Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 125 - 26 mars 2015


Groupe interparlementaire d'amitié

France-Afrique de l'Ouest (1)

Mali, Niger : paix, sécurité et développement,

trois défis à relever

Compte rendu du déplacement effectué par une délégation du groupe

au Niger et au Mali

du 8 au 14 septembre 2014

La délégation était composée de :

•  M. Jacques LEGENDRE (UMP), Sénateur du Nord, Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest ;

• M. Philippe KALTENBACH (SOC), Sénateur des Hauts-de-Seine, Président délégué du groupe interparlementaire d'amitié pour le Niger ;

•  M. Joël LABBÉ (ECOLO), Sénateur du Morbihan, Président délégué du groupe interparlementaire d'amitié pour le Mali.

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(1) Membres du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest : M. Jacques LEGENDRE, Président ; Mme Leila AÏCHI, Mme Michèle ANDRÉ, M. Bertrand AUBAN, M. Dominique BAILLY, M. Philippe BAS, M. Christophe BÉCHU, M. Michel BÉCOT, Mme Marie-Christine BLANDIN, M. Jean-Marie BOCKEL, M. Joël BOURDIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Jean-Pierre CANTEGRIT, M. Gérard CÉSAR, M. Jean-Pierre CHAUVEAU, M. Jacques CHIRON, M. Yvon COLLIN, Mme Hélène CONWAY-MOURET, M. Jacques CORNANO, M. Raymond COUDERC, Mme Cécile CUKIERMAN, M. Ronan DANTEC, M. Philippe DARNICHE, M. Marc DAUNIS, M. Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Louis DUVERNOIS, M. Alain FAUCONNIER, M. Jean-Paul FOURNIER, M. Christophe-André FRASSA, M. Jean-Claude FRÉCON, M. Yann GAILLARD, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Mme Dominique GILLOT, M. François GROSDIDIER, M. Joël GUERRIAU, Mme Odette HERVIAUX, M. Robert HUE, M. Pierre JARLIER, M. Claude JEANNEROT, M. Philippe KALTENBACH, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Georges LABAZÉE, M. Joël LABBÉ, Mme Françoise LABORDE, Mme Elisabeth LAMURE, M. Jean-Yves LECONTE, M. Jacky LE MENN, Mme Claudine LEPAGE, Mme Valérie LÉTARD, M. Jeanny LORGEOUX, M. Pierre MARTIN, Mme Colette MÉLOT, M. Jean-Claude MERCERON, M. Bernard PIRAS, M. Jean-Pierre PLANCADE, M. Hervé POHER, Mme Sophie PRIMAS, M. Henri de RAINCOURT, M. Daniel RAOUL, M. Daniel REINER, M. Charles REVET, M. Gilbert ROGER, Mme Catherine TASCA, M. François TRUCY, M. Raymond VALL, M. Jean-Pierre VIAL et M. Richard YUNG.

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N° GA 125 - Mars 2015

INTRODUCTION

Le groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest du Sénat, qui comprend 68 membres 1 ( * ) , couvre 16 pays d'Afrique de l'Ouest, à savoir :

- les 15 pays membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo ;

- ainsi que la Mauritanie.

À la suite de l'opération Serval lancée en janvier 2013 et de la mise en place de l'opération Barkhane, le groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest a souhaité qu'une délégation puisse se rendre dans deux pays, le Mali et le Niger, au cours de l'année 2014, afin de dresser un état des lieux de la situation sécuritaire dans la bande saharo-sahélienne, tout en s'attachant aux enjeux politiques et économiques de chacun des pays.

Au-delà de ces questions, les problématiques de coopération avec la France et de développement ont été abordées, ainsi que les mesures prises par les autorités sanitaires pour lutter contre la propagation du virus Ebola, à laquelle sont confrontés plusieurs pays de cette zone géographique.

Pour chaque pays, il a été demandé aux services des ambassades de ne pas « cantonner » la délégation aux capitales, sous réserve de pouvoir en garantir la sécurité. Au Niger, les sénateurs ont ainsi pu se rendre à Dosso et à Youri, villes situées respectivement à 80 et 60 km de Niamey. Une annulation du vol prévu entre Niamey et Bamako a contraint à une modification du programme initial au Mali, qui comprenait la visite d'une coopérative financée par l'aide alimentaire française, à Koulikoro, ainsi que celle du camp d'entraînement des forces armées maliennes dans le cadre de la mission de formation de l'Union européenne au Mali.

La délégation tient à remercier l'ensemble des services diplomatiques français qui ont contribué au bon déroulement de cette mission et en particulier :

- M. Antoine Anfré, Ambassadeur de France au Niger, M. Jean-Louis Roth, premier conseiller, le Colonel Christophe Pitiot, attaché de défense, M. Jean-Max Delluc, attaché de sécurité intérieure, M. Laurent Bonneau, conseiller de coopération et d'action culturelle, M. Yannick Mével, conseiller adjoint de coopération et d'action culturelle et M. Xavier Besga, chargé de mission ;

- M. Gilles Huberson, Ambassadeur de France au Mali, M. Emmanuel Farcot, premier conseiller et M. Samuel Gourgon, deuxième conseiller ;

- Mme Véronique Dan, première conseillère à l'Ambassade de France au Burkina Faso, et M. Eric Bosc, deuxième conseiller, qui ont permis à la délégation de se rendre à Bamako au départ de l'aéroport de Ouagadougou, en traversant en toute sécurité le Burkina Faso par la voie terrestre depuis la frontière nigérienne, suite à l'annulation du vol entre les deux capitales du Niger et du Mali.

La délégation du groupe interparlementaire d'amitié s'est attachée à rencontrer des parlementaires ou des personnalités politiques appartenant tant à la majorité au pouvoir qu'à l'opposition.

PROGRAMME DE LA DÉLÉGATION DU 8 AU 14 SEPTEMBRE 2014

Lundi 8 septembre 2014

11h10

Départ de Paris - Aéroport de Roissy Charles de Gaulle

15h35

Arrivée à l'aéroport international de Niamey

17h00

Entretien avec M. Daouda Mamadou Marthe, Premier vice-président, et M. Mohamed Ben Omar, Vice-président de l'Assemblée nationale du Niger

18h00

Rencontre avec les membres du groupe interparlementaire d'amitié Niger-France, présidé par M. Mossi Boubacar

20h00

Dîner avec le chargé d'affaires et les chefs de services de l'Ambassade de France au Niger

Mardi 9 septembre 2014

7h30

Petit déjeuner avec des représentants de l'Union des Français de l'Étranger (UFE) et de l'Association Démocratique des Français à l'Étranger (ADFE)

9h00

Visite du lycée La Fontaine de Niamey

10h00

Visite du Centre culturel franco-nigérien Jean Rouch de Niamey

11h00

Entretien avec des représentants de l'Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République (ARDR), coalition de l'opposition

12h00

Entretien avec M. Brigi Rafini, Premier ministre du Niger

13h30

Déjeuner offert par les membres du groupe d'amitié Niger-France

15h00

Entretien avec le docteur Eric Adéhossi, chef du service de médecine interne de l'hôpital de Niamey

16h30

Entretien avec M. Massaoudou Hassoumi, ministre de l'Intérieur, de la sécurité publique, de la décentralisation et des affaires coutumières et religieuses

20h30

Dîner avec des conseillers du commerce extérieur, des représentants d'opérateurs privés, le directeur de l'Agence française de développement (AFD) et des conseillers de l'Ambassade de France au Niger

Mercredi 10 septembre 2014

7h00

Départ pour Dosso

9h00

Arrivée à Dosso et rencontre avec les autorités locales (gouverneur de la région, préfet du département, vice-président du Conseil régional, maire)

12h00

Déjeuner avec le gouverneur de la région de Dosso et le maire de Dosso

13h30

Départ pour Youri

16h00

Arrivée à Youri, rencontre avec les autorités locales (M. Mossi Boubacar, député-maire de Youri) et visite du projet de lutte contre la désertification

17h00

Départ pour Niamey

17h30

Entretien avec M. Mohamed Bazoum, ministre des Affaires étrangères, de la coopération, de l'intégration africaine et des Nigériens de l'extérieur

20h30

Dîner avec l'Ambassadeur d'Allemagne en France, l'Ambassadeur de l'Union européenne, des représentants de la mission EUCAP Sahel, le conseiller de l'Ambassade d'Espagne au Niger et des conseillers de l'Ambassade de France au Niger

Jeudi 11 septembre 2013

8h30

Visite du Service central de lutte contre le terrorisme (SCLCT)

9h30

Visite du détachement AIR (DETAIR) de Niamey

11h00

Départ pour le Burkina Faso

13h00

Passage de la frontière à Kontchari à destination du Burkina Faso puis route vers Ouagadougou

20h00

Arrivée à Ouagadougou

20h45

Dîner avec les conseillers de l'Ambassade de France au Burkina Faso

Vendredi 12 septembre 2014

11h10

Départ de l'aéroport de Ouagadougou

13h30

Arrivée à l'aéroport de Bamako

16h30

Entretien avec M. Tiéman Hubert Coulibaly, ministre des domaines de l'Etat, des affaires foncières et du patrimoine

17h30

Entretien avec M. Ousmane Koné, ministre de la santé et de l'hygiène publique

18h30

Entretien avec M. Moussa Mara, Premier ministre du Mali

19h30

Cocktail à la Résidence de France en présence du Bâtonnier de Paris et de la délégation d'avocats français dans le cadre du Campus international Mali 2014 de l'Ordre des avocats de Paris

Samedi 13 septembre 2014

9h30

Réunion à la Résidence de France sur le thème de la coopération, du développement et des entreprises

11h00

Réunion à la Résidence de France sur le thème de la sécurité et de la défense

13h00

Déjeuner à la Résidence de France avec les membres du groupe d'amitié Mali-France de l'Assemblée nationale

15h30

Entretien avec le Général Marc Rudkiewicz, commandant de la mission EUTM Mali

16h00

Présentation de l'état-major de la mission EUTM Mali

17h00

Entretien avec le Général François de Lapresle, représentant de l'opération Barkhane au Mali

19h30

Cocktail à la Résidence de France en présence de l'Ambassadeur de France au Mali, des chefs de services de l'Ambassade et des représentants de la communauté française

22h45

Départ à destination de Paris

Mardi 14 octobre 2014 au Sénat, à Paris

13h00

Rencontre avec M. Hama Amadou, Président de l'Assemblée nationale du Niger

NIGER

(8-11 septembre)

Le Niger : éléments clés

Données démographiques

Population : 16,64 millions d'habitants (PNUD, 2013)

Densité : 13,1 habitants/km²

Croissance démographique : 3,66 % par an (CIA World Factbook, 2010)

Espérance de vie : 55,1 ans (PNUD, 2013)

Taux d'alphabétisation : 28,7 % (PNUD, 2013)

Religion : Islam 80 %, animisme et christianisme 20 % (CIA World Factbook)

Groupes ethniques : Haoussa (55 %), Djerma (21 %), Touareg (9 %), Peuhl (8,5 %), Kanouri (5 %), autres (1,5 %) (CIA World Factbook)

Indice de développement humain : 186 ème sur 187 pays (PNUD, 2013)

Données économiques

PIB : 6 milliards de dollars (Banque mondiale, 2011)

PIB par habitant : 374 dollars (Banque mondiale, 2011)

Taux de croissance : 12,5 % (African Economic Outlook, 2012)

Taux de chômage : nc

Taux d'inflation : 3,9 % (African Economic Outlook, 2012)

Solde budgétaire (2007) : - 2,8 % du PIB (African Economic Outlook, 2012)

Balance commerciale (2007) : - 158 millions de dollars (EIU, 2008)

Principaux clients : Russie, Nigéria, Ghana, Corée du Sud (EIU, 2011)

Principaux fournisseurs : Chine, France, Nigéria, Polynésie française (EIU, 2011)

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB :

- agriculture : 39,5 %

- industrie : 14,9 %

- services : 45,6 %

Exportations de la France vers le Niger : 210 millions d'euros (Mission économique)

Importations françaises depuis le Niger : 193 millions d'euros (Mission économique)

Données consulaires

Communauté française au Niger : 1645 inscrits en avril 2013

Communauté nigérienne en France : 1725 (2008)

Source : ministère des Affaires étrangères

MALI
(12 et 13 septembre)

Le Mali : éléments clés

Données démographiques

Population : 14 853 572 millions (Banque mondiale, 2012)

Croissance démographique : 2,8% (UNICEF, 2012)

Espérance de vie : 55 ans (Banque mondiale, 2012)

Taux d'alphabétisation : 33,4% (15 ans et plus, UNICEF, 2012)

Religion (s): Islam 94,8%, christianisme 2,4%, animisme 2% (CIA World Factbook, recensement de 2009)

Indice de développement humain : 182 ème sur 187 pays (PNUD, 2012)

Données économiques :

PIB (2012) : 10,39 milliards d'USD (Banque mondiale, 2012)

RNB par habitant (2012) : 1 140 USD PPA (Banque mondiale, 2012)

Taux de croissance (2012) : 0% (Banque mondiale, 2012, estimations de croissance de 1,7% par le FMI pour 2013)

Taux de chômage : 30% (CIA World Factbook, 2004)

Taux d'inflation (2012) : 5,4% (Banque mondiale, 2012)

Solde budgétaire (2012) : -2,5 % du PIB (Banque mondiale, 2012)

Balance commerciale (2012) : -5,8% du PIB (Banque mondiale, 2012)

Principaux clients : Chine (52,9%), Malaisie (11%), Indonésie (5,3%), Inde (4,1%) (CIA World Factbook, 2012)

Principaux fournisseurs : France (11,2%), Sénégal (9,9%), Côte d'Ivoire (8,7%), Chine (8,6%) (CIA World Factbook, 2012)

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB :

- agriculture : 38,5 %

- industrie : 24,4 %

- services : 37 %

Exportations de la France vers le Mali : 301 millions d'euros ( 2012 )

Importations françaises depuis le Mali : 9,9 millions d'euros ( 2012 )

Communauté française au Mali : 4 758 personnes enregistrées (28/01/2013)

Communauté malienne en France : environ 120 000 selon des estimations de l'ambassade du Mali en France, dont 67 557 avec un titre de séjour en 2012 .

Source : ministère des Affaires étrangères

I - LE SAHEL DANS LA TOURMENTE TERRORISTE

Le déplacement de la délégation du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest au Niger et au Mali avait plusieurs objectifs :

- faire le point sur la situation sécuritaire dans la bande sahélienne , compte tenu du rôle du Niger dans la lutte contre les groupes armés terroristes, de l'état des forces au Mali et de l'implication de l'armée française dans la zone ;

- mesurer les enjeux politiques et économiques auxquels sont confrontés le Niger et le Mali, dans un contexte démographique tendu ; la situation politique du Niger a fait l'objet d'une attention plus particulière puisque quelques jours avant l'arrivée de la délégation dans ce pays, s'est produit le départ du président de l'Assemblée nationale, M. Hama Amadou, visé par la justice de son pays dans le cadre d'une affaire de « supposition d'enfant » 2 ( * ) ;

- évaluer le dispositif sanitaire mis en oeuvre dans la lutte contre la propagation du virus Ebola.

La délégation a également été très soucieuse de renforcer les liens d'amitié et de travail unissant les parlementaires français et ceux de ces deux pays. Elle a ainsi eu l'occasion de s'entretenir à plusieurs reprises avec les membres du groupe d'amitié Niger-France de l'Assemblée nationale, et de retrouver ceux du groupe d'amitié Mali-France de l'Assemblée nationale lors d'une rencontre organisée à l'Ambassade de France.

La situation sécuritaire dans la bande saharo-sahélienne a donc été au centre des discussions et des préoccupations de la délégation du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest. La sous-région est, en effet, confrontée depuis plusieurs années à une situation d'insécurité liée aux divers trafics et aux actions de groupes armés terroristes. Des facteurs historiques et géographiques permettent d'en comprendre la réalité : territoire en partie désertique, populations nomades, porosité des frontières, imbrication des intérêts économiques et politiques, ...

« Depuis quelques années, la zone sahélo-saharienne est perçue par les pays occidentaux comme un espace particulièrement dangereux marqué par la montée de l'insécurité, les crises politiques et les flux mal contrôlés d'hommes, d'armes et d'autres biens licites et illicites » . 3 ( * ) « L'urgence est aujourd'hui à une action globale (gouvernance, sécurité, développement...) à dimension régionale ». 4 ( * )

A. LE NIGER, UN ILÔT DE PAIX DANS UN OCÉAN TROUBLE

Le Niger apparaît comme l'allié principal de la France dans la zone et le plus sûr à l'heure actuelle. Il est l'élément stabilisateur au sein d'un ensemble de pays politiquement ou militairement plus fragiles. Lors de leurs entretiens avec la délégation, les responsables politiques nigériens l'ont décrit comme une « enclave dans une zone de foyers d'insécurité » . Ils ont ainsi fait part de leurs difficultés à assurer la protection et le contrôle d'un vaste territoire de plus d'1,2 million de km 2 dont la porosité des frontières est une réalité indéniable. Les problèmes religieux s'affranchissent des frontières, qui s'avèrent de toute façon très difficiles à contrôler en raison même de la topographie du terrain.

Les autorités politiques nigériennes ont tenu à mettre en avant les efforts remarquables accomplis par leur pays dans la lutte contre l'insécurité et le terrorisme.

Ce pays fait toutefois face à une situation intérieure et extérieure difficile liée à la crise sécuritaire qui frappe la région. Les trafics d'armes et de stupéfiants se multiplient.

Le pays partage, en effet, des milliers de kilomètres de frontières avec des voisins plutôt fragiles : Libye, Nigéria et Mali constituent aujourd'hui les principales menaces, dont l'apparition et le développement se sont échelonnés dans le temps. La menace terroriste y est très forte, l'expansion de la secte Boko Haram relevant le niveau d'insécurité

La question libyenne et la recherche d'une solution militaire et politique dans cette zone constituent un préalable à la stabilité de la bande sahélo-saharienne. La circulation des armes dans l'espace sahélien résulte en effet largement d'un conflit libyen resté en suspens.

Ainsi, très préoccupé par la situation de la Libye, « lieu de tous les trafics » , M. Mohamed Ben Omar, 4 ème vice-président de l'Assemblée nationale du Niger, a déploré un « service après-vente non assuré » par la France. M. Massaoudou Hassoumi, ministre de l'Intérieur du Niger, considère l'intervention des Occidentaux en Libye comme un « accélérateur puissant » de l'action des groupes terroristes dans la zone, la disparition du régime de Kadhafi ayant laissé place au chaos en l'absence de « politique de l'après ».

Le dispositif mis en place par les autorités nigériennes a pour objectif de bloquer toute velléité d'infiltration de groupes et d'hommes armés sur la frontière avec la Libye afin de « faire de la frontière Libye-Niger un verrou » , selon l'expression du ministre. Ce dispositif est appelé à monter en puissance. Selon M. Mohamed Bazoum, ministre des Affaires étrangères du Niger, les islamistes sont aujourd'hui majoritaires en Libye, mais divisés, avec de nombreuses milices et tribus qui offrent un potentiel de conflit très important.

Depuis le déplacement de la délégation, une intervention internationale en Libye a été demandée par cinq États du Sahel, le Niger, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Burkina-Faso, le 19 décembre dernier. Ces pays appellent à la mise en oeuvre d'une force internationale pour « neutraliser les groupes armés ». Cette option ne fait pas l'unanimité, suscitant notamment des réserves de la part des autorités libyennes réfugiées à Tobrouk et de plusieurs pays de la région. La France a par ailleurs écarté, au début du mois de janvier, toute intervention strictement française.

L'autre foyer d'inquiétude est le Nigéria, actuellement en prise aux assauts du mouvement Boko Haram, dont l'expansion est favorisée par une extrême pauvreté et l'absence de perspectives pour la jeunesse du pays. Alors que l'armée nigérienne a pu, par ses opérations, dans un premier temps, limiter les infiltrations des groupes terroristes et contrôler la frontière sud du Mali, l'efficacité de l'armée nigériane pâtit de sa désorganisation et de la corruption. Cette dernière, relevée par de nombreux interlocuteurs de la délégation, a affaibli la place de ce pays dans la sous-région alors même qu'il en était un élément important notamment sur le plan militaire.

L'implantation de la secte Boko Haram au nord du Nigéria, avec la prise de la localité de Damboa dans l'État de Borno et son influence grandissante sur ce territoire, est dès lors facilitée par l'affaiblissement de l'État et la déroute de l'armée nigériane. Considérées auparavant comme un problème circonscrit au nord-est du pays, les attaques de Boko Haram, qui ont fait plus d'une dizaine de milliers de morts et un million et demi de personnes déplacées depuis 2009, se sont propagées dans la région et ont révélé l'ampleur de la menace djihadiste. L'armée nigériane s'est depuis engagée dans des opérations militaires contre Boko Haram.

Suite à l'enlèvement, le 14 avril 2014, de plus de 200 lycéennes par le mouvement terroriste, qui a été condamné par l'ensemble de la communauté internationale et l'a mobilisée, la France a accueilli un sommet autour du Président nigérian, M. Goodluck Jonathan, pour établir une stratégie régionale contre la secte islamiste. Sans intervenir directement, Paris souhaite mettre son expertise à la disposition des pays frontaliers.

Sommet de Paris pour la sécurité du Nigéria - 17 mai 2014

Conclusions

Les Chefs d'État du Bénin, du Cameroun, de la France, du Nigéria, du Niger et du Tchad, ainsi que les représentants des États-Unis, du Royaume Uni et de l'Union Européenne, ont participé le 17 mai 2014 à Paris à un sommet consacré à la sécurité du Nigéria. Ce sommet a permis d'intensifier la mobilisation régionale et internationale pour lutter contre le terrorisme du groupe Boko Haram.

La réunion s'est conclue sur plusieurs décisions qui permettront de renforcer la coopération entre les États de la région, à la fois pour permettre la libération des jeunes filles enlevées [en avril 2014] et plus largement pour lutter contre Boko Haram. Les partenaires présents (France, États-Unis, Royaume-Uni, Union européenne) s'engageront à soutenir cette coopération régionale et à renforcer le dispositif international de lutte contre Boko Haram et de protection des victimes. Tous les États réaffirment leur engagement en faveur des droits de l'Homme, et en particulier la protection des droits des jeunes filles victimes de violences, de mariages forcées ou menacés d'esclavage.

- Coopération régionale : le Nigéria et ses voisins développeront des capacités d'analyse et de réaction qui contribueront à renforcer la sécurité de toutes les populations et l'État de droit dans les zones affectées par l'action terroriste de Boko Haram. Pour lutter contre la menace créée par Boko Haram, qui s'est dernièrement manifestée par plusieurs attentats meurtriers et par l'enlèvement de plus de 270 lycéennes, le Nigéria et ses voisins décident d'immédiatement de :

1. Sur une base bilatérale : procéder à des patrouilles coordonnées dans un objectif de lutte contre Boko Haram et de recherche des disparues ; mettre en place un système de partage du renseignement afin de soutenir cette action opérationnelle ; mettre en place des mécanismes d'échanges d'information sur les trafics d'armes et renforcer les mesures de sécurisation des stocks des armées et mettre en place des mécanismes de surveillance des frontières.

2. Sur une base multilatérale : mettre en place une cellule de fusion du renseignement ; instituer une équipe dédiée qui identifiera les moyens à mettre en oeuvre et élaborera dans un second temps une stratégie régionale de lutte contre le terrorisme, dans le cadre de la Commission du Bassin du Lac Tchad ; cette approche s'inscrit dans la logique du sommet de la Commission du Bassin du Lac Tchad de 2012. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'UE coordonneront leur soutien à cette coopération régionale : expertise technique, programmes de formation, soutien à des programmes de gestion des espaces frontaliers.

- Action au niveau international : les participants s'engagent à accélérer la mise en place de sanctions internationales, en priorité dans le cadre des Nations Unies, à l'encontre de Boko Haram, d'Ansaru et de leurs principaux responsables.

- Mobilisation en faveur des zones marginalisées et de leurs populations fragiles, notamment les femmes exposées aux violences.

Le P3 et l'UE s'engagent à mobiliser les bailleurs de fonds en faveur de programmes favorisant le développement socio-économique des régions concernées, avec un accent particulier sur l'égalité femme-homme, les droits des femmes et des filles et notamment leur droit à l'éducation, le renforcement de la participation des femmes à tous les processus de décision ainsi que le soutien aux victimes de violences sexuelles (assistance juridique, aide médicale et soutien psycho-social). L'UE dédiera un certain nombre de ces programmes en ce sens et renforcera son action de lutte contre la radicalisation.

Les participants sont convenus que le Royaume Uni accueillerait une réunion de suivi le mois prochain au niveau ministériel pour faire un point des progrès de ce plan d'action.

Source : Site internet de la Présidence de la République (www.elysee.fr)

Le Niger entretient des liens historiques, linguistiques et culturels forts avec le Nigéria, ainsi que d'importants liens commerciaux.

Après avoir déployé des unités mixtes de police, de gendarmerie et de la garde nationale dans la zone de Zinder, à Diffa, en raison de la proximité de bases de Boko Haram situées sur la frontière ces derniers mois, le Niger a proclamé, le 10 février 2015, l'état d'urgence dans cette région suite aux récentes attaques répétées du groupe. La secte a en effet mené ses premières actions contre le Niger le 6 février. Le Parlement a d'ailleurs autorisé l'envoi de quelque 750 hommes au Nigeria pour le combattre. Ces militaires doivent rejoindre une force multilatérale mixte de 8 700 hommes venant des armées du Nigeria, du Tchad, du Cameroun et du Bénin. Ces pays veulent aussi déposer très rapidement un projet de résolution devant le Conseil de sécurité de l'ONU afin de rendre opérationnelle la force mixte. Les récents affrontements à Karamga, un village proche du lac Tchad, et l'assaut qui s'en est ensuivi ont malheureusement provoqué la mort de sept soldats nigériens.

L'appel à l'aide du président nigérian aux États-Unis traduit cette emprise croissante des djihadistes de Boko Haram sur le territoire frontalier avec le Niger et le Tchad. En visite au Niger le 22 février 2015, le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, a rappelé que le Nigéria devait s'engager pleinement dans la lutte contre les islamistes de Boko Haram.

Le groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest est particulièrement préoccupé par cette situation qui menace désormais directement quatre pays et qui témoigne malheureusement de l'impasse dans lesquels se trouve cette région pour faire face aux attaques d'ampleur du groupe islamiste terroriste. La délégation avait été alertée par les autorités nigériennes rencontrées en septembre dernier sur cette menace dont elle avait déjà mesuré l'ampleur du danger.

Les autorités nigériennes se sont également, à plusieurs reprises, fortement inquiétées auprès de la délégation du groupe d'amitié de la situation sécuritaire de leur voisin malien. Le Niger est engagé militairement dans les efforts de stabilisation régionale au Mali dans le cadre de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali). L'armée nigérienne est considérée par les experts militaires comme l'une des plus opérationnelles de la force africaine. Actuellement, 675 soldats nigériens sont déployés au Nord-Mali.

Face à la dégration de son environnement, le Niger a axé sa politique sur des priorités essentiellement sécuritaires et engagé des efforts financiers considérables dans le domaine de la sécurité. Des ressources importantes ont été réorientées vers le budget de la défense, qui a doublé depuis 2012 et représente aujourd'hui 240 millions d'euros, soit 25 % de celui de l'État, effectifs compris. Ces efforts semblent pris en compte et reconnus par l'Union européenne, et plus particulièrement par la France, qui en apprécie l'ampleur. L'armée nigérienne comprend actuellement 12 à 13 000 hommes, dont 2 000 sont déployés dans le cadre de la « Minusma » et en Côte-d'Ivoire, et un peu moins de 2 000 sur les sites d'extraction de l'uranium et du pétrole. Il convient de noter que les effectifs des forces de sécurité augmentent de manière constante, avec le recrutement de plus de 1 000 policiers et 1 000 gardes nationaux chaque année depuis trois ans.

Par ailleurs, les autorités nigériennes sont extrêmement attentives à instruire tous les dossiers liés aux affaires de terrorisme et au trafic de drogues dans le respect des règles de procédure. Le Niger peut être considéré comme le pays le plus stable et le plus actif dans la lutte contre le terrorisme dans la zone sahélo-saharienne. Pour le Premier ministre du Niger le Président Issoufou a réussi à maintenir l'unité nationale, la présence de l'Etat dans le nord du pays et l'intégration de la communauté touareg dans les sphères politiques.

B. UNE SITUATION TOUJOURS PRÉOCCUPANTE DANS LE NORD-MALI

La situation dans le nord du Mali s'avère toujours très préoccupante. Les groupes armés s'y déploient sur un territoire vaste et peu peuplé, qui leur permet d'y être mobiles, tout en utilisant la terreur à l'égard des populations. Certaines estimations évoquent le nombre de 600 terroristes dont 250 très actifs.

On peut distinguer les zones d'influence des groupes terroristes : Al--Qaïda au Maghreb islamique, Anser Eddine et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) devenu Al Moulathamine. Ces groupes ont une excellente connaissance du terrain et cherchent à instrumentaliser les rivalités communautaires afin de bloquer tout processus politique de paix. Par leurs actions de harcèlement, leur utilisation d'engins explosifs ou leurs attaques à la roquette artisanale, qui ont une forte incidence sur le plan médiatique, ils espèrent isoler le nord du Mali afin d'en faire leur bastion. Leur stratégie de harcèlement des troupes occidentales et de leurs alliés africains, associée aux tensions communautaires, s'y est déjà largement déployée.

Qualifié par le ministre de l'Intérieur nigérien de « foyer d'insécurité de basse intensité » , en comparaison de son voisin libyen de « haute intensité » , ce territoire se révèle très difficile à contrôler par les forces policières et militaires. Le Niger a déployé ainsi 5 000 soldats à la frontière du Mali.

Bilan de la Conférence des donateurs - Bruxelles, 15 mai 2013

Treize chefs d'État et cent sept délégations ont participé à la conférence des donateurs pour réaffirmer leur soutien au peuple malien et leur appui au Plan pour la relance durable adopté par les autorités maliennes.

La France s'est engagée à verser 280 millions d'euros à titre bilatéral, en plus de sa contribution à titre multilatéral. Nous participerons notamment à hauteur de 20 % à l'aide de l'Union européenne, d'un montant de 520 millions d'euros.

Au total, des promesses d'aide d'un montant de 3,2 milliards d'euros ont été confirmées par les pays participants.

Des mécanismes de transparence et de suivi ont été mis en place. Comme l'a indiqué le ministre des affaires étrangères le 14 mai, le versement des aides ira de pair avec les avancées du processus de dialogue et de réconciliation.

Ce haut niveau de participation et de contribution constitue un succès pour cette conférence qui doit permettre d'assurer une sortie durable de crise du Mali.

Source : site internet du ministère des Affaires étrangères (www.diplomatie.gouv.fr)

La zone du nord du Mali a connu ces derniers mois de nouvelles attaques, notamment djihadistes, prenant pour cible les forces maliennes et étrangères mais aussi les populations civiles. Un dixième militaire français a ainsi trouvé la mort en octobre dernier dans le massif du Tigharghar lors d'une opération des forces françaises contre des combattants islamistes. Des heurts ont également opposé depuis le début de l'année des groupes rebelles, rendant ainsi fragile le respect de l'accord de cessez-le-feu entre le gouvernement malien et les groupes armés dans le nord du pays.

C. UNE COOPÉRATION ET UNE INTERVENTION MILITAIRE FRANÇAISES SANS VOIX DISCORDANTE

L'intervention française au Mali a été saluée et défendue par l'ensemble des interlocuteurs de la délégation. La participation de l'armée nigérienne à cette opération a été votée à l'unanimité de l'Assemblée nationale de ce pays. Il existe, en effet, un consensus politique sur ce point, qui s'est dégagé de l'ensemble des entretiens qui ont été accordés à la délégation. Le maintien de la paix et de la sécurité dans la sous-région ne peut être assuré par les seules forces militaires africaines. Le Premier ministre du Niger, M. Brigi Rafini, a tenu à souligner qu'il avait « senti la France à [ses] côtés depuis que ces événements ont surgi dans la sous-région » .

1. De l'opération Serval à l'opération Barkhane

En vertu de la résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité de l'ONU, en date du 25 avril 2013, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a succédé, le 1 er juillet 2013, à la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma).

L'opération Serval lancée par la France le 11 janvier 2013 a permis au Mali de recouvrer son intégrité territoriale et de réduire l'intensité de la menace terroriste. Cette intervention militaire a créé les conditions d'un retour à l'ordre constitutionnel et de la stabilisation du pays, avec l'élection en août 2013 d'un nouveau président de la République, M. Ibrahim Boubacar Keïta, qui a recueilli 77,61% des voix (résultats officiels).

Le 1 er août 2014, l'opération Barkhane a remplacé les opérations Serval et Épervier . Venant en appui aux pays partenaires de la bande sahélo-saharienne , elle repose sur trois  piliers : paix, sécurité et développement. Elle est conçue comme une mission d'accompagnement des États africains pour leur permettre d'assurer eux-mêmes leur propre sécurité, dans une approche à la fois globale et régionale.

La zone d'intervention s'étend de la Mauritanie au Tchad. La totalité des forces et des moyens est concentrée à Gao : 3 000 soldats, 20 hélicoptères, 10 avions de transport, auxquels s'ajoutent les moyens de renseignement présents à Niamey.

Barkhane a défini trois zones d'action : la région de Gao, Tombouctou et la forêt, et Kidal, la menace la plus forte se situant dans cette dernière région. L'opération comprend un volet de renforcement des liens avec les populations, pour laquelle un budget dédié de 300 000 euros est prévu.

Il s'agit aussi de mettre Barkhane en appui des bailleurs de fonds et des agences du gouvernement malien afin d'initier le développement du Mali, plus particulièrement celui des villes du nord. La première tranche qui s'est achevée à la fin du mois de juillet dernier, comprenait 19 projets au profit des communes pour un montant de 600 000 euros. La seconde tranche, lancée en août 2014, regroupe 86 projets au profit d'associations, et d'entrepreneurs locaux, financés à 75 % par l'Ambassade de France et à 25% par l'agence malienne. Ces projets se situent autour de quatre villes du nord et rayonnent dans les villages environnants.

Le Niger a accepté la présence sur son territoire des forces armées françaises et américaines. Lors de sa visite du détachement Air de l'armée française situé sur l'aéroport de Niamey, sous la conduite du Colonel Bruno Merret, ont été présentées à la délégation les capacités offertes par les drones Reaper et Harfang dans la détection et l'identification au sol de cibles potentielles, notamment de l'armement individuel, avec une transmission de l'image en temps réel, et par les Mirage 2000 en matière de destruction.

Le visionnage de l'enregistrement d'une opération menée au nord du Mali a permis à la délégation de se rendre compte des conditions dans lesquelles sont conduites les opérations anti-terroristes menées par l'armée française et du soutien logistique apporté par les drones de reconnaissance dans la collecte du renseignement.

La délégation a été très impressionnée par les opérations de renseignement et de lutte contre les groupes armées terroristes conduites par ce détachement dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, et tient à saluer son professionnalisme et son expertise.

2. Un exemple de coopération : le SCLCT

Le Service central de lutte contre le terrorisme (SCLCT), qu'a eu l'occasion de visiter la délégation du groupe d'amitié, a été mis en place dans le cadre d'une coopération avec la France. Ce service est opérationnel depuis septembre 2009 et placé sous l'autorité du directeur général de la police nationale du Niger. Il comprenait au départ dix commissaires et officiers de police judiciaire, puis a été progressivement complété à quasi-parité par des effectifs de la gendarmerie nationale et de la garde nationale du Niger. Il compte actuellement 81 fonctionnaires.

Le service de sécurité intérieure (SSI) de l'Ambassade de France accompagne le SCLCT depuis sa création en formation et équipements (projet FSP JUSSEC SI «Justice et Sécurité en région sahélo-saharienne»). Doté d'un budget propre, et ayant mené à bien plus d'une centaine d'affaires liées aux principaux groupes terroristes d'Afrique de l'Ouest, notamment de démantèlement de réseaux, le SCLCT peut être aujourd'hui considéré comme un opérateur incontournable de la lutte contre le terrorisme.

L'expertise technique apportée par la France a permis d'évoluer vers une coopération d'accompagnement et de la concrétiser par des résultats solides dans la lutte contre les groupes terroristes au Sahel. Ainsi, des formations à la procédure pénale, aux filatures et à la collecte et au traitement de renseignements, à la saisie informatique et aux aspects psychologiques des auditions ont été assurées par des spécialistes français.

La France apporte également son appui au projet JUSSEC, programme de réforme des systèmes judiciaire, douanier et de sécurité intérieure.

3. La coopération européenne

La mission civile EUCAP SAHEL, qui relève de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), a été lancée le 1 er août 2012 en réponse à la demande des autorités concernées. Sont proposées des actions de formation et de conseil auprès des forces de sécurité intérieure du Niger et du Mali, qui s'inscrivent dans l'objectif d'un meilleur contrôle du territoire dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Les experts de l'Union européenne forment et entraînent les forces de sécurité nigériennes et maliennes, pour une durée de deux ans. C'est un enjeu essentiel pour assurer la stabilité de ces pays et soutenir les réformes entreprises.

La mission s'inscrit dans le cadre de l'adoption par l'Union européenne d'une « Stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel », adoptée en mars 2011, qui concerne surtout le Mali, la Mauritanie et le Niger, et tend à compléter les autres instruments européens de développement et de stabilité mis en place. Cette stratégie s'articule autour de quatre axes principaux :

- permettre aux pays de la région d'assurer leur sécurité, indispensable à leur développement économique et à la réduction de la pauvreté ;

- soutenir et renforcer la coopération régionale ;

- renforcer les capacités des Etats de la région dans le domaine des actions essentielles des pouvoirs publics ;

- encourager le développement économique des populations du Sahel et contribuer à créer un environnement plus sûr, tout en préservant les intérêts des citoyens européens.

Par ailleurs, à la demande des autorités maliennes, et conformément aux décisions internationales prises en la matière, en particulier la résolution 2085 (2012) du Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union européenne a lancé le 18 février 2013 la mission de formation des forces armées maliennes EUTM Mali.

Cette mission, qui n'a pas de visée militaire directe et s'inscrit dans le processus de réconciliation nationale, se situe hors du théâtre des affrontements armés et doit permettre d'accompagner les autorités maliennes dans la reconstitution de leur armée, afin de contribuer à un retour à l'ordre dans la partie nord et d'assurer une réforme des forces armées, après la lourde défaite de l'armée malienne face aux groupes armés à Kidal.

Les formateurs de l'EUTM regroupent vingt-trois nationalités, et un effectif de 577 personnes, réparties entre l'état-major de Bamako et le camp d'entraînement à Koulikoro. Les quatre pays principaux contributeurs sont l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique et la France, pour un coût de 30 millions d'euros sur deux ans. La France est le pays le plus impliqué dans cette mission de formation.

La délégation a rencontré le Général de brigade Marc Rudkiewicz, responsable de la mission de mars à octobre 2014 à Bamako. Elle a ainsi pu mesurer la qualité de l'encadrement et sa grande expertise de la situation et de ses enjeux.

La mission comprend deux volets, une action de formation militaire individuelle et collective, et une action de conseil en appui au ministre de la défense. En premier lieu, il s'agit d'une mission d'entraînement des soldats maliens et, plus particulièrement, de formation des groupements techniques interarmes en capacité d'action avec les moyens dont dispose le Mali pour assurer la sécurité de son territoire. Cette formation se déroule sur une période de douze semaines.

Après un premier mandat de février 2013 à mai 2014, qui a permis la formation de quatre groupements tactiques interarmes (trois déjà effectifs au nord, un quatrième en voie de reconstitution au sud), un second mandat a été défini pour une période de deux ans et doit conduire au doublement de ce nombre.

En second lieu, l'appui à la réforme de l'armée malienne comprend une fonction d'audit et de conseil, assurée par vingt conseillers francophones expérimentés. L'horizon de 2018 a été fixé pour atteindre un modèle d'armée. Le projet de loi d'orientation et de programmation militaire pour les années 2015-2019, examiné lors de la dernière session extraordinaire de l'Assemblée nationale, enclenche ainsi le début du processus politique, après sa présentation au Premier ministre le 21 août dernier.

L'appui au pilotage de la réforme comprend un accompagnement logistique et d'intelligence. Le projet est piloté par l'armée de terre française pour la gestion des ressources humaines maliennes, en coordination avec les équipes de CAP Sahel et de la Minusma.

Visite du détachement Air de l'armée
française situé sur l'aéroport de Niamey

II - LES DÉFIS DU DÉVELOPPEMENT FACE AUX ENJEUX POLITIQUES

Les questions sécuritaires ne peuvent s'affranchir d'autres problématiques plus larges telles que la pauvreté, les effets du changement climatique, la fréquence des crises alimentaires ou les tensions internes. La création du G5 Sahel regroupant les cinq pays du Sahel, la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, a ainsi pour ambition de coordonner les politiques de développement et de sécurité notamment dans la perspective de l'utilisation de l'enveloppe de 8 milliards d'euros promise par la communauté internationale pour des investissements dans ces deux domaines.

Les gouvernements nigérien et malien accordent la priorité économique au développement de l'agriculture, qui bénéficie d'atouts considérables : surface de terres arables non encore exploitées, système d'irrigation alimenté par le fleuve Niger, ...

Lors de la Conférence sur le développement et la sécurité au Sahel qui s'est déroulée en 2011, des projets avaient été lancés qui ont malheureusement dû être interrompus en raison de la situation sécuritaire.

A. AU NIGER

1. Le développement du Niger peut-il répondre au défi démographique ?

La paix et la stabilité dans la sous-région sont des conditions essentielles au développement économique. L'économie du Niger est fortement tributaire de la situation sécuritaire qui affecte notamment le tourisme du pays. Le tarissement des flux touristiques, principalement dans le nord du Niger, impacte négativement la création de richesses et d'emplois. Or au début des années 2000, le secteur du tourisme était prospère, plus particulièrement dans le nord du pays (région d'Agadez).

a) De nombreux indicateurs « dans le rouge »

Le Niger est également confronté à d'importants défis structurels. En effet, l'attention portée aux questions sécuritaires ne doit pas masquer les grandes difficultés qu'il rencontre. Tous les indicateurs se situent dans le rouge. Avec 7,6 enfants par femme, ce pays connaît la plus forte croissance démographique au monde, soit 3,9 % par an, ce qui bloque son potentiel de développement économique. 60 % de sa population vit avec moins d'un dollar par jour. Ce problème est aggravé par un très fort taux d'analphabétisme résultant d'un faible taux de scolarisation : à 25 ans, un Nigérien a passé en moyenne un an et demi à l'école.

Au regard de l'évolution du PIB par habitant, on assiste à un appauvrissement continu du pays. Conforté par des traditions religieuses et culturelles, l'accroissement de sa population conduit à disposer d'une main oeuvre nombreuse. Par ailleurs, le Niger est essentiellement un pays rural qui n'a pas encore amorcé de transition urbaine.

b) L'indispensable aide au développement

Dans ce contexte, l'aide publique au développement est perçue comme un appui aux politiques d'emplois et une réponse, certes imparfaite, aux tentations d'une jeunesse nombreuse, pauvre et désoeuvrée, malgré des difficultés en termes d'absorption dans le cycle économique. Les parlementaires nigériens ont ainsi exhorté la France à maintenir, et même à renforcer, son aide au développement. Un désengagement de notre pays donnerait un signal symptomatique aux bailleurs émergents de l'aide internationale, déjà présents, tels que la Chine ou l'Inde, d'y investir davantage. D'ailleurs, la Chine consolide sa présence dans ce pays en investissant financièrement dans la construction d'infrastructures essentielles à son développement (échangeur de Niamey, hôpital de référence de Niamey).

Au Niger, l'aide publique au développement, en hausse depuis les années 1990, représente 60 % du budget d'investissement et 40 % du budget de l'État. Son montant s'élevait à 70 millions d'euros en 2010. Ce pays appartient à la double catégorie prioritaire des pays pauvres prioritaires et de la zone sahélienne. Les efforts de la France y sont très importants.

Un document cadre de partenariat entre la France et le Niger a été signé le 25 novembre 2013, pour la période 2013-2016, qui confirme les engagements de la France et prévoit une enveloppe de 200 millions d'euros pour la période 2012-2015.

Le document-cadre de partenariat entre la France et le Niger

Ce document concentre notre aide sur les secteurs suivants :

- Le développement durable (85 à 105M€ de nouveaux engagements) : eau et assainissement, énergie, appui au secteur privé.

- Le développement humain (29 à 47M€) : appui à l'éducation et formation professionnelle, l'enseignement supérieur et la recherche, ainsi que la santé.

- La sécurité alimentaire et développement rural (30 à 40M€) : appui au programme de Kandadji (barrage), aide alimentaire.

- Le soutien à la stabilité et la sécurité (28,1M€) : appui à la gestion des finances publiques, la sécurité et la justice, la décentralisation et le soutien à la société civile.

- La diversité culturelle et la francophonie (4,1M€).

Les activités de l'Agence française de développement au Niger ont reçu une autorisation de 77,5 millions d'euros en 2013, volume en constante augmentation.

c) La prévention des crises alimentaires

La France intervient également dans le domaine de la sécurité alimentaire. Lors de la crise alimentaire de 2012, qui a touché plus de 18 millions de personnes, l'appui de la France au Programme alimentaire mondial a été de 10 millions d'euros pour le Sahel et de 6,5 millions d'euros pour le dispositif nigérien de prévention et de gestion des risques.

L'agriculture et l'élevage sont les deux piliers de l'économie du Niger, et occupent 85 % de la population active. Néanmoins, la sécurité alimentaire constitue un problème structurel pour les dirigeants politiques depuis l'indépendance du pays. Le premier plan triennal de développement du Niger, en 1962-1963, posait le principe que l'autosuffisance alimentaire ne pourrait être obtenue sans la maîtrise du facteur hydraulique. Or, la politique d'aménagement hydro-agricole menée en coopération entre le Niger et la CEE a ensuite été délaissée au profit de grands projets de développement sans succès.

L'initiative « les Nigériens nourrissent les Nigériens » (« 3 N »), qui figurait dans le programme du Président Issoufou, dit « programme de la renaissance », renoue avec cette préoccupation d'autosuffisance alimentaire. L'accès à l'alimentation est notamment déterminant dans le calcul de l'indice de développement humain (IDH) puisqu'il influence d'autres facteurs. Le Niger a le triste record du plus faible IDH au monde pour l'année 2012 (0,304) soit un niveau pratiquement inchangé. Il connaît un taux de malnutrition sévère de l'ordre de 14 % et chronique de 40 %. Les dirigeants de ce pays qu'a rencontrés la délégation lui ont fait part de leurs fortes préoccupations à l'égard de ce très mauvais classement.

L'intensification des cultures agricoles repose sur la maîtrise de l'irrigation. Il s'agit de mettre en oeuvre des programmes d'aménagement avec des technologies facilement maîtrisables. Depuis 2012, des programmes spécifiques pour les régions sahélo-sahariennes marginalisées sont initiés afin d'améliorer les conditions de vie des populations autochtones.

2. Les projets et initiatives de terrain : des grands chantiers à la lutte contre la désertification

Dans le cadre de la Présidence Issoufou, de grands chantiers de construction de nouvelles infrastructures ont été initiés au Niger : le barrage de Kandadji, les routes afin de désenclaver le pays, le rail qui comprendra à terme une ligne allant d'Abidjan à Cotonou via Niamey, la fibre optique, le gazoduc qui reliera le Nigeria à l'Algérie, en passant par le Niger.

Interrogé également sur le développement de la zone d'Agadez et du pays Touareg, le Premier ministre, M. Brigi Rafini, a rappelé qu'il s'agit de zones particulièrement enclavées et qu'il est absolument nécessaire d'en assurer le développement pour améliorer les conditions de vie des populations, qui ne sont pas que touaregs, mais aussi peules et arabes. Et dans ce domaine, le Niger s'en sortirait mieux que ses voisins, avec notamment le programme SDS (Stratégie Défense et Sécurité - Sahel/Niger), qui est certes coûteux et sur lequel les partenaires techniques et financiers ne se bousculent pas, mais qui a permis d'éviter jusqu'à présent la situation catastrophique et les conséquences que l'on connaît au Mali.

a) Dosso ou les ambitions économiques et agricoles d'une région

La délégation a eu l'occasion de se rendre à Dosso, située dans la partie sud du Niger, sous escorte policière, pour y rencontrer les autorités locales : le gouverneur de la région de Dosso, M. Seydou Zataou Ali, le préfet de département de Dosso, M. Garba El Hadji Issoufou, le deuxième vice-président du conseil régional, M. Adabi Issa, le maire de Dosso, M. Idrissa Issoufou, et le sultan de la région de Dosso, M. Djermakoye Maidanda Hamadou Saidou, et s'entretenir notamment des projets de développement rural.

Visite de la commune de Dosso

Elle a ainsi visité les différents chantiers de construction et de rénovation des infrastructures : future gare ferroviaire, ensemble de logements « cité du 18 décembre », nouvel hôtel de ville, arène, stade, ... La ville de Dosso bénéficie d'une restructuration de ses différentes infrastructures dans le cadre de la fête nationale qui s'y est déroulée le 18 décembre en présence du Président de la République du Niger.

La région de Dosso comprend huit départements et quarante-trois communes dont huit sont considérées comme urbaines. Peuplée de 2,713 millions d'habitants (2012), elle offre de grandes potentialités dans le domaine agricole. Une meilleure exploitation de ses ressources agricoles permettrait, d'après les informations recueillies, de nourrir l'ensemble de la population du Niger.

Dans le cadre de l'initiative « 3N », des expériences de cultures irriguées sont menées dans cette région afin de diffuser cette méthode auprès de l'ensemble des populations agricoles. L'utilisation du facteur eau dans l'agriculture est l'axe principal de développement de la production agricole. Le monde agricole est encore organisé de façon traditionnelle et les exploitations sont dominées par un modèle familial. D'une surface moyenne d'un hectare, elles doivent nourrir une dizaine de personnes.

Le gouvernement souhaite attirer des investisseurs afin de favoriser la réorganisation agricole et d'accroître les surfaces exploitées pour en augmenter les capacités de production.

b) Une coopération réussie : la lutte contre la désertification dans la commune de Youri

La Fédération des unions d'associations de développement « Marhaba » regroupe 56 associations villageoises de développement. Créée en 2001, elle compte environ 6 300 membres, dont 43% de femmes. Elle mène notamment des actions de lutte contre l'érosion.

Un projet mené avec la fédération Marhaba et le réseau des chambres d'agriculture en matière de restauration des sols et de lutte contre la désertification a été présenté à la délégation lors de sa visite de la commune de Youri dont le maire est le président du groupe Niger-France de l'Assemblée nationale du Niger. Ce village est situé sur les rives du fleuve Niger et ses terres subissent une très forte dégradation en particulier à l'occasion de ses crues, dégradation qui affecte la surface de terres agricoles et la végétation utilisée pour les fourrages et le bois.

La désertification au bord de l'eau

Pour bénéficier des fonds de l'Initiative régionale environnement mondiale et lutte contre la désertification (IREM-LCD) en Afrique saharienne, la société' civile (ONG, associations locales, organisations communautaires de base) des États membres du Comité inter-État de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) monte des documents de projet. L'adéquation de ces microprojets avec les politiques et priorités nationales de mise en oeuvre de la CCD est vérifiée au niveau national et les projets sont transférés au CILSS par les États. Les projets sont examinés au CILSS par une cellule technique qui appuie les candidats pour renforcer leurs propositions de projet sur les plans techniques, financiers et rédactionnels. Les projets reçus sont ensuite soumis a` un comite' de sélection d'experts base' a` Paris qui décide de l'octroi ou non de subventions de l'IREML-LCD pouvant atteindre 100 000 euros. Les projets doivent s'appuyer sur un cofinancement.

Situe' au bord du fleuve Niger, le village de Youri (Niger) est directement affecte' par le processus de désertification. Le déboisement et le surpâturage des plateaux surplombant le village les ont transformés en surfaces planes et dénudées. Dès qu'il pleut, les eaux ruissellent sur ces plateaux et alimentent un kori (oued, rivière temporaire).

Chaque année, ce ruissellement élargit le cours du kori qui « grignote » alors les terres de culture et les habitations. Le village est ainsi amené' à se déplacer au fur et à mesure. Ce ruissellement charrie beaucoup de sable qui se jette en contrebas dans le fleuve Niger. Les anciens du village disent que dans leur jeunesse, même les hommes forts ne pouvaient traverser le fleuve à gué à Youri. Aujourd'hui, même les enfants le traversent en saison sèche, ce qui donne une idée de l'ensablement dufleuve notamment par l'apport de sable des oueds comme celui de Youri.

En concertation avec les populations, l'ONG Marhaba a entrepris en 2005 un projet d'aménagement anti-érosif des plateaux surplombant le village. Bénéficiant d'une subvention de l'IREM-LCD, ce projet a construit plus de 900 banquettes pour limiter l'écoulement des eaux sur une surface de 150 ha. Bénéficiant ensuite de reboisement, les plateaux aménagés seront alors moins sujets au ruissellement de grande envergure grâce a` la reconstitution du couvert végétal. En contrebas, des tranchées seront creusées dans la pente pour ralentir l'écoulement des eaux et des digues seront aménagées dans la plaine pour contenir le kori. Ainsi l'oued verra sa croissance maitrisée, le village et les terres de Youri seront épargnés et l'apport de sable dans le fleuve sera réduit.

Source : Comite' Inter-États de Lutte contre la Sècheresse dans le Sahel (CILSS)

3. Les questions institutionnelles au coeur de la démocratie nigérienne
a) Le fonctionnement de l'institution parlementaire contesté par l'opposition

La délégation sénatoriale a souhaité s'entretenir avec les représentants de l'ensemble des partis politiques du Niger. Elle a ainsi eu l'occasion de rencontrer des représentants de l'Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République (ARDR), qui regroupe les trois principaux partis de l'opposition. C'est le ralliement du Président de l'Assemblée nationale du Niger, M. Hama Amadou, à l'opposition en août 2013, après sa rupture avec la coalition gouvernementale, qui a entraîné la création de cette Alliance.

L'Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République se compose :

- de la Convention démocratique et sociale (CDS) de l'ancien président de la République (1993-1996), M. Mahamane Ousmane ;

- du Mouvement national pour la Société de développement (MNSD) du chef de file de l'opposition, M. Seyni Oumarou ;

- du parti LUMANA présidé par M. Hama Amadou, président de l'Assemblée nationale aujourd'hui réfugié en France et que la délégation a pu rencontrer à Paris quelques semaines après son retour.

Lors de cet entretien, l'ancien président de la République a dénoncé l'action du Président Issoufou, estimant qu'il mène une politique contraire aux principes démocratiques. Il a déploré l'instabilité institutionnelle chronique de son pays. Il a ainsi considéré que la séparation des pouvoirs n'était plus respectée et rappelé que la justice « en principe doit rendre des décisions équitables au nom du peuple et non du prince ! » . Il a également contesté les avis rendus par la Cour constitutionnelle. M. Mahamane Ousmane s'insurge donc contre cette pratique alimentée par le régime du président Issoufou, selon lui, et « totalement inconcevable dans une démocratie » , où l'on peut basculer d'un camp à l'autre, sans être exclu de son parti d'origine et avec l'aval des tribunaux judiciaires. Il s'est ainsi interrogé sur la double appartenance au gouvernement et à l'opposition de plusieurs personnalités politiques, qui lui paraît impossible.

Questionné sur ce point, le Premier ministre a déclaré à la délégation sénatoriale que la voie pacifique permettait de sortir de cette crise parlementaire et que « ces piques au niveau du Parlement » étaient des épiphénomènes qui ne compromettaient pas la vigueur de la démocratie nigérienne.

Suite à ces différents entretiens, la délégation sénatoriale ne peut qu'être extrêmement préoccupée par la situation politique du Niger et par les incertitudes qui pèsent sur le fonctionnement démocratique des institutions. Plusieurs responsables des principaux partis d'opposition ont en effet été convoqués par la police judiciaire dans le cadre d'une procédure ouverte suite à la publication par l'ARDR d'un document intitulé « Livre blanc des institutions de la République ». Le groupe d'amitié sera particulièrement attentif à l'évolution du climat politique ainsi qu'au respect des règles et des principes démocratiques.

b) Le cas du Président de l'Assemblée nationale

Alors que la délégation du groupe d'amitié avait prévu de rencontrer le Président de l'Assemblée nationale lors de son déplacement au Niger, le départ précipité de celui-ci de son pays à la fin du mois d'août ne l'a pas permis.

M. Hama Amadou, alors Président de l'Assemblée nationale, a été mis en cause par la justice nigérienne dans un trafic présumé de nouveau-nés, le 27 août 2014, et a quitté le Niger pour le Burkina-Faso avant de se rendre finalement en France, où il vit actuellement. Le bureau du Parlement venait d'autoriser son audition dans le cadre de l'enquête, puis un conseil des ministres avait validé la demande d'arrestation. Le gouvernement nigérien réfute la thèse d'un « complot politique ».

Depuis, l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 20 novembre 2014 a constaté la vacance du poste de président de l'Assemblée nationale et les députés ont procédé le 24 novembre à  l'élection du député M. Amadou Salifou comme successeur de M. Hama Amadou par 71 voix pour sur 76 votants et sans la participation de l'opposition, qui a préféré quitter l'hémicycle.

Le procès en « supposition d'enfants » contre une vingtaine de prévenus s'est ouvert en janvier dernier, mais le tribunal correctionnel de Niamey s'est déclaré incompétent, aucune juridiction civile ne s'étant jusqu'alors prononcée sur la filiation des bébés concernés, et a décidé d'abandonner les poursuites à l'encontre des personnes accusées, dont M. Hama Amadou et son épouse. Le parquet ayant fait appel de cette décision, la cour d'appel devrait se prononcer en mars 2015.

B. AU MALI

Le Mali est également un pays prioritaire de l'aide française 5 ( * ) . Confronté à une croissance démographique particulièrement forte (3,6 %), et se situant au 182 e rang de l'Indice de développement humain, ce pays est confronté à la nécessité d'un développement économique alors que sa situation sécuritaire demeure préoccupante.

Le Président Ibrahim Boubacar Keïta, élu le 4 septembre 2013, à la suite d'un coup d'État (22 mars 2012) et d'une vague d'attaques djihadistes menées à partir du nord, a annoncé un ambitieux programme de dialogue national et de réformes de gouvernance. Un ministère de la réconciliation nationale et du développement des régions du nord a été mis en place à l'issue des élections présidentielles.

1. Des réformes ambitieuses engagées

Le gouvernement malien a entrepris des réformes dans plusieurs domaines, finances publiques, institutions, gouvernance des entreprises et foncier. Ses réformes ont un double objectif, à savoir promouvoir le développement du pays et garantir le respect des règles et principes de la gouvernance démocratique. Les dirigeants rencontrés ambitionnent de redéfinir le rôle de l'État dans une stratégie de développement économique et social du pays.

La réforme foncière a été présentée à la délégation par le ministre des domaines de l'État, des affaires foncières et du patrimoine, M. Tiéman Hubert Coulibaly. Elle a pour finalité la mise en place d'un cadastre à l'horizon 2018. Son coût estimé est de 30 milliards de francs CFA sur cinq ans (45,6 millions d'euros). La réforme engagée, très ambitieuse, doit permettre de moderniser l'appareil d'État et de sa gouvernance.

Cette réforme engage l'avenir et la stabilité politique et économique du pays, tout en garantissant des ressources propres aux collectivités territoriales. La stabilité sociale du pays est en effet corrélée à sa capacité à gérer équitablement le domaine foncier. L'insécurité foncière qui caractérise les relations entre propriétaires et occupants au Mali est la principale source d'engorgement des tribunaux à l'heure actuelle : environ 80 % des conflits portés devant la justice traitent du domaine foncier. Cette instabilité est notamment à l'origine de drames familiaux. Lors de l'entretien avec la délégation, M. Tiéman Hubert Coulibaly a assuré que les recettes liées à la réforme seront supérieures à son coût dès lors qu'elle sera pleinement effective.

À cette occasion, le ministre a remercié la France pour la mise à disposition d'un conseiller dédié au sein de son cabinet. La réforme vise aussi à inclure une formation universitaire et continue dans tous les métiers liés au foncier.

La loi foncière agricole est en cours d'achèvement et conjugue un double objectif, maintenir une agriculture familiale et encourager la création d'agropoles, c'est-à-dire de technopoles agro-alimentaires. Le Mali ambitionne de devenir une puissance agricole, favorisée par un contexte de sécurisation foncière, et de contribuer à l'autosuffisance alimentaire des populations d'Afrique de l'Ouest.

2. Les négociations inter-maliennes et le processus de réconciliation nationale

Les négociations inter-maliennes qui se déroulent à Alger depuis le deuxième semestre 2014 ont pour objectif d'apporter une réponse politique aux revendications des groupes armées du nord du pays. Elles s'inscrivent dans la poursuite des efforts qui avaient déjà conduit à l'Accord préliminaire de Ouagadougou (18 juin 2013) et à la feuille de route signée par les parties maliennes le 24 juillet 2014 (« Feuille de route des négociations dans le cadre du processus d'Alger »), qui vise à aboutir à un accord de paix général et sans exclusive mettant un terme à la crise malienne. Les groupes terroristes sont exclus des pourparlers et sont combattus sur le plan militaire et idéologique. Les espoirs placés par le Mali dans ces accords sont immenses. Le processus de réconciliation nationale vise une paix durable au Mali et s'inscrit dans un programme de développement accéléré des régions du nord.

Un tel processus avait été mis en oeuvre au Niger en 1995 afin de créer les conditions d'un équilibre entre les différents groupes de population dans l'organisation institutionnelle. Pour le ministre des affaires étrangères du Niger, Bamako devra également faire preuve de discernement, afin de défendre ses intérêts sans faire trop de concessions, car l'État malien a cessé d'exister dans les zones Touaregs, qui sont devenues des secteurs de l'économie criminelle et des trafics illicites. Il sait gré à la France de son intervention, qui a sauvé le Mali et a eu, plus largement, un impact positif pour l'ensemble de la sous-région. Le ministre souhaite que son pays sache en tirer les conséquences pour s'imposer dans le cadre difficile des négociations d'Alger.

Le Premier ministre du Mali, M. Moussa Mara, a considéré que le choix de l'Algérie dans la médiation s'imposait pour des raisons historiques et géographiques, arguant par ailleurs d'une capacité d'action et d'influence de ce pays sur les groupes armés, ainsi que de sa proximité avec la région de Kidal. La communauté internationale (CEDEAO, Union africaine, Union européenne) y est également associée.

Le cadre de l'accord doit comporter plusieurs volets : réconciliation, décentralisation et développement économique. D'après M. Moussa Mara, la question des groupes armés prend ses racines dans l'extrême pauvreté. La Conférence des donateurs « Ensemble pour le renouveau du Mali », qui s'est déroulée le 15 mai 2013 à Bruxelles, a débouché sur des promesses à hauteur de 3,25 milliards d'euros sur deux ans, auxquelles la France contribue pour 280 millions d'euros.

Ces négociations ont un enjeu majeur, la « régionalisation », qui suppose une mise en oeuvre effective et réaliste de la décentralisation. Le gouvernement malien a pour ambition, en effet, de donner davantage de moyens aux régions, avec la création d'agences de développement régional, l'élection des présidents de région au suffrage universel, de renforcer le lien direct entre les partenaires techniques et financiers et les régions, et d'offrir des perspectives d'emplois dans l'armée et l'administration pour les populations du nord. Le développement économique du nord du Mali est par ailleurs une condition indispensable à la résolution du conflit, selon plusieurs dirigeants politiques.

Le 20 février dernier, sous les auspices de l'Algérie et de l'Organisation des Nations Unies, a été signée entre le gouvernement malien et six groupes armés du nord du Mali une déclaration prévoyant la « cessation immédiate de toutes les formes de violence » et appelant les parties à s'abstenir de « tout acte ou propos provocateurs » . Les six groupes signataires sont le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (Hcua), le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), le Mouvement arabe de l'Azawad-dissident (MAA-dissident), la Coordination pour le peuple de l'Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements et fronts patriotiques de résistance (CM-FPR).

Il convient de souligner que cet accord repose sur un cessez-le-feu qui avait déjà été acté au cours du mois de mai 2014. Il prévoit six mesures majeures : l'arrêt de toute violence, le respect des accords déjà signés, la mise en place de mécanismes de protection de la population civile et d'arrêt de toute hostilité de quelconque groupe, la participation à la Commission technique mixte de sécurité, la libération des détenus et surtout la poursuite des négociations dans le cadre du Processus d'Alger.

Une nouvelle étape vers la paix semble avoir été franchie après l'accord paraphé dimanche 1 er mars par le gouvernement malien et les groupes du nord-Mali qui lui sont proches sous la médiation d'Alger. La Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) a cependant demandé un délai supplémentaire pour consulter sa base.

Cet accord consacre l'unité du Mali et la souveraineté de l'État sur l'ensemble du territoire, tout en reconnaissant que l'Azawad, nom donné par les responsables politiques et militaires des mouvements au nord-Mali, est une "réalité humaine". Il prévoit la création d'assemblées régionales élues au suffrage universel direct dans un délai de dix-huit mois et une plus grande représentation des populations du nord au sein des institutions nationales. Une refonte de l'armée malienne est également envisagée pour intégrer les combattants des mouvements armés du nord.

La conclusion de cet accord dont la signature n'est prévue qu'à la fin du mois de mars ne doit pas masquer une réalité sur le terrain susceptible d'en fragiliser l'application puisque s'y entrechoquent la recrudescence des attaques djihadistes, la présence de trafiquants et l'émergence de nouveaux groupes armés.

III - L'AFRIQUE DE L'OUEST ET LA MENACE DU VIRUS EBOLA

A. UNE ÉPIDÉMIE AUJOURD'HUI CIRCONSCRITE

Jusqu'à ce qu'une fillette récemment rentrée de la Guinée voisine décède de la fièvre hémorragique à virus Ebola (FHVE) le 25 octobre 2014, aucun cas n'avait été signalé au Mali. Depuis, sept autres cas ont été recensés, dont cinq ont coûté la vie au patient. En raison de sa situation géographique, le pays est particulièrement exposé, puisqu'il partage une frontière d'environ 860 km avec la Guinée, où plusieurs centaines de cas se sont déclarés.

Le Niger quant à lui n'a pas encore fait état de la présence d'un malade sur son territoire.

B. ...MAIS À LAQUELLE SE SONT PRÉPARÉS LE NIGER ET LE MALI

La première mesure mise en place par les autorités sanitaires nigériennes et maliennes concerne la sécurisation des frontières par une détection systématique des cas de fièvre. Des cellules d'isolement sont, par exemple, prévues dans les aéroports pour traiter les cas suspects. La délégation a ainsi constaté lors de son arrivée à l'aéroport de Niamey et à celui de Bamako l'effectivité de cette mesure puisque une prise de température par thermomètre médical électronique ou par scanner thermique a été pratiquée sur chaque participant. Cela a également été le cas lors du passage du poste frontière de Kantchari entre le Niger et le Burkina Faso.

Cette procédure de contrôle s'inscrit dans une volonté des gouvernements d'éviter de fermer les frontières de leur pays aux voyageurs en provenance de ceux touchés par le virus Ebola. L'efficacité d'une mesure coercitive est mise en cause par la porosité des frontières entre les différents États de la zone, qui serait susceptible de favoriser l'arrivée clandestine de populations infectées.

1. Le plan de contingence nigérien

Le Niger a établi un plan de contingence pour un coût estimé de 5 milliards de francs CFA (7,6 millions d'euros), qui inclut des stratégies d'intervention avant la déclaration de cas sur le territoire, en cas d'épidémie et après l'épidémie. Ainsi, le plan d'urgence pour la prévention de l'introduction du virus, validé le 10 avril 2014 et actuellement en cours d'exécution, prévoit le renforcement de la surveillance épidémiologique aux points d'entrée aériens et terrestres, le renforcement des capacités des services de santé et des secteurs impliqués, ainsi que l'intensification de la communication pour changer les comportements des populations.

Si un cas de contamination était envisagé, Niamey a prévu d'envoyer les prélèvements au laboratoire de l'Institut Pasteur à Dakar. En cas de saturation des possibilités d'analyse par ce dernier, le laboratoire Mérieux à Montpellier ou l'Institut Pasteur de Paris pourraient assurer le diagnostic des échantillons prélevés.

La délégation a rencontré le docteur Eric Adéhossi, chef du service de médecine interne de l'hôpital de Niamey et coordinateur pour le gouvernement nigérien du dispositif. Il a assuré que les mesures annoncées par le ministre de la santé entreraient en application dans des délais rapides. Il a également fait part des difficultés liées au manque de moyens, aux lourdeurs administratives et à la crainte suscitée par l'épidémie.

2. Le dispositif malien

Confronté à la même menace, le Mali s'est doté d'un dispositif similaire de prévention contre le virus Ebola. Il a immédiatement mis en place des mesures de contrôles renforcés aux frontières adaptées aux risques encourus. Des équipes mobiles surveillent la frontière avec la Guinée, qui constitue une zone de circulation entre les deux pays (nombreux petits villages).

Ce dispositif s'articule autour de plusieurs axes, l'organisation institutionnelle, l'organisation au niveau opérationnel de la prévention portant sur la surveillance épidémiologique, la recherche et la prise en charge des cas suspects, l'information et la sensibilisation.

En cas de suspicion, un laboratoire certifié, situé à Bamako, en coopération avec le Center for disease control and prevention d'Atlanta (États-Unis), est en capacité de fournir les résultats aux tests effectués sur les échantillons en moins de huit heures. Cette procédure avait déjà été éprouvée à la mi-septembre, puisque 21 cas suspects avaient été signalés au Mali, tous s'étant avérés négatifs.

Au cours d'un entretien avec la délégation, le ministre de la santé du Mali, M. Ousmane Koné, a précisé que le dispositif s'articulait autour de plusieurs axes.

Au plan institutionnel, plusieurs structures et équipements ont été créés ou mis en place pour surveiller la progression du virus dans la zone et faire à l'éventualité d'une épidémie :

- un comité interministériel présidé par le ministre de la santé (OMS);

- un comité de coordination technique réunissant des professionnels de la santé et intégrant l'Organisation mondiale de la santé ;

- une équipe d'intervention rapide afin d'établir une communication entre les différentes équipes de santé ;

- des lignes téléphoniques dédiées ;

- une équipe de suivi des personnes ayant été en contact avec un cas suspect.

L'OMS juge que les mesures de surveillance et de suivi des personnes ayant été en contact avec les malades contribuent de manière décisive à enrayer la progression du virus. Au 10 décembre 2014, le bilan pour le Mali s'élevait ainsi à huit cas, dont six décès, un malade guéri et un malade en cours de traitement. La plupart des sujets placés sous surveillance en raison d'un contact avec un malade arrivaient à la fin de leur période d'observation. Le Mali a officiellement annoncé, le 18 janvier 2015, la fin de l'épidémie d'Ebola, puisque conformément aux recommandations de l'OMS, quarante-deux jours se sont écoulés sans qu'aucun cas nouveau ne soit enregistré.

C. ...EN COORDINATION AVEC L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ

L'Organisation mondiale de la santé a mené des activités de préparation en direction d'abord des pays fortement prioritaires, comme le Mali, puis des pays grandement prioritaires, au rang desquels figurait le Niger, afin de s'assurer de leur préparation à une détection efficace et sans risque de la maladie à virus Ebola. Les pays devaient également être prêts à investiguer et à notifier les cas suspects ainsi qu'à mettre en place une riposte efficace.

Ce soutien de l'OMS s'est traduit par des missions techniques dans les pays déclinées par des visites d'appui à la préparation, une assistance technique directe et la fourniture de conseils techniques et d'outils. Onze composantes et tâches essentielles ont ainsi été répertoriées afin de préparer les systèmes de santé à ce risque : coordination globale, intervention rapide, sensibilisation du public et participation communautaire, prévention et lutte contre l'infection, prise en charge des cas, inhumations sans risque, surveillance épidémiologique, recherche des contacts, capacités des laboratoires, logistique et renforcement des moyens au niveau des points d'entrée.

Une mission s'est ainsi rendue au Mali du 20 au 24 octobre dernier dans le but de s'assurer que le pays était en mesure de détecter en urgence les cas de maladie à virus Ebola, d'enquêter sur eux et de les déclarer, tout en garantissant sa capacité à organiser une riposte efficace afin d'empêcher une flambée épidémique de plus grande ampleur. C'est au cours de cette mission que le Mali a déclaré son premier cas confirmé de maladie à virus Ebola.

Du 10 au 17 décembre 2014, une mission d'appui regroupant des experts diligentés par l'OMS Genève, le Bureau régional OMS de l'Afrique (AFRO) et l'USAID s'est rendue au Niger pour aider le pays dans la mise en place de son plan de prévention et de riposte à une éventuelle épidémie du virus Ebola. À l'issue de cette visite, les experts ont établi un bilan du plan de prévention élaboré par les autorités sanitaires nigériennes, et ont formulé plusieurs recommandations en lien avec les stratégies promues par l'OMS pour la lutte contre cette maladie. Leur rapport concluait « qu' en dépit des efforts louables entrepris par le Niger jusque-là, principalement dans la coordination et la mobilisation sociale, que des efforts considérables devront être réalisés par le pays avec l'appui de ses partenaires, pour le préparer à parer à toute éventualité d'une infection par le virus Ebola » .

CONCLUSION

S'appuyant sur des relations historiques fortes, ce déplacement a permis des échanges riches et fructueux avec les autorités politiques nigériennes et maliennes, tout en confortant les liens parlementaires d'amitié. Il a aussi donné l'opportunité aux sénateurs de rappeler les valeurs de démocratie partagées dans des pays bâtis sur le modèle institutionnel français. Enfin, ils ont pu mesurer le rôle essentiel de l'engagement français dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Les nombreux entretiens et rencontres qu'a eus la délégation du groupe d'amitié lors de ce déplacement au Niger et au Mali ainsi que les visites sur le terrain ont donné lieu à des échanges particulièrement riches, qui lui ont permis d'apprécier et de mieux évaluer la situation de ces deux pays. La spécificité, la diversité et le poids de la coopération française avec ces deux Etats ont été soulignés à plusieurs reprises par l'ensemble des interlocuteurs.

En dépit de caractéristiques propres à chacun des deux pays, les défis communs sont nombreux, qu'ils soient économiques,sécuritaires ou sanitaires. La création du G5 Sahel, le 16 février 2014 à Nouakchott (Mauritanie), illustre de manière exemplaire la prise en compte de cette dimension sous-régionale.

Déjà alerté par les autorités politiques nigériennes et les forces militaires françaises lors de la visite de la délégation, le groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest reste très préoccupé par les atrocités commises par le mouvement Boko Haram sur le territoire nigérien et par la terreur que fait régner ce groupe sur cette zone géographique qui s'étend sur le Nigéria, le Tchad et le Cameroun. Les membres du groupe d'amitié tiennent à adresser un message de solidarité au peuple nigérien dans les épreuves qu'il traverse actuellement . Ils s'inquiètent des conséquences humanitaires de ce conflit sur les populations frontalières, et saluent l'initiative prise sous l'égide de l'Union africaine de constituer une force mixte multilatérale de 8 700 hommes.

Dans ce contexte international marqué par de fortes tensions, le groupe d'amitié considère que la reprise des négociations entre le gouvernement malien et les groupes armées du nord du pays revêt une importance capitale dans le processus de reconstruction et de développement du Mali.

ANNEXE


* 1 Données au 30 septembre 2014

* 2 Délit qui consiste à attribuer la maternité d'un enfant à une femme qui ne l'a pas mis au monde en dehors de toute procédure d'adoption (délit de simulation en droit français).

* 3 Crisis group, Rapport Afrique N° 208, 19 sept. 2013.

* 4 Rapport d'information n° 720, Sénat, 2012-2013, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées par le groupe de travail « Sahel ».

* 5 Après avoir été suspendue entre mars 2012 et février 2013 par la France, la coopération bilatérale a été relancée.

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