Étude du service des collectivités territoriales n° 1 (2006-2007) - 15 janvier 2007

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INTRODUCTION par M. Jean PUECH, Président de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation

Certains élus s'interrogent aujourd'hui sur la nécessité de poursuivre et d'approfondir la décentralisation. 43 % des maires seraient ainsi partisans d'une « pause de la décentralisation » selon un sondage réalisé à l'occasion du Congrès des maires 2006.

L'Etat ferait bien de s'interroger sur les raisons de cette relative déception des maires. Elle peut s'expliquer par les réticences de certains de ses services centraux, à tirer toutes les conséquences des réformes. Je pense, en particulier, à la suppression de la tutelle administrative ou encore aux promesses de juste compensation financière et humaine des transferts de compétences.

Aussi, n'est-il pas inutile de rappeler que la France, par la loi du 8 juillet 2006 autorisant l'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale, s'est engagée solennellement, au même titre que 43 autres pays du Conseil de l'Europe, dans un processus de « démocratisation territoriale » fondé sur des principes de décentralisation qui font l'objet, au demeurant, d'un remarquable consensus politique national et international même si leur mise en oeuvre se heurte à des réticences, voire à de véritables blocages.

En exposant le contenu de la Charte, le document de travail publié par l'Observatoire de la Décentralisation nous présente donc les normes européennes en matière d'autonomie locale et de décentralisation. Il brosse l'historique de leur élaboration et rappelle le long parcours « paradoxal » de la ratification française. Paradoxal, car la décentralisation « à la française » a, dans une large mesure, inspiré les concepteurs de la Charte ouverte à la signature en 1985.

Un rapport rédigé par le Conseil de l'Europe, en 2000, sur notre démocratie locale et régionale, estimait que la France ne pouvait, en ratifiant la Charte, que « conforter sa marche vers la décentralisation » dès lors qu'elle « satisfait, par son haut degré d'autonomie locale, la plupart des exigences d'un traité de plus en plus fondamental pour la substance de la démocratie ».

Puisse la pratique des années à venir ne pas démentir ce diagnostic optimiste !

Car en France, comme ailleurs, la décentralisation est loin d'être acquise une fois pour toutes. En réalité, elle est un processus lent. Elle est aussi un combat quotidien contre les pesanteurs historiques et les réflexes « recentralisateurs ».

I- HISTORIQUE

Ouverte à la signature le 15 octobre 1985, entrée en vigueur le 5 septembre 1988, la Charte européenne de l'autonomie locale est toujours, en France, dans son processus de ratification définitive après l'adoption de la loi n° 2006-823, du 10 juillet 2006 autorisant l'approbation du traité. Ce long délai constitue en lui-même un paradoxe car c'est en France, à Versailles, que fut adoptée le 18 octobre 1953 , dans le cadre des « Etats généraux des communes d'Europe », la « Charte européenne des libertés communales » qui préfigurait la Charte européenne de l'autonomie locale.

De son côté, le Conseil de l'Europe, créé à Londres le 5 mai 1949, plaidait pour une expression des municipalités d'Europe en son sein (1 ( * )) . Ainsi naquit, en 1957, la Conférence des pouvoirs locaux (qui deviendra, en 1974, la Conférence permanente d es pouvoirs locaux et régionaux , puis, en 1994, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe composé de deux formations : la chambre des pouvoirs locaux et la chambre régionale) , organe consultatif du Conseil de l'Europe mais aussi assemblée politique composée de représentants (actuellement 315 membres titulaires et 315 suppléants) disposant d'un mandat électif au sein d'une collectivité locale ou régionale ou d'un mandat de responsable direct devant un organe local ou régional élu dans chacun des Etats membres (2 ( * )) .

Dès la première session de la Conférence, que présidait Jacques Chaban-Delmas, l'élan était donné . L'avis n° 6, en date du 14 janvier 1957 , sur « la défense et le développement de l'autonomie locale » prônait déjà des libertés communales et régionales « définies par la Constitution » et « garanties par un droit de recours devant une juridiction indépendante » !

Trois ans plus tard, le 29 avril 1960, la Commission juridique de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe fut chargée d'envisager une nouvelle convention (ou un protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales -dite convention européenne des droits de l'homme- ouverte à la signature le 4 novembre 1950) destinée à assurer la défense et le développement de l'autonomie locale.

Mais le Comité des ministres restait réticent. La Conférence recommande alors, en 1961, la création d'un « instrument juridique spécial et indépendant ».

Le Comité des ministres restait hésitant.

L'adoption d'une déclaration de principe, en 1968 (confirmée par une recommandation de l'Assemblée consultative), puis le vote d'une nouvelle résolution (1981) par la Conférence, seront nécessaires pour « débloquer » progressivement la situation.

Le Comité des ministres adopte finalement un document définitif au mois de juin 1985.

La consécration des principes d'autonomie locale dans la « grande Europe » à travers une convention internationale qui reste, d'ailleurs, la première du genre, fut donc une oeuvre difficile et de longue haleine.

A titre de comparaison, la convention européenne des droits de l'homme date de 1950, la Charte sociale européenne -qui garantit les droits économiques et sociaux- de 1961.

La mobilisation permanente des associations locales et des militants européens de la cause de l'autonomie locale et de la décentralisation aura eu raison des résistances « institutionnelles ».

Le Conseil de l'Europe, ne l'oublions pas, est une organisation intergouvernementale « pilotée » par son Comité des ministres et dont l'Assemblée parlementaire fut longtemps qualifiée de « consultative ».

En fait, la persévérance de la Conférence des pouvoirs locaux et régionaux (le futur Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ) assemblée politique et lieu de dialogue et d'échanges, fut, à terme, décisive.

Les réserves du Conseil d'Etat, qui se situent, pour l'essentiel, sur le terrain de l'opportunité, retarderont, en France, le lancement du processus de ratification.

Pourtant, la plupart des observateurs considéraient que le grand élan décentralisateur de 1982-1983 avait déjà mis notre pays « en phase » avec l'esprit et la lettre de celle-ci. L'Acte II de la décentralisation (2003-2004) provoquera, heureusement, le redémarrage du processus de ratification.

Au niveau du Conseil de l'Europe, l'approfondissement de la décentralisation est toujours à l'ordre du jour. Une « Charte européenne pour l'autonomie régionale » est actuellement en cours d'instruction au sein des instances compétentes.

II- LE CONTENU DE LA CHARTE

La Charte européenne de l'autonomie locale est un document relativement bref : dix-huit articles précédés d'un préambule en huit points.

Pour M. Alain Delcamp, longtemps président du groupe des experts indépendants (3 ( * )) chargé par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de suivre l'application de la Charte, on peut distinguer, dans le texte, trois volets :

- la définition de l'autonomie locale ;

- le fondement de l'autonomie locale ;

- l'exercice de l'autonomie locale.

Le troisième volet se subdivise en conditions relatives à la liberté d'action ou « liberté de faire », d'une part, et en conditions relatives aux moyens juridiques humains et financiers ou « moyens de faire », d'autre part.

A. DÉFINITION DE L'AUTONOMIE LOCALE

Ce volet -majeur- est tout entier contenu dans le premier paragraphe de l'article 3 de la Charte, d'une part, et dans l'article 2, d'autre part.

Le premier texte représente un effort intéressant et novateur de conceptualisation juridique.

Dans la Constitution française, par exemple, la notion de « libre administration des collectivités locales », susceptible d'être rattachée de celle d'autonomie locale (art. 72) est affirmée mais non explicitée (4 ( * )) .

Les autres constitutions des pays membres du Conseil de l'Europe (en tout cas, ceux de « constitution ancienne ») restent elles-mêmes souvent laconiques sur le contenu de l'idée d'autonomie locale.

L'article 3 précise dans son premier paragraphe ce qu'il faut entendre par autonomie locale au sens de la Charte.

L'autonomie locale est le droit et la capacité effective pour les collectivités de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.

Tous les termes utilisés ont évidemment leur importance. L'autonomie locale est un « droit » dont sont titulaires les collectivités démocratiquement élues. Elle est aussi une « capacité effective » soit un ensemble de moyens juridiques (compétences protégées par la loi - voir art. 4.1), humains (statut du personnel local - voir art. 6) et financiers (ressources propres « suffisantes » - voir art. 9).

Si le droit et la capacité de « gestion » (sur le personnel et les finances) ne posent pas de problèmes majeurs, le droit et la capacité de « régler » une « part importante des affaires publiques » renvoient au « pouvoir réglementaire » des collectivités territoriales ; celui-ci a été affirmé solennellement, en France, par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 selon laquelle « dans les conditions prévues par la loi , [les collectivités territoriales] disposent d'un pouvoir réglementaire dans l'exercice de leurs compétences » (art. 72, alinéa 3 de la Constitution) (5 ( * )).

L'autonomie locale, les collectivités en bénéficient « sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations ». Il s'agit bien là d'une « responsabilité politique » devant le corps des citoyens dont elles émanent à travers l'élection directe.

Le premier paragraphe de l'article 3 énonce que le droit pour les collectivités locales de gérer et de régler une part « importante » des affaires publiques s'exerce dans le cadre de la loi . L'article 2 dispose, de son côté, que « le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne, et, autant que possible, dans la Constitution ».

Les moyens de l'autonomie locale doivent s'exercer dans un cadre et se conformer à des règles fixées par la loi ou par la Constitution.

L'autonomie locale bénéficie d'une protection législative ou constitutionnelle, mais dans le respect de l'Etat de droit et de la hiérarchie des légitimités démocratiques.

C'est l'assemblée élue par élection directe au niveau national ou régional (le Parlement national, voire une assemblée régionale dans un Etat fédéral ou doté de régions détenant une part du pouvoir législatif) qui fixe, après un débat démocratique et dans le respect de la Constitution, les règles de base du cadre dans lequel s'exercera « l'autonomie » des autorités élues au niveau local. Il ne peut donc, dans ces conditions, être question d'« indépendance » des collectivités locales.

Mais la Charte s'oppose à ce qu'un Etat s'en remette à de simples dispositions réglementaires -donc déterminées par le pouvoir exécutif- pour fixer les règles de son organisation territoriale.

La Charte a-t-elle ou non exercé une influence directe sur le puissant mouvement -apparemment irréversible- de « démocratisation territoriale » observé au cours des 10 ou 15 dernières années au sein des nations du Conseil de l'Europe ?

S'agissant de « vieilles démocraties », est-il besoin de rappeler que depuis la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 (soit trois ans avant la ratification parlementaire de la Charte), l'« organisation » de la République française est « décentralisée » (art. 2 de la Constitution) et qu'ont été, par ailleurs, affirmés le principe de « subsidiarité » (art. 72, alinéa 2 de la Constitution), le pouvoir « réglementaire » (art. 72, alinéa 3), ainsi que le droit à l'« expérimentation locale » (art. 72, alinéa 4) des collectivités territoriales (6 ( * )).

La Constitution italienne, quant à elle, reconnaît et favorise les autonomies locales ; elle met en oeuvre la plus large décentralisation administrative dans les services qui dépendent de l'Etat ; elle harmonise les principes et les méthodes de sa législation avec les exigences de l'autonomie et de la décentralisation .

La République italienne est composée des communes, des provinces, des métropoles, des régions et de l'Etat. Ces collectivités autonomes ont des statuts, des pouvoirs et des fonctions qui leur sont propres.

Dans l'Etat « régionalisé » que constitue la République italienne, le pouvoir législatif est, d'ailleurs, exercé par l'Etat et par les régions dans le respect de la Constitution et des engagements nés de l'ordonnancement communautaires et des obligations internationales.

En Espagne, la Constitution reconnaît et garantit le « droit à l'autonomie des régions qui la composent et la solidarité entre elles ».

Elle protège notamment l'autonomie des communes dont le gouvernement et l'administration incombent à des conseils municipaux composés d'un maire et de conseillers élus au suffrage universel, égalitaire, libre, direct et secret.

Le gouvernement et l'administration autonome des provinces sont confiés à des conseils généraux ou à des collectivités à caractère représentatif.

En Allemagne, la Loi fondamentale apporte une garantie fédérale aux Länder mais aussi aux communes auxquelles doit être garanti le droit de régler, sous leur propre responsabilité, toutes les affaires de la communauté locale, dans le cadre des lois.

L'Allemagne, comme le Portugal, poursuivent une réflexion sur l'amélioration des conditions d'exercice des mandats locaux et notamment sur le cumul des mandats.

Le Royaume-Uni depuis 2001, les Pays-Bas depuis 2002 ont engagé un processus de réformes de leurs systèmes politiques locaux.

Relevons que dans plusieurs Etats de l'Europe centrale et orientale, les « nouvelles » constitutions ont, souvent, consacré à l'autonomie locale des dispositions nombreuses et détaillées.

La Pologne et la République tchèque ont récemment adopté les dispositions constitutionnelles précisant que les fonctions d'administration territoriales sont exercées par les communes , en dehors de celles attribuées par la loi à d'autres collectivités.

Autres exemples : l'Estonie qui s'est directement inspirée de la Charte pour la réforme de son système local ou encore la Lettonie dont la législation relative au gouvernement local a repris textuellement 26 des 30 paragraphes de la Charte.

On n'insistera jamais assez sur le rôle joué par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux au cours des 15 dernières années pour aider les nouvelles démocraties d'Europe Centrale et Orientale à mettre en place un système de démocratie locale et régionale.

B. FONDEMENT DE L'AUTONOMIE LOCALE

Selon la Charte, l'autonomie locale se fonde tout d'abord sur une légitimité démocratique ou politique . Plus précisément, pour reprendre une formule de M. Alain Delcamp, sur « la souveraineté que confère l'élection dans le cadre d'un territoire et des lois de l'Etat ». Cette légitimité implique que toute collectivité élue dans ces conditions bénéficie d'un principe de compétence générale dès lors que cette compétence n'empiète pas sur des compétences attribuées à d'autres collectivités par les « lois de l'Etat » (7 ( * )).

Cette exigence a été notamment soulignée par le second volet (1998) du troisième rapport général du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en Europe.

En matière d'autonomie locale, la liberté doit donc être la règle, la limitation l'exception.

L'article 3-2 de la Charte met l'accent sur les conditions « politiques » de l'exercice de la responsabilité locale. Celle-ci doit être exercée par des conseils ou des assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux.

Cette question de la responsabilité des autorités exécutives locales devant les conseils élus a posé, en France, problème.

Le Gouvernement français, dans l'une de ses trois déclarations interprétatives, a considéré que le mot « pouvant » devait être entendu comme une faculté et non comme une obligation, mettant un terme aux objections qui ont, en partie, motivé le long délai de ratification.

Notre organisation territoriale ne reconnaît pas, en effet, la responsabilité des exécutifs locaux devant les assemblées délibérantes , sauf dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française ou de la collectivité territoriale de Corse.

Selon les experts européens, le fonctionnement des « comités » à l'anglaise ou des exécutifs collectifs de certains Länder allemands ne contrevient pas, sur ce point, aux exigences de la Charte.

Par ailleurs, le deuxième paragraphe ménage pour les Etats signataires la possibilité de mettre en place diverses formes de « démocratie directe » locale, en énonçant que les dispositions précitées ne portent pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens , au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la loi.

En France, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (mise en oeuvre par la loi organique n° 2003-705 du 1 er août 2003) a inscrit le « référendum local » dans la Constitution.

Selon l'article 72-1, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale, peuvent, à son initiative, être soumis par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.

Dans les conditions prévues par la loi, le référendum local a valeur décisionnelle .

La France connaît, par ailleurs, de nombreuses autres « formes » de participation directe des citoyens à l'échelon local et régional :

- la consultation locale ouverte aux communes par la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République et étendue aux départements et aux régions par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Elle porte sur toute affaire relevant de la compétence de l'assemblée locale concernée. L'avis des électeurs est consultatif ;

- les commissions consultatives des services publics locaux dans les communes de plus de 10.000 habitants (loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité) (8 ( * )) ;

- les conseils de quartier dans les communes de plus de 80.000 habitants (même loi) ;

- les commissions communales pour l'accessibilité des personnes handicapées dans les communes de plus de 5.000 habitants (loi 2005-102 du 11 février 2005) ;

- faculté de créer des comités consultatifs (commissions extra-municipales, commissions municipales élargies) pour les communes, consacrée par la loi précitée du 6 février 1992 ;

- les conseils économiques et sociaux régionaux .

C. EXERCICE DE L'AUTONOMIE LOCALE

Une fois définie l'autonomie locale et rappelé le fondement de cette autonomie, la Charte s'attache à en préciser les conditions d'exercice.

Ces conditions d'une « gestion autonome » reposent sur deux piliers qui sont la liberté d'action, d'une part, et des moyens suffisants, d'autre part.

Le premier se décompose en deux volets : la « sécurité juridique » et « la liberté juridique ».

Le second a trait aux moyens juridiques, humains et financiers de l'autonomie locale.

1. La liberté d'action

Les dispositions de ce volet sont particulièrement importantes en ce sens qu'elles illustrent une priorité manifeste de la Charte : entourer l'exercice de l'autonomie locale d'un certain nombre de garanties procédurales qui, plus sans doute qu'une définition approfondie du contenu, sont de nature à en assurer la pérennité compte tenu de la grande variété des systèmes territoriaux en présence.

o Au titre de la sécurité juridique , la Charte pose deux principes : celui du « libre exercice du mandat » (art. 7-1) et celui de la définition légale ou constitutionnelle de compétences « de base » si possible « pleines et entières » (art. 4-1 et 4-4) (on retrouve l'idée des « blocs de compétence » retenus par les lois françaises de décentralisation de 1982-1983).

L'article 11 de la Charte garantit, par ailleurs, ce libre exercice ainsi que la sphère légale de compétence par l'exigence procédurale d'un droit de recours pour les collectivités territoriales devant une instance juridictionnelle.

- Le libre exercice du mandat

Il suppose, tout d'abord, pour les élus locaux, une sécurité « matérielle ». L'article 7-2 de la Charte exige une compensation financière correspondant aux frais entraînés par l'exercice du mandat, une rémunération du travail accompli ainsi qu'une couverture sociale adéquate.

Mais il s'agit aussi et surtout de protéger, par un statut, élus et conseils élus contre les procédures éventuelles de suspension, de destitution ou de dissolution.

Selon l'article 7-1 : « Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat ».

Des procédures de destitution manifestement contraires à l'esprit et à la lettre de la Charte ont longtemps subsisté dans un certain nombre de pays, notamment certaines nouvelles démocraties de l'Europe centrale et orientale.

Les mécanismes de contrôle de l'application de la Charte mis en place par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ont, notamment sur ce volet, joué un rôle décisif en matière de démocratisation territoriale, très caractéristique du processus évolutif dans lequel se sont engagés volontairement les Etats qui ont signé et ratifié la Charte .

Dans le cas de la France, rappelons que pour le Conseil d'Etat, la liberté d'exercice du mandat des élus locaux constitue une « liberté fondamentale ». (CE, 9 avril 2004, Vast, req. N° 263759).

- La légalité des « compétences de base » (art.4-1)

Ce principe est hautement affirmé par l'article 4, premier paragraphe, de la Charte selon lequel les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi .

- Le droit de recours devant une instance juridictionnelle (art.11)

Selon l'article 11 de la Charte, « les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne ».

Si ce droit est fondamental pour assurer la protection effective de la sphère d'autonomie des collectivités territoriales, sa mise en oeuvre suppose que soient intégrées dans les ordres juridiques les dispositions procédurales adaptées.

Lorsque l'autonomie locale est « consacrée » dans la Constitution, un véritable contrôle juridictionnel suppose tout à la fois la présence d'une Cour constitutionnelle d'une part, mais aussi l'existence d'une procédure permettant aux collectivités d'exercer un recours devant cette instance pour défendre leurs prérogatives, d'autre part. L'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, le Portugal paraissent remplir cette condition.

Lorsque l'autonomie locale est prévue par la loi, l'existence d'un ordre de juridictions administratives (comme c'est le cas en Espagne, en Finlande, en France, en Grèce...) peut suppléer à l'absence d'un régime de recours des collectivités devant une cour constitutionnelle.

En statuant par voie d'exception, les juridictions civiles (comme en Scandinavie, par exemple) peuvent enfin, elles aussi, assurer un contrôle de conformité des actes ou décisions qui remettraient en cause la sphère d'autonomie des collectivités territoriales.

o S'agissant de la liberté juridique des collectivités locales, la Charte propose :

- de « réguler » le contrôle administratif des actes des collectivités locales (art. 8 et 11) ;

- de permettre aux collectivités de s'associer sur le plan national et international (art 10) ;

- d'affirmer un principe « d'auto-organisation administrative » (art. 6-1).

- Le contrôle administratif (art. 8 et 11)

Lui sont consacrés trois paragraphes de l'article 8 de la Charte.

Ces textes insistent sur la légalité du contrôle administratif : le contrôle doit être un contrôle de légalité des actes des collectivités. Le contrôle d'opportunité, exceptionnel, reste autorisé mais s'agissant des tâches se rattachant aux missions « déléguées » aux collectivités.

Les deux premiers paragraphes sont ainsi rédigés :

« Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi (9 ( * )).

« Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu'à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l'opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l'exécution est déléguée aux collectivités locales ».

Quant au troisième paragraphe, il énonce que le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d'une proportionnalité entre l'ampleur de l'intervention de l'autorité de contrôle et l'importance des intérêts qu'elle entend préserver.

Ce principe de « proportionnalité » ainsi énoncé était, notons-le, précurseur. Il est aujourd'hui -avec le principe de subsidiarité affirmé, par ailleurs, dans la Charte- au coeur des débats actuels au sein de l'Union européenne.

Mais, comment garantir ces règles d'encadrement du contrôle administratif de l'Etat ? Précisément par les voies de recours juridictionnels mentionnés à l'article 11 de la Charte contre l'exercice abusif de la tutelle et des contrôles administratifs.

- Le droit d'association (art. 10)

Selon l'article 10 de la Charte (paragraphes 1, 2) : les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.

Le paragraphe 3 que les collectivités peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.

Grâce au système associatif, les différentes catégories de collectivités locales peuvent présenter un front commun face aux autorités centrales.

C'est le cas dans les pays nordiques mais aussi en France où l'influence des associations de maires, de petites villes, de grandes villes, de départements, de régions et de communautés de collectivités est loin d'être négligeable.

En France, le droit d'association a aussi donné naissance aux « pays ».

Plus d'un tiers des quelque 280 « pays » reconnus sont des associations de type loi de 1901 entre communes et communautés de communes.

Sur le plan international, la Charte assure un fondement et une légitimité solides à la coopération décentralisée en plein essor depuis un certain nombre d'années.

S'agissant de la coopération transfrontalière, en plus des principes de la Charte, les pays membres du Conseil de l'Europe peuvent s'appuyer sur les dispositions de la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales du 21 mai 1980.

Rappelons qu'aux termes de l'article 2 de ladite convention : est considérée comme coopération transfrontalière toute concertation visant à renforcer et à développer les rapports de voisinage entre collectivités ou autorités territoriales relevant de deux ou plusieurs parties contractantes, ainsi que la conclusion des accords et des arrangements utiles à cette fin. La coopération transfrontalière s'exerce dans le cadre des compétences des collectivités ou autorités territoriales, telles qu'elles sont définies par le droit interne. L'étendue ou la nature de ces compétences ne sont pas affectées par la convention.

- « L'auto-organisation administrative » (art. 6-1)

Vient en dernier lieu le principe de « l'auto-organisation administrative ».

L'article 6-1 de la Charte dispose que les collectivités locales doivent être mises en mesure d'organiser leurs structures administratives internes en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et dans un souci d'efficacité. Le texte permet toutefois à la législation nationale (ou régionale) de déterminer les principes généraux régissant ces structures.

Ces dispositions, souligne le rapport explicatif, doivent rester limitées de manière à ne pas imposer de structures organisationnelles rigides. Pourraient relever, par exemple, des législations centrales ou régionales certaines dispositions spécifiques concernant la formation de certaines commissions ou la création de certains postes administratifs.

2. Des moyens suffisants

o La capacité juridique : les compétences

Le premier paragraphe de l'article 4 de la Charte distingue les compétences de base et les compétences à objet spécifique des collectivités locales.

Les premières devront être fixées de préférence au niveau constitutionnel ou, en tout cas, par la loi.

Ce principe de légalité des compétences de base des collectivités locales n'empêche pas que soient attribuées à celles-ci des compétences à objet spécifique dans le cadre fixé par la loi.

Le rapport explicatif sur la Charte rappelle qu'un certain nombre de pays prévoient, en faveur de certaines collectivités territoriales (notamment les régions), des délégations parlementaires de pouvoir sur des compétences spécifiques, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des directives européennes, dès lors que le Parlement conserve des pouvoirs de contrôle suffisants sur l'exercice des pouvoirs ainsi délégués.

Dans le domaine législatif, relevons qu'en Espagne, les « Cortes » peuvent, dans les matières relevant de la compétence de l'Etat, attribuer à toutes les communautés autonomes ou à certaines d'entre elles, la faculté de décréter, en ce qui les concerne, des normes législatives dans le cadre des principes, des bases et des directives fixés par une loi de l'Etat.

Chaque loi-cadre arrête, sans préjudice de la compétence des tribunaux, les modalités de contrôle qu'exerceront les Cortes sur les normes législatives des communautés autonomes (art. 150 de la Constitution du 27 décembre 1978).

L'Etat peut, par ailleurs, transférer aux communautés autonomes, par une loi organique, des facultés lui appartenant qui « par leur nature même, sont susceptibles d'être transférées ou déléguées ».

Le deuxième paragraphe de l'article 4 exige que les collectivités locales bénéficient, dans le cadre de la loi, d'une pleine latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas attribuée à une autre autorité.

C'est le législateur national qui est appelé à délimiter la sphère des compétences des différentes collectivités publiques.

Le troisième paragraphe pose le principe fondamental selon lequel l'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber de préférence aux autorités les plus proches des citoyens . Là encore, ce principe que l'on qualifie communément de principe de subsidiarité peut souffrir des exceptions : le texte évoque ainsi le cas où l' ampleur et la nature de la tâche ou encore des exigences d' efficacité ou d' économie nécessitent l'attribution d'une responsabilité à une autre autorité que l'autorité décentralisée.

En clair, les responsabilités publiques doivent être normalement confiées à l'échelon le plus local des collectivités territoriales.

Le quatrième paragraphe de l'article 4 plaide pour l'attribution aux collectivités locales de blocs de compétences . Le législateur interne est appelé à clarifier les domaines de compétence afin que les pouvoirs confiés aux collectivités soient normalement pleins et exclusifs . Seule la loi est habilitée à prévoir les cas où sont susceptibles d'être mises en cause ou limitées par une autre autorité les compétences dévolues aux collectivités locales.

Comme le souligne le rapport explicatif, l'intervention locale peut être accompagnée d'une action complémentaire conduite à un autre niveau (par exemple, une autorité centrale ou régionale) mais à condition que cette initiative nouvelle intervienne dans le cadre de dispositions législatives clairement formulées .

En France, les lois de décentralisation des 7 janvier et 22 juillet 1983 se sont efforcées de transférer de l'Etat aux collectivités territoriales des blocs de compétence homogènes.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux , dans sa résolution 94 (2000) sur la démocratie locale et régionale en France, s'est « félicité », à cet égard, de la législation française issue des lois de 1983, en faisant observer que : « dans d'autres pays, la logique de gestion du secteur concerné passe souvent au premier plan sans que les répercussions sur les compétences locales soient abordées comme une question à part entière ».

Le cinquième paragraphe prévoit le cas où l'exécution de certaines fonctions dont la responsabilité incombe, en dernier ressort, à des autorités supra-locales, peut être confiée, pour des raisons d'efficacité, aux collectivités locales en raison notamment de leur structure administrative et de leur connaissance de la situation locale.

En France, on sait que les maires agissent au nom de l'Etat dans un certain nombre de secteurs sous le contrôle du préfet (organisation des élections, attestations ou certifications diverses...) ou du procureur de la République (état civil, police judiciaire...). Dans le domaine social, les collectivités locales (et notamment les départements) sont souvent le relais territorial de l'Etat providence avec la distribution d'aides (RMI, allocation personnalisée d'autonomie...) dont le régime et les modalités d'attribution sont déterminés par l'Etat.

Dans ces cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale (ou régionale), la Charte pose le principe selon lequel les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales, sauf, admet le rapport explicatif, pour « certaines fonctions » telles que la délivrance de documents d'identité pour laquelle la nécessité d'une réglementation uniforme pourra ne laisser aucune place à un quelconque pouvoir « discrétionnaire » d'adaptation de la collectivité locale.

Dans le domaine social, en particulier, cette disposition de la Charte n'en ouvre pas moins des perspectives intéressantes.

L'article 4 de la Charte s'achève par un sixième paragraphe qui institue un principe d'obligation de consultation des collectivités locales, en temps utile et de façon appropriée, au cours des « processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement ».

Sont ici visés les domaines de compétence qui relèvent des collectivités locales mais aussi ceux qui se situent hors de cette sphère tout en ayant un impact particulier sur elles. Selon le rapport explicatif, il est ici souhaité que les modalités et le calendrier des consultations « soient tels » que les collectivités aient une possibilité effective d'exercer une influence sauf circonstances exceptionnelles comme en cas d'urgence.

Par ailleurs, le rapport juge que la consultation devra s'effectuer directement avec la ou les collectivités concernées ou, dans le cas où plusieurs collectivités sont concernées, indirectement par l'intermédiaire de leurs associations.

Selon l'article 5 de la Charte, « pour toute modification des limites territoriales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet ».

Pour le rapport explicatif, la Charte ne propose ici un droit de veto mais juge indispensable une consultation préalable, directe ou indirecte, de la collectivité sur des propositions -celles qui ont trait à la modification des limites territoriales- qui « revêtent évidemment une importance fondamentale pour une collectivité locale et ses citoyens ».

La procédure référendaire est considérée avec faveur dans les pays où les législations nationales l'ont prévue. Mais « d'autres modes de consultation » sont possibles, ajoute le rapport.

En France, la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré le « référendum local » notamment sur les sujets mentionnés aux articles 4-1 et 5 de la Charte.

Selon l'article 72-1 de la Constitution, dans les conditions prévues par la loi organique (10 ( * )), les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.

Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation , la Constitution française prévoit qu'il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi.

Cette question du partage des compétences est, à l'évidence, centrale. La tradition juridique de l'Europe du Nord a plutôt privilégié, jusqu'à présent, une conception souple, méfiante des « rigidités », en énonçant des règles de procédure plutôt qu'en s'attachant au « contenu » des compétences.

Le choix français a plutôt été celui de l'inventaire des secteurs d'activité et de la clarification législative des sphères de compétences et donc des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales sous le contrôle du juge. Cette solution présente, en tout cas, l'avantage d'une plus grande sécurité de gestion dans les différents niveaux de collectivités publiques.

Le principe de « subsidiarité » en tant que critère de partage des compétences entre autorités nationales et autorités locales 11 ( * ) ne s'est imposé que progressivement. En tant que tel, le principe est rarement affiché explicitement dans les constitutions nationales.

Il s'inscrit plutôt dans la tradition germanique et celle de l'Europe du Nord. Dès 1976, en France, la « Commission de développement des responsabilités locales (dans son rapport « Vivre ensemble ») le définissait ainsi : [le principe] conduit à rechercher toujours le niveau adéquat d'exercice des compétences, un niveau supérieur n'étant appelé que dans les cas où les niveaux inférieurs ne peuvent pas exercer eux-mêmes les compétences correspondantes. L'Etat doit ainsi déléguer aux collectivités tous les pouvoirs que celles-ci sont en mesure d'exercer ».

La décentralisation « à la française » (où le pouvoir central attribue, de façon « descendante » , un certain nombre de compétences propres aux collectivités locales) s'est longtemps accordée avec un système politique local combinant affirmation d'une compétence générale de principe (à chaque niveau d'administration local) et pouvoir d'appréciation et d'annulation (l'ancienne « tutelle ») du représentant de l'Etat.

Les lois de décentralisation de 1982-1983 ont bouleversé ce système. En attribuant à chaque niveau (la commune, le département, la région) un bloc de compétences aussi homogène que possible, elles ont introduit dans le système français, un élément de « subsidiarité » qui rompt, à l'évidence, avec la logique du système précédent.

A contrario, les organisations territoriales de pays comme l'Autriche, la Suisse ou les Pays-Bas se sont toujours conformées à une règle de subsidiarité, c'est-à-dire un système « ascendant », dans lequel « les compétences (la plénitude des compétences) s'exercent à la base à l'exception de celles qui sont retenues au niveau supérieur. Dans l'autre cas (le système français, par exemple), les compétences globales sont au sommet et c'est seulement celles qui sont confiées à l'échelon inférieur que celui-ci va assumer (12 ( * )) ».

Les Etats fédéraux (l'Allemagne, l'Autriche) appliquent, quant à eux, le plus souvent au niveau local un principe de partage des compétences qui prévaut entre la Fédération et les Etats fédérés, et qui s'apparente clairement au principe de subsidiarité.

Trois points méritent encore d'être soulignés :

La notion de « compétence pleine et entière » ne signifie pas qu'un échelon d'administration territoriale doit posséder la totalité d'une compétence (développement économique, action sociale...) ce qui serait peu réaliste. La plupart des grandes compétences sont désormais partagées . Il reste qu'un bloc cohérent d'exercice de la compétence , un mode spécifique d'application est possible à chaque niveau de collectivité. Comme le souligne M. Alain Delcamp, « l'autonomie locale n'est pas une sphère isolée mais un élément essentiel d'un système bâti sur la notion de coopération entre niveaux d'administration ».

S'agissant de la distinction compétences propres / compétences déléguées (inspirée par les Etats fédéraux dans lesquels les services centraux préfèrent confier l'exécution de certaines tâches fédérales à des autorités territoriales décentralisées, ce qui permet de faire l'économie d'une organisation territoriale de leurs services), on relèvera que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a attiré l'attention des Etats membres sur les risques d'un développement excessif des compétences déléguées par rapport aux compétences propres.

Les risques résident dans la confusion possible de la part des autorités centrales entre les deux modes de contrôle applicables aux actes des collectivités locales :

- ceux qui relèvent des « compétences de base » protégées, en principe, par les principes de l'autonomie locale ;

- ceux qui résultent des compétences déléguées par l'Etat et qui peuvent, légitimement faire l'objet d'un contrôle plus strict.

Enfin, la notion de « part importante des affaires publiques », renvoie, en réalité, à la part des budgets locaux dans l'ensemble des budgets publics . A cet égard, la France (13 ( * )) et l'Allemagne se situent dans une moyenne satisfaisante (un gros quart environ des dépenses publiques) étant observé que les écarts constatés dépendent, en grande partie, des choix nationaux opérés quant au « statut » de la collectivité territoriale, simple « gestionnaire du territoire » dans certains cas, niveau fondamental de distribution des aides de « l'Etat providence » dans d'autres cas.

o Les moyens humains

L'article 6-1 de la Charte dispose, nous l'avons vu, que « les collectivités locales doivent pouvoir définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques afin de permettre une gestion efficace ».

C'est le principe d'auto-organisation administrative, déjà évoqué, qui ne fait pas obstacle à des dispositions plus générales posées par la loi.

Selon le rapport explicatif, ces « dispositions plus générales » doivent rester toutefois limitées de manière à ne pas imposer de structures organisationnelles rigides. Pourraient relever, par exemple, des législations centrales certaines dispositions spécifiques concernant la création de certains postes administratifs.

L'article 6-2 de la Charte a trait au statut du personnel des collectivités locales. Celles-ci doivent pouvoir recruter et employer un personnel dont la qualité corresponde aux responsabilités assumées par elles. Le statut du personnel des collectivités locales devra ainsi permettre un recrutement de qualité fondé sur les principes du mérite et de la compétence . A cette fin, il devra comporter des conditions adéquates de formation, de rémunération, et de perspectives de carrière.

En France, la création, dès 1984, d'une fonction publique territoriale se caractérisant par l'existence d'un statut général pour les fonctionnaires des communes, des départements et des régions a anticipé l'exigence de la Charte.

o Les moyens financiers

L'article 9 de la Charte pose les principes de l'autonomie financière des collectivités locales.

L'existence de ressources propres , tout d'abord. Celles-ci (art. 9-1) doivent être suffisantes pour permettre notamment aux collectivités locales de fixer librement leurs priorités de dépenses dans le cadre, bien sûr, des compétences qui leur ont été dévolues par la Constitution ou par la loi.

La Charte ajoute (art. 9-2) que le niveau des ressources financières des collectivités locales doit être proportionné au coût réel desdites compétences.

Mais l'autonomie financière ne suppose-t-elle pas la responsabilité politique devant les citoyens électeurs et contribuables ? Aussi, l'article 9-3 de la Charte prévoit qu'une partie au moins des ressources financières des collectivités locales devra provenir d'impôts ou de redevances dont les taux auront été fixés librement par la collectivité locale, dans les limites fixées par la loi.

En France, il est à noter que la liberté de vote des taux des emprunts locaux (dans les limites de la loi, laquelle détermine des plafonds ainsi que des règles de variation proportionnelle des différentes taxes), a été établie dès 1980 suivie, à partir de 1982, par la suppression de la tutelle sur les actes budgétaires des collectivités territoriales.

Le nouvel article 72-2 de notre Constitution, issu de la réforme constitutionnelle de 2003, a consacré dans notre ordre juridique un principe d'autonomie financière.

L'article 9-4 insiste sur la nécessité pour les « systèmes financiers » des collectivités locales de reposer sur des ressources suffisamment diversifiées et évolutives pour ne pas être, sur la durée, en décalage avec l'évolution réelle du coût de l'exercice des compétences (ou des nouvelles compétences) des collectivités locales.

Les débats actuels, en France, sur le niveau des compensations par l'Etat des charges résultant des compétences nouvelles nées de la décentralisation traduisent toute l'importance de cette garantie inscrite dans la Charte.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux estimait, d'ailleurs, en 2000, que si, d'un point de vue statique , le transfert des moyens financiers correspondant au transfert de compétences de l'Acte I de la décentralisation s'était effectué « correctement », la « dynamique d'évolution ultérieure de ces transferts fut au contraire source de controverse . La situation n'a guère changé après l'Acte II.

L'article 9-5 a trait à la mise en place nécessaire de procédures de péréquation financière ou de mesures équivalentes afin de corriger les effets de la répartition inégale des « ressources potentielles » de financement (ce qui correspond, peu ou prou, à ce que la France a tenté de mesurer avec le « potentiel fiscal » et aujourd'hui avec le potentiel financier des communes, des départements ou des régions) ainsi que des charges qui leur incombent.

Au Sénat, les débats récents sur la péréquation territoriale se sont inscrits dans cette ligne en préconisant des mesures de correction des inégalités entre collectivités locales en termes de ressources, mais aussi de charges.

Depuis 2003, l'article 72-2 de la Constitution dispose que la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales .

L'article 9-5 de la Charte précise aussi que les procédures de péréquation ou les mesures équivalentes destinées à corriger les inégalités territoriales ne devront pas « réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur domaine de responsabilité ».

Au sujet de cette dernière disposition, le Gouvernement avait, comme nous le verrons, envisagé une déclaration interprétative de la Charte. (voir rapport Sénat - M. Daniel Goulet - n° 15, 2005-2006, p. 15).

L'article 9-6 institue une obligation de concertation avec les collectivités locales en ce qui concerne la législation relative à la redistribution des ressources affectées aux collectivités.

En France, ces transferts aux collectivités de catégories d'impôts ou d'une partie de catégories d'impôts d'Etat sont loin d'être négligeables (TIPP).

Dans sa résolution 94 des 23-25 mai 2000, sur la démocratie locale et régionale en France, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en Europe, faisait observer que cette disposition « ne manquera pas d'intéresser tout particulièrement les élus régionaux qui critiquent la manière dont ils ont été informés des intentions du Gouvernement de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation.

Dans la mesure du possible, précise encore la Charte (art. 9-7), les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques sous peine de remettre en cause « la liberté fondamentale de la politique de la collectivité locale dans son propre domaine de compétence ».

La France satisfait globalement à ce principe, avec la dotation globale de fonctionnement (DGF) créée en 1974, la dotation globale d'équipement et la dotation générale de décentralisation (1982).

Le rapport explicatif souligne la nécessité de prendre en compte la grande variété des systèmes locaux de financement existant dans les Etats signataires s'agissant de la part des ressources totales des budgets locaux que représentent les subventions.

Il préconise d'éviter le « recours excessif » aux subventions spécifiques tout en jugeant « acceptable » un ratio élevé subventions spécifiques/subventions globalisées dès lors que la part des subventions dans les recettes totales des collectivités est relativement faible.

En 2000, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en Europe jugeait favorablement la proportion des ressources propres des collectivités territoriales françaises.

En 2004, les ressources propres (produits de la fiscalité locale, redevances domaniales ...) des communes et des départements représentaient respectivement 61,3 % et 63,4 % de leurs ressources totales. Il reste que l'Etat reste le premier contributeur local ce qui n'est pas sans « fragiliser » l'autonomie financière des collectivités.

L'article 9-1 de la Charte a trait à l'accès des collectivités locales aux marchés nationaux de capitaux afin de financer leurs investissements. Selon le rapport explicatif, ces règles relatives aux « possibilités de crédit » des collectivités pourront être fixées par le législateur national compte tenu de la structure spécifique des marchés de capitaux.

III- LE CONTRÔLE DE L'APPLICATION DE LA CHARTE

Dans un souci de souplesse mais aussi de réalisme (les systèmes politiques et juridiques étant, en 1985, bien différents d'un pays à l'autre), la Charte européenne de l'autonomie locale prévoit, au même titre que la Charte sociale européenne, un « noyau obligatoire de dispositions (vingt paragraphes sur les trente que compte la première partie du document dont dix au moins appartiennent à un groupe de quatorze principes fondamentaux) auquel tout Etat adhérent doit immédiatement souscrire ; l'objectif étant, bien sûr, que tous les Etats membres soient progressivement en mesure d'appliquer l'ensemble des règles de la Charte.

Contrairement à la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 et son dispositif juridictionnel (cour européenne des droits de l'homme ; voies de recours...), contrairement à la Charte sociale européenne de 1961 et son comité d'experts nommé par les gouvernements, la Charte de l'autonomie locale ne prévoit pas, pour sa part, de système de contrôle de son application dans les Etats qui l'ont signée ou ratifiée.

Tout au plus, son article 14 énonce-t-il que « chaque partie transmet au secrétaire général du Conseil de l'Europe ; toute information appropriée relative aux dispositions législatives et autres mesures qu'elle a prises dans le but de se conformer aux termes de la Charte » ; cette disposition étant, d'ailleurs, dépourvue de toute sanction.

Rappelons que l'article 52 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose, de son côté, que « toute partie fournira sur demande du secrétaire général du Conseil de l'Europe les explications requises sur la manière dont son droit interne assure l'application effective de toutes les dispositions de cette Convention ».

Le contrôle effectif de l'application de la Charte de l'autonomie locale s'est mis en place dans la décennie 1990 de façon souple , progressive et diversifiée .

- Souple car la méthode employée a toujours été incitative et non contraignante ou bureautique.

- Progressive car les étapes ont été nombreuses. Il a fallu attendre quinze ans, jour pour jour, à partir de l'ouverture du texte à la signature, le 15 octobre 1985, pour que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux se voit officiellement chargé par le Conseil de l'Europe (on devrait dire plutôt confirmé dans l'exercice d'une mission assumée de facto ) de « veiller à la mise en oeuvre effective des principes de la Charte » (résolution statutaire du comité des ministres du Conseil de l'Europe adoptée le 15 mars 2000 ). Les principes et méthodes mis au point au fil des années se sont ainsi retrouvés inscrits dans la Charte même du Congrès.

- Diversifiée car les initiatives, souvent décisives par l'influence qu'elles ont exercé, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ont été mené parallèlement à celles des organes intergouvernementaux « décisionnels » du Conseil de l'Europe que sont le « Comité directeur des autorités locales », organe responsable au sein du Conseil de l'organisation et de la mise en oeuvre des activités intergouvernementales concernant la structure et le fonctionnement des collectivités locales, et, bien sûr, le Comité des ministres.

On rappellera brièvement les grandes étapes de la mise en place du dispositif de contrôle de l'application de la Charte.

Relevons tout d'abord qu'en 1985 , le rapport explicatif de la Charte, souvent cité, jugeait inutile la création d'un système spécifique de contrôle en faisant valoir que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux était largement en mesure d'assurer le contrôle « politique » souhaitable.

Le 20 mars 1991 , le Congrès (qui s'appelait encore la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux en Europe ou CPLRE) adoptait une résolution n° 223 qui appelait les membres européens à concevoir un « véritable système de contrôles » et plaidait pour la création d'un comité d'experts indépendants , sur le modèle du comité d'experts en charge du contrôle de l'application de la Charte sociale, élu par le comité des ministres.

Cette résolution initiale s'inscrivait dans la problématique du rôle des autorités locales et régionales dans l'intégration des pays de l'Europe Centrale et Orientale dans les institutions de l'Europe occidentale. Elle recommandait, par ailleurs, la mise au point de rapports généraux et périodiques suivis de recommandations ainsi que l'examen des « plaintes » éventuelles émanant des associations d'élus locaux ou des délégations composant le Congrès s'agissant de l'application de la Charte.

Réunis à Barcelone, au mois de janvier 1992 , les membres européens ont entériné ces orientations en suggérant notamment, dans la déclaration finale de la Conférence, que la CPLRE mette en place, dans le cadre de ses responsabilités politiques, un « système propre de contrôle ».

Il faut ensuite évoquer la résolution n° 233 adoptée par la CPLR le 18 mars 1992 , à la suite du rapport de M. Jean-Claude Cauwenberghe , qui charge une de ses commissions, la commission des structures , des finances et de la gestion , d'assurer le suivi de l'application de la Charte.

Cette commission mettra en place un groupe de travail ad hoc comprenant quinze experts nationaux et qui se réunira pour la première fois, à Strasbourg, le 8 novembre 1993.

Entre temps, le comité directeur des autorités locales et régionales , organe intergouvernemental, aura rendu, le 12 octobre 1992 , un avis entérinant l'idée d'un contrôle politique de l'application de la Charte par la CPLR, le futur Congrès.

Deux séries de textes méritent, ensuite, d'être signalés :

- La recommandation et la résolution, adoptées par le Congrès le 2 juin 1984, transformant notamment le « groupe de travail ad hoc » en « groupe de travail du Congrès ».

- La recommandation et la résolution, adoptée par le Congrès le 5 juillet 1996, qui confirment les orientations précédentes : le groupe de travail détient désormais un mandat direct du Congrès, le comité d'experts indépendants est consacré dans ses prérogatives.

La résolution n° 34 du 5 juillet 1996 précise en particulier les méthodes du contrôle de l'application de la Charte.

Le groupe de travail est donc investi d'un mandat de contrôle « d'office » ; il élabore des « rapports généraux et périodiques » (sur l'application de telle ou telle déposition de la Charte) avec l'assistance du comité d'experts indépendants et met au point des rapports particuliers à la demande d'associations d'élus locaux ou des délégations représentées au Congrès.

Il établira aussi, conformément au souhait exprimé par les ministres européens lors de la Conférence de Copenhague d'avril 1996, des rapports particuliers , pays par pays .

Il faut souligner que tout au long du processus de mise en place du dispositif de contrôle, les rapports tant généraux que particuliers du groupe de travail ont directement inspiré le contenu des résolutions et des recommandations du Congrès. Les experts indépendants ont sans doute exercé une influence déterminante sur la « philosophie » et les méthodes du contrôle.

Relevons encore que le premier rapport général (mars 1993) a eu trait à « l'applicabilité de la Charte », le second (décembre 1994) aux relations institutionnelles entre les autorités locales et les collectivités locales (ce rapport a largement débouché sur les résolutions et recommandations du Congrès du 5 juillet 1996), le troisième (mai 1998), composé de deux volets, à la question des ressources financières des collectivités par rapport à leurs compétences .

La méthode des « rapports particuliers à la demande » a notamment permis, en 1994, de mener une enquête sur la situation réelle de la démocratie locale en Roumanie, pays dans lequel 205 maires avaient fait l'objet d'une demande de destitution par les préfets. Le rapport du groupe de travail ad hoc, spécialement désigné par le Bureau du Congrès, a conduit la Roumanie à modifier sa législation d'une manière satisfaisante aux yeux des membres du groupe de travail.

Lors de la conférence de Copenhague d'avril 1996, les ministres européens ont pu, à bon droit, se féliciter de ce « succès ».

Après l'Italie et la Turquie, la France a fait l'objet d'un rapport particulier.

Le rapport sur la démocratie locale et régionale en France a été réalisé par MM. Bucci et Van Cauwenberghe au mois d'avril 2000 et a fait l'objet d'une résolution du Congrès en date du 25 mai 2000.

Après avoir esquissé un bilan de la décentralisation « à la française » (transferts de compétences et de moyens financiers ; transfert du pouvoir exécutif aux départements et aux régions, remplacement de la tutelle ; avènement de la région comme collectivité territoriale ; création d'une fonction publique territoriale ; déconcentration de l'administration centrale de l'Etat), le rapport analyse le mouvement comme « inachevé » et perçu comme « recentralisateur » .

Il pointe du doigt les difficultés de rationalisation du paysage communal, pose la question de la multiplicité des niveaux d'administration territoriale avant de s'inquiéter de l'enchevêtrement des compétences (qui s'oppose aux blocs de compétences homogènes souhaités par la Carte) et de l'étatisation progressive de la fiscalité locale (qui contrevient au principe d'autonomie financière locale).

MM. Bucci et Van Cauwenberghe concluent ainsi la première partie de leur rapport :

« Cette évolution que la décentralisation a connue en France dans les années quatre-vingt-dix ne manque pas d'alimenter chez nombre d'élus territoriaux rencontrés par la délégation au cours des déplacements qu'elle a effectués dans des communes, départements ou régions en plus de ses deux visites à Paris, une inquiétude ou un mécontentement s'exprimant généralement par l'idée qu'on assiste depuis le début des années 1990 à une « rupture du contrat avec l'Etat » et, de manière plus générale, à un phénomène de recentralisation qui succèderait à la décentralisation. Même si tous les facteurs qui alimentent ces sentiments ne sont pas tous le fait de l'Etat et participent pour certains d'entre eux d'une évolution globale de la société se traduisant par des contraintes qui peuvent aussi retentir sur le pouvoir central, ceux-ci ne sont pas dépourvus de fondements ».

Afin de « relancer » la décentralisation en France, le rapport préconise notamment :

- le passage de « l'intercommunalité » à la « supra-communalité » ;

- la reconnaissance du principe « d'auto-organisation » dans une France diversifiée ;

- l'amélioration des formules de partenariat entre collectivités locales ;

- la préservation de l'autonomie fiscale des collectivités ;

- la ratification par la France de la Charte européenne de l'autonomie locale.

Sur ce dernier point, le rapport juge qu' « aucun obstacle réel ne s'oppose dès lors à la ratification de la Charte. La France ne ferait ce faisant que conforter sa marche vers la décentralisation en levant le malentendu que peut provoquer le fait que, tout en satisfaisant à la plupart de ses exigences par un haut degré d'autonomie locale, elle n'est pas partie à un traité jugé de plus en plus fondamental pour la substance de la démocratie et dont la ratification a d'ailleurs été considérée comme condition aux pays d'Europe centrale et orientale lors de leur entrée au Conseil de l'Europe ».

IV- LA RATIFICATION FRANÇAISE

Le processus de ratification française est intervenu tardivement : plus de vingt ans après la signature de la Charte. La loi autorisant l'approbation du traité n'a été adoptée par le Parlement que le 8 juillet 2006 (publication le 10 juillet). Au jour de la publication du présent document de travail, les instruments de ratification n'avaient toujours pas été déposés à Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe.

1. L'avis du Conseil d'Etat du 15 décembre 1991

Saisi en 1991 du projet de loi d'approbation de la Charte, le Conseil d'Etat a rendu un avis négatif pour les raisons que l'on peut ainsi résumer : certaines dispositions de la Charte semblaient susceptibles de créer des contentieux, d'autres apparaissaient comme en contradiction avec les pratiques françaises de l'époque. Rentraient dans la première catégorie plusieurs dispositions figurant aux articles 4, 7, 9 et 10 de la Charte.

Dans la seconde, on trouve surtout le dernier paragraphe de l'article 3 relatif à la responsabilité des exécutifs devant les assemblées locales.

D'une manière plus générale, le Conseil d'Etat plaidait pour « la préservation de l'équilibre et du consensus auxquels avaient abouti les premières lois de décentralisation » !

« L'examen attentif des stipulations de la charte -a-t-il précisé - fait, en effet, apparaître que celle-ci comporte en réalité soit des ambiguïtés qui seront source de revendications inutiles, voire de contentieux avec tous les aléas que celui-ci suscite en longue période, soit des règles différentes de celles qui régissent actuellement les collectivités locales, ce qui implique des modifications aux textes en vigueur, alors qu'aucune nécessité ne justifie ces modifications ».

La nécessité de sauvegarder la marge de manoeuvre du Parlement dans un domaine « touchant, de manière essentielle et durable, aux institutions de la République » fut aussi invoquée. « Il n'y a lieu, soulignait-il, de limiter les pouvoirs du Parlement par la voie d'engagements internationaux qu'avec une très grande prudence et pour des motifs impérieux ».

2. L'Acte II de la Décentralisation

Il fut constitué par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République, la loi organique du 29 juillet 2004 prise en application du nouvel article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales et surtout par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (14 ( * )).

L'Acte II de la décentralisation a notamment consacré sur le plan constitutionnel :

- le principe selon lequel l'échelon le plus pertinent, pour l'action publique, est souvent l'échelon de proximité ;

- le droit à l'expérimentation pour les collectivités territoriales ;

- l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre ;

- le principe de l'autonomie financière des collectivités ;

- l'exigence de correction des inégalités territoriales.

Selon M. Daniel Goulet, rapporteur pour le Sénat du projet de loi autorisant l'approbation de la Charte, ces réformes ont « placé désormais notre pays en totale conformité avec les prescriptions de la Charte, le plaçant même sur certains points à l'avant-garde en matière de décentralisation ».

3. Les déclarations interprétatives

Lors de l'examen par le Sénat du projet de loi d'approbation (octobre 2005), le Gouvernement avait envisagé une déclaration interprétative sur la deuxième phrase du cinquième paragraphe de l'article 9 de la Charte relative à la péréquation. Selon cette disposition, « les procédures de péréquation ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur domaine de responsabilité. »

Le Gouvernement a finalement renoncé à une déclaration aux termes de laquelle il soulignait que, « selon la République française, les mesures de péréquation des ressources fiscales inégalement réparties entre les collectivités locales peuvent être mises en place, dès lors que lesdites mesures sont définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et n'ont pas pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ».

Au final, le Gouvernement s'est contenté des trois déclarations interprétatives suivantes :

La première concerne le champ d'application de la Charte. L'article 13 de celle-ci prévoit que les principes d'autonomie locale s'appliquent à toutes les catégories de collectivités locales existant sur le territoire de l'Etat signataire sauf droit pour celui-ci de préciser les catégories de collectivités locales ou régionales auxquelles il entend limiter le champ d'application ou qu'il entend exclure de ce champ.

Selon la déclaration gouvernementale, « conformément à l'article 13, les collectivités locales et régionales auxquelles s'applique la Charte sont les collectivités territoriales qui figurent aux articles 72, 73, 74 et au titre XIII de la Constitution ou qui sont créées sur leur fondement. La République française considère en conséquence que les établissements publics de coopération intercommunale, qui ne constituent pas des collectivités territoriales, sont exclus de son champ d'application. »

Sont donc visées, en France, toutes les catégories de collectivités locales existantes, à l'exception des Terres australes et antarctiques françaises, et celles qui pourraient être ultérieurement créées.

En second lieu, s'agissant du deuxième alinéa de l'article 3 de la Charte qui a trait à la responsabilité de l'exécutif local devant l'assemblée délibérante, le Gouvernement a formulé la déclaration suivante : « La République française considère que les dispositions de l'article 3 § 2 doivent être interprétées comme réservant aux Etats la faculté d'instituer la responsabilité, devant l'organe délibérant d'une collectivité territoriale, de l'organe exécutif dont elle est dotée ».

Enfin, le Gouvernement a entendu préserver la gratuité des fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal et le caractère forfaitaire des autres indemnités. Sa troisième déclaration précise que « la République française se considère liée par tous les paragraphes de la partie I de la Charte à l'exception du paragraphe 2 de l'article 7 ».

*

* *

La Charte européenne sur l'autonomie locale n'est pas un engagement international « peu normatif ».

Les quarante-trois Etats signataires ont certes des organisations administratives territoriales très variées, façonnées par leur histoire et leur culture politique : des exceptions, des marges de manoeuvre et des calendriers progressifs de mise en oeuvre ont donc été proposés. Mais il ne s'est jamais agi de remettre en cause un processus jugé souhaitable et irréversible vers plus d'autonomie et de démocratie locale.

ANNEXES

ANNEXE I - LE TEXTE DE LA CHARTE

Strasbourg, 15.X.1985

Préambule

Les Etats membres du Conseil de l'Europe, signataires de la présente Charte,

Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun;

Considérant qu'un des moyens par lesquels ce but sera réalisé est la conclusion d'accords dans le domaine administratif;

Considérant que les collectivités locales sont l'un des principaux fondements de tout régime démocratique;

Considérant que le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques fait partie des principes démocratiques communs à tous les Etats membres du Conseil de l'Europe;

Convaincus que c'est au niveau local que ce droit peut être exercé le plus directement;

Convaincus que l'existence de collectivités locales investies de responsabilités effectives permet une administration à la fois efficace et proche du citoyen;

Conscients du fait que la défense et le renforcement de l'autonomie locale dans les différents pays d'Europe représentent une contribution importante à la construction d'une Europe fondée sur les principes de la démocratie et de la décentralisation du pouvoir;

Affirmant que cela suppose l'existence de collectivités locales dotées d'organes de décision démocratiquement constitués et bénéficiant d'une large autonomie quant aux compétences, aux modalités d'exercice de ces dernières et aux moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission,

Sont convenus de ce qui suit :

Article 1

Les Parties s'engagent à se considérer comme liées par les articles suivants de la manière et dans la mesure prescrites par l'article 12 de cette Charte.

Partie I

Article 2 - Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.

Article 3 - Concept de l'autonomie locale

1 Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.

2 Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.

Article 4 - Portée de l'autonomie locale

1 Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi.

2 Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité.

3 L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

4 Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

5 En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.

6 Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

Article 5 - Protection des limites territoriales des collectivités locales

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.

Article 6 - Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales

1 Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.

6 Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.

Article 7 - Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local

1 Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.

2 Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.

3 Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.

Article 8 - Contrôle administratif des actes des collectivités locales

1 Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.

2 Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu'à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l'opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l'exécution est déléguée aux collectivités locales.

3 Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d'une proportionnalité entre l'ampleur de l'intervention de l'autorité de contrôle et l'importance des intérêts qu'elle entend préserver.

Article 9 - Les ressources financières des collectivités locales

1 Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences.

2 Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.

3 Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d'impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.

4 Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.

5 La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.

6 Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles-ci des ressources redistribuées.

7 Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.

8 Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.

Article 10 - Le droit d'association des collectivités locales

1 Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.

2 Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.

3 Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.

Article 11 - Protection légale de l'autonomie locale

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.

Partie II - Dispositions diverses

Article 12 - Engagements

1 Toute Partie s'engage à se considérer comme liée par vingt au moins des paragraphes de la partie I de la Charte dont au moins dix sont choisis parmi les paragraphes suivants:

- article 2,

- article 3, paragraphes 1 et 2,

- article 4, paragraphes 1, 2 et 4,

- article 5,

- article 7, paragraphe 1,

- article 8, paragraphe 2,

- article 9, paragraphes 1, 2 et 3,

- article 10, paragraphe 1,

- article 11.

2 Chaque Etat contractant, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, notifie au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe les paragraphes choisis conformément à la disposition du paragraphe 1 du présent article.

3 Toute Partie peut, à tout moment ultérieur, notifier au Secrétaire Général qu'elle se considère comme liée par tout autre paragraphe de la présente Charte, qu'elle n'avait pas encore accepté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article. Ces engagements ultérieurs seront réputés partie intégrante de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la Partie faisant la notification et porteront les mêmes effets dès le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.

Article 13 - Collectivités auxquelles s'applique la Charte

Les principes d'autonomie locale contenus dans la présente Charte s'appliquent à toutes les catégories de collectivités locales existant sur le territoire de la Partie. Toutefois, chaque Partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, désigner les catégories de collectivités locales ou régionales auxquelles elle entend limiter le champ d'application ou qu'elle entend exclure du champ d'application de la présente Charte. Elle peut également inclure d'autres catégories de collectivités locales ou régionales dans le champ d'application de la Charte par voie de notification ultérieure au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.

Article 14 - Communication d'informations

Chaque Partie transmet au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe toute information appropriée relative aux dispositions législatives et autres mesures qu'elle a prises dans le but de se conformer aux termes de la présente Charte.

Partie III

Article 15 - Signature, ratification, entrée en vigueur

1 La présente Charte est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe. Elle sera soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation seront déposés près le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.

2 La présente Charte entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle quatre Etats membres du Conseil de l'Europe auront exprimé leur consentement à être liés par la Charte, conformément aux dispositions du paragraphe précédent.

3 Pour tout Etat membre qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par la Charte, celle-ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation.

Article 16 - Clause territoriale

1 Tout Etat peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, désigner le ou les territoires auxquels s'appliquera la présente Charte.

2 Tout Etat peut, à tout autre moment par la suite, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, étendre l'application de la présente Charte à tout autre territoire désigné dans la déclaration. La Charte entrera en vigueur à l'égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le Secrétaire Général.

3 Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Secrétaire Général. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de six mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.

Article 17 - Dénonciation

1 Aucune Partie ne peut dénoncer la présente Charte avant l'expiration d'une période de cinq ans après la date à laquelle la Charte est entrée en vigueur en ce qui la concerne. Un préavis de six mois sera notifié au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe. Cette dénonciation n'affecte pas la validité de la Charte à l'égard des autres Parties sous réserve que le nombre de celles-ci ne soit jamais inférieur à quatre.

2 Toute Partie peut, conformément aux dispositions énoncées dans le paragraphe précédent, dénoncer tout paragraphe de la partie I de la Charte qu'elle a accepté, sous réserve que le nombre et la catégorie des paragraphes auxquels cette Partie est tenue restent conformes aux dispositions de l'article 12, paragraphe 1. Toute Partie qui, à la suite de la dénonciation d'un paragraphe, ne se conforme plus aux dispositions de l'article 12, paragraphe 1, sera considérée comme ayant dénoncé également la Charte elle-même.

Article 18 - Notifications

Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe notifie aux Etats membres du Conseil:

a toute signature;

b le dépôt de tout instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation;

c toute date d'entrée en vigueur de la présente Charte, conformément à son article 15;

d toute notification reçue en application des dispositions de l'article 12, paragraphes 2 et 3;

e toute notification reçue en application des dispositions de l'article 13;

f tout autre acte, notification ou communication ayant trait à la présente Charte.

En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Charte.

Fait à Strasbourg, le 15 octobre 1985, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l'Europe. Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des Etats membres du Conseil de l'Europe.

ANNEXE II - LE RAPPORT EXPLICATIF

I. La Charte européenne de l'autonomie locale a été élaborée au sein du Conseil de l'Europe par un comité d'experts gouvernementaux sous l'autorité du Comité directeur pour les questions régionales et municipales et sur la base d'un projet présenté par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe. Elle a été ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe en tant que convention le 15 octobre 1985.

II. Le texte du rapport explicatif préparé sur la base des discussions dudit comité et adressé au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe ne constitue pas un instrument d'interprétation authentique du texte de la Charte, bien qu'il puisse faciliter la compréhension des dispositions qui y sont contenues.

A. Origines de la Charte

La Charte européenne de l'autonomie locale est le point culminant de toute une série d'initiatives et de nombreuses années de délibérations au sein du Conseil de l'Europe.

La protection et le renforcement de l'autonomie locale en Europe au moyen d'un document exposant les principes reconnus par tous les Etats démocratiques d'Europe sont une ambition qu'ont depuis longtemps les collectivités locales. Très tôt il a été reconnu que ce genre de texte devait recueillir l'adhésion de ceux dont les actions sont essentiellement en cause dans toute défense de l'autonomie locale, à savoir les gouvernements.

Le Conseil de l'Europe, en tant que gardien des droits de l'homme et champion des principes de la démocratie, constituait de toute évidence le cadre dans lequel il convenait d'élaborer et d'adopter cet instrument, d'autant plus que depuis 1957 il avait reconnu l'importance des collectivités locales en instituant à leur intention un organe représentatif au niveau européen, dénommé la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE) 15 ( * ) .

C'est en effet la CPLRE qui, dans sa Résolution 64 (1968), a proposé une Déclaration de principes sur l'autonomie locale et invité le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe à procéder à son adoption. Cette initiative a été soutenue par l'Assemblée Consultative qui, dans sa Recommandation 615 (1970), a présenté au Comité des Ministres un texte qui suivait de près celui de la CPLRE et qui avait été élaboré conjointement par les deux organes. La déclaration proposée avait néanmoins un caractère un peu trop général et sommaire pour que des actions précises soient prises sur sa base.

La nouvelle initiative prise par la CPLRE en 1981 a donc suivi une approche plus souple. Mais il a également été jugé qu'une simple déclaration de principes non contraignante ne pouvait suffire en raison de l'importance de l'autonomie locale et de la nature des menaces qui pèsent sur elle. Les gouvernements devaient plutôt être invités à prendre des engagements ayant force obligatoire. La souplesse indispensable pour tenir compte des différences entre les dispositions constitutionnelles et les traditions administratives nationales devait être introduite, non pas en diluant de manière excessive les conditions imposées par le nouvel instrument, mais en laissant aux gouvernements une certaine latitude à l'égard des dispositions par lesquelles ils se considéreraient liés.

La conséquence logique de cette approche a été la soumission au Comité des Ministres, avec la Résolution 126 (1981) de la CPLRE, d'un projet de Charte européenne de l'autonomie locale, assorti de la proposition de l'adopter en tant que convention européenne.

Le Comité des Ministres a décidé de transmettre les propositions de la CPLRE au Comité directeur pour les questions régionales et municipales (CDRM) en vue de leur discussion à la 5e Conférence des ministres européens responsables des Collectivités locales (Lugano, 5-7 octobre 1982). Dans leurs conclusions, les ministres présents à Lugano.

«... estiment que ce projet de charte constitue un pas important vers la définition des principes de l'autonomie locale, tout en notant les réserves exprimées par certains ministres concernant la nécessité de la Charte sous forme d'une convention contraignante et concernant certains aspects du contenu de la Charte;

demandent au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe de charger le Comité directeur pour les questions régionales et municipales (CDRM), en contact avec la Conférence des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, de procéder aux réaménagements nécessaires du projet de Charte européenne de l'autonomie locale en tenant compte des observations concernant la forme et le contenu présentées au cours de la conférence, pour qu'il puisse leur être soumis pour approbation lors de leur prochaine conférence...»

Le Comité des Ministres a ainsi mandaté le CDRM, qui a procédé à une révision approfondie du projet de Charte. En application des conclusions de la Conférence de Lugano, les représentants de la CPLRE ont participé aux débats.

Le texte du projet de Charte, révisé par le CDRM, a été enfin présenté à la 6 e Conférence des ministres européens responsables des Collectivités locales, tenue à Rome du 6 au 8 novembre 1984. Après avoir examiné ce texte, les ministres ont exprimé unanimement leur consensus sur les principes y énoncés. Pour ce qui est de la forme juridique que la Charte devait revêtir, la majorité des ministres se sont déclarés favorables à une convention.

Compte tenu des opinions formulées par l'Assemblée Consultative et par la Conférence ministérielle de Rome, le Comité des Ministres a donc adopté en juin 1985 la Charte européenne de l'autonomie locale sous la forme d'une convention. Étant donné que l'initiative de la Charte avait été initialement prise par la CPLRE, il a été décidé que la convention serait ouverte à la signature le 15 octobre 1985 à l'occasion de la 20 e Session plénière de la CPLRE.

B. Remarques générales

L'objectif de la Charte européenne de l'autonomie locale consiste à compenser le manque de normes européennes communes pour mesurer et protéger les droits des collectivités locales, qui sont les plus proches du citoyen et lui donnent la possibilité de participer effectivement à la prise des décisions qui concernent son environnement quotidien.

La Charte oblige les Parties à appliquer des règles fondamentales garantissant l'indépendance politique, administrative et financière des collectivités locales. C'est donc une démonstration, au niveau européen, de la volonté politique de donner, à tous les niveaux de l'administration territoriale, un contenu aux principes que défend depuis sa fondation le Conseil de l'Europe; celui-ci a en effet pour vocation de maintenir la conscience démocratique de l'Europe et de défendre les droits de l'homme au sens le plus large. La Charte incarne même l'idée que le degré d'autonomie dont jouissent les collectivités locales peut être considéré comme la pierre d'achoppement d'une démocratie véritable.

La Charte comporte trois parties. La première partie contient les dispositions de fond énonçant les principes de l'autonomie locale. Elle précise qu'il faut un fondement constitutionnel et légal à l'autonomie locale; elle définit le concept et établit les principes régissant la nature et l'étendue des pouvoirs des collectivités locales. D'autres articles visent à protéger les limites territoriales des collectivités locales, à assurer à celles-ci une autonomie en ce qui concerne leurs structures administratives ainsi que la possibilité de recruter du personnel compétent et à définir les conditions de l'exercice d'un mandat électif local. Deux articles importants ont pour objectif de limiter le contrôle administratif des actes des collectivités locales et de leur assurer des ressources financières suffisantes dans des conditions qui ne portent pas atteinte à leur autonomie fondamentale. Les autres dispositions de cette partie concernent le droit dont jouissent les collectivités locales de coopérer et de constituer des associations ainsi que la protection de l'autonomie locale par le droit de recours juridictionnel.

La partie II contient des dispositions diverses concernant la portée des engagements souscrits par les Parties. Conformément au souci d'assurer un équilibre réaliste entre la sauvegarde des principes essentiels et la souplesse nécessaire face aux particularités juridiques et institutionnelles de chaque Etat membre, elle autorise les Parties à exclure certaines dispositions de la Charte de celles par lesquelles elles se considèrent liées. Il s'agit donc là d'un compromis entre, d'une part, la reconnaissance du fait que l'autonomie locale concerne la structure et l'organisation de l'Etat lui-même, ce qui est une préoccupation fondamentale du gouvernement, et, d'autre part, l'objectif visant à protéger un minimum de principes fondamentaux que tout système démocratique d'administration locale doit respecter. De plus, les engagements de Parties peuvent être ultérieurement élargis lorsque les obstacles ont été éliminés.

En puissance, les principes de l'autonomie locale énoncés dans la Charte s'appliquent à tous les niveaux ou catégories de collectivités locales de chaque Etat membre et aussi en réalité, mutatis mutandis , aux autorités territoriales du niveau régional. En tout état de cause, afin de tenir compte des cas particuliers, les Parties sont autorisées à exclure certaines catégories de collectivités du champ d'application de la Charte.

La Charte ne prévoit pas de système institutionnalisé pour le contrôle de son application, en dehors de l'obligation faite aux Parties de fournir toutes les informations relatives aux dispositions législatives et autres mesures prises en application des dispositions de la Charte. Il est vrai que la possibilité a été envisagée de créer un système international de contrôle analogue à celui de la Charte sociale européenne. Cependant, il a paru possible de se passer d'un système de surveillance complexe, étant donné que la présence au Conseil de l'Europe de la CPLRE, qui a directement accès au Comité des Ministres, assurerait un contrôle politique suffisant du respect par les Parties des obligations qu'elles ont souscrites au titre de la Charte.

La dernière partie du texte contient des dispositions finales qui correspondent à celles qui figurent habituellement dans les conventions élaborées sous les auspices du Conseil de l'Europe.

La Charte européenne de l'autonomie locale est le premier instrument juridique multilatéral qui définit et protège les principes de l'autonomie locale, un des piliers de la démocratie que le Conseil de l'Europe a pour mission de défendre et de développer. On peut espérer qu'elle apportera une contribution importante à la protection et au renforcement des valeurs européennes communes.

C. Commentaire des dispositions de la Charte

Préambule

Le préambule énonce les principes fondamentaux sur lesquels repose la Charte. Ces principes sont, essentiellement:

- la contribution vitale de l'autonomie locale à la démocratie, à une administration efficace et à la décentralisation du pouvoir;

- le rôle important des collectivités locales dans la construction de l'Europe;

- la nécessité pour les collectivités locales d'avoir un statut démocratique et de bénéficier d'une large autonomie.

Article 1

L'article 1 exprime l'engagement général des Parties à respecter les principes de l'autonomie locale énoncés à la partie I de la Charte (articles 2-11), dans la mesure prescrite par l'article 12.

Article 2

Cet article dispose que le principe de l'autonomie locale doit être consacré dans des textes législatifs.

Considérant l'importance de ce principe, il est souhaitable, de plus, qu'il soit inclus dans le texte fondamental régissant l'organisation de l'Etat, c'est-à-dire la Constitution. Il a toutefois été reconnu que dans les pays dans lesquels la procédure d'amendement de la Constitution nécessite l'approbation d'une majorité spéciale du Parlement ou celle de l'ensemble de la population exprimée par voie de référendum, il pourrait ne pas être possible de s'engager à consacrer le principe de l'autonomie locale dans la Constitution. Il a été reconnu, par ailleurs, que les pays qui n'ont pas de constitution écrite mais des dispositions de caractère constitutionnel contenues dans divers documents et sources pourraient éprouver des difficultés particulières ou même se trouver dans l'impossibilité de prendre cet engagement.

Il faut également tenir compte du fait que dans les pays à structure fédérale les pouvoirs locaux peuvent être réglementés par les Etats fédérés plutôt que par le gouvernement central de la fédération. La présente Charte n'affecte en aucune manière, en ce qui concerne les Etats fédéraux, la répartition des compétences entre l'Etat fédéral et les Etats fédérés.

Article 3

Cet article définit les caractéristiques essentielles de l'autonomie locale telles qu'elles doivent être entendues aux fins de la Charte.

Paragraphe 1

La notion de «capacité effective» contient l'idée que le droit formel de régler et de gérer certaines affaires publiques doit s'accompagner des moyens de l'exercer effectivement. L'inclusion du membre de phrase «dans le cadre de la loi» reconnaît le fait que ce droit et cette capacité peuvent être définis de plus près par le législateur.

«Sous leur propre responsabilité» souligne que les collectivités locales ne doivent pas être confinées dans le rôle de simples agents des autorités supérieures.

Il n'est pas possible de définir avec précision les affaires que les collectivités locales doivent être habilitées à régler et à gérer. Les expressions telles que «affaires locales» et «leurs propres affaires», jugées trop vagues et difficiles à interpréter, ont été rejetées. Les traditions des Etats membres en ce qui concerne les affaires considérées comme relevant des collectivités locales diffèrent considérablement. En réalité, la plupart des affaires ont des répercussions à la fois locales et nationales et les responsabilités dans ce domaine peuvent varier selon les pays et selon les époques et même être réparties entre différents niveaux de gouvernement. En limitant les collectivités locales aux questions dépourvues d'implications plus larges, on risquerait de les reléguer dans un rôle marginal. Il est, par contre, accepté que les pays souhaitent réserver au gouvernement central certaines fonctions telles que la défense nationale. L'intention de la Charte est que les collectivités locales aient une vaste gamme de responsabilités de nature à être exercées au niveau local. La définition de ces responsabilités fait l'objet de l'article 4.

Paragraphe 2

Les droits en matière d'autonomie locale doivent être exercés par des autorités démocratiquement constituées. Ce principe est en conformité avec l'importance primordiale que le Conseil de l'Europe attache aux formes démocratiques de gouvernement.

Ce droit implique normalement l'existence d'une assemblée représentative avec ou sans organes exécutifs subordonnés, mais les formes de démocratie directe restent possibles là où elles sont prévues par la loi.

Article 4

Comme on l'a expliqué dans les commentaires relatifs à l'article 3, il n'est pas possible et il ne serait pas opportun d'essayer d'énumérer de manière exhaustive les compétences devant être confiées aux collectivités locales dans toute l'Europe. Toutefois, cet article prescrit les principes généraux sur lesquels doivent reposer les compétences des collectivités locales et la nature de leurs pouvoirs.

Paragraphe 1

Étant donné que la nature des compétences des collectivités locales est fondamentale pour la réalité de l'autonomie locale, il est de l'intérêt de la clarté et de la sécurité du droit que les compétences de base ne leur soient pas attribuées de manière ad hoc , mais qu'elles soient suffisamment ancrées dans la législation. Les compétences doivent normalement être attribuées par la Constitution ou par une loi. Malgré l'utilisation du terme «la loi» dans ce paragraphe, il est reconnu toutefois que dans quelques pays une certaine délégation du pouvoir du parlement d'attribuer des compétences spécifiques, particulièrement pour ce qui est des détails ou des questions dont la mise en oeuvre découle des directives de la Communauté européenne, peut être souhaitable dans l'intérêt de l'efficacité, à la condition que le parlement garde des pouvoirs de contrôle suffisants sur l'exercice des pouvoirs délégués. En plus, une exception s'applique au cas des Etats membres des Communautés européennes dans la mesure où les règlements communautaires (qui, au titre de l'article 189 du Traité de Rome, sont directement applicables) peuvent stipuler l'application d'une mesure spécifique à un niveau donné d'administration.

Paragraphe 2

Outre les compétences attribuées par la législation à des niveaux spécifiques d'autorité, d'autres besoins ou possibilités d'action des pouvoirs publics peuvent se présenter. Lorsque de tels domaines ont des incidences sur le niveau local et ne sont pas exclus de la compétence générale qui existe dans la plupart des pays membres, il est important pour les collectivités locales, conçues comme entités politiques agissant de plein droit pour promouvoir le bien-être général de la population, qu'elles aient le droit d'exercer leur initiative dans ces domaines. Les règles générales conformément auxquelles elles peuvent agir en pareil cas peuvent toutefois être fixées par la loi. Dans certains Etats membres, cependant, les collectivités locales doivent pouvoir montrer que leurs actions sont autorisées par la législation. Une grande liberté, au-delà des responsabilités spécifiques, peut être donnée aux collectivités locales dans un tel système, dont l'existence est, dans cette mesure, reconnue par l'article 4, paragraphe 2.

Paragraphe 3

Ce paragraphe exprime le principe général que l'exercice des responsabilités publiques doit être décentralisé. Ce principe a été affirmé à plusieurs occasions dans le contexte du Conseil de l'Europe, et notamment dans les conclusions de la Conférence des ministres européens responsables des Collectivités locales tenue à Lisbonne en 1977. Ce principe implique que, sauf si l'ampleur ou la nature de la tâche est telle qu'elle exige d'être remplie dans une entité territoriale plus vaste, et en l'absence de considérations impératives d'efficacité ou d'économie, les tâches doivent normalement être confiées à l'échelon le plus local des collectivités territoriales. Cette clause n'implique toutefois pas la nécessité de décentraliser systématiquement les fonctions à celles des collectivités locales qui, du fait de leur nature et de leur taille, ne peuvent se charger que de missions limitées.

Paragraphe 4

Ce paragraphe traite du problème des chevauchements de compétences. Dans l'intérêt de la clarté et pour éviter toute tendance vers une dilution graduelle des responsabilités, les pouvoirs doivent normalement être pleins et exclusifs. Toutefois, une action complémentaire à différents niveaux est nécessaire dans certains domaines et il importe que dans ces cas l'intervention des autorités centrales ou régionales se conforme à des dispositions législatives clairement formulées.

Paragraphe 5

La structure administrative des collectivités locales et leur connaissance de la situation locale peuvent en faire des organes adéquats pour l'exécution de certaines fonctions dont la responsabilité incombe, en dernier ressort, à des autorités supra locales. Il importe, toutefois, pour que le recours à ce type de délégation n'empiète pas de manière excessive sur la sphère d'autonomie au niveau local, que ce dernier soit autorisé, quand cela est possible, à prendre en compte la situation locale dans l'exercice des pouvoirs délégués. Il est reconnu néanmoins que pour certaines fonctions, telles que la délivrance de documents d'identité, la nécessité d'une réglementation uniforme peut ne laisser aucune place à un quelconque pouvoir discrétionnaire de la collectivité locale.

Paragraphe 6

Alors que les paragraphes 1 à 5 traitent des questions relevant des collectivités locales, le paragraphe 6 concerne à la fois celles qui relèvent de ces collectivités et celles qui se situent hors de cette sphère, mais qui ont un impact particulier sur ces collectivités. Le texte dispose que les modalités et le calendrier des consultations doivent être tels que les collectivités locales aient une possibilité effective d'exercer une influence, tout en reconnaissant que des circonstances exceptionnelles peuvent prendre le pas sur cette exigence de consultation, particulièrement en cas d'urgence. Cette consultation doit se faire directement avec la ou les collectivités concernées ou, dans le cas où plusieurs collectivités sont concernées, indirectement par l'intermédiaire de leurs associations.

Article 5

Les propositions tendant à modifier ses limites territoriales - dont les projets de fusion avec d'autres collectivités représentent le cas extrême - revêtent évidemment une importance fondamentale pour une collectivité locale et ses citoyens. Si, dans la plupart des pays, il est considéré comme irréaliste de s'attendre à ce que la communauté locale ait un droit de veto à l'égard de telles modifications, sa consultation préalable, directe ou indirecte, est indispensable. Le référendum est, éventuellement, une procédure adéquate pour ce type de consultation, mais cette possibilité n'est pas prévue dans la législation d'un certain nombre de pays. Là où les dispositions législatives ne rendent pas obligatoire le recours au référendum, on peut prévoir d'autres modes de consultation.

Article 6

Paragraphe 1

Le texte de ce paragraphe traite non pas de la constitution générale de la collectivité locale et de son conseil, mais plutôt de la manière dont ses services administratifs sont organisés. Si les dispositions législatives au niveau central ou régional peuvent fixer certains principes généraux de cette organisation, les collectivités locales doivent pouvoir agencer leurs propres structures administratives de manière à les adapter aux conditions locales et dans un souci d'efficacité administrative. Il est admis que les législations centrales ou régionales contiennent certaines prescriptions spécifiques, touchant, par exemple, la formation de certaines commissions ou la création de certains postes administratifs, mais ces dispositions doivent rester limitées de manière à ne pas imposer de structures organisationnelles rigides.

Paragraphe 2

Outre l'adéquation des structures de gestion, il est essentiel pour l'efficacité d'une collectivité locale que celle-ci soit en mesure de recruter et d'employer un personnel dont la qualité corresponde aux responsabilités que doit assumer cette collectivité. Il est clair que cela dépend dans une large mesure de la capacité de la collectivité en question d'offrir des conditions de service suffisamment favorables.

Article 7

Cet article a pour objet de garantir, d'une part, que les représentants élus ne soient pas empêchés par l'action d'une tierce partie de s'acquitter de leur mission et, d'autre part, que certaines catégories de personnes ne soient pas empêchées de présenter leur candidature par des considérations purement matérielles. Dans le cadre des considérations matérielles entrent le dédommagement financier adéquat des frais découlant de l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, des gains perdus et, particulièrement dans le cas de conseillers élus à des fonctions exécutives à plein temps, une rémunération ainsi que la couverture sociale correspondante. Dans l'esprit de cet article, on pourrait s'attendre, par ailleurs à ce que des dispositions soient prises pour la réintégration dans la vie professionnelle normale, à la fin de leur mandat, de ceux qui occupent un poste à plein temps.

Paragraphe 3

Ce paragraphe dispose que les cas d'incompatibilité avec l'exercice d'un mandat électif local doivent être fondés uniquement sur des critères juridiques d'objectifs et non sur des décisions ad hoc , ce qui signifie normalement que les cas d'incompatibilité sont fixés par la loi. On a toutefois relevé des cas de principes juridiques non écrits mais profondément ancrés et qui semblent assurer des garanties adéquates.

Article 8

Cet article traite du contrôle des activités des collectivités locales par les autorités d'autres niveaux. Il ne traite pas de la possibilité pour les particuliers d'engager des poursuites contre les collectivités locales et il ne traite pas non plus de la nomination ou des activités d'un Ombudsman ou d'un autre organe officiel chargé d'un rôle d'investigation. Les dispositions de cet article découlent avant tout de la philosophie de la supervision normalement associée aux «contrôles de tutelle», tradition établie de longue date dans un certain nombre de pays. Elles concernent des pratiques telles que des obligations d'obtenir l'autorisation préalable pour agir ou la confirmation pour que les actes prennent effet, le pouvoir d'annuler les décisions prises par une collectivité locale, le contrôle des comptes, etc.

Paragraphe 1

Le paragraphe 1 dispose que la tutelle doit reposer sur une base législative adéquate et exclut donc les procédures de contrôle ad hoc .

Paragraphe 2

Le contrôle doit normalement se limiter à la question de la légalité des actes des collectivités locales et non de leur opportunité. Une exception particulière, mais non la seule, est prévue dans le cas des fonctions déléguées où l'autorité à l'origine de la délégation peut souhaiter exercer un certain contrôle sur la manière dont la tâche est exécutée. Cela ne devrait pas, toutefois, avoir pour résultat d'empêcher la collectivité locale en question d'exercer un certain pouvoir d'adaptation conformément à l'article 4, paragraphe 5.

Paragraphe 3

Ce texte tire son inspiration du principe de «proportionnalité», selon lequel l'autorité de tutelle dans l'exercice de ses prérogatives est tenue de recourir à la méthode qui empiète le moins sur l'autonomie locale tout en permettant de parvenir au résultat désiré.

Étant donné que l'accès aux recours juridictionnels contre l'exercice abusif de la tutelle et des contrôles est couvert par l'article 11, l'établissement de dispositions précises quant aux conditions et aux modes d'intervention dans des situations spécifiques n'a pas été jugé essentiel.

Article 9

L'autorité en droit d'exercer certaines fonctions est dépourvue de sens si les collectivités locales sont privées des moyens financiers de remplir ces fonctions.

Paragraphe 1

Ce paragraphe tend à garantir que les collectivités locales ne soient pas privées de leur liberté de fixer les priorités en matière de dépenses.

Paragraphe 2

Le principe en question veut qu'il y ait un rapport adéquat entre les ressources financières à la disposition d'une collectivité locale et les missions qu'elle remplit. Ce rapport est particulièrement étroit dans le cas des fonctions qui lui ont été spécifiquement assignées.

Paragraphe 3

L'exercice d'un choix politique dans l'évaluation des avantages des services fournis par rapport au coût pour le contribuable local ou l'usager est un devoir fondamental des élus locaux. Il est reconnu que les législations centrales ou régionales peuvent fixer des limites globales aux pouvoirs des collectivités locales en matière fiscale; elles ne doivent pas, toutefois, empêcher le fonctionnement effectif de la responsabilité politique au niveau local.

Paragraphe 4

Certains impôts ou autres sources de financement des collectivités locales sont, par leur nature ou pour des raisons pratiques, relativement peu sensibles aux effets de l'inflation et à d'autres facteurs économiques. Une dépendance excessive à l'égard de ces impôts ou ressources peut mettre les collectivités locales en difficulté, étant donné que le coût de la prestation de services est directement influencé par l'évolution des facteurs économiques. Il est admis, toutefois que même dans le cas de sources de revenus relativement dynamiques, il ne peut y avoir de lien automatique entre l'évolution des coûts et celle des ressources.

Paragraphe 6

Lorsque les ressources redistribuées sont attribuées d'après des critères spécifiques définis par la loi, les dispositions de ce paragraphe seront respectées si les collectivités locales sont consultées au moment de l'élaboration de la législation en question.

Paragraphe 7

Du point de vue de la liberté d'action des collectivités locales les subventions globales ou même celles par secteur sont préférables aux subventions affectées à des projets spécifiques. Il ne serait pas réaliste de s'attendre que toutes les subventions pour des projets spécifiques soient remplacées par des subventions générales, particulièrement lorsqu'il s'agit d'investissements importants. Mais un recours excessif aux subventions pour des projets spécifiques limite beaucoup la liberté des collectivités locales dans le choix des dépenses prioritaires. Toutefois, la part des ressources totales que représentent les subventions varie considérablement d'un pays à l'autre et un rapport plus élevé entre subventions pour des projets spécifiques et subventions générales peut être considéré comme acceptable lorsque l'ensemble des subventions ne représente qu'une partie relativement faible des recettes totales.

La deuxième phrase de l'article 9.7 tend à garantir qu'une subvention à destination spécifique ne porte pas atteinte à la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.

Paragraphe 8

Il est important pour les collectivités locales d'avoir accès à des possibilités de crédit pour financer les investissements. Les sources possibles de ce financement dépendront toutefois inévitablement de la structure du marché des capitaux dans les différents pays, et les procédures et conditions d'accès à ces sources peuvent être fixées par la législation.

Article 10

Paragraphe 1

Ce paragraphe couvre la coopération entre collectivités locales sur une base fonctionnelle en vue notamment de renforcer leur efficacité par des projets en collaboration ou de mener à bien des missions qui dépassent la capacité d'une collectivité seule. Cette coopération peut prendre la forme d'un syndicat ou d'une fédération de collectivités, mais la législation peut fixer un cadre juridique à la création de tels organismes.

Paragraphe 2

Le deuxième paragraphe concerne les associations dont les objectifs sont plus généreux que les considérations fonctionnelles du paragraphe 1 et qui normalement tendent à représenter sur une base régionale ou nationale toutes les collectivités locales d'un type particulier. Le droit d'appartenir à des associations de ce type n'implique pas toutefois que le gouvernement central reconnaisse chacune de ces associations comme interlocuteur valable.

Dans un instrument du Conseil de l'Europe de ce genre il est normal que le droit d'appartenir à des associations au niveau national s'accompagne d'un droit parallèle d'appartenir à des associations internationales, dont un certain nombre travaillent activement à la promotion de l'unité européenne selon des axes conformes aux objectifs fixés par le Statut du Conseil de l'Europe.

L'article 10.2 laisse, cependant, à chaque Etat membre la définition des modalités, législatives ou autres, de la mise en oeuvre du principe.

Paragraphe 3

La coopération directe avec des collectivités locales d'autres pays à titre individuel doit aussi être possible, bien que les modalités de cette coopération doivent respecter les règles juridiques éventuellement en vigueur dans chaque pays et rester dans le cadre des compétences des collectivités en question.

Les dispositions de la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (21 mai 1980, STE n° 106) sont particulièrement pertinentes à ce propos, bien que certaines formes de coopération ne soient pas nécessairement limitées aux régions frontalières.

Article 11

Par voie de recours juridictionnel, on entend l'accès d'une collectivité locale :

a. à un tribunal dûment constitué, ou

b. à un organe équivalent créé par la loi, indépendant et habilité à statuer sur le point de savoir si une action, omission, décision ou autre acte administratif est conforme ou non à la loi ou, selon le cas, à donner son avis sur la décision à rendre.

Le cas d'un pays a été constaté où, bien que les décisions administratives ne puissent pas faire l'objet d'un recours ordinaire devant un tribunal, il est possible d'avoir recours à un remède extraordinaire appelé demande de réouverture de la procédure. Cette voie de recours judiciaire, qui est ouverte si la décision est basée sur une application manifestement incorrecte de la loi, est en accord avec les dispositions de cet article.

Article 12

La formulation des principes d'autonomie locale énoncés à la partie I de la Charte s'efforçait de concilier la grande diversité de systèmes juridiques et de structures des collectivités locales dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Néanmoins, il est reconnu que certains gouvernements peuvent encore rencontrer, sur le plan constitutionnel ou pratique, des difficultés qui les empêchent d'adhérer à certaines dispositions de la Charte.

En conséquence, le présent article adopte le système du "noyau obligatoire" déjà retenu dans la Charte sociale européenne, en prévoyant que les Parties à la Charte européenne de l'autonomie locale doivent adhérer à un minimum de vingt paragraphes sur les trente que compte la partie I de la Charte, dont dix au moins faisant partie d'un noyau de quatorze principes fondamentaux. Néanmoins, l'objectif final demeurant le respect de toutes les dispositions de la Charte, il a été spécifiquement prévu que les Parties puissent ajouter de nouveaux engagements au fur et à mesure qu'elles en ont la possibilité.

Article 13

En principe, les conditions énoncées à la partie I de la Charte concernant toutes les catégories ou tous les niveaux de collectivités locales existant dans chaque Etat membre. Elles peuvent aussi s'appliquer aux collectivités régionales là où il en existe. Néanmoins, la forme juridique ou le statut constitutionnel propre à certaines régions (en particulier les Etats fédérés) peuvent empêcher celles-ci d'être soumises aux mêmes conditions que les collectivités locales. En outre, dans un ou deux Etats membres il existe une catégorie de collectivités locales qui, en raison de leurs petites dimensions, n'exercent que des fonctions secondaires ou consultatives. Pour tenir compte de ces cas exceptionnels, l'article 13 autorise les Parties à exclure certaines catégories de collectivités du champ d'application de la Charte.

Article 14

Cet article est destiné à faciliter le contrôle de l'application de la Charte dans chaque Partie en créant pour celle-ci l'obligation de fournir toute information appropriée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe. Spécialement en l'absence d'organe spécifiquement chargé du contrôle de l'application de la Charte, il est particulièrement important que le Secrétaire Général puisse disposer de toute information concernant les changements de législation ou autres mesures pouvant avoir des répercussions importantes sur l'autonomie locale, telle qu'elle est définie dans la Charte.

Articles 15 à 18

Les dispositions finales qui font l'objet des articles 15 à 18 sont calquées sur le modèle de clauses finales pour les conventions et accords conclus au sein du Conseil de l'Europe.

ANNEXE III - SIGNATURES ET RATIFICATIONS

Charte européenne de l'autonomie locale


Traité ouvert à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe

Etats

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Renv.

R.

D.

A.

T.

C.

O.

Albanie

27/5/1998

4/4/2000

1/8/2000

Allemagne

15/10/1985

17/5/1988

1/9/1988

X

X

Andorre

Arménie

11/5/2001

25/1/2002

1/5/2002

X

Autriche

15/10/1985

23/9/1987

1/9/1988

X

Azerbaïdjan

21/12/2001

15/4/2002

1/8/2002

X

Belgique

15/10/1985

25/8/2004

1/12/2004

X

Bosnie-Herzégovine

12/7/2002

12/7/2002

1/11/2002

Bulgarie

3/10/1994

10/5/1995

1/9/1995

X

Chypre

8/10/1986

16/5/1988

1/9/1988

X

Croatie

11/10/1997

11/10/1997

1/2/1998

X

Danemark

15/10/1985

3/2/1988

1/9/1988

X

X

Espagne

15/10/1985

8/11/1988

1/3/1989

X

X

Estonie

4/11/1993

16/12/1994

1/4/1995

X

Finlande

14/6/1990

3/6/1991

1/10/1991

France

15/10/1985

Géorgie

29/5/2002

8/12/2004

1/4/2005

X

Grèce

15/10/1985

6/9/1989

1/1/1990

X

Hongrie

6/4/1992

21/3/1994

1/7/1994

X

Irlande

7/10/1997

14/5/2002

1/9/2002

X

Islande

20/11/1985

25/3/1991

1/7/1991

Italie

15/10/1985

11/5/1990

1/9/1990

X

Lettonie

5/12/1996

5/12/1996

1/4/1997

X

l'ex-République yougoslave de Macédoine

14/6/1996

6/6/1997

1/10/1997

Liechtenstein

15/10/1985

11/5/1988

1/9/1988

X

Lituanie

27/11/1996

22/6/1999

1/10/1999

Luxembourg

15/10/1985

15/5/1987

1/9/1988

Malte

13/7/1993

6/9/1993

1/1/1994

X

Moldova

2/5/1996

2/10/1997

1/2/1998

Monaco

Norvège

26/5/1989

26/5/1989

1/9/1989

Pays-Bas

7/1/1988

20/3/1991

1/7/1991

X

X

Pologne

19/2/1993

22/11/1993

1/3/1994

Portugal

15/10/1985

18/12/1990

1/4/1991

République tchèque

8/5/1998

7/5/1999

1/9/1999

X

Roumanie

4/10/1994

28/1/1998

1/5/1998

X

Royaume-Uni

3/6/1997

24/4/1998

1/8/1998

X

Russie

28/2/1996

5/5/1998

1/9/1998

Saint-Marin

Serbie

24/6/2005

55

Slovaquie

23/2/1999

1/2/2000

1/6/2000

X

Slovénie

11/10/1994

15/11/1996

1/3/1997

X

Suède

4/10/1988

29/8/1989

1/12/1989

X

Suisse

21/1/2004

17/2/2005

1/6/2005

X

Turquie

21/11/1988

9/12/1992

1/4/1993

X

Ukraine

6/11/1996

11/9/1997

1/1/1998

Nombre total de signatures non suivies de ratifications :

2

Nombre total de ratifications/adhésions :

41

Renvois :(55) Date de signature par l'union d'état de Serbie-Monténégro.
a.: Adhésion - s.: Signature sans réserve de ratification -

su.: Succession - r.: signature "ad referendum".
R.: Réserves - D.: Déclarations - A.: Autorités - T.: Application territoriale - C.: Communication - O.: Objection.

Source : Bureau des Traités sur http://conventions.coe.int

Ouverture à la signature

Lieu : Strasbourg

Date : 15 octobre 1985

Entrée en vigueur

Conditions : 4 ratifications

Date : 1 er septembre 1988

ANNEXE IV - QUESTION ÉCRITE DE M. JEAN PUECH

M. Jean PUECH , sénateur de l'Aveyron, attire l'attention de M. Dominique de VILLEPIN, Premier ministre, sur le fait qu'à ce jour, les instruments de ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale n'ont toujours pas été déposés. Près de six mois se sont pourtant écoulés depuis l'adoption par le Parlement de la loi n° 2006-823 du 10 juillet 2006 autorisant l'approbation de ce traité. Ce retard intervient après le long délai -plus de vingt ans- observé par la France entre sa signature, le 15 octobre 1985, et le lancement de la procédure de ratification. Cette ratification est désormais urgente. Elle consolidera, au plan européen, la relance du processus de décentralisation. La Charte européenne de l'autonomie locale constituera, d'autre part, un solide point d'appui pour donner un nouvel élan à notre démocratie territoriale et améliorer le statut des élus de proximité que sont les élus locaux. M. Jean PUECH souhaite donc connaître quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour accélérer les délais de ratification de la Charte.

* (1) Assemblée parlementaire consultative - résolution 37 du 11 mai 1953.

* (2) Plus de 200.000 collectivités européennes sont représentées. Les membres du Congrès sont choisis par les gouvernants. Ils se regroupent par délégation nationale et par groupe politique.

* (3) cf. voir intervention de M. Alain Delcamp lors du colloque organisé au Sénat sous le haut patronage de M. Christian Poncelet, Président du Sénat et du Conseil de l'Europe, le 26 juin 2001

* (4) Le Conseil constitutionnel est, heureusement, venu  « suppléer » au relatif silence de la Constitution. Toute collectivité territoriale doit être administrée par un conseil élu au suffrage universel direct ou indirect et « doté d'attributions effectives » (8 et 23 août 1985, 85-196 DC, évolution de la Nouvelle-Calédonie). La collectivité librement administrée doit disposer de moyens humains et financiers lui permettant d'être autonome, notamment par rapport à l'Etat (24 juillet 1991, 91-298 DC, loi DDOEF).

* (5) Dès 2002, au demeurant, le Conseil constitutionnel reconnaissait l'existence de ce « pouvoir » (CC, 17 janvier 2002, 2001-454 DC, loi relative à la Corse).

* (6) En dépit de la réforme constitutionnelle de 2003, la plupart des observateurs considèrent, cependant, que la France est demeurée un Etat « unitaire ». Ils se fondent notamment sur l'article 72 alinéa 6 de la Constitution qui dispose : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du gouvernement, a la charge des intérêts communs, du contrôle administratif et du respect des lois. »

* (7) Selon quelques auteurs, les lois françaises de décentralisation de 1982-1983 ont supprimé la « vocation générale » traditionnelle des collectivités territoriales françaises. Selon eux, la rédaction issue de la loi du 7 janvier 1983 de l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales (« les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leurs compétences ») signifie que les conseils élus ne peuvent régler que les affaires relevant de compétences limitativement énumérées.

Pour la majorité des auteurs, cependant, les articles L. 2121-29 (communes), L. 3211-1 (départements) et L. 4221-1 (régions) du CGCT doivent être « lus » comme réaffirmant la clause traditionnelle de compétence générale des conseils municipaux et généraux et consacrant celle des conseils régionaux.

* (8) La loi du 27 février 2002 prévoit aussi la création obligatoire de cette commission consultative dans les EPCI de plus de 50.000 habitants et dans les syndicats mixtes comprenant au moins une commune de plus de 10.000 habitants.

* ( 9 ) En France, l'article 72 alinéa 6 de la Constitution énonce que dans les collectivités territoriales, le représentant de l'Etat a la charge du contrôle administratif.

* (10) La loi organique n° 2003-705 du 1 er août 2003 prévoit qu'un projet est adopté si la moitié au moins des électeurs inscrits participent au scrutin et s'il obtient la majorité des suffrages exprimés. La première consultation de ce type a été organisée le 6 juillet 2003 sur le nouveau statut de la Corse. Comme on s'en souvient, les électeurs ont émis un vote de désapprobation.

* (11) Au niveau de l'Union européenne, on sait que la notion est utilisée pour déterminer la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres.

* (12) Jean Rivero. Rapport de synthèse du colloque organisé à Aix-en-Provence en octobre 1980.

* (13) Pays, dans lequel, en 2004, les dépenses des collectivités locales et de leurs groupements représentaient 60 % du budget de l'Etat.

* (14) Cet Acte II fut précédé par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et notamment son volet relatif aux conditions d'exercice des mandats locaux largement inspiré, au demeurant, par des propositions d'origine sénatoriale.

* (15)  Le 14 janvier 1994, la Conférence permanente est devenue, après reforme, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE), en reconnaissance de son rôle politique.

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