Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mercredi 4 février 2004


Table des matières

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Politique régionale


Politique régionale

Les perspectives d'évolution
de la politique de cohésion après 2007

Rapport d'information de MM. Yann Gaillard et Simon Sutour
(résumé)

M. Yann Gaillard :

La délégation a demandé, au mois d'octobre dernier, à notre collègue Simon Sutour et à moi-même, de préparer un rapport d'information sur la politique européenne de cohésion, appelée aussi politique régionale ou politique structurelle, après 2006. En effet, les règlements qui régissent actuellement cette politique seront caducs au terme de la période 2000-2006, si bien que les institutions européennes doivent s'attacher dès à présent à la préparation d'une nouvelle programmation pour la période 2007-2013.

Dès le mois de novembre dernier, nous avons donc rencontré le commissaire chargé de la politique régionale, Michel Barnier, des membres de la direction générale du budget et de la direction générale de la politique régionale de la Commission européenne, des représentations permanentes de plusieurs de nos partenaires (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni) et Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne. Nous avons également rencontré Nicolas Jacquet, délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, et des fonctionnaires de la direction du budget du ministère de l'économie et des finances. Enfin, nous avons eu des entretiens avec notre collègue Serge Vinçon et notre collègue député Marc Laffineur, chargés par le Premier Ministre d'un rapport sur les prochaines perspectives financières 2007-2013 de l'Union, dont la politique régionale constitue le volet le plus important et le plus délicat.

Ainsi, nous étions prêts dès le mois de novembre, mais la Commission européenne ne l'était pas, ou du moins ne souhaitait pas présenter ses propositions à cette époque. Je pense que cela s'explique par trois éléments : la Commission n'a pas souhaité perturber la négociation sur le projet de Constitution européenne, la lettre des six pays contributeurs nets au budget de l'Union demandant la stabilisation du budget européen à 1 % du revenu national brut (RNB) communautaire a perturbé sa réflexion, enfin la Commission était elle-même très divisée sur cette question et a eu besoin de temps pour parvenir à un accord. Elle a donc décidé de présenter, le 11 février prochain, ses propositions sur les futures perspectives financières 2007-2013 devant le Parlement européen et, le 18 février prochain, les propositions qui en découlent pour la politique régionale.

Nous avons pensé que nous ne pouvions tarder davantage et nous avons décidé de ne pas attendre les propositions officielles de la Commission européenne pour vous présenter nos conclusions, mais nous n'évoquerons ces propositions, qui sont désormais largement connues, que dans un style conditionnel.

Avant de présenter nos conclusions, je souhaite rappeler que les perspectives financières, et donc l'avenir de la politique de cohésion, doivent faire l'objet d'un accord interinstitutionnel c'est-à-dire d'un accord politique informel entre la Commission européenne, le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen. Le Conseil doit se prononcer à l'unanimité, même si le projet de Constitution propose d'introduire, à partir de 2013, la règle de la majorité.

Concernant le calendrier, il faut préparer dès la fin de 2005 le premier budget de la programmation 2007-2013. Pour la période 2000-2006, l'accord n'était intervenu qu'en mars 1999, ce qui avait entraîné des retards de programmation et une sous-consommation des crédits en 2000 et 2001. La présidence irlandaise a ainsi prévu de proposer au prochain Conseil des 25 et 26 mars prochain un calendrier de négociations. Celui-ci est toutefois soumis à deux aléas : la relance de la négociation sur la Constitution - puisqu'il paraît difficile de mener de front négociation institutionnelle et négociation financière - et la mise en place de la nouvelle Commission européenne au 1er novembre 2004, qui devra reprendre le dossier. Ces aléas laissent à craindre que, comme pour la période 2000-2006, la négociation prenne du retard.

Je vous présenterai tout d'abord la problématique et les enjeux de la négociation sur la politique de cohésion ; puis Simon Sutour vous présentera les différentes issues possibles de la négociation et leurs conséquences, ainsi que notre conclusion.

Les enjeux se situent à trois niveaux :

- un niveau européen : quel budget de l'Union pour le financement de la politique de cohésion dans une Europe élargie ?

- un niveau national : quelle sera l'incidence de l'évolution de la politique de cohésion sur notre contribution au budget communautaire ?

- un niveau régional : quels soutiens communautaires les régions françaises peuvent-elles espérer après 2006 ?

En ce qui concerne l'enjeu européen, je rappelle que la politique de cohésion est le deuxième poste de dépenses budgétaires après la politique agricole. Le budget de l'Union s'établit aujourd'hui à 1 % du RNB communautaire, avec une politique agricole représentant 0,44 % du RNB et une politique de cohésion à 0,35 % du RNB, le reste étant affecté aux politiques internes (justice, recherche, etc) et aux actions extérieures. À la suite des accords de Bruxelles, la part attribuée à la politique agricole est fixée à 0,44 % du RNB jusqu'en 2013. De plus, il existe une forte pression, de la part de la Commission européenne et des États membres, pour augmenter les budgets de la recherche, de la justice et de la politique extérieure. Enfin, l'élargissement est un défi pour la politique de cohésion puisque les écarts de richesse entre les quinze États membres actuels et les nouveaux entrants sont très importants.

Ainsi, deux instruments de la politique structurelle, l'objectif 1, qui finance les régions dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, et le fonds de cohésion, dont bénéficient les États dont le produit national brut (PNB) par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire, vont être soumis à une forte pression en raison de ces nouvelles adhésions. Au-delà, jouera un effet statistique, puisque l'arrivée de pays plus pauvres abaissera le PIB moyen de l'Union, en excluant ainsi dix-huit régions aujourd'hui éligibles à l'objectif 1, mais qui dépasseront désormais le seuil de 75 % du PIB communautaire. Pour le fonds de cohésion, l'Espagne se trouvera, du fait de l'élargissement, au-dessus de la moyenne de 90 % du PNB communautaire, ce qui lui fera perdre l'équivalent de 11 milliards d'euros reçus entre 2000 et 2006.

L'enjeu pour le budget de la politique de cohésion est donc très important : si les règles actuelles étaient appliquées aux dix nouveaux États membres, ce budget devrait être augmenté de 0,20 % du RNB communautaire, alors qu'il en représente aujourd'hui 0,35 %. Il serait évidemment possible de compenser la hausse du budget résultant des dix nouvelles adhésions par une diminution équivalente des fonds accordés aux quinze actuels États membres, mais, dans ce cas, la France ne recevrait plus rien. Enfin, le budget global de l'Union pourrait être augmenté, mais cette solution se heurte à la volonté des États contributeurs nets au budget communautaire de stabiliser celui-ci à son niveau actuel, c'est-à-dire à 1 % du RNB, volonté matérialisée par la lettre cosignée par le Royaume-Uni, l'Autriche, l'Allemagne, les Pays-Bas, la France et la Suède, que l'on appelle le groupe des « six ».

Avec un budget global stabilisé à 1 % du RNB communautaire, un budget agricole stabilisé à 0,44 %, et des politiques internes et externes en augmentation, la politique de cohésion est la seule variable d'ajustement. Il existe donc un risque très fort que celle-ci soit concentrée sur les nouveaux États membres, et qu'un pays comme la France, mais aussi l'Espagne, ne perçoive plus grand-chose au titre de cette politique.

La Commission européenne devrait présenter le 11 février prochain une solution globale différente. Elle proposerait en effet de porter le plafond de dépenses pour 2007-2013 autour de 1,24 % du RNB. A l'intérieur de cette enveloppe, la politique régionale serait portée à 0,40 % du RNB.

Il existe donc deux positions :

- celle des pays contributeurs nets - dont la France - qui veulent bloquer le budget à 1 % du RNB communautaire et, conséquence logique, même si elle n'est jamais exprimée comme telle, réduire le budget de la cohésion et le concentrer sur les nouveaux Etats membres ;

- et celle de la Commission européenne, soutenue par les dix nouveaux adhérents, ainsi que l'Espagne, le Portugal, la Grèce, - la Belgique et la Finlande à un moindre degré - pour un budget à 1,24 % du RNB communautaire et une politique de cohésion en augmentation.

Ceci va donner lieu à une négociation bien sûr difficile, rendue encore plus difficile par les débats sur le pacte de stabilité qui vont certainement contribuer à raidir la position allemande, et par la position très intransigeante des Pays-Bas, dont la coalition au pouvoir refuse toute augmentation du budget de l'Union.

Si compromis il y avait, il pourrait être trouvé dans un mécanisme d'écrêtement généralisé des soldes, une sorte de « chèque britannique » pour tous. Il serait cependant assez paradoxal, d'une part, de parler de cohésion et de solidarité, et d'autre part, d'introduire un mécanisme financier de cette nature, qui est le contraire de la solidarité.

J'en viens maintenant à l'enjeu pour la France. Cet enjeu est double : un enjeu d'aménagement du territoire et un enjeu budgétaire. Je me contenterai de deux remarques :

- sur la période 2000-2006, les fonds structurels représentent, pour la France, 15,6 milliards d'euros. Sur la même période, les contrats de plan État-Régions s'élèvent à 17 milliards d'euros. La politique structurelle européenne représente donc presque 50 % de ce que reçoivent les régions pour l'aménagement de leur territoire. Si, de surcroît, les contrats de plan disparaissent, soit en raison du processus de décentralisation, soit pour de simples raisons budgétaires, vous voyez ce qui pourrait rester aux collectivités locales à partir de 2007.

- toutes les régions sont concernées par cette politique structurelle, comme en témoigne la carte figurant dans notre rapport.

Quel est l'enjeu budgétaire pour la France ? Pour tous nos partenaires, parmi les pays dits « riches », l'enjeu de cette négociation est simple : il se résume en « comment faire payer la France ? ». Actuellement, notre contribution nette au budget de l'Union est la plus faible des pays « riches », ce que nos partenaires jugent comme une anomalie. Il existe aussi, en arrière-plan, la volonté de faire payer à la France une part accrue de l'accord sur la politique agricole commune. À politiques constantes - PAC, politique de cohésion, compensation du chèque britannique -, le ministère de l'économie et des finances estime que, à moyen terme, notre contribution nette au budget de l'Union pourrait être multipliée par trois pour atteindre l'équivalent de 0,5 point de PIB, ce qui serait évidemment très lourd pour nos finances publiques.

Comment considérer, dans ce contexte budgétaire, la question de l'évolution à moyen terme de la politique de cohésion ? Deux réponses sont possibles :

- la première, qui est privilégiée par la direction du budget, est de limiter au maximum cette politique de cohésion, puisqu'elle nous coûte beaucoup plus qu'elle ne nous rapporte (le rapport est de 1 à 2,5 environ, c'est-à-dire 1 euro de retour pour 2,5 euros de contribution).

- la seconde consiste à dire que le taux de retour sur l'objectif 2 - qui est le volet de la politique régionale qui s'adresse à toutes les régions françaises - est très favorable à la France. L'intérêt de la France se trouverait ainsi dans une répartition du budget de la politique de cohésion qui soit la plus favorable possible à un instrument de type objectif 2. Nous avons en effet un « taux de retour » de 7 % pour la politique régionale, mais de 22 % pour l'objectif 2.

C'est précisément ce deuxième modèle que, à l'initiative de Michel Barnier, la Commission a retenu.

M. Simon Sutour :

Effectivement, le collège des commissaires a adopté, à une voix de majorité, la philosophie et les grandes lignes du futur modèle de cohésion, tel que le lui proposait Michel Barnier. Avec les services de la direction générale de la politique régionale, Michel Barnier a mené un large travail de concertation auprès des acteurs nationaux et locaux, dont il est ressorti que la politique régionale était extrêmement appréciée, mais devait être rénovée. La philosophie est que la politique régionale doit aider les régions les plus défavorisées, mais qu'elle doit aussi être au service de la croissance et de la compétitivité, et des objectifs de Lisbonne et Göteborg (compétitivité, innovation et développement durable), et donc intervenir en soutien de projets structurants dans toutes les régions d'Europe, y compris dans les pays riches. Enfin, des bonus seraient toujours accordés aux zones à handicap géographique permanent, comme nos départements d'outre-mer, les îles, les zones de montagne, les zones à très faible densité de population.

Par ailleurs, tirant les leçons du passé, la Commission européenne propose de simplifier la politique de cohésion avec la suppression du zonage (sans supprimer les divisions infra-régionales) et l'allégement des contrôles, et de la « concentrer » en fixant des seuils minimaux d'intervention et en ciblant les actions autour de trois thématiques : l'innovation et l'économie de la connaissance ; l'environnement et la prévention des risques naturels ; enfin l'accessibilité aux réseaux de transport ou de technologie de l'information et de la communication.

Concernant le financement, la Commission européenne proposerait que le budget de la politique de cohésion représente 0,40 % du RNB communautaire, ce qui correspondrait à une augmentation réelle de 30 % par rapport à la période 2000-2006.

Comment les États membres vont-ils réagir à cette proposition, puisque c'est une décision qu'il faudra prendre à l'unanimité ?

Deux groupes de pays se distinguent clairement : d'une part, le groupe des « six », plus le Danemark et l'Italie, pour lesquels cette proposition de la Commission n'est pas compatible avec un souci de rigueur budgétaire ; d'autre part, les autres pays.

Au sein du groupe des six, il existe toutefois des positions très différentes. D'un côté le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Suède considèrent qu'il faut renationaliser la politique régionale, c'est-à-dire qu'il faut aider les pays pauvres (les dix pays de l'élargissement ainsi que le Portugal et la Grèce), mais que cela doit s'arrêter là, à charge pour chaque gouvernement national d'aider ses régions pauvres. C'est une position qui a sa cohérence, mais qui, dans le contexte politique du Conseil, n'est pas crédible. D'un autre côté, l'Allemagne souhaite que l'Europe continue à aider les Länder de l'Est, et elle a donc une position un peu moins rigoureuse. Enfin, la France, d'un côté souhaite la rigueur budgétaire, mais d'un autre côté est attachée à un objectif 2 qui lui profite largement. Cette double position française n'est pas parfaitement cohérente : on ne peut pas à la fois souhaiter la rigueur pour la politique de cohésion et le maintien d'un objectif 2 substantiel.

Quelles conclusions en tirer pour le déroulement de la négociation ? Je pense que la France, pour les raisons que je viens d'expliquer, est dans une position difficile ; ensuite que l'autre pays « clef » est l'Espagne, qui a encore plus à perdre que la France. Dans la proposition de la Commission européenne, l'Espagne perd environ la moitié de ce qu'elle percevait sur 2000-2006. Il lui sera difficile d'accepter ce sacrifice.

On ne peut guère aujourd'hui prévoir l'issue de ces négociations. C'est pourquoi, nous vous proposons trois scénarios, qui permettent d'illustrer les solutions possibles :

- un scénario de rigueur extrême, compatible avec la stabilisation du budget global à 1 % du RNB communautaire ;

- un scénario qui correspond à la proposition de la Commission européenne, c'est-à-dire un budget de la cohésion à 0,40 % du RNB communautaire ;

- un scénario intermédiaire, à mi-chemin arithmétiquement parlant entre les deux autres scénarios, mais - il faut être clair - qui n'est pas, dans notre esprit, un scénario de compromis.

Il faut savoir que, en prix 2004, la France aura reçu au total 17,2 milliards d'euros sur la période 2000-2006 grâce à la politique de cohésion et qu'elle aura contribué à hauteur de 44,7 milliards d'euros à cette politique, soit un coût net de 27,4 milliards d'euros, ou encore 3,9 milliards par an.

Dans le scénario de rigueur extrême, la France ne recevrait quasiment rien, mais elle financerait cette politique à hauteur de 5,1 milliards d'euros par an, soit 0,28 % de son PIB.

Dans le scénario de la Commission, la France recevrait 14,1 milliards d'euros sur 2007-2013, à comparer aux 17,2 milliards de 2000-2006, ce qui permettrait encore de financer dans nos régions une politique de développement ambitieuse. En contrepartie, cela lui coûterait 6 milliards d'euros net par an.

Entre cette contribution nette annuelle de 6 milliards d'euros et les 5,1 milliards d'euros du premier scénario, je note que la différence est de 0,9 milliard d'euros : cette somme est en quelque sorte le prix à payer par la France pour le maintien d'une politique régionale ambitieuse en faveur de nos régions.

En conclusion, nous avons essayé de répondre de manière cohérente à trois questions :

- quel intérêt budgétaire pour la France ?

- quel intérêt pour nos régions ?

- quel intérêt pour la construction européenne ?

Sur l'intérêt budgétaire de la France, nous disons la chose suivante : dès lors que la France assurera une part inévitablement élevée de la future politique de cohésion, pourquoi ne défendrait-elle pas d'entrée de jeu un instrument de type objectif 2, puisqu'elle en sera le principal bénéficiaire, et que cet objectif 2 sera la variable d'ajustement de la négociation qui s'engage ?

Sur l'intérêt de nos régions, la réponse est beaucoup plus facile : quel gouvernement pourrait garantir à ses régions sept années de financement comme le fait l'Union européenne ? Il ne peut y avoir de politique régionale stable sans financement communautaire.

Concernant enfin le rôle de la politique de cohésion dans la construction européenne, il y a une tentation fâcheuse, dans notre pays, à considérer qu'une page doit être tournée avec l'élargissement, que l'effort de l'Union doit être consacré aux nouveaux adhérents, et que son intervention dans les pays dits « riches » est inutile.

Cette position aurait pour conséquence d'associer, dans l'esprit de nos concitoyens, élargissement de l'Union et appauvrissement. L'échelon européen est désormais totalement intégré à la structure des pouvoirs dans la conscience des habitants de l'Union et ils trouvent légitime que celle-ci, en contrepartie des contraintes supplémentaires qu'elle induit, contribue à leur développement.

Même sur le territoire actuel de l'Union à quinze, des zones méritent toujours l'aide des fonds structurels européens, de sorte que la solidarité doit encore s'exercer à leur profit. Et, même si on peut le regretter, cette solidarité n'est pas mise en oeuvre au niveau national, mais au niveau communautaire.

C'est pourquoi nous concluons que notre pays doit soutenir clairement les propositions de la Commission européenne concernant l'avenir de la politique régionale.

J'indique enfin que nous avons volontairement laissé de côté dans ce rapport des questions importantes comme le lien entre politique de cohésion et politique de la concurrence ou encore l'idée d'interdire l'utilisation des aides régionales dans les nouveaux pays adhérents, lorsqu'elles servent à financer des délocalisations. Notre ambition était de traiter la problématique générale et non les futures conditions de mise en oeuvre.

Compte-rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

Je tiens à féliciter les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui permet d'aborder un sujet important en amont, pour lequel il est indispensable que les autorités françaises soient mobilisées. Je crois qu'il est souhaitable que nous fassions la plus large diffusion de ce rapport, notamment auprès des collectivités territoriales de nos départements.

M. Bernard Frimat :

Je m'associe aux félicitations du président Hubert Haenel. Il s'agit d'un très bon rapport, d'une grande clarté, sur un sujet difficile et technique. Je souligne la double contrainte qui pèse sur la politique de cohésion, résultant du souhait de limiter le budget de l'Union à 1 % du RNB communautaire et de maintenir le budget de la politique agricole commune à 0,44 % du RNB jusqu'en 2013, tout en souhaitant faciliter à l'avenir la recherche et la justice. Il faut se souvenir que la politique de cohésion est née avec le paquet « Delors I » et l'élargissement de l'Europe à l'Espagne, au Portugal et à la Grèce, même si l'Irlande a également bénéficié de cette politique. Il serait paradoxal que l'élargissement à dix nouveaux États fasse disparaître la politique de cohésion ! La prise en compte d'un « juste retour » sert à justifier une volonté de nationaliser la politique régionale, alors même que la France a besoin d'une politique de cohésion forte, et doit soutenir les fonds de l'objectif 2, qui risquent d'être la variable d'ajustement. Dans ma région, le Nord-Pas-de-Calais, nous connaissons bien les zones en restructuration, et l'aide apportée par les fonds structurels. Il serait dramatique que, par un effet mécanique, des régions dont la situation économique et sociale ne s'est pas améliorée voient disparaître l'aide européenne.

M. Maurice Blin :

J'ai beaucoup apprécié la qualité du travail effectué par les deux rapporteurs. La région à laquelle j'appartiens a tiré un modeste parti des fonds européens. D'une manière générale toutefois, la France a bénéficié des crédits de la cohésion et l'on peut se demander s'il n'est pas légitime qu'elle laisse désormais la place à des pays moins favorisés. La croissance économique européenne n'est plus celle des années passées, les recettes budgétaires sont en baisse et il semble difficile à l'Union européenne tout à la fois de préserver sa politique agricole, son niveau de fonds structurels et d'aider les nouveaux pays adhérents. Je m'interroge plus particulièrement sur trois points : le niveau de consommation des crédits, traditionnellement très bas dans notre pays et critiqué par nos partenaires européens, les fonds européens qui pourraient être alloués à des projets culturels et enfin l'hypothèse d'une relance de la politique de grands travaux en ciblant les fonds européens sur deux ou trois grands projets d'intérêt communautaire.

M. Yann Gaillard :

Notre collègue Maurice Blin a une vision financière rigoureuse que légitime la situation actuelle des finances publiques. Il est exact que notre rapport n'insiste pas sur les raisons de la sous-consommation des fonds européens. De même, il existe effectivement une contradiction entre le souhait de maîtriser la contribution française au budget de l'Union européenne et la volonté de maintenir une politique structurelle forte, comme l'a également souligné Bernard Frimat. Ce qui me semble essentiel, c'est la visibilité de la politique européenne : si l'Europe n'apporte plus rien à nos régions, nos citoyens risquent de s'en détourner.

M. Hubert Haenel :

À propos du rythme de consommation des fonds européens, je rappelle que la région Alsace expérimente actuellement une décentralisation de la gestion de ces fonds, et que cela semble efficace.

M. Simon Sutour :

Le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale nous a donné des chiffres témoignant de l'amélioration du rythme de consommation des fonds européens dans notre pays. La France n'est pas directement en concurrence avec les nouveaux pays adhérents qui bénéficieront de l'objectif 1 et du fonds de cohésion, puisqu'elle n'en bénéficie plus, à l'exception du « phasing-out » du Hainaut-Valenciennois et de la Corse. L'Allemagne et l'Espagne sont plus directement concernées. Je crois, comme Yann Gaillard, que l'Europe ne doit pas être perçue par nos concitoyens seulement comme un ensemble de contraintes. Il faut rappeler qu'aujourd'hui l'État distribue les fonds européens pour financer les contrats de plan État-Régions comme s'il s'agissait de ses propres crédits.

M. Lucien Lanier :

Le rapport est à la fois complet, intéressant et clair. Je m'interroge toutefois sur l'influence du Parlement européen qui sera élu en juin prochain, avec des députés des nouveaux pays adhérents, sur la définition de la nouvelle politique régionale. Il ne me semble pas judicieux que la France se montre très parcimonieuse, en prônant, par exemple, une « renationalisation » de la politique structurelle, si elle a toutes les chances d'être mise en minorité.

M. Simon Sutour :

L'hypothèse de la renationalisation de la politique régionale est évoquée, et défendue par la Grande-Bretagne notamment, mais ce n'est pas la position française. Si cette hypothèse peut être intellectuellement séduisante, elle n'est pas applicable en pratique.

M. Pierre Fauchon :

Nous passons notre temps à refuser de voir la vérité et, lorsque nous la voyons, à ne pas la reconnaître. La renationalisation de la politique de cohésion signifierait le refus de toute politique européenne, le cantonnement de l'Europe au marché commun. Il existe un écart croissant entre les discours en faveur de l'Europe et la réalité : j'en prends pour exemple la lenteur avec laquelle notre pays transpose les directives communautaires ou encore, il y a quelques années, notre refus d'harmoniser la réglementation de l'aviation civile au nom de la subsidiarité, alors que c'est par essence même un domaine communautaire.

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À l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication de ce rapport sous le n° 204 (2003-2004), disponible sur Internet à l'adresse suivante :

www.senat.fr/rap/r03-204/r03-204.html