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La validation législative tend à soustraire au risque d'annulation par le juge un acte ou une série d'actes qui sont généralement des actes administratifs.

Elle a pour caractéristique d'avoir une portée rétroactive , ce qui la rend suspecte de porter atteinte à la sécurité juridique et a conduit le Conseil constitutionnel à définir un ensemble de critères à l'aune desquels la mesure de validation est appréciée. La jurisprudence du juge constitutionnel, et encore davantage celles du Conseil d'État et de la Cour de cassation, influencées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, ont évolué dans le sens d'une plus grande fermeté .

Variant de quelques unités à une vingtaine chaque année au cours de la dernière décennie 1 ( * ) , les mesures de validation sont le plus souvent disséminées dans les textes de loi mais peuvent également faire l'objet d'une loi spécifique 2 ( * ) .

I. LE CHAMP DE LA VALIDATION LÉGISLATIVE

1. Le caractère rétroactif de la validation

En dépit de l'article 2 du code civil qui prévoit que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif, l'objectif même d'une mesure de validation est d'avoir un effet rétroactif et de purger une irrégularité afin de couper court à toute contestation fondée sur cette irrégularité. En effet, cette disposition du code civil ayant simple valeur législative, elle peut être écartée par la loi, une loi pouvant défaire ce qu'une autre loi a fait précédemment.

L'interdiction demeure cependant en matière pénale en application de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, aux termes duquel « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit ».

Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale s'interprète largement : les lois de validation ne peuvent donner rétroactivement de fondement légal à des sanctions pénales ainsi qu'à toute mesure ayant le caractère d'une punition (ex. : l'article 6 de la loi n° 2002-322 du 6 mars 2002 portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie valide les actes pris en application de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes, à l'exception de ceux ayant le caractère d'une sanction).

2. L'objet de la validation

La diversité des actes soumis à validation doit être soulignée : s'il s'agit le plus souvent d'actes de nature administrative, la validation a pu également concerner des actes privés, y compris en matière contractuelle .

La validation peut ainsi viser un acte administratif, réglementaire ou non, ainsi que ses mesures d'application ou les mesures qui en découlent :

- ex. : le décret autorisant l'institution de la redevance pour l'usage de l'ouvrage d'art du « boulevard périphérique Nord de Lyon » et les délibérations du conseil de la communauté urbaine de Lyon décidant l'institution de cette redevance (article 67 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale) ;

- ex. : les documents d'urbanisme établis par les communautés urbaines ainsi que tous les actes administratifs pris sur leur fondement (article 9 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière) ;

- ex. : les actes par lesquels l'État a confié la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de paiement de programmes relevant de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne, ainsi que l'ensemble des actes pris sur leur fondement (II de l'article 44 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales).

Outre les validations en cascade , le législateur procède parfois à des validations en série :

- ex. : l'article 82 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale valide ainsi sous treize rubriques distinctes, dans le domaine sanitaire et social, des décisions de reclassement, différentes catégories de nominations, des décisions d'affectation, des appels de cotisations, des décisions individuelles d'admission à la retraite...

La validation tend quelquefois à confirmer par la loi un acte réglementaire dont la régularité est douteuse :

- ex. : le décret qui a attribué au conseil de direction de l'Institut d'études politiques compétence pour fixer les conditions d'admission des élèves (article 14 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel).

Enfin, si la validation a le plus souvent pour objectif de mettre à l'abri de tout risque d'annulation des actes déjà intervenus, elle se projette parfois dans l'avenir en validant par anticipation des actes qui n'ont pas encore été pris lorsque la régularisation de la situation ne peut être immédiate :

- ex. : l'article 53 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité valide non seulement les actes réglementaires, décisions, accords, contrats et marchés signés par les services nationaux Électricité de France ou Gaz de France mais également ceux qui seront signés jusqu'à ce que les nouvelles délégations de compétences soient établies, et, au plus tard, jusqu'au terme d'une période de deux mois suivant la date de publication de la loi.

Au-delà des concours de l'enseignement supérieur et de la fonction publique, les validations ont trouvé de multiples domaines d'élection tels que l'activité des collectivités territoriales, en particulier en matière d' urbanisme , le domaine sanitaire et social ou encore le domaine fiscal . Il est même arrivé récemment qu'une mesure de validation soit prise pour régulariser la ratification d'un accord international intervenue, à tort, par simple décret sans autorisation préalable du législateur (validation de l'adhésion de la France à la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946 : article 2 de la loi n° 2003-1367 du 31 décembre 2003 autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale).

En dehors des matières concernées, l'objet même des validations s'est également diversifié : portant traditionnellement sur des actes administratifs , la validation peut également concerner des procédures ou encore des actes relevant des relations de droit privé , y compris en matière contractuelle.

Outre les exemples précités, des validations ont ainsi pu porter au cours des dernières années sur :

- des décisions de délivrance de grades dans plusieurs disciplines d'arts martiaux (article 2 de la loi n° 99-493 du 15 juin 1999 relative à la délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux) ;

- des contrats de prêts immobiliers (article 115 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière) ;

- les actes pris en application des conventions nationales des médecins généralistes et des médecins spécialistes ainsi que les appels de cotisation du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles (articles 40 et 52 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle) ;

- des décisions de promotion au grade de premier surveillant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ainsi que des émoluments perçus par des huissiers de justice (articles 5 et 6 de la loi n° 99-957 du 22 novembre 1999 portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable) ;

- des versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne sur le lieu de travail (article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail) ;

- des conventions passées par des collectivités territoriales ou leurs groupements (article 62 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains) ou, en matière de baux d'habitation, des congés fondés sur la décision de vendre le logement (article 190 de la même loi) ;

- des procédures de contrôle en matière de procédure de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (articles 8 et 13 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001) ;

- des décisions individuelles concernant les personnels du Conseil supérieur de la pêche ainsi que des listes d'admission aux concours de techniciens de cet organisme (article 22 de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale) ;

- des impositions perçues sur le territoire de la Polynésie française au titre de la contribution foncière sur les propriétés bâties (loi organique n° 2002-161 du 11 février 2002 portant validation de l'impôt foncier sur les propriétés bâties en Polynésie française) ;

- des indemnisations des gardes effectuées par les internes en médecine dans les établissements publics de santé au titre des exercices 1998 à 2001 (article 24 de la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003) ;

- des plans locaux d'urbanisme ou documents d'urbanisme en tenant lieu (article 25 de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat) ;

- des servitudes de libre passage des engins d'entretien dans le lit ou sur les berges des cours d'eau non domaniaux (article 55 de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages) ;

- des transactions conclues par les établissements publics EDF et GDF (article 31 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières) ;

- des nominations intervenues à la suite du concours national de praticien hospitalier et des nominations de représentants des usagers du système de santé dans les instances hospitalières (articles 142 et 158 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique) ;

- des cotisations dues au titre des rémunérations versées avant le 1 er janvier 2005 aux particuliers inscrits au registre des entreprises de transport routier de personnes et effectuant du transport scolaire (article 63 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux) ;

- la prolongation du classement du parc naturel régional du Verdon (article 231 de la même loi) ;

- des tableaux portant avancement dans l'armée d'active, des décisions prises sur leur fondement et des promotions au grade d'officier général (article 89 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires) ;

- des actes réglementaires, décisions, accords, contrats et marchés pris ou passés par l'établissement public Aéroports de Paris avant le 1 er janvier 2003 (article 16 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports).

* 1 Inférieur à la dizaine de 1999 à 2001, le nombre de mesures de validation approche la vingtaine en 1998 ou 2002. Les lois publiées au cours de l'année 2005 contiennent une quinzaine de ces mesures (une douzaine en 2004), dont six pour la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Il est difficile d'en établir un décompte objectif car un article de loi peut procéder à une série de validations purgeant différents types d'actes de différentes illégalités, ces actes traitant cependant d'un même sujet.

* 2 Ex. : loi organique n° 2002-161 du 11 février 2002 portant validation de l'impôt foncier sur les propriétés bâties en Polynésie française.

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