C. MILIEU DES ANNÉES 1990 À NOS JOURS : UNE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET DE CONTRÔLE DES TIBÉTAINS

1. La politique de développement et ses conséquences

Face à cette opposition populaire à son autorité et à l'internationalisation de la question tibétaine, le gouvernement chinois répond par une politique visant au « développement » du Tibet mais qui , en fait, va réduire les possibilités déjà limitées d'autonomie culturelle des nationalités réintroduites durant les années post-maoïstes. Lhassa et les régions proches de la capitale sont déclarés « zone économique spéciale » et connaissent alors d'extravagants projets urbains et d'infrastructures subventionnés par Pékin, projets qui attirent de nombreux migrants de Chine centrale, aggravant la marginalisation économique de la population rurale.

Le boom économique résultant des subventions met en évidence la relation coloniale entre le centre et les provinces de l'ouest, caractérisé par des projets phares, l'attribution des contrats aux compagnies chinoises qui rapatrient les profits et contribuent très peu à l'emploi et à la technologie locale, ainsi que par un écart accru entre villes et campagnes.

Ce mouvement de développement est accompagné, sur le plan politique, par une purge contre les cadres tibétains : leur intérêt pour l'autonomie régionale encouragerait « l'arriération » du Tibet et favoriserait les derniers vestiges des « caractéristiques spéciales » parmi lesquelles la langue tibétaine. Cette ligne politique est approuvée par le comité central en 1994 et un nouveau slogan apparaît, « développement et stabilité », associant une intégration économique ultra-rapide à une tolérance zéro pour toute différence d'opinion.

La controverse au sujet de la réincarnation du X ème panchen-lama en 1995 donne aux autorités l'occasion de modifier la politique « libérale » en matière religieuse. L'enfant reconnu par le dalaï-lama est enlevé par les autorités chinoises et disparaît. Le Parti exige la reconnaissance de son propre candidat et lance une campagne de « rééducation patriotique » dans les monastères, dont le but est d'obliger les bouddhistes tibétains à choisir entre la loyauté envers le dalaï-lama ou celle envers l'État. Les autorités chinoises imposent alors aux religieux ce qu'elles considèrent être un « enseignement correct », c'est-à-dire leur propre vision de la religion, de l'histoire et du dalaï-lama dont les photos sont alors bannies. Ce programme de rééducation est étendu à l'Amdo en 1997 et à partir de l'année suivante, il s'adresse aussi aux élèves des écoles et au reste de la population de tout le Tibet.

C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la fuite en Inde, en 2000, du XVII ème karmapa, troisième autorité religieuse au Tibet : c'est une sanction sévère pour le gouvernement chinois et sa nouvelle politique.

2. Une intensification du développement et de la colonisation

Depuis 2000, la double politique de « développement  économique » et de « stabilité » se poursuit de manière encore plus déterminée sous le nom de « Développement de l'ouest » 25 ( * ) . La croissance économique en Chine centrale et le développement des infrastructures de transport facilitent l'exploitation des importantes ressources naturelles tibétaines. La pression sur les communautés rurales pour qu'elles libèrent leurs terres est de plus en plus forte. L'État chinois justifie la sédentarisation des pasteurs-nomades, qui les conduit souvent à l'endettement, en termes de protection de l'environnement tandis que le déplacement forcé des agriculteurs dans de « nouveaux villages socialistes », établis le long des routes, est présenté comme un embellissement.

Tous ces changements prennent place dans une atmosphère de répression. Les expressions -- généralement pacifiques -- de mécontentement, qu'il s'agisse de confiscation des terres, de droits d'exploitation minière, d'impôts, de corruption, ou de questions religieuses, sont considérées par les autorités comme des actes de dissidence politique et punies en conséquence. Les motifs des protestations sont alors moins la demande d'indépendance que le manque de respect de la liberté religieuse, l'absence de protection environnementale et de consultation avec les populations locales au sujet de l'exploitation minière qui affecte désormais tout le plateau tibétain et touche de nombreux sites sacrés.

L'inauguration en 2006 du train reliant la Chine continentale au Tibet favorise l'exploitation des ressources naturelles et l'immigration Han, et entraîne un fort ressentiment chez les Tibétains.


* 25 Cf. Cooke http://perspectiveschinoises.revues.org/document179.html

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