Sous l'Empire

• Les campagnes d’Allemagne, d’Autriche, de Russie (1805-1807)

Michel NEY (1769-1815). Portrait extrait de L'iconographie de contemporains et fac-similé d'écritures, par F. S. Delpech (1832). (JPG - 878 Ko)

L’Empire a un grand besoin de victoires face aux coalitions européennes, ce qui entraîne le pays dans des guerres sans fin.

En 1805, l'Angleterre, la Russie et l'Autriche forment la troisième coalition contre la France. La Grande Armée doit donc quitter les rivages de la Manche pour le Rhin. Nommé commandant du sixième corps, Ney supporte mal d’être sous les ordres de Murat.

Il satisfait Napoléon en prenant Elchingen le 14 octobre, en se mettant lui-même en tête de ses troupes fatiguées. Cette bataille est décisive pour la reddition de la forteresse d’Ulm le 20 octobre 1805. Ney est ensuite chargé par Napoléon d'occuper le Tyrol, ce qui l’écarte de la marche sur le Danube, de la bataille et de la victoire d’Austerlitz, le 2 décembre 1805.

Le maréchal Michel Ney jusqu’à son arrestation le 3 août 1815

Joachim MURAT (1767-1815). Portrait extrait de L'iconographie de contemporains et fac-similé d'écritures, par F. S. Delpech (1832). (JPG - 861 Ko) Le 26 décembre 1805, la paix est signée à Presbourg, mais la quatrième coalition se forme dès l’été 1806. Le maréchal Ney contribue alors à la victoire d’Iéna le 14 octobre 1806, à la capitulation de la citadelle de Magdebourg le 8 novembre, et à la difficile victoire d’Eylau (un véritable carnage) le 8 février 1807 face aux Prussiens et aux Russes.

Le maréchal Ney à Eylau, par Richard Caton Woodville (1913), domaine public, via Wikimedia Commons (JPG - 68 Ko)En juin 1807, les Russes reprennent l’offensive. Le maréchal Ney est contraint  de battre en retraite à Gutstadt. Cette manœuvre très difficile devient ensuite l’un de ses points forts : il réussit à tenir tête à l’ennemi tout en sauvant un maximum de ses troupes. A Friedland, le 14 juin, l’armée russe est anéantie. Le Bulletin de la Grande Armée considère Ney comme l’artisan de cette victoire : « Le maréchal Ney, avec un sang-froid et une intrépidité qui lui est particulière, était en avant de ses échelons, dirigeait lui-même les plus petits détails et donnait l’exemple à son corps d’armée qui toujours s’est fait distinguer même parmi les corps de la grande armée ». Cette victoire prélude aux traités de Tilsit (juillet 1807), qui mettent fin à la quatrième coalition. Les soldats surnomment alors Ney le « Brave des braves », surnom repris par Napoléon pour le désigner.


Toutefois, son caractère difficile, excessif et versatile lui joue des tours. Il n’a pas la réputation d’être toujours un fin stratège. Il peut même se montrer fantaisiste et mal interpréter les ordres ou ne pas y obéir. Napoléon, parlant de Ney : « Ombrageux, irritable, impressionnable à l’excès, extrêmement mobile. C’était l’homme du moment. Autant il était ferme, laconique et résolu sur le champ de bataille, autant il était faible, loquace et indécis sur le terrain politique. »


En 1808, Napoléon le fait pourtant duc d'Elchingen. Après Friedland, Ney reçoit une rente annuelle de vingt-six mille francs puis une gratification de six cent mille francs, payées sur le dos des vaincus.


La période qui suit (septembre 1807-août 1808), soit un an environ, est un intermède passé à Paris, dans son hôtel de la rue de Lille. Ne se plaisant guère à Paris, il acquiert aussi une immense propriété en Eure-et-Loir, les Coudreaux, près de Châteaudun. Il est alors le père de trois garçons de deux, quatre et cinq ans (il en aura quatre au total).


• Les expéditions en Espagne et au Portugal (1808-1810)Jean SOULT (1769-1851). Portrait extrait de L'iconographie de contemporains et fac-similé d'écritures, par F. S. Delpech (1832). (JPG - 881 Ko)

Jean LANNES (1769-1809). Portrait extrait de L'iconographie de contemporains et fac-similé d'écritures, par F. S. Delpech (1832). (JPG - 861 Ko)Avec l’abdication forcée du roi Charles IV en faveur de Napoléon, toute l’Espagne se soulève, ce qui permet au maréchal de reprendre son service et de commander le sixième corps. Au cours de cette période, il fait plusieurs fois preuve d’insubordination envers Lannes et Soult. Il décrit cette guerre inhabituelle comme « une guerre de comédie… » qui s’apparente plus à une guérilla. La résistance des Espagnols et la répression sont terribles. A Bailén, le général Dupont doit capituler.

Ney a cependant l’occasion d’y montrer sa grandeur d’âme, en faisant soigner un officier anglais  (Charles Napier) qui n’avait pas pu embarquer avec son armée, et en l’autorisant à repartir dans son pays. A plusieurs reprises, il se montre ainsi généreux envers l’ennemi.

Ney est notamment chargé de pacifier la Galice et les Asturies. Il remporte une victoire à Oviedo en mai 1809, mais essuie un échec à Vigo. Ses relations avec Soult sont telles qu’ils doivent signer une convention définissant leurs comportements respectifs l’un envers l’autre. Ses relations avec son aide de camp Jomini se dégradent aussi : il l’envoie à Vienne auprès de l’empereur.André MASSÉNA (1758-1817). Portrait extrait de L'iconographie de contemporains et fac-similé d'écritures, par F. S. Delpech (1832). (JPG - 849 Ko)

Simultanément, au Portugal, le commandant des troupes britanniques Sir Arthur Wellesley  (le futur lord Wellington) débarque à Lisbonne. L’armée française du Portugal est commandée par Masséna. Ney remporte une victoire à Ciudad Rodrigo en juillet et à Almeida en août 1810 sur la frontière entre l’Espagne et le Portugal, mais les Français se retrouvent impuissants face aux lignes de Torres Vedras, système de défense qu’a fait construire Wellesley. Faute de renforts, il n’est pas envisageable d’enfoncer ces lignes : l’armée française est donc contrainte à battre retraite. L’arrière-garde est confiée à Ney, maître en la matière. Un ultime différend entre Masséna et Ney au sujet de la conduite à tenir, à l’arrivée à la frontière espagnole, oblige Masséna à relever Ney de son commandement. Fin mars 1811, Ney regagne donc la France.

• Le front russe et la retraite de Russie (1811-1812)

Moins d’un an plus tard, en février 1812, il reçoit un nouveau commandement pour envahir la Russie, car les relations de Napoléon avec le tsar se sont dégradées depuis 1811. Le  tsar reste son rival sur le continent.

La Grande Armée alors constituée est appelée l’armée des vingt nations en raison du nombre élevé d’étrangers qui la composent. Ces derniers sont peu motivés et prompts à déserter. En outre, une partie de l’armée est toujours en Espagne.

Ney reprend le commandement du troisième corps et retrouve Jomini comme chef d’état-major. Ils arrivent à la frontière russe fin mai après une longue traversée de l’Europe. Les Russes refusent le combat et pratiquent la tactique de la terre brûlée. Napoléon qui pensait que le tsar solliciterait la paix est contraint de continuer à avancer à la poursuite des Russes, avec une armée déjà bien fatiguée, dans une contrée immense et hostile.

Ney réussit à s’emparer du plateau de Valoutina en août 1812, mais au prix de nombreuses pertes. Les maréchaux tentent en vain de convaincre Napoléon de s’arrêter, ce qu’il refuse, déterminé à rejoindre Moscou et à y signer la paix. En septembre 1812, le commandant en chef des Russes – Koutousov – se décide enfin à l’affrontement. C’est la bataille de la Moskowa près de Borodino le 7 septembre : une victoire des Français mais encore une fois avec des pertes énormes des deux côtés. Le rôle joué par Ney est essentiel et reconnu par le Bulletin de la Grande Armée, ce qui lui vaudra le titre mérité de prince de la Moskowa (décret du 1er avril 1813).

Le 14 septembre 1812, Moscou  est enfin atteinte. Face à l’obstination du tsar à ne pas demander la paix, la plupart des maréchaux préconisent la retraite à Napoléon qui l’accepte. C’est sans compter sur la détermination de Koutousov à poursuivre les Français dans leur  repli.

Le maréchal Ney soutenant l'arrière-garde pendant la retraite de Russie, par Adolphe Yvon (1856), domaine public, via Wikimedia Commons (JPG - 333 Ko)Au cours de cette retraite de Russie, Ney peut encore s’illustrer et montrer qu’il excelle en pareil cas, malgré le harcèlement continu  des Russes. Pour encourager ses soldats, il combat parmi eux et montre l’exemple. Il réussit la traversée du Dniepr, insuffisamment gelé pour garder le matériel. Napoléon le croyant perdu est heureux de le retrouver à  Orcha en novembre 1812.

La retraite doit se poursuivre et son épisode le plus dramatique est le passage de la Bérézina fin novembre. Ce qu’il reste de la Grande Armée parvient à traverser les eaux glacées du fleuve grâce aux pontonniers du général Eblé. Ney fait reculer ses hommes par des marches nocturnes, afin qu’ils ne succombent au froid pendant leur sommeil, ce qui permet aussi d’éviter le combat avec les Russes. Il rentre ensuite à Paris.

• Les campagnes d’Allemagne et de France (1813-1814)

Le séjour de Ney à Paris puis aux Coudreaux ne dure pas. Une nouvelle coalition se reforme rapidement dès 1813 contre la France. Il prend le commandement du premier  corps dit « d’observation du Rhin » qui devient le troisième corps. Mais il fait partie de ceux qui doutent de l’issue de cette nouvelle campagne. Napoléon refuse de signer la paix comme l’en conjurent certains.

Des victoires sont pourtant remportées : Lützen le 2 mai, Bautzen le 21 mai 1813. Au cours de cette dernière, Ney semble avoir plutôt mal commandé, mal coordonné des divisions qui étaient nombreuses.

Note de Ney du 25 mars 1814, extraite de L'iconographie de contemporains et fac-similé d'écritures, par F. S. Delpech (1832) (JPG - 257 Ko)Grisé par ses victoires, Napoléon s’entête à refuser la paix tant attendue. Il remporte sa dernière grande victoire à Dresde les 26 et 27 août 1813. Ensuite, ce ne sont que des revers qui s’enchaînent : Katzbach pour Macdonald, Dennewitz pour Ney le 5 septembre qui fait ainsi l’expérience de la défaite, Leipzig le 15 octobre… Ney est blessé et contraint à retourner en France. Il ne participe donc pas à l’évacuation de l’Allemagne.

La voie de la France est ainsi ouverte aux alliés qui entrent dans Paris le 31 mars 1814. Le 2 avril, le Sénat prononce la déchéance de l’empereur. La campagne de France est brève – du 27 janvier au 6 avril 1814, date de l’abdication inconditionnelle de Napoléon, à laquelle le maréchal Ney a fortement contribué, en insistant sur le fait que l’armée n’écraserait pas les alliés dans Paris comme Napoléon l’envisageait.