IV. CLÔTURE

M. David ASSOULINE, président du groupe interparlementaire d'amitié France-Japon, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois

Avant de céder la parole à mon ami Jacques Valade pour la conclusion, je ferai deux réflexions. Il s'agit d'une gageure de tenir un débat sur l'aménagement urbain avec beaucoup de points communs entre la France et le Japon, mais aussi de nombreuses différences. Nous sommes en face de véritables problématiques d'aménagement urbain et d'architecture, qui ont été bien exposées par nos intervenants japonais, notamment le vieillissement de la population. La conception de l'aménagement diffère à cet égard entre le Japon et la France, qui est marquée par un certain dynamisme démographique.

Par ailleurs, comme l'a évoqué Jean-Pierre Sueur, la France et le Japon sont confrontés à un même enjeu essentiel. Il s'agit de savoir comment créer de la centralité dans les périphéries. Nos politiques de la ville ont créé des centres et des extensions. Nous réfléchissons aux manières de relier les deux par des politiques de transport. Pourtant, les éléments essentiels du centre, qui créent du lien social, doivent se retrouver partout. À titre d'exemple, un centre culturel d'excellence a été créé au coeur du bidonville situé près de Casablanca. Il en résulte que les habitants du centre se rendent au milieu de ce bidonville. J'habite pour ma part au coeur de Paris, dans un quartier populaire, le XX e arrondissement. Je vois bien que certains habitants des cités HLM, distantes de seulement cinquante mètres des ateliers d'artistes, ne connaissent pas ces derniers. La question centrale de la mobilité doit être pensée. Si tel n'est pas le cas, la tendance à la superposition de quartiers sociologiquement homogènes s'accentuera, encourageant tout ce qui relève de la ghettoïsation.

Les enjeux de la ville de demain seront donc la mobilité, la mixité sociale et la multipolarité, qui garantit la présence, partout, de l'ensemble des activités essentielles d'une ville, créant ainsi du lien social.

M. Jacques VALADE, ambassadeur itinérant pour l'Asie, président du Conseil du développement économique et social de Bordeaux, membre honoraire du Parlement

Ces échanges ont été particulièrement riches, et j'espère qu'ils seront amenés à se poursuivre. Je tiens à vous dire le plaisir qui est le mien d'intervenir dans ce colloque organisé par David Assouline, en tant que président du groupe d'amitié France-Japon. J'ai rempli cette mission pendant quelques années, et je me réjouis de vous voir en prendre la suite avec conscience et talent. Je félicite également le CLAIR Paris d'organiser ce genre de manifestation. Les débats se sont révélés passionnants grâce aux personnalités que vous avez rassemblées. Je souhaite également saluer tout particulièrement la présidente du conseil d'administration du CLAIR Japon, qui nous a accueillis à Tokyo en juin 2013. Je garde un excellent souvenir de notre rencontre, et j'ai pu mesurer l'importance de cet organisme et l'intérêt que le gouvernement et l'administration japonais attachent à ce genre d'organisation.

Le CLAIR Paris a envisagé de favoriser la rencontre de collectivités territoriales françaises avec des collectivités territoriales japonaises. Ce genre de rencontre n'est jamais facile à organiser. Plusieurs élus locaux français - notamment de Nancy, Marseille et du Nord de la France - ont ainsi rencontré des élus locaux japonais de Hamamatsu, Gifu et Shiga.

Ces rencontres résultent du constat, partagé par la France et le Japon, d'une conversation insuffisante entre les élus des deux pays. Or, comme le présent colloque l'a d'ailleurs illustré, les maires ont des réflexions et des expériences à partager. Nous avons intérêt à écouter, à réfléchir à des solutions face aux défis. Le débat qui a suivi l'exposé des maires s'est avéré à cet égard significatif.

Pour le maire de Lens, l'installation du Louvre a été une locomotive tout à fait stratégique, sans laquelle la ville serait restée une ville en décroissance et en désertification industrielle. L'intervention de M. Riken Yamamoto m'a semblé très intéressante, son approche visant à modifier progressivement l'existant, sans brutaliser le territoire, mais tout en l'adaptant aux nouvelles donnes démographiques.

Je souhaiterais apporter ma contribution par rapport à l'habitat. Il est clair que les questions ne se posent à aucun moment en termes généraux. Il est impossible d'imposer à une population une doctrine par rapport à l'habitat. Rien ne peut être entrepris, à l'heure actuelle, sans prendre l'attache des bénéficiaires de l'action de gouvernance, qui ont fait confiance aux élus en leur confiant un mandat.

À travers mes fonctions d'ambassadeur itinérant en Asie, je suis souvent amené à me rendre en Chine. Les Chinois eux-mêmes, au niveau central, savent que l'époque des décisions prises au niveau central, sans concertation avec les responsables et habitants des territoires, est révolue. Nous avons nous-mêmes été dans l'obligation de créer, au niveau territorial, des ateliers d'architecture, qui impliquent à la fois des hommes de l'art, des techniciens, mais aussi la population. Les élus assument la responsabilité collective de la mixité sociale. Il s'agit également d'assurer une mixité d'activités. M. Jean-Pierre Sueur a fait un sort à la notion de zonage. Une telle approche n'est en effet plus pertinente. Dans ce contexte, il me semble que le concept même d'éco-quartier est antinomique avec ce que nous souhaitons pour les villes. L'idée d'éco-habitation, c'est-à-dire moins coûteuse en énergie et mieux connectée aux réseaux de transport, est bien sûr à retenir. Mais le concept, appliqué à l'échelle d'un quartier, peut donner lieu à des « éco-ghettos ».

Au cours de cette mission, nous avons rencontré des élus japonais. Plusieurs d'entre eux ont souligné la chance de leurs homologues français, qui ont la possibilité d'exercer un mandat local et un mandat national. Ils ont, en effet, fait part de leur difficulté à se faire entendre, en tant que gouverneurs locaux, au niveau national. Nous leur avons répondu que la France était justement en train de réfléchir à une singularité de mandat, qui semble nécessaire pour que le mandat soit pleinement assumé par son détenteur. Ils ont exprimé leur déception à ce sujet. Nous leur avons indiqué que la réflexion reste en cours en France. Nous serions heureux de savoir si la situation devait évoluer au Japon à cet égard.

Je vous remercie de m'avoir invité à clôturer ce colloque. Soyez certains que nous sommes attentifs à vos actions, au niveau du groupe sénatorial France-Japon. Je me réjouis que la coopération avec le CLAIR se poursuive. Je souhaite que ces événements apportent une contribution efficace à l'amitié entre la France et le Japon.

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