Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 103 - 13 octobre 2011


Groupe interparlementaire d'amitié

France - Pays Andins

La Colombie : un nouveau départ

Compte rendu

du déplacement effectué en Colombie par une délégation du groupe interparlementaire d'amitié France-Pays Andins,

du 8 au 14 septembre 2010

_____

La délégation était composée de :

• M. Philippe ADNOT, Sénateur, président du groupe

• Mme Sophie JOISSAINS, Sénateur, membre du groupe

• M. Philippe DOUBLET, Sénateur, président délégué pour la Colombie

• Et M. Bernard PIRAS, Sénateur, Secrétaire du groupe

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N° GA 103 - Octobre 2011

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

PROGRAMME DE LA MISSION 7

I. LA COLOMBIE, UNE DÉMOCRATIE ANCIENNE ET STABLE 11

A. UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL INSPIRÉ DES MODÈLES AMÉRICAIN ET FRANÇAIS 11

B. LES ÉLECTIONS DE 2010 : UN CHANGEMENT DANS LA CONTINUITÉ 12

C. JUAN MANUEL SANTOS : UN CENTRISTE PARTISAN DE LA « TROISIÈME VOIE » 13

D. UN PAYS À LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE « RESPECTABILITÉ » INTERNATIONALE 15

II. UN PAYS GLOBALEMENT PACIFIÉ MÊME SI DE NOMBREUX DÉFIS DEMEURENT 16

A. UNE POLITIQUE SÉCURITAIRE QUI A PORTÉ SES FRUITS 16

1. La démobilisation des milices paramilitaires 17

2. Un début de réparation pour les victimes 18

3. Une progression dans la voie des droits de l'homme 20

B. MAIS LES DÉFIS RESTENT NOMBREUX 20

1. L'émergence dans le débat national de plusieurs scandales 21

2. Le lancinant problème des déplacés 24

3. La persistance de facteurs de violence 28

III. LES RELATIONS FRANCO-COLOMBIENNES : HALTE À LA FRILOSITÉ ! 32

A. UN POTENTIEL ÉCONOMIQUE FAVORABLE AUX INVESTISSEMENTS, MALGRÉ LA PERSISTANCE DES INÉGALITÉS SOCIALES ET DU CHÔMAGE 33

1. Des fondamentaux macro-économiques solides 33

2. Un potentiel minier et pétrolier qui suscite des convoitises 34

3. La persistance du chômage et des inégalités sociales 35

B. UN RENFORCEMENT DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE QUI POURRAIT S'APPUYER SUR L'UN DES CINQ SECTEURS PRIORITAIRES DU PRÉSIDENT SANTOS 36

1. La France, premier employeur étranger en Colombie 36

2. La priorité du président Santos : donner du travail aux Colombiens 38

3. L'exemple de Medellín 39

C. UNE COOPÉRATION ÉDUCATIVE SOUTENUE 42

CONCLUSION 45

ANNEXE 1 : Compte rendu du petit-déjeuner à l'Ambassade de France (9 septembre 2010) 47

ANNEXE 2 : Compte rendu du déjeuner avec des responsables universitaires (9 septembre 2010) 55

ANNEXE 3 : Compte rendu de l'entretien avec Mme Maria Fernando Campo Saavedra, ministre de l'éducation nationale (9 septembre 2010) 59

ANNEXE 4 : Compte rendu de l'entretien avec m . Alonso Salazar Jaramillo, Maire de Medellín (10 septembre 2010) 65

ANNEXE 5 : Compte rendu de l'entretien avec Mme Sandra Bessudo, haute conseillère auprès du Président de la République pour les questions d'environnement et de diversité (12 septembre 2010) 73

ANNEXE 6 : Compte rendu des entretiens avec des responsables humanitaires (14 septembre 2010) 77

ANNEXE 7 : Compte rendu du déjeuner au parlement (14 septembre 2010) 85

INTRODUCTION

Depuis 2002, date de l'accession au pouvoir du président Alvaro Uribe, la Colombie a connu une véritable transformation : la politique de « sécurité démocratique » qu'il a mise en place en s'appuyant sur une opinion publique exceptionnellement favorable et sur une majorité parlementaire confortable lui a permis d'emporter des batailles décisives contre les groupes armés illégaux impliqués dans le trafic de drogue, de restaurer l'autorité de l'État et de redonner confiance au pays. Les Colombiens se sentent à nouveau libres d'entreprendre et de se déplacer en sécurité dans la majeure partie du pays, après le déplacement des FARC à la périphérie de la Colombie productive et la réduction significative de la violence grâce à la démobilisation des groupes paramilitaires.

De nombreux investisseurs étrangers ont également repris le chemin de ce pays, grand comme deux fois la France qui, outre ses abondantes richesses agricoles, minières et pétrolières, recèle, grâce à sa double façade océanique, un fort potentiel touristique et, surtout, la plus grande diversité biologique du monde. La France n'est évidemment pas en reste avec plus de 100 entreprises recensées - qui font de notre pays le premier employeur étranger en Colombie -, et une coopération éducative et culturelle très dynamique.

C'est pour mesurer les progrès accomplis par « la plus vieille démocratie du continent sud américain » et renouer les contacts avec le Sénat colombien issu des élections législatives du 14 mars 2010 qu'une délégation du groupe d'amitié France-pays andins s'est rendue en Colombie du 8 au 14 septembre 2010.

Ce déplacement a eu lieu quelques semaines après l'investiture à la tête du pays de l'ancien ministre de la Défense et successeur désigné d'Alvaro Uribe, Juan Manuel Santos, dont le style, les objectifs et la méthode s'avèrent en réalité bien éloignés de ceux de son célèbre mentor. Il a en effet, dès son investiture le 7 août 2010, imprimé un nouveau cours à la politique colombienne en soulignant sa volonté de s'attaquer aux maux endémiques du pays (violence, inégalités), en imposant le slogan de « prospérité démocratique » là où Alvaro Uribe parlait de « sécurité démocratique » et en mettant l'accent sur les droits de l'homme. Il est vrai qu'en dépit de ses succès en matière de sécurité, le bilan de l'ancien président est questionné par les rapports du Haut Commissaire aux Droits de l'Homme (HCDH) et sa responsabilité pointée dans un certain nombre de scandales politiques.

Conduite par le président du groupe d'amitié, M. Philippe ADNOT, la délégation sénatoriale était composée de Mme Sophie JOISSAINS et de MM. Philippe DOUBLET et Bernard PIRAS. Elle était accompagnée par Mme Anne ESAMBERT, administratrice des services du Sénat.

Les sénateurs se sont successivement rendus à Bogotá, à Medellín, à Carthagène et à Soacha dans les faubourgs de Bogotá, où ils ont rencontré un grand nombre d'acteurs politiques, économiques, culturels et humanitaires du pays et visité les lieux de la présence française (Alliance française et Lycée français de Bogotá, usine Renault à Medellín) mais aussi une médiathèque sur les hauteurs de Medellín et un centre d'accueil de réfugiés, une coopérative de mères de familles et une école colombienne financée par le Sénat français à Soacha.

Rédigé plusieurs mois après ce déplacement, le présent rapport qui se veut un compte rendu synthétique de la mission de votre délégation, sera également l'occasion de faire le bilan de l'action du président Santos un an après son accession au pouvoir.

Loin, très loin des clichés habituellement véhiculés sur la violence, les otages et les cartels de la drogue, la Colombie que votre délégation a découverte est un pays moderne, innovant, entreprenant et surtout, extrêmement francophile à défaut d'être francophone. Ce qui ne saurait tarder si l'on en croit la volonté de ses dirigeants.

Finalement, comme le souligne avec humour le ministère du tourisme colombien, « le seul risque que l'on prend en allant en Colombie est de vouloir y rester.. ». La Colombie est décidément un pays qui mérite de (re)devenir à la mode !

Remerciements :

La délégation adresse ses plus vifs remerciements aux éminentes personnalités et aux responsables qui l'ont reçue, ainsi qu'à tous ceux - trop nombreux pour être cités nommément - qui, à un titre ou à un autre, ont apporté leur concours à l'organisation et au déroulement de cette mission.

Sa gratitude va en particulier à l'ambassadeur de France en Colombie, son Exc. M. Jean-Michel Marlaud, et à ses collaborateurs qui, tous, lui ont réservé un accueil très chaleureux et d'une grande efficacité. La délégation est particulièrement reconnaissante à Mme Françoise Puig-Inza, première secrétaire pour sa disponibilité, son professionnalisme et sa contribution décisive à la réussite de cette mission.

PROGRAMME DE LA MISSION

Mercredi 8

14H40

Arrivée à Bogotá par vol AF 422

16H00

Installation à l'hôtel

19H00

Départ pour le Teatro Eliecer Gaitan

19H30

Inauguration du Festival de « Cine Frances »

Jeudi 9

07H30

Petit déjeuner à la Résidence avec les Conseillers du Commerce Extérieur

09H00

Visite de l'Alliance française

10H30

Visite du Musée de l'Or

13H00

Déjeuner organisé par le Service de Coopération et d'Action Culturelle avec des universitaires à Fulanito

16H00

Entretien avec la Ministre de l'éducation nationale, Mme Maria Fernanda Campo Saavedra

19H02

Départ pour Medellín

20H00

Arrivée et installation à l'hôtel.

Vendredi 10

07H30

Petit déjeuner à l'hôtel avec des responsables d'entreprises françaises

08H45

Entretien avec le maire de Medellín, M . Alonso Salazar Jaramillo

10H00

Visite du Metro Cable

11H00

Visite de l'usine SOFASA RENAULT

Vendredi 10 (suite)

13H00

Déjeuner au café Botero avec le Directeur de l'Alliance française de Medellín et le Consul honoraire

14H30

Visite du musée d'Antioquia

16H00

Départ pour l'aéroport

18H30

Départ pour Carthagène par vol Avianca n° AV 9770

19H50

Arrivée à Carthagène, installation à l'hôtel

Samedi 11

Journée

Visite de l'Alliance Française et découverte de Carthagène.

Rencontre avec la Maire de Carthagène.

Soirée

Dîner avec la Présidente, la Directrice de l'Alliance Française et la Consule honoraire.

Dimanche 12

Journée

Découverte de Carthagène.

19H30

Départ pour l'aéroport.

20H50

Départ pour Bogotá par vol Avianca n° AV 8551.

22H15

Arrivée à Bogotá, installation à l'hôtel.

Lundi 13

07H30

Petit déjeuner à l'Hôtel avec deux journalistes.

08H30

Visite de projets à Soacha (programme organisé par le HCR).

Visite à M . Carlos Garcia Orjuela à la prison de la Picota.

13H00

Déjeuner à Soacha.

Déjeuner organisé par le Service économique avec le SENA (organisme national de formation professionnelle) à l'hôtel de l'Opéra.

15H00

Entretiens officiels.

Lundi 13 (suite)

16H00

Entretien avec Mme Sandra Bessudo , Ministre de l'environnement à la Résidence.

19H30

Cocktail à la Résidence en présence de la communauté française.

Mardi 14

07H30

Petit déjeuner à l'hôtel sur les droits de l'homme (HCDH, HCR, CICR, ECHO, OCHA).

09H30

Visite du lycée Louis Pasteur.

11H00

Réunion de travail au Congrès.

11H45

Visite du Congrès.

12H30

Réunion avec le Président du Congrès, M . Armando Benedetti .

13H00

Déjeuner offert par le Président du Congrès, M . Armando Benedetti .

14H30

Rencontre avec la presse au Congrès (AFP, El Tiempo , TV du Congrès).

17H40

Départ pour Paris par Vol Air France 423.

I. LA COLOMBIE, UNE DÉMOCRATIE ANCIENNE ET STABLE

A. UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL INSPIRÉ DES MODÈLES AMÉRICAIN ET FRANÇAIS

La Colombie, deuxième démocratie la plus ancienne d'Amérique latine, connaît un régime relativement stable depuis son indépendance il y a cent soixante-treize ans. La Constitution de 1991 instaura un régime présidentiel basé sur une forte séparation des pouvoirs et largement inspiré du modèle américain, tout en introduisant des éléments de régime parlementaire. Depuis 1914, le Président de la République et le vice-président sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois depuis la réforme constitutionnelle de 2006. Le président de la République cumule les fonctions de chef de l'État, de chef du Gouvernement et d'Autorité administrative suprême.

A la tête du pouvoir législatif siège le Congrès national, composé du Sénat et de la Chambre des représentants, élus au suffrage universel pour une durée de 4 ans. Le Sénat comprend 102 membres et la chambre des représentants 163 députés.

Le pouvoir judiciaire est organisé sur le modèle français avec des spécificités qui lui sont propres et, notamment, l'existence d'un Ministère public autonome, le Fiscal général, nommé par la Cour suprême à partir de trois candidats proposés par le Président de la République. La plus haute autorité du pouvoir judiciaire est la Cour suprême de justice qui veille au respect de la Constitution, supervise les tribunaux et a pour mission de veiller à l'équité de la jurisprudence. Elle est aidée par la Cour constitutionnelle et le Conseil d'État. Les juges disposent d'une grande indépendance.

Le pays est divisé en 32 départements et 1060 communes. Les départements sont dirigés par des gouverneurs, les communes par des maires. Tous deux sont élus au suffrage universel direct et suivent les recommandations des conseils départementaux et municipaux, eux-mêmes élus au suffrage universel. Il peut ainsi arriver que la majorité d'un conseil municipal ne soit pas du même parti que le maire élu.

Les principales forces politiques colombiennes sont, du côté de la majorité favorable au président Santos, le parti de la U et le parti conservateur (l'un des deux partis historiques du bipartisme colombien). Du côté de l'opposition qui demeure fragmentée, se trouvent le Parti libéral (second parti traditionnel de la vie politique locale), le pôle démocratique alternatif (PDA, gauche respectueuse du cadre constitutionnel) et le parti Cambio radical dont l'unité est instable. Le parti Convergence citoyenne, enfin, réclame pour sa part une plus grande transparence dans la vie politique colombienne.

B. LES ÉLECTIONS DE 2010 : UN CHANGEMENT DANS LA CONTINUITÉ

L'élection présidentielle de juin 2010 a vu la victoire de Juan Manuel Santos, soixante ans, considéré comme l'héritier du président Alvaro Uribe que la Constitution a empêché de briguer un troisième mandat.

Élu pour la première fois en août 2002 et réélu le 28 mai 2006, Alvaro Uribe a fait éclater le système politique traditionnel aux mains des partis libéral et conservateur. Candidat dissident libéral, il a constitué autour de lui une majorité parlementaire personnelle, en s'appuyant sur le soutien exceptionnel de l'opinion et la gestion d'une politique de « sécurité démocratique » efficace visant à restaurer l'autorité de l'État sur le territoire colombien.

Cette politique a rencontré des succès indéniables comme l'amélioration de la sécurité dans les grands centres urbains, l'affaiblissement des guérillas et la forte diminution du nombre des homicides et des enlèvements. Même si la Cour constitutionnelle a rejeté le projet de révision constitutionnelle permettant au Président de briguer un troisième mandat, ses deux mandats sont considérés par les Colombiens comme un grand succès et il conservait, après huit ans de pouvoir, une très forte popularité, même si elle s'est réduite à l'approche des élections de 2010.

Cette image positive s'est d'ailleurs traduite par la victoire sans équivoque des partis soutenant l'action du Président lors des élections législatives du 14 mars 2010, puis ensuite par celle de Juan Manuel Santos, lors des élections présidentielles de juin 2010.

M. Juan Manuel Santos

A 58 ans, l'ancien ministre de la Défense a remporté le second tour des élections avec près de 69 % des voix (contre 27,5 % pour son rival, l'ancien maire de Bogotá, Antanas Mockus, du parti vert), ce qui fait de lui le candidat le mieux élu depuis un demi-siècle Ce résultat est un véritable plébiscite de la politique de sécurité démocratique. Juan Manuel Santos a su habilement s'attribuer tous les succès de cette lutte et, dans le même temps, se distancer de ses excès, notamment des violations répétées des droits humains et d'une corruption généralisée liée à l'argent de la drogue.

C. JUAN MANUEL SANTOS : UN CENTRISTE PARTISAN DE LA « TROISIÈME VOIE »

Élu en promettant la continuité de la politique de pacification menée par Alvaro Uribe et de la guerre sans merci déclarée aux FARC, le nouveau Président s'est démarqué de son prédécesseur dès son investiture, le 7 août 2010. Dans son discours à la Nation, il a exprimé la volonté de s'attaquer aux maux endémiques du pays (violence, corruption, inégalités) en imposant le slogan de « prospérité démocratique », là où Alvaro Uribe parlait de « sécurité démocratique ». Le nouveau chef de l'État évoquait également la possibilité d'un dialogue avec les FARC, tout en y mettant des conditions très strictes. Se posant en défenseur de la démocratie, il promettait enfin de protéger la justice et de respecter la liberté de la presse.

Les relations diplomatiques et commerciales avec le Venezuela et l'Équateur ont été rétablies dans la foulée 1 ( * ) . Pour faciliter la normalisation, la Colombie et le Venezuela ont annoncé la création de cinq commissions binationales pour la relance des relations commerciales 2 ( * ) , l'intégration économique, les questions sociales frontalières, le développement commun d'infrastructures et la sécurité. La Colombie a aussi obtenu de diriger l'Union des Nations sud-américaines (UNASUR 3 ( * ) ), où l'ex-Président Uribe était traité en pestiféré « pro-yankee ».

Sur le plan intérieur, le nouveau Président est parvenu à attirer ou à neutraliser une bonne partie de l'opposition de gauche - celle qu'un observateur appelle la « gauche sociale » -, en constituant un gouvernement d'Union nationale autour d'un « Grand accord national pour la prospérité », gouvernement auquel quasiment tous les partis se sont ralliés, du Parti de la U aux Verts en passant par le Cambio radical, les conservateurs, et une large frange du parti libéral. Seul le Polo democratico (et d'autres "petits" partis) sont restés dans l'opposition. Pendant la campagne, au cours de laquelle il a été soutenu par un très large éventail des sensibilités politiques du pays, M. Santos s'était engagé à tenir compte des meilleures propositions des autres candidats.

Le nouveau président a surtout mis l'accent sur l'emploi et un recentrage social de l'action de son gouvernement. Il a promis de faire reculer le chômage, de lutter contre l'emploi informel, d'investir dans la construction de logements sociaux (notamment pour les populations déplacées) et de présenter une loi sur le premier emploi. La réforme du système de santé est également placée au premier rang de ses priorités ainsi que la politique éducative et les droits des travailleurs au service desquels son Vice-président Angelino Garzon, ancien dirigeant communiste et syndical, ancien ministre du travail et grand défenseur de la paix, ne compte pas faire de la figuration.

Le Président Santos compte sur les ressources naturelles et une future réforme des royalties issues de leur exploitation pour financer ces réformes.

Le gouvernement a également commencé à démanteler les réseaux de corruption qui avaient proliféré dans les secteurs de la santé, de l'éducation et de la collecte d'impôts durant les mandats de son prédécesseur. Il a, enfin, demandé pardon aux victimes des paramilitaires.

Ce sont ces multiples signes d'ouverture qui autorisent les représentants des organisations humanitaires rencontrés par votre délégation à qualifier le discours du nouveau Président d'authentique et à se réjouir du « désarmement par les mots » évoqué par le président Santos, qui instaure selon eux une bonne relation avec les différents acteurs de la société civile.

Ils se félicitent également des deux initiatives législatives annoncées par le Président : la loi sur la réparation des victimes et la restitution des terres 4 ( * ) , suspendue par l'ancien gouvernement et qui permettra de ne plus distinguer entre victimes des agents illégaux et victimes de l'État d'une part ; la nouvelle loi sur les terres 5 ( * ) qui prévoit la restitution de deux millions d'hectares à leurs propriétaires, notamment les terres saisies ou volées par les paramilitaires d'autre part. « Si cette loi est mise en oeuvre » , ont-ils observé, « il s'agira d'une révolution pour la Colombie où les inégalités concernant la propriété des terres et la structure féodale sont les plus importantes de toute l'Amérique latine. C'est une sorte de lune de miel. »

« Je dois admettre que Juan Manuel Santos nous a surpris » , a déclaré l'ex-sénatrice et opposante libérale Cecilia Lopez.

Le nouveau discours du président Santos correspond à une attente profonde de la population colombienne. Certes, elle veut une continuité sécuritaire, mais elle juge désormais prioritaires les questions sociales, l'éducation, la lutte contre la pauvreté et la corruption. Cette évolution de l'opinion est à la fois le reflet du succès de l'ère Uribe mais aussi la marque d'un rejet des excès commis au nom de la lutte contre les groupes armés illégaux.

Un an après son arrivée au pouvoir, le président colombien recueille 71 % d'opinions favorables dans les sondages. Dans une interview accordée au Figaro lors de sa visite officielle en France en janvier 2011, M. Santos s'est dit partisan de la « troisième voie » : « Que l'on soit de droite ou de gauche, la sécurité est la condition première pour vivre ensemble. J'ai toujours dit que j'étais quelqu'un de l'extrême centre. Je suis partisan de la troisième voie, qui me paraît le bon chemin pour l'Amérique latine ».

D. UN PAYS À LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE « RESPECTABILITÉ » INTERNATIONALE

Après des années durant lesquelles les préoccupations sécuritaires cantonnaient le pays à une relation quasi-exclusive avec les États-Unis, le Président Santos entend désormais donner davantage de poids à l'action diplomatique.

En janvier 2011, il a choisi de venir en France avant de se rendre à Washington, une démarche peu commune pour le représentant d'un pays sud-américain. Il a exprimé son souhait de renforcer les relations de la Colombie avec la France dans tous les domaines, et notamment en matière de défense où il a appelé la France à être le partenaire du développement de l'industrie colombienne.

La Colombie souhaite s'affirmer sur la scène internationale, élargir ses horizons sur les grands thèmes globaux (mondialisation, climat, environnement, aide au développement) et donner une image plus positive. L'ambition de la Colombie d'adhérer à l'OCDE va dans ce sens, de même que les efforts visant à intégrer l'APEC, Forum de coopération économique Asie Pacifique. Son élection à un siège de membre non-permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2011-2012 permettra également de donner à son action diplomatique une nouvelle dimension.

En outre, la Colombie se montre particulièrement active sur les questions de changement climatique : elle a organisé à Carthagène en mars 2010 une conférence réunissant les pays favorables à l'accord de Copenhague et a participé à Paris à la réunion ministérielle sur les grands bassins forestiers.

Les États-Unis demeurent malgré tout un allié privilégié et le principal soutien de la Colombie. Vu de Bogotá, le rapprochement avec l'Europe est souhaité, non seulement comme partenaire économique, mais aussi sur le plan politique. En effet, les États-Unis ont sensiblement diminué le montant de leur aide via le « Plan Colombie 6 ( * ) » et la ratification de l'accord de libre-échange (TLC) par le Congrès américain ne semble pas près d'aboutir. En outre, l'accord de coopération militaire qui visait à mettre à la disposition des forces américaines sept bases militaires colombiennes a été invalidé en janvier 2011 par la Cour Constitutionnelle colombienne.

Le nouveau Président s'est par ailleurs engagé à s'investir davantage dans les politiques d'intégration régionale, en particulier au sein de l'UNASUR et de l'OEA, et a multiplié les appels à l'apaisement et au dialogue.

La Colombie cherche enfin à développer ses relations avec l'axe Pacifique libre-échangiste (Pérou, Chili et, au-delà, Panama et Mexico) ouvert sur l'Asie-Pacifique et pourrait rechercher une adhésion à l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique).

II. UN PAYS GLOBALEMENT PACIFIÉ MÊME SI DE NOMBREUX DÉFIS DEMEURENT

La grande réussite d'Alvaro Uribe aura incontestablement été de redonner confiance au pays. Les Colombiens se sentent de nouveau libres d'entreprendre et de se déplacer en sécurité dans la majeure partie du pays, après le rejet des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) à la périphérie de la Colombie productive et la réduction significative de la violence grâce à la démobilisation des groupes paramilitaires.

De nombreux défis restent toutefois à relever : le niveau de violence demeure élevé avec l'émergence de nouveaux groupes armés illégaux se consacrant au trafic de drogue, la guérilla des FARC qui n'a pas été totalement circonscrite malgré quelques victoires décisives et enfin la gestion de plusieurs scandales, notamment celui des exécutions extrajudiciaires et celui des écoutes illégales par le DAS, organisme de renseignement directement rattaché à la présidence de la République.

A. UNE POLITIQUE SÉCURITAIRE QUI A PORTÉ SES FRUITS

Quand Alvaro Uribe arrive au pouvoir en 2002, deux forces s'affrontent dans les campagnes colombiennes : les FARC et les paramilitaires. Miliciens au service des propriétaires terriens et des narcotrafiquants, ces derniers se sont constitués dans les années 1990 avec l'objectif politique affiché d'en finir avec les guérillas marxistes qui, depuis près d'un demi-siècle, sévissent dans les campagnes colombiennes.

Regroupés au sein des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), les « paras » font alors régner la terreur dans les campagnes. Sous prétexte de couper la guérilla de sa base sociale, ils multiplient les actions contre les civils qu'ils violent, torturent, enlèvent et chassent de leurs terres. En 2002, la situation est catastrophique : 28 000 homicides et 2800 personnes séquestrées recensés pour la seule année 2002.

M. Uribe, qui a fait campagne sur la promesse de pacifier le pays, prend le contre-pied de ses prédécesseurs en déclarant une guerre sans merci aux guérilleros et en acceptant de négocier avec les paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC).

La politique dite de « Sécurité démocratique » qu'il met en place en 2003 se donne pour buts principaux de reprendre le contrôle de sanctuaires aux mains des groupes terroristes (FARC, ELN), de protéger la population en augmentant la présence de l'État et en diminuant la violence et de détruire le trafic de drogue qui alimente les groupes terroristes. Cette politique musclée a été efficace puisque le nombre de meurtres, enlèvements et autres actes de violence a significativement décru 7 ( * ) depuis son lancement, tandis que la guérilla a perdu sa mainmise sur la majeure partie des territoires qu'elle contrôlait.

L'un des grands acquis des huit années d'exercice du pouvoir par l'ex Président Alvaro Uribe aura indubitablement été le rétablissement d'un climat de sécurité propice à la tranquillité des Colombiens et à la reprise économique. Ce qui explique la cote de popularité très importante dont jouissait l'ex-Président à la veille des élections présidentielles.

La loi « Justice et Paix » qui a servi de cadre juridique à la démobilisation fait désormais figure de modèle en matière de justice transitionnelle post-conflit.

1. La démobilisation des milices paramilitaires

Adoptée en juillet 2005, la loi n° 975 « Justice et Paix », heureusement profondément réécrite par la Cour constitutionnelle, a fixé les bases de la démobilisation des paramilitaires : accueillir les hommes du rang grâce à un ambitieux programme de réinsertion ; faciliter la reddition des chefs en leur proposant une peine de prison réduite. La loi prévoit ainsi des peines maximales de huit ans pour les ex-combattants disposés à avouer leurs crimes, à contribuer à la démobilisation de leur groupe, à financer les réparations aux victimes, à demander pardon et à arrêter toute activité criminelle.

Selon les chiffres officiels, 32 000 combattants ont déposé les armes entre 2006 et 2009. Et une trentaine de grands chefs paramilitaires sont en prison. Les démobilisés ont avoué avoir commis quelque 173 183 homicides, 34 467 disparitions forcées et 1597 massacres depuis le début des années 1990.

Le programme de réinsertion a permis le retour à la vie civile des troupes démobilisées. Ainsi, sur les 32 000 paramilitaires officiellement démobilisés, 31 000 ont bénéficié d'une amnistie de fait et moins de 1000 sont en prison.

Toutefois, bien qu'elle soit un modèle « sur le papier », la loi « Justice et paix » est aujourd'hui controversée car ses résultats sont décevants : beaucoup de démobilisés sont retournés à la violence, les victimes n'ont quasiment pas obtenu réparation et seules 3 condamnations ont été prononcées 8 ( * ) sur les 4 500 paramilitaires en détention. Quatorze chefs paramilitaires, parmi lesquels Salvatore Mancuso, ont ainsi obtenu d'être soustraits à la justice colombienne grâce à leur extradition 9 ( * ) aux États-Unis le 13 mai 2008. La possibilité de purger sa peine à l'étranger est prévue par l'article 30 de la loi Justice et Paix.

Pour León Valencia du Centre d'étude Nuevo Arcio Iris , « la version selon laquelle les paramilitaires existaient pour combattre la guérilla est un mythe. C'est la grande erreur de la loi Justice et Paix. En fait, ce sont surtout des délinquants, des trafiquants de drogue, qui se sont mis au service de potentats locaux » 10 ( * ) .

2. Un début de réparation pour les victimes

Élaborée par le gouvernement, la mouture initiale du projet de loi Justice et Paix ne se préoccupait pas du sort des victimes. L'intervention de la Cour constitutionnelle a heureusement permis à ces dernières de défendre leurs droits à la vérité, la justice et la réparation.

Des registres ont été ouverts dans tout le pays où les personnes peuvent se déclarer. Plus de 300 000 victimes se sont ainsi inscrites pour pouvoir demander réparation et assister aux audiences des ex-paramilitaires. Devant la complexité des procédures judiciaires, un fonds d'indemnisation administrative a été créé. En 2009, 100 millions de dollars ont été distribués à 10 500 familles. En 2010, 150 millions ont été répartis entre 15 000  familles. Un décret a prévu une grille d'indemnisation : 40 salaires minimum pour un meurtre ou pour une incapacité permanente ; 30 pour des lésions physiques non permanentes, pour des tortures, pour des délits sexuels, pour le recrutement forcé de mineurs, pour des déplacements forcés. Sous la froideur d'un décret administratif, se cache la satisfaction de milliers de familles de se voir reconnues victimes.

S'agissant des terres dont les personnes déplacées ont été spoliées que le gouvernement évalue à 4 millions d'hectares, le Parlement a examiné au printemps 2011 en première lecture un texte de loi dit de réparation au bénéfice des victimes du conflit et de restitution des terres qui prévoit de remettre des terres aux paysans chassés de chez eux par la violence.

Qualifiée d'historique par les militants associatifs, cette loi contient la reconnaissance de l'existence d'un conflit armé en Colombie et trace les grandes lignes de mécanismes de réparation et de reconnaissance des victimes 11 ( * ) . Le texte met en place le cadre permettant la remise de deux millions d'hectares de terres aux paysans avant 2014, une priorité du gouvernement. Il devrait en principe concerner trois millions de personnes.

Il ne faut pas sous-estimer toutefois les difficultés pratiques de sa mise en application, tant il sera difficile aux personnes spoliées de faire valoir leurs titres de propriété, et à l'État, de chasser des terres des occupants illégaux bien décidés à y rester. Car les parcelles sont occupées aujourd'hui par de grandes entreprises agricoles ou par des paramilitaires qui s'efforcent de dissimuler l'origine des biens. Beaucoup de faux-titres de propriété circulent, surtout dans les régions contrôlées par des groupes armés. Le grand défi consistera pour le gouvernement à aider les victimes à prouver qu'elles sont les propriétaires légitimes de leurs biens.

Autre « talon d'Achille » de la nouvelle loi, sa viabilité budgétaire, ajoute la présidente de Tierra y Vida , une association de personnes déplacées. Aucune estimation n'a été avancée pour l'instant. Le délai imparti pour la mise en oeuvre de la loi est de dix ans.

Enfin, dernier écueil, on peut s'interroger sur la pertinence du principe même de la restitution des terres dès lors que 70 à 90 % des personnes déplacées ne souhaitent pas retourner sur les lieux dont elles ont été chassées. Le représentant du Haut Commissariat aux Réfugiés considère que pour ces personnes, l'État doit prévoir un mécanisme d'indemnisation.

3. Une progression dans la voie des droits de l'homme

Avec la démobilisation des groupes paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie entre 2004 et 2009, la situation des droits de l'Homme a connu une amélioration sensible au cours des dernières années.

Soucieux de répondre aux critiques dont il fait régulièrement l'objet, l'État colombien a affirmé son implication en faveur d'une « politique des droits de l'homme volontariste et globale ».

Il a ainsi accepté en décembre 2008 de se soumettre à l'examen périodique universel par la Commission des droits de l'Homme de l'ONU et instauré un dialogue formel sur les droits de l'homme avec l'Union européenne. Il a renouvelé le mandat du Haut Commissaire aux droits de l'Homme et renforcé les programmes de formation en matière de droit international humanitaire au sein de l'armée. Enfin, en novembre 2009, il a levé la réserve de la Cour pénale internationale s'agissant des crimes de guerre.

B. MAIS LES DÉFIS RESTENT NOMBREUX

Le gouvernement de l'ex-président Uribe a sans conteste obtenu une victoire décisive en désarmant les milices paramilitaires mais un grand nombre de causes de violence demeurent : trafic de drogue, absence de réforme agraire (77 % des terres cultivables appartiennent à 7 % des propriétaires) et luttes pour le contrôle territorial. En effet, la présence de l'État, hors les forces de l'ordre, reste inexistante ou insuffisante dans de nombreuses régions du pays.

La Colombie est de surcroît confrontée à l'apparition de nouvelles bandes armées au service du narcotrafic et à la persistance d'un conflit de basse intensité dans les zones frontalières, avec des FARC qui, bien qu'affaiblies, conservent un pouvoir de nuisance. En outre, ces violences continuent d'alimenter le flux des personnes déplacées dont le nombre est évalué à 4 millions et pour la majorité desquelles la loi sur la restitution des terres ne constitue pas une solution.

Enfin, le deuxième mandat d'Alvaro Uribe s'est caractérisé par l'émergence dans le débat national de plusieurs « scandales » face auxquels la justice colombienne semble relativement débordée. Un certain nombre « d'îlots d'impunité » demeurent, notamment au sein de l'armée entachée par l'affaire des exécutions extrajudiciaires ou au sein du puissant Département Administratif de Sécurité (DAS).

1. L'émergence dans le débat national de plusieurs scandales

Le scandale dit de la « para politique »

Poussés à confesser leurs crimes par la loi n° 975, les paramilitaires ont aussi commencé à dénoncer leurs soutiens, impliquant un grand nombre d'hommes politiques. Quarante-deux sénateurs et quarante-sept députés - plus du tiers des parlementaires élus en 2006 - sont actuellement sous le coup d'une inculpation pour « para politique ». Ces élus sont accusés d'avoir eu recours depuis 2001 à la terreur exercée par les « paras » sur les électeurs pour obtenir leurs votes 12 ( * ) . En échange de pressions sur la population, les milices s'assuraient un contrôle quasiment militaire du territoire et l'impunité.

Trente-deux parlementaires sont en prison, dix-huit ont déjà été condamnés par la Cour suprême, compétente pour juger les parlementaires, qui ne peuvent faire appel de ses décisions. Parmi eux, on compte le propre cousin de l'ex-président Alvaro Uribe, l'ancien sénateur Mario Uribe, président du Congrès en 2001-2002 qui a été reconnu coupable d'association de malfaiteurs pour avoir conclu des accords avec l'AUC, notamment pour faciliter sa réélection au Sénat en 2002. Il a été condamné en février 2011 à sept ans et demi de prison et à une amende de près de 3,5 milliards de pesos (1,35 million d'euros).

Les procès de la « para politique » ont contribué à envenimer les relations de l'ex-président Alvaro Uribe avec le pouvoir judiciaire, l'immense majorité des élus impliqués appartenant aux partis de la coalition « uribiste » 13 ( * ) .

L'un de ces procès a vu comparaître l'un de nos compatriotes, Carlos Garcia Orjuela, ex-président du Sénat colombien. Inculpé pour collusion avec les milices paramilitaires, ce neurochirurgien de profession, formé à Lyon, qui a acquis la nationalité française par mariage, a fait deux ans de prison préventive. Trois ex-paramilitaires incarcérés l'accusaient d'avoir rencontré à l'automne 2001 un émissaire de Carlos Castaño, alors chef des Autodéfenses unies de Colombie et assassiné depuis. Selon M. Garcia Orjuela, les témoins à charge tentent en l'accusant, d'obtenir des réductions de peine. Pour se défendre, l'ex Président du Sénat a souligné les imprécisions et les contradictions des témoignages.

Carlos Garcia Orjuela, fermement soutenu par notre ambassadeur en Colombie, Jean-Michel Marlaud, et par notre collègue Christophe Frassa, sénateur représentant les Français établis hors de France, au nom du respect des droits de la défense et de la présomption d'innocence, a été relaxé peu de temps après l'audience à laquelle votre délégation a pu assister le 13 septembre dernier.

Les écoutes et activités illégales des services de renseignements

Depuis 2005, les organisations de défense des droits de l'homme en Colombie, relayés par certains médias colombiens, dénonçaient la collusion entre les services de renseignements colombiens et les chefs paramilitaires. Les hauts responsables du Département administratif de Sécurité (DAS)  service de renseignement politique qui dépend directement du Président de la République -, étaient accusés par les militants des droits humains d'être les commanditaires des assassinats d'opposants par les chefs paramilitaires.

Parallèlement, il est apparu qu'ils espionnaient illégalement des défenseurs des droits humains, des opposants politiques, des journalistes et même des magistrats de la Cour suprême de justice et des dirigeants des partis traditionnels. Ceci en vertu de consignes émanant du Palais présidentiel de Nariño.

Les représentants humanitaires que votre délégation a rencontrés à Bogotá parlent à cet égard de véritable « police politique ». Ils pointent du doigt le DAS mais aussi le service de renseignement militaire.

En avril 2010, un influent journaliste de la radio a rendu publics les documents trouvés par la Fiscalía genera 14 ( * ) l lors d'une perquisition dans les locaux du DAS. Ils révélaient l'existence depuis 2005 d'une stratégie globale visant à espionner et discréditer les organisations non gouvernementales et les opposants, en particulier le Front social et politique (centre gauche) et la sénatrice Piedad Córdoba (centre gauche également), mais aussi à programmer des attentats terroristes qui auraient ensuite été attribués à la guérilla 15 ( * ) .

Plusieurs fonctionnaires du DAS ont été mis en examen 16 ( * ) et treize d'entre eux sont en prison. L'ancien directeur général de l'institution, Jorge Noguera vient quant à lui d'être condamné à 25 ans de prison 17 ( * ) . L'ancien secrétaire général de la présidence est également incarcéré pour avoir espionné l'opposition et la Cour suprême.

L'affaire a rebondi en décembre 2010 lorsque le Panama a accordé l'asile à Mme Maria del Pilar Hurtado, ex-chef du DAS, mise en examen pour avoir personnellement ordonné la mise sur écoute et filature de dizaines de magistrats, de leaders de l'opposition et de journalistes. Cette décision du Panama a été vivement critiquée par la presse colombienne tandis que l'ex-Président Uribe défendait avec virulence ses anciens collaborateurs aux prises avec la justice et accusait cette dernière - et notamment la Cour Suprême - d'être sous l'influence d'intérêts politiques voire « criminels » 18 ( * ) .

En vertu de la nouvelle loi sur le renseignement, une commission de contrôle des services de renseignements a été mise en place en septembre 2010 auprès du Congrès. L'Allemagne et la Grande-Bretagne ont proposé leur aide pour en former les membres et assister le Parlement colombien dans sa démarche de contrôle. Les organisations de défense des droits de l'homme rencontrées par votre délégation ont sollicité une coopération avec la France dans ce domaine.

Le scandale dit des « faux positifs »

Dévoilée en septembre 2008, l'affaire des « faux positifs » ou des exécutions extrajudiciaires est, comme l'a qualifiée le président du Sénat colombien, Armando Benedetti 19 ( * ) , lors de sa rencontre avec votre délégation, « l'une des plus macabres de toute l'histoire de la Colombie ». Entre 2004 et 2009, plusieurs milliers de jeunes gens de couches sociales populaires ont été enlevés puis assassinés par l'armée afin de les faire passer pour des guérilleros des FARC tués au combat et gonfler les statistiques. Selon le bureau municipal de la Personería 20 ( * ) de Soacha dans les faubourgs de Bogotá, cette pratique était d'autant plus répandue que les brigades militaires touchaient des primes en fonction du nombre de guérilleros tués.

Les organisations humanitaires font état de plusieurs milliers de victimes. 1 400 dossiers ont été portés devant la justice et 2 300 victimes identifiées.

La révocation d'une vingtaine d'officiers fin 2008 a conduit à une baisse significative de cette pratique depuis 2009 mais les organisations humanitaires dénoncent la pression importante d'une partie de l'armée sur les victimes, les juges d'instruction et les membres du parquet pour que les enquêtes n'aboutissent pas. Il y aurait même des cas d'attaques armées. Soupçonnant en outre la justice militaire de dissimuler certaines affaires plutôt que de les soumettre à la justice de droit commun, les défenseurs des droits de l'Homme demandent la réalisation d'un audit de la justice militaire pour identifier, parmi les exécutions extrajudiciaires, celles qui doivent être soumises à la justice ordinaire.

C'est grâce à la mobilisation des mères des victimes, rassemblées dans des associations, que la lumière est faite progressivement sur ces assassinats. L'une d'elles, Carmenza Gomez, rencontrée à la Personería de Soacha, a raconté à votre délégation comment son fils aîné a été poussé du haut d'un pont en octobre 2008 par deux policiers alors qu'il tentait d'enquêter sur la mort de son frère de vingt-trois ans disparu quelques mois plus tôt, que l'armée avait tenté de faire passer pour un guérillero. Ces mères qui demandent justice et réparation de la part de l'État ont été constamment éconduites par l'ex-président Uribe.

Interrogé par votre délégation, le président du Congrès a rappelé qu'il avait été l'un des premiers à dénoncer ce scandale devant le Parlement à la fin de l'année 2006 et à interpeller le président Uribe et son ministre de la Défense de l'époque, Juan Manuel Santos, pour ne pas avoir présenté d'excuses publiques aux victimes. S'indignant de ce que de tels crimes aient pu être commis par les propres agents de l'État, Armando Benedetti a considéré que tous les acteurs publics étaient responsables, à défaut d'être coupables. Il a souhaité que des excuses soient présentées non seulement à ces mères mais aussi au monde entier.

Le président du Sénat a enfin indiqué à la délégation que la Convention des Nations Unies contre les disparitions extra-judiciaires - qui ouvre aux victimes des pays signataires la possibilité de porter leur cas devant le Comité des disparitions forcées - serait examinée par le Parlement dès que le gouvernement déposerait le projet de loi de ratification.

2. Le lancinant problème des déplacés

Comme votre délégation a pu le constater lors de sa visite du Métro câble à Medellín ou du refuge pastoral de la ville de Soacha, les déplacés constituent l'un des problèmes les plus aigus que les autorités nationales et locales aient à gérer. La violence génère un flux permanent de déplacés internes - même si le phénomène tend à décroître ces dernières années - et une forte persistance du recrutement forcé de mineurs 21 ( * ) , phénomènes eux-mêmes générateurs de violence tant il est ardu pour les collectivités d'accueil de faire face aux arrivées incessantes de ces migrants poussés hors de leurs terres.

Les populations déplacées - et plus particulièrement les populations afro-colombiennes et indigènes originaires des régions périphériques productrices de coca -, ont été dépouillées de 4 à 6 millions d'hectares de terres 22 ( * ) et leur retour se révèle difficile voire impossible du fait de l'émergence de nouveaux groupes violents qui entendent contrôler ces territoires à leur bénéfice. Les femmes, également, figurent parmi les premières victimes et représentent 82 % des déplacés.

La Colombie est après le Soudan le deuxième pays le plus affecté au monde par le phénomène. En 2009, le nombre de déplacés était estimé à plus de quatre millions par les ONG et l'Église (soit 10 % de la population) dont 3,5 millions enregistrés officiellement. En vingt-cinq ans, plus de 750 000 familles colombiennes ont ainsi abandonné les zones rurales isolées pour fuir vers les zones urbaines sous la pression directe ou indirecte des groupes armés. Les zones les plus touchées sont le département de Nariño au sud, de Tolima au centre, d'Antioquia, de Cauca et toutes les zones frontalières (Santander, Arauca...). On compte également environ 200 000 réfugiés colombiens dans les pays voisins, Equateur, Venezuela, Panama, Costa-Rica.

Selon les organisations humanitaires rencontrées par votre délégation, la moitié de ces déplacés sont des jeunes qui ont des difficultés d'accès à l'école et qui sont victimes de la violence, d'abus sexuels, et d'enrôlement forcés. Deux millions de déplacés sont concentrés dans quelques vingt cinq centres urbains où ils sont confrontés à des difficultés importantes : manque de terres face aux propriétaires fonciers qui ne souhaitent pas partager leurs terres, accès difficile voire impossible à l'électricité, à l'eau 23 ( * ) , à l'éducation, violence extrême... Les bandes criminelles exercent un contrôle quartier par quartier et imposent leur loi sur la manière dont les gens doivent vivre.

Le HCR s'émeut pour sa part du très grand nombre de personnes dont le statut de réfugié n'est pas reconnu et qui ne peuvent par conséquent faire valoir aucun droit à indemnités, soit qu'ils ne disposent pas des documents demandés par les autorités, soit que leurs explications aient été considérées comme incohérentes. Leur pourcentage atteindrait 60 %. A titre d'exemple, l'État n'accorderait pas le statut de réfugié aux familles issues des zones où l'armée s'est installée et qui sont des bastions historiques de la guérilla.

La capitale Bogotá et sa banlieue, Soacha, concentrent à elles seules 10 % des déplacés. La ville de Soacha où s'est rendue votre délégation est un laboratoire à l'échelle micro-économique de ce qui se passe dans le reste de la Colombie. Elle accueille 33 105 déplacés (soit 1 % des déplacés) qui s'installent illégalement sur les collines entourant la capitale. Considérés comme des zones à risque 24 ( * ) , ces quartiers ne font pas l'objet d'investissements publics et sont dépourvus de tout service de base (eau, électricité, évacuation).

M. Michel Doublet dans un accueil pour réfugiés de la ville de Soacha dans la banlieue de Bogota

La commune de Medellín voit arriver chaque année entre 50 000 et 120 000 personnes. Les familles s'agglutinent dans des faubourgs informels sur les collines qui ceinturent la ville, faubourgs que l'État à équipés des services de base et que le metrocable construit par l'entreprise française Pomagalski a contribué à désenclaver.

Pour le maire de Medellín, cet afflux de déplacés est la rançon du succès de sa politique visant à améliorer la qualité de vie des administrés. « Medellín est devenue un pôle d'attraction économique pour les immigrés économiques autant que pour les personnes déplacées par la violence » a-t-il déclaré à votre délégation. Mais en raison de cet afflux permanent de nouveaux habitants, la lutte contre la pauvreté dans sa commune s'apparente à un véritable mythe de Sisyphe. « Nous ne connaissons pas un univers de référence stable. Au niveau social, le but est toujours repoussé. »

Aussi a-t-il été conduit, pour la première fois de l'histoire de la Colombie, à investir 200 millions de dollars sur le budget municipal pour améliorer l'infrastructure routière dans la région. Il envisage également un programme d'aide au retour volontaire pour 15 à 20 000 familles qui le désirent, avec l'aide de l'État et celle de la municipalité.

Pour les responsables humanitaires rencontrés par votre délégation, le gouvernement doit désormais prendre en compte le fait qu'un grand nombre de déplacés ne souhaitent pas rentrer chez eux, soit en raison d'une violence persistante, soit en raison des représailles qu'ils redoutent de subir, soit enfin parce qu'ils ont découvert dans la vie citadine un nouveau mode de vie auquel ils sont désormais attachés. Pour ces personnes qui souhaitent s'installer définitivement là où ils sont, la restitution des terres ne constitue pas une solution.

Plus récemment, le phénomène des déplacements urbains s'est fait jour, de ville en ville, ou de quartier en quartier. Les victimes des groupes paramilitaires sont en effet pourchassées jusque dans les villes où ils se réfugient, sous la pression des réseaux criminels dont les ramifications sont nombreuses 25 ( * ) . Et comme si une peine ne suffisait pas, ces personnes ne se voient pas reconnaître le statut de réfugiés dès lors qu'elles se déplacent pour la deuxième fois 26 ( * ) .

Ce phénomène tendrait à démontrer, selon les responsables humanitaires, que les groupes paramilitaires sont en cours de reconstitution, en dépit des dénégations du gouvernement.

3. La persistance de facteurs de violence

La Colombie continue de connaître un conflit interne de basse intensité en raison de l'émergence de nouvelles bandes criminelles et des actions sporadiques que la guérilla des FARC continue de mener malgré son affaiblissement.

• La reconstitution des milices paramilitaires

Selon la police, entre 4 000 et 9 000 démobilisés ont repris les armes, intégrant quelque six bandes criminelles agissant dans le narcotrafic. A en croire le chef de la police, le général Oscar Naranjo, les nouvelles bandes criminelles formées par d'anciens « paras » constituent le principal danger pour l'ordre public. En 2010, quatorze massacres leur ont été attribués par les autorités. En outre, les enlèvements ont augmenté de 20 % depuis le début de l'année 2011. Dans certaines régions, notamment sur la côte caraïbe, nombre de dirigeants locaux sont menacés de mort par des bandes criminelles qui ressemblent à s'y méprendre aux anciens escadrons paramilitaires.

Selon l'organisation Human Rights Watch, ces groupes criminels seraient présents dans 24 des 32 départements du pays et compteraient plus de 10 000 hommes armés.

Pour les organisations humanitaires que votre délégation a rencontrées comme pour le maire de Medellín, la consolidation de ces bandes d'ultra-droite, très liées au narcotrafic, représente un danger d'autant plus inquiétant qu'elles animent une économie parallèle et fragilisent fortement l'État.

« Le grand échec de la démobilisation se situe au niveau des cadres moyens, les sous-chefs qui ont pris la place des chefs incarcérés et le contrôle du narcotrafic », selon Eduardo Pizarro, directeur de la Commission nationale pour la réparation et la réconciliation 27 ( * ) .

Pour certains experts, la faute en incombe aux militaires qui ont tardé à s'adapter. Le général Edgar Cely, commandant en chef de l'armée colombienne, a avoué qu'un remaniement serait nécessaire au niveau régional. Il a reconnu que les généraux promus par le précédent gouvernement gardaient une influence sur les troupes et que la mafia avait pénétré certains secteurs.

Juan Manuel Santos a pour sa part déclaré qu'il devait « affronter deux extrémismes : celui de gauche et celui de droite » .

• Des FARC affaiblies mais toujours actives

Depuis la mort de Raúl Reyes 28 ( * ) en mars 2008 et l'opération Jaque 29 ( * ) qui a permis la libération d'Ingrid Bétancourt en juillet 2008, les autorités colombiennes ont remporté de nombreuses victoires sur l'organisation révolutionnaire.

Les 29 et 30 mars 2010, les FARC ont libéré le sergent Moncayo qu'elles détenaient depuis 1997, et le soldat Calvo. Ces libérations unilatérales ont été rendues possibles grâce à la médiation du CICR, de la Sénatrice Piedad Cordoba, de l'Église catholique ainsi qu'à l'aide du Brésil.

Le 13 juin 2010, l'opération Cameleon a permis de libérer quatre otages qui se trouvaient aux mains des FARC depuis douze ans. Parmi eux, le général Mendieta qui était le plus haut gradé à avoir été détenu par la guérilla.

Le 23 septembre 2010, une semaine après le départ de votre délégation, l'armée colombienne a remporté une victoire décisive en abattant le chef militaire des FARC, Julio Suarez de son vrai nom, plus connu sous son alias de Jorge Briceño Suarez et plus encore sous son surnom de « Mono Jojoy ». Plus de 30 avions et 25 hélicoptères ont été mobilisés pour cette opération baptisée « Sodome », menée conjointement par l'armée de terre, l'aviation et la police et au cours de laquelle dix-huit autres guérilleros ont trouvé la mort. Ce sont les informations fournies par un guérillero déserteur qui auraient permis de confirmer l'emplacement du camp et la présence du Mono Jojoy dans la région de la Macarena, dans le sud-ouest du pays.

Trois mois plus tard, ce sont quatorze combattants de la guérilla qui perdaient la vie dans un bombardement de l'armée colombienne dans le département de Nariño non loin de la frontière équatorienne. Le bombardement visait le Front 48 de la guérilla déployé dans cette région qui serait selon les autorités l'une des structures les plus importantes des FARC dans le sud du pays, celle qui rapporte le plus de revenus à la guérilla grâce au trafic de drogues.

Le 16 février 2011, les FARC ont libéré deux officiers colombiens 30 ( * ) enlevés en 2007 et en 2008 et les ont remis à une mission humanitaire dans le sud de la Colombie. Tous deux faisaient partie d'un groupe de cinq otages que la guérilla s'était engagée le 8 décembre 2010 à libérer sans contrepartie.

Enfin, le 30 juin 2011, l'armée a manqué de peu le chef politique des FARC, Alfonso Cano, qui a réussi à prendre la fuite à peine douze heures avant l'irruption de militaires dans un campement situé dans le sud-ouest du pays. Selon Santos, la capture de Cano est proche, les forces militaires ayant réussi à le contraindre à quitter son "habitat naturel".

Ces succès ont été toutefois ternis par le regain de violence observé par la guérilla au cours du premier semestre 2011. Les attaques, visant notamment des intérêts pétroliers 31 ( * ) , semblent indiquer que la guérilla se concentre sur ce secteur devenu prioritaire pour le gouvernement.

« J'ai demandé au ministre de la Défense de réviser le schéma du contrôle du territoire, y compris le contrôle de nos frontières, afin d'obtenir un usage plus efficace de nos forces », a déclaré Juan Manuel Santos. Le président souhaite en outre améliorer le renseignement, réviser le dispositif en utilisant des unités plus réduites afin de dérouter la guérilla.

Fondées en 1964, les FARC compteraient encore 7000 combattants selon le ministère de la Défense et l'ELN (Armée de libération nationale, guévariste), 2500. Elles sont encore actives sur près de la moitié du territoire colombien - notamment dans les régions montagneuses et dans la jungle - où elles puisent leurs ressources du trafic de cocaïne et des rançons. Elles alternent stratégies de terrorisme urbain et offensives ciblées sur le terrain dans les dernières zones où elles conservent une influence. Elles pratiquent une violence qui se dit « révolutionnaire », dirigée contre les symboles de l'État, déclarés « objectifs militaires » (membres des forces armées par exemple), mais également des « possédants » et des politiques.

Toutefois, comme l'a indiqué à votre délégation le représentant colombien du Haut Commissariat aux Réfugiés, « devenue ces dernières années plus criminelle que politique, la guérilla a perdu son aura dans la population qui est moins sensible à son message ». En outre, elle enregistre de nombreuses désertions.

• Le trafic de drogues

La Colombie est le premier pays producteur de cocaïne au monde avec près de 410 tonnes produites en 2009, soit une baisse de 9 % de la production. En 2009, les données fournies par l'ONUDC font apparaître une baisse de 16 % des cultures de coca sur le territoire colombien, avec une surface totale de 68 000 hectares. Pour l'ONUDC cette baisse des aires semées en coca est le résultat de l'action des pouvoirs publics 32 ( * ) .

Ce sont dans les départements les plus concernés par la présence de groupes armés illégaux (Caqueta, Guaviare et Cordoba) que la production parvient à se maintenir, voire à augmenter. Par ailleurs, les autorités s'intéressent de plus en plus à la consommation interne colombienne, qui induit dans le pays une délinquance de droit commune importante.

Pendant la campagne électorale, le président Santos a ainsi annoncé son intention de « lutter contre le trafic de stupéfiants avec une détermination maximale, à tous les maillons de la chaîne. C'est le mal qui a provoqué le plus de violence en Colombie 33 ( * ) ».

Pour cela, il compte sur la création d'un « Centre de coordination pour la lutte contre les groupes criminels et le trafic de drogue » dont le but est d'améliorer la coordination des activités anti-drogue de la police, des forces armées et des autres institutions. Il aura pour priorité la lutte contre les groupes armés qui se disputent le marché de la drogue.

Le gouvernement souhaite également mettre en place des procédures légales spéciales visant à accélérer la saisie des biens des trafiquants de drogue et étendre les programmes de développement alternatif qui offrent aux cultivateurs des options économiques légales leur permettant de gagner correctement leur vie sans s'adonner à des cultures illicites.

Dans une interview accordée au Figaro lors de sa visite en France en janvier 2011, M. Santos a dit sa volonté de partager avec ses voisins l'expérience de la Colombie dans la lutte contre les drogues, le narcotrafic, les cartels et le crime organisé, « car notre réussite en la matière a eu pour effet de repousser les activités délictueuses vers des pays d'Amérique centrale et des Caraïbes » 34 ( * ) .

Le 2 août 2011, après avoir enquêté pendant plus de six ans, la police nationale a arrêté deux trafiquants qui acheminaient chaque année 20 tonnes de cocaïne en Amérique du Nord à bord de navires autopropulsés et semi-submersibles.

III. LES RELATIONS FRANCO-COLOMBIENNES : HALTE À LA FRILOSITÉ !

Ainsi que le rappelait l'ambassadeur Jean-Michel Marlaud en quittant son poste fin septembre 2010, les relations franco-colombiennes se sont sensiblement renforcées depuis 2007 avec un dialogue politique intensifié, une forte croissance des investissements français et une coopération éducative exemplaire.

Toutefois, la violence, la drogue, les FARC et les enlèvements « collent » à l'image de la Colombie. Comme nous l'ont avoué à mots couverts nos interlocuteurs, Ingrid Bétancourt a - involontairement -, nui à la Colombie en accréditant dans l'opinion de nos concitoyens l'idée selon laquelle c'est un pays dangereux où il ne fait pas bon investir, faire ses études ou voyager. De fait, pendant plusieurs années, aucun Français ne pouvait ignorer, en allumant son poste de télévision à l'heure du journal, qu'une de nos compatriotes y était retenue en otage. Il est aussi indéniable que pendant des années, une poignée de guérilleros mal équipés et traqués a nargué l'autorité de l'État colombien, au détriment de la population et de la réputation du pays.

Les préjugés ont hélas la vie dure et trois ans après la libération de la célèbre otage, la Colombie continue de pâtir d'une certaines frilosité, tant de la part des acteurs économiques que des étudiants ou des touristes. Pourtant, de nombreuses opportunités existent pour nos entreprises que la situation économique du pays devrait encourager à aller explorer. Outre un climat favorable aux affaires, un cadre juridique stable et une situation économique saine, ils y trouveront d'abondantes richesses agricoles, minières et pétrolières et une main d'oeuvre bien formée et francophile, à défaut d'être - pour l'instant ! - francophone. Pour l'instant car la promotion du bilinguisme fait partie des priorités du gouvernement Santos qui ne lésine pas sur les moyens, avec l'aide du gouvernement français, pour faire des jeunes Colombiens de parfaits petits francophones.

A. UN POTENTIEL ÉCONOMIQUE FAVORABLE AUX INVESTISSEMENTS, MALGRÉ LA PERSISTANCE DES INÉGALITÉS SOCIALES ET DU CHÔMAGE

Ainsi qu'il a été rappelé, la politique sécuritaire menée par le président Uribe et poursuivie par Juan Manuel Santos a contribué à rétablir la confiance des Colombiens et celle des investisseurs étrangers. A titre d'exemple, l'usine Renault que votre délégation a visitée en périphérie de Medellín produisait 186 voitures par jour en septembre 2010 avec l'objectif d'en produire 256 fin 2010.

Grâce à la taille de son marché de 45 millions d'habitants, à l'ampleur de ses ressources naturelles (émeraudes, café, pétrole, charbon notamment) et à une réputation historique de débiteur exemplaire (le seul pays du continent à n'avoir jamais demandé de renégociation de dettes), la Colombie connaît en outre depuis de longues années une croissance forte (moyenne de 3 % durant les trente dernières années) et s'est dotée de solides fondamentaux macroéconomiques.

Certes, tout n'est pas encore idyllique au pays des fleurs, avec un chômage persistant, une pauvreté alimentée par le flux des personnes déplacées et des « réfugiés » économiques, des inégalités économiques profondes, un important secteur informel et une tendance à la fuite des capitaux. En outre, dépendant à 30 % de ses exportations, la Colombie est extrêmement sensible aux variations du cours du peso qui s'est apprécié de 13 % face au dollar en 2010.

Mais cela ne décourage pas les investisseurs étrangers qu'attirent les mines et le pétrole et, de plus en plus, la construction, l'agro-alimentaire, la grande distribution et la banque. Les entreprises françaises ont depuis plusieurs années pris conscience du potentiel que recelait l'économie colombienne et la centaine d'entre elles présentes dans le pays font de la France le premier employeur étranger en Colombie.

1. Des fondamentaux macro-économiques solides

Grâce au dynamisme de sa consommation intérieure, la Colombie a traversé la crise de 2008-2009 sans dommages majeurs et le taux de croissance a atteint 4,5 % en 2010 (après 0,4 % en 2009). La consommation des ménages est alimentée par la baisse des prix des produits importés liée à l'appréciation du peso.

Les autres indicateurs témoignent d'une situation économique saine avec une inflation jugulée (3,8 % en 2010 après 2 % en 2009), une dette publique inférieure à 20 % du PIB, une productivité élevée et des taux d'intérêt bas.

Le Président Santos a opté pour la poursuite de la politique « orthodoxe » suivie par son prédécesseur mais est déterminé à accélérer les réformes structurelles afin de préparer l'adhésion du pays à l'OCDE et de favoriser les investissements étrangers. Bénéficiant d'une forte popularité, le gouvernement a l'ambition de restaurer, à moyen terme (en 2014), la « durabilité » des finances publiques (encadrement du solde budgétaire) et de modifier l'utilisation des royalties issues de l'extraction des matières premières : l'objectif est de mettre à disposition de l'État une partie substantielle de ces ressources, aujourd'hui gérées par les collectivités locales productrices.

Dans ce contexte de stabilité économique, les investissements directs à l'étranger (IDE) ont enregistré une progression importante (de 2 milliards de dollars en 2002 à 7 milliards en 2009) , également favorisée par un cadre juridique très attractif.

Depuis plusieurs années, le gouvernement cherche à réduire la vulnérabilité externe du pays par une politique de consolidation de la dette publique et d'accumulation de réserves internationales (24,8 milliards de dollars en 2009). Les projets de développement des secteurs-clés des hydrocarbures (soutenu par des découvertes récentes) et des mines sont les cibles les plus prisées des étrangers.

Le commerce extérieur représente environ 20 % du PIB. La Colombie souhaite accélérer son insertion dans le commerce mondial (intégration régionale au sein de la Communauté andine des nations ; accord avec le Chili ; négociation d'un accord de libre échange entre l'Union européenne et la Colombie, dont le texte a été approuvé au Sommet de Madrid le 18 mai 2010, et qui doit désormais être approuvé par le Parlement Européen, puis, ratifié par chacun des 27 Parlements nationaux).

Le rétablissement des relations diplomatiques avec le Venezuela devrait en outre favoriser la balance commerciale fortement dégradée pendant la période de gel des relations entre les deux pays.

2. Un potentiel minier et pétrolier qui suscite des convoitises

En juillet 2011, la Colombie produisait 930 000 barils de pétrole par jour soit une hausse de 17,9 % par rapport au même mois de l'année 2010.

Le secteur minier n'est pas en reste avec des investissements directs étrangers passés de 463 millions en 1999 à 3 milliards de dollars en 2009 35 ( * ) , soit une hausse de 640 %. En 2009, le domaine des mines enregistrait la plus forte croissance de l'économie colombienne et représentait 1,5 % du produit intérieur brut (PIB). L'objectif pour les dix prochaines années est de dépasser les 6 % du revenu national, comme c'est le cas au Pérou ou au Chili.

A cet effet, le gouvernement vient de dépenser plus de cinq milliards de dollars pour l'aménagement d'infrastructures liées aux secteurs de la mine et de l'énergie : deux fois et demie ses dépenses en infrastructures pour les transports, dix fois plus que les sommes consacrées au logement, vingt fois plus que pour le réseau des télécommunications.

Au centre de toutes les convoitises, le platine, l'uranium, les métaux et terres rares comme le molybdène ou le coltan. Mais, surtout l'or, au sujet duquel la revue économique en ligne Portafolio.com évoquait récemment une nouvelle ruée qu'elle comparait à une « poussée de fièvre ». Les chiffres sont éloquents : entre 2006 et 2009, la production d'or en Colombie a été multipliée par trois, pour atteindre 1,75 million d'onces en 2009. Une tendance nourrie par l'explosion des cours sur les marchés mondiaux, avec une augmentation de plus de 30 % en un an. Les prévisions pour 2012 évoquent une production de trois millions d'onces.

Avec l'augmentation des cours de l'or, le potentiel aurifère de la Colombie suscite évidemment les convoitises des narco-trafiquants en quête de diversification, qui exploitent illégalement un certain nombre de mines, au grand détriment de l'environnement. La contamination des rivières par le mercure et le cyanure utilisés en grande quantité et les inondations occasionnées par le détournement des cours d'eau provoqué par le phénomène de sédimentation, figurent parmi les premières préoccupations de la jeune Haute conseillère auprès du Président de la République pour les questions d'environnement et de diversité, Sandra Bessudo 36 ( * ) . Selon cette franco-colombienne, fille d'un entrepreneur français, l'exploitation illégale de l'or emploie plus de 8000 personnes entre Cali et Buenaventura. Peu avant que votre délégation rencontre la ministre, l'armée avait saisi 34 engins de drague dans une des régions productrices.

Sandra Bessudo a indiqué que son objectif était de généraliser l'orpaillage « écologique » pour offrir une alternative à tous ceux qui sont actuellement employés par les narco-trafiquants. Il s'agit d'exploiter l'or de façon artisanale et respectueuse de l'environnement, à l'exemple de la communauté de l'État du Chocó qui s'est récemment vu décerner un prix des Nations Unies (Or vert) pour sa façon « responsable » d'exploiter les mines.

Ce secteur dans lequel la France a acquis un certain savoir-faire en Guyane, pourrait faire l'objet d'une coopération franco-colombienne.

3. La persistance du chômage et des inégalités sociales

Les perspectives économiques très favorables contrastent avec le niveau structurellement élevé du chômage (12 %), l'importance de l'emploi informel qui concerne plus de 40 % de la population active, et un niveau de pauvreté élevé (45 %) ainsi que celui d'indigence (17,5%), notamment en raison de l'existence des quelques trois millions de personnes déplacées du fait de la violence. Le coefficient de Gini 37 ( * ) (0,58 en 2008), parmi les plus hauts d'Amérique latine, est resté stable malgré la croissance soutenue des dernières années.

Le président Santos s'est engagé à s'attaquer à cette situation mais une telle politique ne pourra être mise en oeuvre qu'au prix d'une augmentation des dépenses de l'État, alors que le Président a annoncé pendant la campagne qu'il n'augmenterait pas les impôts : il compte en grande partie sur les ressources minières de la Colombie et une probable réforme des royalties issues de leur exploitation.

B. UN RENFORCEMENT DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE QUI POURRAIT S'APPUYER SUR L'UN DES CINQ SECTEURS PRIORITAIRES DU PRÉSIDENT SANTOS

1. La France, premier employeur étranger en Colombie

Les relations économiques et commerciales entre la France et la Colombie sont très dynamiques. Les échanges globaux entre nos deux pays sont en hausse continue : 487 millions d'euros en 2004, 705 millions d'euros en 2007, 913 millions d'euros en 2008 et 876 millions d'euros en 2009. En 2009, les importations françaises en provenance de Colombie ont atteint 313 millions d'euros, soit une progression de 20,6 % par rapport à 2007. La Colombie est notre premier partenaire parmi les membres de la CAN (Communauté andine), et le quatrième en Amérique du Sud, derrière le Brésil, le Chili et l'Argentine.

Les exportations françaises, hors vente de services ou télécommunications, se regroupent fortement autour des ventes de biens d'équipement et de biens intermédiaires pour plus de 60 %, avec une présence forte dans l'automobile, la chimie et la pharmacie. La part de marché de la France avoisine les 2 %. Les importations françaises concernent essentiellement le charbon, le ferronickel et les produits agricoles. La compagnie aérienne colombienne, Avianca, est un important client d'Airbus.

Avec près de cent vingt entreprises présentes en Colombie, la France se situe parmi les cinq premiers investisseurs du pays (592 millions de dollars de stock d'investissements directs en 2009). La présence française se caractérise par une grande diversité sectorielle ainsi que par la présence de PME, de plus en plus nombreuses aux côtés des grands groupes.

Les entreprises françaises sont présentes dans la grande distribution avec Carrefour et Casino (qui détient le groupe Éxito), dans le secteur pétrolier (Perenco, Morel, Total), dans l'automobile (Saint-Gobain, Michelin, Renault), dans l'agroalimentaire (Danone depuis deux ans), dans la pharmacie (Sanofi, Rolier), dans la cosmétique, dans l'industrie (Seb), dans les call-centers (rachat de Teledatos par Teleperformance), etc.

Les investisseurs les plus importants sont Carrefour, Sodexho (premiers employeurs français en Colombie), Casino, Saint-Gobain, Accor, AGF (rachat en 2000 de 60 % de la première société locale, pour près de 100 millions de dollars, porté à la quasi-totalité du capital par la suite), le groupe Sanofi, Alcatel et Renault (dont votre délégation a visité l'usine à dimension régionale à Medellín).

Usine Sofasa (Renault) de Medellín

La France est ainsi le premier employeur étranger de Colombie, avec environ 90 000 emplois directs et 240 000 emplois indirects. Les entreprises françaises s'efforcent de créer un environnement professionnel de qualité et de développer des programmes sociaux pour contribuer à réduire la pauvreté dans les zones où elles sont installées.

L'ouverture à la fin de l'année 2009 d'une agence de l'AFD en Colombie (seul pays d'Amérique latine avec le Brésil et le Mexique), et dont le mandat est de financer des projets favorisant la croissance verte et la solidarité, témoigne également de cet intérêt croissant pour la Colombie. L'AFD a approuvé, le 8 juillet 2010, un prêt de 190 millions d'euros destiné à l'extension du réseau des transports en commun de Medellín.

Bien que déjà conséquente, la présence française n'est sans doute pas à la hauteur de ce qu'elle pourrait être compte tenu des liens anciens et étroits entre la France et la Colombie. L'image de la Colombie dans l'imaginaire français n'est pas pour rien dans ce déficit. Les acteurs économiques rencontrés par votre délégation ont tous souligné le décalage entre la réalité colombienne et la perception que l'on en a encore trop souvent en France, tout en reconnaissant que la transformation d'une image est un processus de longue haleine. Ils ont toutefois souligné le bouillonnement de projets et combien leurs interlocuteurs colombiens attendaient de la France.

La présence française pourrait donc être renforcée dans les domaines d'excellence de la France, en s'appuyant, notamment, sur les axes stratégiques déployés par le président Santos.

2. La priorité du président Santos : donner du travail aux Colombiens

Ainsi que l'indiquait le président Juan Manuel Santos dans un entretien accordé à la revue Politique internationale en juillet 2010, « le symbole des deux mandats du président Uribe a été la sécurité démocratique. Pour ma part, je veux que l'on se souvienne de moi comme du président qui a donné du travail aux Colombiens. »

Il compte pour cela s'appuyer sur cinq secteurs prioritaires (les infrastructures, le logement, l'agriculture, l'industrie minière, l'innovation) et sur trois programmes « de choc » :

Le programme « Emploi en action » consiste à lancer de grands projets utiles au pays ;

Le programme « Jeunes en action » a pour objet de permettre aux jeunes sans moyens d'accéder à des métiers techniques ou à des stages dans des entreprises qui pourront ensuite les embaucher ;

Enfin, le programme « Femmes en action » est destiné à en finir avec la discrimination professionnelle des femmes et à favoriser leur entrée dans le monde du travail.

La politique du gouvernement vise également à soutenir financièrement les entreprises qui créent des emplois stables et à faciliter la naissance de nouvelles entreprises en réduisant les formalités administratives au cours des trois premières années de leur existence.

Grâce à ces outils, le gouvernement escompte la création de 2,5 millions d'emplois et la stabilisation de 500 000 postes aujourd'hui précaires. Le président Santos s'est fixé comme objectif de ramener le taux de chômage à moins de 9 % à la fin de son mandat.

Il souhaite également améliorer la qualité des services de santé, accorder une attention particulière aux plus pauvres et mettre l'accent sur la prévention. En matière d'éducation, sa politique vise à encourager le bilinguisme et à accorder des bourses aux étudiants les plus démunis sous la forme de crédits à long terme et à taux zéro.

3. L'exemple de Medellín

Forte de 2,2 millions d'habitants, la ville de Medellín, située à 1 500 mètres d'altitude, est la deuxième ville du pays. Selon son maire, Monsieur Alonso Salazar Jaramillo, rencontré par votre délégation, la ville se caractérise par la transparence de sa gestion, une corruption quasiment éliminée et un taux d'endettement faible. La ville dispose d'un budget d'environ 7 milliards de dollars sur quatre ans. La moitié est issue des taxes locales, 22 % de transferts de l'Etat (santé, éducation) et le reste vient des ressources des entreprises municipales.

Bien que le trafic de drogues et les causes de la violence demeurent, la violence a été divisée par six par rapport aux années 80. Le maire parle de « neutralisation » de la violence, tout en reconnaissant que le narco-trafic demeurait et « sa capacité de nuisance » avec : corruption des institutions, captation du public et particulièrement des jeunes, transformation des idéaux sociaux, et, avant tout, violence. Pour le maire, la politique sociale ne peut en venir seule à bout. La seule façon de mettre un terme aux sources de la violence est d'éradiquer le narco-trafic grâce à un pouvoir institutionnel fort et une justice capable de sanctionner le crime

La réussite du maire de Medellín a été telle que de nombreux maires d'autres grandes villes sud-américaines confrontées à la violence et à la pauvreté font le déplacement pour étudier ses « recettes ».

L'une des originalités de Medellín réside dans la mise en place, avec l'entreprise française Pomagalski, d'un système de transports publics par câble (metrocable, sorte de téléphérique urbain) devenu une référence internationale, qui permet de désenclaver les quartiers situés dans les montagnes qui environnent la conurbation. Le maire compte poursuivre les investissements pour que la ville dispose à terme de quinze à vingt nouvelles lignes. Peu coûteux (50 millions de dollars), ce système pourrait être adopté par de nombreuses villes colombiennes comme Cali ou Soacha dans la banlieue de Bogotá, où les études sont en cours. Rio de Janeiro inaugurera bientôt un système similaire de transports et de transformation urbaine pour désenclaver ses « favellas ».

Metrocable de Medellín

Par ailleurs, le maire souhaite également développer le tramway avec deux projets de lignes : le premier, long de 15 kms et financé par l'Agence française de développement 38 ( * ) , permettra de faire revivre un axe historique et de désenclaver, grâce aux deux lignes de Metrocable associées, un quartier populaire très touché par la violence ; et le second, de 4 kms, dans l'ouest de la ville, plus complet en termes d'impact urbanistique global sur la ville, et pour lequel l'objectif est de laisser à la prochaine équipe municipale l'étude technique détaillée, et, si possible, un plan de financement.

Tramway de Medellín et ses bibliothèques

A la différence des autres grandes villes colombiennes, Medellín gère directement les services publics d'eau, d'électricité ou de téléphone via une entreprise qu'elle détient à 100 % (Empresas Públicas de Medellín) et qui constitue une source de revenus financiers importante pour la municipalité. Cette entreprise produit environ 28 % de l'énergie de la Colombie et prévoit d'investir 3 milliards de dollars dans le plus grand projet hydraulique du pays, la centrale hydro-électrique d'Iricuando (2400 Mgw), ce qui devrait en faire la plus grande entreprise d'État de Colombie. L'énergie hydro-électrique constitue en effet 99 % de l'énergie de Medellín. Un autre projet de centrale hydro-électrique, Forze 4 , a fait l'objet d'un appel d'offre auquel ont répondu des investisseurs argentins, brésiliens et espagnols. Il est estimé à 1200 millions de dollars.

A terme, la capacité de production électrique d'EPM aura été multipliée par deux. La ville de Medellín compte, en outre, développer, toujours avec Pomagalski, un parc de recherche sur l'énergie éolienne dans le nord de la Colombie.

Comme l'a souligné plusieurs fois le maire de Medellín, les Français sont les bienvenus pour y faire des affaires. Sont déjà présentes sur place, entre autres, Sagem dans le domaine des télécommunications, Pomagalski dans le transport et l'énergie, Transflor pour le tramway et SOFASA pour la construction automobile. Cette dernière emploie 1 200 personnes dont 850 à l'usine et prévoyait de construire 256 véhicules par jour à la fin de l'année 2010 grâce à la progression des ventes vers l'Equateur, le Pérou et le Chili. L'entreprise électronique colombienne EPEME souhaite en outre pouvoir collaborer avec SOFASA pour l'expérimentation de voitures électriques. Quelques autres marchés prometteurs ont enfin été identifiés en Amérique centrale et dans la Caraïbe.

C. UNE COOPÉRATION ÉDUCATIVE SOUTENUE

Pays de tradition francophile qui dispose d'une élite de niveau international, la Colombie est très sensible au prestige culturel de la France. Elle entretient avec notre pays des relations anciennes et vivantes, qui se renforcent, notamment dans le domaine de la coopération éducative et universitaire.

Avec 2 366 Colombiens inscrits dans les universités et les grandes écoles françaises en 2009/2010 (soit une progression de 38 % en six ans), la France est le troisième pays d'accueil des étudiants colombiens. Ces derniers constituent ainsi la première communauté latino-américaine en France, rapportée au nombre d'habitants du pays. 86 doubles diplômes lient aujourd'hui les universités de nos deux pays (contre seulement 23 en 2008) et un accord d'équivalence de diplôme a été signé entre nos deux pays, le premier du genre en Amérique latine.

L'Alliance Française de Bogotá, dont votre délégation a visité les nouveaux locaux avant son inauguration officielle fin septembre 2010, est la première au monde en nombre d'étudiants inscrits, avec près de 12 500 étudiants. Le réseau des treize Alliances Françaises de Colombie compte en tout 28 167 étudiants et arrive en troisième position du classement mondial des pays, après le Brésil et le Mexique. Deux nouvelles Alliances ont été inaugurées au mois de février 2010.

La Nouvelle Alliance française de Bogotá

Toutefois, le développement des Alliances françaises se heurte en Colombie à la loi de proportionnalité qui interdit d'employer plus de 10 % d'étrangers dans ses effectifs. Cela pose une vraie difficulté dans les établissements culturels et d'enseignement linguistiques étrangers.

Sensibilisée à cette question par votre délégation, la ministre de l'Education nationale, Mme Maria Fernando Campo Saavedra, ancienne présidente de la chambre de commerce de Bogota et ancienne vice-ministre des relations extérieures, s'est engagée à faire le nécessaire auprès du ministre de la protection sociale afin de pouvoir, dans un premier temps, augmenter ce pourcentage à 20 % comme la loi semble le permettre.

La ministre a par ailleurs réitéré à votre délégation sa volonté de faire du français la deuxième langue étrangère des programmes scolaires. A cet effet, 400 professeurs sont actuellement en formation linguistique au niveau national. La ministre a insisté sur l'importance de la collaboration avec l'ambassade et le réseau des Alliances françaises afin de travailler sur les éléments méthodologiques et administratifs du projet. Elle a notamment proposé le développement des méthodes virtuelles d'enseignement à distance.

La politique universitaire colombienne a pour objectif, d'ici à 2019 de passer de 5 à 20 % de professeurs universitaires titulaires d'un doctorat. Dans ce cadre, la récente création de dispositifs de bourses doctorales au moyen de conventions signées entre l'ambassade de France et les agences colombiennes Colfuturo et Colciencias, a incité la ministre à étudier la participation à ce fonds financier afin d'augmenter le nombre de bourses doctorales.

Parmi les domaines prioritaires, la ministre a notamment cité la cosmétique, domaine grâce auquel la Colombie pourrait valoriser sa très riche bio-diversité et dans lequel la formation française est une référence. Elle a ainsi évoqué la possibilité de mettre en place des programmes de recherche dans le cadre de la Cosmetic Valley qui rassemble un certain nombre d'entreprises importantes dans ce domaine et qui possède un centre de technologies et de recherche important.

Dans le domaine culturel, la Colombie est à l'honneur de plusieurs festivals cinématographiques consacrés à l'Amérique latine, à Biarritz, à Nantes et à Amiens. En 2010, le festival « Belles Étrangères » a rendu hommage aux écrivains colombiens, à travers des conférences dans l'ensemble de la France.

La coopération technique, d'un excellent niveau, est toujours très sollicitée. Ses principaux axes sont la recherche scientifique, l'audiovisuel ainsi que la modernisation de l'État. Lors de sa visite en France fin 2010, la ministre des Affaires étrangères colombienne, Mme Holguin a sollicité l'appui de la France pour la mise en oeuvre en Colombie de la loi sur la restitution des terres, à travers une coopération dans le domaine de la formation agricole.

Depuis 2006, une coopération décentralisée dans le domaine de l'eau (épuration et gestion de bassin) lie le département de l'Hérault à celui du Boyaca. Le FFEM (Fonds Français pour l'Environnement Mondial) développe une coopération en matière d'écotourisme, d'artisanat et de mise en place de crédits carbone (un million d'euros pour la période 2011-2013).

La France mène avec la Colombie une importante coopération technique en matière de lutte contre le trafic de drogue au travers du SCITP, du CIFAD (Centre interministériel de formation anti-drogue) et du poste des douanes à Bogotá.

S'agissant de la coopération en direction de la société civile et notamment en matière des droits de l'homme, deux axes ont été privilégiés : aide aux populations déplacées et lutte contre les mines antipersonnel. Un financement de 200 000 euros a été accordé en faveur des programmes du Haut Commissariat pour les Réfugiés en Colombie.

Enfin, outre l'apport de la coopération bilatérale, l'Union européenne mène une politique de coopération (crédits de 160 millions d'euros pour 2007/2013) dans les domaines suivants : appui aux initiatives de paix, État de droit, justice et droits de l'homme et compétitivité et commerce.

CONCLUSION

Longtemps victime de son image de nation minée par la violence interne issue des guérillas et des trafics de stupéfiants, la Colombie prend désormais un nouveau départ.

Certes les dommages infligés à la société colombienne par des décennies de violence ne peuvent être effacés à court terme et les défis sont nombreux : quelle juste réparation aux victimes ? Comment résoudre la lancinante question des déplacés ? Comment, enfin, apurer le passif d'une partie de l'armée et de la classe politique colombiennes elles-mêmes impliquées dans des comportements criminels ?

Pour autant, dans un contexte sécuritaire en nette amélioration, les responsables politiques colombiens prennent la mesure des multiples blessures infligées à la société et entendent y porter remède en s'en donnant les moyens juridiques et financiers.

Une fois dissipées ces images qui brouillaient l'analyse, la Colombie peut enfin promouvoir ses nombreux atouts économiques qui devront, à moyen terme, réduire un chômage important et des inégalités sociales choquantes.

Les acteurs économiques français, longtemps inhibés par la réputation de la Colombie, sont aujourd'hui très présents sur un marché d'avenir où la France est le premier employeur étranger.

ANNEXE 1
COMPTE RENDU DU PETIT-DÉJEUNER
À L'AMBASSADE DE FRANCE (9 SEPTEMBRE 2010)

M . Jean-Michel Marlaud, ambassadeur . - Le président Santos, déjà élu mais pas encore en fonction a été reçu par Nicolas Sarkozy début juillet et pour la première fois, nous avons eu un ministre à la cérémonie d'investiture en la personne de Pierre Lellouche ce qui nous a permis de rencontrer plusieurs membres du gouvernement dès son arrivée.

Avec le précédent Congrès, nous avions mis à profit une visite du Groupe d'amitié pour créer un groupe d'amitié côté colombien, mais évidemment avec les élections législatives les parlementaires colombiens ont changé. Votre venue nous permet donc de consolider les relations avec les nouvelles autorités, de rencontrer quelques ministres que nous n'avions pas encore eu l'occasion de rencontrer et aussi d'avoir un contact avec le Congrès.

M . Etienne V . Esteban, représentant de Thalès . - Je suis en Colombie depuis 38 ans et conseiller du commerce extérieur depuis trois ans. Les indicateurs montrent une économie colombienne en bonne santé avec une inflation jugulée, une croissance des investissements étrangers, des progrès de compétitivité, des taux d'intérêt bas, des prix du café augmentent. Les infrastructures dans les secteurs des mines et de l'énergie vont générer de méga projets. Ces perspectives très favorables contrastent avec le niveau du chômage encore élevé (11 %) et un déficit budgétaire de 4 %. La réévaluation du dollar risque en outre d'avoir des conséquences importantes. Crise de la santé. Le TNC avec les États-Unis n'a pas été signé.

Les relations commerciales avec la France se sont améliorées et les expectatives sont grandes de part et d'autre. Pour peu qu'une réforme fiscale soit entreprise. Au total, la Colombie est un bon risque financier, malgré quelques points faibles, et la majorité parlementaire garantit au président Santos le vote de ses initiatives.

M . Alexandre Toulemonde , président d'une agence de publicité et de relations publiques et franco de la deuxième génération en Colombie.

M . Georges Mandel . - Présent en Colombie depuis dix ans, je suis directeur du groupe SEB qui emploie 500 personnes. Le groupe possède une usine en Colombie et nous sommes actuellement en pourparlers pour accueillir une deuxième.

Mme Lisa Moreno, directrice de la chambre de commerce et d'industrie franco-colombienne . - Et en tant que présidente d'Euro-camares, je suis en pourparlers pour qu'un traité de libre-échange soit signé par le Parlement européen.

Mme Magdalena Parto, ex vice-ministre du commerce extérieur, présidente de la chambre de commerce colombo-vénézuélienne . - La Colombie est à la mode. Deux facteurs ont favorisé les investissements étrangers en Colombie depuis huit ans : d'une part, le gouvernement Uribe a sécurisé l'environnement juridique des investisseurs et d'autre part, suite à la fermeture du marché du Venezuela, la grande majorité des entrepreneurs vénézuéliens se sont rabattus sur la Colombie. Résultat : la production pétrolière en Colombie a doublé depuis que les Vénézuéliens sont présents. La Colombie est le pays le plus industrialisé du nord des pays andins. A cause de la réévaluation du peso les secteurs qui génèrent le plus d'emplois comme la confection, les chaussures, les biens de consommation les fleurs sont en train de perdre de la compétitivité sur les marchés internationaux. Le plus grand défi que la Colombie doit relever est de maintenir et de moderniser son appareil productif. C'est la raison pour laquelle le gouvernement déploie une stratégie pour faire adopter une loi fiscale d'équilibre pour faire en sorte que les devises issues du pétrole ne rentrent pas en Colombie et protéger ainsi le taux de change. Le débat économique est de très bon niveau et très transparent. Beaucoup de forums sur les décisions économiques. Votre visite est donc très opportune

Le gouvernement colombien a défini cinq secteurs à promouvoir, dont l'innovation et l'agriculture. La Colombie veut s'orienter vers des secteurs plus sophistiqués dans la production agricole. M. Bessudo vous dira que la Colombie connaît en ce moment une forte croissance de son tourisme : tourisme business et tourisme individuel. La situation n'a jamais été aussi florissante avec des entrepreneurs heureux mais de grands défis demeurent en matière sociale. Le président a placé la lutte contre les inégalités comme priorité dans son agenda. Une loi de restitution des terres aux paysans déplacés est en cours d'examen devant le Congrès. Ces questions sont très complexes mais au moins le processus est en cours.

M . Jean-Claude Bessudo, président d'une entreprise de services, de fret et d'assurance s. - Il y a deux types de terres confisquées : celles qui ont été prises par les para-militaires ou par les FARC aux paysans, et il y a celles qui ont été achetées par les narco-trafiquants et il y a celles qui ont été confisquées par la Nation. D'un point de vue juridique, ce sont probablement ces dernières qui poseront le plus de problèmes. La question que l'on doit se poser c'est : que vont faire les paysans de ces terres ? Ils peuvent développer une agriculture de subsistance comme autrefois, mais d'un point de vue économique, on pourrait les exploiter en vue de l'exportation ce qui nécessite des investissements et une infrastructure qui n'existent pas. Il est certes juste d'un point de vue social de redistribuer les terres aux paysans, mais il importe de se poser la question de leur utilisation d'un point de vue économique.

M . Jean-Luc Chayet, représentant en Colombie d'une PME dans le secteur agricole . - Je suis basé en Colombie depuis six ans et préside la section Colombie des conseillers du commerce extérieur au sein de laquelle nous oeuvrons pour faciliter une meilleure connaissance entre la France et la Colombie, et surtout, changer un peu l'image « rétrograde » d'un pays violent et inaccessible. La Colombie est un pays en plein développement avec beaucoup d'opportunités. Dans le domaine agricole, la productivité est en forte croissance et la superficie de terres cultivables est équivalente à celle que l'on trouve en France. La Colombie connaît par ailleurs un fort développement dans le domaine des bio-combustibles à telle enseigne qu'elle exporte vers l'Amérique centrale des systèmes de production de combustibles.

Pour rester dans le domaine agricole, je crois important d'avancer dans la ratification du TLC qui a été négocié avec l'Union européenne. Un des aspects critiques sur la phase finale est la question de la productivité de la filière laitière en Colombie. Une vache colombienne produit 1000 kg de lait par an contre 2000 en moyenne mondiale et 6500/7000 en Europe. C'est un des problèmes des petits producteurs avec tout une partie de la filière qui est sous-productive. De surcroît, les petits producteurs n'apportant pas les conditions sanitaires adéquates, on lui interdit de commercialiser son lait en direct. On l'oblige à industrialiser son lait ce qui contamine le reste de la filière. L'opposition par rapport à la ratification émane de lobbies sociaux.

M . Jean-Michel Marlaud . - Trois questions sont posées par le TLC : une question purement juridique. Le traité a été paraphé lors du Sommet de Madrid en mai dernier, est en cours de validation juridique et devrait être ratifié par le parlement européen avant la fin de l'année. La question qui se pose est : suffit-il qu'il soit ratifié par le Parlement européen pour entrer en vigueur immédiatement ou doit-il être ratifié par les 27 États membres dès lors qu'il contient des clauses qui ne relèvent pas de la compétence communautaire mais des compétences des États membres. Nous sommes en attente de la réponse des services juridiques de la Commission européenne sur ce point, mais les informations que nous avons nous laissent penser que c'est la 2 ème option qui sera choisie.

Deuxièmement, y aura-t-il une majorité au sein du Parlement européen pour autoriser la ratification du traité ? Une forte pression d'un certain nombre d'ONG européennes et colombiennes s'exerce pour bloquer la ratification pour des arguments tenant à la situation des droits de l'homme, des droits syndicaux, etc. Si vous facilitez l'exportation des bio-carburants vers l'Union européenne, vous prenez de front tous les lobbies européens qui s'opposent à la directive selon laquelle au moins 10 % des carburants doivent être issus de la filière bio. Troisièmement, un débat en Colombie a souligné la menace que faisait peser le TLC sur toute la filière laitière et ses 400 000 petits exploitants.

M . Benoît Delgrange, représentant du groupe Accor en Colombie, directeur du Sofitel de Santa Clara . - Nous avons aussi un Sofitel à Bogotá, nous avons ouvert un Ibis de 230 chambres a ouvert il y a un mois. Cinq autres sont prévus à Medellín, Cali et Bogotá, en joint-venture avec le gouvernement colombien. Le groupe compte en tout près de 450 employés en Colombie. Une visite de Gilles Pélisson accompagné de 40 personnes est prévue fin novembre.

M . Benoît Wehr , directeur financier de Saint Gobain vitrages, présent en Colombie depuis plus de trente ans . - C'est un pays en pleine expansion et très francophile. Le droit colombien est inspiré du droit français ce qui facilite les choses.

M . Jean Bottagisio , présent en Colombie depuis 1956, actuellement conseiller dans le groupe Suez Environnement, plus particulièrement pour le traitement des eaux chez Degrémont, ancien conseiller de l'Assemblée des Français de l'étranger où j'ai siégé pendant plus de vingt ans et où je m'occupais des affaires sociales. J'espère que vous repartirez avec une image de la Colombie différente de la caricature qui circule habituellement.

M . Jean-Michel Marlaud . - La France est le 4ème investisseur en Colombie avec 120 entreprises présentes dans les domaines du pétrole (Perenco, Morel, Total), de l'automobile (Saint-Gobain, Michelin, Renault), de la grande distribution (Carrefour, Casino), de l'agro-alimentaire (Danone depuis deux ans), de l'assurance, des call-centers (Teleperformance a racheté Teledatos), de la chimie-pharmacie (Sanofi, Rolier).

M . Jean-Luc Chayet . - Les entreprises d'origine française sont le premier employeur en Colombie avec près de 100 000 emplois directs.

M . Jean Bottegisio . - En matière de gestion de l'eau, les grands projets concernent surtout l'assainissement où il y a encore beaucoup à faire dans les grandes villes en particulier. Une conscience se développe sur la nécessité de traiter les eaux usées.

M . Philippe Adnot . - Je suis frappé par le grand nombre d'étudiants colombiens en France, la Colombie étant le 2 ème pays d'origine des étudiants sud américains en France. Je pense que nous devrions capitaliser davantage que nous le faisons cette attractivité auprès des étudiants. C'est important dans la perspective de la constitution d'une élite francophone et francophile en Colombie.

M . Jean Bottegisio . - Le système d'enseignement français en Colombie est d'excellente qualité à telle enseigne qu'un étudiant me disait hier qu'il n'avait rien appris au cours de sa première année d'école d'ingénieur. Mais le passage au supérieur laisse à désirer.

M . Jean-Claude Bessudo . - Pour des hôteliers, l'image du pays est très importante. Le slogan actuel est très parlant à ce titre : « Le plus grand risque en Colombie, c'est de vouloir y rester ». Pour avoir travaillé pendant quinze ans à l'international, l'endroit où j'ai eu le moins de problèmes de sécurité est la Colombie. Il est vrai que l'affaire d'Ingrid Bettancourt a pesé sur l'image de la Colombie et nous souhaitons que cela change.

Le 2 ème problème que nous rencontrons est celui du taux de change avec l'augmentation de la production pétrolière (600 000 barils en 2009, 800 000 en 2010 et plus d'1,5 million en 2011). Cela fait deux ans que nous vendons au même prix. Comme nous avons 75 % de clients internationaux, nous avons augmenté de 27 % en vendant au même prix en peso. C'est plus difficile d'attirer les touristes si le prix des chambres s'apprécie.

Mme Magdalena Parto . - Depuis quelques années, il y a une nouvelle approche en termes d'évaluation de la sécurité, le citoyen attend qu'on lui rende des comptes sur le plan de la sécurité et les élus locaux fournissent désormais des chiffres. Cela permet par exemple de se rendre compte qu'en ce moment il y a une détérioration des conditions de sécurité à Bogotá et à Medellín, à cause de la réinsertion des groupes de para-militaires, et les citoyens exigent que l'on prenne des mesures. Les choses ont beaucoup changé en huit ans et les gens sont mieux informés et ont pris conscience qu'ils ont pris le droit d'exiger. C'est nouveau par rapport à il y a dix ans où on ne pouvait pas sortir de Bogotá, aller dans nos haciendas et circuler sur les routes. Il y a une très grande amélioration. Bogotá est passée du 2ème rang des villes les plus dangereuses d'Amérique latine au 18ème rang.

M . Philippe Adnot . - L'État colombien cherche-t-il à tirer profit de la manne pétrolière pour régler ses déséquilibres sociaux ?

Mme Magdalena Parto . - La Colombie a une très grande tradition en matière de gestion des surplus, elle sait épargner la richesse quand elle est abondante pour pouvoir la réinvestir ensuite. Lorsque les revenus du café (qui fournissait 80 % des devises) étaient trop importants, on mettait un impôt à l'exportation du café pour pouvoir le réinvestir dans les départements qui produisaient le café où le niveau de vie est très élevé. Le Venezuela n'est jamais parvenu à mettre en place un fonds pour épargner.

La discussion actuelle porte sur les royalties et sur leur mode de redistribution : le Président Santos est favorable à une redistribution au profit de tous les départements colombiens et non pas seulement au profit des seuls départements producteurs.

Lorsqu'il y a une grande entrée de devises dans un pays, comme c'est le cas en Colombie à cause du pétrole, on est obligés de monétiser les devises c'est-à-dire d'augmenter la masse de pesos disponibles, ce qui entraîne une flambée des prix car la production ne suit pas.

M . Jean-Luc Chayet . - Pour revenir à l'enseignement, il y a trois lycées français en Colombie (Bogotá, Cali et Pereira) et une section française de 70 élèves qui a ouvert à Medellín avec la filière Montesori. Il y a certes un grand flux d'étudiants colombiens vers la France mais l'inverse n'est pas vrai et nous avons le plus grand mal du monde à faire venir des étudiants français ; j'ai des exemples avec l'UTT de Troyes ou Sup de Co Toulouse. Vous pouvez nous aider dans vos circonscriptions à faire savoir qu'un étudiant ne prend aucun risque à venir dans une université colombienne.

M . Jean-Michel Marlaud . - Un étudiant français qui vient en échange dans une université se rend dans une grande ville où il n'y a pas de risques particuliers. En outre, les universités encadrent et suivent très bien leurs étudiants étrangers.

M . Jean-Luc Chayet . - Le projet de la maison de la Colombie à Paris mérite aussi un soutien. C'est un dossier traité de manière bilatérale et qui a été un point de rapprochement constructif dans la relation franco-colombienne. Profitant de l'opportunité de disposer d'un terrain dans la Cité universitaire et de la forte présence des étudiants colombiens en France, ce projet a besoin d'appuis et de financements.

Au-delà des problèmes de groupes para-militaires et de narco-trafiquants, il importe de souligner que la Colombie est un État de droit. C'est une République depuis 1820, un pays aux institutions extrêmement stables où les choses se règlent par des moyens juridiques.

Mme Magdalena Parto . - Certes, il y a encore de la violence mais la Colombie est un pays de contrastes. Notre loi Justice et Paix de 2005 est exemplaire au niveau mondial. M. Pissaro a été élu à la Cour de droit pénal international avec 110 voix en sa faveur sur 110. C'est une forme de reconnaissance des efforts en cours pour la réconciliation des Colombiens.

M . Philippe Adnot . - Quels sont les secteurs où les entreprises françaises mériteraient d'être plus présentes.

M . Jean-Claude Bessudo . - Axa est en train de racheter une compagnie d'assurances.

La France mériterait d'être davantage présente dans un de ses secteurs d'excellence : les infrastructures (construction de routes...).

M . Jean-Michel Marlaud . - Le métro de Medellín fait partie des grands projets sur lesquels les entreprises françaises se sont donné les moyens de gagner.

S'agissant des infrastructures, la France ne peut s'intéresser compte tenu de la concurrence qu'aux travaux qui demandent une technicité particulière (canal d'évacuation des eaux usées de Bogotá par exemple, ouvrages d'art). Par ailleurs, un certain nombre de groupes ne se présentent pas à des appels d'offre dans les zones rurales de la Colombie pour ne pas mettre en péril leurs expatriés.

Il y a en Colombie des gens extrêmement compétents parce qu'ils ont été formés en France. On peut aller en Colombie avec des Colombiens.

Une des caractéristiques de la présence économique française en Colombie, c'est la diversité. La France est présente dans de multiples secteurs. Peut-être pas assez dans les cosmétiques peut-être.

Il faudrait arriver à ce que la Colombie rentre dans l'esprit des grands patrons. En deux ans, nous avons vu passer les PDG de Pernod-Ricard, de Renault, de Sodexho, de Véolia, ce qui n'était jamais arrivé dans le passé. Ces patrons ont pris conscience que la Colombie devait être traitée au plus haut niveau. Dans beaucoup d'autres entreprises, la Colombie n'est qu'un pays andin parmi d'autres. Mais il nous manque quelques commandes emblématiques comme le métro de Bogotá (un milliard d'euros), les avions ou l'armement (domaine dans lequel nous avons remis le pied depuis deux ans) qui permettraient de braquer l'attention des médias sur la Colombie.

M . Philippe Adnot . - Quid de la présence de la Chine qui prend les grands marchés d'infrastructure en Equateur ou au Pérou ?

M . Jean Bottegisio . - Ils ne tiennent pas toujours leurs contrats.

M . Jean-Michel Marlaud . - Ils regardent de très près le secteur énergie-mines mais on ne peut pas dire qu'on les voit vraiment.

Il y a des opportunités dans le secteur du traitement des déchets, notamment hospitaliers. La société Eco-Dass s'est positionnée à San Andrès.

M . Jean-Luc Chayet . - Sur la négociation de l'accord de non double-imposition entre la France et la Colombie, nous ne sommes pas parvenus, en dépit de notre bonne volonté, à dialoguer avec l'administration française. C'est d'autant plus désolant que nous avons essayé d'avoir une démarche constructive en connaissant bien les autres accords signés par la Colombie et en apportant toute l'information possible à l'administration française.

M . Jean-Michel Marlaud . - Alors que nous avons systématiquement été informés du déroulement de la négociation par la partie colombienne, nous n'avons jamais reçu la moindre information de la part de la partie française.

Cet accord contient des clauses dont on sait qu'elles ne seront pas favorables aux entreprises françaises en Colombie.

M . Philippe Adnot . - Cela fait partie des choses sur lesquelles nous pouvons avoir un rôle auprès du ministre du budget pour peu que vous nous fournissiez un fond de dossier.

M . Cyril Darneix, adjoint au chef du service économique . - Les chiffres du tourisme atteignent tout juste ceux que nous connaissions il y a vingt ans. Cela reflète le déficit d'image de la Colombie. Une fois qu'une image de marque a été écornée, c'est très long pour remonter la pente.

L'accord bilatéral qui régit les droits aériens entre la France et la Colombie nous limite beaucoup car Air France a atteint le maximum de ce qui lui est autorisé. La Colombie s'est lancée dans la signature d'accords d'Open Sky avec un certain nombre de pays les Emirats arabes unis, les États-Unis, le Chili. Il serait temps de rouvrir cet accord bilatéral.

Autre point : Lufthansa revient. Nous avons mis en place en 2007 un visa de transit demandé par l'Espagne à l'origine. L'Espagne n'a finalement pas suivi ces mesures. L'Allemagne qui avait adopté un tel visa à l'origine, y a finalement renoncé. Il faudrait homogénéiser ces mesures au niveau de l'Espace Schengen pour ne pas créer de distorsions de concurrence.

M . Jean-Michel Marlaud . - Nous avons mis en place ce visa de transit en 2007 parce qu'en quelques semaines nous avons vu se développer une filière de Colombiens (300 en quinze jours) qui partaient tous de la même zone pacifique vers Israël (qui ne demande pas de visa) qui passaient par Roissy en transit et qui une fois arrivés en France, demandaient l'asile. Les autres pays de Schengen n'ont pas mis en place ce visa. Maintenant que le ciel est ouvert, cela va poser un vrai problème de concurrence. J'avoue ne pas comprendre que Shengen ne prévoit pas d'harmonisation pour les visas de transit.

ANNEXE 2
COMPTE RENDU DU DÉJEUNER AVEC DES RESPONSABLES UNIVERSITAIRES
(9 SEPTEMBRE 2010)

M . Fernando Hinestrosa , recteur de l'Université Externado de Colombie . - Il s'agit d'une université privée de 10 000 étudiants qui enseigne les sciences sociales, l'économie, le droit, l'administration, la communication sociale. Les relations avec la France sont très anciennes. Plusieurs accords existent avec des universités françaises, l'IEP et l'IHEDN. Pour preuve de l'engouement suscité par la France en Colombie, un colloque sur Fernand Braudel a récemment rempli l'amphithéâtre bien qu'il fut organisé un jour de grèves des transports...

M . Sanchez, jésuite, Javeriana à Cali et Bogotá . - Trente mille étudiants sont inscrits dans cette université fondée en 1623, l'une des plus anciennes de Colombie, qui compte de nombreuses relations avec l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et la France.

M . Jaime Restrito Cuartes, médecin chirurgien, fondateur du groupe de greffe de l'Université d'Antioquia . - J'ai été professeur pendant vingt-trois ans à l'Université d'Antioquia avant de présider cette même université pendant sept ans et demi. J'en ai aussi dirigé le centre de recherches.

En tant que parlementaire pendant quatre ans au parti de la U, j'ai été l'auteur et le rapporteur d'un projet de loi sur les sciences, les technologies et la recherche. Cette loi a fait de l'institution ConCiencias un département administratif de sciences, technologie et recherche.

Mme Rubi Montagno, directrice des relations internationales de l'ICeTex . - Depuis des années, l'ICeTex travaille avec la France en matière de coopération, c'est la seule entité colombienne du secteur éducatif qui encourage et appuie la promotion de l'enseignement. Nous avons deux grandes lignes de travail : d'abord le soutien au financement éducatif pour les étudiants colombiens qui partent à l'étranger pour faire des études de troisième cycle. La France est le premier pays d'accueil pour les étudiants colombiens grâce au financement par le biais de l'ICeTex.

L'autre grand axe est celui des bourses internationales. Un programme franco-colombien permet à des assistants de langue de venir en Colombie pour enseigner le français dans les départements de langue des universités. Chaque année, 30 jeunes Français viennent en Colombie et 70 jeunes Colombiens partent en France comme assistants d'espagnol. Dans deux mois, nous souscrirons un accord avec le CROUS pour accorder des bourses de 3 ème cycle aux Colombiens qui partent en France. Il existe aussi des bourses de 3 ème cycle pour des étrangers qui viennent étudier en Colombie.

M . Bruno Simonin, directeur de l'Alliance français de Bogotá et délégué général de l'Alliance française de Paris en Colombie . - L'Alliance française est présente dans quinze des plus importantes villes du pays et a reçu 27 500 étudiants en 2009, ce qui correspond à une croissance de 8 % par rapport à 2008. La plus importante est celle de Bogotá qui compte actuellement 12 500 étudiants. Nos professeurs enseignent également le français dans un grand nombre d'universités. L'association colombienne est présidée par Mme Liliane Suarez Mello, ancienne ministre de l'éducation nationale comme M. Minestrota, également membre éminent de notre conseil d'administration. L'Alliance française de Bogotá a connu une fréquentation en hausse de + 10 % en 2009 par rapport à 2008, ce qui fait d'elle la première Alliance du monde en nombre d'étudiants. Nous achevons la construction d'un nouveau bâtiment situé à côté de l'Ambassade de France qui sera inauguré le 30 septembre. En tant qu'opérateur éducatif et culturel de l'ambassade de France, l'Alliance organise aussi des activités culturelles et maintient des liens très forts avec un grand nombre d'institutions et d'associations.

M . Adelino Braz, attaché de Coopération Educative et Universitaire près l'Ambassade de France . - Je souhaiterais dresser un panorama de la coopération universitaire et éducative. La France est le troisième pays de destination des étudiants colombiens. La Colombie est le pays d'Amérique latine qui envoie le plus d'étudiants en France après le Brésil. Nous avons mis en place un dispositif diversifié et complet qui articule l'universitaire avec le scolaire.

L'action la plus importante que nous avons menée depuis un an et demi, est la signature de la convention pour la reconnaissance mutuelle des diplômes et des acquis universitaires entre la France et la Colombie, signée par l'Association colombienne des Universités (Ascun) côté colombien. C'est la première convention de cette nature signée par la France avec un pays d'Amérique latine.

Deuxièmement, nous avons mis en place un programme d'élaboration de double diplômes entre les universités françaises et colombiennes qui nous a permis de passer de 21 double diplômes en 2007 à 71 actuellement. Pour consolider cette partie administrative, nous avons mis en place dans les universités concernées des filières francophones qui ont un double objectif : enseigner une matière non linguistique en français d'une part, avec la méthodologie universitaire française. Dans un mois, nous lancerons le premier CD en espagnol de méthodologie universitaire française formaté par l'Université du Rosaire. Parce que le plus gros problème que nous avons en matière de coopération internationale, c'est celui de la méthodologie au delà de l'obstacle de la langue. A cela nous avons rajouté un dispositif financier et avons signé trois conventions très importantes : une avec Col-Ciencia en février et deux avec Col-Futuro. Les étudiants sélectionnés par Col-Ciencia pour aller étudier en France sont sélectionnés uniquement sur des critères d'excellence académique. Nous finançons ensuite leur formation en français dans les Alliances françaises. Ce qui ouvre le panorama à tous les étudiants colombiens et pas seulement aux francophones.

Les deux autres conventions signées prévoient un nouveau dispositif avec Ascun destiné à donner des bourses à des professeurs universitaires colombiens pour partir en France faire un doctorat en passant un semestre par an en France uniquement. Parce que seuls 5 % des professeurs universitaires colombiens disposent d'un doctorat. L'objectif est de parvenir à 20 % d'ici 2019 i.e . de passer de 4000 à 22 000 doctorants. Nous sommes le premier pays à offrir ce dispositif ici en Colombie. Les boursiers intégreront les groupes de français pour perfectionner leur français et présenter leur doctorat à la fin.

Enfin, nous avons signé une convention le 18 mars 2010 pour officialiser la réintroduction du français dans les collèges publics - le français avait disparu de l'enseignement public colombien depuis 1994 -, dont la première étape est une étape pilote. Nous avons déjà 400 professeurs en cours de formation par les Alliances, grâce à un financement de 40 000 euros par le ministère. L'objectif de notre visite cet après-midi avec la ministre est qu'elle approuve l'extension de ce projet. En conclusion, l'objectif de tout ce dispositif est que le collégien maîtrise le français quand il accède à l'université, s'il brigue un double diplôme, il s'intègre dans une filière francophone. En même temps, il prend des cours de français, soit à l'Alliance française, soit dans les départements de langue des universités. Enfin, grâce au double-diplôme, il part en France et revient avec un diplôme français reconnu ici. La boucle est bouclée.

M . Bernard Piras . - Que font l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et les États-Unis ?

M . Adelino Braz . - Les États-Unis sont le premier pays de destination des étudiants colombiens. Les Italiens et les Allemands mettent en place des programmes de double-diplôme. Les Allemands ont signé avec Ascul une convention en 2002. Mais rien n'est mis en place au niveau scolaire. Nous sommes le seul pays à avoir mis en place un système qui permet d'articuler l'universitaire avec le scolaire. Il y a en tout 4000 étudiants colombiens aux États-Unis, 3000 en Espagne et 2300 en France. Tout cela n'a été possible que parce que nos interlocuteurs colombiens ont approuvé nos projets.

M . Philippe Adnot . - Vous avez réussi quelque chose d'extraordinaire parce que les écoles d'ingénieurs n'aiment pas que les étudiants ne fassent pas toutes leurs études dans la même école... Jusqu'à présent, c'était extrêmement difficile.

M . Adelino Braz . - C'est là que nous avons le plus de double-diplômes. L'avantage d'avoir un diplôme français pour les Colombiens, c'est qu'en France, cela correspond au grade de master. Ici le diplôme d'ingénieur est équivalent à la licence. En ingénierie, la condition c'est qu'ils fassent au minimum les deux dernières années du cycle de formation d'ingénieur c'est-à-dire la quatrième et la cinquième année.

M . Philippe Adnot . - Est-ce que l'État apporte un soutien financier aux universités privées ?

Non, pas du tout. Soixante-cinq pour cent des universités sont privées.

M . Philippe Adnot . - Elles sont financées uniquement par les frais de scolarité payés par les étudiants ?

Des prêts sont accordés aux étudiants qui veulent faire des études à l'étranger.

M . Philippe Adnot . - Quelles sont les matières enseignées dans votre université ?

Nous avons quasiment toutes les disciplines : le génie, la santé, les sciences sociales, la psychologie le droit, la communication, la philosophie, la théologie, le droit canon. La seule matière que nous n'enseignons pas est l'agriculture et l'élevage.

M . Philippe Adnot . - Avec les double-diplômes, qu'est-ce qui empêche que vous ayez plus d'étudiants français dans vos universités ?

Nous recevons des étudiants de Paris II, Paris XI et de l'IEP. L'intérêt du pays, la concurrence des autres pays et la situation de la Colombie. Nous sommes en train de rattraper notre retard.

M . Adelino Braz . - Nous venons de lancer des bourses pour que des étudiants étrangers viennent faire des masters de doctorats. Permettezl

ANNEXE 3
COMPTE RENDU DE L'ENTRETIEN
AVEC MME MARIA FERNANDO CAMPO SAAVEDRA, MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE
(9 SEPTEMBRE 2010)

Mme Campo Saavedra, ministre de l'éducation nationale, entourée de la délégation

M . Jean-Michel Marlaud, ambassadeur de France . - Permettez-moi d'expliquer l'objectif de cette visite parlementaire. Au Sénat français, il existe un groupe d'amitié entre la France et les pays andins. Il existait un groupe similaire dans l'ancien parlement colombien. Les sénateurs français ont souhaité prendre contact avec les parlementaires nouvellement élus, l'idée étant de susciter la création d'un groupe d'amitié colombien-français.

Compte tenu de l'importance de la coopération éducative entre la Colombie et la France, nous avons souhaité vous rencontrer. Avec 2360 étudiants colombiens, la France est le 3 ème pays de destination des étudiants colombiens et la Colombie le pays d'Amérique latine qui envoie le plus d'étudiants en France, juste derrière le Brésil. Nous avons développé ces derniers mois un certain nombre de protocoles d'accords avec Col-Ciencias et Col-Futuro pour renforcer la coopération. Nous sommes ainsi passés en deux ans de 26 à 70 accords de double-diplômes et les universités françaises et colombiennes ont signé un accord de reconnaissance mutuel de double-diplôme. Nous avons créé les conditions pour développer plus avant cette politique de coopération. Votre prédécesseuse avait d'ailleurs décidé d'appuyer le projet de réintroduction du français au collège à travers un accord signé entre votre ministère, l'Alliance française et l'ambassade de France.

Mme Campo Saavedra . - Je suis particulièrement honorée de votre visite. C'est une occasion de réitérer le souhait du président Santos, par le biais du ministère de l'éducation, de renforcer les liens d'amitié et de coopération qui unissent nos deux pays. Les conventions inter-institutionnelles qui ont été signées montrent l'importance de ce processus. La reconnaissance des doubles diplômes est très importante car elle permet à de jeunes diplômés colombiens de partir en France compléter leur formation universitaire, notamment au niveau des maîtrises et des doctorats, avec l'aide du gouvernement français.

Une des priorités de la politique éducative du gouvernement est d'améliorer la qualité de l'enseignement. Nous avons amélioré significativement ces dernières années la couverture avec une progression importante du nombre d'étudiants. Mais maintenant, il s'agit d'améliorer la qualité qui reste très faible, si nous nous comparons au niveau national ou au niveau international, particulièrement au regard des critères de l'OCDE.

La qualité et la pertinence de la formation sont des critères déterminants pour avoir des ressources humaines bien formées et pour être compétitifs dans ce monde globalisé. Notre objectif est de continuer à encourager le bilinguisme. Dans le passé nous nous étions concentrés sur l'anglais. Nous pensons désormais qu'il faut davantage encourager une deuxième langue : le français. C'est pourquoi, Monsieur l'ambassadeur, je voudrais élargir la coopération qui existe déjà à travers des accords avec les secrétariats à l'éducation.

M . Adelino Braz, attaché de Coopération Educative et universitaire près de l'Ambassade de France . - Sur ce point, nous tenons à remercier le gouvernement colombien et vous-même de l'élan que vous avez imprimé à travers votre ministère à cette action. L'année dernière, lorsque nous avons débuté à travers un projet pilote, la situation n'était pas aussi aisée. C'est devenu bien plus facile lorsque c'est devenu un projet ministériel. Actuellement 400 enseignants sont en formation dans 11 villes colombiennes, ce qui représente environ 23 secrétariats à l'éducation. Cela illustre le très grand intérêt des établissements d'enseignement, leurs directeurs et de leurs enseignants.

Après cette première phase de formation linguistique, il faudrait songer à une deuxième phase de formation méthodologique avec les directeurs d'établissements et les secrétariats à l'éducation, pour déterminer avec eux des objectifs à atteindre et voir comment les atteindre au cas par cas. Le soutien du ministère serait très important dans cette voie.

Mme la Ministre . - Nous sommes très intéressés par cette deuxième phase, c'est à vous de nous dire qui sera notre interlocuteur pour avancer sur ce dossier et sur le mémorandum.

M . Jean-Michel Marlaud . - M. Adelino travaille sur ce dossier depuis deux ans.

Mme la Ministre . - L'une des stratégies pour améliorer la qualité de l'enseignement est l'introduction des nouvelles technologies de l'information dans les processus pédagogiques, pour que les enfants puissent recourir à des contenus virtuels, des cours semi-présenciels par exemple. L'idée est de former les enseignants aux nouvelles technologies pour qu'ils puissent acquérir des compétences et enseigner à leur tour aux enfants comment les utiliser. Je suggère, si vous en êtes d'accord, de développer une coopération technique pour assurer les besoins de formation du personnel du département des supports technologiques récemment créé au sein du ministère.

M . Jean-Michel Marlaud . - Partout en Colombie, le français a été réintroduit dans les collèges grâce aux secrétariats locaux à l'éducation et aux Alliances françaises. L'Alliance française a développé un système d'enseignement à distance présenté récemment dans un salon. Il me semble que c'est un élément de réponse à votre question. Il y a six mois, des cours d'enseignement à distance et semi-présenciels ont été mis en place pour l'enseignement du français général, du français de spécialité, du français juridique et dans le domaine de la restauration. Le SENA (organisme d'enseignement technologique) s'est montré intéressé à recevoir une formation de ce type.

M . Philippe Adnot . - Je voudrais vous congratuler pour la très large victoire du président Santos et vous féliciter pour votre parcours particulièrement brillant qui souligne votre compétence. Je suis moi-même rapporteur du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche au Sénat français. Dans mon département, l'Aube, un département industriel et textile, nous avons parié sur l'enseignement supérieur pour relever le défi de la mondialisation, en créant une université qui forme des ingénieurs - université qui a d'ailleurs des liens avec une université colombienne -, autour de laquelle nous avons créé une technopole pour générer des activités nouvelles. Nous sommes comme vous convaincus que c'est l'éducation qui peut permettre à nos pays d'évoluer positivement. Et nous sommes très disposés à échanger et faire en sorte que nos expériences respectives nous fassent progresser.

Nos échanges sont faits pour être efficaces et concrets. Vous avez évoqué l'impératif de qualité dans l'enseignement. Nous rendrions service à l'Alliance française si nous pouvions leur permettre de porter de 10 à 20 % la proportion d'étrangers au sein de leur corps professoral. La loi colombienne (dite « de proportionnalité ») autorise les entreprises étrangères à atteindre le seuil de 20 % lorsqu'elles embauchent des spécialistes. Le corps professoral de l'Alliance française me paraît relever de cette catégorie. Cette loi s'applique à tous, de façon indifférenciée, quel que soit le domaine d'intervention des entreprises ou organisations.

M . Jean-Michel Marlaud . - Sachant que la loi colombienne autorise les entreprises colombiennes à embaucher 10 % ou 20 % d'étrangers selon les cas. Pourrait-on considérer que les Alliances françaises, compte tenu de la spécialisation de leurs corps enseignant, relèvent du quota de 20 % d'une part, et, pourrait-on exclure les organismes d'enseignement de cette loi générale d'autre part ? Cela nécessiterait une nouvelle loi, ce qui est plus compliqué et nécessite la sensibilisation et l'implication du ministère de la protection sociale...

Mme la Ministre . - Le Parlement colombien me paraît bien disposé à avancer dans ce sens. J'étais justement ce matin au Parlement, où je passe deux jours sur cinq à présenter et à défendre les projets du gouvernement au Congrès, à participer à des débats de contrôle politique. J'ai perçu une très forte réceptivité du Parlement par rapport aux grandes lignes de la politique proposée par mon ministère. Nos parlementaires sont très sensibilisés au fait que si nous voulons être compétitifs dans un monde globalisé, des aspects comme l'introduction des nouvelles technologies et le bilinguisme sont des priorités nationales. Cela vaut donc la peine d'envisager cette évolution législative pour pouvoir disposer des professeurs bilingues dont nous avons besoin, et d'ailleurs pas seulement en français mais aussi en anglais, en mandarin, etc.

M . Philippe Adnot . - Si on peut faire avancer ce projet, ce sera une très bonne chose.

M . Jean-Michel Marlaud . - J'appelle votre attention sur le fait qu'il faudra associer le ministère de la protection sociale dès lors qu'il s'agit d'une modification du code du travail.

Mme la Ministre . - Le gouvernement actuel souhaite renforcer les programmes en cours et les développer encore pour qu'ils aient davantage d'impact au niveau du pays. La Colombie vient de négocier un accord d'association avec l'Union européenne, il s'agit de renforcer les relations commerciales, d'investissements, culturelles de coopération technique. Pour ce faire, toute notre coopération devient de plus en plus importante.

Mme Sophie Joissains . - Je voudrais souligner le fait que 2 300 étudiants colombiens en France, c'est formidable mais nous souhaiterions en accueillir davantage. Pour cela, l'obstacle de la langue doit être surmonté. Le français est une très belle langue qui a pour point commun avec l'espagnol sa racine. Dans le cadre de la coopération décentralisée, nous pourrions promouvoir des échanges plus nombreux entre étudiants.

Tout à fait d'accord répond la ministre

M . Bernard Piras . - Quel genre de coopération pourrions-nous envisager sur la formation des doctorants ? Est-ce que vous comptez reprendre le dossier pour l'instant en instance, de la maison de la Colombie à Paris ?

Mme la Ministre . - La Colombie concentre sur l'organisme colombien chargé de la gestion et de la promotion des études doctorales (Col-Ciencia) tout ce qui est lié au financement et aux bourses pour les départs à l'étranger pour les études de 2ème et 3ème cycles. Le ministère de l'éducation encourage les enseignants à participer aux appels publics à candidatures de Col-Ciencia pour partir à l'étranger compléter leurs études, particulièrement au niveau des 2 ème et 3 ème cycles. Avec le ministère de l'éducation nationale et les universités il serait intéressant d'inventorier les besoins de la Colombie pour composer des programmes sur mesure. Il existe déjà des exemples de partenariats entre le ministère, les universités et Col-Ciencia dans ce domaine. C'est un terrain que nous pourrions explorer en ayant repéré au préalable les besoins pour orienter les étudiants dans ces domaines.

Par exemple, un des enjeux pour la Colombie est la production de produits cosmétiques exploitant les produits naturels que la bio-diversité colombienne possède en quantité. La Cosmetic Valley qui rassemble toutes les entreprises importantes dans ce domaine, possède un centre de technologies et de recherche important. Il serait intéressant de mettre à profit toute cette connaissance et cette expertise pour créer des possibilités de recherche, pour accueillir des entrepreneurs, pour former des personnels de très haut niveau dans ce domaine qui nous intéresse au premier chef.

M . Adelino Braz : Dans la perspective que vous venez d'esquisser, nous développons à l'heure actuelle des programmes de formation à destination des doctorants. Nous venons ainsi de signer un partenariat assez innovant avec Col-Futuro destiné à des professeurs d'université qui travaillent sur des projets de recherche en lien avec les priorités du pays ou avec les priorités de votre ministère, et ceci sans limite de temps. Ce partenariat présente trois avantages : le premier, c'est que les professeurs s'inscrivent à distance, de sorte qu'ils ne s'éloignent pas de leur université et de leurs familles. Le second, cela leur donne une grande flexibilité pour mener à bien leur projet de recherche au service de leur université. Le troisième c'est qu'avec des moyens modestes, des objectifs utiles à tous peuvent être atteints.

L'année dernière, nous avons envisagé la possibilité de mettre en place un programme de formation à destination des ingénieurs avec les grandes écoles d'ingénieurs françaises. Nous pourrions orienter ce programme vers les thèmes que vous avez soulevés dans la mesure où il n'a pour l'instant pas été formalisé.

ANNEXE 4
COMPTE RENDU DE L'ENTRETIEN
AVEC M. ALONSO SALAZAR JARAMILLO,
MAIRE DE MEDELLÍN (10 SEPTEMBRE 2010)

M. Alonso Salazar Jaramillo, maire de Medellín, entouré de la délégation

M . Alonso Salazar Jaramillo . - Bienvenue à Medellín. Grâce à Dieu les relations entre la France et la Colombie se sont renforcées et enrichies ces dernières années. Peut-être Monsieur l'Ambassadeur vous a-t-il déjà entretenu du projet de développement des transports publics à Medellín avec l'aide de l'AFD ? Cela nous enthousiasme beaucoup car c'est la première fois qu'une entité territoriale reçoit une aide de 250 millions de dollars sans la garantie de la nation. Les responsables de l'AFD prennent beaucoup de risques... Une analyse très rigoureuse des finances de la ville a été réalisée et a montré que la ville de Medellín était très bien administrée avec un taux d'endettement très faible et avec une grande continuité dans le plan de développement. Je veux de nouveau remercier le gouvernement français pour cette décision. Nous avons fait du modèle de transparence un concept central de l'administration de cette ville. Nous sommes quasiment parvenus à éliminer la corruption publique dans les marchés publics et cela se reflète immédiatement dans la situation des finances municipales. D'autre part, les services d'eau, d'électricité ou de téléphone restent détenus à 100 % par la municipalité via une entreprise publique de services publics (EPM) qui constitue un groupe national important et une source de revenus financiers importante pour notre municipalité. Cette entreprise produit environ 28 % de l'énergie de la Colombie. Nous allons bientôt commencer le plus grand projet hydraulique de Colombie avec un coût de 3 milliards de dollars. Nous serons sans aucun doute l'entreprise d'État la plus grande de Colombie. Ça c'est la face merveilleuse de la médaille. Il y a malheureusement une face plus dramatique.

Nous sommes une ville très typique de l'Amérique latine. Vous connaissez évidemment les tragédies que nous avons vécues avec le trafic de drogue et la violence. Hillary Clinton a déclaré hier que le Mexique ressemblait à la Colombie des années quatre-vingt... Je crois hélas qu'elle a raison. La différence entre le Mexique et la Colombie, c'est que nous avons trouvé un chemin pour sortir du tunnel, un chemin certes parsemé d'obstacles et de difficultés. Mais le Mexique se trouve toujours dans un labyrinthe très complexe. J'étais récemment à la frontière nord du Mexique où la situation est très inquiétante : absence de projets et d'espoirs. A Medellín, le trafic de drogues et la violence demeurent. Mais la violence a été divisée par six par rapport à celle que nous avons connue dans les années 80. Avec des intermittences. La ville a fait des propositions et des interventions qui, si nous persistons dans ces choix, parviendra à « neutraliser » le phénomène. J'emploie ce terme à dessein parce que tant que le narco-trafic sera présent, sa capacité de nuisance demeurera : corruption des institutions, captation du public et particulièrement des jeunes, transformation des idéaux sociaux, et, avant tout, violence.

Le drame de l'Amérique latine aujourd'hui, c'est que la violence est le sujet de préoccupation numéro un au détriment de la politique sociale. Je ne crois pas toutefois que les investissements sociaux seuls feront disparaître la violence. Il faut évidemment avoir une politique sociale. Les Nations Unies viennent d'ailleurs d'attribuer le label « ONU habitat » à nos programmes de politique urbaine. Nous portons une attention particulière à l'enfance, à la pauvreté extrême, et l'éducation est un axe stratégique pour nous. Mais ma conviction, c'est que ces thèmes seuls n'élimineront pas la violence. Nous avons besoin d'un pouvoir institutionnel et d'une justice capable de sanctionner le crime. Que la société avance sur des valeurs qui favorisent la cohésion. C'est ce que nous partageons continuellement avec l'ambassadeur, avec l'espoir que nous possédons des recettes et des formules magiques. Hélas nous n'en avons pas.

Bientôt le maire de Ciudad Viajes et beaucoup de responsables du Mexique et d'Amérique centrale nous rendront visite. Ils viennent à Medellín en se disant que si la ville est parvenue à améliorer la situation sécuritaire, n'importe qui peut le faire. Nous les recevrons avec beaucoup d'amabilité, nous partageons nos douleurs et nos espoirs, mais chaque fois je suis plus convaincu que le thème de la coopération, et particulièrement celui des violences urbaines, doivent être un élément prépondérant. J'ai très peur du populisme et de l'idée que la politique sociale toute seule parviendra à vaincre la violence. Hier, j'ai lu avec étonnement dans le journal espagnol El Pais que les groupes de délinquants qui ont paralysé San Salvador exigent une négociation politique avec l'État. C'est un reflet de l'importance du phénomène. S'il n'y a pas un État fort avec des systèmes judiciaire et policier véritablement démocratiques et respectueux des droits de l'homme, qui recueillent la confiance de la population, le futur de l'Amérique latine est compromis.

Medellín est une ville de contrastes comme vous le constaterez en montant à la médiathèque avec le Métrocable . J'espère que vous l'apprécierez et que vous reviendrez souvent.

M . Philippe Adnot . - Nous sommes très heureux de vous rencontrer et intéressés d'échanger avec vous sur les dossiers en cours, mais aussi sur l'expérience que vous venez d'évoquer. Chaque membre de la délégation a lui-même une expérience originale dans le domaine de la gestion locale. Pour nous, c'est important de ne pas rester à Bogotá. Nous trouvons intéressant de rencontrer les entreprises, les Alliances françaises, les collectivités locales avec lesquelles nous partageons un certain nombre de problématiques. Je vais laisser mes collègues se présenter et nous aborderons ensuite les différents sujets, et notamment celui du métro.

Mme Sophie Joissains . - Je suis juriste et sénateur des Bouches du Rhône, membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Je m'occupe au sein de la ville d'Aix en Provence des questions urbaines, du contrat social de sécurité et de prévention de la délinquance. J'ai une mission portant sur les frais de scolarité dans les établissements scolaires français à l'étranger.

M . Michel Doublet . - Je suis sénateur (UMP) de la Charente Maritime. Je suis maire et président du Conseil Général du département. Je suis membre de la commission des affaires économiques du Sénat et m'occupe plus particulièrement des problèmes agricoles et de l'eau. Je préside le syndicat mixte qui recoupe toutes les communes et qui gère l'eau avec un prix unitaire solidaire pour l'ensemble de la population, avec également un autre organisme qui construit les réseaux, les stations d'épuration, les usines et nous venons d'installer un réseau d'eau dans une ville guinéenne de 12 000 habitants.

M . Bernard Piras . - Je suis sénateur (socialiste) de la Drôme, membre de la commission des affaires étrangères, président du groupe d'amitié France-Caraïbes. Je suis maire d'une commune de 20 000 habitants, plus modeste que Medellín certes, mais où je suis reconnu comme un bon gestionnaire avec un faible taux d'endettement.

M . Philippe Adnot . - Je suis sénateur de l'Aube en Champage. Au Sénat, je siège à la commission des finances où je suis rapporteur du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis beaucoup les problèmes de finances des collectivités locales, les finances des entreprises. Je suis président du Conseil général de l'Aube, l'organisme qui gère le département. J'ai une originalité, je n'appartiens à aucun parti politique. Je suis un paysan. C'est une bonne entrée en matière. Ce qui nous intéresse c'est de savoir comment nous pouvons oeuvrer les uns et les autres pour progresser dans les dossiers de manière concrète.

M . Alonso Salazar Jaramillo . - J'apprécie beaucoup la diversité politique de votre délégation, qui est un bon exemple de travail démocratique. Nous Colombiens avons plus de difficultés pour vivre ensemble et concilier les opinions politiques différentes. Ce gouvernement local, dont c'est le second mandat 39 ( * ) , est issu d'un mouvement indépendant que nous appelons « civique ». On nous demande souvent si nous sommes de droite ou de gauche : nous avons réussi à désorienter tout le monde. Nos principes sont très basiques : le développement doit être redistributif, et si la participation des citoyens est qualifiée c'est encore mieux pour la démocratie ; les droits humains ne se négocient pas, encore moins quand il s'agit de l'État ; enfin, nous portons une attention soutenue à la lutte contre la corruption et à la transparence publique. Comme vous le voyez la Colombie est pratiquement une démocratie et doit continuer à avancer dans cette voie essentielle avant d'entrer plus avant dans les thèmes idéologiques.

Les domaines de discussion avec la France et son gouvernement sont assez variés. Nous avons eu une réunion avec l'AFD. Un thème qui me paraît important est de voir comment mettre en place une plateforme de coopération horizontale vers la Colombie et l'Amérique latine. Imaginons que Medellín poursuive son développement et ses bons résultats. Notre réputation  justifiée ! - de ville du crime est une chance pour dire aux gens qu'il est possible de s'en sortir. Nous n'avons pas les moyens de recevoir convenablement tous ceux qui viennent nous visiter de toute l'Amérique latine et de la Colombie, mais je pense que nous avons acquis une expérience et élaboré un certain savoir-faire qu'il est possible de systématiser. Je pense qu'il est important d'ouvrir la ville lorsque des fonctionnaires nous visitent et de leur montrer les choses de qualité que nous avons réalisées.

Dans le domaine de l'énergie et des services publics, le domaine de l'énergie nous intéresse beaucoup. Notre région est exportatrice d'énergie vers l'Equateur, le Pérou, vers le Venezuela lorsque Chavez le permet... Nous voulons nous orienter vers le marché d'Amérique centrale. A cause de la pluie. Vous avez vu les montagnes en arrivant. L'énergie hydro-électrique constitue 99 % de notre énergie. Avec l'entreprise française Pomagalski, nous exploitons un parc de recherche sur l'énergie éolienne dans le nord de la Colombie. Mais cette énergie n'est pas compétitive dans notre marché. Mais cela peut éventuellement être utile pour les pays de la Caraïbes et de l'Amérique centrale qui connaissent de graves problèmes de pollution à cause des hydrocarbures.

Avec Pomagalski, nous avons développé un système de transports publics par câble. Vous visiterez tout à l'heure le quartier de Santo Domingo. Nous allons poursuivre les investissements dans ce domaine pour que la ville dispose à terme de quinze à vingt nouvelles lignes. De nombreuses villes colombiennes pourraient adopter ce système : nous menons des études dans des villes comme Cali ou Soacha dans la banlieue de Bogotá. Rio de Janeiro va inaugurer un système similaire de transports et de transformation urbaine pour désenclaver les « favellas » que nous appelons ici « quartiers ». Même le maire de la Paz en Bolivie montre de l'intérêt pour ce système. Nous avons démontré que c'était un mode de développement durable et qui fonctionne bien pour un investissement initial de 50 millions de dollars.

Il y a aussi ce nouveau thème du tramway. Il existe à Medellín un métro de 35 km environ. Mais avec l'étroitesse de la vallée, nous avons pensé construire un système complémentaire de tramways. Deux projets ont été conçus. La première ligne, de 15 km, se situerait dans la centre-est de Medellín. Avec deux qualités : la première, faire revivre un axe historique, et la seconde, faire à nouveau de ce quartier un pôle de développement. Il entrera ensuite dans une zone très populaire qui possède deux lignes de Métrocable dans deux quartiers très touchés par la violence. L'autre projet, de 4 km, concerne l'ouest de la ville. Beaucoup plus complet pour son impact urbanistique, notamment sur les problèmes de mobilité. J'aimerais qu'à la Toutes les études préliminaires de faisabilité et les différentes options de financement ont été effectuées, je ne sais pas si j'aurai le temps de démarrer le chantier mais ce que je souhaite c'est que le projet soit viable. Mon mandat s'achève le 31 décembre prochain, je ne sais pas si j'aurai le temps de tout terminer mais nous aurons au moins laissé un modèle de développement soutenable.

M . Michel Doublet . - Le maire ne peut être élu qu'une seule fois pour une durée de quatre ans ce qui ne lui laisse pas le temps de mener à bien ses projets...

M . Bernard Piras . - Il faudrait une réforme constitutionnelle.

M . le Maire . - Le gouvernement a présenté un projet pour prévoir la réélection. Il ne sera pas approuvé car la majorité actuelle du Congrès, la coalition au gouvernement, n'est pas à la tête des municipalités. Bogotá est aux mains de la gauche. Carthagène, Medellín, Cali ont des maires indépendants. Les pouvoirs publics ne déposeront pas une telle loi tant qu'ils ne détiendront pas les pouvoirs locaux. Ce n'est pas une aspiration personnelle. Je suis dédié au service public. Le peuple de Medellín a commis l'erreur d'élire un maire journaliste.

M . Bernard Piras . - Au delà des personnes, il s'agit de favoriser la continuité de l'action publique, car quatre ans c'est court pour mener une politique...

M . le Maire . - Oui, je pense qu'à cet égard la ville est mure. Les projets initiés par une administration se poursuivent sous la nouvelle administration. Il y a un grand respect pour la gestion technique des entreprises. Le métro est très bien géré. Les administrations ne changent pas au rythme des alternances politiques nationales. C'est un grand avantage pour la ville.

Il y a un domaine intéressant pour les investisseurs, nous en avons parlé. Nous allons prochainement commencer une nouvelle centrale hydro-électrique, Forze 4 . Nous avons réussi à garantir que tous les candidats respectent des règles claires dans l'appel d'offre. Il y a des investisseurs argentins, brésiliens, espagnols. C'est un projet de 1200 millions de dollars.

Le projet de centrale d'Iricuando de 2400 Mgw de trois milliards de dollars, est encore dans la phase de construction des infrastructures routières. Nous devons bientôt commencer les appels d'offre pour le barrage et ensuite les tunnels, générateurs, etc. Il s'agit de multiplier par deux la capacité de production électrique actuelle de l'entreprise municipale de Medellín.

M . Philippe Adnot . - Vous n'avez pas cité d'investisseurs français.

M . le Maire . - C'est précisément ce que je voulais vous dire. Les Français sont les bienvenus pour faire des affaires ici. Dans notre entreprise de télécommunications, nous travaillons avec Sagem. Dans le métro et dans l'énergie, avec Pomagalski. Dans le tramway avec Transflor. Nous voulons développer une collaboration entre SOFASA et l'entreprise électronique colombienne EPEME pour l'expérimentation de voitures électriques. Nous avons apprécié que SOFASA réussisse à réemployer une partie de son personnel. Nous avons un voisin très agité qui altère notre économie et fait souffrir son peuple. Et cette région, incluant SOFASA est encore exportatrice au Venezuela. Le problème de la Colombie avec le Venezuela c'est qu'ils sont frères siamois. Comment se battre avec celui auquel on est collé ? Il y a aussi des projets d'infrastructure routière. Nous avons travaillé sur un projet de couloir routier sur le fleuve Medellín qui traverse toute notre ville du sud au nord. Nous avons les meilleures notes du pays en matière financière.

M . Philippe Adnot . - Quelles sont les ressources financières de Medellín ?

M . le Maire . - Le budget pour quatre ans est de sept milliards de dollars. Cinquante pour cent sont des ressources propres, issues des impôts locaux. Vingt-deux pour cent sont des transferts nationaux, principalement destinés à la santé et à l'éducation. Le reste provient des entreprises de services publics de Medellín (énergie, aéroport, terminal de transports).

M . Michel Doublet . - Comment cela se passe-t-il dans les autres villes ?

M . le Maire . - Medellín est la ville de Colombie la plus indépendante financièrement. Bogotá s'en approche. En général, les transferts de l'État constituent plus de 50 % des ressources municipales.

Je vais vous dire quelque chose que personne ne va vous dire. Bogotá a certainement autant de richesses que Medellín. Elle possède un très grand groupe énergétique avec un associé Espagnol. Mais chaque jour, les nouvelles en provenance de Bogotá sont l'inefficacité, la corruption. Quand il y a de la corruption, il n'y a jamais assez de ressources. Mais les autres villes colombiennes ont laissé leurs entreprises publiques se ruiner à cause de la corruption ou des revendications démesurées des syndicats. Ces entreprises ont été affaiblies par la vague de privatisation des entreprises publiques. Ce qui est une force financière pour nous, la majorité des villes colombiennes ne peuvent pas en bénéficier. Nous avons donc la gestion de l'énergie et du téléphone dans 10 à 12 départements colombiens.

Medellín est la ville au plus haut revenu par habitant du pays, et celle qui a le taux d'investissements par habitant le plus élevé avec 16 % par an de plus que la seconde, Bogotá et 35 % de plus que la troisième.

Comme vous allez le constater, la pauvreté est un drame historique qui paraît malheureusement un cycle sans fin. Nous faisons du bon travail, nous offrons aux citoyens une meilleure qualité de vie, en conséquence de quoi nous sommes un pôle d'attraction pour les migrants économiques. Arrivent également les personnes déplacées par la violence. Nous ne connaissons pas un univers de référence stable. Et au niveau social, le but est toujours déplacé. On pourrait facilement avoir chaque année 50, 60, 80, jusqu'à 120 000 nouveaux habitants par an, à telle enseigne que nous ne pouvons pas continuer à croître seulement ici. Pour la première fois de l'histoire de la Colombie, avec les revenus de la ville, nous investissons dans la région : 200 milliards de dollars pour l'infrastructure routière. Nous allons commencer un programme d'aide au retour pour les personnes déplacées. Je rêve qu'à court terme 15 à 20 000 familles qui le désirent retournent sur leurs terres avec l'aide de l'État et la nôtre. Nous avons déjà commencé ce travail dans la région de l'est. Je pense que l'économie colombienne va bien se comporter dans les années à venir. Nous souhaitons que le thème de la violence interne puisse continuer à être neutralisé. Le président Santos n'a pas rejeté l'hypothèse d'un dialogue avec la guérilla. Je ne veux pas opiner sur ce thème mais simplement dire que dans des conditions de véritable responsabilité des deux côtés, cela peut être utile pour le pays. Cette région est en pleine croissance. Le défi est d'équilibrer le développement de la ville avec celui des provinces.

M . Philippe Adnot . - Si vous avez l'occasion de venir en France, nous serons heureux d'échanger avec vous pour confronter des expériences. Est-ce que Monsieur l'ambassadeur a un mot à ajouter ? Que pouvons-nous faire à Paris pour vous aider dans vos différents projets ?

M . Jean-Michel Marlaud . - Je souhaiterais mentionner deux initiatives qui bientôt vont contribuer à mieux faire connaître Medellín. La première, menée par l'AFD, est une exposition sur la politique urbaine de Medellín au pavillon de l'Arsenal à Paris.

Par ailleurs, début novembre, la Colombie sera l'invitée d'honneur du Festival littéraire des Belles étrangères avec plusieurs écrivains de Medellín dont Hector Caval, parmi douze écrivains invités à passer quinze jours en France. L'architecte qui a conçu la bibliothèque Espana , que vous visiterez tout à l'heure a gagné le prix de l'architecture durable décerné chaque année par l'Institut français d'architecture et est venu plusieurs semaines en France pour participer à des séminaires et des échanges.

Mme Sophie Joissains . - Avez-vous déjà mis en place des procédures de coopération décentralisée avec la France ? Dans quels domaines le souhaiteriez-vous ?

M . le Maire . - Nous avons plusieurs échanges avec Barcelone et la Catalogne très fréquents depuis six ou sept ans.

Nous travaillons avec l'AFD et d'autres municipalités sur le développement urbanistique dans le cadre d'un plan de développement jusqu'à 2030. Nous développons une coopération avec l'Apur à Paris dans ce cadre. Nous avons priorisé les villes soutenables. C'est une priorité pour la ville. Nous travaillons sur divers aspects du plan de développement comme la réduction de la pauvreté. Le prix ONU habitat est une priorité. Nous avons aussi un projet d'innovation et cherchons des entreprises pour s'installer dans un parc d'innovation. Des entreprises américaines et chinoises ont déjà répondu présentes.

Notre rôle est aussi de mettre en place des réseaux d'échanges et de partenariats pour suivre ces projets.

ANNEXE 5
COMPTE RENDU DE L'ENTRETIEN
AVEC MME SANDRA BESSUDO,
HAUTE CONSEILLÈRE AUPRÈS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE POUR LES QUESTIONS D'ENVIRONNEMENT ET DE DIVERSITÉ (12 SEPTEMBRE 2010)

Mme Bessudo, Haute Conseillère auprès du Président de la République, entourée de la délégation

Mme Sandra Bessudo . - Je vous souhaite la bienvenue en Colombie. Nous avons beaucoup d'éléments en commun et un dialogue est possible entre la Colombie et la France. L'expérience française peut par exemple nous être utile dans le domaine de la gestion des bassins des eaux comme ceux d'Iguate ou d'Ubate.

Le Fonds français pour l'environnement mondial soutient des projets menés par l'Office national des Forêts. Mais nous n'avons pas été capables d'attirer suffisamment de fonds sur des projets colombiens.

Pendant la campagne présidentielle, j'ai tâché, comme Nicolas Hulot chez vous, de faire en sorte que l'environnement soit pris en compte par tous les candidats. Mon passé de biologiste marine, responsable d'un parc naturel dans le Pacifique colombien, me donnait une certaine crédibilité pour assumer ce rôle.

Après les élections, le président de la République m'a convaincue de rejoindre son gouvernement avec comme missions :

- introduire l'environnement dans toutes les problématiques avec la création de départements dédiés à l'environnement dans tous les ministères (énergie, mines, logement, transport...) pour mieux coordonner les politiques et garantir une sécurité juridique aux investisseurs ;

- séparer le ministère de l'environnement des thématiques habitat et eau potable auxquelles il est actuellement accolé depuis 1993 et qui captent l'essentiel du budget ;

- créer une Agence nationale de l'eau, indépendante du pouvoir politique, au niveau de la présidence, qui s'appuiera sur les entités locales

- développer une politique nationale de la pêche avec le ministère de l'agriculture :

- travailler sur l'adaptation au changement climatique et la reforestation du territoire - la loi forestière de 1959 n'étant pas respectée - dans une optique complémentaire avec le ministère de l'agriculture.

Un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés à l'heure actuelle est celui des mines illégales. Avec la hausse du prix de l'or, le marché est de plus en plus convoité par les trafiquants de drogue en quête de diversification. Le phénomène de blanchiment qui en résulte est préoccupant. Cette exploitation illégale des mines, essentiellement celles d'or, est en train de contaminer les rivières à cause de l'utilisation de mercure et de cyanure dans des quantités inacceptables. La sédimentation naissant des bouleversements des cours d'eau contribue aux inondations dans certaines villes. Une opération menée samedi dernier avec l'armée a permis de saisir 34 engins de drague dans une seule région. Cette industrie emploie plus de 8000 personnes entre Cali et Buenaventura.

Nous cherchons à offrir aux plus pauvres la possibilité d'exploiter l'or de façon artisanale et respectueuse de l'environnement. Une communauté de l'État du Chioco a récemment gagné un prix des Nations Unies (Or vert) qui a récompensé sa façon responsable d'exploiter les mines. Si nous parvenons à généraliser cet orpaillage « écologique », nous pourrons donner du travail à tous ceux qui sont actuellement embauchés par les narco-trafiquants dans les mines illégales.

C'est un programme auquel je suis attachée avec le ministre du commerce extérieur pour monter un projet pour tous ces gens là.

M . Jean-Michel Marlaud . - C'est un problème que nous connaissons en Guyane et sur lequel nous pourrions coopérer.

M . Philippe Adnot . - Pour monter une filière verte, il faut une taille minimale pour mettre en place des méthodes efficaces et respectueuses.

Mme Sandra Bessudo . - Cela existe déjà comme en témoigne le prix des Nations unies. Ce serait intéressant de pouvoir dupliquer cette initiative dans d'autres régions.

Le budget de l'environnement est très limité. Nous essayons trouver de l'aide technique et économique pour régler tous les problèmes.

M . Philippe Adnot . - Si vous arrivez à faire passer cette idée que chaque ministère doit se soucier de la problématique environnementale, vous devenez prescripteur en démultipliant votre budget. Il faut que chaque ministère accepte d'avoir cette vision environnementale.

Mme Sandra Bessudo . - Notre objectif est d'unir toutes les forces pour arriver à un bien collectif.

Nous sollicitons l'aide internationale. A l'heure actuelle, la banque mondiale et la banque interaméricaine de développement apportent leur écot. Au niveau bilatéral, la Hollande - qui a décidé de concentrer son aide au développement sur la Colombie - est un des pays qui nous aide le plus : après 11 millions en 2009 et 2010, ils ont accordé 4 millions d'euros au ministère de l'environnement pour 2011. En plus de ces sommes, ils ont financé une grande partie de la gestion des parcs nationaux colombiens (augmentation du personnel...).

M . Philippe Adnot . - Vous avez évoqué la protection des fonds marins.

Mme Sandra Bessudo . - Dans le monde entier les ressources halieutiques se dégradent. La partie Caraïbe a été ravagée - il n'y a plus de requins - et certaines espèces comme le thon jaune commencent à disparaître côté pacifique.

Représentant de l'Agence française de développement . - Notre mandat en Colombie s'inscrit dans le cadre d'une démarche de croissance verte et solidaire. Deux lois importantes ont été récemment adoptées en Colombie :

- une loi sur l'eau qui reprend des éléments de la loi française ;

- une loi disposant que tous les projets d'investissements publics doivent obtenir une licence environnementale, ce qui donne un rôle prépondérant au ministère de l'environnement pour les autorisations d'investissements publics.

Nous travaillons sur un plan climat avec Medellín qui associe l'établissement public de Medellín et l'État colombien. L'idée est de décliner tous les enjeux du développement durable sur l'ensemble des activités de l'agglomération, des transports en commun à l'assainissement, en passant par l'industrie, etc. Certaines villes françaises sont très en pointe sur ce sujet mais aussi une ville comme Durban en Afrique du Sud. Nous souhaitons mettre en place une coopération triangulaire entre une ville d'Amérique du Sud  Medellín -, une ville d'Afrique du Sud - Durban - et une ville française.

Il y a des secteurs dans lesquels l'expertise de la France est bien connue sur lesquels nous pourrions travailler ensemble : eau, transports, assainissement, forêts (la France est un pays qui s'est reforesté), gestion des rivières. De nombreuses convergences sont possibles.

Mme Sandra Bessudo . - Vous devriez en parler au ministre des transports.

La Colombie est le premier pays au monde en termes de bio-diversité par habitant. Le plus grand en termes de territoire est le Brésil.

ANNEXE 6
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS AVEC DES RESPONSABLES HUMANITAIRES (14 SEPTEMBRE 2010)

M . Christian Salazar, représentant du HCDH . - Le style du nouveau gouvernement tranche avec celui du précédent. Le président Santos comme le vice-président ont des discours très authentiques sur les droits de l'homme. C'est important car le précédent gouvernement a encouragé une polarisation assez forte dans le pays. Le gouvernement utilise l'expression de « désarmement par les mots », voilà qui instaure une bonne relation avec les différents acteurs de la société civile.

Le gouvernement a aussi pris des initiatives très importantes en matière législative, notamment en reprenant une loi pour les victimes suspendue par l'ancien gouvernement. Cette loi permettra notamment de ne plus distinguer entre victimes des agents illégaux et victimes de l'État.

Le gouvernement a aussi présenté une nouvelle loi sur les terres qui prévoit la restitution de deux millions d'hectares à leurs propriétaires, notamment les terres saisies ou volées par les paramilitaires. Si cette loi est mise en oeuvre, il s'agira d'une révolution pour la Colombie où les inégalités concernant la propriété des terres et la structure féodale sont les plus importantes de toute l'Amérique latine. C'est une sorte de lune de miel. Certes ce sont des annonces mais c'est déjà bien. Il faudra ensuite suivre toute la mise en oeuvre.

Cependant, en dépit de l'amélioration du discours, les problèmes concernant les droits de l'homme demeurent, et en premier lieu celui des « exécutions extrajudiciaires ». Depuis 2004, l'armée colombienne a assassiné quelques milliers de civils. Votre déplacement à Soacha vous a permis de recueillir des témoignages de première main. Le précédent gouvernement a pris en 2008 des mesures drastiques pour faire cesser cette pratique. De telle sorte que le nombre d'exécutions a baissé significativement depuis l'année dernière. Toutefois, comme c'est une pratique très répandue, il existe une pression importante d'une partie de l'armée pour que les enquêtes menées n'aboutissent pas.

Par ailleurs, certains membres de l'armée font pression sur les victimes, les juges d'instruction et les membres du parquet. Il y a même des cas d'attaques armées. La justice militaire préfère dissimuler certaines affaires plutôt que de les soumettre à la justice de droit commun. Il faudrait réaliser un audit à l'intérieur de la justice militaire pour passer en revue toutes les exécutions extrajudiciaires et identifier celles qui doivent être soumises à la justice ordinaire. Pour cela, il faut une ferme volonté politique de la part du Président de la République, pour passer outre la réticence de ceux qui à l'intérieur de l'armée et de la justice militaire ne veulent pas soumettre ces cas à la justice ordinaire.

Un autre thème important est celui des services de renseignement de l'État. Les services de renseignement ne sont soumis à aucun contrôle démocratique. A telle enseigne que certains d'entre eux sont devenus ces dernières années une véritable police politique. Il en est ainsi non seulement du fameux service de renseignement civil (Département administratif de sécurité, DAS) mais également du service de renseignement militaire, qui portent atteinte à tous les défenseurs des droits de l'homme. Il est important que la Colombie mette en place un système démocratique de contrôle de son système de renseignement, ainsi qu'un système de protection des données concernant les individus.

En vertu de la nouvelle loi sur le renseignement, une commission de contrôle des services de renseignements a été mise en place la semaine dernière auprès du Congrès. Nous avons proposé notre aide pour la mise en place de cette commission. Nous sommes intéressés à travailler avec les Parlements d'autres pays qui disposent de ce type de commissions. Un projet a été développé avec l'Allemagne, bientôt un autre verra le jour avec l'Angleterre. Disposez-vous en France d'un tel système et si oui, seriez-vous prêts à superviser la formation des membres de la commission colombienne dans le cadre d'un voyage d'études en France ? Cela peut être bilatéral et si nécessaire, nous sommes disposés à accompagner ce travail.

Pour terminer, quelques mots sur le président du Congrès, M. Benedetti. Il s'agit d'un homme très ouvert au thème des victimes et des exécutions extra-judiciaires. Dans sa vie politique, il appartient au parti de la U et s'en est écarté à plusieurs reprises pour exprimer son désaccord avec les mesures prises par le gouvernement. Parmi les tâches qu'il incombe au Parlement d'effectuer dans les prochaines semaines, il y a la ratification de la Convention des Nations Unies contre les disparitions forcées. Cette Convention ouvre la possibilité à l'État de faire une déclaration additionnelle pour que les victimes puissent porter leur cas devant le comité des disparitions forcées. C'est important parce que c'est un canal supplémentaire pour les victimes des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires de porter leur cas au niveau international. Si vous pouvez évoquer ce sujet de la ratification de cette Convention devant le président du Congrès lorsque vous le rencontrerez, cela nous aiderait grandement en montrant que d'autres parties s'intéressent à ce thème.

M . Philippe Adnot . - Si on aborde tous les sujets que vous avez traités, les autres ne pourront pas beaucoup s'exprimer dans le laps de temps qui nous est imparti. Nous sommes extrêmement sensibles à la thématique des disparitions extrajudiciaires et sommes horrifiés que des hommes puissent être enlevés et exécutés pour atteindre des quotas. Mais vous n'avez à aucun moment évoqué les droits des victimes des narco-trafiquants ou des FARC. En évoquant une seule des parties, on a le sentiment que vous êtes partiaux.

M . Christian Salazar . - En étant présents sur le terrain, nous avons une visibilité sur toutes les atteintes aux droits de l'homme. Hier, nous avons publié un document pour appeler l'attention sur les atteintes des FARC à l'encontre de la police ces dernières semaines. Nous appelons évidemment les FARC à respecter le droit international, à procéder à la libération inconditionnelle de toutes les victimes d'enlèvements et des enfants recrutés et à la destruction de toutes les mines anti-personnel.

M . Philippe Adnot . - Vous avez évoqué l'éviction des terres uniquement de la part des paramilitaires mais pas des FARC.

M . Christian Salazar . - Je tiens à souligner notre neutralité. Mais il s'avère que les exactions commises par l'État sont encore moins admissibles que celles des FARC dans la mesure où, en tant que représentant de l'ordre public, l'État a encore plus de devoirs que les autres. Et dans nos rapports, nous nous efforçons toujours d'être impartiaux dans nos dénonciations.

M . Michel Doublet . - Nous avons rencontré les mères de victimes d'exécutions extrajudiciaires qui me semblent très seules. Il nous a semblé que dans ses déclarations, le nouveau Président était dans la droite ligne de son prédécesseur. Vous nous dîtes ce matin que ce n'est pas exactement le cas... Pourriez-vous lever cette ambiguïté ? S'agissant des exécutions extrajudiciaires, croyez-vous que le gouvernement ait été au courant ?

M . Christian Salazar . - Depuis 2004, dans nos rapports à la Commission des droits de l'homme, nous avons informé le gouvernement sur les exécutions extrajudiciaires. Il est vrai que le président Santos se présentait comme le successeur du président Uribe pendant toute la campagne. Il faut dire que ce fut le cas de pratiquement tous les candidats. Le thème des exécutions extrajudiciaires était un thème d'autant plus sensible pour le président Santos qu'il était ministre de la défense au moment des faits. En même temps, il faut reconnaître qu'il a été le premier ministre de la défense à avoir pris des mesures très fortes à l'intérieur de l'armée pour mettre fin à ce phénomène. C'est vrai qu'on ne sait pas comment il va avancer sur ce chemin difficile car il arrivera un moment où il devra se confronter à des membres de l'armée.

Le représentant du CICR . - Je souhaiterais parler du droit international humanitaire. Pour avoir été en poste en Colombie il y a huit ans, je suis en mesure de voir les changements. D'un côté beaucoup de choses ont changé pendant l'ère Uribe, mais de l'autre, rien n'a changé. Les problèmes fondamentaux, comme celui des terres, demeurent. Beaucoup de problèmes sociaux n'ont pas été résolus. Dans le domaine de la sécurité, la situation a complètement changé au grand soulagement de la population. La structure des paramilitaires a disparu mais de nouvelles structures sont apparues ces dernières années en matière d'autodéfense et leur consolidation représente un danger imminent. Ce phénomène de l'ultra-droite très lié au narco-trafic me préoccupe personnellement davantage que le danger de la guérilla révolutionnaire, parce qu'il porte directement atteinte aux structures de l'État. La guérilla créé certes des dommages très importants, notamment ces deux dernières semaines avec les attaques contre les forces publiques, mais ne constitue pas un danger qui, au niveau national, pourrait ébranler la structure du pays. Tandis que le narco-trafic de l'ultra-droite pèse lourd et représente tout une économie parallèle avec beaucoup d'argent qui fragilise fortement l'État. Parallèlement, le Congrès a été affaibli ces trois ou quatre dernières années avec les cas de corruption de certains de ses membres et à cause de la politique du Président qui était très focalisée sur l'exécutif.

D'un autre côté, les organisations internationales sont mobilisées depuis trente ans avec une très grande proximité sur le terrain. Une douzaine de structures sont présentes, qui agissent de plus en plus dans la périphérie, là où se concentrent les problèmes liés au conflit. Dès qu'on sort de Bogotá, on peut être choqué par les contrastes très forts qui existent dans le pays : inégalités importantes entre classes sociales, entre zones urbaines et zones rurales, etc. Nous nous concentrons de plus en plus sur les zones périphériques où au delà des conflits traditionnels, le phénomène des violences urbaines est en augmentation. Ainsi, des bandes criminelles ont défrayé la chronique ces derniers mois dans les banlieues périphériques de Medellín ou bien à Buenaventura, ville portuaire qui subit de plein fouet les conséquences des déplacements de population liées aux violences urbaines et où se développe tout une économie parallèle liée au trafic de drogues et aux migrations.

Pour conclure, la Colombie est un pays très riche avec beaucoup de potentiels mais qui n'est pas toujours utilisé à bon escient.

M . Philippe Adnot . - Faîtes attention à ne pas affaiblir votre discours par un manque d'objectivité et par une dénonciation plus sévère des atrocités quand elles sont commises par l'extrême droite que quand elles sont le fait de l'extrême gauche. La violence n'est pas plus excusable sous Chavez que sous un régime de droite. Si vous donnez le sentiment que vous avez un a priori, vos propos perdent de leur crédibilité alors que vos actions sont essentielles.

M . Michel Doublet . - Je suis d'accord avec le sénateur Adnot. Vous n'avez parlé que du narco-trafic lié aux paramilitaires alors qu'il y en a aussi un narco-trafic lié aux mouvements révolutionnaires. Il faut que vous gardiez un équilibre dans vos propos.

Le représentant du CICR . - Je parlais du danger pour le pays à long terme et ne me situais pas du tout du point de vue politique. Pour moi le narco-trafic n'a pas de couleur. Notre approche est celle de l'assistance aux peuples. Uribe a réussi à confiner la guérilla qui, il y a huit ans, était encore présente dans les villages avec des séquestrations, des routes coupées, etc. Aujourd'hui, le danger demeure à la frontière.

Le représentant du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) . - Je voudrais partager avec vous quelques impressions après trois mois en Colombie. La violence extrême que l'on voit partout et à tous les niveaux est extrêmement difficile à comprendre. Il y a une dimension économique, historique, culturelle. Cette violence se perpétue. La guérilla est devenue plus criminelle que politique. Elle a perdu son aura dans la population qui est moins sensible au message de la guérilla. Il y a aussi des bandes de criminels qui soutiennent les activités économiques : l'agriculture, les grandes plantations, les ressources minières (or, pétrole, minerais précieux ou rares comme le coltane). Tout cela représente un éventail extrêmement large de violences.

Quant aux conséquences de cette violence, ce sont quatre millions de déplacés environ, soit 10 % de la population. On commence à travailler sérieusement sur ce sujet avec « Action sociale », la branche humanitaire de la présidence, pour avoir une idée plus précise des effectifs de la population déplacée, de leurs besoins et de leurs projets. La moitié de ces déplacés sont des jeunes qui ont des difficultés d'accès à l'école, qui sont victimes de la violence, d'abus sexuels, d'enrôlement forcés, etc.

Deux millions de déplacés sont concentrés dans quelques vingt-cinq centres urbains importants. La concentration urbaine est en effet une des caractéristiques de la Colombie. Ils font face à des difficultés importantes : manque de terres face aux propriétaires fonciers qui ne souhaitent pas partager leurs terres, difficile accès à l'électricité, à l'eau, à l'éducation, violence extrême... Les bandes criminelles exercent un contrôle quartier par quartier et imposent leur loi sur la manière dont les gens doivent vivre.

On parle de solutions durables. Mais seul le développement économique peut permettre à ces gens de reconstruire une nouvelle vie. Le gouvernement parlait jusqu'à présent du retour. Or un grand nombre de déplacés ne souhaitent pas rentrer chez eux à cause de la violence qu'ils ont vécue dans leur région d'origine, ou bien parce que les gens se sont habitués à la vie citadine et à un mode de vie qu'ils ne connaissaient pas à la campagne. Beaucoup de gens souhaitent s'installer là où ils sont, ou bien, à la rigueur dans des zones où il y aurait des projets de développement. Mais le gouvernement n'a pas sérieusement envisagé ces deux options. Nous essayons de travailler avec lui sur cette problématique.

La violence exercée par la guérilla ou par les groupes para-militaires s'est déplacée de la zone andine vers les zones frontières : Equateur, Panama et Venezuela. Les indigènes souffrent beaucoup de ce changement de situation et cela nous préoccupe. On compte environ 200 000 réfugiés colombiens dans les pays voisins, Equateur, Venezuela, Panama, Costa-Rica. Des accords bilatéraux ont été signés avec chacun de ces pays au début des années 2000. Nous faisons partie d'une commission tripartite pour envisager les possibilités en termes de retour. Il existe actuellement une pression très forte de la part de l'Equateur, ce qui nous préoccupe compte tenu de la violence qui se manifeste en ce moment dans les zones frontières. Nous insistons sur le fait que ces retours doivent être volontaires et effectués dans des conditions de sécurité avec l'Equateur.

Autre question qui nous préoccupe : les migrations organisées, notamment en provenance de la corne de l'Afrique (Erythrée, Ethiopie, Somalie). A travers les réseaux, les migrants descendent vers l'Afrique du Sud, arrivent au Venezuela ou au Brésil, et transitent par la Colombie pour se rendre aux États-Unis et au Canada. Ces migrations représentent 300 personnes par an mais sont en augmentation régulière. Les migrants fuient généralement des zones de guerre.

Le HCR s'occupe traditionnellement des réfugiés en termes de protection et d'assistance humanitaire via le soutien de projets, de donations de vivres, etc. Ici l'agence travaille davantage en soutien au gouvernement pour répondre aux besoins des déplacés et assurer leur protection. A travers nos 14 missions réparties dans des zones qui sont, soit sous le contrôle du gouvernement, soit sous celui des para-militaires, soit sous celui de la guérilla, nous sommes au contact de populations affectées par la violence ou qui risquent d'être affectées par la violence. Nous travaillons aussi beaucoup avec la Cour constitutionnelle à qui nous transmettons des informations et des rapports et qui tâche d'influer sur la position du gouvernement qui parfois n'a pas de présence effective sur le terrain.

Représentant de l'Office d'aide humanitaire de la Commission . Le mandat humanitaire de l'Union européenne implique neutralité et indépendance. Nous ne pouvons pas être les porte-parole de l'Union européenne dans ce pays. C'est le rôle de la délégation. Notre responsabilité est de donner notre éclairage en matière humanitaire à partir des éléments que nos partenaires nous font remonter : la Croix Rouge Internationale, les Croix rouges espagnole, française et hollandaise, et les agences des Nations Unies, telles que le HCR, le FAO, le PMA et des ONG européennes basées ici.

Le gouvernement précédent ne parlait ni de guerre, ni de conflit, mais d'une nouvelle Colombie ce qui rendait difficile la mobilisation dans la perspective d'une coopération. Il se focalisait surtout sur les indicateurs du progrès économiques mais n'évoquait ni les problèmes d'inégalités, ni les problèmes humanitaires. La Colombie pouvait dès lors être perçue comme un pays avec une crise oubliée et avec un problème chronique.

Je souhaiterais m'appesantir sur le phénomène du confinement qui concerne toutes les personnes qui ne peuvent pas se déplacer du fait des acteurs armés légaux ou illégaux. Ainsi, l'armée limite ou restreint délibérément l'accès à la nourriture pour ne pas alimenter les forces armées illégales. Quant aux groupes illégaux, ils ont besoin que les gens s'en aillent pour récupérer leurs terres. Mais ils dépendent aussi pour leur approvisionnement de l'aide des miliciens dans les villages. Ils les confinent en plaçant des mines tout autour de la zone. A six heures du matin ils laissent une seule issue et. A six heures de l'après-midi, tout le monde doit être revenu et ils repositionnent les mines.

Un autre phénomène mal identifié est celui des déplacements à l'intérieur des zones urbaines, notamment à Bogotá et Medellín, sous la pression d'organisations. Les paysans qui arrivent en ville doivent à nouveau se déplacer parce que ceux qui les ont fait partir ont des réseaux ou des connexions dans les différents quartiers. Cela démontre que ce sont des organisations très sophistiquées. Cela montre aussi que les para-militaires sont en train de se réorganiser, en dépit des déclarations contraires du gouvernement. Le gouvernement ne peut pas reconnaître ce phénomène sauf à reconnaître l'échec de la politique qu'il a menée.

Dans le cadre de la politique « Vérité, justice et réparation », on parle des déplacés comme de nouveaux pauvres, ce qui revient à oublier les raisons pour lesquelles ils ont été déplacés, à savoir la violence. Cela revient à exonérer de leur responsabilité les responsables de cette violence.

Il ne faut pas oublier enfin qu'il y a plusieurs Colombies. Celle que l'on voit à l'extérieur et celle de l'intérieur. Les Colombiens sont conscients eux-mêmes de cette double face de Janus. La responsabilité incombe aussi aux médias qui ne montrent jamais les problématiques humanitaires. Il ne faut pas oublier cette crise, nous comptons sur la communauté internationale pour continuer à faire pression.

M . Michel Doublet . - D'où les FARC tirent-ils leurs ressources, leurs armes, leur force ?

Le représentant du HCR . - Le trafic de drogue reste leur principale ressource. Il y a aussi des liens avec les cartels mexicains pour les armes.

M . Michel Doublet . - Et le Venezuela ?

La fourniture d'armes par le Venezuela n'a jamais été prouvée.

ANNEXE 7
COMPTE RENDU DU DÉJEUNER AU PARLEMENT
(14 SEPTEMBRE 2010)

M . Armando Benedetti, président du Sénat . - C'est un plaisir pour moi d'être l'hôte d'une délégation aussi importante. J'admire énormément le système politique français. Vous êtes un exemple de démocratie pour le monde et de l'équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. A tel point que l'on ressent un sentiment d'envie. Votre système politique est participatif, vous avez l'autonomie budgétaire, chaque année vous adoptez une loi de finances : je dis cela parce que la Colombie est souvent citée comme la plus ancienne démocratie d'Amérique latine.

Nous commémorons les deux cents ans de la Colombie mais à titre personnel, je ne commémore pas ce que j'assimile plutôt à 200 ans de discrimination et d'exclusion. La Colombie fait partie des quinze pays dans lesquels il y a les plus fortes inégalités dans le monde. Sur ces quinze pays, dix sont latino-américains. La Bolivie est le seul pays à nous devancer. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé la création d'un fonds de compensation ayant pour objectif l'équité. Le gouvernement a donné son accord.

Le régime d'incompatibilité d'un parlementaire en Colombie est probablement le plus sévère du monde. Nous n'avons pas de garantie constitutionnelle, nous ne pouvons pas nous exprimer librement. Si on parle à l'encontre de l'exécutif ou du pouvoir judiciaire, nous pouvons être arrêtés. C'est un déséquilibre important entre les pouvoirs. A tel point que j'affirme qu'il n'existe que deux pouvoirs en Colombie : l'exécutif et le judiciaire.

Enfin, j'ajoute qu'être parlementaire en Colombie est dix fois plus difficile qu'en France. Nous avons les groupes paramilitaires, le narcotrafic, la guérilla et la corruption. En d'autres termes, les probabilités de commettre une erreur sont bien plus grandes. Excusez-moi pour mon pessimisme mais je ne pourrais pas m'asseoir à table avec vous sans vous dire la vérité.

En Colombie, il n'y a pas d'autonomie budgétaire, c'est le gouvernement qui répartit les crédits en différents chapitres. Et nous approuvons « bêtement ». Après, c'est un fonctionnaire de 3 ème ou 4 ème catégorie qui décide si l'on va construire telle ou telle route, faire tel ou tel investissement.

M . Philippe Adnot . - Nous n'avons pas non plus l'autonomie budgétaire. Nous avons le pouvoir d'analyser et de modifier un peu les crédits. Mais les chapitres budgétaires sont bien définis. Ce n'est qu'à l'intérieur de chaque chapitre budgétaire que nous pouvons modifier à la marge l'affectation des crédits. Si le gouvernement veut changer quelque chose d'important, il doit passer devant le Parlement.

M . Armando Benedetti . - Nous les sénateurs ne pouvons pas exercer d'autre fonction que celle de sénateur. Je ne pourrais pas me porter candidat à une autre fonction ou à un autre mandat au cas où il y aurait chevauchement entre les deux.

Un sénateur . - J'appartiens au parti conservateur, deuxième force politique du pays créée il y a cent cinquante ans. Notre parlement n'a pas l'initiative de la dépense. C'est interdit par la Constitution colombienne. Mais le nouveau gouvernement a l'intention d'introduire un certain nombre de modifications liées au suivi des investissements et des dépenses d'équipements. Le bureau du Sénat auquel j'appartiens souhaite assurer un meilleur suivi de l'application des lois, notamment celles qui ont un impact social. Nous souhaiterions aussi avoir des rapports plus étroits entre nos deux groupes d'amitié.

Une sénatrice . - C'est un plaisir de vous accueillir. Il serait souhaitable qu'outre le Parlement et Bogotá, vous puissiez visiter d'autres régions de la Colombie pour vous rendre compte de la grande richesse de ce pays. J'étais autrefois député et suis originaire du département de l'Atlantico. J'appartiens au parti de la U et appartiens à la première commission des affaires constitutionnelles.

M . Philippe Adnot . - Nous nous sommes rendus à Medellín, à Soacha et à Carthagène et avons eu l'occasion de visiter de nombreux sites.

Un sénateur . - La France a apporté un grand soutien à un site archéologique dans le département de la Wiya que je vous invite à visiter quand vous reviendrez.

Un sénateur . - Je vous remercie de votre présence. Il y a des accords entre la France et les communautés autochtones de Colombie notamment sur la question de la santé. Ces conventions, qui ont pris fin il y a deux ans, nous ont permis de bien connaître le système de santé de la France. Il y a également un accord pour l'exploitation des minerais. Du personnel spécialisé français à la retraite s'est déplacé en Colombie pour nous transmettre leur savoir-faire.

La Constitution de 1991 a prévu la représentation des groupes ethniques au Parlement colombien. Notre rôle est de faire connaître les problématiques de notre région.

M . Emilio Botero, secrétaire général du Sénat . - Je suis juriste de formation, et ai un diplôme de troisième cycle en droit constitutionnel et parlementaire. Élu en séance plénière pour un mandat de deux ans, j'ai été réélu cinq fois et travaille depuis trente-deux ans au Congrès. Ma spécialité, c'est le fonctionnement des parlements du monde. Je me suis occupé de la modernisation du Parlement colombien. La dernière étape est la mise en place de tout le système informatique au Sénat. Nous sommes un pays pilote dans ce domaine pour toute l'Amérique latine. Nous sommes encore dans la phase de mise en oeuvre. Ce n'est pas facile car il faut que tous les sénateurs s'habituent à ce nouveau dispositif destiné à faciliter le travail législatif. Parmi les Sénats du monde, je ne connais pas encore le Sénat français.

M . Philippe Adnot . - Nous avons vu à Medellín que la maîtrise de l'eau et de l'assainissement était assurée par une société publique puissante, une des entreprises les plus importantes de Colombie. Ce système existe-t-il dans d'autres régions ou pays ?

M . Armando Benedetti . - En Colombie les services publics n'existaient pas dans les années 1970 et 1980. Il y a eu en 1994 un processus de privatisation - que je ne soutiens personnellement pas - de l'énergie électrique, l'eau et la gestion des ordures (loi 142). Mais à Medellín, ils ont mis en place un système public qui a eu du succès avec la société Empresas publicas de Medellín (EPM). Les industriels les plus importants ont soutenu ce processus et ont cherché les moyens de financer des campagnes politiques pour éviter que les hommes politiques n'interviennent dans la gestion de cette entreprise. Ce modèle a eu du succès, notamment dans le domaine de la sécurité puisque l'ordre public est également assuré par des entreprises publiques à Medellín. Or, c'est à Medellín que l'on trouve le plus grand nombre d'assassinats et de bandes violentes.

Dans le cadre du processus de sécurisation du pays, les responsables des groupes paramilitaires ont été extradés vers les États-Unis (mafias, drogue). Cela a entraîné un phénomène d'éclatement des bandes qui gravitaient dans leur sillage qui luttent en ce moment pour accéder au pouvoir. Entre autres, parce que le processus de réinsertion des para-militaires qui ont déposé les armes a laissé à désirer. Medellín est une des villes les plus violentes du monde.

Ce pays comme vous le voyez est un pays de paradoxes. La moitié de la ville de Medellín est belle avec de grandes propriétés, les principales industries du pays, des usines. Mais l'autre moitié, celle qu'on appelle « las communas » n'entretient aucune relation avec l'autre partie. Vous pouvez trouver de très beaux logements dans tout un secteur de Medellín. Mais il y a d'autres rues que vous n'oseriez pas arpenter.

Une Sénatrice . - Pour revenir à la question des services publics, nous avons, à travers une initiative populaire, collecté 2 millions de signatures pour modifier la loi des services publics, suite aux abus constatés par les sociétés publiques. Le paradoxe, c'est que malgré ces deux millions de signatures, nous ne sommes pas parvenus à faire examiner cette proposition de loi au Sénat à cause du lobby des grandes sociétés publiques.

Dans le département du Cauca, un grand nombre de services publics sont assurés par des entreprises françaises qui rendent des services de bonne qualité. Nous n'avons pas constaté d'abus envers les consommateurs.

M . Michel Doublet . - Je me suis rendu hier à Soacha où j'ai rencontré les mères des enfants enlevés et assassinés à l'occasion d'une rencontre très émouvante. Ces mères nous ont semblé démunies et abandonnées. Je leur ai promis que je vous parlerais de leur sort pour envisager avec vous les actions que vous pourriez mener en leur faveur.

M . Armando Benedetti . - C'est au sein de la commission constitutionnelle que j'ai moi-même mené le premier débat au sujet de ce que nous appelons les « faux positifs » à la fin de l'année 2006. A ce moment là, on déposait les bombes et on arrêtait ceux qui étaient censés les avoir posées. J'ai aussi interpellé M. Uribe et son ministre de la Défense - à l'époque, M. Santos - à l'occasion d'un débat en séance plénière, pour dénoncer le fait que personne n'avait jamais présenté d'excuses à ces femmes ou songé à des réparations. Santos a certes révoqué une vingtaine de militaires de haut rang, mais personne n'a présenté d'excuses aux victimes. J'ai critiqué fermement le gouvernement pour ne pas l'avoir fait. Cela fait partie des éléments les plus macabres de toute l'histoire de la Colombie. La guerre est horrible et ce sont toujours les populations civiles qui subissent les conséquences les plus néfastes. Mais dans le cas présent, ce sont les propres agents de l'État qui sont responsables ! Je pense que tous les acteurs publics sont responsables à défaut d'être coupables. Il nous faudrait présenter des excuses non seulement à ces mamans mais aussi au monde entier. Si vous avez des renseignements précis sur ces mères que vous avez rencontrées, j'aimerais pouvoir les contacter.

Un sénateur : J'aimerais ajouter un élément à ce que vient de dire le président du Congrès. Il est vrai qu'il y a des agents de l'État qui dans l'exercice de leurs fonctions sont allés trop loin. Ils sont en train de subir le châtiment de la justice colombienne. Mais l'État colombien ne porte pas atteinte aux droits de l'homme, contrairement à la guérilla, notamment les FARC, et aux groupes para-militaires qui agissent en dehors de la légalité. L'État colombien représenté par l'armée et par les branches législatives et judiciaires respecte la loi, la Constitution et les Traités internationaux. Nous avons besoin de toute la solidarité des organismes internationaux. Et que l'on sache que ceux qui portent véritablement atteinte aux droits de l'homme sont les FARC et toutes les organisations illégales. Ce sont les pires ennemis de la Colombie, du Venezuela, de l'Equateur, de l'Amérique latine. La Colombie fait ce qu'elle peut pour apporter réparation aux victimes. Il reste certainement encore à faire, notamment pour que les familles des victimes aient plus facilement accès à l'emploi. Et là, le manque de ressources est l'un des principaux obstacles.

M . Jean-Michel Marlaud . - Où en êtes-vous de la ratification de la Convention des Nations Unies sur les disparitions forcées ?

M . Armando Benedetti . - Un représentant de l'ONU est venu en Colombie et a remis le texte à la ministre des Affaires étrangères. Il reste au Parlement à l'examiner 40 ( * ) .


* 1  Caracas avait rompu le 22 juillet ses relations diplomatiques avec son voisin, notamment après la présentation à l'Organisation des États américains (OEA) de « preuves » colombiennes établissant selon Bogotá la présence de quelque 1 500 guérilleros des FARC au Venezuela. Santos et Chavez se sont rencontrés les 11 août et 2 novembre 2010 et ont rétabli les relations diplomatiques, économiques et commerciales entre leurs deux pays. La normalisation des relations avec l'Équateur est intervenue à la fin du mois de décembre 2010.

* 2  Les exportations colombiennes vers le Venezuela ont chuté de 71 % entre janvier et mai 2010.

* 3 La Colombie et le Venezuela se sont entendus pour assurer le secrétariat général à tour de rôle, la 1ère année les Colombiens (Maria Emma Mejia) et la seconde les Vénézuéliens (Ali Rodriguez).

* 4 Cette loi a été promulguée le 10 juin 2011, en présence de M. Ban Ki-moon, Secrétaire Général de l'ONU .

* 5  Voir ci-dessous. A la date de rédaction du présent rapport, cette loi a fait l'objet d'une première lecture par chaque chambre du Parlement.

* 6  Lancé le 21 septembre 1999 par le président américain Bill Clinton, et son homologue colombien, Andrés Pastrana, le plan Colombie « pour la paix, la prospérité et le renforcement de l'Etat » a pour objectif de lutter contre le trafic de drogue et d'aider l'armée colombienne à venir à bout des guérillas qui occupent certaines parties du territoire, moyennant le versement de 1,6 milliard de dollars sur trois ans.

* 7  Chute des homicides, notamment des exécutions extrajudiciaires : aucune plainte en 2010 contre 350 en 2007 et 200 en 2008 ; diminution forte du nombre des enlèvements.

* 8  Après Edward Cobos Téliez, alias « Diego Vecino » et Uber Banquez, alias « Juancho Dique » condamnés en juillet 2010, Jorge Laverde est le troisième dirigeant de l'AUC à avoir été condamné dans le cadre de la loi Justice et Paix, en décembre 2010. L'Igouane, ex- dirigeant du Bloc Catatumbo des Autodéfenses , déployé dans le nord de la Colombie, a admis avoir directement tué une centaine de personnes et avoir ordonné l'assassinat de 4 000 autres Colombiens.

* 9  Les chefs d'inculpation dont les extradés ont eu à répondre aux États-Unis portaient sur le trafic de drogue et le blanchiment d'argent. En vertu d'un accord verbal passé entre le Conseil supérieur de la magistrature colombienne et la justice américaine, les audiences étaient retransmises pour approfondir les enquêtes menées contre les parapoliticiens mais sans porter sur les massacres, disparitions et assassinats dont ils étaient responsables et que la loi, en Colombie, leur demandait d'élucider.

* 10  Cité dans « Comment Bogotá a démobilisé ses paramilitaires », article de Patrick Bèle paru dans le Figaro du 18 juin 2010.

* 11  Les victimes sont définies comme « les personnes qui, individuellement ou collectivement, ont souffert une atteinte à leurs droits pour des faits liés au conflit intérieur à partir du 1er janvier 1985 », de même que les membres de leurs familles, époux, compagnons, y compris du même sexe, et parents au premier degré, lorsque la victime est décédée ou portée disparue. Elles sont évaluées à 4,5 millions par le gouvernement.

* 12  Une alliance aurait été scellée entre les AUC et plusieurs maires, parlementaires, chefs d'entreprises, gouverneurs de départements proches d'Alvaro Uribe, alors futur candidat à l'élection présidentielle, à l'occasion d'une réunion secrète tenue à Santa Fé de Ralito le 23 juillet 2001. L'enjeu était celui d'une refondation de la patrie au nom d'un nouveau contrat social basé sur le droit à la propriété. L'accord a été dévoilé au public par l'un de ses signataires, le sénateur Miguel de la Espriella, aujourd'hui en prison.

* 13  L'autre gros dossier dont s'occupent les juges est celui des récompenses en nature versées aux parlementaires en 2006 pour faire voter la réforme constitutionnelle qui allait permettre à M Uribe de briguer un second mandat.

* 14  L'équivalent de notre parquet.

* 15  Lire « Quand l'État colombien espionne ses opposants », par Hernando Calvo Ospina publié dans Le Monde diplomatique d'avril 2010. Cet article fait état de dossiers dans lesquels figurent les méthodes suivantes : « désinformer la population favorable aux détracteurs du gouvernement » ; « créer des divisions à l'intérieur des mouvements d'opposition » ; empêcher la concrétisation de manifestations convoquées par l'opposition » ; « neutraliser les actions déstabilisatrices des ONG en Colombie et dans le monde » ; « Stratégies : discrédit et sabotage. Action : alliance avec services de renseignements étrangers, communiqués et dénonciations sur des sites Internet, guerre juridique » ; « utilisation des médias, des enquêtes d'opinion, des chats » etc.

* 16  D'après le Washington Post du 21 août 2011, l'aide fournie par les États-Unis à la Colombie dans le cadre de la lutte antidrogue aurait été employée par Bogota sous la présidence d'Alvaro Uribe pour mener à bien des opérations illégales contre des magistrats et des opposants. Six anciens hauts responsables des services de renseignement auraient reconnu ces faits. Certains agents inculpés ou dont le procès est en cours ont souligné l'importance des ressources dont disposait la DAS et assuré qu'ils rendaient régulièrement des comptes concernant leurs activités à des « agents de liaison » de l'ambassade des États-Unis. Une commission du Sénat colombien est saisie d'une enquête préliminaire visant à déterminer si Alvaro Uribe doit être poursuivi dans le cadre de cette affaire.

* 17 Révélation de documents classifiés, complicité d'assassinat parmi les crimes dont il a été jugé coupable.

* 18  Lire « Uribe approuve les demandes d'asile de ses ex-collaborateurs », article de Marie Delcas publié dans Le Monde du 25 novembre 2010.

* 19  Né en 1967 à Barranquilla, Armando Benedetti appartient au parti de la U. Ancien journaliste et conseiller municipal de Bogotá, il a été assesseur à l'Assemblée nationale constituante en 1991 et élu pour la première fois au Sénat en 2006. Lors de sa réélection en 2010, ses collègues l'ont élu président du Sénat.

* 20  La Personería est l'équivalent de notre Médiateur. Elle dispose de bureaux municipaux où les citoyens peuvent porter directement leurs griefs. Celle de Soacha a été l'une des premières à rendre publique l'affaire des exécutions extra-judiciaires.

* 21  Avec un nombre estimé entre 8 000 et 11 000 enfants soldats, la Colombie est le troisième pays au monde affecté par ce phénomène.

* 22  L'équivalent d'un territoire comme celui de la Suisse ou du Sri Lanka.

* 23  Vingt-trois pour cent seulement des déplacés de la municipalité de Soacha bénéficient d'une distribution périodique d'eau.

* 24  Ces zones sont particulièrement sujettes à des glissements de terrain. En 2010, les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la Colombie lors d'une saison des pluies particulièrement intense ont entraîné la mort de 129 personnes, dont plusieurs dizaines dans des glissements de terrain à Medellín et à Bogotá tandis qu'1,9 million de sinistrés ont été recensés.

* 25  Selon l'association Tierra y Vida (Terre et vie), une association nationale de victimes pour la restitution et l'accès aux terres spoliées, plus de cinquante dirigeants d'associations de victimes ont été assassinés depuis trois ans.

* 26  A l'occasion d'une visite au refuge pastoral social Casa Betaña dans la ville de Soacha qui accueille plusieurs dizaines de familles de réfugiés par an et leur fournit nourriture, aide juridique et biens de première nécessité pendant une période de 15 jours maximum, votre délégation a recueilli le témoignage d'un père de trois enfants. Chassé de chez lui dans la région de Medellín pour avoir prétendument servi d'informateur au gouvernement, il a quitté sa maison à 3 heures du matin et marché 5 heures pour fuir ses bourreaux. Réfugié dans la périphérie de Bogotá où il avait trouvé du travail, il a dû fuir une deuxième fois sous l'accusation d'appartenir à un groupe paramilitaire. Il est aujourd'hui en sécurité mais ne reçoit aucune aide.

* 27  Cité dans « La Colombie est-elle vraiment débarrassée de ses paramilitaires ? », article de Marie Delcas paru dans Le Monde du 20 août 2010.

* 28 Raúl Reyes, de son vrai nom Luis Edgar Devia Silva, était le porte-parole des FARC et l'un de leurs principaux dirigeants. Il a trouvé la mort le 1er mars 2008 dans une opération de l'armée colombienne, qui l'avait débusqué en interceptant une conversation téléphonique. Cette opération Fenix au cours de laquelle l'espace aérien équatorien a été violé, a déclenché une crise sans précédent entre Quito et Bogotá.

* 29  Le mot « jaque » est emprunté au vocabulaire des échecs. Il signifie : « échec au roi ». L'opération a été rendue possible grâce à l'infiltration d'agents de l'armée au sein des FARC. En faisant croire aux rebelles que les otages devaient être transférés dans une autre zone par hélicoptère, les militaires ont réussi à libérer les quinze personnes sans violence et à arrêter deux membres importants des FARC. L'opération a été saluée par la communauté internationale, y compris par le président vénézuélien Hugo Chavez.

* 30  Le caporal Salin Sanmiguel, âgé de 25 ans, avait été enlevé le 23 mai 2008. Quant au major de police Guillermo Solorzano, 34 ans, il a passé presque quatre ans entre les mains de la guérilla, depuis le 4 juin 2007.

* 31  En mars 2011, vingt-trois employés d'un sous-traitant de l'entreprise pétrolière canadienne Talisman ont été enlevés dans le département de Vichada, dans l'est de la Colombie. Dans cette région où l'on cultive la feuille de coca, opère notamment le Front 16 de la guérilla des FARC mais aussi des bandes criminelles.

Le 4 août 2011, des membres présumés de la guérilla ont incendié six camions transportant du pétrole appartenant à la britannique Emerald Energy, filiale du groupe chinois Sinochem. Par ailleurs quatre employés chinois de ce groupe, dont un traducteur, ont été enlevés le 9 juin 2011, également par la guérilla, selon les autorités, qui sont sans nouvelles des quatre hommes.

Le 7 août, 30 combattants présumés de la guérilla ont incendié une citerne où était stocké l'équivalent de 400 barils de pétrole de la compagnie canadienne Alange Energy, à proximité de la municipalité de Catatumbo (département Norte de Santander, est), non loin de la frontière vénézuélienne. L'attaque n'a pas fait de victimes.

* 32  Ces résultats ne convainquent pas les services répressifs étrangers implantés dans le pays et certains observateurs au motif que si on rapproche le chiffre de la production annuelle aux 200 tonnes de « cocaïne » saisies sur le seul sol colombien en 2009, ce serait ainsi la moitié de la production colombienne de l'année dernière qui aurait été interceptée avant même de quitter le pays. De plus, dans le cadre du programme SIMCI (Système de Monitoring des Cultures illicites), les données de l'ONUDC apparaissent, depuis 2008, moins scientifiques et moins basées sur l'étude des images satellitaires, pour privilégier la dimension socio- économique de la production de coca. Le rapport 2009 souligne ainsi que le produit de la production de feuille de coca ne représenterait que 0,2 % du PIB Colombien, donnée peu significative, dans la mesure où les véritables profits du narcotrafic ne sont pas générés dans sa phase « agricole » mais par la revente du « produit fini », le chlorhydrate de cocaïne.

* 33  In « Colombie : changement dans la continuité », entretien publié dans « Politique internationale », août 2010.

* 34 « L'Europe doit soutenir la Colombie », interview de Juan Manuel Santos par Patrick Bèle et Pierre Rousselin publiée dans Le Figaro du 25 janvier 2011.

* 35 Notamment avec l'arrivée des sociétés AngloGold Ashanti (sud-africaine), BHP Billinton (anglo-australienne), Greystar Resources Ltd (canadienne), Drummond Company et MMC (américaines).

* 36  Ancienne biologiste marine, responsable d'un parc naturel dans le Pacifique colombien, Sandra Bessudo a joué pendant la campagne présidentielle colombienne le même rôle que celui joué par Nicolas Hulot en France, en tâchant de sensibiliser tous les candidats aux enjeux environnementaux.

* 37  Mesure du degré d'inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée.

* 38 C'est la première fois qu'une entité territoriale colombienne reçoit un prêt sans garantie de l'Etat. Cette décision a été rendue possible par l'excellente gestion, la rigueur financière et la continuité dont ont fait preuve les administrations municipales successives.

* 39 Les exécutifs de collectivités locales ne peuvent faire qu'un mandat. Seul le Président de la République peut se faire réélire. Mais le maire de Medellín était adjoint au maire dans la précédente équipe.

* 40 La Convention a été ratifiée par la Colombie en décembre 2010 après un vote ultra majoritaire au Congrès.

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