VIIIème CONFÉRENCE DES CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DES PAYS AYANT LE FRANÇAIS EN PARTAGE

Moncton (Canada), 3-5 septembre 1999

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Une délégation de l'APF a participé au Sommet de Moncton. La section française était représentée par M. Louis Mexandeau, vice-président de l'APF, Pierre-André Wiltzer, président de la commission politique et Jacques Legendre, secrétaire général parlementaire de l'APF.

À cette occasion, l'Assemblée parlementaire de la francophonie a présenté son avis sur la jeunesse, thème retenu pour cette conférence.

Missions d'observation électorales

La section française a participé à deux missions d'observation d'élections :

- la première au Gabon début décembre pour les élections présidentielles ;

- la seconde au Bénin du 25 mars au 2 avril pour les élections législatives.

ANNEXES

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INTERVENTION DE M. JACQUES LEGENDRE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PARLEMENTAIRE DE L'APF lors de la XXVe session ordinaire

Ottawa, 6 Juillet 1999

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Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Permettez-moi tout d'abord de remercier la section canadienne pour son hospitalité. Une fois encore, nous aurons pu constater que l'hospitalité canadienne n'est pas un vain mot. Je tiens en particulier à remercier notre Président, le sénateur Jean-Robert Gauthier, que nous avons été heureux de retrouver, ainsi que le Président de notre section canadienne, M. Bernard Patry, qui est l'homme-orchestre de cette session parfaitement organisée.

Je dois vous dire aussi, Mes chers collègues, à quel point je suis heureux de vous rencontrer, un an après notre Session ordinaire d'Abidjan qui aura été une étape importante dans la vie de notre organisation, en particulier à cause de la nouvelle appellation que nous avons adoptée à cette occasion, et qui est maintenant, un an après, parfaitement entrée dans les moeurs.

Si notre session d'Abidjan a été importante, celle-ci le sera aussi car nous devrons, entre autres, renouveler notre Bureau et élire un nouveau Président qui sera issu de notre région Afrique, et qui devra notamment s'exprimer à Moncton, en notre nom, devant nos Chefs d'État et de Gouvernement.

Nous avons eu, au cours de cette session, une première avec la présence de M. Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général de la Francophonie, ce matin lors de notre séance solennelle d'ouverture, et cet après-midi, au début de notre séance. Nous avons ainsi pu questionner le Secrétaire général de la Francophonie et lui poser les questions que nous avions préparées. Ce faisant, nous avons, avec l'accord de M. Boutros Boutros-Ghali, donner une excellente illustration de notre rôle d'Assemblée consultative de la Francophonie, telle que nous l'attribue la Charte de Hanoi. Cette procédure, qui avait recueilli l'accord de M. Boutros Boutros-Ghali, nous a permis de l'interroger de la même façon que nous interrogeons notre Gouvernement dans la plupart de nos Parlements.

C'est une procédure normale que celle qui permet à un haut responsable de venir expliquer sa politique devant les élus. Nous remplissons ainsi notre mandat, et je suis heureux que M. Boutros Boutros-Ghali l'ait acceptée et nous avons tous noté la qualité de ses réponses. Elle ne sera pas unique car je crois que nous souhaitons tous, dans cette salle, que cette séance de questions se renouvelle tous les ans. Elle devrait devenir ainsi un rendez-vous régulier entre les parlementaires que nous sommes et celui que nos Chefs d'État et de Gouvernement ont choisi pour incarner le projet francophone.

Que de chemin parcouru, Mes chers collègues, depuis notre création comme simple association de parlementaires parlant le français en 1967, jusqu'à aujourd'hui où nous sommes effectivement devenu le Parlement consultatif de la Francophonie.

Je dois dire à ce propos que la Francophonie nouvelle, celle qui est née à Hanoi avec l'élection, pour la première fois, d'un Secrétaire général de la Francophonie qui donne, selon l'expression maintenant consacrée "un visage et un voix" à la Francophonie, est en parfaite cohérence avec nos propres objectifs.

Nous ne pouvons qu'être en phase avec cette nouvelle Francophonie, dont nos Chefs d'État et de Gouvernement ont proclamé qu'elle devait être plus politique, nous qui sommes avant tout une Assemblée politique, composée de responsables, Députés et sénateurs, issue de près de soixante Parlements totalement ou partiellement francophones.

Avec la nomination d'un Secrétaire général de la Francophonie, il est clair que la visibilité internationale de la Francophonie s'est accrue, en raison de la personnalité du Secrétaire général, mais également en raison de sa volonté de hisser notre organisation commune au niveau des grandes organisations internationales comme l'ONU, l'OUA ou le Commonwealth. La nouvelle appellation qui a été acceptée par nos ministres lors de la récente Conférence ministérielle de la Francophonie de Bucarest, celle d'Organisation internationale de la Francophonie, traduit cette volonté.

Au sein de cette Francophonie intergouvernementale, qui comprend également les cinq opérateurs que sont l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie, dont nous sommes le partenaire pour nos programmes de coopération interparlementaire, l'Agence universitaire de la Francophonie, ancienne AUPELF-UREF, TV5, l'Association des Maires et l'Université Senghor d'Alexandrie, je pense que nous avons su trouver notre juste place, et je pense que toutes les activités que nous avons menées depuis un an illustrent parfaitement le fait que nous avons su remplir notre rôle.

Vous trouverez le détail de toutes ces activités dans mon rapport écrit. Vous constaterez qu'elles sont nombreuses et qu'au cours de cette année, nous ne sommes pas resté inactifs. Je ne vais pas ici vous donner toutes les informations contenues dans ce rapport, car cela serait long et fastidieux, mais je serai évidemment prêt à répondre à toutes les questions que vous voudriez me poser.

Je souhaite plutôt donner quelques informations sur certaines activités particulièrement importantes.

J'aborderai donc successivement les problèmes liés à l'évolution de la démocratie en Afrique, la mission que nous avons menée en Haïti, notre participation aux Instances de la Francophonie, les Missions d'observation des élections.

Avant cela, je ferai un rapide bilan du suivi des résolutions que nous avions adoptées à Abidjan, puisque c'est un aspect important de mon mandat de Secrétaire général parlementaire de faire en sorte que nos résolutions ne restent pas lettre morte.

Nous avons adopté à Abidjan, sur proposition de nos Commissions permanentes quinze résolutions ou recommandations. Parmi celles-ci, plusieurs me donnaient mandat d'entreprendre des actions visant à les mettre en oeuvre.

J'indique tout d'abord que ces différentes résolutions ont été envoyées aux principaux responsables des Instances de la Francophonie, au premier rang desquels le Secrétaire général de la Francophonie et l'Administrateur général de l'Agence, à l'ONU, aux principales organisations internationales, ainsi qu'aux personnalités ou organisations plus directement concernées par certains de ces documents.

Sur proposition de notre Commission politique, nous avions adopté quatre résolutions :

- une résolution sur la situation en Guinée-Bissau

- une résolution sur la situation au Burundi

- une résolution sur l'interdiction des mines antipersonnel

- une résolution sur le rôle des parlementaires sur la scène internationale et sur la création d'un programme de coopération en diplomatie parlementaire

La dernière de ces quatre résolutions vise notamment à créer un nouveau programme de coopération interparlementaire qui nous permettrait, sur financement des Sommets, de mener des missions de bons offices, en particulier dans les pays membres de la Francophonie qui connaissent une situation de crise. Nous pourrions ainsi, comme nous l'avons fait au Burundi et plus récemment en Haïti, participer, à notre mesure, au règlement des conflits qui secouent l'espace francophone.

Nous avons assurément un rôle à jouer dans ce domaine et la diplomatie parlementaire doit se développer. Parallèlement à ce travail, la demande de création de ce nouveau programme, qui ne pourra être décidé que par les chefs d'État lors du Sommet de Moncton, a été évoqué par le Secrétariat général lors des réunions des comités de programme qui se sont déroulées à l'Agence de la Francophonie en mai dernier, et une demande formelle a ensuite été transmise.

En tout état de cause, si ce programme est accepté à Moncton ce type de mission devra, à l'avenir, être coordonné avec les missions dites "de bonne volonté", qui sont menées par différentes personnalités sous l'autorité de M. Boutros Boutros-Ghali, afin de ne pas compliquer encore des situations déjà difficiles.

La résolution sur l'interdiction des mines antipersonnel apparaît, à bien des égards, comme une action exemplaire de la part de notre Assemblée. Je rappelle que dès la signature de la Convention d'Ottawa, nous nous sommes mobilisés, et nous avons incité les Instances de la Francophonie à se mobiliser, en faveur de l'entrée en vigueur de ce traité qui nécessitait une ratification par quarante États.

Dès notre retour d'Abidjan, en juillet dernier, une lettre, cosignée par le Président Jean-Robert Gauthier et votre Secrétaire général parlementaire a été envoyée à tous les Chefs d'État membres de la Francophonie pour que leur pays ratifie la Convention d'Ottawa, dont il faut rappeler qu'elle avait été signée par 122 pays dont 34 sont membres de notre organisation. Nous avons également sollicité tous nos Présidents de sections pour qu'ils interviennent directement auprès de leur Chef d'État en faveur de cette ratification. Le but que nous nous étions fixé, qui était de contribuer à faire en sorte que la barre des quarante ratifications soit franchie, fut atteint avec la ratification par le Burkina Faso et, comme l'a souligné M. Mélégué Traoré, Président de l'Assemblée nationale de ce pays, "Nos délibérations d'Abidjan ont utilement contribué à accroître le nombre d'adhérents à la Convention". Tout dernièrement encore, le Cameroun l'a ratifiée.

Appuyant de tout notre poids ce processus, nous avons parfaitement rempli le rôle qui est le nôtre, et nous pouvons à juste titre nous en féliciter.

Sur proposition de notre Commission de l'éducation, de la communication et des Affaires culturelles nous avions adopté cinq résolutions ou motions dont l'une mandatait plus particulièrement le Secrétariat général, il s'agit de celle sur les inforoutes en Francophonie parlementaire. Je ne rappellerai pas en détail la genèse de cette résolution qui avait été rédigée à la suite du Forum organisé par l'Assemblée nationale du Québec qui précédait la réunion de la Commission.

Il nous était demandé de préparer un projet pilote d'accompagnement et de renforcement des Parlements par le biais des inforoutes auprès de deux Parlements du Sud et de faire une demande à l'Agence de la Francophonie pour que des crédits soient mis à notre disposition par le Fonds francophone des inforoutes, crée à la suite du Sommet de Hanoi. Le Secrétariat général a préparé un dossier à l'appui de cette demande qui prévoit la création d'un site Internet dans une vingtaine de Parlements.

Le Fonds a retenu notre projet lors de l'appel d'offre examiné en mai dernier, ce qui montre clairement notre crédibilité auprès des Instances de la Francophonie, en particulier de l'Agence de la Francophonie. Nous avons, lors de notre Bureau de samedi, retenu trois candidatures qui nous avaient été transmises, celles des Assemblées nationales du Cameroun, de Côte d'Ivoire et du Gabon, sachant que l'an du Sénégal avait fait l'objet d'une opération pilote.

Sur proposition de notre commission des Affaires parlementaires, nous avions adopté :

- une résolution sur le renforcement du processus de démocratisation

- une résolution sur les commissions d'enquête parlementaire et la séparation des pouvoirs

- une résolution sur le développement et la poursuite de la coopération interparlementaire

Les résolutions sur le renforcement du processus de démocratisation et sur le développement et la poursuite de la coopération interparlementaire nous incitent à accroître les moyens destinés à ces programmes. Nos derniers séminaires parlementaires au Togo et au Laos ont été d'indéniables succès. Nous souhaitons que les décisions du Sommet de Moncton nous permettent de poursuivre ce programme très apprécié des bénéficiaires.

Enfin, la Commission de la coopération et du développement a adopté trois textes :

- une recommandation sur les transferts de technologie

- une résolution et une recommandation sur les processus de coopération et d'intégration économiques régionales en Afrique francophone

- une résolution sur les conséquences du passage à l'euro sur la zone Franc.

Bien qu'aucun de ces textes ne mandate précisément le Secrétariat général , j'ai pris en compte le souhait qui figure dans la recommandation relative aux transferts de technologie, qui demandait aux ministres de l'Économie et des Finances de la Francophonie qui se sont réunis à Monaco en avril dernier d'aborder ce thème. J'ai donc saisi le Secrétaire général de la Francophonie et notre Assemblée a été représentée à Monaco par le Président de notre section vietnamienne, M. Nguyen Ngoc Tran qui a pu s'exprimer en notre nom devant les ministres.

Nous nous étions également penchés à Abidjan sur le problème de nos sections membres représentant des Parlements dissous à la suite d'un coup d'État, et remplacés le plus souvent par des organes de transition pouvant présenter l'apparence, du moins en termes de prérogatives, d'un Parlement régulièrement en place. Notre position a été très claire et nous avons considéré, après de longs débats au cours de notre Bureau, que nous ne pouvions conserver en notre sein des organes ne présentant plus les caractéristiques qui déterminent un Parlement.

Nous avons fondé notre décision sur le respect de la continuité de l'ordre constitutionnel existant et, dans cette logique, avons suspendu les Parlements de transition, mis en place après un coup d'État et non élus qui existent actuellement dans plusieurs pays africains. Cette position se place dans la logique de notre action incessante en faveur de l'État de droit, des libertés publiques et du respect des grands principes qui fondent la démocratie parlementaire.

Toutefois, je rappelle que nous avons assorti la décision de suspension des sections du Congo-Brazzaville et du Rwanda d'un droit de retour automatique parmi nous le jour où des élections libres et régulières auront été organisées, sous contrôle international. Il ne s'agit donc clairement pas d'une exclusion mais bien d'une suspension temporaire que nous souhaitons la plus brève possible. Nous avons également pris acte de la suspension de fait de la République démocratique du Congo, dans laquelle aucun organe de nature parlementaire n'existe actuellement.

Dès notre retour à Paris, j'ai écrit aux deux Présidents des institutions concernées au Congo et au Rwanda, pour leur notifier notre décision. J'ai expliqué nos raisons et j'ai précisé dans ces courriers qu'il s'agissait bien d'une suspension temporaire, en indiquant les conditions d'un retour au sein de notre Assemblée. J'ai ajouté, conformément à notre décision d'Abidjan que, dans l'intervalle, le Bureau pourrait, sur leur demande, décider que des représentants de ces institutions assistent à nos réunions comme observateur, c'est à dire sans prendre part aux délibérations.

À ce jour, aucun d'entre eux n'a organisé d'élections présidentielle et législative, et le plus souvent, des troubles continuent. Aucun n'a publié de calendrier électoral crédible. Dans deux de ces pays, les structures de transition faisant plus ou moins office de Parlement sont toujours en place. Nous n'avons donc objectivement aucune raison, un an après nos décisions d'Abidjan, de réintégrer ces sections.

À ce propos, je souhaite vous faire part maintenant de ma préoccupation concernant l'évolution de la démocratie dans certains pays africains. Je ne voudrais pas être taxé ici de pessimiste mais force est de constater que cette dernière année a été ponctuée de coups d'État et que la force des armes l'a parfois emporté sur les processus électoraux.

Depuis juillet 1998, de semblables situations ont prévalu dans trois pays à la fois membres de l'Organisation internationale de la Francophonie et de notre Assemblée: la République du Niger, la République fédérale islamique des Comores et la Guinée Bissau.

Dans la logique de notre résolution d'Abidjan, nous ne pouvons que condamner une nouvelle fois ces prises de pouvoir par la force qui ont conduit à des pertes en vies humaines et à des violences.

Mes chers collègues, que pouvons nous faire face à de tel événements ? C'est la question que nous pouvons - que nous devons -nous poser. Que peut faire une Assemblée parlementaire comme la nôtre ?

À vrai dire, nous ne pouvons avoir aucune prise sur ces situations et nous ne pouvons nous ingérer dans la politique intérieure des États. À chaque fois, nous les condamnons, comme d'autres organisations internationales le font également. Nos communiqués de presse se croisent le plus souvent avec ceux de M. Boutros Boutros-Ghali. C'est notre honneur de parlementaires de réaffirmer en permanence notre Nous avons longuement débattu de cette question samedi lors de notre réunion de Bureau et nous vous proposons de suspendre ces sections qui ne disposent plus aujourd'hui d'institutions parlementaires dignes de ce nom et ne plus les reconnaître provisoirement comme sections est le moins que nous pouvons faire. C'est notre proposition pour les Comores et le Niger. Le cas de la Guinée Bissau est plus complexe car l'Assemblée est toujours en place.

Cependant, je pense que cela ne suffit pas et nous devons réfléchir ensemble au problème que pose le maintien de ces pays dans la Francophonie gouvernementale. Vous savez comme moi, mes chers collègues, que tous ces pays continuent d'appartenir à l'Organisation internationale de la Francophonie.

À l'évidence, cela pose un problème au sein d'une organisation internationale qui affirme en permanence qu'elle est bâtie autour de valeurs communes que sont la démocratie et l'État de droit. Je crois également que le tournant que nous avons pris en suspendant certaines sections l'an passé est honorable et que nous ne devons pas regretter nos décisions de l'année dernière, même si cette logique doit nous conduire à accepter de voir nos rangs s'éclaircir.

Pour terminer sur ce point, je souhaite dire que nous devrons avoir, à Moncton comme nous l'avions eu à Hanoi, le courage de rappeler avec force nos convictions et notre opposition vis-à-vis de ces processus de transmission non démocratique du pouvoir. Nous devrions en particulier réaffirmer que la Francophonie que nous voulons bâtir ne peut l'être que sur un ensemble de valeurs communes au premier rang desquels la démocratie.

Je dirai maintenant quelques mots de notre Mission en Haïti. Cette mission a été organisée suite à la résolution adoptée par notre Bureau de Saint-Denis de La Réunion. Nous nous étions alors inquiétés de la situation de blocage institutionnel consécutive à la décision du Président Préval de déclarer la fin du mandat de l'Assemblée nationale et d'une partie des sénateurs. Nous avions également marqué notre préoccupation devant l'augmentation de la violence en Haïti et appelé les protagonistes de la crise à reprendre la dialogue. Nous avions enfin pris connaissance de l'appel à la solidarité lancé aux parlementaires francophones par M. Edgard Leblanc Fils, Président du Sénat haïtien.

La mission s'est rendue en Haïti du 9 au 11 février 1999. Elle était composée de M. Emile Brou, Président de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, membre du Bureau de l'APF, M. Jean-Pierre Charbonneau, Président de l'Assemblée nationale du Québec, Vice-Président de l'APF, M. Gilles Morin, Vice-Président de l'Assemblée législative de l'Ontario, Chargé de mission Amérique, représentant personnel de notre Président, de M. Guy Penne, sénateur français, et de votre Secrétaire général parlementaire.

Sur place, nous avons rencontré l'ensemble des acteurs de la vie politique haïtienne afin de nous informer et de comprendre les raisons de la crise institutionnelle. Outre des rencontres avec les parlementaires, nous avons été reçus en audience par M. René Préval, Président de la République, par l'ancien Président Jean-Bertrand Aristide, par M. Jacques-Edouard Alexis, Premier ministre ratifié, et par M. Fritz Longchamp, ministre des Affaires étrangères. Nous avons également rencontré des représentants des partis et des mouvements politiques haïtiens, des acteurs de la vie économique et des responsables d'associations, ainsi que des Ambassadeurs du Groupe des pays amis d'Haïti, notamment ceux de France et du Canada, qui ont d'ailleurs grandement facilité nos contacts.

Notre mission, composée de parlementaires venant de trois continents, était avant tout une mission d'amitié et de bons offices envers Haïti, pays membre de la Francophonie avec lequel nos pays entretiennent des liens anciens et profonds. Il s'agissait également, en entendant les arguments de l'ensemble des parties prenantes à la crise, de tenter de rapprocher les points de vue.

Au terme de cette mission, nous avons pu dégager un certain nombre de conclusions que je résumerai brièvement.

Nous avons tout d'abord, en entendant toutes les forces en présence tenté de comprendre une situation qui n'est pas simple, afin de nous faire notre propre opinion. La tentation est d'ailleurs grande de renvoyer les protagonistes dos à dos car sur bien des points, les responsabilités sont partagées. En particulier, la façon dont les autorités gouvernementales se sont affranchies des règles constitutionnelles est critiquable, en particulier en renvoyant la Chambre des Députés, une partie des sénateurs et tous les conseil locaux.. Mais il faut reconnaître que cette Assemblée avait usé beaucoup de temps en faisant de l'obstruction systématique. C'est pourquoi nous n'avons pas cherché qui avait tort et qui avait raison. Nous avons, en revanche beaucoup insisté auprès de nos interlocuteurs pour que les institutions prévues par la constitution, en particulier le conseil électoral permanent, soient effectivement mises en place car il apparaissait que, sans cela, les élections ne pourraient avoir lieu. Il a été clair à nos yeux que l'absence des mécanismes constitutionnels de règlement de crise prévus par la constitution était pour beaucoup dans le prolongement de la crise

La mission a également regretté que la crise politique ait renforcé la méfiance du peuple haïtien vis-à-vis des institutions parlementaires, voire vis-à-vis de la démocratie, ce qui s'est notamment traduit par un taux d'abstention considérable lors des dernières consultations électorales. L'incompréhension de la population à propos de l'attitude adoptée par le Parlement depuis le déclenchement de cette crise et le découragement affiché par la société civile vis-à-vis de l'ensemble de la classe politique, pourraient favoriser un retour de l'aventurisme politique qui serait pour le pays la pire des situations.

Nous avions demandé la relance du processus électoral et la publication rapide d'un calendrier électoral prévoyant l'organisation d'élections et nous avons indiqué, en ce qui concerne l'appui au processus électoral, que l'Assemblée parlementaire de la Francophonie serait, si le Gouvernement haïtien en faisait la demande, disposée à participer à une mission d'observation des élections en liaison avec l'Organisation internationale de la Francophonie. L'envoi des observateurs de l'APF devant toutefois être subordonné à la constitution d'un Conseil électoral sur des bases consensuelles et à la mise en place de règles électorales honnêtes. Si de telles conditions n'étaient pas remplies, nous avions ajouté que nous serions amenés à recommander au Secrétaire général de la Francophonie de ne pas envoyer de mission d'observation des élections et que nous en rendrions compte aux Gouvernements de nos pays respectifs.

Notre mission avait manifesté son intention d'assurer un suivi durable de la situation en Haïti, notamment pour ce qui sera de la place réservée aux institutions parlementaires, tant en matière de contrôle de l'exécutif que de fonctions législatives. En particulier, nous avons prévu d'étudier à bref délai les conditions de la mise en place de nouvelles aides techniques permettant d'améliorer les conditions de travail du Parlement et des parlementaires et de soutenir les efforts d'assistance déjà engagés par certaines de nos sections. Je pense en particulier au programme Pardoc, que nous mettrons en oeuvre dès que les élections auront eu lieu.

Les conclusions de cette mission ont été, dès notre retour, envoyées à M. René Préval, Président de la République d'Haïti ainsi qu'aux principales personnalités politiques haïtiennes, au Groupe des Ambassadeurs amis d'Haïti, à M. Kofi Annan, Secrétaire général de l'ONU et aux Présidents des Assemblées nationales des pays membres de la Francophonie. Le premier ministre désigné, M. Jacques-Edouard Alexis, a fait savoir par lettre à l'Ambassadeur de France à Port-au-Prince, que "les parlementaires de la Francophonie (avaient) effectué une bonne lecture de la situation et (que nos) conclusions contribueront certainement à la résolution de la crise."

Par ailleurs, votre Secrétaire général parlementaire avait été mandaté par la mission pour rendre compte de nos conclusions à M. Boutros Boutros-Ghali.

Depuis notre retour, la situation a évolué en Haïti dans un sens plutôt positif, avant de se dégrader de nouveau récemment.

En mars 1999, un accord avait finalement pu être trouvé entre le Président de la République et cinq partis de l'opposition. Cet accord prévoyait la mise en place d'un Gouvernement non partisan ayant pour mission prioritaire de créer un environnement favorable à la tenue des prochaines élections législatives et municipales. L'accord portait également sur la nomination des membres du Conseil électoral provisoire, incluant des représentants de l'opposition (3 sur 9). La composition du nouveau Gouvernement de compromis a été annoncée le 23 mars, avec comme perspective l'organisation des élections avant la fin de l'année.

Depuis la mise en place de ce Gouvernement, pourtant semble-t-il accepté par une part importante de l'opposition, des troubles ont repris dans Port-au-Prince, faisant des victimes civiles. Rien ne permet donc aujourd'hui d'être certain que le calendrier électoral, qui fixe maintenant la tenue des élections législatives, municipales et locales aux mois de novembre et décembre, sera respecté.

J'en arrive maintenant aux missions d'observation des élections, qui sont également un aspect important de notre visibilité internationale.

Depuis notre dernière Session ordinaire, nous avons participé à sept missions d'observation des élections, organisées avec l'Organisation internationale de la Francophonie dans les pays suivants : au Cambodge en Juillet 98 pour les législatives, au Burkina Faso en novembre 98 pour les présidentielles, au Gabon en décembre 98 pour les présidentielles, en Guinée-Conakry en décembre 98 pour les présidentielles, en République centrafricaine en novembre et décembre 98 pour les législatives, au Bénin en mars 99 pour les élections législatives et à Djibouti en avril 1999 pour les présidentielles.

En revanche, j'avais fait connaître à M. Boutros Boutros-Ghali notre volonté de ne pas participer à une éventuelle mission d'observation des élections législatives au Togo, en raison des conditions dans lesquelles se préparait le scrutin. Finalement, le Secrétaire général de la Francophonie a décidé d'annuler cette mission, malgré les demandes pressantes des autorités de ce pays.

D'ici la fin de l'année 1999, nous devrions être amenés à participer à une éventuelle mission d'observation en Centrafrique, lors de l'élection présidentielle.

Voilà, mes chers collègues, le compte-rendu de nos activités depuis notre dernière Session ordinaire. Je n'ai pas pour des raisons de temps, donné de détails sur chacune des Missions d'observation des élections, ni sur les programmes de coopération interparlementaire. Sur ces dernier, j'aborderai seulement en quelques mots le programme Pardoc, pour indiquer que nous avons, lors du Bureau de samedi dernier, décidé, en raison de l'augmentation des crédits de ce programme grâce à la dotation attribué par le Gouvernement canadien, qui va compléter celle du Gouvernement français, de porter le nombre des Parlements bénéficiaires de 17 à 29. Vous trouverez la liste des candidatures retenues dans les documents en distribution. C'est un défi pour ce programme qui est un élément central de l'appui que nous menons, en partenariat avec l'Agence de la Francophonie pour le renforcement de l'État de droit, mais je crois que nous saurons le relever.

Comme vous l'avez constaté, Mes chers collègues, je n'ai pas abordé dans ce rapport plusieurs de nos activités qui font l'objet de points particuliers de l'Ordre du Jour et qui feront donc également l'objet de discussions séparées, en particulier en ce qui concerne la préparation du Sommet de Moncton.

Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.

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