dix infractions. Après notre examen, il y en aura quatorze de plus dont nous pourrons évaluer la mise en oeuvre.

Nous avons alourdi la répression de l'outrage sexiste et de l'outrage sexiste aggravé, qui devient un délit. Nous avons aussi renforcé le pouvoir des préfets dans le département et mis les agences régionales de santé (ARS) à leur disposition pour faciliter des actions rapides et résilientes.

La discussion a mis en lumière d'autres sujets. Deux collègues du Sénat conduiront une mission d'information sur la réforme de la police judiciaire. Nous avons débattu des violences conjugales et intrafamiliales, du droit des images dans la perspective des jeux Olympiques, de l'accueil des gens du voyage. Monsieur le ministre, à vous de présenter les textes qui aborderont ces questions.

Ce texte donne des moyens significatifs aux missions régaliennes de votre ministère. Très attendu sur le terrain, il devrait recueillir un consensus très large auquel le groupe UC apportera son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean Louis Masson .  - Ce texte est excellent. Nous devons nous réjouir d'avoir à examiner des mesures de retour à l'ordre public et de lutte contre la délinquance.

À titre personnel, j'avais initialement envisagé de voter en faveur de ce texte...

M. Loïc Hervé.  - C'était bien, jusque-là !

M. Jean Louis Masson.  - Cependant, il y a des mesures dans ce texte qui m'inquiètent profondément, en particulier la mise sous tutelle de la police judiciaire, qui se retrouvera aux ordres des préfets. On ne peut donner plus de pouvoir à la police si on ne respecte pas l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Dans les grandes villes, il y a toujours des microcosmes, où les préfets et les structures économiques et politiques peuvent entretenir des rapports particuliers.

Ce qui fait la force de la police judiciaire, c'est qu'elle n'est pas impliquée dans ce type de rapports locaux, avec les risques de dérives qu'ils peuvent comporter.

Les points positifs de ce texte sont gâchés par cette proposition de réforme et je profite de cette séance pour vous faire part de ma profonde désapprobation.

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Ce texte, dans ses propositions initiales et avec les apports du Sénat, va dans la bonne direction. Saluons le travail des rapporteurs et l'investissement du ministre.

Le rapport annexé apporte des réponses sur le soutien matériel, technique, numérique et juridique attendu par nos forces de l'ordre. Notre groupe a porté le sujet de l'accessibilité des personnes en situation de handicap et des amendements de Mme Maryse Carrère ont été adoptés. Les moyens budgétaires sont à la hauteur des enjeux, encore faut-il qu'ils soient déployés à bon escient. Je pense notamment à la formation continue, alors que les trois années de pratique pour devenir OPJ sont supprimées. Espérons que l'effort sera suivi d'effets.

Nous serons particulièrement attentifs à l'implantation de nouvelles casernes de gendarmerie, notamment à la lumière des poussées démographiques dans certains territoires comme la Gironde.

Nous avons relayé les inquiétudes des acteurs de terrain et des magistrats sur la réforme de la police judiciaire. Le Sénat a voté que « la réforme devra tenir compte des spécificités de la police judiciaire ». Oui, son évolution est nécessaire, mais dans la sérénité. Vous avez tenu des propos rassurants à cet égard.

Encadrer l'usage de l'amende forfaitaire délictuelle était bienvenu. Les rapporteurs ont strictement limité le champ d'application du dispositif, complété en séance par le Gouvernement. C'est plus sage.

La création des assistants d'enquête a également suscité des débats. L'analogie avec les greffiers est séduisante, mais comment seront-ils formés, encadrés, rémunérés, répartis et contrôlés ?

Monsieur le ministre, quelques interrogations demeurent. Roger Karoutchi les a évoquées : la politique et la justice se plaignent souvent l'une de l'autre, alors qu'il faudrait les penser ensemble.

M. Roger Karoutchi.  - C'est vrai !

Mme Nathalie Delattre.  - De ce point de vue, le texte est une occasion manquée. Je pense notamment aux irrecevabilités, qui ont frappé entre autres la possibilité pour des associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir les élus victimes d'agression. Je comprends l'argument sur le périmètre de la loi puisque cela touche au procès, mais cela montre les limites de cette loi de programmation et un certain cloisonnement administratif. Une partie conséquente des articles du projet de loi initial du mois de mars, à commencer par le volet justice, ne figure pas dans ce texte. Il faudra les examiner. Dans cette attente, la grande majorité du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du RDSE)

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réponse est oui, mais quelle était la question ? Si c'était de savoir si nous nous réjouissons du renforcement des moyens du ministère de l'intérieur, nul doute que nous le voterons avec ferveur.

Mais s'il s'agit de répondre à la question que se posent beaucoup de nos compatriotes - comment va-t-on réarmer l'État sur le plan migratoire et sécuritaire, ou dans nos campagnes ? C'est beaucoup plus difficile.

Ce texte fait suite au Livre blanc de la sécurité intérieure et au Beauvau de la sécurité, auquel a participé notre collègue Henri Leroy. Mais ce texte a un champ plus resserré que sa première version. Nous sommes heureux qu'il ait été déposé en premier sur le Bureau du Sénat.

Acceptez donc nos modifications, et nous vous sommes reconnaissants de l'avoir fait sur plusieurs d'entre elles.

J'ai cependant quelques regrets. L'immigration est enfin reconnue comme une des causes de délinquance dans notre pays, et il faudra mettre en oeuvre rapidement la reconnaissance faciale, notamment en vue des grands événements. (Protestations à gauche)

Autre regret, les manques sur l'amélioration de la réponse pénale. Comme l'a dit notre excellent collègue Roger Karoutchi, la sûreté n'est pas actuellement un droit fondamental pour nos concitoyens. Il faudrait une loi de programmation pour la justice que, telle soeur Anne, nous ne voyons pas venir...

Avec 15 milliards d'euros supplémentaires, dont 7 milliards pour les nouvelles technologies, deux fois plus de présence des forces de sécurité intérieure sur le terrain, 8 500 postes répartis entre police et gendarmerie, une meilleure appréhension des nouvelles frontières digitales et des menaces du futur : l'essentiel est là et nous y sommes favorables.

Vous avez inséré dans votre texte un rapport d'orientation très intéressant, qui dresse un réquisitoire implacable de l'augmentation de la violence dans notre pays depuis cinq ans...

Mais il aborde aussi quelques sujets qui fâchent, et d'abord la départementalisation de la police judiciaire. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé sur son maintien sous l'autorité du Procureur de la République, sur son ressort exclusif dans certaines enquêtes comme les manquements à la probité. Sortons du carcan de la réflexion strictement départementale. Cela ira mieux en l'écrivant, et nous déposerons un amendement en ce sens lors de la commission mixte paritaire.

Nous avons amélioré votre dispositif sur la cybersécurité et le dépôt de plainte en ligne, facultatif.

Enfin, les auditions ont montré l'urgence de répondre aux violences sur la voie publique, sur trois sujets essentiels : violence contre les élus, refus d'obtempérer et rodéos urbains. Mes propositions ont été reprises par le Sénat à la quasi-unanimité à l'article 7 bis. Les violences faites aux élus augmentent de 47 %... Il faut qu'ils soient protégés comme le sont les forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - On constate un refus d'obtempérer toutes les vingt minutes, alors même que les tirs de policiers face à ces violences sont en recul, contrairement aux affirmations de certains. Il faut plus de répression. (Protestations sur les travées du groupe CRCE ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Notre vote est lucide et vigilant. Tel Candide, vous avez bien cultivé le jardin de la police, mais il reste à défricher ceux de la justice et de la procédure pénale, pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous avons débattu d'un texte très attendu par nos concitoyens, qui constatent tous l'augmentation de l'insécurité. Certaines zones se soustraient à l'autorité publique, faisant vivre un calvaire aux habitants. Ils ont besoin, comme nos entreprises, d'ordre et de tranquillité publique.

Ce texte est une première réponse à la montée de l'insécurité. Le renforcement des moyens est bienvenu, face à la criminalité organisée, au terrorisme, mais aussi dans la perspective des jeux Olympiques. Ces moyens financeront aussi 200 nouvelles brigades de gendarmerie et 8 500 recrutements d'agents des forces de sécurité intérieure. Ceux-ci doivent être plus nombreux, mais aussi se consacrer plus pleinement aux enquêtes.

C'est l'objet de la nouvelle fonction d'assistant d'enquête, dédiée à une myriade de tâches administratives.

Nous avons aussi agi face aux complexifications de la procédure pénale, impraticable à force de réformes, et qui selon les États généraux de la justice est l'une des raisons majeures de l'allongement des délais : même les juges ne s'y retrouvent plus. C'est délétère pour les victimes comme pour les mis en cause. La justice doit être rendue avec efficacité, clarté et célérité.

Il faudra simplifier et sans doute fusionner les régimes de l'enquête préliminaire et de l'enquête de flagrance.

Ce texte a été enrichi sur deux sujets majeurs. Le piètre divertissement des rodéos urbains est désormais puni de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende. Ensuite, les violences contre les élus scandalisent les Français. Les élus représentent le peuple, mais aussi la République dans son ensemble. Leur porter atteinte, c'est lui porter atteinte. Ces violences seront désormais punies comme le sont celles dirigées contre les forces de l'ordre.

L'amende forfaitaire délictuelle n'est pas généralisée mais étendue ; elle n'a pas vocation à devenir la norme. Quatorze nouvelles infractions, dont l'atteinte à la circulation des trains ou la filouterie de carburant, pourront faire l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle, gage d'une réponse pénale plus rapide et plus certaine, et qui évitera des procédures trop longues contre la délinquance du quotidien.

Le texte supprime aussi la condition d'ancienneté nécessaire pour se présenter à l'examen d'OPJ. Les compétences ne sont pas abaissées, mais il faudra un encadrement suffisant pour ces jeunes recrues, en particulier dans les zones difficiles.

Je salue le travail de nos forces de l'ordre, en ville comme à la campagne. Elles sont une composante essentielle de notre République. Espérons que la dynamique engagée par ce texte sera durable. Notre groupe dans son ensemble votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur le banc des commissions ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte nous présente, dans son rapport annexé, la vision de la sécurité du Gouvernement pour les prochaines années. Il reste lacunaire, parfois trop développé, parfois trop peu. Les prises de parole du GEST reflètent une volonté profonde de défendre notre projet pour la sécurité dans ce pays - un projet cohérent face à une vision qui obère les rapports entre police et population, et n'apporte pas de réponse à la souffrance de nos forces de l'ordre.

Nous partageons tous l'objectif d'une police avec plus de moyens et mieux formée. La police doit exercer ses missions auprès de la population, avec elle et pour elle - pour toute la population. Que dire de la doctrine du maintien de l'ordre ? Nous ne voulons pas des lanceurs de balles de défense, des drones, des bombes lacrymogènes, de la technique de la nasse. Nous avons voulu engager un dialogue sur ce sujet, mais aucune de nos propositions n'a été retenue ni étudiée, notamment celle d'une réforme de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

La réforme de la police judiciaire a été imposée à marche forcée. Il faut une meilleure gestion des dérives et une transparence des données utilisées. Le GEST s'est étonné des changements de position de la majorité sénatoriale, qui a rejeté des propositions au motif qu'une mission est en cours sur le sujet, ou alors qu'elles ont fait l'objet de travaux passés...

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Ce n'est pourtant pas faux !

M. Guy Benarroche.  - Nous regrettons aussi que notre vision des moyens n'ait pas été entendue, notamment pour l'amélioration des conditions de travail. Nous souhaitions une plus grande pluralité d'intervenants lors des formations initiale et continue.

Nos propositions d'interdire la reconnaissance faciale, soutenues par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), n'ont pas plus été considérées. Les caméras-piétons ne sont utiles ni aux policiers ni à nos concitoyens. Nos inquiétudes sur les droits des justiciables ne sont pas apaisées par l'extension de l'amende forfaitaire délictuelle - outil dont l'efficacité sur la réponse pénale est peu étudiée. Son utilisation semble très variable en fonction des territoires.

Je me réjouis de l'adoption de l'amendement de Thomas Dossus sur le nécessaire dialogue avec les maires avant une fermeture de commissariat. Le continuum de la sécurité, tant vanté par le Gouvernement, ne pourra faire l'économie d'un dialogue avec les élus locaux.

Aucune de nos demandes sur un suivi des relations avec l'enseignement supérieur et la recherche n'a été retenue ; pas plus d'écho pour notre proposition de création d'agents de liaison pour les collègues LGBT+ ou pour celle de mieux exploiter les formations au cyberharcèlement.

Il aurait aussi fallu discuter de la gestion des frontières, du maintien de la possibilité de porter une arme, hors service, dans les établissements recevant du public. Toutefois, nous saluons l'adoption d'un amendement de Mme de Marco tendant à renforcer les moyens des pompiers face aux nouvelles menaces.

J'ai, à maintes reprises, rappelé combien nos forces de l'ordre sont au coeur du pacte républicain. Donnons-leur les moyens de travailler dignement, et donnons confiance à nos concitoyens dans leur organisation et leur fonctionnement.

L'examen du texte a confirmé nos craintes. L'orientation n'est ni convaincante ni justifiée. Nous voterons contre ce texte.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - C'est dommage !

(Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'adoption du projet de loi est naturelle. Le soutien du RDPI va d'abord à la partie programmatique du texte, détaillée dans l'article 2 qui encadre l'attribution des moyens aux composantes du ministère. L'augmentation des moyens est dans la continuité de la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes depuis 2017, du renforcement de la formation, d'une remontée des crédits d'équipement dont nous voyons la traduction dans l'accueil de nombreux commissariats.

Ce texte agit sur tous les éléments du tableau de bord. Les effectifs d'abord, avec 8 500 postes de policiers et gendarmes créés dans les cinq ans. Il conviendra de les répartir efficacement sur le territoire, en tenant compte des besoins du périurbain et du rural. L'annonce des 200 nouvelles brigades doit être saluée, comme le développement de la réserve. Je n'insiste pas sur l'augmentation des moyens de fonctionnement.

La transformation numérique n'est pas une déshumanisation, mais la démultiplication des capacités d'action, qu'il s'agisse des outils de travail ou des moyens de la police technique et scientifique. Ainsi, le ministère sera outillé pour répondre à de nouvelles formes de délinquance.

Cette programmation apporte une réponse adéquate aux défis qu'affrontent nos forces de sécurité civile. Le programme de renouvellement des flottes d'hélicoptères et d'aéronefs anti-feux de forêt est une pierre angulaire de ce plan, qui apportera satisfaction à tous les fonctionnaires des services mobilisés.

Je salue enfin les progrès dans l'accueil des victimes de violences intrafamiliales.

Deuxièmement, ce projet offre un cadre de cohérence et de méthode de travail pour l'ensemble des services. Il prévoit de mieux organiser les services de l'État face aux crises de toutes natures. Nous devrons aussi intensifier les actions de coopération internationale, notamment européenne.

La démarche affirmée par le rapport annexé contribue à la modernisation des méthodes de gestion des ressources humaines. Veillons au bien-être au travail et aux perspectives de carrière des 250 000 professionnels. L'accompagnement des jeunes recrues sera renforcé.

Une réflexion intense a présidé à l'ensemble de ces réformes, à la suite du Livre blanc de la sécurité intérieure et du Beauvau de la sécurité. Toutes les propositions constructives ont été entendues et intégrées à ce projet. C'est donc une programmation complète et cohérente.

Cette qualité de méthode a conduit à un excellent travail collaboratif avec les sénateurs et vous-même, monsieur le ministre, et débouché sur un consensus large, parfois presque unanime.

Troisièmement, plusieurs mesures renforcent la lutte contre la délinquance. Je pense à la disposition pénale en cas d'agression contre un élu et à la création du délit d'outrage sexiste.

Nous étions nombreux à approuver le développement des amendes forfaitaires délictuelles. La proposition du Gouvernement était très large. Nous sommes parvenus à un bon accord : 24 cas de figure auxquels ces amendes seront applicables. L'évaluation de ce dispositif nous aidera à le faire progresser.

Nous approuvons les modifications apportées à la procédure pénale afin d'alléger la charge quotidienne des enquêteurs. Nous sommes en désaccord avec l'idée selon laquelle le code de procédure pénale ne doit pas être rationnalisé. (Marques d'impatience à droite)

Nous soutenons ce texte, qui me donne l'occasion de rendre hommage aux femmes et aux hommes qui veillent à la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudit également.)

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public solennel.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°3 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 307
Contre   27

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP, du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je remercie le Sénat pour sa contribution et l'esprit constructif dans lequel nous avons travaillé. Des amendements de tous les groupes ont été adoptés.

J'ai pris certains engagements auprès du président de la commission, notamment sur la réforme de la police nationale. Je soumettrai également décrets et règlements à sa sagacité et à celle de tout le Sénat.

Je remercie le groupe socialiste de ses encouragements à faire mieux, pour ce texte qui apportera 15 milliards d'euros de plus à la police et à la gendarmerie.

Nous n'oublions pas qu'une bonne justice est nécessaire à une bonne police. Le Gouvernement n'esquive pas le débat sur l'immigration, sur lequel nous pourrons échanger prochainement.

J'espère que le même esprit de compromis présidera à l'examen en commission mixte paritaire. Merci à tous, pour le bien-être apporté aux policiers, gendarmes, pompiers et agents préfectoraux. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE, et des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président