CONCLUSION

Des éléments d'appréciation très contrastés viennent conclure cette brève relation de la situation observée au Cameroun par la délégation.

Tout d'abord s'affirme la conviction qu'en dépit d'éventuelles ombres passagères, la France reste le pays européen de référence pour le Cameroun ; puis la certitude que les élites politiques et parlementaires aspirent à une réelle modernisation institutionnelle de leur pays, aussi divers que soit leur rattachement partisan.

De surcroît, les potentialités humaines et économiques sont réelles et multiples : des entrepreneurs dynamiques animent le marché des matières premières (bois, café, cacao...), les ressources pétrolières procurent de bonnes rentrées financières, des secteurs restent à valoriser, comme le tourisme.

Tous ces atouts auraient dû permettre au Cameroun de tirer parti de la dévaluation du franc CFA ; or, celle-ci a conduit à une sensible régression économique et sociale, faute d'avoir été prévue et encadrée.

Bref, que ce soit dans les domaines politique ou économique, le pays semble manquer d'une ligne directrice, qui lui permette de valoriser ses atouts.

II./ La Namibie une indépendance prometteuse 2 ( * )

Au mois de novembre 1993, à l'occasion de sa première visite officielle en France, le Président Nujoma fut reçu par le Président du Sénat, M. René Monory, en présence de M. Jean-Pierre Cantegrit, Président du groupe France - Afrique centrale.

Lors de cette entrevue, le Président Nujoma invita M. Monory, ainsi qu'une délégation de ses collègues sénateurs, à se rendre dans son pays.

Du fait de la charge de son emploi du temps, le Président du Sénat n'a pu, jusqu'à présent, répondre à cette invitation, mais il a souhaité que le groupe sénatorial France -Afrique centrale, qui a intégré la Namibie dans sa sphère de compétence géographique, se rende rapidement dans ce pays.

Ainsi a-t-il été décidé qu'une délégation de ce groupe se rendrait, au mois de janvier 1995, en Namibie, au terme de son séjour au Cameroun.

Cette mission s'est déroulée selon le calendrier suivant :

Vendredi 27 janvier

13 H. : Arrivée à Windhoek en provenance de Johannesburg

16 H. : Entretien avec M. Sam Nujoma, Chef de l'État

20 H. : Dîner à la résidence de l'Ambassadeur de France avec des représentants de la communauté française.

Samedi 28 janvier

Visite de la ville de Swakopmund, située à 400 km à l'est de Windhoek, sur la côte atlantique.

Dimanche 29 janvier

Matin : visite du port de Walvis Bay, et entretien avec les autorités portuaires.

Après-midi : visite de la mine d'uranium de Rössing, à une soixantaine de kilomètres à l'intérieur des terres, puis retour à Windhoek.

Lundi 30 janvier

10 H : Entretien avec M. Mose Tijtendero, Président de l'Assemblée nationale

11 H. : Entretien avec M. Hage Geingob, Premier ministre

12 H. :Entretien avec M. Théo-Ben Gurirab, Ministre des affaires étrangères

13 H. : Déjeuner offert par les deux assemblées namibiennes

15 H. : Entretien avec M.. Kandy Nehova, Président du Conseil national

20 H. : Dîner à la résidence de l'Ambassadeur, en présence des deux présidents des assemblées

Mardi 31 janvier

9 H. : Réunion de travail à la mission de coopération

11 H. : Visite de réalisations urbaines réalisées par cette mission

11 H. : Cocktail offert par l'Ambassadeur, en présence des chefs de mission de l'Union européenne

12 H. : Déjeuner privé offert par le Président Nujoma

18 H. : Départ pour Paris via Francfort

Mercredi 1er février

8 H. 40 : Arrivée à Paris-Orly;

*

* *

La situation actuelle de la Namibie est marquée par une indépendance récente et difficilement obtenue, par une économie à la répartition géographique et aux succès très contrastés, enfin par une place discrète sur la scène internationale.

A) Un difficile accès à l'indépendance

1) Une évolution sous contrôle international

Placée sous protectorat allemand en 1884, sous le nom de Sud-Ouest Africain, la Namibie passe en 1920 sous mandat sud-africain, avec l'assentiment de la SDN.

En 1945, l'Afrique du Sud refuse de rendre son mandat à l'ONU et maintient son emprise politique et économique sur la Namibie, sans y imposer, toutefois, une politique de séparation des races aussi rigide que sur son propre territoire. Ce défi aux Nations Unies aboutit à l'adoption par le Conseil de sécurité, le 28 septembre 1978, de la résolution n°435 qui pose le principe de l'indépendance du pays, qui serait précédée d'élections libres sous contrôle de l'ONU.

Au terme de longues négociations, liant le retrait des soldats cubains d'Angola à celui des troupes sud-africaines de Namibie 1 ( * ) , l'élection d'une Assemblée constituante est organisée au mois de novembre 1989, sous contrôle de l'ONU.

Ses 72 membres adoptent à l'unanimité, le 9 février 1990, une constitution qui allie, dans une rédaction très libérale, des éléments divers : élections présidentielles au suffrage universel direct, mais choix par le Président des membres du cabinet parmi les seuls députés, responsabilité individuelle des ministres devant l'Assemblée nationale, création d'un parlement bicaméral. 2 ( * )

Cette Assemblée constituante élit, à titre transitoire, le chef de l'État en la personne de M. Sam Nujoma, le 16 février 1990, et demeure en fonction comme première Assemblée législative, l'indépendance étant proclamée le 21 mars 1990 : la Namibie est l'État africain le plus récent à avoir accédé à la souveraineté internationale.

2) Un fragile équilibre à préserver

Les libertés démocratiques inscrites dans la Constitution de 1990 ont été scrupuleusement respectées par le Président Nujoma, son Gouvernement et la SWAPO (South West African People's Organisation), et la délégation du Sénat a été impressionnée par la détermination de ses divers interlocuteurs à le préserver.

Ce climat serein, auquel s'ajoute une visible simplicité de mode de vie des dirigeants namibiens, et un souci de maintenir le dynamisme économique déployé par la population de souche allemande (près de 80 000 personnes sur environ 1,7 million d'habitants) ne doit pas masquer l'existence de diverses sources de tension potentielle. La première d'entre elle découle de l'inégalité de développement entre le nord et le sud du pays, séparés par la ligne "rouge" située à 200 km environ au nord de Windhoek.

Cette frontière informelle partage le pays en deux zones : le sud, sans grandes ressources agricoles autres que l'élevage, peu peuplé et sanitairement sûr ; et le nord, plus humide, où se concentre l'essentiel de la population la plus pauvre, qui pratique des cultures de subsistance, et reste liée aux régions du sud de l'Angola plus qu'au reste de la Namibie.

Cette région constitue le fief de l'ethnie ovambo, fortement représentée au sein de la SWAPO, et à laquelle l'indépendance n'a guère apporté d'améliorations concrètes. La pression ainsi exercée sur les autorités pour une meilleure répartition des richesses (notamment le projet de réforme agraire, évoqué plus loin) ne peut être ignorée.

Un autre élément délicat tient au quasi-monopole exercé par la population de souche allemande sur l'activité économique et, de façon moins visible, sur le secteur administratif (notamment dans l'attribution des marchés).

Certes, les ressentiments de la population d'origine envers les européens sont bien moins forts qu'en Afrique du Sud, car la séparation raciale n'y a jamais été aussi pesante et réglementée. Cependant, tout laisse à penser que l'inégalité actuelle des compétences sera longue à résorber, et que ce délai pourrait être propice à une radicalisation des deux communautés. L'entreprise de réconciliation nationale à laquelle s'est attaché, dès son élection, le Président Nujoma (pas d'épuration dans la fonction publique, appel à des collaborateurs d'origine européenne...) a permis, jusqu'à présent, d'apaiser les tensions.

3) Le déséquilibre des forces politiques en présence

Les élections de novembre 1989 avait donné 57 % des voix (42 sièges) à la SWAPO dirigée de longue date par M. Nujoma. Le principal parti d'opposition, la DTA (Démocratie Turnhalle Alliance), alliance de composantes diverses (anciens alliés de l'Afrique du Sud, nationalistes hostiles à la SWAPO, ethnies craignant la domination des Ovambos, majoritaires au sein de la SWAPO) remportait alors 28 % des voix. Les 15 % des suffrages restant étaient répartis entre de petits partis politiques.

Ce résultat, incontestable, puisqu'obtenu sous contrôle de l'ONU, satisfaisait les observateurs internationaux, qui craignaient que la prédominance de la SWAPO ne l'amène à une majorité supérieure aux deux-tiers requis pour procéder à une révision constitutionnelle.

En effet, tant par la légitimité acquise durant la longue lutte pour l'indépendance que par la bonne organisation qu'avait promue Sam Nujoma, ce parti domine nettement la vie politique namibienne.

Les premières élections législatives et présidentielles conformes à la Constitution, organisées les 6 et 7 décembre 1994 a renforcé cette domination : le président Nujoma a été réélu avec 76 % des suffrages, et la SWAPO obtient 53 députés sur 72, soit une majorité supérieure aux deux tiers.

La DTA obtient 15 élus et 4 députés représentent de petits partis. L'enjeu politique majeur de cette orientation vers un quasi-monopartisme est l'éventuelle suppression de la limitation à deux mandats successifs du chef de l'État, inscrite dans l'actuelle Constitution.

La principale difficulté à laquelle se heurte un pays incontestablement démocratique - garantie des droits fondamentaux, indépendance judiciaire, liberté de la presse -, est donc la faiblesse et la dispersion de l'opposition.

* 2 - Superficie : 823 144 km 2

Population : 1,7 million

Capitale : Windhoek

PIB : 2,7 milliards $

PIB/hab : 1300$

Montant de la dette : 142 millions $

Tx alphabét. : ---

Source : Ministère de la Coopération - chiffres de novembre 1994

* 1 La France a récusé ce lien, et s'en est toujours tenue à l'intangibilité de l'indépendance de la Namibie, ce qui lui vaut une reconnaissance particulière du Président Nujoma.

* 2 Pour une analyse précise de la Constitution namibienne, se référer à :

-Bernard Chantebout : la Constitution namibienne du 9 février 1990 : enfin un vrai régime semi-présidentielle Revue française de droit constitutionnel 1990.3

- Edmond Jouve : "la Constitution de la République de Namibie du 9 février 1990" dans : "l'Afrique en transition vers le pluralisme" ed Economica 1993

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