M. Wallon

" A Versailles, dans la salle du théâtre Louis XV, le 30 janvier 1875, à 18 h 45, le président de l’Assemblée nationale annonce le résultat du scrutin sur l’article additionnel que M. Wallon a proposé d’insérer après l’article premier du projet de loi constitutionnelle sur l’organisation des pouvoirs publics, et aux termes duquel " le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. ". L’amendement est adopté par 353 voix contre 352 : le mot " République " entre donc dans la loi constitutionnelle. Wallon y gagnera le surnom de " Père de la Constitution " et l’histoire dira que la IIIème République a été fondée à une seule voix de majorité. Ce qui n’est pas tout à fait exact, car l’ensemble de la loi où figure le texte proposé par Wallon sera adopté beaucoup plus largement : or c’est là le vote juridiquement décisif. "

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" Le 30 janvier, c’est l’adoption, à une voix de majorité de l’amendement Wallon, dont le principal mérite, comme l’a dit son auteur, est de " prendre ce qui existe " et qui, placé après l’article premier de la loi, présente une allure en quelque sorte incidente, et n’a aucunement le ton d’une proclamation de principe. Par la porte ainsi ouverte, beaucoup d’autres suffrages vont passer : la loi relative au Sénat est adoptée le 24 février par 435 voix contre 234, la loi sur l’organisation des pouvoirs publics obtient le 25 février 425 voix contre 254 ; enfin, le 16 juillet, la dernière des lois constitutionnelles de la IIIème République, qui concerne les rapports entre pouvoirs publics, est votée par 520 voix contre 94. "

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" L’importance considérable qu’on attache sur le moment au vote du 30 janvier 1875 tient à ce que la République, bien qu’elle existe depuis près de quatre ans et demi, n’a encore, en principe, qu’un caractère précaire. "

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" Ce qui devait finalement décider assez de membres du centre droit à voter l’amendement Wallon, pour que celui-ci pût être adopté, c’est peut-être dans une certaine mesure la lassitude, le sentiment qu’il fallait prendre enfin une décision, et que seule la République était possible. "

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" C’est en somme pour ôter à la France la tentation de se jeter dans les bras de l’Empire, que l’orléanisme, grâce au vote de quelques isolés d’abord, puis par celui de la plupart de ses élus et des plus notoires de ses chefs, a pris sa part dans la fondation de la IIIème République. Mais cela ne signifiait pas que le parti conservateur se fût vraiment rallié au nouveau régime. Les hommes du centre droit persistaient dans leurs nostalgies, dans leurs espoirs et dans leurs craintes : la nostalgie du passé, l’espoir de parvenir à restaurer le comte de Paris, la crainte que la République ne menaçât les intérêts matériels et religieux qu’ils avaient baptisés " ordre moral ". De cet état d’esprit et de ses séquelles devaient procéder l’aventure du 16 mai, puis le boulangisme, au moins par certains de ses aspects, enfin la tentative d’utiliser l’affaire Dreyfus contre la République. Ce n’est qu’après la première guerre mondiale que les héritiers des droites de 1871-1875 ont, pour la plupart, vraiment accepté la République en tant que système d’institutions. Mais, à cette date, la question sociale, dont on ne relève guère de traces dans les débats de l’Assemblée nationale en 1875, est déjà en passe de remplacer le problème du régime, et même celui de l’anticléricalisme, comme critère essentiel de la démarche entre partis. "