Groupe interparlementaire d'amitié

France-Ukraine (1 ( * ))

30 ans après Tchernobyl : leçons et perspectives

Actes du colloque du 26 avril 2016

Palais du Luxembourg

Salle Vaugirard

M. Hervé Maurey, sénateur de l'Eure,

président du groupe d'amitié France-Ukraine,

M. Oleksandr Dombrovskyi, Président de la Commission de secteur de l'énergie,

de la politique et de sureté nucléaire de la Verkhovna Rada d'Ukraine

(de gauche à droite)

M. Oleksandr Dombrovskyi, M. Hervé Maurey,

S.E. M. Oleg Shamshur, Ambassadeur d'Ukraine en France,

Délégué Permanent de l'Ukraine auprès de l'UNESCO et

M. Jacques Repussard, ancien directeur général de l'Institut de radioprotection

et de sureté nucléaire (IRSN)

Ce document constitue un instrument de travail.

Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat

MOT DE BIENVENUE

S.E. M. Oleg SHAMSHUR, Ambassadeur d'Ukraine en France, délégué permanent de l'Ukraine auprès de l'UNESCO

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Tout d'abord je voudrais remercier M. le sénateur Hervé Maurey, Président de la commission de l'Aménagement du Territoire et du Développement durable du Sénat et surtout Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine du Sénat. Je souhaite également remercier les représentants de l'Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN), en particulier M. Jacques Repussard, Président d'honneur, ancien Directeur général, pour avoir permis que notre rencontre aujourd'hui ait lieu. Je salue également les autres intervenants, M. Benoît Bettinelli, Chef de la mission de la Sûreté nucléaire et de la radioprotection au ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, et Mme Galia Ackerman, historienne et essayiste, auteur de deux livres sur Tchernobyl.

Je suis particulièrement heureux de la présence des représentants ukrainiens, qui sont d'éminents experts sur Tchernobyl. Je salue d'abord M. Oleksandr Dombrovskyi, Président de la commission du secteur de l'Énergie, de la Politique et de la Sûreté nucléaire de la Verkhovna Rada d'Ukraine, et M. Igor Kadenko, Directeur du Centre international de la sûreté nucléaire, chef du département de physique nucléaire de l'Université nationale Taras Shevchenko de Kiev.

Aujourd'hui, le Sénat nous accueille pour parler du sujet complexe qui a laissé un héritage lourd et tragique à l'Ukraine et au monde entier. Les leçons de Tchernobyl sont toujours d'actualité, et ces leçons ne doivent pas être négligées.

L'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl est survenu dans la nuit du 26 avril 1986 et reste considéré comme la plus grande catastrophe nucléaire que l'humanité ait jamais connue. Une explosion s'était produite au quatrième bloc de la centrale, situé seulement à 110 kilomètres de la capitale ukrainienne. L'accident a modifié les perceptions que le monde avait de cette énergie dont on pouvait attendre qu'elle constitue un apport exclusivement pacifique.

Pour des milliards d'habitants de la planète, Tchernobyl a coupé la vie en deux, surtout pour les Ukrainiens. Il y a l'avant et l'après Tchernobyl. Le mot « Tchernobyl » évoque tout à la fois l'amateurisme technocratique et l'héroïsme des liquidateurs. Les conséquences de l'accident ont été graves. Plus de 50 millions de curies de radionucléides [NDLR : le curie est l'ancienne unité de radioactivité] se sont répandus dans l'environnement. Les retombées radioactives ont pollué plus de 8 millions d'hectares en terre ukrainienne. Une zone de sécurité d'un rayon de 30 kilomètres a été créée autour de la centrale et interdite d'accès.

La catastrophe de Tchernobyl a ruiné l'activité normale de notre pays dans de nombreux secteurs. Il ne faut pas oublier que les terres sont souillées, polluées, pour des centaines d'années, et dans le cas des terres polluées au plutonium, elles le resteront pendant des milliers d'années.

Dès les premiers jours après la catastrophe, plus de 100 000 personnes ont été évacuées, et les évacuations ont au total touché environ 300 000 personnes. L'accident a touché douze régions ukrainiennes. Il a bouleversé le monde entier.

Après l'accident, le nuage radioactif a recouvert non seulement l'Ukraine, la Biélorussie et la Russie, mais il a aussi fait deux fois le tour du globe et a laissé des traces sur une partie de la planète, de la Bulgarie au Royaume-Uni et à la France. Tous les pays se sont sentis concernés devant la menace de la radiation, le nombre de victimes recensées en 1987 s'élevait à 2000. En 1995, il atteignait 37 500 personnes. Les cancers de la thyroïde et la leucémie furent les principales maladies causées par le rejet des substances radioactives de Tchernobyl. Mais aujourd'hui, on constate également une augmentation des maladies congénitales chez les enfants ainsi qu'une hausse de la mortalité infantile dans les zones contaminées. En Ukraine, au total 3,5 millions de personnes, dont 1,3 million d'enfants, ont reçu des doses de radioactivité élevée.

Ces chiffres montrent non seulement l'ampleur de la tragédie vécue par le peuple mais aussi la nécessité d'une assistance sociale et médicale adéquate pour les victimes.

La catastrophe de Tchernobyl est devenue aussi un indicateur de la crise du système soviétique. Elle a démontré l'échec du régime totalitaire et a marqué sa fin inéluctable. En dissimulant la véritable ampleur de la catastrophe à la population, le gouvernement soviétique a effectué un blocage sans précédent de toute information fiable.

D'autre part, des centaines de milliers de personnes ont fait preuve de courage en luttant sur le site de la centrale contre les conséquences de l'accident. Il faut se souvenir en premier lieu des pompiers ukrainiens et des liquidateurs. Ils ont payé le prix de leur santé et de leur vie pour sauver des êtres humains.

En marquant le trentième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, nous souhaitons rendre hommage aux victimes de cet accident et garder le souvenir de l'héroïsme des liquidateurs. Aujourd'hui la question la plus importante qui se pose est celle du sarcophage qui contient les débris du combustible nucléaire et des éléments technologiques du coeur du réacteur. Ces débris sont très dangereux.

En juillet 1997, le gouvernement ukrainien et les pays du G7 ont adopté un plan de transformation du site. Il prévoit la construction d'un nouveau sarcophage en béton armé. L'objectif est de stabiliser le sarcophage existant et de le confiner pour isoler les matériaux radioactifs. Depuis septembre 2007, le projet du nouveau « confinement » est réalisé par un consortium français, fondé par Vinci et Bouygues. La mise en exploitation du nouveau confinement est prévue pour le mois de novembre 2017. Pour terminer la construction du nouveau sarcophage, il faudrait 615 millions d'euros supplémentaires. Il est évident qu'il faut réunir les fonds de la communauté internationale pour mener à bien ce projet. Jusqu'à l'achèvement de la construction de ce nouveau sarcophage, la centrale représentera une menace permanente pour la quasi-totalité de l'Europe continentale.

L'élimination des conséquences de la catastrophe devrait prendre une place importante dans le contexte des enjeux actuels dans le domaine de l'écologie. Pour la résolution de ce problème, il faut impliquer des scientifiques de premier rang, de l'Ukraine et du monde entier. Compte tenu de l'expérience acquise en France, en particulier dans le domaine de la physique nucléaire et de la physique appliquée, la coopération française pourrait contribuer favorablement à la recherche scientifique concernant la résolution de ces problèmes.

En tant que partenaire fiable, l'Ukraine entend apporter toute son expertise scientifique afin d'atteindre les résultats qui seront au service de l'humanité toute entière. Nous continuerons de faire de notre mieux, en concertation avec nos partenaires, pour évaluer les conséquences néfastes de Tchernobyl, en dépit des pressions russes qui ont considérablement compliqué la tâche et créé un nouveau défi à l'environnement.

Pour conclure, je veux redire que nous serons toujours reconnaissants envers tous les pays, et notamment la France, et surtout vis-à-vis des volontaires et associations bénévoles qui ont fourni une aide si précieuse pour le peuple ukrainien dans ces épreuves si tragiques. Je vous remercie.


* ( 1 ) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine : M. Hervé MAUREY, Président, M. Thierry FOUCAUD, Vice-président, M. Jean-Yves LECONTE, Vice-président, M. Jacques LEGENDRE, Vice-président, M. Charles REVET, Secrétaire, M. Jérôme BIGNON, Mme Annick BILLON, M. Jean BIZET, Mme Nicole DURANTON, M. André GATTOLIN, Mme Nathalie GOULET, M. François GROSDIDIER, M. Loïc HERVÉ, M. Jean-Claude LENOIR, M. Pierre MÉDEVIELLE, M. Gérard MIQUEL, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, M. Daniel REINER, membres.

_________________________________________

N° GA 140 - Octobre 2016

Page mise à jour le

Partager cette page