II. UNE ÉCONOMIE BOULEVERSÉE

La délégation s'est naturellement intéressée à la situation économique de l'Ukraine, tant à Lviv où elle a rencontré les autorités locales et visité une usine de fabrication d'autobus, qu'à Kiev où elle s'est entretenue avec le vice-président de l'Agence Nationale pour la Reconstruction et le développement qui a succédé en juillet dernier à l'Agence pour l'Assistance technique.

A. UNE SITUATION TRÈS DIFFICILE

Depuis la disparition de l'U.R.S.S., l'Ukraine se trouve dans une situation économique très difficile. Ainsi, le P.I.B. a diminué de 14,2 % en 1993, de 23 % en 1994 et de 11,8 % en 1995. Pour 1996, il est possible que le P.I.B. se stabilise. Tous les indices de la production ont fortement diminué depuis l'indépendance de l'Ukraine. Le tableau suivant retrace ainsi l'évolution de quelques productions agricoles pour lesquelles l'Ukraine est traditionnellement parmi les principaux producteurs mondiaux.

AGRICULTURE DE L'UKRAINE

(en millions de tonnes, de têtes)

PRODUCTION

1992

1993

1994

1995

RANG

Blé

19,5

21,8

13,9

16,4

10 e

Bovins

23,7

22,5

21,6

19,6

13 e

Céréales

35,5

42,7

32,9

34,4

10 e

Orge

10,1

13,6

14,5

11,0

2 e

Pommes de terre

20,3

21,0

16,1

16,1

5 e

Porcins

17,8

16,2

15,3

14,0

9 e

Source : Atlaseco 1997

En 1990, l'Ukraine produisait 53 millions de tonnes de céréales contre 34 millions de tonnes en 1995. Comme l'a expliqué à la délégation le gouverneur de la région de Lviv, M. Mykola HORIN, les rendements agricoles demeurent très faibles, bien que l'Ukraine possède sur son territoire 40 % du tchernozium mondial. Les rendements en céréales sont d'environ 25 quintaux à l'hectare.

C'est dans le domaine agricole que la privatisation semble rencontrer le plus de difficultés. Dans son rapport sur la mise en oeuvre du programme TACIS en 1995, la Commission européenne dresse le constat suivant : « le volume de la production agricole a continué de baisser. Globalement, la dépense familiale moyenne en denrées alimentaires de base représente plus de la moitié du revenu mensuel. Ne pouvant désormais plus compter sur les subventions publiques, nombre d'exploitations agricoles sont au bord de la faillite. Beaucoup d'incertitudes subsistent quant aux titres de propriété du sol, les transactions n'offrent guère de sécurité et les codes institutionnels sont inefficaces. Même à la fin de 1995, il n'y avait pas de consensus sur la façon de privatiser ce secteur. » L'un des interlocuteurs de la délégation a estimé que le secteur privé détenait actuellement 40 % des terres, mais fournissait 70 % des productions.

La situation de l'industrie n'est pas plus favorable. Á Lviv, le maire et le gouverneur de la région ont expliqué que le choix de l'Ukraine de ne plus être une puissance militaire a entraîné une récession économique grave. Avant l'indépendance de l'Ukraine, la production industrielle était consacrée à 65 % à l'armement dans la région de Lviv, de sorte que l'arrêt de cette production a privé d'emploi des centaines de milliers de travailleurs. En outre, un savoir-faire important est aujourd'hui sous-utilisé.

L'un des problèmes essentiels que devra résoudre l'Ukraine à l'avenir est celui de la dépendance énergétique à l'égard de la Russie.

Dans l'article qu'il a récemment publié dans un quotidien français, le Président de la République, M. Leonid KOUTCHMA, notait ainsi : « pour la seule année 1997, nous aurons à déduire des recettes budgétaires que le Gouvernement a eu tant de mal à trouver, 626 millions de dollars pour les premiers remboursements de l'ancienne dette gazière à la Russie et au Turkménistan. » ( ( * )1) . On estime qu'actuellement l'Ukraine dépend de la Russie à 90 % pour le pétrole et à 60 % pour le gaz naturel.

Dans ce contexte difficile, 25 % des Ukrainiens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les chiffres du chômage sont très faibles, mais il est en pratique impossible à mesurer. Des centaines de milliers de salariés appartenant à la fonction publique, mais aussi à des secteurs industriels tels que le charbon, ne sont plus payés depuis des mois. Par ailleurs, la plupart des habitants possèdent un second travail qui leur permet de subsister. L'économie parallèle a pris une importance considérable, comme le constatait lui-même le Président KOUTCHMA: « Il y a urgence à remettre de l'ordre dans notre système fiscal. On estime aujourd'hui que la moitié de l'économie ukrainienne échappe à l'impôt et produit trop peu. Nous voulons que l'activité clandestine devienne officielle. Il nous faut pour cela diminuer les taux d'imposition. Les charges sociales, en particulier - qui sont de 52 % - doivent être réduites de moitié » ( ( * )1) . On estime aujourd'hui qu'un tiers de la monnaie en circulation est détenue par l'économie parallèle.

L'un des problèmes essentiels de l'économie ukrainienne semble être la difficulté de faire évoluer les mentalités, comme l'ont affirmé le maire de Lviv et le préfet de cette région. Profondément marquée par le régime soviétique, la population paraît parfois passive et résignée. C'est pourtant bien de cette population que dépend la renaissance économique de l'Ukraine.

* (1) Leonid Koutchma, l'Ukraine est digne de l'Europe, Le Monde.

* (1) op. cit.

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