TABLE RONDE 2 - COMMENT CONCILIER CROISSANCE ET PROTECTION DES ÉCOSYSTÈMES OCÉANIQUES ?

Table ronde animée par M. Steeven GNIPATE, journaliste à Outre-mer 1 ère

Ont participé à cette table ronde :

Mme Isabelle AUTISSIER, Présidente du WWF France

M. Nicolas IMBERT, Directeur exécutif de Green Cross France et Territoires

S.E. M. J. Rimarkindu KALINOE, Ambassadeur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée en Belgique

M. Jean-Michel DASQUE, ancien ambassadeur, Président de l'Institut du Pacifique

M. Daniel RAOUL, Vice-président du groupe d'amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique

M. Steeven GNIPATE. - Bonjour à tous, nous allons maintenant aborder notre deuxième table ronde. Dans certaines régions, les conséquences économiques du réchauffement climatique commencent à se faire ressentir, comme cela a été montré lors de la première table ronde. Pollution, surexploitation des ressources halieutiques, réchauffement climatique, il faut s'attendre à un bouleversement des conditions de vie qui aura des répercussions néfastes sur l'ensemble de l'écosystème marin. Les scientifiques parlent même « d'extinction de masse » menaçant les océans. Si le changement climatique doit donc provoquer des catastrophes, il est certain que la vie économique sera elle aussi profondément perturbée. Autant dès lors s'y préparer et travailler à « limiter la casse ». Le thème de cette table ronde est une question : « Comment concilier croissance et protection des écosystèmes océaniques ? ».

La première intervenante est Mme Isabelle Autissier, Présidente de WWF, à qui je pose la question : est-ce qu'on va tous mourir ?

Mme Isabelle AUTISSIER. - Malheureusement un jour, mais le plus tard possible !

Merci de m'accueillir dans cette table ronde et pour ce colloque en tant que présidente de WWF France.

Notre réflexion s'inscrit dans un cadre planétaire, vous savez que nous sommes la première organisation mondiale de l'environnement et que notre but est de remettre l'homme au coeur de l'environnement et de faire en sorte que l'homme respecte l'environnement dont il a besoin pour vivre. Cela rejoint donc le sujet de cette table ronde.

Dans cet environnement, les océans sont indispensables. WWF a produit, il y a deux mois, au niveau mondial, une étude 3 ( * ) pour analyser ce qu'il en était de l'importance de l'océan en termes économiques et financiers. Les océans sont la 7 ème puissance économique du monde. En effet, les actifs en valeur de l'océan que nous avons fait évaluer par des spécialistes représentent 24 000 milliards de dollars, sans tenir compte du pétrole des grandes profondeurs. C'est à peu près l'équivalent du PIB de la France. C'est dire leur importance. Au coeur de ces ensembles, les écosystèmes des îles sont indispensables, et c'est pour ça que le Pacifique a un rôle particulier, et même d'avant-garde dans notre conception de l'économie des océans.

Pourquoi ? Parce que les océans représentent une biodiversité exceptionnelle et un taux d'endémisme, la plupart du temps, très important, c'est-à-dire qu'ils abritent des espèces qui ne se développent que dans ces endroits. Cela a été dit tout à l'heure mais je crois qu'il faut le souligner, les îles du Pacifique ont une place exceptionnelle à l'échelle mondiale par rapport à un certain nombre d'espèces et par rapport à l'ensemble de la biodiversité. Ce sont, en général, des zones à la fois de reproduction, de « nourrissage », des zones de transit pour un certain nombre d'animaux marins, pour les oiseaux, les mammifères... Ce sont également des zones indispensables pour l'autosuffisance alimentaire dans des endroits où souvent la vie, la nourriture, et en particulier les protéines, ne proviennent que de la mer.

Je n'oublie pas les aspects aujourd'hui récréatifs et touristiques qui constituent pour un certain nombre de pays, en particulier dans le Pacifique, le fer de lance de leurs activités économiques, ainsi que les valeurs culturelles et spirituelles évoquées tout à l'heure. Je crois qu'il est de notre responsabilité de préserver l'océan parce que l'océan est aussi ce qui nous fait rêver, ce qui nous fait bouger, agir et ce qui nous procure du plaisir.

Comment peut-on faire pour concilier le développement économique et la protection des océans qui, vous l'avez dit, sont très menacés ? Je rappellerai juste un ou deux chiffres : 90 % des stocks halieutiques sont surexploités ou à la limite de la surexploitation, 50 % des coraux ont disparu, comme 30 % de la mangrove et 39 % de la biodiversité marine en 40 ans. C'est le résultat d'une étude que nous menons tous les deux ans avec l'ensemble des scientifiques de la planète. Ces chiffres sont extraordinairement inquiétants !

Il y a trois jours, nous avons rendu publique une seconde étude sur un certain nombre de solutions qui s'articule autour d'une idée forte. Nous avons besoin de beaucoup plus d'aires marines protégées. J'ai été extrêmement intéressée et je salue le Président des Palaos qui dans son intervention a dit la volonté de son pays de classer 100 % de sa zone économique exclusive en sanctuaire national, dont 80 % en zone de non prélèvement. Cela nous montre que les pays du Pacifique peuvent être le fer de lance de la réflexion sur l'avenir. Les aires marines protégées, si elles sont correctement réparties par rapport aux écosystèmes et à la vie des hommes, et correctement gérées et surveillées, offrent vraiment des solutions.

L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature en France (UICN) avait déjà étudié un certain nombre d'aires marines. Pour peu qu'elles soient matures, au bout d'un certain nombre d'années, bien sûr, pas la première ni la deuxième mais au bout de dix ans environ, on se rend compte que, dans une aire marine, on arrive à 20 % de biodiversité en plus, 120 % de densité d'espèces de plus, 250 % de biomasse en plus... Protéger ces zones, c'est donc efficace, du point de vue de la biologie.

Qu'en est-il pour les humains et leurs modes de vie ? On s'aperçoit que lorsque l'on s'éloigne de 4 km de ces aires marines protégées matures, on pêche déjà 10 % en plus. En termes de tourisme par exemple, le parc national de Port Cros, qui est le parc national le plus vieux en France, a fait une étude très précise : pour un euro consacré à la préservation et à l'entretien du parc, chaque touriste en dépense 19. Donc l'adage qui veut que le mérou mort se vend 20 euros le kilo mais que le mérou vivant rapporte pendant 90 ans, à raison de 10 euros la plongée, des dizaines de milliers d'euros, se confirme et montre bien tout l'intérêt des aires marines protégées.

WWF, qui vient de sortir au niveau mondial cette étude, propose des objectifs très clairs : 10 % de l'ensemble de la surface océanique protégée en 2020 et 30 % en 2030. À partir de 30 % protégés, nous arriverons à préserver les océans et nous parviendrons à produire de la richesse puisque même dans les différents scénarios économiques que nous avons pu évaluer, on constate que dans le pire des cas, pour un euro ou un dollar investi, on en récolte trois et dans le meilleur des cas, on atteint un pour vingt. Le résultat dépend évidemment de la biodiversité et de l'impact des activités humaines.

En conséquence, je crois que dans la série des propositions concrètes pour l'alliance des hommes et de leur nature, des hommes et de leur océan, la question du développement des aires marines protégées va être cruciale, et en particulier celles du Pacifique. Aujourd'hui, on est encore extrêmement loin de l'objectif, avec moins de 4 %. Au niveau des océans, le chiffre est très bas par rapport à ce qui se passe aujourd'hui sur la partie terrestre de notre planète. Il est grand temps à la fois pour la nature mais surtout pour les hommes et pour leur économie de faire progresser ce chiffre.

Comment ces aires marines vont-elles contribuer concrètement à la lutte contre le dérèglement climatique ? On sait que ce sont des zones de stockage de carbone. Pour que l'océan stocke correctement du carbone, il a besoin d'êtres vivants, et le plancton est la plaque tournante pour ce processus. La protection du littoral vis à vis de l'augmentation du niveau des mers est extrêmement importante via les aires marines protégées puisque cela concerne en général les mangroves, la protection des herbiers, des marais côtiers, qui ralentissent l'effet dévastateur des vagues, en cas de cyclone ou d'autres phénomènes. Les aires marines protégées sont aussi une source d'emplois importante, que ce soit en termes de tourisme, de surveillance mais aussi d'emplois à haute valeur ajoutée, tels que les emplois de gestionnaires ou de chercheurs. C'est donc, vraiment, une source de travail pour les populations dans leur ensemble.

Un dernier point encore sur ces aires marines, les Palaos le proposent d'ailleurs. On peut aussi imaginer des pêcheries traditionnelles et des pêcheries réglementées en termes de sécurité alimentaire, la stabilisation de populations océaniennes, grâce aux ressources en poissons, crustacés, coquillages... C'est un élément essentiel de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté dans ces communautés.

Donc voilà, il y a des solutions aujourd'hui que WWF essaie de porter qui concernent le développement à l'échelle mondiale et en particulier dans le Pacifique, vu le potentiel de l'ensemble des aires marines protégées. Je vous remercie.

M. Steeven GNIPATE . - Merci, Mme Isabelle Autissier. Je vous propose à présent d'écouter M. Nicolas Imbert. Vous êtes directeur exécutif de Green Cross France et Territoires, vous êtes engagé dans des causes liées aux énergies, aux ressources naturelles et à la consommation éco-responsable. Vous allez vous aussi nous parler des enjeux et des propositions que peut apporter Green Cross France et Territoires sur cette question de la croissance et de la protection des écosystèmes océaniques.

M. Nicolas IMBERT . - Bonjour à toutes et à tous. Je voulais dire, en introduction, que je partage complètement l'analyse d'Isabelle Autissier : il y a une valeur économique forte des océans. Les travaux de WWF sont partagés à l'échelle mondiale et sont pour nous des éléments sur lesquels il est essentiel de s'appuyer parce qu'ils représentent un cadre impartial et d'investissement permettant d'appréhender directement le sujet dans sa dimension économique. C'est finalement par la dimension économique qu'on va pouvoir toucher aussi la dimension sociale et la dimension humaine. Je voudrais aussi remercier Isabelle Autissier pour la contribution que Philippe Germa, le directeur de WWF, a apportée hier à nos travaux « Paris Climat 2015 - Objectif OCEAN : les propositions de l'économie bleue » 4 ( * ) dont je vais vous parler.

Pour ceux qui ne connaissent pas Green Cross France et Territoires, je rappelle que cette association a été créée en 1993 5 ( * ) , parce qu'au moment de Rio 92, deux personnes, Mikhaïl Gorbatchev et le commandant Cousteau, participaient à l'ensemble des débats avec 190 chefs d'État et avaient pour ambition de les faciliter. Ils se sont rendu compte à quel point il allait falloir accompagner ces chefs d'État, d'une part par un plaidoyer au plus haut niveau pour essayer de faire mieux connaître les questions de l'environnement et du climat mais aussi d'autre part, par des solutions afin de proposer des projets concrets.

Qu'est-ce que nous observons dans les îles du Pacifique sud ? Cela a été dit tout à l'heure dans le propos introductif et lors de la première table ronde, nous sommes en présence d'îles qui sont des sentinelles du climat, sur lesquelles les conséquences du réchauffement climatique, qui ailleurs peuvent paraître progressives ou relativement peu problématiques, sont vécues d'une manière beaucoup plus radicale.

Pendant que je m'exprime, vous pouvez voir sur l'écran les images que nous avons présentées à l'UNESCO hier. Quelques photographies ont été prises peu après le cyclone Pam au Vanuatu, sur lesquelles on voit à la fois l'impact sur l'habitat et, c'est un point sur lequel je reviendrai tout à l'heure, la résilience des territoires. Ce qui nous semble très important, c'est que dans quelqu'île du Pacifique sud que ce soit - et c'est également le cas pour Saint-Pierre-et-Miquelon et quelques îles hors du Pacifique sud - je n'ai jamais vu personne se lamenter et dire « c'est injuste, ce qui m'arrive ». J'ai surtout vu des gens, des porteurs de projets qui étaient en situation d'action, qui constataient effectivement l'impact d'un dérèglement climatique à l'origine duquel ils sont pour très peu, mais dont ils subissent directement les conséquences. Ils ont envie d'agir, de se fédérer, de proposer des solutions.

C'est d'ailleurs pour cela qu'on a choisi de travailler avec le Forum régional Océania 21, pour aider à faire émerger ces solutions mais aussi pour les faire connaître dans ce qu'elles ont d'original par rapport aux autres régions du monde et aux autres outre-mer. Sur cette dimension de partage des connaissances, je sais qu'il est prévu, à la fin du mois de juin, une journée « 10 heures pour l'outre-mer » qui va permettre de faire en sorte que le Pacifique, l'Océan atlantique, l'Océan indien et les pôles, dont nous oublions trop souvent qu'ils subissent un impact significatif en termes de dérèglement climatique, puissent dialoguer ensemble et échanger sur les solutions.

Aujourd'hui, des solutions existent et elles sont nombreuses. Souvent, on se rend compte que ce sont des solutions opérationnelles et concrètes qui nous permettent d'apporter des pistes de réponse du dérèglement climatique. Et en même temps, Isabelle Autissier l'a très bien précisé dans son propos introductif, ces pistes sont pourvoyeuses d'emplois, de bien-être et vont également créer de la valeur économique.

Il ne faut pas avoir peur de dire que lorsqu'on fait des projets de territoires, on crée de la valeur économique, sociale et environnementale.

Les pistes avancées sont le résultat d'un travail qu'on a conduit, suite à Océania 21, pour identifier une trentaine d'initiatives prioritaires pouvant être mises en place dès maintenant. Je n'entrerai pas dans le détail de chacune d'entre elles car elles sont en ligne sur notre site Internet mais je vais néanmoins en préciser quelques-unes.

Il s'agit, par exemple, de gérer l'eau, l'agriculture, au plus près des territoires. On a parlé tout à l'heure de préservation des captages, de taille de la nappe... Si un cyclone ou un évènement climatique extrême survient - malheureusement il y en a de plus en plus -, une agriculture et un système d'eau entretenus localement accroissent la capacité de résilience et garantissent la continuité d'activité. Et dans les jours et dans les semaines qui suivront une catastrophe, on se rendra compte à quel point c'est important. Par l'activité agricole, ou aquacole, on va également arriver à contrer les effets du dérèglement climatique, à protéger la zone littorale et à être capable d'avoir, éventuellement, là aussi, en cas de tsunami ou en cas d'inondations, une zone humide servant de zone tampon. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance de ces zones d'activités agricoles et aquacoles au plan des emplois.

On sait aussi à quel point il est important, justement, de travailler, au-delà des plans d'adaptation, au-delà des dispositifs législatifs, sur la question de la continuité et de prévoir la manière dont on réagit dans l'urgence et dans la reconstruction, à la suite des phénomènes climatiques extrêmes, pour éviter d'avoir tout à reconstruire. À ce titre, la manière dont la réponse a été apportée au Vanuatu, suite au cyclone Pam, doit nous questionner, y compris par rapport à ce que l'on fait en France métropolitaine. On était sur une zone d'impact immense, en termes de territoires, avec une population de 150 à 200 000 personnes. Les gens ont su réagir en situation d'urgence de telle sorte qu'on ne déplore qu'une dizaine de morts. Ce bilan est à comparer avec une inondation catastrophique en France métropolitaine, en période hivernale, sur laquelle on avait l'impression d'être mieux préparés.

Mais cela ne nous donne pas toute la solution.

On doit travailler davantage sur la résilience des bâtiments et des activités économiques, sur la manière de rétablir rapidement l'eau, l'assainissement, l'agriculture locale, l'accès à la scolarité, etc., en situation post-catastrophe. Et j'en viens à la question du Vanuatu - on parlera tout à l'heure d'investissements - qui aujourd'hui manque cruellement de bâches en plastique pour les toits des habitations. Aujourd'hui, en France, sur un marché, une bâche coûte cinq euros. Le même produit livré à Port-Vila revient à plus de 100 euros. Cela doit nous interroger sur la manière dont on travaille dans le domaine de la solidarité internationale.

L'économie circulaire est plus que jamais une voie vers des solutions. Dans la gestion des déchets, dans la gestion des D3E 6 ( * ) , des matières premières secondaires, on est obligé de s'organiser de manière solidaire entre les différentes îles. Parce qu'il n'existe pas d'île qui ait la taille suffisante pour traiter ses déchets d'une manière optimale, on brûle et sous-optimise leur traitement. En revanche, quand on arrive à organiser une mobilisation régionale, cela marche bien. Dans l'Océan indien, à La Réunion, a été mis en place un outil de retraitement des D3E et de l'électroménager blanc qui aujourd'hui fonctionne tellement bien qu'il permet de gérer de l'électroménager blanc provenant de Madagascar et l'île Maurice. Là-bas, on a fait des exceptions à la Convention de Bâle pour de bonnes raisons. C'est une gestion performante des déchets qui mérite d'être soulignée.

M. Steeven GNIPATE. - Je vais vous demander de conclure, s'il vous plaît, Monsieur Imbert.

M. Nicolas IMBERT. - Je n'insisterai donc pas sur l'importance de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables. On a vraiment un potentiel absolument formidable. On a un acquis très important sur la biomasse ou sur les énergies marines, mais on peut arriver à mieux valoriser les innovations pour faire en sorte que ce qui se fait de bien sur une île puisse être diffusé, pas uniquement parce qu'il y a un fonds privé ou un milliardaire qui a décidé d'investir sur le secteur, mais parce qu'il y a des fonds de transition capables d'accompagner ce mouvement.

Hier, il y avait une journée de travail à l'Agence spatiale européenne à laquelle certains d'entre vous ont assisté. Elle a abouti à la Déclaration de Paris, qui reprend un certain nombre d'objectifs que l'économie bleue souhaite partager en vue de la Conférence Paris Climat 2015. WWF a signé cette déclaration, ainsi qu'une vingtaine d'organisations internationales, oeuvrant sur Océania 21, de l'Amérique du Sud, de l'Océan indien, etc.

S'il y avait juste un message à retenir, et ce sera ma conclusion, ce serait le suivant. Aujourd'hui, on est en train de mettre en place des outils comme le Fonds pour l'environnement mondial et le Fonds vert, qui sont de bons outils pour financer à la fois l'adaptation et l'atténuation au réchauffement climatique. Ces outils sont trop peu accessibles aux milieux diffus comme, typiquement, ceux des populations du Pacifique sud. On ne fera jamais des centaines de millions d'hectares de monoculture de transition ou de la conversion massive, en revanche, si on trouve un dispositif avec des intermédiaires de confiance qui permette de faire des petits projets en matière d'aquaculture, d'énergies renouvelables, d'habitats, on aura gagné.

Tout à l'heure, Isabelle Autissier nous disait à quel point l'argent qui est dépensé pour créer une aire marine protégée est de l'argent bien investi. Je pense que si on fait confiance aux acteurs du Pacifique sud pour investir dans des projets locaux, cette solidarité permettra de faire en sorte que ce soit de l'argent investi avec sagesse. Anthony Lecren nous le disait dans l'intervention précédente, il faut changer de logiciel. Si l'on passe de cette logique de propriété, de massification, à une logique de responsabilité partagée sur les écosystèmes, on aura gagné. Merci de votre attention.

M. Steeven GNIPATE. - La parole est maintenant à S.E. Rimarkindu Kalinoe, ambassadeur de Papouasie-Nouvelle-Guinée en Belgique, représentant de la Délégation permanente de la Papouasie-Nouvelle-Guinée à l'UNESCO.

S.E. M. J. Rimarkindu KALINOE. - Mesdames, Messieurs. Le problème qui nous est posé est très important et j'aimerais remercier la Délégation de la République des Palaos auprès de l'UNESCO ainsi que le gouvernement français d'associer les petits États insulaires en développement, y compris la Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux réflexions portant sur ce sujet, car nous constatons les impacts du changement climatique dans nos vies quotidiennes.

J'aimerais également attirer votre attention en introduction sur mon pays, et en particulier, dans la province de Bougainville, sur les îles Carteret, où les populations sont contraintes de s'exiler. L'un des défis majeurs auquel nous sommes confrontés est le déplacement de la population vers les terres situées à l'intérieur à cause de l'engloutissement de leurs îles par la mer. Les côtes de la Papouasie-Nouvelle-Guinée sont progressivement érodées à cause des vagues qui s'abattent sur elles et les scientifiques ont prouvé que ces vagues dans le Pacifique sont très puissantes. L'érosion progresse donc plus rapidement qu'ailleurs, comme, par exemple, sur la côte méditerranéenne. Ainsi, comment pouvons-nous préserver l'océan tout en utilisant les ressources marines pour nous développer ?

Je tiens à saluer la déclaration du Président de la République des Palaos. Son pays a décidé de protéger 80 % de sa zone économique exclusive et je pense que c'est le chemin que nous devons suivre.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, nous essayons de lancer des initiatives en matière d'économie bleue pour le développement durable. C'est la stratégie préconisée par les experts : utiliser l'océan pour se développer de façon durable. Nous devons nous concentrer sur les défis posés par le développement d'une économie bleue pour aider les petits États insulaires du Pacifique ainsi que d'autres îles touchées par les incidences du changement climatique afin de promouvoir le développement économique.

Le second domaine dans lequel la Papouasie-Nouvelle-Guinée a pris des initiatives, c'est en matière d'économie verte. Les États qui possèdent à la fois des ressources terrestres et maritimes ont de la chance, comme c'est le cas pour notre pays. C'est pourquoi la Papouasie-Nouvelle-Guinée a pris l'initiative, il y a quelques années, dans le cadre de la Coalition for Rainforest Nations 7 ( * ) , de protéger ses forêts, en échange de compensations sur le marché d'échange des droits d'émissions de carbone. C'est un défi qui entre dans le programme de la COP21 et vous avez peut-être sans doute entendu parler de l'initiative « REDD+ 8 ( * ) », dans laquelle la Papouasie-Nouvelle-Guinée est pleinement engagée avec d'autres membres de la Coalition for Rainforest Nations .

Notre contribution au défi du développement durable se retrouve donc dans des initiatives en matière d'économie verte. Nous espérons que les stratégies, réunions, débats et les colloques comme celui d'aujourd'hui pourront contribuer à renforcer le concept de développement durable à travers l'économie bleue et l'économie verte.

Quelles sont, dès lors, les stratégies que nous devons adopter ? Pour l'économie bleue, je pense que le gouvernement des Palaos a pris un engagement très positif mais la question posée est celle-ci : lorsque l'on décide de préserver un zone maritime qui pourrait facilement être exploitée par la pêche commerciale pour subvenir aux besoins du pays, quels sont les profits que l'on peut en tirer, sur le plan économique, afin de se développer ? Certes, il y a le tourisme, mais les touristes ne viendront pas si ce genre de mesure n'est pas assez connu et s'il n'y a personne pour faciliter leur venue. Comment attirer les populations âgées des économies européennes qui partent en vacances ? Comment aider les îles du Pacifique qui rêvent de voir leurs mesures de conservation se transformer en gains économiques ?

Nous devons nous demander comment les grandes économies peuvent aider les petits États insulaires pour la préservation de leurs ressources naturelles ou le développement durable. Je pense que cela peut se résumer à une meilleure coopération entre les petits États insulaires en voie de développement et les grands États développés. Il devrait y avoir un mécanisme à la disposition des petits États insulaires en développement leur permettant d'utiliser les ressources marines afin de sécuriser leurs financements en matière de développement - voilà encore un autre problème. Je veux insister sur le fait que nous ne sommes pas des pays passifs, qui n'agissent pas. Nous inventons des solutions, à l'instar de la République des Palaos.

Il faut donc que les États développés regardent toutes ces initiatives et qu'ils essayent de les faire appliquer. Non, pas seulement qu'ils essaient, mais qu'ils les fassent effectivement appliquer.

J'ai déjà parlé des initiatives en matière d'économie verte et je pense que la COP21 devrait les considérer sérieusement. Il faudrait utiliser la conservation des forêts afin de générer des bénéfices pour ceux qui disposent de nombreuses ressources dans ce domaine.

Mais soutenir le développement économique est une chose, définir les stratégies d'atténuation et de réduction des effets du réchauffement climatique en est une autre. On peut parvenir à conserver mais que peut-on faire pour arrêter l'érosion, pour empêcher de nouveaux dégâts ? Nous devons trouver ensemble des solutions.

Dans le cas de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, nous avons démarré un projet pilote appelé Sea Defence War 9 ( * ) en faveur des communautés vivant le long du littoral, qui ont besoin de protection contre le processus d'érosion de la côte. Je pense que l'Europe possède des technologies qui pourraient être employées dans ce cadre. Certaines régions littorales de l'Europe les ont déjà mises en oeuvre. C'est ce genre de collaboration que les États insulaires du Pacifique attendent.

Il ne s'agit pas seulement de préserver les ressources marines, mais aussi de les entretenir tout en les protégeant contre les dérèglements climatiques. Dès lors, toute stratégie, tout mécanisme mis en place doit répondre à ces deux défis. Se développer durablement signifie qu'il faut identifier des opportunités économiques permises par la conservation, tout en protégeant les îles de nouveaux dommages, grâce à des mécanismes de prévention.

Je voudrais insister sur un dernier point avant de conclure. Dans le Pacifique, nous sommes exposés à une activité volcanique importante. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, par exemple, se situe sur la Ceinture de Feu et des volcans peuvent se réveiller à tout moment. Nous avons donc besoin d'observatoires très développés qui seraient capables de mettre en oeuvre des systèmes d'alertes. D'autres îles qui ne se situent pas sur la Ceinture de Feu sont soumises à des évènements climatiques extrêmes et elles ont besoin aussi de systèmes d'alertes. Mais si vous allez aujourd'hui dans le Pacifique, vous constaterez qu'il n'y en a pas, il n'y pas de bulletins météo qutodiens comme dans les autres parties du monde. S'il y a un danger imminent, il n'y a pas d'annonces à la radio ou à la télévision. Il y a l'Australie et la Nouvelle-Zélande à proximité, mais ces deux pays se soucient surtout de leur territoire dans leurs prévisions météorologiques, pas des États insulaires du Pacifique.

Donc, c'est une région où il serait intéressant de développer des systèmes d'alerte afin de permettre aux îles du Pacifique de se préparer en cas de danger. Qu'est-ce qui se passe lorsqu'il y a une catastrophe naturelle ? Comme dans le cas du Vanuatu, il y a des îles avec lesquelles on n'a pas pu entrer en contact pendant plusieurs semaines.

Le monde pourrait travailler avec les communautés des îles du Pacifique afin de mettre en place des unités d'action immédiate, localisées stratégiquement dans les zones exposées à de tels risques.

M. Steeve GNIPATE. - Avant de passer au prochain intervenant de cette table ronde, je voudrais signaler l'arrivée de M. Nicolas Hulot, Envoyé spécial pour la protection de la planète du Président de la République. La parole est maintenant à M. Jean-Michel Dasque, ancien ambassadeur en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

M. Jean-Michel DASQUE. - Madame la présidente, Messieurs les sénateurs, chers collègues ambassadeurs, Messieurs, Mesdames. Je remercie tout d'abord les organisateurs de m'avoir invité et je vais essayer d'être aussi bref que possible. Je n'insisterai pas sur la présentation générale du Pacifique sud, de l'Océanie. C'est un territoire immense, près de 60 millions de kilomètres carrés. C'est surtout un espace essentiellement marin, pélagique. Les terres émergées ne couvrent que 8,5 millions de kilomètres carrés, autour de 10 %, en incluant l'Australie. D'autre part, c'est un territoire très vaste mais extrêmement peu peuplé.

Mon exposé se composera de deux parties, d'une part les défis auxquels cette région est exposée et, d'autre part, les moyens d'affronter ces défis et de concilier à la fois le développement économique et la protection de l'environnement.

La situation se caractérise par des économies faibles et un environnement menacé. Les économies sont fondées essentiellement sur des productions primaires : matières premières, produits minéraux, produits agricoles, très sensibles aux aléas des marchés en général. Le secteur manufacturier est peu développé. Il y a des usines de premier traitement des ressources naturelles, quelques entreprises de radoub, un peu d'agro-alimentaire, et des conserveries de poisson ont été implantées notamment à Samoa et à Honiara (îles Salomon). Mais en définitive, les économies océaniennes reposent sur l'exportation d'un petit nombre de produits de base.

Or, des obstacles sérieux s'opposent au décollage économique. Les États insulaires souffrent de leur isolement, qui pèse lourdement sur le coût de transports et explique en partie la cherté de la vie. A l'exception de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de quelques autres, ils se caractérisent par leur petite taille et l'étroitesse du marché intérieur. Cette situation leur interdit de réaliser des économies d'échelle, de développer des industries de substitution des importations et de diversifier l'appareil productif.

De plus, ces États sont des archipels dont les îles sont distantes de plusieurs dizaines et parfois de plusieurs centaines de kilomètres les unes des autres. Cet éclatement, bien sûr, renchérit les déplacements intra-insulaires et engendre un développement asymétrique, caractérisé par la concentration des activités dans la capitale, qui est souvent le seul port convenablement équipé.

En troisième lieu, les économies insulaires souffrent de l'insuffisance des infrastructures, notamment de transports et de communication. La plus grande partie de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, surtout la zone sud, est dépourvue de routes et les transports se font exclusivement par avion.

Un quatrième handicap est constitué par le régime foncier, dont il a été question. Les terres sont le plus souvent la propriété collective et inaliénable des tribus. L'acquisition par voie d'achat ou d'expropriation, même par l'État, ne se fait qu'au terme d'une procédure assez longue et souvent coûteuse. Ce régime foncier rend impossibles les emprunts hypothécaires et entrave le développement d'une agriculture moderne de type capitaliste. D'autres facteurs de blocage sont constitués par la pénurie de main-d'oeuvre formée, un coût élevé compte tenu d'une productivité faible, la cherté des services de base, en particulier de l'énergie.

Au retard économique et aux difficultés économiques s'ajoute un environnement menacé. Je crois qu'on en a parlé déjà mais je suis obligé de rappeler quelques faits...

Les récifs coralliens ont été endommagés, on l'a vu, ils subissent la dégradation mécanique des cyclones. L'environnement terrestre, dont on a moins parlé, est également dégradé du fait des déforestations, des rejets toxiques, de l'impact négatif des entreprises minières... Enfin, le réchauffement climatique a des conséquences directes et indirectes très graves sur les écosystèmes, on l'a déjà évoqué et je n'y reviendrai pas.

Face à ces défis, il faut trouver un moyen de promouvoir un développement respectueux de l'environnement, les États insulaires possédant des atouts qu'il conviendrait de valoriser. Les îles mélanésiennes notamment ont des richesses minières importantes : cuivre, or, cobalt, nickel. Ces îles ont également des ressources pétrolières et gazières qui peuvent être mises en valeur. Elles pourraient servir de base à un début d'industrialisation et au développement des services. Encore faut-il veiller à ce que développement se fasse dans le respect de l'environnement.

Un deuxième type de ressources est constitué par les richesses de la mer, les richesses halieutiques. Ces pays ont une zone économique exclusive considérable couvrant quelque 35 millions de kilomètres carrés. Mais ces ressources sont encore trop souvent exploitées par des entreprises étrangères. Il faudrait construire des flottes modernes, performantes, avec des équipages formés qui respectent en même temps l'environnement marin. On pourrait développer aussi d'autres industries, telles que l'aquaculture.

Des marges de croissance existent aussi dans les domaines de l'agriculture et de la sylviculture. Mais de nombreuses exploitations familiales ont encore des méthodes archaïques et des efforts devraient être menés pour perfectionner les techniques, accroître les rendements, freiner en même temps l'érosion des terres arables qui sont assez limitées.

Un autre domaine est celui du tourisme. L'Océanie possède un potentiel considérable ; malheureusement le tourisme se heurte là encore à des obstacles liés à l'insuffisance des infrastructures, l'isolement, le coût élevé des frais de transport et parfois l'insécurité.

Cependant les classes moyennes sont de plus en plus nombreuses en Asie et peuvent constituer une clientèle au sein de laquelle les États océaniens pourront recruter des touristes fortunés et désireux de découvrir le Pacifique sud.

Enfin, il y aurait peut-être une autre voie qui serait l'exploitation de ressources inexplorées, mais réelles, et qui pourraient devenir le levier d'un développement équilibré et respectueux de l'environnement. Je citerai les richesses des grands fonds marins, la recherche de nouvelles énergies, notamment le développement des énergies renouvelables. Il faut mentionner aussi l'exploitation de toutes les possibilités de la diversité biologique, extrêmement riche, tant en milieu terrestre qu'en milieu marin.

Je dirai que certaines technologies peuvent pallier les insuffisances des pays du Pacifique. Par exemple, l'utilisation des énergies renouvelables peut apporter une contribution importante dans une région où le coût des énergies constitue un handicap majeur. On peut citer les énergies marines, les énergies solaires, éoliennes, l'énergie géothermique qui peut se développer dans des pays caractérisés par une volcanologie active.

Outre leur intérêt économique, ces énergies ont l'avantage de ne pas augmenter les émissions de CO 2 . Dans un tout autre domaine, les nouvelles techniques d'information et de communication peuvent atténuer les effets de la distance.

En conclusion, en Océanie, le développement économique et la protection de l'environnement ne sont pas incompatibles mais sont plutôt complémentaires et la protection de l'environnement peut favoriser le tourisme et renforcer la sécurité alimentaire. Pour les écosystèmes, la nature en Océanie appartient au patrimoine de l'humanité et la destruction de l'environnement serait une perte irréparable pour l'humanité.

M. Steeven GNIPATE. - Merci, M. Dasque. Je vous demande maintenant d'accueillir Monsieur le sénateur Daniel Raoul, Sénateur de Maine-et-Loire et Vice-président du groupe d'amitié France-Vanuatu-Îles du Pacifique.

M. Daniel RAOUL. - Madame la Présidente, Excellences, chers collègues, Mesdames et Messieurs. Je remercie tout d'abord les organisateurs du colloque, et à ce titre principalement Mme Catherine Procaccia, de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous sur ce sujet très pertinent et, en tous les cas, urgent.

Alors que les îles du Pacifique ne sont à l'origine que de 0,03 % de l'émission des gaz à effet de serre, gaz qui sont en grande partie responsables des changements climatiques de notre planète, ce sont pourtant elles qui vont en être les premières victimes et les plus affectées. J'y associe évidemment les îles des Caraïbes puisque je suis également Président du groupe d'amitié France-Caraïbes. J'évoquerai ce sujet en fin d'intervention.

Les îles du Pacifique sont devenues emblématiques des conséquences de nos rejets en carbone, comme dans les Caraïbes. Montée du niveau de la mer, intensification des cyclones, réchauffement et acidification des océans sont les menaces auxquelles elles doivent faire face désormais. Elles ne pourront relever ces défis qu'avec l'aide de la communauté internationale, et je dirai quelques mots tout à l'heure de la position du G7 le week-end dernier.

Le niveau de la mer ne cesse de monter. C'est une des conséquences les plus connues du réchauffement climatique dû à la production humaine de gaz à effet de serre, principalement produits par les rejets en carbone. La hausse du niveau des océans, si je me fie à ce que j'ai pu lire, pourrait atteindre entre 45 et 82 cm d'ici 2100, provoquant l'engloutissement de terres fertiles, l'accélération de l'érosion des zones littorales et, dans certains cas, la submersion de territoires entiers - cela a été évoqué d'ailleurs à Lifou - et en plus du défi de nourrir 9 milliards d'habitants. Autrement dit, la perte des surfaces agricoles utiles, combinée avec l'augmentation de la démographie sur la planète, sont deux phénomènes qui ne vont pas avoir un effet de ciseaux mais, à l'inverse, qui vont se conjuguer.

La disparition des îles Carteret de Papouasie-Nouvelle-Guinée avec l'apparition des premiers réfugiés climatiques au monde est un précédent qui montre bien ce qui est à l'oeuvre. L'archipel polynésien de Tuvalu est également concerné. Cela doit nous alerter et nous amener à prendre les mesures nécessaires pour limiter non seulement les conséquences du réchauffement climatique mais surtout de prendre, en amont, des mesures drastiques pour limiter l'émission de gaz à effet de serre. Il ne suffit pas de réparer les dégâts, il faudrait limiter au maximum, en amont, la possibilité de ce réchauffement.

Le cyclone Pam , qui s'est abattu il y a quelques semaines sur le Vanuatu, doit également nous faire prendre conscience de l'urgence climatique. Le Président du Vanuatu, pays malheureusement dévasté après le passage d'un des pires cyclones qu'ait connu le Pacifique, a désigné le réchauffement climatique comme la principale cause de la violence de cet événement. Je n'évoque même pas la fréquence et l'augmentation de la fréquence des cyclones que ce soit aux Caraïbes ou ailleurs.

Comment ne pas être interpellé par l'appel de Lifou lancé à la communauté internationale ?

Les îles, principales victimes du réchauffement climatique, sont d'autant plus touchées que - mon prédécesseur l'a déjà évoqué - cela a également un impact sur leur développement, caractérisé par une économie dont les ressources marines et côtières sont fragilisées durablement. La dégradation des récifs est un sujet dont je parle régulièrement avec mon collègue Robert Laufoaulu dans le cadre de l'Initiative française pour les Récifs Coralliens (IFRECOR). En effet, le réchauffement climatique et l'acidification des eaux ont des conséquences néfastes pour les espèces marines convoitées par les pêcheurs. Les littoraux, où l'on trouve les terres les plus fertiles et qui sont à la base de l'activité touristique, sont également directement menacés par l'érosion.

La COP21, qui aura lieu à Paris fin 2015 et qui s'est donné comme objectif l'adoption d'une stratégie permettant de limiter le réchauffement climatique à 2°C d'ici la fin du siècle, ne peut et ne doit pas être un échec. C'est un défi pour l'humanité toute entière que de trouver les solutions aux dérèglements climatiques et d'y consacrer les moyens nécessaires.

De nombreuses initiatives existent, depuis le creusement de mangroves dans le Pacifique pour limiter les effets de l'élévation du niveau de la mer jusqu'au reboisement dans les Caraïbes, comme cela a été fait à Haïti de façon efficace. Elles doivent être soutenues et les expérimentations en la matière doivent être multipliées et généralisées. Les moyens consacrés au financement de la transition vers des économies plus sobres en carbone doivent être amplifiés. Les pays développés, principaux émetteurs de gaz à effet de serre, doivent accroître leurs engagements financiers en la matière et assumer leur responsabilité concernant la planète.

Soyez assurés en tous les cas que votre cri d'alerte a été entendu même si le discours prononcé déjà à l'époque par Fidel Castro au Sommet de Rio en 1992 sur l'avenir de nos îles est resté pratiquement sans écho. J'espère que la réunion de Fort-de-France pour les Caraïbes, ainsi que la déclaration de Lifou en avril dernier et la position du G7 le week-end dernier déboucheront enfin sur des mesures drastiques pour limiter les gaz à effet de serre et ce réchauffement. Je vous remercie et je vous assure de mon soutien.

M. Steeven GNIPATE. - Merci, Monsieur le sénateur. Je vous invite à poser des questions à nos intervenants concernant la première table ronde. Je cède la parole à Mme Karine Claireaux, sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mme Karine CLAIREAUX. - Oui, merci. Il s'agit plus d'un témoignage que de questions. C'est en qualité de Présidente du Bureau du conseil national de la mer et des littoraux que je veux vous dire à quel point le réchauffement climatique et les impacts que cela peut avoir sur les outremer en général, mais aussi sur la mer et les littoraux, ont beaucoup d'importance à mes yeux.

Je voudrais saluer l'initiative d'Océania 21 parce que je trouve que c'est vraiment quelque chose de très bien et qu'il faut soutenir ce genre de démarches, quels que soient les océans. Je crois qu'il faut qu'on prenne tous conscience ici que si on n'envisage pas la question globalement, on n'arrivera pas à résoudre le problème du réchauffement climatique et des difficultés auxquelles on fait face aujourd'hui, sur les littoraux et dans les outre-mer. Donc si les océans ne vont pas bien, la biodiversité marine n'ira pas bien non plus, de même que la biodiversité terrestre et ses habitants.

Je crois que chacun sait qu'au plus profond de sa campagne, quel que soit le geste qu'il pose, il a un impact sur le climat, sur le réchauffement climatique et toutes ses conséquences. C'est donc le message qu'il faut qu'on porte aujourd'hui. Je veux saluer les initiatives comme ce colloque qui est vraiment très intéressant. Est-il réellement encore nécessaire de convaincre la population du globe des enjeux aujourd'hui et de l'importance de s'engager pour la réussite de la COP21 ? Je voulais souligner que j'étais très contente, hier, lors de la Journée mondiale des Océans, que le ministre Laurent Fabius nous ait annoncé qu'il y aurait une journée consacrée à la mer lors de la COP21. Je pense que c'est une initiative à saluer parce qu'elle est extrêmement importante.

M. Steeven GNIPATE . - Merci. Je cède donc la parole à M. Nicolas Hulot pour la clôture de ce colloque.


* 3 Raviver l'économie des océans - Plaidoyer pour l'action (2015) disponible sur http://www.www.fr

* 4 document annexé au rapport

* 5 http://www.gcft.fr

* 6 Déchets d'équipements électriques et électroniques

* 7 Coalition pour les nations abritant des forêts tropicales (N.D.T.).

* 8 Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradation : réduire les émissions de CO 2 provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts (N.D.T.)

* 9 Projet de défense côtière (N.D.T.)

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