RAPPORT D'ACTIVITÉ

DE LA SECTION FRANÇAISE

DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

DE LA FRANCOPHONIE

(AIPLF)

1 er octobre 1997 - 1 er octobre 1998

présenté par M. Louis MEXANDEAU

Député, Président délégué de la Section française

PRÉFACE

Le rapport 1997 - 1998 sur les activités de la Section française de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (AIPLF) est le premier de cette nature, mais a vocation à être renouvelé annuellement.

Cette initiative, qui coïncide avec une réforme interne de l'AIPLF, répond à mon souhait, en tant que Président délégué de la Section française - dont le Président est celui de l'Assemblée nationale - de mieux faire connaître l'intérêt et la diversité des travaux de cet organe.

L'AIPLF a vu en novembre 1997 son rôle d'Assemblée consultative de la Francophonie consacré dans la nouvelle Charte adoptée au Sommet des chefs d'État et de Gouvernement à Hanoï. Le Sommet a décidé l'institution d'un Secrétariat général de la Francophonie et désigné de M. Boutros Boutros-Ghali pour le diriger. L'Assemblée a donc modifié son règlement en conséquence, à la session plénière d'Abidjan en juillet 1998, ainsi que sa dénomination.

Comme le fait apparaître ce rapport, la Section française, composée de 90 députés et de 60 sénateurs, exerce des activités propres; mais l'essentiel de ses travaux consiste dans sa participation aux manifestations de l'AIPLF dans ses formations internationales : sessions plénières; réunions de bureau; réunions de commissions (au nombre de quatre : commission politique, commission de l'éducation et des affaires culturelles, commission des Affaires parlementaires et commission de la coopération et du développement); Assemblées régionales (en l'occurrence l'Assemblée régionale Europe) ; séminaires parlementaires.

Le présent document porte cependant, non seulement sur les contributions établies au nom de la Section française en tant que telle, mais sur tous les rapports et communications présentés aux instances de l'AIPLF par des parlementaires français. En effet, nombre d'entre eux exercent des fonctions au sein de l'Assemblée internationale (appartenance au Bureau, présidence de commission, poste de rapporteur...).

L'ensemble de ces travaux portent sur des sujets extrêmement variés, conformément aux objectifs de l'AIPLF. Ainsi, pour l'année. 1997-1998, ont été traités la réforme de son règlement, les conséquences de l'Euro sur le franc CFA, la situation du français dans les organisations internationales, l'enseignement du français dans les pays d'Europe non francophones, le compte rendu d'une mission au Burundi. Des contributions sur différents aspects du fonctionnement des Parlements ont également été produites.

La méthode de présentation des travaux retenue dans ce rapport, qui correspond à notre calendrier parlementaire d'octobre à octobre, est chronologique. Chaque manifestation à laquelle a participé la Section française est présentée comme elle l'est actuellement dans les documents internes (Bulletin de l'Assemblée nationale et Bulletin d'information rapide du Sénat), et est accompagnée de la contribution de ses membres. A été également inséré dans ce document le rapport de M. Jacques Legendre, Secrétaire général parlementaire, sénateur membre de la Section française, qui retrace l'ensemble des travaux de l'AIPLF.

Ceux-ci sont par ailleurs relayés par la revue de l'AIPLF "Parlements et francophonie". D'autres rapports de l'Assemblée nationale ou du Sénat - budgétaires ou d'information - sur la francophonie, tels que celui de la commission des Affaires étrangères présenté en octobre 1997, comportent des éléments précieux.

J'espère cependant que le présent document, dans sa spécificité, mettra en valeur l'apport de la Section française aux réflexions sur la francophonie.

Louis MEXANDEAU

Député

SÉMINAIRE PARLEMENTAIRE

Lomé (Togo) - 17 au 19 octobre 1997

La Commission des Affaires parlementaires de l'AIPLF a organisé à Lomé (Togo), du 17 au 19 octobre 1997, un séminaire consacré au "statut de l'opposition parlementaire". Cette manifestation, qui s'inscrivait dans le cadre des actions de coopération interparlementaire menées par cette commission a réuni, outre les députés-hôtes du Togo, des parlementaires du Burkina Faso, du Cameroun, de la France, de la Guinée et du Mali.

Des conférenciers issus des trois régions de l'AIPLF ont développé deux aspects du thème principal, qui ont ensuite été discutés en ateliers ;

- le rôle et le financement des partis politiques

- les relations entre majorité et opposition.

M. Guy Penne, sénateur (S) représentant les Français établis hors de France, est intervenu sur le second thème.

Une table ronde consacrée à la question "quelle opposition pour demain ?" a conclu les travaux et permis de dégager plusieurs propositions concernant la reconnaissance et la garantie des droits de l'opposition, et la prise de conscience par cette dernière de ses devoirs. Ces recommandations seront présentées à la Commission des Affaires parlementaires lors de sa prochaine réunion, ainsi qu'à l'Assemblée générale d'Abidjan, en juillet prochain.

LES RELATIONS MAJORITÉ - OPPOSITION - Contribution de M. Guy Penne

Le changement de majorité intervenu à l'Assemblée nationale, à la suite des élections du printemps dernier, place, à nouveau, la question des relations entre majorité et opposition au coeur de l'actualité française.

En effet, si la règle du jeu démocratique impose de confier le pouvoir à la majorité désignée par le peuple, elle exige dans le même temps de protéger les droits de la minorité.

Selon la Constitution française, les formations politiques se constituent librement ; en outre, elles bénéficient toutes, depuis la fin des années 1980, d'un financement public, accordé sans distinction partisane, par la loi de mars 1988.

Cependant, bien que le paysage politique se soit progressivement structuré en deux pôles, il n'existe pas aujourd'hui, en France, de véritable statut de l'opposition (I). Néanmoins, le dialogue entre majorité et minorité est garanti, au Parlement, par l'existence du bicamérisme, et par le fonctionnement et l'organisation internes de chaque assemblée ; en période de cohabitation, il s'élargit à d'autres acteurs institutionnels (II).

I - L'ABSENCE D'UN STATUT DE L'OPPOSITION

L'émergence, dans le système politique français, d'une configuration nouvelle, bipolaire, consolidée par une séparation rigide entre majorité et opposition, n'a pas abouti à doter l'opposition d'un véritable statut.

A) La bipolarisation de la vie politique

a) l'émergence d'une configuration nouvelle

Au début de la Vème République, la multiplicité et l'absence de structures des partis semblaient une donnée intangible de la vie politique, à tel point que les rédacteurs de la Constitution de 1958, sans chercher à modifier le système des partis, ont fondé la stabilité du nouveau régime sur une rénovation profonde des institutions.

Ainsi, l'existence de "partis et groupements politiques" est reconnue dans la Constitution, mais cette reconnaissance ne leur confère pas de statut particulier ; par ailleurs, le mode de scrutin adopté fut le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, qui avait favorisé, sous la IIIème République, la multiplication des formations.

L'émergence d'un nouveau système de partis s'accomplit véritablement en 1962, avec la crise qui accompagna le référendum concernant l'élection du Président de la République au suffrage universel, et la création d'un "cartel des non", qui regroupa toutes les formations, à l'exception de l'Union pour la Nouvelle République" (UNR), alliance de soutien au général de Gaulle, du parti communiste et de l'ancien parti socialiste.

Lors des élections législatives, qui suivirent le référendum, une séparation rigide s'établit entre les formations de la majorité, destinées à soutenir le Gouvernement, et celles de l'opposition, appelées à le critiquer. En outre, le nombre des partis composant chaque coalition se trouva réduit.

b) La séparation rigide entre majorité et opposition constitue l'une des innovations fondamentales de la Vème République

L'idée même d'une majorité permanente n'existait pas dans la tradition politique antérieure à la Vème République, et si, sous les IIIème et IVème Républiques, la distinction entre la droite et la gauche, héritée de la révolution française, a nourri la bipolarisation électorale, elle n'a que très rarement fondé la distinction symétrique des partis de Gouvernement et des partis d'opposition.

La crise de 1962, qui a structuré la majorité, a conduit symétriquement l'opposition à mener une stratégie d'union, destinée à constituer une alternative réelle au pouvoir gaulliste. C'est ainsi que François Mitterrand, candidat d'opposition au deuxième tour des élections présidentielles de 1965, fonde en juin 1971 le parti socialiste, et signe un an après avec le parti communiste, un programme commun de Gouvernement.

De 1962 à 1974, le système de partis basé sur une séparation rigide de la majorité et de l'opposition a engendré une majorité de Gouvernement, et l'alternance au pouvoir, intervenue en 1981, l'a rétablie dans un contexte différent. Cette structuration progressive d'un régime bipolaire n'a toutefois pas conduit à instituer un véritable statut de l'opposition.

B) La question du statut de l'opposition

Jusqu'en 1974, le monopole exercé au sein du Parlement par l'Union pour la Nouvelle République entraîna la concentration, au profit du mouvement, de la plupart des responsabilités.

L'idée de promouvoir un statut de l'opposition apparaît, au sein de la majorité, avec l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République. Soucieux de "décrisper" la vie politique, et de rétablir un dialogue majorité - opposition, en donnant à l'opposition les moyens de s'exprimer, le nouveau président introduisit plusieurs réformes dans la lettre et la pratique institutionnelles :

1) la modification la plus importante résulte de la révision constitutionnelle d'octobre 1974, qui donne à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de déférer les lois, avant leur promulgation, au Conseil Constitutionnel.

2) la deuxième est l'institution à l'Assemblée nationale, à raison d'une heure par semaine, des questions au Gouvernement, qui s'est faite en marge de la Constitution, par un accord direct entre l'exécutif et l'Assemblée nationale, et s'ajoute à la procédure classique des questions orales, prévue par la Constitution. La forme en est nouvelle à plus d'un titre :

tous les membres du Gouvernement sont présents dans l'hémicycle (pour les questions orales classiques, un ou deux ministres représentent l'ensemble du Gouvernement),

ils répondent sans préparation aux questions, dont le contenu ne leur est communiqué qu'une heure avant la séance (contre huit jours pour les questions de type classique),

opposition et majorité disposent chacune d'une demi-heure, qu'elles répartissent à leur gré, sans intervention de la conférence des présidents (à présent, le temps imparti est de 35 minutes pour la majorité, et 25 minutes pour l'opposition).

Le mécanisme des questions au Gouvernement fut étendu au Sénat, à partir de 1982, mais leur fréquence a été limitée à une heure par mois.

Les autres propositions formulées par le Chef de l'État au lendemain des législatives de 1978, et notamment celle d'établir un partage équitable des Présidences de commissions, n'ont pas été retenues.

Mais si l'évolution vers l'instauration d'un parlementarisme "à l'anglaise", s'est heurtée aux réticences de la majorité, un dialogue existe néanmoins avec l'opposition.

II - L'EXISTENCE D'UN DIALOGUE

Le Parlement est le lieu privilégié du dialogue entre majorité et opposition, notamment en raison de l'existence du bicamérisme ; l'organisation et le fonctionnement internes de chaque assemblée assurent la représentation et la participation de l'opposition ; en période de cohabitation, les relations s'élargissent à d'autres acteurs institutionnels.

A) Le bicamérisme peut favoriser le débat entre majorité et opposition.

Lorsque le Gouvernement et la majorité des députés sont orientés à gauche, le Sénat, assemblée traditionnellement de centre droit, joue le rôle de Chambre d'opposition, auprès de laquelle la minorité à l'Assemblée nationale trouve éventuellement un soutien.

En effet, bien que le bicamérisme français soit inégalitaire et contrôlé par le Gouvernement -en cas de désaccord sur un texte, le Premier ministre peut donner le dernier mot à l'Assemblée nationale-, le Sénat a les moyens de faire entendre sa voix.

On l'a vu, par exemple, dans les années 1981-1985, où le Sénat et la minorité de droite à l'Assemblée nationale ont manifesté leur opposition aux textes proposés par le Gouvernement, en déposant de nombreux amendements, et en multipliant les motions de procédure (exception d'irrecevabilité, question préalable, motion de renvoi en commission).

B) L'organisation et le fonctionnement des assemblées parlementaires assurent la représentation et la participation de l'opposition.

a) L'organisation interne des assemblées assure la représentation de la minorité

1) Dans les organes directeurs -Bureau et Conférence des Présidents-

Le Bureau : en dehors du Président, élu au scrutin secret à la tribune, pour la durée de la législature (à l'Assemblée nationale), après chaque renouvellement triennal (au Sénat), les membres du Bureau -vice-Présidents, questeurs, Secrétaires-, sont désignés à la proportionnelle des groupes, sauf si, après accord entre eux, le nombre des candidats enregistrés est égal au nombre de sièges à pourvoir (on applique alors une clé de répartition entre les fonctions).

La composition du Bureau de l'Assemblée nationale, issue du scrutin de mai-juin dernier, a été établie de manière consensuelle et proclamée, quatre des six vice-Présidents, six des douze Secrétaires, et l'un des trois questeurs appartiennent à l'opposition.

La Conférence des Présidents : second organe directeur de l'assemblée, davantage orienté vers les rapports avec le Gouvernement, puisque ses attributions concernent l'ordre du jour, comprend le Président de l'assemblée, les vice-Présidents, les Présidents des commissions permanentes, éventuellement ceux des commissions spéciales, les Présidents des groupes parlementaires et le rapporteur général de la commission des Finances. Le Gouvernement y est représenté par l'un de ses membres (généralement le ministre chargé des relations avec le Parlement).

2) Dans les groupes et les commissions

Les groupes : comprenant au moins vingt membres à l'Assemblée nationale et quinze au Sénat, ils réunissent les élus en fonction de leurs affinités politiques ; ils sont au nombre de six au Sénat, (sans compter les non-inscrits), et de cinq à l'Assemblée nationale, le renouvellement de mai-juin dernier n'ayant pas modifié leur nombre dans cette assemblée.

Ils sont dotés de moyens financiers, provenant des subventions qu'ils reçoivent de l'assemblée pour leur fonctionnement, et des cotisations de leurs membres.

Les commissions : ce sont les organes chargés de la préparation du travail législatif qui se déroule en séance publique ; elles doivent donc, pour remplir leur fonction, refléter dans leur composition, la configuration politique de l'assemblée.

Elles sont au nombre de six dans chaque assemblée. Le règlement du Sénat précise que tous les groupes politiques sont représentés au bureau des commissions ; à l'Assemblée nationale, l'attribution des Présidences a soulevé à plusieurs reprises des controverses sur la place à réserver à l'opposition. En 1981, notamment, le Premier ministre proposa qu'elles soient réparties à la proportionnelle des groupes. L'opposition de droite refusa, au motif qu'il appartenait à la majorité d'assumer toute la responsabilité du travail parlementaire ; lors de l'alternance, en 1986, cette doctrine fut reprise, et le groupe socialiste n'eut aucune présidence, ni vice-Présidence.

Après les élections de mai-juin 1997, cinq des six commissions de l'Assemblée nationale sont présidées par un membre du groupe socialiste, majoritaire; la dernière, par un député du groupe communiste, qui appartient à la majorité.

b) Le fonctionnement interne des assemblées assure la participation de l'opposition

1) Le calendrier des travaux

L'ordre du jour de chaque assemblée est établi par la conférence des Présidents.

Dans sa rédaction initiale, la Constitution prévoyait qu'il comportait, par priorité et dans l'ordre que le Gouvernement avait fixé, la discussion des projets de loi déposés par lui, et des propositions acceptées par lui.

La réforme constitutionnelle d'août 1995 a permis à l'Assemblée nationale de déterminer chaque mois l'ordre du jour d'une de ses séances, et d'y inscrire les propositions de loi, de débats ...de ses membres. Au vu du calendrier des séances mensuelles établi à partir de cette date, on constate que cette faculté a profité à tous les groupes, bien qu'elle ne consacre pas, à proprement parler, de droit pour l'opposition.

2) Les débats

Le déroulement de la séance est organisé de manière à ce que la confrontation des points de vue puisse s'opérer.

L'organisation des débats, facultative pour la discussion générale des textes, bien qu'elle soit traditionnelle, est obligatoire pour les débats non législatifs. Le temps global attribué aux groupes est fixé par la conférence des Présidents, puis réparti ensuite entre eux par le Président de l'Assemblée, proportionnellement à leur importance numérique.

Sauf dans les cas où le règlement de l'Assemblée les interdit, les explications de vote peuvent être autorisées par le Président, à raison d'un orateur par groupe, et pour une durée égale.

S'agissant du projet de loi de finances pour 1998, le Président Fabius a indiqué qu'il y aurait systématiquement un contre-rapporteur de l'opposition, en face du rapporteur de la majorité. D'ores et déjà, des rapporteurs spéciaux et pour avis, appartenant à l'opposition, ont été désignés.

3) Le droit d'amendement

Selon la Constitution, le droit d'amendement appartient, comme l'initiative des lois, à tout député.

Le droit d'amendement est souvent utilisé par l'opposition pour faire obstruction à l'adoption d'un projet de loi, en complément des moyens de procédure (cf. 1981 : 1438 amendements déposés pour le projet de loi sur les nationalisations du Gouvernement socialiste -1983 : 2598 amendements pour le projet de loi sur l'enseignement supérieur).

4) Les moyens de procédure

Les rappels au règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont priorité sur la question principale. Ils en suspendent la discussion ; la parole est donnée à tout parlementaire qui la demande.

La priorité dont bénéficient les rappels au règlement explique qu'ils soient fréquemment détournés de leur objet pour évoquer des questions ne figurant pas à l'ordre du jour, voire pour interpeller le Gouvernement. Peut alors s'engager un mini-débat, auquel participent les différents groupes, sous couvert de rappels au règlement successifs.

Les demandes de suspension de séance sont aussi un moyen d'obstruction efficace. Selon le règlement de l'Assemblée nationale, le Président ne peut s'opposer à une demande de suspension formulée par un Président de groupe ou son représentant ; au Sénat, lorsque la demande est formulée pour des raisons politiques, le Président consulte l'Assemblée et, traditionnellement, la demande est acceptée.

5) Le contrôle parlementaire

L'exercice du contrôle parlementaire, qui recouvre un grand nombre d'activités politiques, allant de la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement, à des procédés purement informatifs, a connu un profond déclin.

La responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale, est mise en jeu soit par lui-même, lorsqu'il demande à l'Assemblée nationale d'approuver son programme ou une déclaration de politique générale-, soit par l'opposition, au moyen d'une motion de censure.

La motion de censure d'initiative parlementaire a perdu sa portée initiale à partir du moment où a existé une majorité homogène et disciplinée. En effet, la motion, pour être recevable, doit être signée par un dixième des députés ; son adoption requiert la majorité absolue des membres de l'Assemblée ; seuls votent les députés favorables à la motion.

Une seule motion de censure a été adoptée sous la Vème République, en 1962, à l'occasion du référendum instituant l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Son emploi, qui est devenu purement symbolique, permet aux groupes de l'opposition de manifester solennellement leur condamnation de la politique Gouvernementale, ou de dramatiser l'hostilité à un projet.

Les questions orales, avec et sans débat, doivent, selon la Constitution, faire l'objet d'une séance par semaine.

Le nombre de questions posées par un groupe étant fonction de son importance numérique, le choix des questions appartient, à l'Assemblée nationale, aux Présidents des groupes ; l'inscription à l'ordre du jour relève de la seule conférence des Présidents.

Les questions avec débat sont tombées en désuétude à l'Assemblée, la conférence des Présidents, reflet de la majorité, évitant d'inscrire à l'ordre du jour les questions embarrassantes pour le Gouvernement (la dernière séance qui leur était consacrée remonte à 1978).

Les questions au Gouvernement, instituées en 1974, ont été évoquées précédemment. A la faveur de la session unique du Parlement, instaurée en août 1995, 804 questions ont pu être posées à l'Assemblée nationale en 1995-1996, contre 436 en 1993-1994.

La création d'une commission d'enquête, en vue d'obtenir des éléments d'information sur des faits déterminés, obéit à des règles strictes ; il ressort, en outre, de la pratique, que la recevabilité de la demande de création est largement fonction de l'opportunité politique, et dépend du bon vouloir des députés de la majorité.

Au cours de la IXème législature, toutefois, il avait été institué, en marge du règlement de l'Assemblée nationale, par accord des Présidents de groupe, un "droit de tirage" : une fois par an, chacun des groupes parlementaires pouvait faire inscrire à l'ordre du jour une proposition de création d'une commission d'enquête.

Selon Laurent Fabius, élu Président de l'Assemblée nationale en juin dernier, la formule du "droit de tirage" devrait être renforcée, afin de garantir un accès satisfaisant à la minorité, et lui permettre, ainsi qu'à la majorité, de se saisir sans entrave des sujets de fond.

c) En période de cohabitation, les relations majorité - opposition font intervenir plus directement d'autres acteurs institutionnels

La cohabitation donne aux relations majorité - opposition une dimension plus large, en organisant le face-à-face de deux légitimités issues du suffrage universel : la majorité parlementaire, et le Président de la République, qui devient en quelque sorte le chef de l'opposition.

Le souci du Président de la République est alors de délimiter clairement et d'exercer pleinement les compétences que lui confère la Constitution dans le cadre d'un exécutif dualiste.

C'est ce qu'a fait récemment le Président Chirac ; c'est ce qu'avait fait le Président Mitterrand lors de la première cohabitation, en 1986-1988, et les pratiques institutionnelles qui avaient été adoptées pendant cette période devaient être confirmées par la deuxième cohabitation.

C'est ainsi qu'en face d'un Premier ministre qui, selon la loi fondamentale, "détermine et conduit la politique de la nation", avec le soutien de sa majorité, le Président de la République, représentant la minorité, a rempli son rôle de gardien de la Constitution, et de garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de la continuité de l'État. Vis-à-vis de l'étranger, il a continué à exercer sa fonction de représentant de la France, en y associant, toutefois, le Premier ministre.

CONCLUSION

Dans le discours qu'il a prononcé en juin dernier devant les députés, après son élection à la présidence de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius définissait ainsi le Parlement, lieu privilégié des relations majorité - opposition :

"Ces murs ne sont pas faits pour nous isoler des souhaits de la population. Ils servent à délimiter, au coeur de l'espace public, un lieu de délibération où s'expriment les questions, les revendications, les conceptions, les solutions ; un lieu où les différences les plus fortes peuvent s'harmoniser dans l'intérêt du plus grand nombre. Mieux nous débattrons ici, moins on s'affrontera dehors."

XIème ASSEMBLÉE RÉGIONALE EUROPE

Andorre, 28 au 30 octobre 1997

La Région Europe de l'A.I.P.L.F. a tenu sa XIème Assemblée en Principauté d'Andorre, du 28 au 30 octobre 1997.

La Section française de l'AIPLF était représentée par M. Pierre-André Wiltzer, député (UDF) de l'Essonne et M. Jean Delaneau, sénateur (RI) d'Indre-et-Loire, vice-Président du Sénat. M. Jacques Legendre, sénateur (RPR) du Nord, est intervenu en sa qualité de Secrétaire général parlementaire de l'AIPLF

Après des allocutions d'accueil prononcées par MM. Francesco Areny, Syndic Général du Conseil général de la Principauté d'Andorre, et Miquel Alvarez, Président de la section andorrane de l'AIPLF., l'Assemblée régionale a entendu le rapport d'activité de son Chargé de mission, M. Philippe Charlier, sénateur belge. Ce dernier a notamment suggéré la création d'un fonds de solidarité au sein de la région Europe, qui permettrait de financer des actions de coopération interparlementaire. Il a également proposé d'inviter des parlementaires d'autres pays de langue latine à participer à la prochaine Assemblée régionale qui se tiendra à Bucarest, pour évoquer avec eux les avantages du multilinguisme.

L'Assemblée a ensuite entendu une communication de Mme Antoinette Spaak, députée au Parlement européen, qui a dressé un bilan de la Conférence intergouvernementale instituée par l'Union européenne. Elle a notamment déploré l'insuffisance des avancées contenues dans le Traité d'Amsterdam conclu en juin 1997.

La délégation française a participé aux travaux des deux commissions, consacrées respectivement à l'espace économique francophone - ce sujet, introduit par un exposé de M. Paul Kestens, Professeur à l'Université libre de Bruxelles, a fait l'objet d'une résolution adoptée par l'Assemblée et au multilinguisme.

En ouverture des débats sur ce second thème, M. Jean Delaneau a fait une intervention relative à la place du français dans les institutions européennes. L'Assemblée a souhaité que les réflexions menées sur cette question fassent l'objet d'un rapport définitif qui lui sera soumis lors de la prochaine session.

Enfin, après avoir entendu les exposés de MM. Jean-Luc Cronel, conseiller du Président de TV5 et André de Margerie, délégué au Développement culturel de la Sept-Arte, l'Assemblée a reconduit dans ses fonctions son Chargé de mission, M. Philippe Charlier.

L'ESPACE ECONOMIQUE FRANCOPHONE Contribution de M. Pierre-André Wiltzer

Les instances de la francophonie ont inscrit, parmi les grands programmes mobilisateurs soumis au VIème Sommet Francophone de Cotonou, en décembre 1995, l'"Espace économique francophone". Cependant, les travaux du Sommet n'ont pas permis de lever l'incertitude sur le contenu qu'il conviendrait de donner à cette notion. La "Résolution sur la coopération économique", adoptée à l'issue des débats, se borne à "souhaiter une réflexion sur l'organisation d'un espace économique francophone". Les fruits de cette réflexion feront probablement l'objet de larges délibérations lors du Sommet de Hanoï en novembre prochain.

D'ores et déjà, une constatation s'impose : l'espace économique francophone ne constitue pas une réalité qui s'impose d'elle-même. Les tentatives des instances de la francophonie pour structurer une telle entité sont demeurées partielles, et se heurtent souvent à d'importantes difficultés. L'expérience acquise incite à modérer les ambitions dans ce domaine, ou tout au moins à les recentrer vers les secteurs où la francophonie peut apporter une véritable plus-value par rapport aux autres ensembles économiques existants.

1 - L'ACTION DES INSTANCES DE LA FRANCOPHONIE DANS LE DOMAINE ÉCONOMIQUE

Dès ses débuts, l'ACCT s'est efforcée de mener des opérations d'aide au développement économique. Néanmoins, ne disposant ni des moyens humains pour assurer la conception et le suivi des projets, ni de moyens financiers suffisants, son action s'est limitée à un "saupoudrage" qui s'est révélé peu satisfaisant.

Face à ce relatif échec, le premier Sommet de la Francophonie, réuni à Paris en 1986, s'est orienté vers la création de "réseaux" qui, dans le domaine économique, ont concerné dans un premier temps l'agriculture et l'énergie. L'environnement s'y est ajouté plus tard au titre du "développement durable".

Dans les faits, l'essentiel des actions menées dans le cadre de ces réseaux concerne la formation et l'échange d'informations. En effet, le réseau - puis programme - "agriculture" s'est rapidement concentré sur les CRESA (Centres régionaux d'enseignement spécialisé en agriculture), organismes de formation mise en réseau, et le SYFIA (Système francophone d'information en agriculture), banque d'information et centre de formation de journalistes spécialisés dans l'agriculture en Afrique. De même le réseau "énergie" (devenu en 1987 l'Institut de l'énergie des pays ayant en commun l'usage du français) a centré ses activités sur les publications et les séminaires d'information, la mise en réseau, la formation et l'appui aux plans nationaux. Enfin, le programme "environnement" s'est résumé à la participation à la Conférence de Rio et aux concertations francophones qui l'ont précédée et suivie, ainsi qu'à des publications et à l'appui aux plans nationaux de protection de l'environnement.

En matière de partenariat d'entreprises, le Forum francophone des affaires a été lancé au Sommet de Québec en 1987. Ses actions principales consistent à réunir des hommes d'affaires, à mettre des entreprises du Nord et du Sud en relation et en réseau, à faire fonctionner une banque de données sur les demandes de partenariat et à appuyer des actions de formation.

Enfin des actions de formation spécifiques ont été menées dans le but de favoriser la création de petites entreprises, l'intégration des femmes africaines au marché du travail ainsi que la promotion de systèmes de collecte de l'épargne.

2 - LES DIFFICULTÉS DE L'INTEGRATION ECONOMIQUE DE L'ESPACE FRANCOPHONE

Les relations économiques entre pays membres de la francophonie ne sont pas négligeables. Le tiers du commerce extérieur des pays francophones du Sud se fait avec les pays francophones du Nord (même si la part des échanges de la France avec ses anciennes colonies est prépondérante dans ce résultat).

De même c'est l'APD (aide publique au développement), essentiellement bilatérale, qui illustre le mieux la solidarité dans l'espace francophone. La proportion destinée à des pays francophones dans le total de l'APD versée atteint environ 60 % pour la Belgique, 50 % pour la France, 25 % pour le Luxembourg et 20 % pour la Suisse et la Canada.

Enfin il convient de rappeler le rôle important que jouent les ONG, ainsi que la coopération décentralisée, dans l'exercice de cette solidarité Nord-Sud en francophonie.

Toutefois les efforts entrepris pour structurer, voire intégrer l'espace francophone dans le domaine économique se heurtent à de nombreux obstacles, que nous nous contenterons d'évoquer brièvement car ils sont bien connus :

la dispersion des pays membres et leur grande disparité en matière de niveau de développement (il suffit de rappeler qu'il existe un facteur cent entre le revenu par habitant des pays du sud et du nord de la francophonie) ;

le manque de complémentarité entre les économies, particulièrement au sein des pays du sud qui n'exportent pour la plupart que des matières premières ;

le problème de la compatibilité avec d'autres ensembles économiques dans lesquels sont intégrés plusieurs pays francophones (l'ALENA, l'ASEAN ou l'Union européenne et ses liens privilégiés avec le groupe des "ACP") ;

le souhait des pays du Nord (notamment la France et la Belgique) de privilégier la coopération bilatérale, qui s'est établie sur la base de liens historiques et dont la visibilité leur paraît mieux assurée.

C'est ainsi que les idées évoquées régulièrement à l'occasion de colloques ou de réunions intéressant la francophonie (institution d'un "label francophone" pour les produits industriels, création d'une "agence francophone de développement", mise en oeuvre d'un système de "préférence communautaire francophone") n'ont jamais été véritablement explorées.

3 - QUELQUES ORIENTATIONS POUR LA REFLEXION

Compte tenu du contexte de l'espace francophone, et de ses spécificités, il apparaît quelques domaines dans lesquels l'action des instances peut avoir un impact particulièrement utile.

Créer un climat favorable au développement des affaires

Le développement des affaires passe en premier lieu par un environnement juridique favorable. Or le droit n'est pas neutre, et encore moins uniforme dans le monde. Les conceptions anglo-saxonne et française, notamment, diffèrent en de nombreux points.

La réussite économique de l'espace francophone passe par une harmonisation des règles juridiques entre les membres qui le composent, dans le respect, toutefois, des identités et des particularismes nationaux.

La francophonie multilatérale peut apporter beaucoup dans ce domaine. Elle le fait déjà dans sa coopération juridique et judiciaire, dans celle qui se développe entre Parlements et, d'une manière générale, dans toutes ses contributions à l'instauration et au fonctionnement de 1'État de droit, condition nécessaire au développement sous toutes ses formes.

Dans le domaine plus précis du droit des affaires, l'ACCT a joué un rôle majeur dans la mise en place de l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires (OHADA), instituée par un traité signé par huit pays de la Zone franc à l'occasion du Sommet de l'Ile Maurice en 1993 (trois autres États les ont rejoint depuis lors).

D'autres pistes pourraient également être explorées. Un effort particulier devrait être porté sur le régime des investissements étrangers, qui conditionnent la reprise économique des pays francophones du sud. Il conviendrait pour cela que des experts travaillent sur des projets d'harmonisation des codes des investissements, qui prévoiraient les dispositions nécessaires en matière fiscale, douanière, etc.

D'une manière plus globale, il serait souhaitable que les instances de la francophonie s'engagent davantage dans le soutien aux processus de coopération et d'intégration régionale, qui permettent d'élargir les marchés nationaux des pays du sud, souvent trop étroits pour attirer les investisseurs étrangers. Jusqu'à présent, les appuis dans ce domaine sont venus presque exclusivement des coopérations bilatérales, et surtout de la France en ce qui concerne, pour l'Afrique, l'UEMOA et la CEMAC. Les réalisations acquises et en cours dans le cadre de la Zone franc, qui exercent un attrait certain comme le montre la récente adhésion de la Guinée Bissau, pourraient inspirer utilement les réflexions de la communauté francophone dans son entier.

L'insuffisance, tant quantitative que qualitative, de la formation francophone dans les domaines économique et financier constitue également un frein au développement des affaires dans la zone. Il revient aux instances de la francophonie, et notamment au "collège économique francophone", structure de réflexion créée dans le cadre de l'AUPELF-UREF, de proposer des actions appropriées.

Enfin la promotion et la diffusion du français comme langue des affaires mérite un soutien accru. L'effort fourni à cet égard par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (7000 diplômés par an, provenant d'une cinquantaine de pays) devrait être relayé dans un cadre multilatéral francophone.

Rationaliser les moyens d'action.

Pour l'année 1996, le budget affecté à l'espace économique s'est monté à 29 millions de FF, ce qui correspondait à environ 12 % de la programmation budgétaire totale du multilatéral francophone.

L'extrême faiblesse de ces moyens d'intervention directe (que l'on peut par ailleurs regretter) devrait inciter les opérateurs à se rapprocher des grandes organisations internationales (agences de l'ONU, Banque mondiale, Banque africaine de développement, etc.). La francophonie pourrait ainsi affirmer sa spécificité et faire valoir les valeurs qui lui sont propres dans les enceintes qui traitent du développement économique. A cet égard, l'adoption récente d'un mémorandum d'accord entre le FFA et l'ONUDI constitue un premier pas encourageant.

De même, l'appartenance de plusieurs membres de la communauté francophone à des ensembles régionaux plus ou moins intégrés peut, sous certains aspects, se révéler un atout qu'il conviendrait de mieux exploiter. Elle peut permettre à des exportateurs de pénétrer de vastes marchés en passant par des "têtes de pont" francophones. Ce type de synergies est encore insuffisamment organisé et encadré.

Enfin, peut-être conviendrait-il de fédérer les actions déployées en matière économique, notamment par l'ACCT, le FFA et l'AUPELF-UREF, et de les confier à un opérateur unique désigné par le Sommet. La visibilité de la francophonie économique auprès des entreprises en serait considérablement améliorée. Le FFA, de par sa vocation première, semble constituer le candidat idéal. Ses moyens pourraient alors être renforcés, et son champ d'action élargi, notamment aux grandes entreprises en leur apportant une véritable valeur ajoutée.

Encourager "l'économie de la culture"

Selon l'expression, très pertinente, de Jean-Louis Roy, l'espace économique francophone "surgit de l'exception culturelle".

La coopération multilatérale francophone doit continuer à concentrer ses efforts dans le "culturel", qui constitue non seulement le domaine, mais également le mode d'intervention qu'elle est le mieux à même de mettre en oeuvre avec une spécificité reconnue et une véritable efficacité.

Un examen attentif des actions accomplies jusqu'à présent dans le domaine économique par la francophonie multilatérale montre qu'elles présentent, pour la plupart d'entre elles, un caractère essentiellement culturel.

En effet les "réseaux", ainsi que le FFA lui-même, ont centré leurs activités sur l'information, la mise en réseaux et la formation. Il s'agit là de moyens d'action à caractère "culturel", au sens large du terme.

De même la francophonie a su saisir les créneaux qui s'offraient à elle dans le domaine de l'"économie de la culture", à savoir l'édition, l'information, le cinéma ou la télévision. L'aide au MASA (Marché des arts du spectacle africain, à Abidjan), ou aux festivals, tel celui de Ouagadougou pour le cinéma africain, constitue une action culturelle à retombées économiques directes si l'on considère les possibilités de débouchés qu'offrent ces manifestations aux producteurs de l'Afrique francophone.

Il reste encore beaucoup à accomplir pour aider les pays du Sud à accroître leur production dans le domaine culturel, depuis les livres jusqu'aux informations et aux données enregistrées. De même l'effort entrepris doit être poursuivi pour assurer une offre en français satisfaisante sur le réseau Internet et les autoroutes de l'information. C'est dans ce secteur que la francophonie excelle, et qu'elle doit mettre en valeur son savoir-faire au profit d'un développement économique équilibré.

A l'examen des grands mouvements géopolitiques ou "géoéconomiques" intervenus dans la période récente, une constatation s'impose : la lutte contre les conséquences de la mondialisation s'organise spontanément sur la base de l'identité régionale, ou plus encore de la complémentarité des économies, plutôt que sur l'appartenance à une même communauté linguistique.

Pour autant, l'action des opérateurs de la francophonie dans le domaine économique stricto-sensu n'est pas négligeable. Elle s'exerce essentiellement dans le cadre de l'aide des pays du nord au développement des pays du sud, où elle complète utilement les coopérations bilatérales. Car ce domaine est celui où la francophonie peut le plus directement mettre en application ses valeurs traditionnelles, de solidarité et d'humanisme.

Sur un plan plus global, le secteur dans lequel la francophonie dispose d'un avantage comparatif évident est celui du marché de la culture, compris dans un sens élargi (information, production intellectuelle, formation ...). Or c'est précisément celui qui connaît actuellement l'expansion la plus rapide (notamment avec l'apparition des nouvelles techniques de l'information et de la communication), et qui dégage la plus forte valeur ajoutée. La francophonie multilatérale, qui a su prendre un bon départ, doit maintenant redoubler ses efforts afin d'éviter de se laisser distancer sur ce créneau au potentiel presque illimité.

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA SECTION FRANÇAISE DE L'AIPLF

Paris, 10 décembre 1997

L'Assemblée générale de la section française de l'AIPLF s'est réunie le mercredi 10 décembre 1997, sous la présidence de son Président-délégué, M. Louis Mexandeau, député (S) du Calvados, afin de procéder, à la suite des dernières élections législatives, à la reconstitution de son Bureau et de ses commissions.

Le nouveau Bureau de la section française résultant de cette réunion et, pour les sénateurs, de la précédente assemblée générale tenue au mois de décembre 1995, à la suite du renouvellement partiel du Sénat, est ainsi constitué :

Président de droit :

M. Laurent Fabius, Président de l'Assemblée nationale.

Président-délégué :

M. Louis Mexandeau, député (S) du Calvados.

Vice-Président délégué :

M. Guy Penne, sénateur (S), représentant les Français établis hors de France.

Premier vice-Président :

M. Xavier de Villepin, sénateur (UC), représentant les Français établis hors de France.

Vice-Présidents :

Mme Christine Boutin, députée (UDF) des Yvelines ; M. Jacques Brunhes, député (C) des Hauts-de-Seine ; M. Jacques Godfrain, député (RPR) de l'Aveyron ; Mme Catherine Tasca, députée (S) des Yvelines.

Trésorier :

M. Jean Delaneau, sénateur (RI) d'Indre-et-Loire.

Trésorier-adjoint :

M. François Lesein, sénateur (RDSE) de l'Aisne.

Secrétaire général :

M. Lucien Neuwirth, sénateur (RPR) de la Loire.

Secrétaire général-adjoint :

M. Georges Sarre, député (RCV) de Paris.

Secrétaires :

Assemblée nationale :

M. Jean-Michel Ferrand, député (RPR) du Vaucluse ; M. Jean-Pierre Foucher, député (UDF) des Hauts-de-Seine ; Mme Odette Trupin, députée (S) de Gironde.

Sénat :

M. Michel Dreyfus-Schmidt, sénateur (S) du Territoire de Belfort ; M. Claude Huriet, sénateur (UC) de Meurthe-et-Moselle; M. Maurice Lombard, sénateur (RPR) de Côte d'Or ; M. Ivan Renar, sénateur (CRC) du Nord.

Membres :

Assemblée nationale :

M. Gérard Bapt, député (S) de Haute-Garonne ; M. Alain Barrau, député (S) de l'Hérault ; Mme Bernadette Isaac-Sibille, députée (UDF) du Rhône ; Mme Claudine Ledoux, députée (S) des Ardennes ; M. Patrice Martin-Lalande, député (RPR) du Loir-et-Cher ; M. Bernard Perrut, député (UDF) du Rhône ; M. Etienne Pinte, député (RPR) des Yvelines ; M. Kofi Yamgnane, député (S) du Finistère.

Sénat :

Mme Monique Ben Guiga, sénateur (S), représentant les Français établis hors de France ; M. Joël Bourdin, sénateur (RI) de l'Eure ; M. Pierre Croze, sénateur (RI), représentant les Français établis hors de France ; M. Charles de Cuttoli, sénateur (RPR), représentant les Français établis hors de France ; M. Adrien Gouteyron, sénateur (RPR) de la Haute-Loire ; M. Jacques Habert, sénateur (NI), représentant les Français établis hors de France ; M. Jean Madelain, sénateur (UC) de l'Ille-et-vilaine ; Mme Danièle Pourtaud, sénateur (S) de Paris ; M. Victor Reux, sénateur (RPR) de

Saint-Pierre et Miquelon.

L'Assemblée générale a ensuite complété les bureaux des quatre commissions permanentes de la section.

Ceux-ci sont ainsi constitués :

Commission politique et de l'administration générale :

Président : M. Jean Faure, sénateur (UC) de l'Isère ; vice-Président : M. Alain Néri, député (S) du Puy de Dôme ; rapporteur : Mme Huguette Bello, députée (RCV) de la Réunion.

Commission des Affaires parlementaires :

Président : M. Yves Tavernier, député (S) de l'Essonne ; vice-Président M. Paul Loridant, sénateur (CRC) de l'Essonne ; rapporteur : M. Victor Reux, sénateur (RPR) de Saint-Pierre et Miquelon.

Commission des Affaires culturelles :

Président : M. Adrien Gouteyron, sénateur (RPR) de Haute-Loire; vice-Président : M. Jean-Pierre Marché, député (S) des Deux Sèvres ; rapporteur ; M. Jean Delaneau, sénateur (RI) d'Indre et Loire.

Commission de la Coopération et du Développement :

Président : M. Jacques Brunhes, député (C) des Hauts-de-Seine ; vice-Président : Mme Paulette Brisepierre, sénateur (RPR), représentant les Français établis hors de France ; rapporteur : M. Guy-Michel Chauveau, député (S) de la Sarthe.

Parallèlement, l'Assemblée générale a désigné les candidats de la section française aux postes qui lui reviennent traditionnellement dans les instances de l'A.I.P.L.F.

Il s'agit de :

M. Jacques Legendre, pour le poste de Secrétaire général parlementaire

Louis Mexandeau, pour le poste de vice-Président

Pierre-André Wiltzer, pour la Présidence de la commission politique et de l'administration générale

Guy Penne, pour la vice-Présidence de la commission des Affaires parlementaires

Bruno Bourg-Broc, pour la vice-Présidence de la sous-commission de l'Éducation

Jean Delaneau, pour le poste de rapporteur de la commission des Affaires culturelles

Jacques Brunhes, pour le poste de rapporteur de la commission de la coopération et du développement

L'Assemblée générale a enfin adopté les comptes de l'exercice 1996 et le projet de budget pour l'année 1997.

BUREAU DE LA COMMISSION POLITIQUE ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE

Pointe à Pitre, 14 décembre 1997

Le Bureau de l'AIPLF, réuni à Pointe-à-Pitre le 14 décembre 1997, ayant entériné la proposition de la section française de nommer M. Pierre-André Wiltzer, député (UDF) de l'Essonne, Président de la commission politique, le Bureau de cette commission s'est aussitôt réuni.

M. Wiltzer a dressé un bilan du VIIe Sommet des Chefs d'État et de Gouvernement ayant le français en partage, réuni à Hanoï du 14 au 16 novembre. Il a souhaité que l'AIPLF effectue un suivi des décisions prises à Hanoï afin de présenter des avis au Sommet francophone de Moncton (Nouveau Brunswick - Canada) en 1999, et assumer ainsi son rôle d'Assemblée consultative de la francophonie.

La prochaine réunion doit se dérouler à Bangui (République Centrafricaine) au mois d'avril prochain. Les thèmes abordés porteront sur :

le bilan du Sommet de Hanoï et les conséquences concrètes à en tirer dans les relations entre l'AIPLF et les nouvelles instances de la francophonie ;

le rôle des parlementaires sur la scène internationale ; la prévention et le règlement des conflits.

BUREAU DE L'AIPLF

Pointe-à-Pitret 14 et 15 décembre 1997

A l'invitation de la Section française, le Bureau de l'AIPLF s'est réuni à Pointe-à-Pitre les 14 et 15 décembre sous la Présidence de M. Jean-Pierre Charbonneau, Président de l'Assemblée nationale du Québec, vice-Président de l'AIPLF Quinze des vingt sections représentées au Bureau ont participé à cette réunion. Outre celle du Québec, deux délégations étaient conduites par le Président de l'Assemblée nationale : celles du Burkina Faso et du Gabon. La section française était représentée par M. Louis Mexandeau, son Président délégué, député (S) du Calvados, M. Pierre-André Wiltzer, député (UDF) de l'Essonne et M. Kofi Yamgnane, député (S) du Finistère. Le Président du Sénat d'Haïti, M. Edgar Leblanc fils, assistait à la réunion en qualité d'observateur.

Après avoir entendu une communication de son Président, l'honorable Jean-Robert Gauthier, sénateur canadien, le Bureau de l'AIPLF a entériné les candidatures de la section française aux postes internationaux qui lui reviennent dans les instances de l'AIPLF: M. Jacques Legendre, sénateur (RPR) du Nord, a été confirmé au poste de Secrétaire général parlementaire, M. Louis Mexandeau nommé vice-Président de l'AIPLF, M. Pierre-André Wiltzer désigné pour le poste de Président de la Commission politique et de l'administration générale, M. Guy Penne, sénateur (S) représentant les français établis hors de France, confirmé au poste de vice-Président de la commission des Affaires parlementaires, M. Bruno Bourg-Broc, député (RPR) de la Marne, confirmé au poste de vice-Président de la sous-commission de l'Éducation, M. Jean Delaneau, sénateur (RI) d'Indre-et-Loire, confirmé au poste de rapporteur de la commission des Affaires culturelles et M. Jacques Brunhes, député (C) des Hauts de Seine, désigné pour le poste de rapporteur de la commission de la Coopération et du Développement.

Le Bureau a ensuite entendu le rapport d'activité du Secrétaire général parlementaire consacré notamment à la participation de l'AIPLF au Sommet de Hanoï qui a donné lieu à un avis écrit sur l'État de droit dans le monde francophone en relation avec la coopération et le développement économique. Un large débat s'est instauré sur ces questions.

Sur proposition de M. Jacques Legendre, le Bureau de l'AIPLF a décidé l'envoi au Burundi d'une mission de six parlementaires, dont un membre de la section française, conduite par un vice-Président.

Il a ensuite entendu les rapports d'activité des Chargés de mission Afrique, Amérique et Europe.

Après avoir délibéré de la situation institutionnelle au Congo Brazzaville, le Bureau a chargé la région Afrique d'en tirer les conséquences pour la première vice-Présidence de l'AIPLF

Le Bureau a également fait le bilan de la participation de l'AIPLF aux IIIème Jeux de la Francophonie qui se sont tenus à Madagascar du 26 août au 6 septembre 1997.

Sur rapport de M. Carlo Meintz, trésorier de l'AIPLF, le projet de budget pour 1998 a été approuvé.

Ont enfin été désignés comme pays bénéficiaires du programme Pardoc pour les armées 1998 et 1999 : Haïti, le Togo, la Guinée et la Bulgarie.

BUREAU DE LA COMMISSION DE L'EDUCATION, DE LA COMMUNICATION, ET DES AFFAIRES CULTURELLES

Sion et Aoste, 5-7 janvier 1998

A l'invitation des sections de la Suisse et du Val-d'Aoste, le Bureau de la commission de l'éducation, de la communication et des affaires culturelles de l'AIPLF s'est réuni à Sion et à Aoste du 5 au 7 janvier 1998.

Ont participé à cette réunion des parlementaires de la Communauté française de Belgique, d'Egypte, de France, du Jura, du Niger, du Québec, du Valais et du Val d'Aoste. La section française était représentée par M. André Egu, sénateur (UC) d'Ille-et-vilaine. M. Louis Mexandeau, député (S) du Calvados, Président-délégué de la section française, a ouvert les travaux.

Le Bureau a établi un bilan des travaux de la commission sur la place du français dans les organisations internationales, la création et le développement de la chaîne internationale francophone TV5, la place de la langue française dans les technologies nouvelles de communication et d'information et le prix de l'AIPLF aux Jeux de la Francophonie. Après avoir examiné les travaux du Sommet de Hanoï, le Bureau a étudié les sujets traités par la sous-commission de l'éducation : revalorisation et modernisation de l'enseignement technique au sein de l'espace francophone, et Conférence parlementaire francophone de Paris consacrée aux problèmes de population-éducation et population-développement. Des experts ont été entendus sur ces deux derniers sujets.

Le Bureau de la commission a également adopté une motion soutenant la candidature de Sion aux Jeux Olympiques d'hiver de 2006.

La prochaine réunion de la Commission se tiendra à Québec du 21 au 23 avril 1998. Elle sera précédée le 20 avril d'un Forum sur "Parlements et Inforoutes".

SÉMINAIRE PARLEMENTAIRE

Sofia (Bulgarie) - 21-23 janvier 1998

Dans le cadre de ses actions de coopération interparlementaire et pour répondre à la demande des parlementaires d'Europe centrale et orientale, la commission des Affaires parlementaires de l'AIPLF a organisé à Sofia (Bulgarie), du 21 au 23 janvier 1998, un séminaire consacré au "Consensus parlementaire" et abordant trois aspects spécifiques :

- les relations entre majorité et opposition,

- le rôle des groupes de pression au sein du Parlement,

- le rôle des petits partis.

Des conférenciers des trois régions de l'AIPLF, Afrique, Amérique et Europe, ont exposé les pratiques parlementaires de leurs pays respectifs, devant les députés bulgares et roumains participant au séminaire. Ces exposés ont donné lieu à des débats en ateliers.

Mme Odette Trupin, député (S) de la Gironde, et conférencier pour la Région Europe, est intervenue sur le deuxième thème et a animé l'atelier de travail relatif au rôle des petits partis.

A l'issue du séminaire, les députés bulgares et roumains ont adopté quatre résolutions qu'ils ont souhaité adresser à la commission des Affaires parlementaires ; trois sont relatives aux fondements du consensus parlementaire, aux droits et devoirs de l'opposition, au rôle des groupes de pression - compléments nécessaires de la représentation nationale - ; la quatrième encourage l'AIPLF à mener une réflexion approfondie sur les relations entre la presse et le travail parlementaire.

QUEL RÔLE POUR LES GROUPES DE PRESSION AU SEIN DU PARLEMENT ? Communication de Mme Odette Trupin

Alors que dans les antiques cités grecques, la démocratie directe permettait à chaque citoyen d'exprimer ses revendications devant une assemblée politique, le fonctionnement complexe des démocraties modernes a suscité la constitution de groupes de pression défendant des intérêts particuliers, et qui ont connu une évolution différente selon les pays.

En France, la création d'associations ou de groupements d'individus a longtemps fait l'objet d'une législation très restrictive, assouplie par la suite, inspirée par la méfiance des révolutionnaires de 1789 à l'égard des corps intermédiaires : pour eux, en effet, seule, la Nation incarne l'intérêt collectif par l'intermédiaire de ses représentants élus, et cette représentation ne peut être fractionnée.

Fidèle à la conception classique de la représentation, la Constitution de 1958, qui a fondé la Vème République, affirme que : "la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants... aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice" (art. 3) ; elle proclame par ailleurs que : "tout mandat impératif est nul" (art. 27). C'est pourquoi, les groupes de pression ne bénéficient d'aucune reconnaissance légale.

Cependant, à une époque où l'État a investi l'ensemble des secteurs économiques et sociaux, et où les partis politiques connaissent une perte de représentativité, les groupes d'intérêt peuvent assurer une médiation nécessaire entre l'individu et la puissance publique, et participer utilement au processus de décision. Ils jouent par ailleurs un rôle pédagogique indispensable auprès des parlementaires, dans un système constitutionnel qui consacre, depuis 1958, la prééminence de l'Exécutif.

Aussi, malgré leur inexistence juridique, les groupes de pression manifestent une présence bien réelle au sein du Parlement français (I), en remplissant un double rôle de veille législative, et d'information des élus (II).

I - UNE PRESENCE BIEN RÉELLE, MALGRÉ UNE INÉXISTENCE JURIDIQUE

A) Aucune des deux chambres du Parlement ne reconnaît l'existence des groupes de pression

a) A l'Assemblée nationale

Aucun code de déontologie ne réglementant leurs activités, il n'existe ni registre, ni liste - publique ou non - des groupes de pression, qui ne sont pas "reconnus" comme tels.

Reprenant les dispositions de la Constitution, le Règlement intérieur de l'Assemblée proscrit la formation de groupes de défense d'intérêts particuliers, locaux ou professionnels, entraînant pour leurs membres l'acceptation d'un mandat impératif, ainsi que la réunion, dans l'enceinte de la Chambre, de groupements permanents tendant à la défense des mêmes intérêts.

Par ailleurs, le Règlement interdit à tout député, d'exciper, de laisser user, ou d'user lui-même de sa qualité ou de son titre pour d'autres motifs que l'exercice de son mandat, sous peine de sanctions disciplinaires.

L'adhésion à une association ou à un groupement de défense d'intérêts particulier est interdite, lorsqu'elle implique l'acceptation d'un mandat impératif.

b) Au Sénat

Il n'existe pas non plus de registre ou de liste des groupes de pression, ni de code de conduite pour les représentants de groupes d'intérêt. Certains peuvent faire l'objet de recommandations orales, ou être déclarés personnes indésirables, à la demande de parlementaires.

B) Une présence bien réelle

a) Les représentants des groupes de pression ont accès au Parlement

Les assemblées n'interdisent pas la présence de représentants de groupes d'intérêt dans leurs murs. En leur délivrant des cartes d'accès aux salles où déambulent ministres, députés et journalistes, elles leur permettent de remplir leur mission : s'informer et organiser les contacts utiles, après avoir repéré les interlocuteurs appropriés.

Dans chaque assemblée, une trentaine de personnes disposent ainsi d'un droit d'accès aux abords de la salle des séances : délégués d'organismes ou d'entreprises publiques, représentants d'organismes agricoles et de syndicats patronaux.

Toutefois, les groupes de pression ne jouent pas à armes égales ; les syndicats ouvriers ou les associations d'usagers sont moins efficaces, car moins représentés. En revanche, les plus puissants (anciens combattants, agriculteurs, grandes entreprises publiques, transporteurs routiers, secteur du bâtiment, du textile, des banques, des assurances...), disposent d'équipes de salariés, chargées des relations avec le Parlement. Peu font appel à des cabinets privés, encore rares en France.

b) Les groupes de pression sont plus ou moins intégrés à la vie du Parlement

Les notaires, par exemple, sont un groupe de pression efficace. Au fait de tous les projets les concernant peu ou prou, ils les analysent au fond, afin de s'appuyer sur des dossiers techniquement très au point. Tout législateur consciencieux ne peut négliger leurs remarques. Les rapporteurs des divers projets de loi concernant les faillites ont donc travaillé avec eux, ainsi qu'avec les différentes organisations patronales, les chambres de commerce et les commissaires aux comptes.

Les agriculteurs - dont les "actifs" ne représentent que 8 % de la population active - ont des "amis" dans tous les groupes politiques.

Le cumul de mandats permet aux élus locaux, qui sont en même temps parlementaires, d'intervenir d'autant plus efficacement qu'ils appartiennent à la majorité.

c) Cette présence est nécessaire à la démocratie

Les groupes de pression fournissent au député ou au sénateur une ouverture sur les milieux sociaux qu'il ne fréquente guère.

Par leur intermédiaire est compensée, en partie, la sous-représentation de certaines professions au Parlement, par rapport à leur poids dans la vie économique du pays (les cadres du privé, notamment).

Ils permettent, enfin, aux acteurs économiques d'intervenir dans le débat, et de pallier les carences éventuelles des corps constitués traditionnels. C'est la traduction pratique de la notion d'"entreprise citoyenne".

Leur vocation est différente de celle des partis, qui élaborent des programmes et présentent des candidats aux élections.

Les programmes des partis, destinés à agréger et articuler les intérêts divers d'un électorat le plus vaste possible, revêtent un contenu très général. Les groupes de pression font, au contraire, des propositions concrètes et techniquement argumentées.

Même si, au moment des campagnes électorales, les groupes de pression peuvent "négocier" leur soutien à un candidat, leur finalité n'est pas politique ; de plus, la diversité de leurs adhérents leur interdit de se lier totalement les mains, en leur donnant, par exemple, des consignes de vote.

Il peut arriver toutefois, lorsque ses revendications remettent en question l'orientation choisie par le Gouvernement dans un secteur déterminé, qu'un groupe de pression se transforme en parti pour influencer le jeu politique dans son ensemble. C'est ainsi que le mouvement écologique a donné naissance à plus d'une dizaine de formations politiques qui ont présenté des candidats aux élections de juin 1997.

II - LE DOUBLE RÔLE DES GROUPES DE PRESSION : VEILLE LEGISLATIVE ET INFORMATION

La stratégie des groupes de pression est d'inscrire la défense de leurs intérêts particuliers dans celle, plus vaste, de l'intérêt général ; la participation à la prise de décision et le suivi de la législation en sont le corollaire. Ils contribuent par la même à l'information des élus.

A) Par l'exercice d'une "veille législative", les groupes de pression participent au processus de décision

La modification des institutions en 1958, en consacrant la prééminence de l'Exécutif, a conduit les groupes de pression à intervenir de préférence auprès des services de l'Elysée, de Matignon, ou des autres ministères.

Toutefois, lorsque les groupes de pression n'ont pas pu se faire entendre de l'administration, les parlementaires jouent le rôle d'instance d'appel des décisions prises par l'Exécutif ; mais ils peuvent, à l'inverse, faire échouer un accord laborieusement passé avec le Gouvernement.

C'est pourquoi, les lobbyistes ne négligent aucune source de pouvoir, assurant l'articulation entre les différents centres de décision. L'association française des entreprises privées, par exemple, fondée en 1983, qui rassemble plus d'une soixantaine d'établissements, fonctionne comme un cabinet hautement spécialisé, capable de concevoir des projets de loi, de les livrer "clefs en mains" au Gouvernement, mais aussi d'en assurer le suivi au Parlement.

a) C'est au moment de l'examen des projets de loi que l'activité des groupes de pression est particulièrement perceptible

Leurs représentants, très au fait de la procédure parlementaire, "suivent" quasiment tous les textes, en relation étroite avec les personnages-clés du Parlement : Présidents et rapporteurs des commissions, qui supervisent la préparation des textes ; responsables des groupes politiques, susceptibles d'imposer la discipline de vote.

Ils sont en mesure, grâce à leurs contacts dans les ministères, d'expliciter les motivations d'un projet de loi et les conséquences de son adoption, de rédiger des amendements pour défendre leurs intérêts, et de repérer la disposition ou l'amendement dangereux.

Le Président de la commission des Finances estimait en 1990, à 5 %, le nombre d'amendements à la loi de finances, qui proviennent directement des groupes de pression. Cette évaluation, limitée au projet de budget dont l'examen est très encadré par le Gouvernement, est vraisemblablement sous-estimée.

L'action des groupes de pression trouve néanmoins ses limites dans la prééminence de l'Exécutif et la discipline de vote, qui impliquent de convaincre le président du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale. Il leur arrive toutefois, lors de débats "idéologiques", de s'appuyer sur l'opposition.

C'est ainsi que, lors de la discussion du projet de loi sur les nationalisations, en 1982, les représentants des entreprises nationalisables ont suggéré aux élus de droite - opposés au projet - de nombreux amendements dont l'examen devait retarder le débat.

Une autre limite à l'influence des groupes de pression est le jeu des équilibres entre intérêts contradictoires.

Il convient de rappeler, à cet égard, l'affrontement qui a eu lieu, à partir de 1988, entre les professions de santé, et le lobby de l'alcool et du tabac. L'adoption en 1991, de la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme a marqué la victoire des premiers ; mais, sous la pression des lobbies viticoles, le texte a, par la suite, été assoupli.

b) Les questions écrites des parlementaires aux ministres témoignent aussi de l'action des groupes de pression auprès des élus.

L'objet de ces questions est, notamment, d'alerter les pouvoirs publics sur les difficultés d'une catégorie socioprofessionnelle, dénoncer un vide juridique, la non-application ou un dysfonctionnement dans l'application d'un texte législatif ou réglementaire, qui pénalise une catégorie d'individus et suggérer éventuellement des solutions.

B) Les groupes de pression contribuent à l'information des élus

Le suivi des travaux législatifs par les lobbies s'accompagne, on l'a vu, d'un travail d'information des parlementaires ; mais la création d'un groupe d'études constitue l'expression la plus directe du rôle pédagogique des groupes de pression auprès des parlementaires.

a) Les groupes d'études réunissent des élus de différentes tendances politiques autour d'un sujet commun .

L'adhésion à un groupe d'études répond, en général, à des préoccupations locales ou professionnelles. Bien qu'élu du peuple tout entier et représentant l'intérêt général, le parlementaire est lié par des attaches institutionnelles avec sa circonscription, qui constitue son corps électoral, et avec son ancien métier.

Sans être interdits par les règlements des assemblées, les groupes d'études sont circonscrits dans d'étroites limites.

1) Leur création est subordonnée à L'agrément du Bureau, car la constitution de groupes de défenses d'intérêts particulier, locaux ou professionnels est, nous le rappelons, proscrite par les règlements intérieurs des assemblées. Par ailleurs, leur objet ne doit pas empiéter sur les attributions d'une commission permanente.

Les Présidences des groupes d'études sont réparties à la proportionnelle des groupes politiques.

A l'Assemblée nationale, 83 groupes d'études sont répertoriés depuis le début de la nouvelle législature.

2) Les moyens dont ils disposent sont limités. A l'Assemblée nationale, les groupes d'études ne reçoivent aucun budget de fonctionnement ; au Sénat, l'adhésion implique généralement le paiement d'une cotisation. Dans chaque assemblée, les groupes agréés peuvent disposer de la collaboration d'un fonctionnaire, qui en assure le secrétariat, ainsi que de salles de réunions, et de moyens de reprographie.

3) La finalité d'un groupe est de faire avancer un dossier, de proposer de modifier la législation, en déposant, par exemple, une proposition de loi, ou en incitant le Gouvernement à déposer un projet de loi. Leur activité consiste essentiellement en auditions d'intervenants extérieurs, spécialistes ou responsables d'organismes.

b) Les autres aspects de la fonction d'information des groupes de pression

l'information des parlementaires répond à un souci de réciprocité. Dans la mesure où ils sollicitent fréquemment les élus, les groupes de pression doivent en échange leur donner des indications sur les dossiers complexes, et les mettre en rapport avec les interlocuteurs appropriés.

Les organisations professionnelles peuvent être aussi l'unique source d'information, ainsi, les seules statistiques disponibles concernant la production d'acier en France émanent de la fédération française de l'acier.

Plus généralement, enfin, les groupes de pression informent pour se faire connaître et asseoir leur crédibilité par la qualité de leurs apports techniques, et des moyens mis en oeuvre -organisation, par exemple, de voyages d'études sur le terrain -. La limite à ce type d'action étant contenu dans la législation relative à l'abus de biens sociaux.

Le rôle des groupes de pression au Parlement n'est donc pas négligeable, quoique souvent difficilement mesurable. Peu à peu, sous l'impulsion des groupes de pression, et parce que l'intervention de l'État n'a guère de limites, le Parlement a tendance à devenir un arbitre entre des intérêts particuliers, dont il cherche à dégager l'intérêt général.

Nous avons privilégié dans cet exposé les aspects positifs de l'intervention des lobbies auprès des élus. La conclusion nous permettra d'en évoquer brièvement les travers.

Sous l'influence des groupes de pression, le législateur a tendance à intégrer dans les textes des précisions nombreuses, reflets de préoccupations multiples, qui nuisent à leur compréhension. Trop complexes, les lois manquent parfois de cohérence entre elles.

Plus inquiétant, le poids de certains lobbies contribue à réduire le droit du Parlement de légiférer. C'est le cas lorsque le Gouvernement dissuade sa majorité parlementaire de remettre en cause un accord laborieusement négocié avec un groupe représentant des catégories électorales nombreuses, ou susceptible de mobiliser l'opinion publique en sa faveur.

COMMISSION DE LA COOPÉRATION ET DU DÉVELOPPEMENT

Genève, 23 - 25 Mars 1998

La Commission de la Coopération et du Développement de l'AIPLF s'est réunie à Genève, à l'invitation de la section suisse, du 23 au 25 mars 1998, sous la présidence de M. Guy Ningata, Président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale Centrafricaine.

Dix-neuf sections de l'AIPLF ont participé aux travaux de la réunion. La Section française était représentée par M. Jacques Brunhes, député (C) des Hauts-de-Seine, questeur de l'Assemblée nationale.

Les participants ont entendu deux exposés, portant respectivement sur " l'appui à la lutte contre le SIDA dans les pays de la Francophonie ", présenté par le Dr Awa Marie Coll-Seck, directrice du Département des Politiques, des Stratégies et de la Recherche à l'ONUSIDA, et sur le thème " Population - éducation et population - développement" présenté par M. Hermann-Michel Hagmann, professeur à l'Université de Genève.

Ces sujets ont fait l'objet de débats, de même que la Conférence de M. Gilbert Rist, professeur à l'Institut universitaire de la Francophonie sur le thème " Du développement à la mondialisation, métamorphose d'une croyance".

La commission a ensuite examiné les rapports qui lui étaient soumis portant sur " Les transferts de technologie", "Les processus de coopération et d'intégration régionales économiques en Afrique francophone", et " Les conséquences de l'Euro sur le Franc CFA ".

Ce dernier, présenté par M. Jacques Brunhes, constituait un rapport d'étape devant être complété après les décisions importantes qui seront prises concernant l'Euro dans le cadre du Sommet européen du 2 mai prochain, en vue de sa discussion lors de la session ordinaire de l'AIPLF prévue en Côte d'Ivoire au mois de juillet.

Les participants ont également décidé de constituer un groupe de travail chargé de proposer des orientations à la Commission dans le cadre de sa réflexion sur la coopération décentralisée.

Enfin, les membres de la commission ont pu rencontrer, à l'occasion d'un déjeuner, le Président du Canton de Genève.

AUDITION DE M. BOUTROS BOUTROS-GHALI, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE

Paris, 25 Mars 1998

La section française de l'AIPLF et le groupe d'études sur la francophonie et la culture française dans le monde ont procédé à l'audition de M. Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général de la Francophonie.

Après avoir vivement remercié M. Boutros Boutros-Ghali d'avoir accepté l'invitation conjointe de la section française de l'AIPLF, présidée par M. Louis Mexandeau, et du groupe d'études sur la francophonie et la culture française dans le monde, le Président Bruno Bourg-Broc a rappelé que le groupe d'études avait pour objectif de promouvoir la francophonie au sein même des institutions françaises en général et de l'Assemblée nationale, où elle était peut-être insuffisamment connue et défendue.

Il a précisé qu'en accueillant M. Boutros Boutros-Ghali, la section française de l'AIPLF et le groupe d'études sur la francophonie accueillaient bien sûr le Secrétaire général de la Francophonie désigné récemment à Hanoï, mais aussi l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, un juriste et universitaire éminent, un apôtre de la francophonie et un ami de la France.

Après avoir souhaité dire combien il était honoré d'être reçu à l'Assemblée nationale, M. Boutros Boutros-Ghali s'est déclaré heureux d'être auditionné, et ce pour plusieurs raisons, la première étant de mieux faire connaître l'organisation internationale de la francophonie, ses vues et ses projets, la deuxième tenant à son profond désir de faire en sorte que la francophonie s'adresse, non pas seulement aux chefs d'État et de Gouvernement, mais aussi, et surtout, à l'ensemble de la société civile, dont les parlementaires étaient les indispensables relais, la troisième raison étant de faire de cette réunion une rencontre, c'est-à-dire un lieu de débats où il pût lui-même s'enrichir de l'expérience des parlementaires français, acteurs à part entière, et bien souvent acteurs principaux, de la communauté francophone.

Il a rappelé que dans la Charte de la Francophonie, adoptée à Hanoï en novembre 1997, l'AIPLF avait été officiellement consacrée, comme étant l'Assemblée consultative de la Francophonie.

Il a ajouté qu'il existait un devoir de penser à la francophonie dans la perspective de la mondialisation, qu'il fallait ne pas avoir peur de cette globalisation et qu'il convenait de la prendre résolument en compte et de se battre ensemble pour qu'elle soit respectueuse des différences et de la diversité du monde, le combat pour la francophonie prenant tout son sens dans ce cadre. Il a jugé que la francophonie était une manière de dire que la mondialisation n'était pas l'uniformisation et que la globalisation n'était pas la banalisation.

Puis, il a souligné que c'était en s'inspirant de cette philosophie qu'il comptait remplir son rôle de Secrétaire général de la francophonie, avant de signaler que la Charte de la Francophonie, telle qu'elle avait été conçue à Cotonou et mise en oeuvre à Hanoï, offrait au Secrétaire général les moyens de donner un nouvel élan à la communauté francophone.

Il a fait remarquer qu'en tant qu'institution, la francophonie ne s'était imposée que très progressivement et très récemment sur la scène internationale, qu'elle l'avait de façon empirique et pragmatique, et que c'était la raison pour laquelle les chefs d'État et de Gouvernement ayant le besoin de donner une rationalité plus grande à l'ensemble institutionnel francophone.

Estimant qu'une nouvelle institution, l'organisation internationale de la francophonie, venait de naître, il a engagé les parlementaires français à la faire connaître, comme lui-même avait cherché à le faire à l'occasion de la récente cérémonie du 20 mars, journée mondiale de la francophonie, cérémonie à laquelle il avait convié à Paris les principaux responsables des grandes organisations internationales afin de leur présenter le nouveau visage de la francophonie issu du Sommet du Hanoï.

Il s'est réjoui qu'aient pu notamment participer à cette réunion les plus hauts responsables de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), de l'Organisation des États américains (OEA), de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l'Organisation des Caraïbes (CARICOM), du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne, de la Communauté des États indépendants (CEI), de la Ligue des États arabes, du Commonwealth, de la Communauté des pays de langue portugaise, de l'Organisation des États ibéro-américains, de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), ainsi que de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO).

Il a précisé qu'il avait hésité à inviter les organisations financières internationales, dans la mesure où la dimension économique de la francophonie allait prendre une forme nouvelle, à la suite de la décision prise à Hanoï de tenir une conférence de ministres de l'Economie et des Finances à Monte-Carlo l'année prochaine. Il a expliqué qu'il avait voulu notamment dresser devant les représentants de ces organisations internationales les grandes lignes de son action, et qu'il souhaitait également soumettre à l'attention et à l'appréciation des parlementaires français les trois objectifs qu'il poursuivait.

1. Il a fait observer que sa première priorité était de mieux souder l'espace politique francophone, constatant que chacun était convaincu que cette nouvelle fonction de Secrétaire général de la Francophonie devait permettre à la communauté francophone de se penser comme un véritable ensemble géopolitique, qui s'étendait sur l'ensemble de la planète, et que, quelle que fût la variété de leur histoire, le degré de leur développement, de leur puissance politique ou économique, les États membres savaient bien qu'ils partageaient des valeurs communes, à savoir la liberté, la démocratie, la pluralisme, le respect de l'État de droit, et la défense des droits de l'homme. Après avoir noté que ces valeurs avaient été rappelées par les dirigeants de la francophonie à plusieurs reprises, il s'est déclaré lié par ces exigences tout en étant obligé de respecter la souveraineté et l'indépendance politique des États.

Qu'il s'agisse de diplomatie préventive, de rapprochement des points de vue, du règlement des différends, de surveillance ou d'assistance électorale, il a fait remarquer que les État membres de l'organisation internationale de la francophonie étaient désormais dotés d'un véritable instrument politique, qu'il convenait d'imposer à l'extérieur en tant que tel, c'est-à-dire aux non francophones.

Il a expliqué que c'était la raison pour laquelle il souhaitait multiplier les contacts avec d'autres organisations internationales et qu'il s'était déjà engagé dans cette voie en participant à la première réunion des ministres de Affaires étrangères de l'OUA, qui s'était tenue à Addis-Abeba, et en rencontrant les principaux collaborateurs du directeur général de la Commission économique pour l'Afrique qui dépendait du Conseil économique et social des Nations Unies et de son Assemblée générale pour leur expliquer quelles étaient les différentes actions et agences de la francophonie et pour leur demander de collaborer avec elles.

Ainsi, il a souligné que la Francophonie enverrait, à la demande expresse du directeur de la commission économique pour l'Afrique, une déléguée lors de la prochaine réunion africaine sur les femmes organisée pour le suivi du Sommet de Pékin. Il a également évoqué une rencontre avec le Secrétaire de la Ligue arabe, avec lequel il avait été décidé de montrer de nouveaux projets en commun, notamment dans le domaine de l'assistance technique. Il a estimé que ces actions permettraient de décentraliser l'action internationale et de donner à la francophonie politique tous son poids sur la scène internationale.

2. Puis, M. Boutros Boutros-Ghali a annoncé que son deuxième objectif était de renforcer la coopération économique francophone, précisant que les dangers qui guettaient en permanence ce type de coopération étaient bien connus, de la même façon qu'étaient bien connues la pratique des États donateurs du Nord, accaparés par leurs propres problèmes internes et portés parfois vers le repli économique, et leur préférence pour les actions bilatérales, plus valorisantes, par rapport aux actions multilatérales, pourtant souvent plus vastes et plus utiles aux États qui les recevaient. Il a rappelé la dispersion des efforts, la mauvaise évaluation de projets, les lourdeurs bureaucratiques qui souvent entravaient l'assistance et la coopération économiques.

Se gardant d'être d'un optimisme excessif et hors de propos, il a estimé qu'à Hanoï, les États avaient bien perçu ces difficultés, et a souligné qu'il était chargé par la Charte d'animer la coopération économique multilatérale francophone. Il a dit croire aux vertus du multilatéralisme, dans lequel il voyait un vivier d'idées nouvelles et de formules originales de coopération.

Il a fait part de son expérience de ministre des Affaires étrangères d'Egypte, précisant qu'il avait créé en 1978 un fonds spécial pour promouvoir la coopération Sud-Sud en Afrique, mais que ce fonds, étant limité d'un point de vue financier, l'avait obligé à collaborer avec des organisations internationales et d'autres États pour que l'aide ou la coopération fut multilatérales. Il a avoué qu'il avait essayé en vain d'obtenir une aide multilatérale auprès de plusieurs grandes puissances qui s'étaient toujours intéressées à la coopération, telles que la France, les États-Unis ou les pays Scandinaves, mais qu'en revanche, le Japon avait bien voulu monter de nombreux projets en commun portant notamment sur la formation de centaines d'officiers dans les académies de police égyptiennes pour lutter contre la drogue, mais également de centaines d'infirmières africaines, de spécialistes de la culture du riz, ou de pilotes pour les ports africains. Il a indiqué que ces différentes opérations de coopération avaient été menées de manière triangulaire entre le Japon, l'Egypte et les pays africains, et qu'il avait insisté, pour garder une certaine indépendance, sur le fait que la contribution à ces projets fût financée pour moitié par le Japon et pour moitié par le fonds qui dépendait du ministère des Affaires étrangères égyptien. Il a déclaré vouloir reprendre cette idée consistant à animer une coopération avec d'autres organisations pour multiplier les possibilités et qu'il avait d'ores et déjà demandé aux différents opérateurs de réfléchir à une relance de cette coopération multilatérale autour des priorités qu'il était en train de définir, soulignant que la francophonie y gagnerait en cohérence.

Après avoir affirmé que, dans les circonstances actuelles, existaient les moyens d'approfondir le dialogue entre francophones du Nord et francophones du Sud et de mieux inscrire la coopération Sud-Sud dans le cadre la francophonie, il a fait remarquer qu'il avait constamment sollicité les pays donateurs pour que le financement des programmes de la francophonie puisse être mené dans de meilleures conditions et qu'il avait décidé de mobiliser les institutions économiques et financières internationales, telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaires international (FMI), l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Enfin, il a indiqué qu'il voulait faire appel aux partenaires privés, tels que les organisations non Gouvernementales, les chefs d'entreprise, ou les banquiers, qui comprenaient bien que la francophonie était également un espace économique en devenir, un espace prometteur, bien qu'elle ne fût jusqu'à présent que peu avancée dans cette direction. Il a ajouté que la conférence de Monaco en 1999 pourrait être une sorte de forum permettant de mieux faire connaître les différentes possibilités économiques de la communauté francophone.

3. Mais pour que cela puisse mieux s'incarner dans le réel, il a précisé que son troisième impératif était de renforcer le français en tant que langue internationale, qu'il ne fallait pas se tromper de combat et adopter une attitude frileuse ou défensive, la francophonie ne constituant pas une citadelle assiégée par un géant anglophone, le français étant résolument une langue d'avenir à condition d'inscrire ce combat dans la réalité du monde contemporain.

Il a considéré qu'il fallait que le combat pour la francophonie soit d'abord un combat pour la diversité culturelle et le plurilinguisme, et que c'était à travers le renforcement de la langue française qu'il était souhaitable de défendre la diversité des langues et des cultures, en créant notamment des alliances avec les autres groupements culturels.

Il a fait observer qu'il comptait ouvrir la francophonie aux non francophones, aux autres communautés linguistiques, en particulier au monde hispanique, lusophone ou au monde arabe, considérant que le combat de la francophonie était aussi pour le pluralisme, qui constituait l'infrastructure permettant la démocratisation de la vie internationale.

Il a ainsi précisé que la défense du plurilinguisme devait être non seulement un moyen de s'associer aux autres aires culturelles, mais aussi le socle de la défense de la démocratisation des relations internationales, sous peine de se heurter à une ou deux superpuissances qui domineraient la planète et qui imposeraient leur façon de voir.

Il a noté que le combat pour la francophonie ne serait gagné que si le français était ressenti par ceux qui le pratiquaient comme une langue internationalement utile, ce qui signifiait qu'il fallait multiplier les moyens d'éducation et d'apprentissage de la langue et investir les moyens technologiques les plus modernes de diffusion de la pensée, faisant référence notamment à la place qui devait être celle du français sur le réseau Internet, sur les autoroutes de l'information, dans le domaine des satellites de communications. Il a estimé que c'était à travers ces nouvelles technologies qu'il était possible de renforcer le rôle de la langue française à l'échelle planétaire et a ajouté pour la francophonie ne prendrait véritablement son sens que s'il était aussi un combat pour la libre circulation des personnes et des idées.

Il a reconnu quelles étaient les difficultés pour les étudiants francophones du Sud d'être accueillis dans les établissements francophones du Nord, quelle était leur déception et parfois leur frustration et s'est dit décidé à sensibiliser les responsables des États francophones du Nord sur cette question, car la francophonie irait profondément à rencontre de ses idéaux si elle ne signifiait pas aussi hospitalité, accueil et ouverture. Il a jugé qu'il fallait aussi promouvoir la coopération Sud-Sud, rappelant que la création de l'Université Senghor à Alexandrie avait eu pour but de promouvoir ce type de coopération et de permettre aux étudiants africains de trouver des méthodes nouvelles d'éducation dans des pays d'Afrique même.

Il a conclu son propos en affirmant que la francophonie était d'abord une communauté d'hommes et de femmes, en soulignant que les parlementaires avaient un rôle extrêmement important de courroie de transmission avec l'opinion publique internationale, sans l'appui de laquelle les Gouvernements hésiteraient beaucoup à s'intéresser à certains grands projets, tels que celui représenté par la francophonie.

Le Président Bruno Bourg-Broc, après avoir salué M. Jacques Legendre, Secrétaire général parlementaire de l'AIPLF, a interrogé M. Boutros - Ghali sur des éléments parus à l'issue du Sommet du Hanoï dans la presse nationale et internationale évoquant notamment le mauvais départ pris par la francophonie et reprochant au nouveau Secrétaire général de la francophonie sa conception élitiste de ce projet.

M. Jean Briane, rappelant son appartenance à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et faisant le constat que le français était de moins en moins pratiqué par les parlementaires étrangers, notamment dans les pays de langue latine, au profit de l'anglais, a demandé l'avis du Secrétaire général sur le caractère frileux de la politique menée par la France en cette matière, en particulier dans l'accueil d'étudiants étrangers par les universités.

Il a par ailleurs, déploré que des limites soient posées par la France au développement des langues régionales et s'est inquiété de la transposition au plan international d'un semblable phénomène, ce qui aurait pour effet de restreindre le développement de la pratique de langue française elle-même.

Après avoir souligné la nécessité de promouvoir l'utilisation correcte du français dans notre pays, M. Jean Valleix a fait observer que l'ouverture de l'Europe centrale et orientale à la démocratisation s'était traduite par l'utilisation de plus en plus fréquente de l'anglais dans les relations internationales européennes, puis s'est interrogé sur la possibilité d'inciter les pays qui possédaient une sensibilité francophone à affirmer leur personnalité par le biais d'une assistance culturelle et financière plus prononcée, dans le domaine de l'enseignement en particulier.

M. Guy Penne, précisant qu'il avait participé la veille à la commission de suivi pour la préparation de la prochaine conférence franco-africaine, rassemblant des pays aussi bien lusophones, anglophones que francophones, a soulevé le problème de la difficulté pour les universités francophones qui étaient souvent inférieurs aux moyens offerts par les universités anglophones, en matière de bourses notamment.

Mme Catherine Tasca, ancien ministre de la Francophonie, a estimé que les moyens réunis pour mener l'action francophone ambitieuse telle que définie par le Secrétaire général de la Francophonie étaient sans doute insuffisants et s'est interrogée sur l'ordre des objectifs définis, se déclarant favorable à son inversion au profit d'une action prioritaire et urgente de défense et de diffusion de la langue française, seule susceptible de donner une réalité à la communauté francophone. Enfin, elle s'est inquiétée de l'entrée dans l'organisation francophone de pays étrangers à la francophonie du point de vue de la langue, entrée susceptible de créer une dilution du projet francophone considéré dans son ensemble.

M. Edouard Landrain a souhaité évoquer la question de l'utilisation du français en tant que langue olympique, soulignant qu'elle avait été réduite au minimum lors des derniers jeux de Nagano et a interrogé le Secrétaire général sur sa capacité à faire respecter les accords existants sur l'usage de la langue française dans ce domaine.

M. André Schneider , faisant le constat d'une perte de la qualité de la langue française pratiquée par les enfants en France même, a demandé au Secrétaire général, s'il avait la possibilité d'agir au sein même des pays francophones pour promouvoir le français.

M. Richard Cazenave a demandé l'avis du Secrétaire général sur la nécessité de créer des universités francophones à vocation régionale, en Amérique latine ou en Afrique par exemple, afin de développer la coopération Sud-Sud et Nord-Sud.

M. Pierre-André Wiltzer , reconnaissant la nécessité de faire le lien entre la défense de la francophonie et la promotion de la diversité des langues et des cultures, a interrogé le Secrétaire général de la francophonie sur les moyens concrets d'aller dans cette direction et plus précisément sur les perspectives de rapprochement avec des organisations ou des communautés rassemblant des États ayant une autre langue que le français en partage.

Mme Odette Trupin après avoir déclaré apprécier l'intervention du Secrétaire général et ses priorités, s'est demandée quels étaient les moyens de donner au français un véritable statut de "langue internationalement utile".

Le Président Bourg-Broc a demandé au Secrétaire général de la Francophonie si la multiplication des opérateurs francophones n'était par un obstacle au développement de la francophonie.

Répondant aux différents intervenants, M. Boutros-Ghali a estimé que le compte rendu fait par la presse du Sommet Hanoï était le résultat d'une double désinformation, puisque lui-même avait été élu à l'unanimité des chefs d'États et de Gouvernement et que seuls deux ministres des Affaires étrangères sur cinquante avaient demandé de réduire le mandat du Secrétaire général de la Francophonie de quatre à deux ans, tandis que l'annonce, lors de la dernière journée du Sommet du retrait du Congo démocratique avait été démentie par les faits dès le lendemain.

Il a, par ailleurs, fait remarquer que la création de l'Université Senghor à Alexandrie avait eu pour objectif d'offrir aux cadres africains des troisièmes cycles en langue française, favorisant ainsi la coopération Sud-Sud. Prenant l'exemple de la décision prise lors du Sommet de Hanoï d'admettre au statut d'observateur la Pologne, la Macédoine et l'Albanie, il a estimé que l'admission d'États non spécifiquement francophones au sein de la francophonie relevait de la décision souveraine des chefs d'État et de Gouvernement des pays ayant le français en partage et qu'il convenait d'encourager toute volonté politique sincère de participation à la communauté francophone, notamment en aidant les pays concernés à développer la diffusion de la langue française sur leur territoire.

Abordant la question des visas accordés de manière restrictive par certains États aux étudiants étrangers francophones du Sud, le Secrétaire général a rappelé que l'article 2, paragraphe 7, de la Charte des Nations Unies lui interdisait d'intervenir dans les affaires intérieures des États et que la meilleure réponse à ce problème consistait dans la création d'universités francophones dans les pays du Sud.

Puis, répondant à Mme Tasca sur l'ordre de ses objectifs, il a considéré que la francophonie ne bénéficiait pas du plein appui de tous les pays francophones parce qu'elle n'était pas suffisamment reconnue sur le plan international et que la promotion de l'organisation francophone auprès des organisations internationales et des pays non francophones lui donnerait une image plus forte et favoriserait le montage de projets en commun avec ces organisations et ces pays, offrant ainsi plus de moyens à l'action francophone. Il a ainsi évoqué l'exemple d'une mission d'observation d'élections aux Seychelles menée conjointement avec le Commonwealth.

Par ailleurs, sans exclure la possibilité de contacts informels entre les institutions internationales francophones et le Comité international olympique, il a précisé qu'il revenait d'abord aux États francophones de défendre l'usage du français lors des Jeux. Il a souligné qu'il ne pouvait intervenir dans la défense du français en France, mais qu'il convenait non seulement de diffuser de manière plus large la notion de francophonie dans l'opinion publique française, sans doute moins sensible que l'opinion québécoise à cette idée, mais également d'accroître l'assistance multilatérale financée par la France.

Il a jugé qu'il était nécessaire que la francophonie défende le plurilinguisme et la diversité culturelle en vue de s'associer avec d'autres aires culturelles et linguistiques pour lutter contre l'uniformisation culturelle planétaire. Puis, il a estimé que c'était en s'adaptant à la nouvelle confrontation entre l'écrit et l'écran, c'est-à-dire en développant sa présence sur les autoroutes de l'information et en étant le support de nouvelles méthodes d'éducation des masses par le biais des nouvelles technologies, que le français serait une langue internationalement utile. Enfin, évoquant la multiplication des opérateurs francophones, il a considéré que la francophonie était dans une période comparable au Moyen-Age, puisque son "roi", le Secrétaire général, était dans la situation de devoir proposer une vision d'ensemble à des "seigneurs féodaux", les opérateurs et les États, afin de créer une synergie féconde.

En réponse à une question du Président Bourg-Broc, M. Boutros Boutros-Ghali a signalé que le siège du Secrétariat général de la Francophonie serait prochainement transféré rue de Bourgogne.

En conclusion, le Président Louis Mexandeau a relevé qu'il convenait de retenir de l'intervention du Secrétaire général de la Francophonie le refus de la fatalité et le principe de "ne pas subir", mais aussi le poids de la volonté politique, et la promotion d'actions multiformes et du plurilinguisme. Il a émis le voeu que les organisations francophones agissent de manière plus cohérentes et que l'ensemble des pays francophones soutiennent la candidature de la Suisse dans l'organisation des Jeux Olympiques en 2006.

CONFÉRENCE SUR LE BILAN DE LA DEMOCRATISATION EN AFRIQUE

Libreville (Gabon), 30 Mars - 2 Avril 1998

Lors de l'Assemblée Régionale Afrique de l'AIPLF tenue à Dakar en 1995, les Parlements africains avaient estimé qu'il était nécessaire, à moins de deux années de l'an 2000, de dresser un bilan de l'évolution démocratique sur le continent africain. Aussi fut-il décidé, lors de la XXIIIe session ordinaire de l'AIPLF, tenue à Luxembourg en juillet 1997, de la tenue d'une conférence à Libreville, du 30 mars au 2 avril 1998.

La Conférence sur le bilan de la démocratisation en Afrique a réuni vingt deux sections de l'AIPLF, dont seize sections africaines. Dix d'entre elles étaient conduites par leurs Présidents d'Assemblées.

La section française était représentée par son Président délégué, M. Mexandeau, député (S-Calvados), ainsi que par MM. Bapt, député (S-Haute-Garonne), Dreyfus-Schmidt, sénateur (S-Territoire de Belfort), Egu, sénateur (US-Ille-et-Vilaine) et Gaïa, député (S-Var).

Plus de trente parlementaires sur la centaine de députés et sénateurs étrangers présents sont intervenus sur les deux thèmes retenus "La démocratisation en Afrique et les processus électoraux" et "La place des Parlements dans les institutions des États africains". M. Legendre, Secrétaire général parlementaire de l'AIPLF, sénateur (RPR - Nord), a rappelé la contribution de l'AIPLF au développement de la démocratie dans l'espace francophone, notamment à travers ses programmes de coopération interparlementaire et surtout par son action politique. MM. Mexandeau et Bapt ont pris part au débat au nom de la section française.

INTERVENTION DE M. JACQUES LEGENDRE SÉNATEUR (FRANCE) SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PARLEMENTAIRE

Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,

Messieurs les Présidents d'Assemblées,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs,

Je veux d'abord remercier notre hôte, M. Guy Nzouba Ndama, Président de l'Assemblée nationale du Gabon, pour la qualité de son accueil et pour avoir accepté d'accueillir cette conférence.

Je tiens ensuite à excuser mon collègue et ami Pierre-André Wiltzer, qui devait intervenir ce matin en tant que Président de notre commission politique. Il m'a demandé de vous faire part de ses réflexions sur le thème de notre seconde journée de travail, la place des Parlements dans les institutions des États africains.

Je veux aussi saluer l'initiative prise par la Ve Assemblée régionale Afrique de l'AIPLF qui, réunie en juin 1996 à Dakar, recommandait au Bureau de notre Assemblée l'organisation de cette conférence sur le bilan de la démocratisation en Afrique

C'est parce qu'ils étaient conscients que seule l'instauration de démocraties efficaces et solidement implantées, encadrées par des institutions fortes et une vie politique dynamique, pouvait assurer le développement économique, humain et social que nous souhaitons tous que nos collègues africains ont pris cette décision sachant qu'elle était, bien que nécessaire, à la fois risquée et ambitieuse.

Nécessaire, car il faut bien constater que les événements qui ont marqué récemment, non seulement l'Afrique, mais presque toutes les régions du globe, ne cessent de nous rappeler que les acquis de la démocratie demeurent bien fragiles.

La démocratie nécessite en effet des efforts constants et de la détermination pour pouvoir s'épanouir durablement. Des contextes politiques, sociaux et économiques ont malheureusement fragilisé et même fait reculer des acquis pourtant prometteurs, et il est de notre devoir, à nous, parlementaires, de réagir et de nous exprimer fortement, comme je l'ai fait moi-même, en votre nom à tous, à Hanoï, devant les chefs d'État et de Gouvernement.

Il faut cependant entrevoir l'avenir avec optimisme car la francophonie a la chance de se nourrir de cultures diversifiées et provenant de tous les horizons. Etant édifiée sur le respect et la coopération, elle est une tribune toute désignée pour partager et échanger nos expériences sereinement sur ce thème qui nous interpelle tous et en lequel, notre présence ici en témoigne, nous croyons sincèrement.

Risqué, l'exercice l'est aussi car il serait facile, sur un tel sujet, de sombrer dans une certaine forme de paternalisme et, pour les parlementaires provenant de pays qui ont plus d'expérience dans la pratique de la démocratie parlementaire, de vouloir donner des leçons ou de chercher à prescrire des solutions toute faites.

Heureusement, l'AIPLF a toujours placé en tête de ses valeurs, le respect des particularités historiques, sociales et culturelles de chacune de ses sections membres. Cette valeur a toujours guidé nos actions, nos réflexions, nos échanges et notre vie en tant qu'institution interparlementaire.

Finalement, l'idée de cette conférence est ambitieuse, car l'idée même de démocratie est large et très complexe. Elle a évolué de façon différente dans les sociétés où elle existe déjà et, comme je le soulignais à l'instant, n'a pas mené au développement d'un modèle parfait, unique et universel. Bien au contraire, on retrouve au sein même de la francophonie, une gamme de nuances et de subtilités très larges au niveau des pratiques démocratiques et toutes peuvent être considérées comme valables.

Cependant, quelques soient les particularités propres à chaque modèle existant, on retrouve inévitablement des principes de base. Ces principes constituent les assises fondamentales d'une démocratie réelle. C'est, je crois, au niveau de ceux-ci que nous devons situer aujourd'hui notre réflexion, car il sont les indicateurs qui nous permettent de faire, dans une certaine mesure, un état de la situation et d'identifier les actions nécessaires pour soutenir et accélérer le développement de la démocratie.

La commission politique de l'AIPLF s'est toujours intéressée à la place des parlements et des parlementaires dans les institutions démocratiques. Nous avons discuté fréquemment dans le cadre de nos travaux, des problèmes, des obstacles et des succès du développement de la démocratie dans l'espace francophone. Nous nous sommes interrogés sur l'aide et le soutien que peut y apporter une assemblée comme la nôtre.

Au cours de ses trente années d'existence, l'AIPLF a développé une réflexion très sérieuse et approfondie sur de la démocratie et sur l'exercice de cette démocratie. Cette position, partagée et défendue par tous ses membres, repose sur des principes et des valeurs sur lesquels elle ne fera jamais de compromis.

Pour l'AIPLF, la seule voie acceptable pour accéder au pouvoir est le respect des résultats de la volonté populaire exprimée au cours d'un processus électoral transparent, ce qui signifie l'acceptation du principe de l'alternance. La démocratie parlementaire doit s'épanouir dans un environnement social et politique qui permet à toutes les sensibilités de s'exprimer librement et qui garantit une chance d'accès au pouvoir qui soit équitable et juste.

L'AIPLF a aussi toujours affirmé que la démocratie se développe grâce à la présence de partis politiques constitués autour de programmes et d'idées, et non sur des caractéristiques ethniques, religieuses ou géographiques.

Le respect inconditionnel des droits de la personne et de l'État de droit sont également des principes incontournables défendus par l'AIPLF. Ces principes sont à la base de l'édification d'une démocratie et il est impossible, selon nous, qu'elle puisse exister vraiment et durablement s'ils ne sont pas respectés.

La contribution la plus importante de l'AIPLF se situe à l'évidence au niveau du soutien qu'elle apporte au développement de la démocratie dans l'espace francophone. Ce soutien s'exprime principalement de deux manières, par ses programmes de coopération interparlementaire et surtout par son action politique.

En effet, l'AIPLF, se devant d'être la conscience de la francophonie, ne cesse de rappeler, non seulement à cette dernière, mais aussi à l'ensemble de la communauté internationale, les principes et les valeurs permettant l'existence de la démocratie. En plus de la promotion constante et acharnée qu'elle réalise à ce niveau, l'AIPLF, doit agir, malheureusement encore trop souvent, en tant qu'aiguillon en alertant les instances de la francophonie et la communauté internationale face à des crises graves ou des situations susceptibles de mener à de telles crises.

Pour moi, c'est cette action politique qui est l'essence fondamentale de notre assemblée interparlementaire. Elle doit dans ce sens continuer de monopoliser nos efforts et nos énergies.

Cependant, que l'on ne se méprenne pas. Il ne nous est pas possible d'empêcher des prises de pouvoir par la force, surtout quand, manifestement, les parties en présence souhaitent en découdre par la force armée. Il est trop facile de nous dire, a posteriori, comme je l'entends parfois "Qu'a fait l'AIPLF ?" "A quoi a-t-elle servi ?".

Je tiens à réaffirmer ici que nous jouons pleinement notre rôle à chaque fois que cela est possible. Je citerai deux exemples, celui des turbulences qui ont affecté il y a quelques années la République Centrafricaine et le Burundi. Dans les deux cas, les Présidents de ces assemblées, M. Hugues Dobozendi et M. Léonce Ngendakumana ont, avec le soutien de l'AIPLF, été le rempart de la démocratie et l'institution parlementaire a pu continuer de jouer son rôle grâce à leur action personnelle. Je tiens d'ailleurs à leur rendre ici publiquement hommage. A chaque fois, l'AIPLF leur a manifesté, ponctuellement et durablement son soutien et ils ont bien voulu, l'un et l'autre, à plusieurs reprises, m'indiquer que l'AIPLF avait joué son rôle et qu'elle avait conforté leur position. Notamment, elle avait été l'un des éléments qui leur avait permis de montrer qu'ils n'étaient pas isolés et qu'une institution internationale les soutenait.

En revanche, dans certains cas, dont plusieurs sont malheureusement récents, la volonté de tous de régler leurs divergences par les armes a fait que notre action n'a pu être efficace.

Dans ce cas, je réfute par avance les critiques de ceux-là mêmes qui n'ont rien fait pour que leur propre pays ne sombre dans le désordre.

Je rappelle d'ailleurs que l'AIPLF a été à Hanoï, la seule organisation internationale qui, publiquement devant les chefs d'État, a réaffirmé son attachement aux principes de la démocratie parlementaire, y compris en présence de chefs d'État qui venaient d'arriver au pouvoir dans des conditions parfois particulièrement coûteuses en vies humaines.

Nous avons aujourd'hui la chance de pouvoir compter à la fois sur la présence de nombreux parlementaires, qui vivent au jour le jour la démocratie et qui sont, en quelque sorte, les experts issus du terrain, ainsi que sur celle d'éminents invités qui possèdent, eux-aussi, une grande connaissance dans ce domaine. La mise en commun et l'échange de nos observations et de nos expériences à la lumière de nos perspectives différentes et complémentaires nous permettront certainement de faire avancer positivement notre réflexion.

J'aimerais donc maintenant, pour lancer la discussion, évoquer avec vous quelques uns des principaux indicateurs qui me semblent essentiels. Nous pourrons ensuite en discuter librement et voir quels enseignements nous pouvons tirer de nos expériences respectives.

Pour qu'il y ait démocratie, il est évidemment nécessaire d'avoir d'abord un Parlement et des parlementaires issus d'un processus électoral transparent. Ce Parlement doit être encadré par des règles qui sont établies et connues à l'avance et respectées par tous. Cependant, le seule présence d'une assemblée parlementaire légitime n'est pas suffisante, il faut aussi que le Parlement joue effectivement son rôle.

Je m'explique. Toute démocratie doit nécessairement prévoir des sessions régulières et suffisantes en nombre et en durée. Ces sessions doivent permettre aux élus de questionner le pouvoir exécutif sur son action, de débattre des projets de loi et de pouvoir les modifier selon des règles convenues et finalement de s'exprimer sur les grands enjeux qui intéressent la population qu'ils représentent.

Cela présuppose que les différentes sensibilités que l'on retrouve au sein de la société civile sont présentes dans l'assemblée et que les élus qui les représentent ont l'assurance de pouvoir s'exprimer librement et sans risque de conséquences quant à leur sécurité et à leur liberté d'action.

La présence d'une opposition n'est pas suffisante, en tant qu'indicateur, pour évaluer le degré de démocratisation. L'opposition doit non seulement pouvoir s'exprimer mais aussi avoir la possibilité d'accéder un jour au pouvoir si cela est la volonté de la population, respectant ainsi le principe d'alternance. Elle doit donc préalablement disposer de moyens suffisants et équitables pour pouvoir dialoguer avec la majorité et être à même de pouvoir faire connaître publiquement ses positions.

Non seulement les mécanismes d'accession au pouvoir doivent exister, mais les oppositions doivent aussi disposer des moyens nécessaires pour faire connaître leurs options et tenter de rallier les électeurs. L'accès libre aux médias est d'ailleurs déterminant. Sans quantifier les moyens, car cela dépend encore de variables culturelles, économiques et sociales propres à chacun, il est nécessaire qu'ils soient répartis équitablement et avec justice.

La question plus large des moyens financiers et matériels dont dispose un Parlement se pose inévitablement. Ces moyens doivent être suffisants pour assurer un fonctionnement efficace et les mécanismes d'allocation doivent permettre l'indépendance et la sérénité que nos assemblées requièrent pour jouer sans contrainte leur rôle. Encore là, il existe des différences importantes entre nos systèmes mais, dans toutes les démocraties, le financement des assemblées est un indicateur très pertinent du bon fonctionnement d'une démocratie parlementaire.

On entend malheureusement encore quelquefois l'idée que la démocratie coûte trop cher et que, dans le contexte économique mondial actuel, certains pays n'ont pas les moyens de s'offrir ce luxe pour l'instant. Je ne crois pas que cet argument soit valable. Autant il faut reconnaître le principe selon lequel les cultures et les traditions façonnent différemment l'exercice de la démocratie, autant il faut également reconnaître que les moyens financiers nécessaires à l'exercice de cette démocratie doivent être considérés comme une priorité budgétaire. Ce n'est pas la quantité de ressources consacrée à la démocratie qui est importante mais bien l'équilibre et la justice que l'on retrouve au niveau de sa répartition et de son allocation. Vu dans cette perspective, tous devraient avoir les moyens de s'offrir une démocratie à leur mesure, car il ne s'agit jamais de moyens financiers considérables, force est de constater que ces efforts ne sont pas toujours consentis.

S'agissant des moyens matériels, les assemblées parlementaires doivent disposer des infrastructures et des services essentiels à l'exercice de la démocratie au quotidien. Outre des locaux adéquats et des équipements de base leur permettant de fonctionner, les parlementaires doivent pouvoir compter sur des services législatifs comme des services documentaires, des services de transcription de débats, des services d'archives, des services administratifs et sur des fonctionnaires parlementaires de haut niveau et apolitiques capables de les seconder dans l'exécution de leurs lourdes responsabilités.

L'AIPLF est très active dans ce domaine. Les programmes de coopération inter-parlementaire mis en oeuvre par notre Assemblée visent justement à aider des Parlements de la famille francophone à mettre en place de tels services. Cet engagement de notre part démontre bien la valeur que l'AIPLF accorde à l'accompagnement et à la solidarité qui sont nécessaires à l'édification de démocraties solides et réelles partout dans l'espace francophone.

Toujours au niveau des moyens, un facteur important bien qu'il ne soit que rarement évoqué, est celui de la rémunération des parlementaires. Il est en effet essentiel que les parlementaires puissent disposer d'un revenu suffisant pour leur assurer un niveau de vie décent et leur indépendance. Plus important encore, une rémunération adéquate est la condition qui peut assurer à des représentants de toutes les classes de la société d'accéder aux fonctions parlementaires sans égard à leur condition sociale ou économique d'origine.

La dernière série d'indicateurs que j'aimerais évoquer avec vous concerne la présence, au sein de la dynamique démocratique, de mécanismes capables de relayer vers les électeurs l'information qui leur est essentielle pour pouvoir exercer de façon éclairée leurs droits démocratiques. Vous aurez sans doute compris que je veux parler ici des médias. J'écouterai avec grand intérêt dans quelques minutes ce que M. Stouky, Président de l'Union internationale des journalistes et de la presse de langue française a à nous dire sur ce point.

A mon avis, la presse joue un rôle régulateur fondamental dans le système démocratique et permet le développement de l'équilibre requis pour qu'il fonctionne efficacement. Une démocratie doit donc assurer aux médias un accès complet et sans contrainte à ses débats et à ses décisions. Elle doit permettre que ces derniers se fassent les porte-parole des électeurs et questionnent, en leur nom, le pouvoir sur ses actions et sur ses intentions. Je crains que dans certains pays membres de la francophonie, ces principes ne soient que partiellement respectés.

Cette liberté de la presse, qui se doit d'être sans contrainte, s'inscrit évidemment dans un contexte socioculturel propre à chaque société. Ce contexte dicte, en contre partie, des règles d'éthiques et de morale que la presse doit s'imposer et respecter.

Ici encore, je souhaite entendre nos collègues et nos invités partager leurs expériences et apprendre comment, dans d'autres pays de la francophonie, l'équilibre entre liberté et respect de l'éthique a été obtenu et comment elle se vit au quotidien.

Il y a évidemment beaucoup d'autres indicateurs tout aussi valables qui pourraient nous permettre d'apprécier l'état d'avancement d'une démocratie parlementaire. Je n'ai pas cherché à en faire une liste exhaustive, mais j'ai plutôt tenté d'évoquer ceux qui me semblent revenir le plus souvent dans les débats et les travaux de notre assemblée.

Dans quelques minutes, nous pourrons partager nos expériences sur la façon dont a évolué et dont doit évoluer la démocratie parlementaire dans chacune de nos société. Il sera intéressant de voir comment nos différents modèles de démocratie ont pu intégrer ces divers aspects et comment ils ont été adaptés en fonction de chaque contexte.

Je vous remercie.

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