Parmi les nombreuses lois fondatrices de la République, deux ont défini le mode d’organisation des deux institutions de base du système local - le département et la commune.

Le régime juridique qu’elles ont mis en place est resté applicable pendant près d’un siècle, jusqu’à la loi du 2 mars 1982.

Votées sous le gouvernement provisoire, en 1871, pour les départements, et au début de la IIIe République, en 1884, pour les communes, ces lois s’inscrivent dans une longue évolution historique qui commence dès le Moyen Age et qui a connu deux grandes périodes :

  • celle de la construction d’un État centralisé, avec son apogée sous le premier Empire, moment le plus centralisé de l’histoire administrative française,
  • celle, ensuite, d’un développement progressif de la décentralisation, mouvement qui se poursuit à l’époque contemporaine.

C’est précisément dans ce contexte de revendication d’un accroissement des libertés locales que s’inscrit la loi municipale de 1884. Elle est le fruit des débats et réflexions menés tout au long du XIXe siècle, et particulièrement sous le Second Empire.

La loi vise avant tout à uniformiser le régime juridique des communes. Elle pose les principes de l’organisation et des attributions des communes, ainsi que ceux de la tutelle préfectorale.

La discussion au Sénat a été longue et approfondie. La lecture des débats montre tout l’intérêt que la Haute Assemblée portait à l’organisation communale. Son " nouveau " mode d’élection, institué par la loi du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat, l’y poussait sans doute. Gambetta ne s’était pas trompé en baptisant quelques années plus tôt le Sénat " Grand conseil des communes de France ".

Les grands principes de la loi

Cette loi revêt une importance particulière dans la mesure où, tout en consacrant les acquis antérieurs, elle constitue le véritable point de départ de l’affirmation progressive des communes face au pouvoir central.

Sa caractéristique principale est qu’elle crée un régime juridique uniforme pour toutes les communes de France. Ce choix ne sera jamais remis en cause par la suite. Il n’avait pourtant pas un caractère évident compte tenu de l’extrême disparité des communes françaises et, en particulier, du nombre et de la spécificité des petites communes.

Pour l’organisation communale, la structure choisie est la même que celle retenue pour l’échelon départemental :

  • un organe délibérant, le conseil municipal, qui adopte des délibérations,
  • un organe exécutif, le maire, chargé de l’application des décisions du conseil municipal,
  • un représentant de l’Etat, le maire, qui est donc à la fois représentant de la commune et de l’Etat.

L’article premier de la loi dispose : " Le corps municipal de chaque commune se compose du conseil municipal, du maire et d’un ou de plusieurs adjoints. "

Les principales dispositions de la loi de 1884 sont :

  • l’élection au suffrage universel du conseil municipal qui est désigné pour une durée de 4 ans et est renouvelable intégralement (en 1929, la durée du mandat municipal est portée à 6 ans)

  • l’élection du maire par le conseil municipal (sauf à Paris), ce qui fait du maire le premier représentant de la commune
  • la tutelle du préfet, à la fois sur le maire et sur les actes de la commune
  • l’attribution d’une clause générale de compétence aux communes, ce qui représente une extension significative des attributions des communes. L’article 61 de la loi de 1884 dispose, dans son premier alinéa : " Le conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires de la commune. " Il exprime le principe, aujourd’hui constitutionnel, de la libre administration des collectivités locales.

D’autres dispositions importantes concernent :

  • la gratuité des fonctions ; l’article 74 de la loi énonce " Les fonctions de maires, adjoints, conseillers municipaux sont gratuites. Elles donnent seulement droit au remboursement des frais que nécessite l’exécution des mandats spéciaux. Les conseils municipaux peuvent voter, sur les ressources ordinaires de la commune, des indemnités aux maires pour frais de représentation. "
  • la structure et le mode de vote et de règlement du budget : " Le budget communal se divise en budget ordinaire et budget extraordinaire " (article 132) ; " Le budget de chaque commune est proposé par le maire, voté par le conseil municipal et réglé par le préfet. " (article 145). Le loi détermine en outre une liste précise de dépenses obligatoires pour les communes.

Au total 168 articles fondent le régime communal républicain.

Les sources de la loi municipale de 1884

Préfet

La Constitution de l'an VIII et plus encore la loi consulaire du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) relative à l'organisation administrative font du Consulat et de l'Empire la période la plus centralisée de l'histoire de nos institutions publiques. Entre autres, l'article 3 de la loi consulaire a donné naissance à la fonction préfectorale : "le préfet est seul chargé de l'administration". Au cours de la discussion de cet article devant le corps législatif, le rapporteur, Daunou, précise à propos des préfets : "ils sont les représentants du gouvernement et non les représentants des gouvernés". Une de leurs principales missions consiste à exercer la tutelle de l’Etat sur les communes. Les maires, également agents de l'Etat, n'ont en fait aucune autonomie ; leur moindre décision doit recevoir l'aval des bureaux préfectoraux.

A cet anéantissement des institutions locales succède, de la fin du premier Empire aux lois de 1871 et 1884, une lente marche vers la décentralisation ponctuée d'avancées, de stagnations et de retours en arrière.

Plusieurs étapes peuvent être distinguées :