ANNEXES

1. Code général des collectivités territoriales (Article L.1114-1 et suivants)

CHAPITRE IV : Coopération décentralisée

Article L.1114-1

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France.

Ces conventions entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l'État dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2. Les dispositions de l'article L. 2131-6 sont applicables à ces conventions.

Article L.1114-2

Des groupements d'intérêt public peuvent être créés pour mettre en oeuvre et gérer ensemble, pendant une durée déterminée, toutes les actions requises par les projets et programmes de coopération interrégionale et transfrontalière intéressant des collectivités locales appartenant à des États membres de l'Union européenne.

Les collectivités locales appartenant à des États membres de l'Union européenne peuvent participer aux groupements d'intérêt public visés à l'alinéa précédent.

Article L.1114-3

Les collectivités locales appartenant à des États membres de l'Union européenne peuvent participer aux groupements d'intérêt public créés pour exercer, pendant une durée déterminée, des activités contribuant à l'élaboration et la mise en oeuvre de politiques concertées de développement social urbain.

Article L.1114-4

Dans le cadre de la coopération transfrontalière, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, adhérer à un organisme public de droit étranger ou participer au capital d'une personne morale de droit étranger auquel adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un État européen frontalier ou d'un État membre de l'union européenne. Cette adhésion ou cette participation est autorisée par décret en Conseil d'État.

Cette adhésion ou cette participation fait l'objet d'une convention avec l'ensemble des collectivités territoriales étrangères ou de leurs groupements adhérant à l'organisme public en cause ou participant au capital de la personne morale en cause. Cette convention détermine la durée, les conditions, les modalités financières et de contrôle de cette adhésion ou de cette participation. Le total de la participation au capital ou aux charges d'une même personne morale de droit étranger des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements ne peut être supérieur à 50 p. 100 de ce capital ou de ces charges.

La convention prévue à l'alinéa précédent entre en vigueur dès sa transmission au représentant de l'État dans le département dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2. Les dispositions des articles L. 2131-6 et L. 2131-7 sont applicables à ces conventions.

Les comptes, certifiés par un commissaire aux comptes, ainsi que le rapport d'activité des personnes morales de droit étranger aux capitaux desquels participent les collectivités territoriales et leurs groupements sont chaque année annexés au budget de ces personnes publiques. Il en est de même des comptes et du rapport d'activité des organismes publics de droit étranger auxquels adhèrent les collectivités territoriales et leurs groupements. Cette annexe précise le montant de la participation de chacune de ces personnes publiques.

Article L.1114-5

Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement et un État étranger.

Article L.1114-6

Il est créé une commission nationale de la coopération décentralisée qui établit et tient à jour un état de la coopération décentralisée menée par les collectivités territoriales. Elle peut formuler toute proposition tendant à renforcer celle-ci.

Article L.1114-7

Des décrets en Conseil d'État fixent, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent chapitre.

2. Circulaire du 20 avril 2001 sur la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements

Ministère de l'intérieur Ministère des affaires étrangères

Direction générale Secrétariat général

des collectivités locales

NOR/INT/B/01/00124/C 20 Avril 2001

Le ministre de l'intérieur

Le ministre des affaires étrangères

à

Mesdames et Messieurs les préfets

Mesdames et Messieurs les chefs de poste

diplomatiques et consulaires

OBJET: La coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements.

REFERENCE: Chapitre II du livre Ier du code général des collectivités territoriales "Coopération décentralisée".

Les collectivités territoriales établissent des conventions avec des collectivités territoriales de pays étrangers pour diverses raisons. Il peut s'agir aussi bien de nouer des relations d'amitié ou de jumelage, de contribuer à promouvoir à l'extérieur l'activité économique ou culturelle des acteurs de leur territoire, de gérer des services publics d'intérêt commun, d'échanger des savoir-faire en matière de gestion publique locale, etc. Mais cela peut également consister, dans un esprit de solidarité, à apporter une aide technique ou à intervenir dans un but humanitaire auprès de collectivités territoriales, établies ou en émergence, dans certains pays.

L'intervention de la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République a donné un cadre juridique précis à la coopération décentralisée.

C'est sur cette base qu'avait été établie la circulaire commune du 26 mai 1994 qui a servi de guide aux autorités chargées du contrôle de légalité. Le texte législatif de base a été ensuite modifié et complété en 1995 (loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire). Ces dispositions ont été intégrées dans le code général des collectivités territoriales (livre Ier, titre "libre administration des collectivités locales", chapitre II "coopération décentralisée", articles L 1112-1 à L 1112-7).

Il a été également modifié et complété en 1999 en ce qui concerne les relations transfrontalières par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (nouvelle rédaction de l'article L. 1112-4 du code).

La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale n'a pas introduit en elle-même de modification au dispositif de la coopération décentralisée. Cependant elle a entraîné un développement notable des groupements de communes et justifie que des commentaires nouveaux soient faits sur le rôle respectif des collectivités membres et des établissements publics de coopération intercommunale.

A la lumière des précisions ainsi apportées par le législateur, des évolutions jurisprudentielles, notamment une décision du Conseil d'État Commune de Villeneuve-d'Ascq, 28 mai 1995, et de l'expérience des collectivités territoriales françaises engagées dans l'action extérieure, il est nécessaire en reprenant le plan d'ensemble de la circulaire commune du 26 mai 1994 d'y substituer un texte nouveau. Ceci répondra au souci de sécurité juridique exprimé par les élus et pris en compte dans les travaux de la Commission nationale de la Coopération décentralisée (CNCD) instituée par l'art. 134 de la loi du 6 février 1992.

La circulaire jointe au présent envoi apporte donc notamment des précisions sur les trois points suivants :

Les notions de compétences et d'intérêt local employées dans le cadre de la coopération décentralisée, éclairées par l'arrêt Villeneuve-d'Ascq.

2. Les questions de compétences respectives des communes et de leurs groupements en matière de conventions avec les partenaires étrangers.

3. L'évolution du cadre juridique de la coopération décentralisée transfrontalière.

En outre, sont inclus ou annexés à la présente circulaire, qui se substitue à la circulaire du 26 mai 1994, des documents d'information sur plusieurs points juridiques et pratiques sur lesquels se sont manifestées des interrogations dans le cadre de l'analyse menée par la CNCD.

Pour le ministre de l'intérieur

et par délégation

Le directeur général

des collectivités locales

Pour le ministre des affaires étrangères
et par délégation

Le secrétaire général

du ministère des affaires étrangères

Ministère de l'intérieur Ministère des affaires étrangères

Direction générale Secrétariat général

des collectivités locales

20 avril 2001

NOR/INT/B/01/00124/C bis

Le ministre de l'intérieur

Le ministre des affaires étrangères

à

Mesdames et Messieurs les préfets

Mesdames et Messieurs les chefs de poste

diplomatiques et consulaires

OBJET: La coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements.

REFERENCES: Chapitre II du livre Ier du code général des collectivités territoriales

"Coopération décentralisée" (articles L. 1112-1 à L. 1112-7 du CGCT). Circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983 sur l'action extérieure des collectivités locales.

RESUME : Le développement de la coopération décentralisée menée par les collectivités territoriales et leurs groupements, le souci exprimé par les élus de plus de sécurité juridique ont rendu nécessaire un commentaire actualisé des règles applicables en la matière, en fonction des éléments nouveaux résultant de la législation postérieure à la loi du 6 février 1992 et de la jurisprudence, ainsi que des travaux de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD). La présente circulaire remplace la circulaire interministérielle du 26 mai 1994.

Vous trouverez dans la présente circulaire une présentation actualisée des principales dispositions du code général des collectivités territoriales et des instructions relatives au contrôle de légalité exercé par les préfets sur les conventions de coopération décentralisée. Il nous a paru utile de diffuser cette instruction aux chefs de poste diplomatiques et consulaires qui sont invités dans le cadre de leurs fonctions à concourir, si besoin est, à la mise en oeuvre de ces dispositions. Tout en gardant le même plan d'ensemble, cette circulaire se substitue en tous ses points à la circulaire interministérielle du 26 mai 1994 relative au même objet.

* *

TABLE DES MATIERES

Définition préliminaire

1. Le cadre législatif général

1.1. Les personnes publiques concernées

1.1.1. En France

1.1.2. A l'étranger

1.1.3. L'interdiction des conventions avec les États étrangers et le régime des accords avec les organisations internationales

1.1.4. La question des relations avec des organismes privés

1.2. Les conventions de coopération décentralisée

1.2.1. Les principes généraux présidant à l'élaboration des conventions

1.2.2. Les compétences des collectivités territoriales françaises

1.2.3. La compétence des groupements de collectivités territoriales

1.2.4. Le cas des services publics industriels et commerciaux

1.2.5. Le contentieux né de l'application des conventions

1.3. Le contrôle de légalité

1.3.1. Principe et portée du contrôle de légalité

1.3.2. La transmission et la publication des délibérations et conventions

2. Les instruments de la coopération transfrontalière et intra-européenne

2.1. Définitions

2.2. Les accords internationaux applicables

2.2.1. Les principes de la convention de Madrid

2.2.2. Le protocole additionnel n° 1 à la convention de Madrid

2.2.3. La convention de Rome, le traité de Bayonne, l'accord de Karlsruhe

2.3. Les dispositions générales de droit interne

2.3.1. Les conventions de coopération décentralisée

2.3.2. Les groupements d'intérêt public (GIP)

2.3.3. Les sociétés d'économie mixte locales (SEML)

2.3.4. La participation à des structures de droit étranger dans la coopération transfrontalière

3. La Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD)

4. Commentaires et conseils divers

4.1. Précautions juridiques dans les relations avec les opérateurs associatifs

4.2. Questions statutaires et de personnel

4.3. Questions relatives au régime des biens (immeubles et matériel) à l'étranger

4.4. Les interventions humanitaires d'urgence

Dispositions finales.

ANNEXES

DEFINITION PRELIMINAIRE.

La coopération décentralisée regroupe l'ensemble des actions de coopération internationale menées par convention dans un but d'intérêt commun par une ou plusieurs collectivités territoriales françaises (régions, départements, communes et leurs groupements), d'une part, et une ou plusieurs autorités territoriales étrangères et leurs groupements, d'autre part, dans le cadre de leurs compétences mutuelles.

Ces actions peuvent prendre des formes diverses (jumelages, "jumelages-coopération", programmes ou projets de développement, échanges techniques,...). Elles peuvent intervenir entre collectivités ou autorités territoriales (cf. 1.1.2.) de toutes zones géographiques et de tous profils économiques ou sociaux. La coopération décentralisée s'insère dans le cadre plus large de l'action extérieure des collectivités territoriales, définie par une circulaire du Premier ministre en date du 26 mai 1983.

Dans ce cadre, les collectivités territoriales peuvent légalement mener à ce titre à l'étranger des actions qui n'entrent pas dans la définition de la coopération décentralisée, mais qui répondent à un but d'intérêt local (ainsi la présence à une foire-exposition, des actions de promotion économique, touristique ou culturelle, des actions humanitaires, etc.).

1. LE CADRE LEGISLATIF GENERAL .

La loi institue pour les collectivités locales et leurs groupements une possibilité de contracter avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements (en application de l'art. L. 1112-1 du CGCT). Elle permet à des collectivités territoriales étrangères et à leurs groupements de participer au capital de sociétés d'économie mixte locales ou de groupements d'intérêt public (art. L. 1112-2 et L.1112-3). Elle institue une Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), par l'art. L. 1112-6.

1. 1. LES PERSONNES PUBLIQUES CONCERNEES

1.1.1. En France

Les partenaires concernés sont les communes, les départements, les régions et leurs groupements. Par groupement, il faut entendre tous les établissements publics qui agissent aux lieu et place des collectivités territoriales, à la suite des transferts de compétences que celles-ci leur ont consentis :

Tous les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ou non : les syndicats de communes (à vocation unique ou multiple), les communautés de communes, les communautés d'agglomération, les communautés urbaines, les districts jusqu'au 1er janvier 2002, les syndicats d'agglomération nouvelle.

Les syndicats mixtes.

Les institutions ou organismes interdépartementaux créés en application de l'article
L. 5421-1 du code général des collectivités territoriales.

Les ententes interrégionales créées en application de l'article L. 5621-1 du code général des collectivités territoriales.

En revanche, ne sont pas considérés comme groupements de collectivités territoriales et comme tels n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 1112-1 :

Les établissements publics spécialisés créés par des collectivités territoriales ou par des groupements de collectivités :

- les établissements publics locaux spécialisés tels que : les centres d'action sociale, les établissements publics hospitaliers, les organismes d'habitation à loyer modéré (OPHLM, OPAC, etc.), qu'ils soient communaux ou intercommunaux, départementaux ou interdépartementaux...,

- les régies, communales ou intercommunales, dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière,

- les offices de tourisme et les offices du tourisme (EPIC),

- les établissements publics fonciers locaux (art. L. 324-1 du code de l'urbanisme),

- les agences départementales (art. L. 5511-1 du code général des collectivités territoriales), les agences de développement économique, agences d'urbanisme, agence des espaces verts, etc...

- les centres de gestion de la fonction publique territoriale.

Les groupements d'intérêt public (GIP).

Les sociétés d'économie mixte locales (SEML).

Les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Les ententes sur les objets d'utilité départementale (L. 5411-1 du code général des collectivités territoriales) et les conférences interdépartementales (L. 5411-2).

On notera que les organismes ci-dessus peuvent, selon les cas, être habilités ou non par les traités, par la loi ou par leurs statuts à mener une action internationale propre. De même, ils peuvent, au même titre que par exemple les universités, les chambres consulaires, des fondations ou des associations, intervenir comme opérateur d'actions dont les collectivités territoriales ou les groupements sont responsables et maîtres d'ouvrage. Cette délégation, pour être licite, doit toutefois se faire dans des conditions qui écartent le risque de gestion de fait (v. infra 4.1.).

1.1.2. A l'étranger

Il faut entendre par "collectivité territoriale étrangère" les collectivités, autorités ou organismes exerçant des fonctions territoriales ou régionales et considérées comme telles dans le droit interne de chaque État.

Dans certains cas, l'organisation territoriale des États étrangers ne comprend pas de collectivité territoriale autonome. Il peut être alors utile d'apprécier si l'autorité territoriale dispose bien de la faculté de passer des conventions. Les préfets pourront si nécessaire se rapprocher du ministère des affaires étrangères (délégué pour l'action extérieure des collectivités locales) si des informations de ce type leur sont demandées ou dans le cadre du contrôle de légalité.

La loi ne crée pas d'obligation pour que la collectivité étrangère soit de même niveau que la collectivité française. Sauf disposition particulière dans le droit interne de l'État dont relève la collectivité étrangère, les collectivités territoriales françaises ou leurs groupements ont donc une capacité à contracter avec des collectivités territoriales étrangères quel que soit leur niveau dans l'organisation de l'État étranger.

1.1.3. L'interdiction des conventions avec les États étrangers et le régime des accords avec les organisations internationales.

L'article L. 1112-5 du code général des collectivités territoriales dispose que : "Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement et un État étranger" (rédaction résultant de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire).

Cette interdiction vise les États souverains et non les entités fédérées, qu'elles soient ou non dénommées "États" (cf . les Cantons suisses, les Länder allemands, les États fédérés des États-Unis...)

Si la loi confère aux collectivités territoriales et à leurs groupements la capacité de passer des conventions avec des collectivités territoriales de pays étrangers et leurs groupements pour mener des actions conjointes, ces collectivités n'en deviennent pas pour autant des sujets de droit international. Cette qualité appartient aux États et aux organisations internationales et à eux seuls.

De l'article L. 1112-1, il découle que ces dernières et leurs groupements ne sauraient conclure une convention portant sur des compétences exclusives de l'État telles qu'elles résultent de l'ordonnancement juridique français, même si le partenaire étranger a de son côté l'exercice total ou partiel de telles compétences.

Dans la mesure où des conventions peuvent être passées avec les seules collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, les organisations internationales sont donc exclues du champ de la coopération décentralisée. Mais il est en revanche envisageable que les collectivités territoriales puissent, à l'occasion de véritables liens de coopération décentralisée conclus avec une ou plusieurs collectivités territoriales étrangères, souscrire à des contrats d'objectifs, de financement, ou jouer le rôle d'opérateur de l'Union européenne ou d'une organisation internationale (par exemple UNESCO, UNICEF, PNUD, organisations régionales relevant des Nations Unies, Agence intergouvernementale de la Francophonie, etc.).

Des dispositions particulières, résultant de la loi d'orientation sur l'Outre-Mer (loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000, J.O. du 14) permettent à certaines collectivités territoriales (régions et départements d'Outre-Mer) de traiter directement avec des États voisins (Titre V, "De l'action internationale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion dans leur environnement régional", articles 42 et 43, devenant les articles L. 3441-2 à 3441-7 et L. 4433-4-1 à 4433-4-8 du code général des collectivités territoriales).

Ainsi, dans les domaines de compétence de l'État, les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir aux présidents des conseils généraux et régionaux d'Outre-Mer pour négocier ou signer des accords avec un ou plusieurs États ou territoires situés, selon les cas, dans la Caraïbe, au voisinage de la Guyane ou dans la zone de l'océan Indien, ou avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations Unies. Dans le cas où ces dispositions ne sont pas utilisées, ils pourront être associés ou participer aux négociations de même nature au sein de la délégation française.

Dans les domaines de compétence des départements et régions, les conseils généraux et les conseils généraux d'Outre-Mer peuvent demander aux autorités de la République d'autoriser leurs présidents à négocier des accords internationaux, qui seront ensuite soumis pour avis à la délibération des assemblées concernées. Les autorités de la République peuvent ensuite donner au président du conseil général ou du conseil régional pouvoir de signer l'accord.

Pour les accords internationaux portant à la fois sur des domaines de compétence de l'État, des départements et des régions, les exécutifs départementaux et régionaux d'Outre-Mer participeront à leur demande à leur négociation et à leur signature, lorsqu'ils n'auront pas été autorisés à négocier ou à signer de tels accords.

La loi d'orientation pour l'Outre-Mer donne aussi la possibilité aux présidents des conseils généraux et des conseils régionaux de participer à leur demande aux négociations de la France avec l'Union européenne tendant à fixer les conditions d'application du traité instituant la Communauté européenne dans le cadre de son article 299, paragraphe 2. Les exécutifs départementaux et régionaux pourront également demander à l'État de prendre l'initiative de négociations avec l'Union européenne en vue d'obtenir des mesures spécifiques utiles au développement de leur territoire.

Pour la mise en oeuvre des actions engagées dans le cadre de leurs compétences en matière de coopération régionale, les conseils généraux et conseils régionaux d'Outre-Mer pourront recourir aux sociétés d'économie mixte locales et à celles régies par la loi n° 46-860 du 30 avril 1946.

Si les statuts des organisations régionales le permettent, les conseils régionaux d'Outre-Mer pourront être membres associés des organisations régionales de la zone ou avoir le statut d'observateur.

L'ensemble de ces dispositions vise à introduire plus de souplesse dans la mise en oeuvre de la coopération régionale en permettant aux collectivités territoriales d'Outre-Mer, interlocutrices privilégiées des partenaires étrangers de la France dans leur zone géographique, d'exercer un rôle d'initiateur. Ce rôle devra, bien entendu, être mené en liaison avec les ambassades de France dans les pays voisins afin d'assurer la pleine cohérence de la politique de la France dans la zone. En effet, les dispositions de la loi d'orientation pour l'Outre-Mer ne modifient en rien la responsabilité de la politique étrangère de la France, qui reste confiée à l'État.

1.1.4. La question des relations avec des organismes privés.

En ce qui concerne les rapports avec les personnes de droit privé (associations, ONG, fondations, entreprises, personnes physiques), celles-ci sont considérées, lorsqu'elles participent à la mise en oeuvre des actions résultant d'une convention de coopération décentralisée, comme partenaires ou opérateurs, selon les cas.

1.2. LES CONVENTIONS DE COOPERATION DECENTRALISEE

Article L. 1112-1 du Code général des collectivités territoriales :

"Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France. (...)"

Par convention il faut entendre tout contrat ou acte signé entre des collectivités territoriales, françaises et étrangères, et leurs groupements, comportant des déclarations, des intentions, des obligations ou des droits opposables à l'autre partie. Sont visées par la loi aussi bien les conventions ayant un caractère déclaratif que celles pouvant avoir des conséquences matérielles, financières ou réglementaires pour ces collectivités.

Que la collectivité territoriale soit engagée financièrement, matériellement ou non, la convention caractérise la coopération décentralisée pour tous les types d'intervention. Dès lors que des services, des biens ou des financements sont engagés par une collectivité territoriale ou qu'elle est amenée à en recevoir de l'interlocuteur étranger, il convient que les stipulations de la convention permettent de s'assurer que des engagements réciproques peuvent être définis, qu'un contrôle peut être établi et que les éventuels litiges pourront être réglés.

1.2.1. Les principes généraux présidant à l'élaboration des conventions

En matière de coopération décentralisée, les collectivités territoriales exercent leurs compétences dans le respect de la Constitution et des règles et principes de valeur constitutionnelle ou législative. Elles doivent notamment ne pas porter atteinte :

au principe d'indivisibilité de la République et de souveraineté nationale (articles 1er et 3 de la Constitution), tel qu'il a été notamment rappelé dans la décision 76-71 DC du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1976 ;

au respect des engagements internationaux de la France (c'est-à-dire "Les traités ou accords", article 55 de la Constitution), principe rappelé dans l'art. L 1112-1 en ce qui concerne la coopération décentralisée ;

au respect des intérêts de la Nation et des pouvoirs constitutionnels du Président de la République et du Gouvernement en matière de conduite de la politique étrangère de la France (articles 5, 14, 20 et 52 à 60 de la Constitution) ;

au principe d'absence de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre (article L 1111-3 du code général des collectivités territoriales) :

aux règles constitutionnelles et législatives relatives à l'emploi de la langue française (article 2 de la Constitution et loi n° 94-665 du 4 août 1994) ;

à l'égalité des citoyens devant les charges publiques et à l'égalité des usagers devant le service public ;

à la liberté du commerce et de l'industrie (Conseil d'État, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers, 30 mai 1930).

1.2.2. Les compétences des collectivités territoriales françaises

La notion de compétences inclut à la fois les attributions légales de compétences (celles qui résultent des lois de décentralisation et des autres textes législatifs) et la clause générale de compétence résultant des articles L. 2121-29 (pour les communes), L. 3211-1 (pour les départements), L. 4221-1 (pour les régions). Les attributions légales de compétences et la clause générale de compétence constituent les deux modes complémentaires de détermination des compétences des collectivités territoriales.

Dans le cadre des compétences d'attribution, l'intérêt local est nécessairement présumé par l'intervention du législateur.

Les collectivités locales bénéficient également de tout le champ d'initiative correspondant à l'application de la clause générale de compétence fondée sur les articles précités du CGCT. Ceux-ci disposent que les conseils municipaux, les conseils généraux et les conseils régionaux règlent par leurs délibérations, respectivement, les affaires de la commune, du département et de la région.

La clause générale de compétence donne vocation à toute collectivité territoriale à intervenir dans tous les domaines d'intérêt local qui la concernent. Toutefois, l'intérêt local n'étant pas présumé par le législateur, les interventions des collectivités territoriales sur ce fondement sont effectuées sous le contrôle du juge administratif qui peut être amené à en examiner au cas par cas le bien fondé. Ainsi, les collectivités territoriales ne doivent pas méconnaître les interdictions posées par le législateur (voir par exemple CE Ass., 6 avril 1990, Département d'Ille-et-Vilaine à propos du dépassement d'un taux limite de subvention), ni empiéter sur les compétences de l'État. Elles ne doivent pas non plus porter atteinte aux attributions qui seraient confiées par la loi de façon exclusive à une autre collectivité territoriale. Au-delà de ces impossibilités, la jurisprudence a défini avec souplesse l'intérêt local qui conditionne la capacité d'action des collectivités locales :

1. L'intervention doit se justifier par l'exigence d'un intérêt public, soit par nature (par opposition à la satisfaction d'un intérêt privé), soit par carence de l'initiative privée (voir par exemple CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale de commerce en détail de Nevers, pour lesquels des conseils municipaux n'ont été autorisés à ériger en services publics communaux des entreprises que si "en raison des circonstances de temps et de lieu, un intérêt public justifie leur intervention"),

2. L'intervention doit revêtir un intérêt direct pour la population concernée, cette notion s'étendant à celle d'intérêt réciproque des deux parties dans le cadre d'une convention de coopération décentralisée (v. CE, Ass., 25 octobre 1957 , Commune de Bondy, à propos de subventions à des sections locales d'associations nationales qui menaient et allaient mener une action sociale au niveau communal).

3. L'initiative doit se conformer au principe d'impartialité. Par sa décision Commune de Pierrefitte-sur-Seine (23 octobre 1989), le Conseil d'État a considéré que des délibérations accordant des subventions étaient entachées d'illégalité, les conseils municipaux ayant entendu prendre parti dans un conflit à l'étranger. De même, dans la décision du 28 juillet 1995, Villeneuve-d'Ascq, le Conseil d'État a vérifié qu'il n'était "ni établi, ni même allégué que la commune ait entendu intervenir dans un différend de nature politique...".

En application de cette jurisprudence relative à la détermination de l'intérêt local , le Conseil d'État a considéré dans sa décision susmentionnée Villeneuve-d'Ascq, que le versement par cette dernière d'une bourse à deux étudiants étrangers répondait à un intérêt communal. Cette initiative était effectuée au profit d'étudiants originaires de villes jumelées avec la commune et issus d'universités entretenant des liens avec un département de l'université de Lille implanté à Villeneuve-d'Ascq. En entendant "faciliter l'accueil d'étudiants de haut niveau, spécialistes de certaines techniques avancées", la commune avait pour but "d'encourager le développement ultérieur de projets de coopération associant des instituts de recherche et des entreprises situés tant sur le territoire de la commune de Villeneuve-d'Ascq que sur celui des collectivités dont étaient issus les deux étudiants bénéficiant des bourses".

En résumé, du point de vue du contrôle de légalité la condition de respect de leurs compétences par les collectivités territoriales est satisfaite si l'un au moins des trois cas de figure est rempli :

1. Une convention est conclue qui se rattache à l'exercice d'une ou plusieurs compétences attribuées à la collectivité territoriale par un texte de loi particulier.

2. Une convention est conclue qui se rattache à la mise en oeuvre de la clause générale de compétences issue des articles L. 2121-29, L. 3211-1 et L.4221-1 du code général des collectivités territoriales. L'intérêt local, qui peut être contrôlé par le juge administratif, l'est en général en faisant appel, par exemple, aux critères suivants : recours aux associations caritatives locales ou à des antennes locales d'associations nationales, tradition d'actions de jumelage ou d'échanges divers, intérêt mutuel des partenaires, présence d'habitants originaires de la collectivité territoriale étrangère, etc.

3. En raison de l'urgence, une action de coopération a pu être engagée par une collectivité territoriale dans un but humanitaire (par exemple à la suite d'une catastrophe naturelle) sans qu'au préalable une convention ait pu être établie. Ces interventions humanitaires d'urgence, si elles doivent se poursuivre, devront rentrer dans le droit commun conventionnel de l'article L. 1112-1, soit au titre d'une compétence d'attribution, soit de la clause générale de compétence. Le cadre conventionnel doit en effet demeurer l'instrument de droit commun de la coopération décentralisée.

1.2.3. La compétence des groupements de collectivités territoriales

Les groupements de collectivités territoriales étant des organes de substitution, l'article L. 1112-1 du code général des collectivités territoriales leur reconnaît la faculté de conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements.

Si une collectivité territoriale souhaite poursuivre une action de coopération décentralisée, deux situations peuvent se présenter. L'action envisagée recouvre une compétence qui a été transférée à un groupement. Dans ce cas, la collectivité territoriale ne peut plus intervenir en application du principe d'exclusivité selon lequel dès lors qu'une compétence a été attribuée à un groupement, la commune est immédiatement dessaisie (v. CE Ass., 16 octobre 1970, Commune de Saint-Vallier). En revanche, lorsqu'une action de coopération se rattache à un intérêt local, la collectivité territoriale peut en poursuivre la mise en oeuvre. Par ailleurs, lorsqu'en raison de son étendue ou de sa complexité, la coopération décentralisée comporte des actions qui associent des compétences conservées par des collectivités territoriales, d'une part, et des compétences transférées à des groupements, d'autre part, la complémentarité des intervenants peut être recherchée.

1.2.4. Le cas des services publics industriels et commerciaux

Les actions de coopération décentralisée des services publics industriels et commerciaux (SPIC) sont légales si elles restent limitées à des échanges d'expériences et de savoir-faire, dont on peut supposer qu'ils peuvent bénéficier aussi aux usagers du service. En revanche, elles ne peuvent financer des infrastructures à l'étranger sur les recettes du service. En effet, le financement de ces services (eau, assainissement,...) repose non sur le contribuable mais sur le redevable qui ne doit payer que la contrepartie du service rendu (art. L. 2224-1 du CGCT ; Cass. com. 4 juin 1991, Blot c/ trésorier principal de Chinon). De telles actions doivent être financées par contributions financières des communes membres.

Il en va différemment pour les services financés en tout ou en partie par le budget général, notamment les services publics administratifs (SPA), ainsi en matière culturelle et sociale. La distinction entre ces deux natures de service (SPIC et SPA) peut trouver son origine dans la loi (en ce qui concerne, par exemple, l'assainissement) ou se déduire d'un faisceau d'indices reconnus par la jurisprudence administrative (objet, ressources, mode d'organisation et de fonctionnement) ; cf. CE Ass. 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques ; cf; "Guide de l'élu sur la délégation de service public, éditions DGCL.

1.2.5. Le contentieux né de l'application des conventions

La loi ne prévoit pas de disposition particulière en matière de contentieux des conventions de coopération décentralisée. Un traité ou un accord intergouvernemental peut toutefois prévoir explicitement ce point, et dans ce cas il s'applique de plein droit, les règles de compétence juridictionnelle étant d'ordre public. En l'absence de telles dispositions, le lieu d'exécution de la convention emporte compétence de la juridiction territorialement compétente pour en connaître. Les dispositions conventionnelles prévoyant une tentative de règlement amiable des conflits sont licites, dès lors qu'elles ne privent pas définitivement les parties d'un recours juridictionnel effectif si besoin est.

Les collectivités territoriales ont intérêt à s'informer sur le dispositif juridictionnel existant dans le pays concerné et peuvent à cet égard se renseigner auprès de l'ambassade de France.

1.3. LE CONTRÔLE DE LEGALITE

1.3.1. Principe et portée du contrôle de légalité

Les conventions, ainsi que le ou les avenants qui les modifient, sont soumises au contrôle de légalité. Celui-ci s'exerce dans les conditions de droit commun, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1112-1 et de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

Vous veillerez notamment :

- à ce qu'un des exemplaires de la convention soit rédigé en français (application de la loi de 1994 précitée), cet exemplaire devant faire foi ;

- à ce que le signataire français ait été au préalable autorisé à conclure la convention par une délibération de l'assemblée de la collectivité territoriale (ou du groupement) concernée ;

- à ce que la convention ne comporte pas de dispositions qui pourraient lier sans leur accord explicite d'autres collectivités territoriales non signataires ou l'État (par exemple en indiquant des montants de subvention, des modalités de participation ou des exonérations de taxes ou de charges qui ne relèvent pas du pouvoir de décision de la collectivité territoriale, même si elle peut y prétendre) ;

- à vérifier en cas de doute sérieux et en vous appuyant en tant que de besoin sur les services du ministère des affaires étrangères (le délégué pour l'action extérieure des collectivités locales) que la collectivité territoriale étrangère dispose bien de la faculté de passer des conventions de coopération décentralisée ;

- à ce que soient respectés les instruments internationaux (traités, accords, conventions) auxquels la France est partie et qui concernent la coopération décentralisée.

Dans le cadre du contrôle de légalité, les conventions pourront être déférées au juge administratif dans les conditions de droit commun, dans les deux mois à compter de la transmission (v. infra) . Une demande de suspension peut également être formulée par le préfet, cette voie restant, comme dans les autres matières soumises au contrôle de légalité, de caractère exceptionnel.

1.3.2. La transmission et la publication des délibérations et conventions

La transmission est l'une des formalités rendant exécutoire la convention. La convention doit être transmise par courrier au représentant de l'État chargé du contrôle de légalité. Elle doit être signée par l'ensemble des parties contractantes. Lorsqu'une convention est conclue par plusieurs collectivités territoriales françaises situées dans le même département, le caractère exécutoire de l'acte est subordonné à sa transmission à l'autorité préfectorale. Lorsqu'elle est conclue par des collectivités territoriales françaises situées dans des départements ou des régions différents, le caractère exécutoire ne sera acquis qu'après la transmission au dernier préfet concerné, chaque collectivité transmettant l'acte à la sous-préfecture, la préfecture de département ou la préfecture de région dont elle dépend et le publiant. En ce qui concerne les groupements de collectivités territoriales françaises, la transmission doit être faite au préfet du département où est situé le siège. Les avenants aux conventions sont également soumis aux mêmes règles.

La publication est l'autre formalité donnant son caractère exécutoire à la convention. Elle s'opère dans les conditions de droit commun, par affichage et publication au recueil des actes administratifs. L'attention est appelée sur le fait que la publication de la délibération autorisant la passation de la convention n'est pas suffisante pour conférer à celle-ci un caractère exécutoire. La loi a entendu soumettre la convention elle-même aux règles de transmission et de publicité.

L'article L. 1112-1 du code général des collectivités territoriales soumet toutes les conventions, y compris celles portant sur le domaine privé des collectivités territoriales ou de leurs groupements, aux règles de transmission et de publication dans les conditions de droit commun.

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2. LES INSTRUMENTS DE LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE ET INTRA-EUROPEENNE

2.1. DEFINITIONS

La coopération transfrontalière concerne les relations établies entre collectivités territoriales françaises et étrangères se trouvant au voisinage d'une frontière terrestre et, dans certains cas, d'une "frontière maritime".

La coopération intra-européenne s'entend ici de la coopération entre collectivités territoriales des États membres de l'Union européenne et des collectivités territoriales des autres États européens frontaliers. Elle prend notamment la forme d'une coopération interrégionale, mais recouvre également les très nombreux liens existant entre d'autres niveaux de collectivités territoriales. La plupart du temps, ces liens s'expriment sous la forme de droit commun de la coopération décentralisée, prévue par l'article L. 1112-1. Mais les conventions, traités et accords internationaux, de même que certains textes législatifs de droit interne, prévoient des modalités et des outils spécifiques d'intervention.

On notera que si la coopération transfrontalière avec des collectivités de pays de l'Union européenne est incluse a fortiori dans la notion de coopération intra-européenne, il peut y avoir coopération transfrontalière avec des collectivités de pays n'appartenant pas à l'Union (la Suisse, Andorre et Monaco, mais aussi le Brésil et le Surinam, limitrophes de la Guyane et la partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin, limitrophe de la Guadeloupe). Faut-il encore que ces États aient des collectivités territoriales, ce qui n'est pas toujours le cas.

Pour les besoins de la présente circulaire, on considérera qu'il y a "frontière maritime" notamment lorsque les zones maritimes territoriales sont contiguës (cas de la "frontière" entre le Nord-Pas-de-Calais et le Kent, ou entre la Corse et la Sardaigne). Mais on remarquera que les programmes d'intérêt communautaire (PIC) Interreg (actuellement Interreg III) peuvent avoir une conception plus large des zones de coopération transfrontalière, dans des conditions qui seront le cas échéant à vérifier auprès de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR).

2.2. LES ACCORDS INTERNATIONAUX APPLICABLES

2.2.1. Les principes de la Convention de Madrid

Négociée sous l'égide du Conseil de l'Europe, la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales ouverte à la signature à Madrid le 21 mai 1980, signée et ratifiée par la France, est destinée à promouvoir la conclusion d'accords ou d'arrangements dans le domaine de la coopération transfrontalière entendue comme "toute concertation visant à renforcer et à développer les rapports de voisinage entre collectivités ou autorités territoriales". La coopération de ces collectivités ou autorités doit s'exercer dans le cadre de leurs compétences telles qu'elles sont définies par le droit interne.

2.2.2. Le protocole additionnel n°1 à la convention de Madrid

Un protocole additionnel n° 1 à la convention-cadre, ratifié par la France le 19 mai 1999, prévoit la possibilité pour les accords de coopération transfrontalière de créer des organismes de coopération disposant ou non de la personnalité juridique. Cet outil peut servir de cadre juridique pour les pays avec lesquels nous n'avons pas conclu d'accords particuliers ( Cf. infra 2.2.3), notamment la Belgique et la partie de la Suisse qui n'est pas dans le champ d'application de l'accord de Karlsruhe. (v. aussi tableau en annexe)

2.2.3. La convention de Rome, le traité de Bayonne, l'accord de Karlsruhe (v. aussi tableau en annexe)

La convention franco-italienne de Rome du 26 novembre 1993 a une portée limitée aussi bien en ce qui concerne les domaines traités que son extension géographique. Elle ne prévoit pas expressément que les collectivités territoriales françaises et italiennes créent ou participent à des organismes de coopération transfrontalière.

Le traité franco-espagnol de Bayonne du 10 mars 1995. L'espace géographique concerné pour la France est étendu puisqu'il correspond aux trois régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, ainsi qu'aux collectivités territoriales qu'elles comportent. L'accord dispose que les collectivités territoriales françaises et espagnoles peuvent conventionner pour, d'une part, créer et gérer des équipements ou des services publics et coordonner leurs décisions dans des domaines d'intérêt commun et, d'autre part, créer ou participer à des organismes de coopération existants, dotés de la personnalité juridique (tels que groupements d'intérêt public de coopération transfrontalière, SEM locales ou "consorcio" de statut espagnol) ou non dotés de cette personnalité (tels que groupes d'étude ou comités de coordination).

L'accord franco-germano-luxembourgeois-suisse de Karlsruhe du 23 janvier 1996 revêt plusieurs caractéristiques :

- il ne s'applique pas nécessairement aux mêmes niveaux de collectivités territoriales au sein des pays signataires,

- en France, les établissements publics des collectivités territoriales peuvent être associés aux actions de coopération sans en être les acteurs directs,

- il crée un organisme de coopération sui generis doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière : le groupement local de coopération transfrontalière (GLCT).

Le groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) proposé dans le cadre des dispositions de l'accord de Karlsruhe est une personne morale de droit public dotée de la capacité juridique et de l'autonomie financière qui peut être créé par des collectivités territoriales françaises et étrangères. Il est soumis au droit interne applicable aux établissements publics de coopération intercommunale du pays dans lequel il a son siège.

L'autre originalité de l'accord de Karlsruhe est la possibilité d'associer à la coopération décentralisée transfrontalière menée par les collectivités territoriales des organismes publics locaux. Il s'agit pour la France des établissements publics locaux : centres communaux d'action sociale, collèges et lycées, hôpitaux, offices du tourisme, etc.

2.3. LES DISPOSITIONS GENERALES DE DROIT INTERNE

2.3.1. Les conventions de coopération décentralisée

Sauf les limitations qui pourraient résulter d'un accord international régulièrement approuvé ou ratifié par la France et donc de force supérieure à celle de la loi, les dispositions des articles L. 1112-1 et suivants du code général des collectivités territoriales s'appliquent de plein droit à la coopération transfrontalière ou intra-européenne. Elles fournissent un cadre très souvent suffisant, par la conclusion de conventions de coopération décentralisée. Les instruments juridiques énumérés ci-après sont, eux, adaptés aux situations dans lesquelles il apparaît nécessaire de disposer de structures dotées de la personnalité juridique, en particulier pour exploiter dans la durée des équipements ou services publics d'intérêt commun.

2.3.2. Les groupements d'intérêt public (GIP)

Les collectivités territoriales peuvent créer des groupements d'intérêt public (GIP), avec la participation des collectivités locales appartenant à des États membres de l'Union européenne, pour mettre en oeuvre et gérer ensemble pour une durée déterminée, les actions requises par les projets et programmes de coopération interrégionale et transfrontalière intéressant des collectivités locales appartenant à des États membres de l'Union européenne (article L. 1112-2). Dans ce contexte, il faut entendre par coopération interrégionale la coopération entre deux ou plusieurs régions frontalières ou non appartenant à l'Union européenne.

Elles peuvent également créer, avec la participation de collectivités locales appartenant à des États membres de l'Union européenne, des GIP pour exercer, pendant une durée déterminée, des activités contribuant à l'élaboration et la mise en oeuvre de politiques concertées de développement social urbain (article L. 1112-3). Il peut s'avérer nécessaire de vérifier si les collectivités étrangères ont la possibilité, au regard de leur droit interne ou du fait d'un traité, d'adhérer à un tel organisme, remarque qu'il conviendra aussi de faire (v. infra 2.3.3) à propos des SEM. Il est possible de se reporter à la circulaire du 16 juin 1994 qui précise la procédure d'approbation et le modèle de convention constitutive.

2.3.3. Les sociétés d'économie mixte locales (SEML)

Cette question est traitée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 1522-1 du code général des collectivités territoriales, prévoyant la possibilité pour des collectivités territoriales étrangères de participer au capital de sociétés d'économie mixte locales (SEML).

Initialement, les dispositions de l'article 132 de la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, codifiées à l'article L. 1522-1 précité, subordonnaient cette participation à quatre conditions essentielles :

- conclusion d'un accord préalable entre les États concernés (y compris avec les pays membres de l'Union européenne) ;

- présence de règles de réciprocité dans cet accord ;

- limitation de l'objet social de la SEML à une activité d'exploitation de services publics d'intérêt commun ;

- comptabilisation de la participation des collectivités territoriales étrangères dans la fraction minoritaire du capital non détenue par les collectivités françaises et leurs groupements.

Récemment, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ce régime a été modifié sur trois points :

- la nécessité de la conclusion d'un accord préalable entre les États concernés est maintenue mais n'est plus assortie de l'obligation d'y inclure des conditions de réciprocité au profit des collectivités territoriales françaises ;

- l'objet social de la SEML n'est plus limité à la seule exploitation de services publics d'intérêt commun, c'est-à-dire essentiellement des services de proximité tels que l'adduction d'eau ou les transports collectifs. Par conséquent, les collectivités territoriales françaises et étrangères peuvent désormais créer des SEML dont l'objet social s'inscrit dans le cadre de la définition de droit commun énoncée par l'art. 1521-1 du code général des collectivités territoriales : réalisation d'opération d'aménagement, de construction, exploitation de services publics à caractère industriel ou commercial ou encore exercice de toute activité d'intérêt général ;

- la participation des collectivités territoriales étrangères n'est plus comprise dans la fraction minoritaire du capital de la SEML (représentant entre 20 % et 49 % du capital) mais dans la part revenant aux collectivités locales et à leurs groupements (représentant entre 51 % et 80 % du capital). En effet, elles peuvent dorénavant détenir jusqu'à la moitié du capital et des voix dans les organes délibérants détenus par l'ensemble des collectivités territoriales, soit au maximum 40 % du montant total du capital de la société.

Il est à noter qu'une modification du statut des SEML est actuellement en cours de discussion au Parlement. Ce texte substituerait, à l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales modifié par l'article 2 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain précitée les termes de "collectivités territoriales étrangères" à ceux de "collectivités territoriales des États limitrophes".

2.3.4. La participation à des structures de droit étranger dans la coopération transfrontalière (article L. 1112-4 du CGCT)

De la même façon que les collectivités territoriales étrangères peuvent participer à des structures de droit français (G.I.P. et SEML), les collectivités territoriales françaises et leurs groupements peuvent participer à des structures de droit étranger, si ce droit le permet, et si un accord conclu par la France ne contient pas de dispositions restrictives à ce sujet.

La participation des collectivités territoriales et de leurs groupements à des structures de droit étranger a été autorisée dans ce contexte par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 modifiée, d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, qui a inséré dans le titre IV de la loi du 6 février 1992 un article 133-1 (article L. 1112-4 du CGCT). Celui-ci prévoit, pour les collectivités territoriales françaises et leurs groupements, dans le cadre de la coopération transfrontalière, l'adhésion à un organisme public de droit étranger ou la participation au capital d'une personne morale de droit étranger auquel adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un État européen frontalier ou d'un État membre de l'Union européenne. Cette adhésion ou cette participation est autorisée par décret en Conseil d'État.

Le total de la participation au capital ou aux charges d'une même personne morale de droit étranger des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements ne peut être supérieure à 50% du capital ou de ces charges.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement durable du territoire, qui a modifié les dispositions de l'article L. 1112-4 du CGCT, il n'y a plus de restriction pour ce qui concerne l'objet social des organismes de droit étranger auxquels adhèrent les collectivités territoriales françaises alors que la loi du 4 février 1995 ne prévoyait que l'exploitation de services publics ou la réalisation d'un équipement local intéressant toutes les personnes publiques participantes.

Par conséquent, les possibilités offertes par la loi sont très étendues. Les seules conditions concernent la limitation de la participation à 50% du capital ou des charges de l'organisme ainsi que la participation d'au moins une collectivité territoriale d'un État européen frontalier ou d'un État membre de l'Union européenne à cet organisme.

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3. LA COMMISSION NATIONALE DE LA COOPERATION DECENTRALISEE (CNCD)

3.1. Missions de la CNCD

La CNCD est instituée par l'article L. 1112-6 du code général des collectivités territoriales (article 134 de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République) : "Il est créé une commission nationale de la coopération décentralisée qui établit et tient à jour un état de la coopération décentralisée menée par les collectivités territoriales. Elle peut formuler toute proposition tendant à renforcer celle-ci". La commission est présidée par le Premier ministre et, en son absence, par un ministre qu'il désigne.

3.2. Composition de la CNCD

La composition de la CNCD est fixée par le décret n° 94-937 du 24 octobre 1995. Elle rassemble à parité représentants de l'État et des collectivités territoriales (16 membres titulaires et 16 membres suppléants pour chacune de ces catégories). Les représentants des collectivités territoriales sont nommés sur proposition des associations nationales représentatives. S'ajoutent à ces membres 4 personnalités qualifiées à titre consultatif. Le secrétariat de la CNCD est assuré par le délégué pour l'action extérieure des collectivités locales auprès du ministère des affaires étrangères institué par la circulaire du Premier ministre en date du 26 mai 1983. Le délégué est nommé en Conseil des Ministres.

3.3. Base de données de la CNCD

Au titre de la mission légale de la CNCD, de tenir et mettre à jour un "état" de la coopération décentralisée, l'article 6 du décret du 24 octobre 1994 précité prévoit que "les collectivités territoriales tiennent la commission informée de tout acte de coopération entrant dans le cadre du titre IV de la loi du 6 février 1992 susvisée, conclu avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements. La commission collecte et met à jour en tant que de besoin cette information". Dans la pratique la collecte est organisée pour le compte de la CNCD, par les autorités chargées du contrôle de légalité qui sont destinataires (voir supra, 1.3.2) de toutes les conventions de coopération décentralisée. La procédure à suivre a été rappelée par une note n° 155 du 26 juin 2000 du délégué pour l'action extérieure des collectivités locales aux préfets de région et de département, se référant à une note antérieure n° 200/AECL du 7 mai 1996.

3.4. Activités de la Commission nationale

Dans le cadre de sa mission légale consistant à formuler "toute proposition tendant à renforcer" la coopération décentralisée, la CNCD est susceptible d'être informée et d'étudier des questions pouvant lui être posées par les élus et les administrations. Les ministères de l'intérieur et des affaires étrangères peuvent être ainsi avisés de difficultés persistantes rencontrées par les collectivités territoriales, les préfectures et les postes diplomatiques sur les points non réglés dans le cadre de la présente circulaire . La CNCD est le lieu où représentants des collectivités territoriales et de l'État réfléchissent ensemble et peuvent formuler des propositions de disciplines collectives.

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4. COMMENTAIRES ET CONSEILS DIVERS

4.1. PRECAUTIONS JURIDIQUES DANS LES RELATIONS AVEC LES OPERATEURS ASSOCIATIFS

Les signataires d'une convention de coopération décentralisée sont les collectivités territoriales françaises et étrangères. Avec elles, les associations, personnes morales de droit privé (cf. 1.1.4.), peuvent être appelées à jouer un rôle de partenaires ou d'opérateurs.

Dans le cas des associations de la loi de 1901, elles peuvent bien que leur intervention soit légale faire courir un risque de gestion de fait , pour deux motifs:

- soit les subventions attribuées par la collectivité publique sont utilisées à des fins étrangères à l'objet associatif ou pour le paiement de dépenses publiques ("subventions fictives") ;

- soit la présence et le pouvoir prépondérants des élus au sein des organes dirigeants prive l'association d'autonomie réelle par rapport à la collectivité qui a versé la subvention, a fortiori si elle assure des missions d'intérêt communal, départemental ou régional avec des moyens financiers d'origine communale, départementale ou régionale ("organisation transparente").

Le risque de gestion de fait peut être prévenu par un encadrement des rapports entre la collectivité et l'association au moyen d'une convention définissant de façon claire les obligations respectives de l'une et de l'autre (Conseil d'Etat, 8 juin 1994, Delrez, ainsi que Cour des Comptes, 19 juin-2 octobre 1985 et Rapport 1991). La convention doit fixer de manière très précise la nature et les objectifs poursuivis dans le cadre de la mission confiée à l'association.

Il est recommandé également aux élus membres du bureau d'une association de ne pas participer au vote de la délibération accordant une subvention à cette association.

4.2. QUESTIONS STATUTAIRES ET DE PERSONNEL

Pour la mise en oeuvre de la coopération décentralisée, et de manière plus générale, de l'action extérieure, les fonctionnaires et agents des collectivités territoriales, compte tenu de l'autonomie des collectivités locales pour l'organisation de leurs services, peuvent relever de services spécialisés (relations internationales, affaires européennes, etc...) ou d'autres services (administratifs, techniques, culturels ou sociaux) occasionnellement impliqués.

Conformément au principe de parité entre la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale, les agents des collectivités territoriales amenés à se déplacer à l'étranger dans le cadre de missions temporaires de service décidées par l'autorité territoriale peuvent être remboursés de leurs frais de transport et percevoir des indemnités journalières de mission destinées à rembourser forfaitairement les frais supplémentaires de nourriture et de logement ainsi que des frais divers selon les conditions prévues par le décret n ° 86-416 du 12 mars 1986 "fixant les conditions de prise en charge par l'État des frais de voyage et de changement de résidence à l'étranger ou entre la France et l'étranger des agents civils de l'État et des établissements publics à caractère administratif". Le taux des indemnités journalières variant selon la zone géographique peuvent être consultés sur le Minitel 36.15 Trésor ou le site Internet http://www.finances.gouv.fr (frais de missions à l'étranger).

4.3. QUESTIONS RELATIVES AU REGIME DES BIENS (IMMEUBLES ET

MATERIEL) A L'ETRANGER

Bureaux d'information et antennes de coopération. Il arrive que certaines collectivités territoriales souhaitent ouvrir ou maintenir des bureaux d'information ou des antennes de coopération en territoire étranger, quelle qu'en soit la dénomination et le statut. Cela peut se rattacher à une convention de coopération décentralisée ou relever d'autres domaines inclus dans l'action extérieure des collectivités locales (de promotion économique, touristique, culturelle...) toujours dans une perspective d'intérêt local (v. supra). De telles implantations sont légales si elles résultent d'une convention ou correspondent à la définition jurisprudentielle de l'intérêt local, et leur opportunité relève de la libre appréciation de la collectivité concernée. Mais on doit noter qu'elles peuvent entraîner des charges financières et des sujétions administratives qui requièrent une forte capacité de gestion et n'en font pas un instrument ordinaire de la coopération décentralisée.

Ces "maisons", pour adopter une terminologie fréquente, ne sont pas une fin en soi, mais un outil au service des objectifs de coopération ou de promotion. Le fait de devoir gérer des actifs ou droits immobiliers à l'étranger nécessite en outre de maîtriser des techniques et procédures complexes : connaissance du régime étranger de la propriété et des baux, des sûretés réelles (hypothèques), de la fiscalité, des assurances. Il oblige à un suivi administratif et comptable au regard des règles françaises (inscription à l'inventaire des propriétés de la collectivité, si elle est propriétaire, amortissement du matériel, suivi des échéances de loyers et de charges, travaux...).

Marchés et commandes. Les marchés et commandes à passer - de construction, de travaux, de fournitures et de services - sont normalement soumis au droit du pays de situation du bien et selon la qualité de la personne responsable du marché - par exemple une collectivité territoriale étrangère - peuvent le cas échéant relever de procédures de marchés publics. Les marchés et commandes faits en France pour le compte de la collectivité ou du groupement français relèvent des dispositions du code des marchés publics, selon les seuils et procédures de droit commun. Les conventions de coopération décentralisée, n'étant pas des accords internationaux, ne peuvent déroger à ces principes. Il peut y avoir lieu de se renseigner auprès de l'ambassade de France sur les dispositions relatives à la protection des investissements étrangers et les modes particuliers de règlement des conflits qui peuvent être organisées par traité ou par le droit interne territorialement applicable.

Envoi de matériel. Pour l'envoi de matériel et de denrées à l'étranger, même à titre gratuit, il convient de prévoir les sommes nécessaires au dédouanement et de tenir compte des délais parfois longs imposés par les procédures douanières. Certains articles peuvent être sujets à des prohibitions d'entrée ou à des règles restrictives d'usage, ou ne pas correspondre aux normes en vigueur, points qui doivent être vérifiés avant leur acheminement. Les postes diplomatiques et consulaires sont qualifiés pour donner des informations et des conseils, mais ne peuvent suppléer les acteurs locaux dans la responsabilité d'accompagnement et de surveillance des dons et envois faits pour leur fonctionnement sur place ou au bénéfice du partenaire étranger.

Paiements à l'étranger. Il est utile de préciser que les collectivités territoriales peuvent procéder au paiement des dépenses qu'elles effectuent à l'étranger soit par virements interbancaires par l'intermédiaire de la Banque de France, soit par le canal des régies diplomatiques et consulaires via la trésorerie générale pour l'étranger à Nantes, ou par l'intermédiaire des payeurs généraux, payeurs et trésoriers auprès des ambassades de France. Le réseau du Trésor public assure une couverture presque totale du monde, puisque ce réseau dispose d'un comptable public ou d'un régisseur dans 160 pays.

Régies. Les collectivités territoriales peuvent également créer des régies d'avance et de recettes en dehors du territoire national. Les conditions relatives à ces créations sont reprises dans l'article R. 1617-18 du code général des collectivités territoriales.

4.4. LES INTERVENTIONS HUMANITAIRES D'URGENCE

Les catastrophes et situations d'urgence n'étant pas prévisibles peuvent difficilement être traitées sous l'angle de la coopération décentralisée conventionnelle. Deux cas différents peuvent alors se présenter. Dans le premier, il s'agit d'événements touchant la population d'une collectivité étrangère liée à la collectivité française par une convention, même s'il n'y a pas dans celle-ci de clause d'assistance mutuelle explicite. L'intérêt local se présume, dans la mesure où il serait paradoxal qu'un tel dispositif de partenariat et de solidarité ne fonctionne pas lorsque précisément le besoin se révèle. Dans le second cas, où il s'agit de populations étrangères vivant en dehors des zones concernées par un lien de coopération décentralisée conventionnelle, il convient alors de se référer aux principes tirés de la jurisprudence (Commune de Pierrefitte, Villeneuve-d'Ascq) citée au point 1.2.2. ci-dessus. Les caractéristiques pour qu'une telle action soit régulière sont, sous réserve de l'appréciation du juge dans chaque cas d'espèce : un intérêt local (en particulier, le bénéficiaire ou l'opérateur devant être une collectivité ou autorité locale, une association d'autorités locales ou un organisme caritatif susceptible de procéder à une redistribution au profit des ces autorités, le critère essentiel étant l'intérêt direct des populations sinistrées), la neutralité politique (l'action humanitaire ne devant pas constituer notamment un soutien direct à une des parties d'un conflit international ou civil), le respect des principes figurant dans les accords internationaux souscrits par la France (non-discrimination, respect des résolutions des Nations Unies, etc...).

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DISPOSITIONS FINALES

Telles sont les informations et instructions concernant la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises avec les collectivités territoriales étrangères. Vous voudrez bien les porter à la connaissance des responsables de ces collectivités et nous informer des difficultés éventuelles rencontrées, sous le timbre du ministère de l'intérieur, direction générale des collectivités locales, et du ministère des affaires étrangères, secrétariat général, délégué pour l'action extérieure des collectivités locales.

Pour le ministre de l'intérieur

et par délégation,

le directeur général des collectivités

locales

Pour le ministre des affaires étrangères

et par délégation,

le secrétaire général du ministère

des affaires étrangères

ANNEXES

TEXTES DU CONSEIL DE L'EUROPE DANS LE DOMAINE DE LA COOPERATION DECENTRALISEE TRANSFRONTALIERE

Convention de Madrid (21 mai 1980)

La Convention-cadre européenne du Conseil de l'Europe sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales du 21 mai 1980, dite "convention de Madrid", est considérée comme le texte fondateur de la coopération décentralisée transfrontalière en Europe. Elle est entrée en vigueur pour la France le 14 mai 1984.

Ses dispositions sont, toutefois, peu contraignantes pour les Etats signataires qui s'engagent simplement à faciliter et à promouvoir la coopération décentralisée transfrontalière. En outre, ils peuvent assortir leur signature d'une réserve subordonnant l'exercice de la coopération décentralisée à un accord préliminaire entre Etats.

La France a signé la convention de Madrid avec cette réserve effectuée à l'époque par souci de cohérence avec l'article 65 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qui autorisait dans des conditions restrictives la coopération transfrontalière menée par les régions après accord du Gouvernement.

La France a levé sa réserve le 24 janvier 1994 à la suite de l'adoption de la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'organisation territoriale de la République qui autorise dans son titre IV toutes les formes de la coopération décentralisée. D'autres pays, comme l'Espagne ou l'Italie, n'ont pas levé ces réserves, ce qui nous a conduit à conclure des Accords particuliers avec ces deux pays en matière de coopération décentralisée.

Protocole additionnel n° 1 à la Convention de Madrid (9 novembre 1995)

Les insuffisances et les limites de la convention de Madrid sont rapidement apparues, particulièrement pour ce qui concerne la création d'organismes de coopération transfrontalière dotés de la personnalité juridique.

Par conséquent, sur décision du comité des ministres du Conseil de l'Europe, un Protocole additionnel a été élaboré par le comité des experts pour la coopération transfrontalière et interrégionale. Ce Protocole, ouvert à la signature le 9 novembre 1995, applicable pour la France depuis le 5 janvier 2000, reconnaît aux collectivités territoriales le droit de créer, sous certaines conditions, des organismes de coopération transfrontalière ayant ou non la personnalité juridique (article 3).

Les modalités de création de ces organismes de coopération transfrontalière sont définies dans les articles 4 et 5 du Protocole et, lors de leur adhésion à ce Protocole, les pays signataires précisent s'ils appliquent les dispositions de l'article 4 ou de l'article 5, ou les deux.

Lors de son adhésion le 9 novembre 1995, la France a précisé qu'elle appliquera uniquement les dispositions de l'article 4 qui prévoient que "lorsque l'organisme de coopération transfrontalière a la personnalité juridique, celle-ci est définie par la loi de la Partie contractante dans laquelle il a son siège" , ce qui renvoie aux dispositions du CGCT, en l'occurrence l'article L. 1522-1 (SEML) et les articles L. 1112-2 et L. 1112-3 (GIP), si l'organisme a son siège en France.

Si l'organisme a son siège dans un autre Etat frontalier, les collectivités territoriales françaises peuvent y adhérer dans les conditions prévues à l'article L. 1112-4 du CGCT. Les décisions de cet organisme s'appliquent dans les conditions prévues par le droit national dont il relève (article 4-2 du Protocole). Il n'est pas habilité à prendre des actes de portée générale ou susceptibles d'affecter les droits et libertés des personnes.

Pour ce qui concerne la France, ces deux textes du Conseil de l'Europe peuvent fournir un cadre juridique pour les pays avec lesquels nous n'avons pas conclu d'accords en matière de coopération décentralisée transfrontalière.

C'est actuellement le cas pour les pays qui ont adhéré à la Convention de Madrid et à son Protocole n°1 : Belgique, ainsi que la partie de la Suisse qui n'est pas incluse dans le champ d'application de l'Accord de Karlsruhe. Andorre et le Royaume Uni pourraient être concernés si ces pays adhèrent à la Convention de Madrid et à son Protocole n° 1 (Monaco n'est pas membre du Conseil de l'Europe)./.

TABLEAU SYNTHETHIQUE DES ACCORDS DE ROME,

BAYONNE ET KARLSRUHE

Accord de Rome

26 novembre 1993

Traité de Bayonne

10 mars 1995

Accord de Karlsruhe

23 janvier 1996

Collectivités territoriales concernées

Pour la partie française : la collectivité territoriale de Corse, les régions, les départements, les communes jouxtant la frontière entre les territoires des Parties contractantes, les autres communes situées dans les départements frontaliers ainsi que les groupements pouvant être constitués par les collectivités précitées.

Pour la partie italienne : les régions, les provinces les communes, les communautés de montagne, les coopératives communales et provinciales situées, au moins en partie, dans la zone frontalière de vingt-cinq kilomètres à compter de la frontière franco-italienne.

Régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon. Les départements, communes et groupements de ces régions Communautés autonomes du Pays Basque, de la Navarre, de l'Aragon, de la Catalogne, et les territoires historiques, les provinces et les communes appartenant aux quatre communautés autonomes.

Dans certaines conditions : les « comarcas », les « aéras métropolitanas » et les « mancomunidades de Municipios » (art.2)

En République fédérale d'Allemagne :

Les Länder de Bade-Wurtemberg, de Rhénanie-Palatinat et de Sarre

a) Dans le Land de Bade-Wurtemberg, aux communes et aux « Landkreise » ;

b) Dans le Land de Rhénanie -Palatinat, aux communes, aux « Verbandsgemeinden », aux « Landkreise », et au « Bezirksverband Pfalz » ;

c) En Sarre, aux communes, aux « Landkreise » et au « Stadtverband Saarbrücken », ainsi qu'à leurs groupements et à leurs établissements publics juridiquement autonomes.

En République française, à la région Alsace et à la région Lorraine, aux communes, aux départements, et à leurs groupements compris sur le territoire desdites régions, ainsi qu'à leurs établissements publics dans la mesure où des collectivités territoriales participent à cette coopération transfrontalière.

Dans le Grand-Duché de Luxembourg, aux communes, aux syndicats de communes et aux établissements publics sous la surveillance des communes, ainsi qu'aux parcs naturels en tant qu'organismes publics territoriaux.

Dans la Confédération suisse :

Les cantons de Soleure, Bâle -Ville, Bâle- Campagne, Argovie, Jura.

a) Dans le canton de Soleure, aux communes et aux districts ;

b) Dans le canton de Bâle -Ville, aux communes ;

c) Dans le canton de Bâle -Campagne, aux communes ;

d) Dans le canton d'Argovie, aux communes ;

e) Dans le canton du Jura, aux communes et aux districts ainsi qu'à leurs groupements et à leurs établissements publics juridiquement autonomes.

Conclusion de conventions de coopération transfrontalière

Dans la limite des compétences reconnues en droit national aux collectivités territoriales, celles-ci peuvent conclure des accords et des arrangements de coopération transfrontalière dans les domaines suivants :

- le développement urbain et régional ;

- les transports et les communications ;

- l'énergie ;

- la protection de l'environnement ;

- le traitement des déchets ; la construction de réseaux de collecte des eaux usées et de stations d'épuration ;

- l'enseignement et la recherche scientifique et technologique appliquée ;

- la formation, l'orientation et la reconversion professionnelles ;

- l'hygiène et la santé ;

- la culture et le sport ;

- l'assistance mutuelle en cas de catastrophe et de sinistre ;

- le développement économique et social ;

- l'amélioration des structures agraires ;

- le tourisme

- La convention est le moyen de la coopération transfrontalière.

- Il existe un intérêt commun entre les collectivités territoriales.

- Elle respecte le domaine de compétences des collectivités.

- La convention a pour objet de créer et de gérer des équipements ou des services publics et de coordonner leurs décisions.

- Les conventions peuvent créer des organismes de coopération ou prévoir la participation des collectivités aux organismes existants dotés ou non de la personnalité juridique.

- Sont notamment exclus les pouvoirs de police et de réglementation (art. 3).

Les collectivités territoriales ou organismes publics locaux peuvent conclure entre eux des conventions de coopération dans leurs domaines de compétences communs en vertu du droit interne. Côté français, les établissements publics peuvent être associés à la coopération transfrontalière dans la mesure où des collectivités territoriales participent à cette coopération.

Les conventions permettent de coordonner les décisions, de réaliser et de gérer ensemble des équipements ou des services publics d'intérêt local commun (art. 3).

Elles peuvent prévoir la création d'organismes de coopération dotés ou nom de la personnalité juridique et des procédures de mandat, délégation ou concession de service public (art. 3 et 5).

Elles excluent les pouvoirs de police et de réglementation (art. 4).

Création ou Participation à des organismes de coopération transfrontalière dotés de la personnalité juridique

NON PREVU

1) Les collectivités territoriales espagnoles peuvent participer aux GIP de coopération transfrontalière ou au capital des SEM locales dont l'objet est d'exploiter des services publics d'intérêt commun déjà existants constitués par des collectivités territoriales françaises.

2) Les collectivités territoriales françaises peuvent participer à des groupements « consorcios » déjà existants constitués par des collectivités territoriales espagnoles.

3) Les collectivités territoriales espagnoles et françaises peuvent créer conjointement, en France, des GIP de coopération transfrontalière ou des SEM locales dont l'objet est d'exploiter les services publics d'intérêt commun et, en Espagne, des groupements « consorcios » (art. 5).

4) L'évolution du droit interne des Parties est prévue dans le Traité puisque ses dispositions stipulent à l'article 5.3 que les collectivités territoriales des deux pays pourront adhérer à des structures qui seraient ouvertes à des collectivités territoriales étrangères, par le droit français ou le droit espagnol, postérieurement à l'entrée en vigueur du Traité.

Les collectivités territoriales ou organismes publics locaux peuvent participer à des organismes dotés de la personnalité juridique ou créer de tels organismes si ces derniers appartiennent à une catégorie d'organismes habilités à comprendre des collectivités territoriales étrangères (art. 10).

Un « groupement local de coopération transfrontalière » peut être créé par les collectivités territoriales et organismes publics locaux en vue de réaliser des missions et des services qui présentent un intérêt pour chacun d'entre eux (art. 11). L'accord de Karlsruhe définit ses statuts et ses règles de fonctionnement.

Création d'organes communs de coopération sans personnalité juridique

NON PREVU

Pour l'étude de questions d'intérêt mutuel, pour formuler des propositions de coopération et encourager l'adoption de mesures nécessaires (art. 7).

Les collectivités territoriales ou organismes publics locaux peuvent créer des organismes communs sans personnalité juridique ni autonomie budgétaire, tels que des conférences, groupes de travail intercommunaux, groupes d'étude et de réflexion, comités de coordination pour étudier des questions d'intérêt commun, formuler des propositions de coopération, échanger des informations ou encourager l'adoption de mesures nécessaires.

3. Charte de la coopération décentralisée pour le développement durable

Mise en oeuvre des principes de l'Agenda 21 dans les

coopérations transfrontalières, européennes et internationales

des collectivités territoriales

(Avril 2004)

INTRODUCTION

La présente Charte s'adresse aux collectivités territoriales françaises. Elle a pour objet de promouvoir la coopération décentralisée (coopérations transfrontalières, européennes et internationales menées par les collectivités territoriales), d'inciter et d'aider les collectivités territoriales à mettre en oeuvre cette coopération dans une perspective de développement durable. Elle doit notamment leur permettre d'intégrer la dimension internationale dans leur démarche territoriale de développement durable (Agenda 21 local ou autre).

Les collectivités signataires s'engagent à mobiliser leurs partenaires étrangers ainsi que l'ensemble des acteurs de leurs territoires respectifs, en vue de la mise en oeuvre des principes affirmés dans cette Charte.

Cités Unies France, l'Association Française du Conseil des Communes et Régions d'Europe, le Comité 21 qui fédèrent les collectivités territoriales dans le domaine de la coopération décentralisée, de l'intégration européenne et du développement durable apportent leur soutien et leur parrainage à la Charte. Ces Associations s'engagent, dans le cadre de leurs activités, à en assurer la promotion et à accompagner les collectivités territoriales dans sa mise en oeuvre en s'appuyant sur un comité de suivi.

Elles proposeront aux réseaux européens de collectivités territoriales ainsi qu'à l'organisation mondiale, Cités et Gouvernements Locaux Unis, d'adopter et promouvoir auprès de leurs membres les principes énoncés dans cette Charte.

Cette Charte s'accompagne d'un premier guide méthodologique permettant aux collectivités territoriales d'appliquer concrètement les principes qu'elle définit.

Cette Charte a été élaborée par un groupe de travail réunissant les trois Associations précitées et les collectivités territoriales suivantes :

le Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais, le Conseil Général de l'Essonne, la Communauté Urbaine de Dunkerque (Nord), la Commune de Brou-sur- Chantereine (Seine et Marne) et la Ville de Nantes (Loire Atlantique).

La Fédération des Parcs Naturels Régionaux s'est associée à la rédaction de cette Charte et s'engage à la promouvoir auprès des Parcs Naturels Régionaux.

Cette Charte a, d'ores et déjà, reçu le soutien de :

l'Association des Maires de France, l'Association des Maires des Grandes Villes de France, l'Association des Petites Villes de France, l'Association des Maires Ville et Banlieue de France, la Fédération des Maires des Villes Moyennes, l'Association des Maires Ruraux de France, l'Association des Eco Maires, l'Association Francophone Internationale

de Coopération Décentralisée.

PRÉAMBULE

Nous, représentants des collectivités territoriales françaises et de leurs Associations,

Constatant que la mondialisation a entraîné une interdépendance des populations de la planète ;

Constatant l'émergence de systèmes de gouvernance locale légitimes dans la plupart des continents et le mouvement d'intégration que connaît le continent européen, dans lesquels les collectivités territoriales jouent un rôle éminent ;

Constatant que, malgré les efforts des politiques publiques, les déséquilibres et inégalités écologiques, sociales et économiques persistent et augmentent, tant au niveau mondial (Nord/Sud, Est/Ouest) que local (centre/périphérie) ;

Constatant les effets contrastés des politiques de coopération décentralisée menées par les collectivités territoriales françaises ;

Nous, représentants des collectivités territoriales françaises et de leurs Associations,

Convaincus que l'être humain doit être au centre des préoccupations relatives au développement durable et qu'il a droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ;

Convaincus de la nécessité d'assurer à tous les citoyens la reconnaissance et le respect des libertés et droits fondamentaux tels qu'affirmés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (civils et politiques, économiques, sociaux et culturels), le respect de la dignité et de la valeur de la personne humaine ainsi que le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes ;

Convaincus de la nécessité de construire et promouvoir une citoyenneté à l'échelle locale, nationale, régionale 11 ( * ) et mondiale faisant des individus des acteurs des politiques publiques et de la solidarité mondiale ;

Convaincus que l'objectif d'un monde plus juste et pacifié ne pourra être atteint que si le développement est durable, c'est-à-dire pensé sur le long terme, fondé sur la solidarité entre êtres humains et entre générations actuelles et futures, combinant justice et équité sociale, viabilité économique, responsabilité environnementale et respect de la diversité culturelle et naturelle reposant sur une gouvernance démocratique tant au niveau local qu'au plan mondial.

Nous, représentants des collectivités territoriales françaises et de leurs Associations,

Rappelant notre attachement à la construction européenne et aux idéaux des NationsUnies ;

Rappelant le rôle prépondérant des collectivités territoriales en matière de développement durable, en raison de leurs pouvoirs et compétences, de leurs moyens et de leur proximité avec les citoyens, reconnu par le Chapitre 28 de l'Agenda 21 adopté à Rio en 1992 lors du Sommet de la Terre, les stratégies européenne et nationale du développement durable ainsi que les nombreux engagements pris à l'occasion des 1ère et 2ème Assemblées Mondiales des Villes et Autorités Locales - Istanbul en 1996 et Rio de Janeiro en 2001, de la conférence des Nations Unies «Habitat II+5» à New York en 2001 et du Sommet Mondial du développement durable de Johannesburg en août - septembre 2002 ;

Rappelant les engagements pris par les collectivités territoriales en faveur d'une plus grande solidarité Nord/Sud et Est/Ouest dans une optique de développement durable (Charte des Villes européennes pour la durabilité - Charte d'Aalborg - en 1994, Plan d'action de Lisbonne adopté en 1996, Appel de Hanovre lancé en 2000, la Déclaration internationale des gouvernements locaux et celle des collectivités territoriales françaises au Sommet Mondial du développement durable de Johannesburg) ;

Rappelant la légitimité des actions des collectivités territoriales, fondée sur la reconnaissance de la longue pratique de coopération décentralisée des collectivités territoriales, par la Loi du 6 février 1992 leur permettant de conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères ;

Nous, représentants des collectivités territoriales françaises et de leurs Associations, nous engageons par la signature de cette Charte,

à mettre en oeuvre des coopérations décentralisées durables qui favorisent le rapprochement et la paix entre les territoires et les peuples, la compréhension et l'ouverture à des cultures et savoir-faire différents, source d'enrichissement réciproque et d'innovation ;

à promouvoir les principes contenus dans cette Charte tant dans les modalités de mise en oeuvre que dans les domaines d'actions de nos coopérations décentralisées.

LES FONDEMENTS DU PARTENARIAT

Egalité, Solidarité, Réciprocité, Subsidiarité

Egalité : la coopération décentralisée met en relation des partenaires égaux sur le plan des droits, devoirs et responsabilités en dépit des différences et des disparités existantes en termes politiques, économiques, sociaux, environnementaux, culturels, civils et religieux.

Solidarité : prenant en compte l'interdépendance entre les territoires et les générations, la coopération décentralisée doit permettre d'identifier ensemble les besoins des territoires partenaires et d'élaborer, par une réflexion et des moyens communs, des stratégies et projets de développement améliorant les conditions de vie du plus grand nombre.

Réciprocité : la coopération décentralisée repose sur une logique de partage et va bien au-delà de la traditionnelle aide humanitaire ou mise à disposition de fonds. La valorisation des acteurs, de leurs savoirs et de leurs savoir-faire, fonde ce principe, soutenu par la conviction que le partenariat doit être mutuellement équitable et que les particularités de chaque partenaire sont une source d'enrichissement pour l'un et pour l'autre.

Subsidiarité : les autorités locales jouent un rôle éminent pour la mise en oeuvre du développement durable. Aussi, pour répondre de la manière la plus adaptée et la plus directe aux besoins des populations et favoriser ainsi une plus grande implication des acteurs locaux au développement de leur territoire, la coopération s'attachera, dans le respect des dispositions des États concernés, à accompagner l'émergence de pouvoirs locaux autonomes et démocratiques mais aussi de systèmes de gouvernance locale participative.

L'ÉLABORATION ET LA MISE EN oeUVREDU PARTENARIAT

Précaution, Prévention, Réversibilité

Tout projet de coopération décentralisée nécessite l'élaboration d'un diagnostic partagé préalable permettant d'évaluer les impacts sociaux, économiques, environnementaux et culturels, directs et indirects, à court, moyen et long terme des actions envisagées. Ce diagnostic permet de décider, en connaissance de cause, de la mise en oeuvre du projet, de son ajustement, de son rejet ou de l'élaboration d'un projet différent. Par ailleurs, la définition d'un dispositif d'évaluation concerté, nécessaire avant toute mise en oeuvre du projet, permettra de limiter, anticiper, gérer ou éviter d'éventuelles conséquences négatives. En fonction des objectifs recherchés, il est nécessaire de ménager des solutions alternatives et de s'assurer de la réversibilité des choix. Ces principes doivent être privilégiés sur la réparation.

Partenariat, Participation, Formation, Transversalité, Articulation des échelles

Partenariat : tout projet de coopération doit mobiliser l'ensemble des partenaires concernés des collectivités territoriales (acteurs économiques, sociaux, associatifs, institutionnels) et les associer dès la conception et tout au long de sa mise en oeuvre. Le respect du principe de partenariat doit aussi favoriser la recherche d'une concertation, d'une complémentarité, d'une mise en cohérence des initiatives menées par l'ensemble des acteurs de différents niveaux (local, régional, national, européen et international). Il permet notamment des coopérations conjointes de plusieurs collectivités territoriales dans le cadre de partenariats multilatéraux.

Participation : la spécificité de la coopération décentralisée est d'être une coopération de territoire à territoire impliquant dans la durée l'ensemble des acteurs présents. L'implication des populations permet une meilleure appropriation des enjeux de la coopération et contribue à la construction d'une citoyenneté européenne et internationale.

Tout projet de coopération doit tendre à promouvoir un partenariat et une participation active des acteurs territoriaux, des populations locales, des usagers et des consommateurs à l'élaboration des choix, à la mise en oeuvre des programmes et à leur évaluation.

Formation : la formation de l'ensemble des acteurs des territoires concernés est indispensable pour assurer une compréhension commune des enjeux et leur permettre une participation active et éclairée à l'élaboration et à la mise en oeuvre des projets. Elle doit prendre en compte les spécificités des territoires et des acteurs.

Transversalité : tout projet de coopération décentralisée se doit d'appréhender, dès sa conception, l'ensemble des enjeux environnementaux, économiques, sociaux et culturels des territoires. Il importe donc d'impliquer dans les projets l'ensemble des élus et des services des collectivités territoriales concernées et de rechercher une mise en cohérence des initiatives menées par l'ensemble des autres acteurs.

Articulation entre les territoires et dans le temps : il convient de tenir compte dans toute action de coopération de son impact potentiel sur les autres niveaux territoriaux ainsi que des contraintes issues de ceux-ci. De même, les incidences de ces actions à court, moyen et long terme doivent être évaluées.

LE SUIVI DU PARTENARIAT

Transparence, Information, Evaluation, Capitalisation

Transparence : les rôles et responsabilités de chacun des partenaires doivent être clairement définis. L'ensemble des acteurs des collectivités territoriales partenaires doit pouvoir accéder à l'information relative à tous les éléments du partenariat et des projets.

Information : les habitants des collectivités territoriales partenaires doivent être informés des actions entreprises et être associés à leur réalisation. Il s'agit de mettre en place un système d'information et de communication neutre et lisible par tous. Il doit s'accompagner d'un programme d'éducation aux enjeux du développement durable dans le cadre de la coopération.

Evaluation : la conduite d'une évaluation permanente et concertée du partenariat et de la pertinence des projets menés dans le cadre de la coopération décentralisée est indispensable. Dès la conception du projet doivent être mis en place des outils nécessaires à la mise en oeuvre de processus d'évaluation où chacun des partenaires et chaque acteur du territoire disposent d'une voix égale et d'un réel droit de regard.

Capitalisation : les partenaires du projet doivent s'attacher à ce que l'expérience tirée de leur coopération soit capitalisée, valorisée et exploitable par l'ensemble des acteurs de la coopération décentralisée. Le produit de cette capitalisation doit être diffusé au sein des collectivités territoriales concernées mais également relayé à une échelle plus large par le biais des associations de collectivités territoriales actives en matière de coopération internationale.

Outre les principes définis ci-dessus, le développement durable doit se traduire concrètement par la réalisation des objectifs fixés notamment par les déclarations, conventions et protocoles internationaux adoptés par les Etats.

Les collectivités territoriales sont parties prenantes de la réalisation de ces objectifs à l'échelle de leur territoire mais également à l'échelle des territoires concernés par leurs coopérations.

En conséquence, les coopérations décentralisées privilégieront les actions qui favorisent l'établissement de pouvoirs locaux autonomes, renforcent la démocratie participative, l'expression citoyenne et la diversité culturelle, contribuent à la lutte contre la pauvreté et les inégalités, assurent l'accès aux services essentiels, participent à la lutte contre les pollutions, les changements climatiques et la désertification, sauvegardent la biodiversité, les ressources en eau et en sol et concourent à la mise en oeuvre d'un développement économique socialement et écologiquement responsable.

4. Proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.

Le Sénat a adopté, en première lecture, la proposition de loi dont la teneur suit : Voir les numéros : Sénat : 67 (texte de M. Jacques Oudin et plusieurs de ses collègues) et 347 (rapport de M. Charles Guéné, fait au nom de la commission des lois) (2003-2004).

Article 1 er

Après l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, tel qu'il résulte de la loi organique n°  du prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1115-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-1-1 . - Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement peuvent, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans le cadre des conventions prévues à l'article L. 1115-1, des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement. »

Article 2

L'article L. 213-6 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le respect des engagements internationaux de la France et dans le cadre de conventions soumises à l'avis du comité de bassin, l'agence peut mener des actions de coopération internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, dans la limite de 1 % de ses ressources, le cas échéant et suivant les règles statutaires en vigueur pour chaque catégorie de personnels, avec le concours de ses agents. »

Délibéré en séance publique, à Paris, le 22 juin 2004.

Le Président,

Signé : Christian PONCELET.

5. Déclaration de Quito : Charte des populations des montagnes du monde (4 septembre 2003)

Les représentants des territoires de montagne de quarante pays réunis le 20 septembre 2002 à Quito (Equateur), tenant compte des déclarations issues des réunions préparatoires de Achocalla (22-25 août 2002, Bolivie) et Yuksam (15-19 avril 2002, Inde), ont adopté les grandes lignes de la déclaration suivante. Le présent texte rédigé en conformité avec ces orientations a été largement diffusé pour recueillir les observations des collectivités et communautés de montagne. Au vu des résultats de cette consultation il a été adopté définitivement après modification le 4 septembre 2003 par le Bureau de l'APMM réuni à Ispoure (Pyrénées françaises).

1. Nous croyons en l'avenir de la montagne ! Quitter la montagne est un déchirement pour tous ses enfants. Parce qu'il requiert de nous force et patience, renoncement et sacrifices, énergie et courage, imagination et pugnacité, parce que nous avons appris à le respecter et à en défendre l'intégrité, notre attachement à ce territoire est fort. Parce qu'il nous offre, en retour, la beauté et la sérénité de ses paysages, parce qu'il nous conduit à la réflexion et au recueillement, parce qu'il nous met naturellement en harmonie avec la nature, ce territoire est source d'inspiration et d'élévation. Nous gardons et perpétuons à travers lui le souvenir des générations qui nous ont précédés et qui ont façonné notre pays. Nous leur sommes reconnaissants de nous avoir transmis ce patrimoine et cette culture. Nous avons le devoir de ne pas laisser ce territoire se dégrader, ce patrimoine se dilapider, cette culture se banaliser . Nous ne sommes pas condamnés à l'abandon ou à l'exode. Notre territoire peut nourrir tous ses habitants et en accueillir de nouveaux. De réelles perspectives s'ouvrent à lui. La société contemporaine exprime de fortes attentes. Le progrès technique, s'il n'efface pas les handicaps, les tempère. L'agriculture, le pastoralisme, la foresterie, retrouvent une nouvelle vitalité en offrant de nouveaux produits et en exerçant de nouvelles fonctions. Notre artisanat et notre industrie montrent leur capacité à s'adapter au nouveau contexte économique. Nous disposons de ressources naturelles importantes, eau, énergie, minerais, espace, qui peuvent être mieux mises en valeur, économiquement et écologiquement, et leurs bénéfices mieux répartis. Le tourisme, maîtrisé, peut être le vecteur de flux financiers importants et partagés. Nos valeurs et nos savoirs locaux, la connaissance intime de notre territoire, demeurent des points d'appui exceptionnels pour progresser. Nous avons la volonté de faire de toutes ces potentialités une réalité : voilà pourquoi nous croyons en l'avenir de la montagne.

2. Nous revendiquons notre juste place dans la société. La montagne est différente. Elle ne doit pas être à part. La société ne doit pas exclure ses populations ni marginaliser son territoire. Elle ne doit pas non plus chercher à uniformiser ou assimiler en ignorant ses spécificités et particularités. Les populations de montagne doivent avoir accès aux mêmes droits sociaux et politiques et aux mêmes chances de développement. Nous savons que pour en arriver là, c'est un long chemin. Certains peuples de montagne l'ont parcouru, toujours avec beaucoup de difficultés : ils sont maintenant non seulement reconnus mais respectés. D'autres, trop nombreux, sont encore délaissés, rejetés, spoliés, méprisés, cantonnés. Certains sont riches mais asservis par un marché toujours plus exigeant. D'autres ont cru conquérir un statut dans l'assistance. D'autres enfin perpétuent eux-mêmes l'injustice en leur sein. Les populations de montagne ne demandent pas l'égalité des situations mais l'équité qui vise à corriger de façon durable les handicaps et les injustices. Elles ont conscience qu'elles doivent d'abord s'appliquer à elles-mêmes ce qu'elles demandent aux autres. Nous voulons construire une société qui dispense à tous ses habitants les services clés de tout progrès social, économique, politique : la formation et l'enseignement, le logement et la santé, la possibilité de communiquer et de se déplacer. Les populations de montagne ne veulent pas demeurer dans des situations d'inégalité qui portent atteinte à leur dignité. Elles ne veulent pas apparaître comme d'éternels quémandeurs alors qu'elles ne demandent que la justice et le droit. Elles veulent disposer de moyens d'expression et de représentation pour faire valoir l'une et l'autre avec force et démocratiquement.

3. Nous voulons élargir le champ des possibles pour la montagne. Notre territoire, longtemps dédaigné, intéresse de plus en plus nos contemporains. Pour les uns il constitue un espace de loisirs et de détente, pour d'autres un milieu voué à la conservation de la nature. La montagne n'est pas réductible à ces deux dimensions. Nous devons assurer au mieux ces deux fonctions, récréatives et environnementales, nécessaires à l'équilibre de la société, au maintien de la richesse naturelle, et à notre développement, mais nous ne devons pas nous y dissoudre. Nous ne voulons pas être seulement un territoire d'accueil, des gardiens de la nature ou une société de service . Nous avons d'autres ambitions et d'autres atouts à faire valoir. Nous voulons construire une société fondée sur la diversité de ses métiers et de ses composantes sociales et humaines, facteur de solidité économique et d'enrichissement social. Nous voulons que les activités liées au sol, agriculture, pastoralisme, foresterie, qui font vivre la population, entretiennent l'espace et assurent le renouvellement des ressources naturelles, soient considérées comme d'intérêt général en montagne. Nous refusons de fonder la richesse de la montagne sur la vente de son patrimoine et l'affermage de son territoire. La richesse de la montagne doit naître de notre capacité à produire, sans dégrader notre capital, et à créer une réelle valeur ajoutée au plus grand bénéfice des montagnards et de la communauté nationale. Nous voulons également que notre jeunesse, en continuité avec les générations précédentes, puisse pérenniser la vitalité des territoires de montagne. Nous devons lui offrir d'autres alternatives que le départ et l'inviter à investir toute sa créativité dans un nouveau développement de la montagne, leur « pays ».

4. Nous voulons retrouver la maîtrise de notre développement. Nous avons le sentiment de peser de moins en moins sur le devenir de nos territoires. Les décisions stratégiques sont trop souvent prises par des entreprises extérieures qui décident sans nous de l'avenir de nos ressources. La gestion du territoire est captée par une administration qui veut en contrôler étroitement l'usage. Les intervenants extérieurs, institutions ou organisations, imposent trop souvent des modèles ou techniques de développement qui déstructurent nos sociétés locales. Nous subissons la pression de groupes divers et variés qui veulent décider, sans nous et souvent contre nous, de notre bonheur. La montagne tend ainsi à devenir un territoire subordonné, un territoire objet, dont le sort est réglé en dehors de ses habitants, des collectivités et communautés locales qui la constituent. Faute d'avoir suffisamment prise sur la réalité nous devenons impuissants à modifier le cours des événements, à maîtriser les forces économiques et sociales qui provoquent des ruptures brutales dans l'évolution de notre société. Nous voulons mettre fin à cette situation : nous voulons à nouveau « habiter » notre pays. Les populations de montagne doivent redevenir les véritables acteurs de leur destin. Elles doivent retrouver le pouvoir de gestion de leur territoire non sans se soumettre aux règles d'utilité publique qui doivent être élaborées démocratiquement et en concertation avec leurs représentants détenteurs d'une véritable expertise pratique. Nous voulons maîtriser l'exploitation de nos ressources naturelles et bénéficier pleinement de leurs retombées économiques. Nous voulons choisir nos propres voies de développement et de gestion de notre territoire, renouveler et équilibrer les rapports économiques et humains entre la montagne et les autres territoires auxquels leur avenir est lié. Nous voulons, grâce à une capacité renforcée de conception et de décision, mieux maîtriser les filières de nos produits. Nous souhaitons que les scientifiques et les experts, quelle que soit leur spécialité, travaillent à nos côtés. Aux niveaux supérieurs où se prennent les décisions stratégiques qui vont décider de notre avenir nous voulons être présents. Nous voulons à travers nos collectivités, nos organisations, être reconnus comme de véritables partenaires avec lesquels les décisions qui les concernent sont prises de façon contractuelle.

5. Nous voulons agir au travers de communautés fortes et unies. Individuellement nous pouvons faire beaucoup pour notre territoire, chacun dans notre domaine d'activité ou de responsabilité. La montagne a grand besoin de ces initiatives. Mais notre véritable capacité à faire progresser l'ensemble de la collectivité à laquelle nous appartenons ne peut être que l'effort conjugué de tous, l'action convergente des habitants, la mise en commun des ressources dans nos collectivités et communautés de montagne. A celles-ci de faire naître et d'incarner la volonté collective d'aller de l'avant. A nous tous de leur procurer les moyens concrets d'agir, juridiques, financiers, techniques, scientifiques, nécessaires pour gérer au mieux le territoire commun, assurer les services à la population, réaliser les équipements, mettre en valeur les ressources collectives, soutenir le développement de l'économie, maintenir la fécondité des cultures locales. Aux communautés de se mettre en position d'exercer ces missions par la coopération . Notre engagement citoyen est tout autant la clé de la réussite collective. Si la gestion doit être déléguée, elle doit être aussi vivifiée en amont par une participation étroite des citoyens et confortée en aval par une évaluation régulière. Il en va de la cohésion et de la capacité d'une collectivité à avancer et à faire progresser toutes ses composantes et notamment celles qui sont les plus défavorisées ou qui se tiennent en marge. Ayant mobilisé tous nos moyens et rempli nos propres obligations nous pouvons exiger de l'Etat qu'il remplisse celles de la collectivité nationale envers les communautés de montagne qui, avec des moyens réduits doivent affronter un environnement plus difficile. La première des obligations de l'Etat est la justice : à situations différentes, politiques différentes. La seconde est la liberté de gestion : à collectivité démocratique, autonomie de gestion.

6. Nous voulons nous organiser pour peser sur les décisions qui nous concernent. Le développement de la montagne est largement fonction des règles du jeu économique appliquées au niveau national ou retenues dans les accords internationaux. L'agriculture, les services, la forêt, l'industrie, le commerce, la culture même, sont fortement soumis aux mécanismes ainsi mis en oeuvre. La montagne est particulièrement vulnérable, par bien des aspects, aux politiques libérales en raison de sa fragilité et de sa faible compétitivité. Elle est aussi très dépendante de l'intervention publique en raison de la faiblesse de ses moyens propres. Aussi nous devons être présents partout où, du local à l'international, s'élaborent des décisions qui mettent en cause nos territoires. Nos porte-parole seront d'autant plus entendus qu'ils seront représentatifs des populations de montagne. Ils seront d'autant plus convaincants qu'ils s'appuieront sur des études et des dossiers de haute qualité. Nous devons leur donner cette légitimité démocratique et cette capacité à négocier au nom d'organisations montagnardes représentatives et dotées de réels moyens d'action. L'existence et la force de ces organisations sont d'autant plus nécessaires aux montagnards qu'ils sont dans une situation de sous-représentation dans leur pays et qu'ils doivent lutter contre le mouvement naturel qui conduit à satisfaire d'abord les concentrations humaines plutôt que les territoires. Nous avons donc le devoir d'assurer partout une représentation des territoires de montagne pour obtenir des arbitrages favorables. Mais nous devons aussi savoir découvrir l'universel à travers nos problèmes particuliers et nous associer à ceux qui défendent des valeurs identiques.

7. Nous voulons construire une communauté des hommes et des femmes de la montagne. Nous estimons que la cause de la montagne peut réunir au sein d'un même mouvement les populations de montagne de tous les continents, du sud au nord et de l'est à l'ouest, car nous avons tous, malgré les différences de culture, de revenu, de conditions de vie, d'organisation sociale, un point commun : l'attachement à notre territoire de montagne, notre volonté de ne pas dissoudre la relation qui nous unit à lui, de continuer à y vivre et de veiller à sa pérennité. Nous nous considérons confrontés au même défi fondamental, celui d'un développement que nous voulons maîtrisé par nous et équitable, dans un contexte historique où les identités s'effacent devant un modèle culturel unique et où les plus faibles sont menacés de voir les retards et les disparités s'aggraver. Nous devons nous unir pour répondre à ces défis en nous entraidant et en mobilisant nos moyens au bénéfice de toute la collectivité montagnarde . Nous voulons créer une communauté où les plus défavorisés seront les premiers défendus. Nous voulons que chacun prenne conscience, populations de montagne, nations, communauté internationale de ce que représente la montagne, ce qu'elle apporte à l'humanité en termes de produits, de services, d'environnement, de pratiques sociales, de gestion collective, de mode d'utilisation de l'espace, de valeurs, de cultures. Nous voulons assumer totalement nos responsabilités à l'égard de la communauté nationale comme de la communauté internationale. Les populations de montagne le feront d'autant mieux qu'elles seront organisées démocratiquement et maîtriseront le devenir de leur territoire.

Notre alliance doit permettre à des peuples très différents de se rencontrer sur un projet commun, celui qui leur tient le plus à coeur : prendre en mains le destin de leur pays. Ainsi pourrons-nous, à partir de nos communautés locales, constituer une véritable communauté de destin entre les montagnes du monde.

Afin d'assurer la réalisation des objectifs de cette Charte, à savoir :

- Ouvrir de nouvelles perspectives de progrès à la montagne,

- Conquérir de nouveaux droits sociaux et politiques,

- Elargir le champ du possible pour la montagne,

- Retrouver la maîtrise de notre développement,

- Renforcer la cohésion et l'autonomie des collectivités,

- Constituer des organisations montagnardes représentatives,

- Construire une communauté mondiale solidaire et soucieuse de l'égalité des sexes.

Nous prenons l'engagement  :

1. D'oeuvrer à la réalisation de ces objectifs dans notre domaine d'activité et de responsabilité, de les faire connaître et d'inciter les collectivités de montagne, organisations, associations et individus à y adhérer.

2. De promouvoir la création d'un mouvement des populations de montagne et à cet effet :

- de nous réunir dans chacun des pays dans une ou plusieurs associations des populations de montagne constituées en référence aux statuts de l'APMM par les communautés territoriales locales, les organisations qui participent à la gestion et au développement du territoire, les chercheurs et experts qui travaillent aux côtés des populations de montagne et tous ceux qui souhaitent s'engager individuellement au service de cette cause.

- de nouer des liens étroits entre ces associations au niveau des massifs ou des continents.

- de nous réunir dans l'Association des Populations des Montagnes du Monde.

3. De développer les échanges et rencontres entre les populations de montagne des différents territoires de montagne.

4. D'engager des actions de coopération entre populations de montagne au travers de ces associations ou d'autres organisations avec le concours des ONG partenaires.

5. De construire des alliances ou partenariats avec les mouvements ou organisations qui poursuivent des objectifs similaires et défendant les mêmes valeurs.

6. Intervention de M. Elikia M'Bokolo lors de la session spéciale « Villes africaines et Patrimoine » au Sommet AFRICITES

Le patrimoine urbain, un outil de développement pour l'Afrique

Elikia M'Bokolo

Directeur d'Etudes

Ecole des hautes Etudes en Sciences Sociales

Excellences,

Mesdames, Messieurs,

Chers collègues,

Je voudrais d'abord, après ces mots de bienvenue et ces premières observations et réflexions sur l'objet de nos débats d'aujourd'hui - Le patrimoine, un outil de développement pour l'Afrique - , accomplir, comme on dit, le devoir agréable de remercier tous ceux qui ont eu l'idée d'organiser cette rencontre et ont mis en oeuvre les moyens et les ressources pour que cette réunion ait lieu.

Je le dis d'autant plus volontiers que, natif d'une grande métropole africaine -je suis né en effet à Kinshasa, autrefois Léopoldville- j'ai souvent été surpris que, dans les réflexions et stratégies sur le développement de l'Afrique, on ait si rarement pris la ville en elle-même comme l'un des pôles privilégiés, comme l'un des leviers originaux de notre marche qui se veut singulière vers un futur meilleur que notre présent. Longtemps, tout a semblé se passer comme si la ville, petite ou grande, évoquait encore pour beaucoup ce lieu troublant où se croisent la garantie de l'incertitude, la froideur de l'anonymat, le risque de la solitude, certes de possibles opportunités professionnelles ou amoureuses fructueuses, mais aussi de si fréquents mensonges, les violences et agressions de toutes natures. Bref, tout a semblé se passer comme si rien n'avait changé depuis les temps où notre regretté aîné Mongo Beti avait, sous le nom d'Eza Boto, publié Ville cruelle , et depuis les temps où, lors des premiers pas de la musique congolaise, Antoine Mundanda a chanté dans Nzela ya Ndolo les malheurs d'un pauvre bougre émigré du village et découvrant en ville la violence de l'Etat colonial et la malfaisance généralisée dans la corps social.

Poto Poto mboka monene

Solo Kinshasa Poto moindo

Sachons-leur donc gré, à tous ceux qui, en nous réunissant ici, nous permettent d'avancer ensemble dans l'élaboration de stratégies et de plans d'action articulant patrimoine et développement de l'Afrique.

Qu'il me soit permis également d'adresser mes remerciements à ceux qui, à juste titre, ont cru utile de faire venir ici, en ma personne et en celle de quelques autres que j'aperçois d'ici, des hommes de science et de culture car, sauf lorsque l'UNESCO est impliquée, ceux-ci sont souvent tenus à l'écart de ces grands et nécessaires débats sur le développement de notre continent. Il me semble en effet que, si les voies singulières d'un développement effectif de l'Afrique doivent se dégager, ce sera grâce à la conjugaison des efforts de tous, grâce à l'alliance entre le devoir d'efficacité et d' accountability , comme on dit aujourd'hui, des responsables publics d'un côté et, de l'autre, l'exigence de participation de tous les citoyens et le devoir d'imagination voire de provocation, de saine provocation, qui incombe aux hommes et femmes de culture.

Comme vous le savez, la Renaissance Africaine est de nouveau à l'ordre du jour : c'est le souffle qui anime l'élan que le NEPAD entend donner au développement de l'Afrique. Je voudrais rappeler ici ce qu'a écrit l'un des pères les plus fameux de la Renaissance Africaine, le nigérian Nnamdi Azikiwe dans un livre Renascent Africa écrit à Accra en 1936-1937 :

" Eduquez l'Africain à être un homme. Dites-lui qu'il a fait une contribution manifeste à l'histoire. Apprenez-lui à apprécier le fait que le fer a été découvert par les Africains ; que les Africains ont été à l'origine de la conception de Dieu ; que les Africains ont dirigé le monde de 763 à 713 avant Jésus Christ ; que, pendant que l'Europe somnolait durant des " siècles obscurs ", une grande civilisation a fleuri sur les bords du Niger, s'étendant des mines de sel de Terghazza au Maroc jusqu'au lac Tchad et à l'Atlantique. Racontez-lui les usages de l'Ethiopie, du Ghana, de Melle (Mali), de Mellestine, de Songhay. Faites-lui comprendre, avec le reste du monde, que, pendant qu'Oxford et Cambridge en étaient à leurs stades rudimentaires, l'université de Sankore à Tombouctou accueillait " des savants et des érudits du monde entier ", comme l'écrit Sir Percy. L'Africain de la Renaissance sera au mieux avec les hommes et les femmes formés pour apprécier ces faits de l'histoire africaine plutôt qu'avec ceux qui passent la durée d'une vie en Europe ou en Amérique pour recevoir une éducation au rabais et dévaluer la culture et la civilisation de l'Afrique . " (05/12/1953).

Ces propos dans lesquels, je crois, le président Thabo Mbeki, l'un des promoteurs actuels de la Renaissance Africaine se reconnaîtrait volontiers, ont été partagés par de nombreuses générations de responsables africains : on les retrouve dans les années 1950  dans la bouche de Nkrumah comme on les a entendus au tout début du XXè siècle lorsqu'un brillant étudiant sud-africain de Columbia University à New York, Issaka Seme, l'un des futurs fondateurs de l'ANC, évoqua la Régénération Africaine et, devant l'incrédulité de son public, se plut à évoquer la singularité des civilisations africaines et la vitalité continue des créations des peuples africains.

Si je convoque ici ces illustres ancêtres, c'est parce qu'ils parlaient déjà de ce dont nous sommes en train de discuter ici, ils parlaient déjà du patrimoine. Mais, entre eux, Africains d'hier, et nous, Africains d'aujourd'hui, il y a, me semble-t-il, plus qu'une simple distance : il y a un fossé. Ce fossé tient d'abord au fait que, contrairement à eux, nous avons relégué le patrimoine du centre à la périphérie lointaine de nos réflexions et de nos préoccupations et, ensuite, au fait que nous n'avons pas encore réussi à mettre en oeuvre des " politiques du patrimoine ", des actions sur le patrimoine et par rapport au patrimoine qui soient cohérentes et aussi susceptibles de participer au processus global de notre développement.

Je me contenterai ici, pour introduire à nos débats, de soulever trois questions à mon tour, à la suite du Directeur Général Adjoint de l'UNESCO.

*   *   *

La première question se situe dans le prolongement de sa question " Quel patrimoine faut-il protéger ? " Je la reformulerais en disant : Lorsque nous parlons de patrimoine africain, à quel patrimoine pensons-nous ?

La question du patrimoine en Afrique me semble avoir été, pendant longtemps, posé en des termes inadéquats ou d'une manière incomplète et peu satisfaisante. J'ai tenté naguère d'analyser cette approche du patrimoine et d'en montrer les insuffisances en la qualifiant de « conception muséale » ou « muséographique » de la culture.

Une telle approche était d'ailleurs difficile à éviter dans le contexte des indépendances récemment acquises. On sait que, pour légitimer leur domination sur l'Afrique, toutes les puissances coloniales avaient recouru aux mêmes arguments. L'un d'eux, relativement facile à faire accepter par leurs opinions publiques, avait été " le retard " culturel de l'Afrique ou l'absence de toute culture sur le continent africain. On comprend que les premières générations d'intellectuels et hommes d'Etat africains aient voulu, en combattant le colonialisme politique, relever aussi le défi du colonialisme culturel. Il fallait donc à tout prix soutenir, prouver et montrer par des preuves tangibles que l'Afrique ancienne et traditionnelle, identifiée à l'Afrique des villages, des enracinements tribaux et des affiliations ethniques, avait aussi produit sa propre culture. Ainsi, à trop regarder dans cette direction-là, on courait le risque, vérifié dans les faits, de ne pas voir ce qui était devant soi, bien vivant, je veux dire la culture urbaine, dans son effervescence, son bouillonnement, sa créativité et sa productivité. Aujourd'hui, quarante ans après, nous ne pouvons plus ne plus voir cet espace immense, porteur de nombreux détours et de multiples recoins, où l'Afrique contemporaine prend en charge ses héritages, les croise avec d'autres apports et fabrique, bricole, invente -dans le meilleur sens de ces mots- des africanités à la fois fidèles à elles-mêmes et innovantes.

Une autre cause de bévue a été la problématique de la construction nationale, telle du moins qu'elle se formulait il n'y a guère. Dans ces espaces territoriaux que nous avions, presque partout, hérités de la colonisation, on a pensé, à bon droit, qu'il fallait se préoccuper d'abord de " construire la nation " sous peine de voir " les tribalismes " et autres particularismes emporter les fragiles échafaudages issus de l'ordre colonial et les réduire en miettes. Comment faire, sinon mettre en commun le patrimoine " purement africain ", venu jusqu'à nous du fonds des âges ? Qui a oublié le cri poignant du poète :

" Rends-moi mes poupées noires

Pour jouer

Le jeu naïf de mes instincts...

Pour recouvrer mon courage,

Mon audace,

Me sentir tel que je suis :

Un nouveau moi-même, issu de ce que j'étais hier,

Hier

Sans complications,

Hier quand sonna l'heure du déracinement. "

(Léon Gontran Damas)

Dans l'une de ces perspectives comme dans l'autre, la politique culturelle, pour autant qu'on puisse employer ce mot, avait tendance dans les jeunes Etats à se confiner dans des pratiques de folklorisation et, en soulignant de cette manière-là l'écart entre " nous " et " les autres ", à nous figer dans un lointain ailleurs où nous aurions donné toutes les preuves de nos talents. A ceux qui nous signifiaient que nous étions " mal partis ", nous nous trouvions ainsi armés pour répondre avec nos performances passées et excuser en quelque sorte, c'est-à-dire aussi prendre pour acquis et légitimer du même coup, notre soi-disant retard.

Or, le patrimoine urbain, donné à voir à tous, nous tenait et continue de nous tenir un tout autre langage.

Ce patrimoine négligé nous enseigne d'abord l'ancienneté du fait urbain en Afrique, quels que soient les critères que l'on retienne pour définir la ville, le nombre de ses habitants, le mode d'organisation de l'espace, les fonctions assumées, les formes de sociabilité... Cette ancienneté, dont attestent toutes les aires culturelles du continent africain, nous projette en arrière vers le passé le plus lointain, de l'Ethiopie au Zimbabwe, des confins sahéliens aux savanes congolaises, des rivages atlantiques aux hautes terres des Grands Lacs. Mais, il faut souligner aussi que, jusqu'à la veille, si l'on peut parler ainsi, de la mainmise coloniale, l'Afrique n'a cessé de produire des villes, de plus en plus nombreuses : beaucoup d'entre elles allaient d'ailleurs être réappropriées par les autorités coloniales et transformées en noyaux d'expansion du nouvel ordre des choses, sans que s'abolissent pour autant les pratiques et usages anciens, portés à prendre le détour de la clandestinité et à nous obliger aujourd'hui à déployer des trésors de patience et d'expertise pour retrouver leurs traces.

Ce qui est encore plus surprenant dans cette histoire, c'est que les phases les plus dures, les plus terribles et les plus terrifiantes, du passé africain ont, à leur tour donné naissance à des formations urbaines nouvelles, soit créées ex nihilo , soit le plus souvent érigées sur des habitats anciens, mais dans lesquelles les Africains n'ont jamais été de simples spectateurs du temps qui passe. Nous sommes donc fondés à considérer comme nôtres ces villes-là, qu'il s'agisse, pour le passé le plus récent, des fameuses villes cruelles coloniales ou, pour un passé plus ancien, des comptoirs de la traite négrière, des foyers de colonisation arabe, musulmane et swahili, ou de ces cités de grand négoce mettant l'Afrique au contact des économies -mondes dans des rapports d'échange qui n'étaient pas forcément inégaux.

De ces moments douloureux et brutaux, chargés de violence et de mieux en mieux connus de tous, comme de ces phases plus discrètes, presque silencieuses, où les groupements humains ont réussi à vivre, à produire et à créer à l'abri des intrusions, ce dont nous avons hérité est bien un patrimoine, je veux dire un ensemble de choses, matérielles ou immatérielles, venues d'autres temporalités que la nôtre, mais auxquelles les sociétés présentes se rattachent et donnent un sens, qu'elles reconnaissent et revendiquent, qui façonnent ouvertement ou secrètement leur être au monde, qui participent de leur identité, en compagnie desquelles au fond elles se sentent bien. Il n'y a donc pas du tout un antagonisme quelconque entre patrimoine et développement, dès lors que, prenant parti dans les débats actuels, nous sommes portés à considérer celui-ci comme l'ensemble des pratiques, économiques et autres, qui apportent aux êtres humains le plus de liberté et de bien-être.

Le patrimoine des villes africaines comporte plusieurs " biens " que, par commodité, on pourrait ranger dans quelques groupes ou catégories :

Des lieux.

Des bâtiments.

Un mobilier particulier qu'il faut bien appeler " mobilier urbain ".

Des parcours.

*   *   *

Deuxième question : Pourquoi devons-nous protéger le patrimoine des villes africaines ? Je donnerais tout de suite deux raisons impératives : c'est parce que ce patrimoine est menacé ; c'est aussi parce que ce patrimoine peut être un ciment d'identité.

Il faut bien voir en effet que des dangers, nombreux et pressants guettent et menacent ce patrimoine.

Relevons d'abord les risques liés à la croissance urbaine. La combinaison d'une croissance démographique forte, qui a porté la population de l'Afrique subsaharienne de 221 millions en 1960, au moment des indépendances, à 620 millions (soit un quasi triplement) en 1996, et d'un exode rural continu et massif, lié aux facteurs les plus divers (récurrence de sécheresses, échec des politiques agricoles, persistance ou aggravation de la pauvreté rurale, guerres civiles...) est en train de transformer radicalement les paysages africains. A l' Afrique des villages , à laquelle beaucoup continuent de se référer, non sans nostalgie, comme à un monde que nous risquons de perdre et, avec lui, nos identités ancestrales, se substitue peu à peu et irrémédiablement l' Afrique des villes : pour s'en tenir encore à l'Afrique subsaharienne, les citadins, qui n'étaient que 11% en 1950, sont passés à 19% en 1970 et à 23% en 1989 : à la fin de la décennie 1990, nous en étions à plus de 33%, dépassant ainsi le cap de 1 Africain sur 3 résidant en ville. Rien ne semble devoir arrêter ce processus. Et dans un certain nombre de pays, comme le Congo Brazzaville, les citadins sont désormais plus nombreux que les ruraux. Cette mutation est aussi attestée dans l'ensemble des pays de l'Afrique méditerranéenne, de l'Egypte au Maroc. Notre présent se réalise donc de plus en plus en milieu en milieu urbain. Ce n'est donc pas seulement dans une Afrique des villages plus ou moins idéalisée, mais aussi dans l' Afrique citadine que se construira le futur des sociétés africaines.

Mais, dans l'immédiat, que devient le patrimoine urbain dans le contexte de cette croissance urbaine que, comme cela a été le cas dans d'autres parties du monde, personne ne contrôle ni ne maîtrise réellement ? L'écologie urbaine de l'Afrique d'aujourd'hui constitue en elle-même une menace pour ce patrimoine. Partout, les quartiers spontanés, pour utiliser un euphémisme, sont aussi nombreux, sinon plus nombreux, que les quartiers organisés. Ce n'est pas par hasard que les responsables municipaux s'inquiètent ici et là des risques de " bidonvilisation " des unités urbaines dont ils ont la charge. Comment mener une politique du patrimoine urbain lorsque, pour prendre encore une moyenne, plus de la moitié de la population est privée d'accès à l'assainissement ? On aurait sans doute tort de faire de cette question une simple question de priorité, formulée en termes de choix qui s'excluraient : assainir d'abord pour donner au plus grand nombre un minimum de conditions de vie décentes ou préserver d'abord le patrimoine urbain ? Car les deux volets du dilemme sont en réalité profondément imbriqués l'un dans l'autre : il est fréquent, par exemple, que l'habitat urbain spontané prenne comme siège précisément les endroits qui relèvent du patrimoine urbain d'une commune ou d'une municipalité. Je voudrais relever juste un exemple parmi d'autres, celui d'Accra où le bâtiment, par ailleurs très bien conçu et toujours solide, de ce qui devait être il y a quarante ans T he Museum of Science and Technology est, depuis quatre ans au moins que je visite régulièrement la capitale ghanéenne, toujours squatté par des familles sans logement. Le risque de confiscation de facto et destruction du patrimoine urbain est donc bien réel. Il faut ajouter à ce risque l'état de quasi abandon de bâtiments, de mobilier... dû visiblement à la situation et aux ressources financières de leurs propriétaires officiels ainsi que les dégradations liées aux phénomènes de pollution contre lesquels les pouvoirs locaux se  sont montrés jusqu'ici impuissants.

Toutefois, ce patrimoine menacé peut également jouer le rôle crucial d'un ciment d'identité face à deux évolutions qui comportent en elles des risques qu'il ne faut pas sous-estimer.

D'une part, parallèlement à l'accroissement de la population et au mouvement général d'urbanisation qu'elles stimulent, les dynamiques démographiques de l'Afrique contemporaine ont un autre effet aux conséquences incalculables, le rajeunissement spectaculaire de nos sociétés. Aujourd'hui les jeunes de moins de 20 ans constituent plus de la moitié de nos populations et les moins de 25 ans près des deux tiers, les uns et les autres étant de plus en plus des citadins. C'est dire que le capital culturel directement acquis par eux ne va guère au-delà du début des années 1980. Quant au capital culturel hérité, je doute fort que chez la plupart il soit réellement consistant, compte tenu de l'effondrement généralisé des structures d'encadrement scolaire et de l'érosion progressive des modes traditionnels d'encadrement et de socialisation par les familles. Ainsi, la question de l'articulation entre tradition et modernité ne se pose plus, dans les termes où les posait par exemple Cheikh Hamidou Kane dans L'aventure ambiguë . Si l'on peut se réjouir du cosmopolitisme croissant de ces jeunes et de la créativité culturelle qui leur est associée, il faut se demander aussi dans quelle mesure peuvent subsister et s'épanouir, au milieu de cette mondialisation culturelle sauvage, les valeurs culturelles propres de l'africanité, dans leur enracinement historique et dans leurs expressions contemporaines.

D'autre part, on constate dans de nombreux cas une crispation croissante entre les identités multiples qui coexistent au sein des Etats africains et dont on avait espéré, pendant les premières décennies des indépendances, qu'elles fusionneraient progressivement dans une " culture nationale ". Cette crispation peut conduire, on le sait et on le voit, à des poussées de xénophobie, voire à des guerres civiles, qui mettent en danger le développement de nos sociétés, l'intégrité des Etats et la stabilité même du continent.

Or, à l'opposé du risque de dilution et du danger de crispation, les villes africaines ont été et continuent d'être ces lieux d'interactions, d'échanges et de brassages culturels, dont la vitalité et la créativité sont loin d'être épuisées et dont la valorisation peuvent constituer des réponses positives aux interrogations confuses que ces tendances expriment.

*   *   *

J'en viens donc à ma troisième et dernière question, qui restera presque entièrement à l'état interrogatif puisque ce sont précisément nos débats qui dégageront les pistes de réponse : Comment exploiter le patrimoine urbain africain ?

La première urgence est celle de la sauvegarde et celle-ci, contrairement à ce que ce mot de sauvegarde suggère, va de pair avec une bonne dose de créativité. Il s'agit ici de plusieurs démarches conjuguées :

L'identification des composantes du patrimoine qui exige de recourir à la fois au savoir accumulé par les populations, conservé parfois jalousement secret, et à l'expertise des spécialistes divers des sciences humaines (archéologie, histoire, anthropologie, linguistique) et des urbanistes, voire des entreprises de bâtiments et de travaux publics.

La mobilisation des ressources pour concevoir et mettre en oeuvre cette sauvegarde. Nul ne négligera l'importance du " nerf de la guerre ", les ressources financières. Il faut aussi relever ici la disponibilité des ressources locales, dès lors qu'on se préoccupe d'associer pleinement  les populations à ces opérations : le rôle des groupements associatifs dans les opérations d'assainissement urbain, dans plusieurs villes africaines, démontre tout ce que l'on peut tirer localement des populations. Est-il besoin d'ajouter que cette mobilisation va exactement dans le sens où s'engagent aujourd'hui plusieurs municipalités africaines, celui d'une participation effective des populations à la démocratie urbaine et celui de la décentralisation d'un nombre croissant de compétences t d'activités des organes centraux de l'État vers la base.

Cette sauvegarde est la condition de la valorisation en vue de l'exploitation optimale de ces ressources patrimoniales.

Il saute aussitôt aux yeux que l'Afrique, en particulier l'Afrique subsaharienne, a une place à prendre dans le marché mondial du tourisme et les exemples dont certains seront évoqués ici -Gorée, Agadès, Saint-Louis, Bassam, mais aussi Johannesburg, Cap Town...- sont là pour suggérer la dimension porteuse de ce marché.

Mais, ne perdons pas de vue que partout existe, sinon un marché local du tourisme, du moins un besoin local de connaître, de découvrir et d'apprécier le patrimoine local.

Il est clair enfin que ces opérations ne sauraient se passer de la coopération internationale, qu'il s'agisse, comme il a été suggéré, de faire inscrire sur la Liste du Patrimoine Mondial un nombre plus important de villes africaines qui visiblement en réunissent les critères, ou d'établir au niveau bilatéral ou multilatéral des coopérations entre villes de différents pays ou continents.

De toutes ces questions et d'autres que leur technicité m'a conduit à écarter de mon propos, je suis certain que nos sessions débattront avec succès, dans le but que nos échanges nous conduisent à des plans opérationnels.

Sur ce souhait, je vous remercie tous de m'avoir accordé votre attention.
Merci à tous.

7. Document de l'UNESCO : Initiative de Yaoundé pour la protection et la mise en valeur du patrimoine urbain et de la diversité culturelle des villes africaines

I. CONTEXTE

L'Afrique est le berceau de l'Humanité. Sa diversité naturelle et culturelle n'a d'égale que sa profondeur historique. Or, peu d'intérêt est accordé aux politiques culturelles et patrimoniales dans les stratégies d'intervention des collectivités africaines. Ce peu d'intérêt se manifeste de plusieurs manières : la plupart des villes africaines n'ont pas de musées dignes de ce nom. Peu d'entre elles disposent d'un véritable inventaire de leur patrimoine naturel et culturel. Beaucoup n'ont pas de mécanismes de classement ou de sauvegarde de leur patrimoine. Bien peu sont informées de la Convention du patrimoine mondial. Ici, on peut à bon droit parler d'une fracture, qui fait courir à l'Afrique un risque de marginalisation comme cela arrive dans d'autres secteurs de la vie économique et sociale. C'est l'Humanité dans son ensemble qui aurait le plus à pâtir de ce manque d'attention vis-à-vis de l'un de ses plus grands réservoirs de diversité naturelle et culturelle. Le patrimoine immatériel (festivals, lieux sacrés, savoir-faire et rites traditionnels, tabous...), pourtant l'une des richesses de l'Afrique, est aujourd'hui particulièrement menacé. Il est donc plus que temps de faire les efforts nécessaires pour mettre les collectivités africaines à niveau dans le domaine de la sauvegarde et de la valorisation de leur patrimoine.

Au cours de la dernière décennie, la Liste du patrimoine mondial s'est enrichie de 397 biens culturels et naturels, portant le nombre de sites de 357 à 754 et démontrant l'intérêt que les Etats portent à la Convention du patrimoine mondial. 563 de ces biens sont des sites culturels dont 195 ensembles urbains. Même si ce dernier chiffre est significatif de l'importance que les Etats parties accordent au patrimoine urbain, force est de constater que seuls 6 d'entre eux (Saint-Louis et Gorée au Sénégal, Djenné au Mali, Lamu au Kenya, Stone Town de Zanzibar en Tanzanie et Ile de Mozambique) sont situés en Afrique subsaharienne. De même, les listes indicatives déposées par les Etats parties africains au Centre du patrimoine mondial ne contiennent que cinq ensembles urbains.

Pour valoriser le patrimoine africain, il est nécessaire d'identifier sa spécificité. Au-delà de l'influence coloniale, la valeur patrimoniale des villes africaines s'appuie sur une identité culturelle spécifique qui ne réside pas uniquement dans la morphologie « artéfactuelle » ou dans la monumentalité. Cette valorisation du patrimoine « à l'Africaine » loin d'entrer en contradiction avec les objectifs de développement, peut au contraire contribuer aux efforts visant à résorber les problèmes actuels liés au développement urbain. L'adoption récente de la Convention internationale sur le patrimoine culturel immatériel ainsi que l'application de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de 2001 nécessite également la participation des Etats africains et de la société civile dans la reconnaissance de leur spécificité et le respect de l'universel.

Forte de ce constat, l'Organisation des Nations Unies pour l'Education la Science et la Culture (UNESCO) a organisé à Yaoundé (Cameroun) une session spéciale sur les villes africaines et le patrimoine. Cette session s'est déroulée le 4 décembre 2003 dans le cadre du Sommet AFRICITES au Palais des Congrès de Yaoundé.

A l'issue des différentes présentations faites par les participants, et des discussions qui s'en sont suivies, il a été reconnu que la valorisation du patrimoine pourrait être un vecteur de développement pour les villes africaines, ce qui appelle une mobilisation de grande envergure en Afrique dans ce domaine.

Reconnaissant le rôle des autorités municipales dans la mise en place de stratégies destinées à protéger le patrimoine, à valoriser l'identité urbaine et à améliorer la qualité de vie dans leurs villes, les participants ont à l'unanimité plaidé pour une véritable prise en compte du patrimoine culturel et naturel dans les politiques de développement des villes. Pour que ces résolutions ne restent pas lettre morte, il est indispensable que chacun s'engage, au niveau municipal, national et international.

Les maires africains, les ministres, experts, partenaires internationaux et donateurs, tout en affirmant leur engagement pour mettre en oeuvre des activités destinées à valoriser le patrimoine dans les politiques de développement des villes, ont décidé de lancer l'Initiative de Yaoundé pour la protection et la mise en valeur du patrimoine urbain et de la diversité culturelle des villes africaines (cf document en annexe)

II. RECOMMANDATIONS AUX PARTIES

1. Recommandations aux autorités nationales

1.1 Porter une vision nationale de la dimension culturelle du développement en vue de formuler des politiques nationales et un cadre législatif permettant d'assurer l'articulation entre la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel et le processus de développement. A cette fin :

- assurer l'égalité et le respect des cultures en adoptant des mesures destinées à protéger le droit d'expression de tous les citoyens quel que soit leur âge et leur appartenance sociale, linguistique ou ethnique

- favoriser l'interministérialité pour mettre en cohérence ces politiques nationales

1.2 Reconnaître la légitimité des collectivités locales dans l'identification et la protection de la diversité culturelle et assumer la responsabilité de guider, soutenir, et contrôler, lorsque cela est nécessaire, la mise en oeuvre du processus de décentralisation et l'attribution de compétences aux collectivités locales dans ce domaine :

- adopter des mesures legislatives afin d'encourager et d'aider les collectivités locales à assumer leurs responsabilités

- mettre en place un cadre législatif attribuant à chaque niveau de gouvernement (local, regional, national) des prérogatives spécifiques, lui permettant notamment d'adopter des mesures fiscales pour mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en oeuvre de projets de protection et de mise en valeur du patrimoine

- adopter des mesures destinées à éliminer les obstacles à la coopération decentralisée, aussi bien entre villes du nord et du sud, qu'entre villes du sud

1.3 Reconnaître le rôle essentiel des organisations représentant la société civile (notamment les associations professionnelles) et établir un cadre d'intervention leur permettant d'assumer leurs responsabilités en matière de protection du patrimoine

1.4 Adopter les mesures permettant de diversifier les sources de financement, notamment :

- accorder la priorité, dans les subventions et les prêts octroyés par les agences de développement, au financement des projets de développement fondés sur la valorisation du patrimoine

- encourager l'investissement du secteur privé dans les industries culturelles locales pour assurer la protection de la diversité culturelle

1.5 Renforcer les capacités nationales à travers l'éducation (institutionnelle ou non), notamment :

- intégrer dans les programmes scolaires et la formation professionnelle et technique une dimension patrimoniale et culturelle

- adapter la formation à l'évolution des technologies et instituer, dans la mesure du possible, un système de formation continue

2. Recommandations aux autorités municipales

2.1 Identifier la spécificité culturelle et naturelle de leur territoire (patrimoine matériel et immatériel, créativité culturelle, biodiversité...) et établir leur inventaire

2.2 Développer des réglementations municipales pour assurer la protection du patrimoine et de l'identité de la ville

2.3 Intégrer la protection du patrimoine dans le plan de développement municipal :

- affecter des ressources financières et humaines adaptées à la protection du patrimoine et prévoir le recours à l'expertise extérieure nécessaire

- adapter le plan d'aménagement urbain à la nécessité de protéger et de mettre en valeur le patrimoine

- agir dans les limites de leurs compétences par des interventions foncières et urbanistiques adaptées à la valorisation du paysage urbain en harmonie avec leur patrimoine

2.4 Développer des mécanismes administratifs et institutionnels pour assurer la mise en oeuvre des politiques culturelles :

- renforcer les compétences des services techniques en matière de préservation et de mise en valeur du patrimoine

- créer, le cas échéant et dans la mesure des moyens disponibles, des structures spécifiques pour faciliter la coordination des activités patrimoniales entre les collectivités locales et nationales. Ces structures pourront assurer la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre des projets de protection du patrimoine, la communication auprès de la population et l'assistance technique aux élus (notamment en matière de permis de construire ou de matériaux).

- introduire, des procédures pour répondre aux risques de destruction irréversible du patrimoine et, lorsque cela est nécessaire, solliciter le soutien des autorités nationales concernées

2.5 Sensibiliser et mobiliser la population locale à la nécessité de respecter le pluralisme culturel essentiel à la préservation de l'identité culturelle de la ville

- inclure, dans les écoles municipales, un enseignement patrimonial et culturel

- encourager la protection et le développement des expressions culturelles à travers des actions d'animation sociale et culturelle

3. Recommandations aux professionnels de la ville

3.1 Promouvoir une éthique professionnelle dans l'approche des projets urbains et patrimoniaux

3.2 Soutenir les collectivités locales dans l'élaboration d'un cadre réglementaire en vue d'intégrer une dimension culturelle dans la conception et la réalisation des projets pour assurer la protection et la mise en valeur du patrimoine et promouvoir la créativité culturelle

3.3 Assurer auprès des professionnels une diffusion de la réglementation existante liée à la protection du patrimoine urbain et promouvoir l'adhésion des professionnels

3.4 Inclure des modules de formation liés à la protection du patrimoine urbain dans les programmes existants tournés vers les professionnels de la ville

3.5 Favoriser la formation des communautés locales, notamment aux techniques et savoir-faire traditionnels

4. Recommandations aux organisations internationales

4.1 Garantir la diffusion des normes et conventions internationales sur la protection du patrimoine culturel et naturel et soutenir les efforts des Etats membres, des collectivités locales et des organisations professionnelles pour respecter ces normes

4.2 Identifier et rechercher les moyens techniques et financiers afin d'aider les collectivités locales dans la mise en oeuvre de leurs politiques culturelles

4.3 Améliorer la coordination entre les agences bilatérales et multi-latérales pour favoriser leur complémentarité, intégrer un volet patrimonial dans les projets de développement urbain et social et affecter des ressources à cette fin

4.4 Simplifier et harmoniser, dans la mesure du possible, les procédures et formats pour solliciter des subventions et des prêts

4.5 Renforcer la consultation avec les bénéficiaires de l'aide dans la conception et la réalisation des projets de coopération

4.6 Intégrer des actions de formation et de renforcement des compétences dans tous les projets de coopération

5. Recommandations au Partenariat pour le Développement Municipal

5.1 Inclure, dans les recommandations générales du Sommet Africités 2003, une recommandation spécifique sur la préservation du patrimoine et la promotion des dynamiques culturelles des villes africaines

5.2 Intégrer dans les prochaines sessions d'Africités et dans les programmes, notamment les programmes de formation, un volet lié à la valorisation du patrimoine urbain

* 11 C'est-à-dire à l'échelle de l'Europe, l'Amérique du nord, l'Afrique, l'Amérique latine

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